Extrait de l'éditorial de
Combattre pour le socialisme n°4 (86) de juin 2001
Le combat réel contre les
licenciements, c'est le combat:
Pour imposer la rupture des dirigeants CGT,
FO,
avec le gouvernement et le patronat;
Pour dicter à la majorité PS PCF
les exigences de la population laborieuse
29 mai: report en
catastrophe du vote de la loi dite de "modernisation sociale"
Une
fois n'est pas coutume. L'examen en seconde lecture d'une loi, celle dite de
"modernisation sociale", aura été l'occasion d'un événement politique
inédit depuis 1997: le gouvernement a dû procéder au report du vote solennel de
ce projet de loi car il n'aurait pas eu de majorité pour l'adopter à
l'Assemblée nationale.
En
janvier, l'ensemble des députés PS et PCF avaient voté cette loi sans
sourciller outre mesure. Mais après les municipales, les plans de licenciements
sont tombés en avalanche, avec d'autant plus de force qu'ils avaient été
délibérément retenus jusqu'à ce cette échéance électorale fût passée. Et
l'indignation qui a une nouvelle fois étreint la classe ouvrière et le
prolétariat a compliqué la tâche aux députés PS et PCF, souvent pris à partie
dans leurs circonscriptions au moment d'examiner une loi dont un volet porte
précisément sur les licenciements.
Aussi
est-ce dans une grande confusion que l'Assemblée nationale a travaillé:
propositions d'amendements modifiant la définition des licenciements inspirés
par le gouvernement puis retirés; amendements de soixante députés PS
restreignant la définition de licenciements rejetés par le gouvernement de la
"gauche plurielle"; guérilla parlementaire du PCF, qui a fini par
annoncer la veille au soir qu'il voterait contre (quoique quelques députés PCF
aient tenu à faire savoir qu'ils s'abstiendraient si le vote devait avoir
lieu).
Mais
il ne faut pas s'y tromper. Ces évènements interviennent après les élections
municipales qui ont montré que les partis bourgeois essentiels pouvaient
espérer gagner les élections de 2002, et lors desquelles, également, le PCF a subi une déroute. Pour de larges
fractions de la bourgeoisie, cet accroc dans la "gauche plurielle"
est même très opportun, et augure bien de la campagne des élections
présidentielles et législatives.
Le
PCF n'entend nullement rompre avec le gouvernement. Pour se garder le maximum
de marge de manœuvre, il avait même délégué Gremetz, pour aller au charbon dans l'hémicycle, se laissant ainsi la
possibilité de le désavouer facilement en cas de besoin. Mais au terme du débat
à l'Assemblée, le gouvernement avait rejeté la totalité des amendements
présentés par le groupe PCF, ne lui laissant d'autre choix que la capitulation
en rase campagne, ou bien la mise en échec du projet de loi gouvernemental.
Hue
a trouvé une solution de dernière minute pour sauver la face (qui plus est à
proximité d'un important congrès du PCF).
Il a écrit à Jospin pour demander un report. Ce délai a été octroyé par
Jospin. De grandes manœuvres pour que cette loi passe dès le 13 juin se sont
engagées.
Ce que veut le prolétariat :
l'interdiction des licenciements, qu'il s'agit d'imposer à la majorité PS-PCF
Les
plans de licenciements qui se sont abattus étaient préparés depuis le début de
l'année. Ainsi à Danone, dès janvier, les salariés du groupe faisaient
massivement grève contre un plan de restructuration tandis que la direction
s'indignait alors de ce que l'on répande des "rumeurs".
Là comme ailleurs, de Moulinex à AOM et Valeo
(entreprises dont l'actionnaire de référence est le baron Seillière) en passant
par Citroën (qui a licencié 1 000 travailleurs à Rennes sans "plan
social": c'étaient des intérimaires).
Mais,
à l'instar des dirigeants syndicaux CGT, FO, FSU, de la fonction publique qui
avaient renvoyé au lendemain des élections les revendications salariales, le
patronat n'a pas voulu "politiser le conflit", selon l'expression de
Blondel. Néanmoins, avec l'avalanche des "plans sociaux", la question
des licenciements s'est de nouveau imposée au premier plan de la scène
politique.
La
revendication immédiate qui exprime le refus du prolétariat d'être réduit à
merci par la succession des plans sociaux, c'est: "interdiction de tous
les licenciements"! C'est, contre la surexploitation, le refus de toute
suppression de poste.
La
première des réponses aux "plans sociaux", c'est dans chacun des
groupes concernés, l'appel à la grève générale par les directions syndicales
du groupe, sur le mot d'ordre du retrait du plan de licenciement. Hors de
ce mot d'ordre, il ne peut s'agir que de négocier les conditions de la
reddition, sans combat réel face au patronat.
Mais
la succession des "plans sociaux" s'est produite au moment même où
l'Assemblée nationale à majorité PS-PCF ré-examine la loi de
"modernisation sociale" et son volet "licenciements". En
découle le mot d'ordre: manifestation en masse à l'Assemblée nationale pour
que les députés PS et PCF décident l'interdiction des licenciements, contre
le gouvernement de la "gauche plurielle", contre le patronat.
Les lecteurs de Cps peuvent aisément se
représenter ce qu'aurait été l'examen de la loi de "modernisation
sociale" en même temps que la grève générale du groupe Danone (dont
l'ampleur de mouvements de grève en janvier dernier a montré la possibilité),
de Moulinex, ou encore la paralysie des aéroports à l'initiative de
travailleurs d'AOM.
Les appareils syndicaux s'y sont opposés. Concernant
AOM, l'AFP rapporte le 22 mai les propos significatifs d'une déléguée
syndicale:
"De
toutes façons, notre difficulté est plus de contenir la colère des
personnels que de la susciter, et les reproches qui nous sont adressés
portent plutôt sur le fait que nous ne soyons pas déjà en grève depuis
longtemps" (nous soulignons).
A Danone, c'est le "boycott citoyen" qui a
été opposé par "l'intersyndicale" aux tâches élémentaires de défense
des travailleurs du groupe. Le "boycott citoyen" de l'intersyndicale
de LU, abondamment relayée par le PCF, la LCR, plonge ses racines dans la
tradition des lobbies américains, celle en Europe des mouvements écologistes ou
de consommateurs, de la petite-bourgeoisie hostile et étrangère au mouvement
ouvrier, parce que ce type d'action, en s'adressant aux
"consommateurs" et à leur conscience individuelle, nie l'existence du
prolétariat, sa lutte de classe.
Contre la loi de
"modernisation sociale"
Une
manifestation à l'Assemblée nationale pour l'interdiction des licenciements
poserait également la question du retrait du projet de loi de
"modernisation sociale". Car quel est en effet son contenu?
En
matière de licenciements, E.Guigou espère sans doute être celle qui mettra
définitivement fin aux "plans sociaux", de la seule manière dont le
gouvernement auquel elle appartient puisse le faire: en les renommant.
En
effet, il s'agirait de les renommer et de les appeler: "plans de
sauvegarde de l'emploi". A ce compte là, il n'y aurait eu aucune
privatisation en France depuis 1997, puisqu'il s'agissait "d'ouvertures du
capital". Ad nauseam.
Pour
le reste du volet "licenciements", le projet gouvernemental se
contente de mettre dans la loi ce qui est ressorti de la jurisprudence des
tribunaux compétents, en matière de reclassement (c'est-à-dire de
cache-chômage), de ré‑industrialisation (ce qui n'est pas non plus
nouveau).
Mais
cette loi ne se limite pas à son volet "licenciements". Elle comprend
en particulier un volet concernant la "validation des acquis
professionnels". La loi met fin, de manière définitive, au monopole de
l'Education nationale sur la délivrance des diplômes. Elle donne au patronat la
possibilité de délivrer ses propres diplômes, sous réserve (formelle)
d'habilitation, sans qu'il soit besoin de passer d'examen, même partiellement.
D'ores et déjà, le gouvernement vient de décréter qu'un titre de meilleur
ouvrier de France "valait" bac+2. Une telle loi ouvre une voie royale
à la délivrance de "diplômes" maison, c'est-à-dire vider de tout sens
le cadre national des diplômes encore existant, qui permettent de monnayer sa
force de travail en fonction de garanties collectives existantes. Et
réciproquement, une telle loi ouvre également une voie royale à la
"professionnalisation" à outrance des diplômes délivrés dans un cadre
scolaire. C'est ce que démontre la "réforme" ECTS sur laquelle le
présent éditorial revient. On se reportera également à l'article sur la
situation enseignante dans le présent numéro de Combattre pour le socialisme.
Enfin,
il ne faut pas négliger que cette loi dite de "modernisation sociale"
instaure des "projets sociaux" obligatoires dans les hôpitaux. Ces
"projets d'établissement"sont le résultat de l'accord de mars 2000
qui y mit alors fin au mouvement de grève. Leur essence est de fournir un cadre
d'association permanent des organisations syndicales des personnels
hospitaliers à la politique de démantèlement et d'étranglement de l'hôpital
public: c'est en effet sur la base de ces projets que des moyens seraient
attribués aux hôpitaux.
Ce que veut Robert Hue…
Donc,
Robert Hue a demandé et obtenu de Lionel Jospin un délai de grâce avant de
plonger. Mais que veut Robert Hue, et avec lui le PCF? Dans la lettre envoyée à
Jospin, il n'est en aucun cas question ni de l'interdiction des licenciements,
ni du retrait du projet de loi de "modernisation sociale".
D'ailleurs, R.Hue s'en défend et proteste. Lors du Collège Executif convoqué en
urgence le 28 mai au soir pour valider la savante manœuvre de la "lettre à
Jospin", Robert Hue mettait les points sur les "i":
"
S’agissant des amendements communistes –préparés avec les organisations
syndicales, notamment la CGT-, ils ne justifient nullement l’accusation de
« surenchère » : aucun ne demande l’interdiction des
licenciements notamment boursiers ni ne propose un droit de veto pour les
comités d’entreprises. Pour l’essentiel, ces amendements précisent la
définition d’un licenciement économique et visent à accorder des garanties
nouvelles aux salariés, en amont des plans de licenciements."
(Info-Hebdo n°49)
Ni
interdiction, ni droit de veto, des "droits nouveaux", voilà son
dernier mot. On comprend qu'il s'étonne de la dureté des temps, du refus par le
gouvernement de tous les amendements en ce sens du groupe PCF à l'Assemblée.
Mais le gouvernement, interprète de la volonté du patronat, n'a même pas voulu
alourdir un peu les procédures administratives de licenciement.
C'est
sur l'axe défini par le PCF qu'a été préparée la manifestation du 9 juin à
Paris à l'initiative de l'intersyndicale de LU-Danone. Un appel adressé
"aux citoyens" à cette manifestation est paru le 5 juin, signé par
200 personnalités représentant le PCF, la "Gauche Socialiste", Les
Verts (tous courants confondus, y compris le libéral revendiqué Cohn-Bendit),
la LCR, SUD, ou encore "François Chesnais, universitaire",
l'inévitable "Léon Schwartzenberg, medecin", avec en prime la
bénédiction de "Jacques Gaillot, évêque". Là encore, pas
question de l'interdiction des licenciements. On y trouve cette seule
revendication:
"combattre
les licenciements (mais comment? – Ndlr) et renforcer les droits et
contre-pouvoirs des salariés face à la dictature des actionnaires et des
marchés financiers."
Des
"droits nouveaux pour les salariés", encore et encore.
Lesquels? Le mieux est pour le savoir de se reporter à ce qu'en dit la
direction confédérale CGT qui est exactement sur la même longueur d'onde.
… ce que veut Bernard
Thibault …
"L'action"
organisée par l'appareil confédéral CGT pour le 22 mai fut un
"modèle" de l'action de bousille, de simulacre de combat. Qu'on en
juge. Appelée dans la division, avec manifestations dans toute la France sans
qu'il y ait systématiquement appel au débrayage, cette journée se traduisait à
Paris par une parodie de manifestation de direction de l'Assemblée nationale.
De
plus la participation à cette journée aura-t-elle été "gonflée" par
la énième grève "hachoir" imposée aux conducteurs des transports en
commun par les appareils de ce secteur pour briser leur réelle volonté de
combattre.
La
suite du programme est dans L'Humanité du 28 mai:
La
CGT - qui sera représentée samedi 9 juin mais n'appelle pas à l'action au
niveau confédéral - annonce également plusieurs initiatives fédérales. Ainsi
dans l'équipement, le 29 mai, dans les Finances le 7 juin, dans la métallurgie
du 11 au 15 juin, dans l'énergie le 19 juin... Le 7 juin, c'est à l'appel de la
FDSU, la CGT, FO, la CFDT, le FSAFI et la CFE-CGC que l'on fera grève dans les
finances. (…)".
Les
moyens employés par la direction confédérale CGT correspondent à la fin qu'elle
poursuit. Un courrier adressé par B.Thibault à la ministre du travail et à tous
les présidents de groupes parlementaires, daté du 7 mai, qui leur annonce la
journée d'action du 22, exprime les demandes de la direction CGT. On ne trouve
dans celles-ci ni l'interdiction des licenciements, ni l'exigence du retrait du
projet de loi de "modernisation sociale".
Les
"propositions" adressées par Bernard Thibault à tous les présidents
de groupes (donc y compris les groupes RPR, UDF et DL) sont les suivantes:
"1.
(…)que des représentants des salariés soient présents, avec voix délibérative,
dans les lieux de décisions des entreprises (Conseils d'Administration et de
Surveillance) afin d'y faire prendre en compte les intérêts des salariés.
2.
(…)restreindre l'utilisation du licenciement économique. La loi doit affirmer
que le licenciement est l'ultime recours, utilisé si les difficultés
économiques sont réelles et sérieuses et appréciées contradictoirement comme
telles.
3.
(…) Les représentants des salariés, les organisations syndicales doivent
pouvoir, avant que les choix de l'employeur soient définitifs : Ø Contester les
motifs du projet de licenciement, Ø Formuler des propositions
alternatives."
Trois
autres points insistent sur l'association des organisations syndicales au suivi
des plans sociaux, le droit à réintégration des salariés en cas de licenciement
injustifié et la suspension des aides publiques aux entreprise qui
délocaliseraient.
Rue de Paris, à Montreuil, au siège de la CGT, selon
le cap tracé par le 46° congrès de la Confédération, au nom du
"syndicalisme de proposition", on ne s'oppose pas aux licenciements,
on en revendique la cogestion.
Associer les organisations syndicales aux conseils
d'administration des entreprises, les lier à la décision des licenciements, les
associer au suivi des plans sociaux, cette ligne est du début à la fin une
injonction adressée aux travailleurs: il faut capituler.
… Et Marc Blondel
De son côté, la direction confédérale de FO s'est
aussi distinguée à l'occasion de l'examen de la loi de "modernisation
sociale". Dans un communiqué signé en commun le 10 mai avec les chrétiens
de la CFTC et la CGC, la direction FO, affirmant qu'elle ne se joindrait pas à
l'initiative de la CGT, le faisait au pire des motifs: la volonté d'interdire
aux travailleurs de se saisir du débat s'ouvrant à l'Assemblée nationale.
" les trois organisations syndicales
conviennent que si des actions communes dans les entreprises concernées par les
plans sociaux sont justifiées, chaque organisation syndicale conserve par
ailleurs ses propres moyens d’action et ses propres revendications.
Les
trois organisations considèrent que la défense des intérêts des salariés
actifs, chômeurs et retraités relève des organisations syndicales, qui ne
doivent pas s’ingérer dans des débats de nature politicienne et réciproquement.
Autrement dit: pas question d'une manifestation à
l'Assemblée nationale.
Néanmoins, le jour même de l'ouverture de ce débat,
la direction FO faisait connaître sa position, avouant ainsi que les
prolétaires ne pouvaient être indifférents à ce qui se tramait. Dans un
communiqué du 22 mai, on lit:
"Pour
Force Ouvrière, le débat sur la définition du motif économique est
incontournable et passe par la traduction dans la loi d'un principe qui
voudrait que les suppressions d'emplois n'aient un caractère économique que si,
à défaut de restructurations, la survie de l'entreprise est en péril.
Il
s'agit de différencier les licenciements économiques réels, des licenciements
"spéculatifs".
Heureux hasard, ce souhait des dirigeants Force
Ouvrière allait être traduit sous la forme d'un amendement proposé par Yann
Galut, de la "Gauche Socialiste" et soutenu par 50 députés PS, visant
à supprimer de la définition des motifs de licenciements l'adverbe "notamment"
pour restreindre l'emploi des licenciements en évitant les dits
"licenciements boursiers", sur lesquels nous reviendrons.
La question clé: le front
uni des organisations syndicales ouvrières
contre le gouvernement et sa politique
Ainsi
donc, au parlement, les députés PS et PCF ont repris à leur compte la politique
prônée par les dirigeants CGT et FO. C'est logique. Depuis 1997, le
gouvernement n'a vu la mise en œuvre de sa politique entravée que lorsque les
dirigeants CGT et FO n'ont pu la prendre en charge.
Ainsi, aux finances, en mars 2000, les négociations
sur le plan de restructuration du ministère furent-elles rompues par l'ensemble
des fédérations tandis que la fédération FO des impôts appelait à la grève
générale. Alors que la grève générale de l'enseignement public menaçait, alors
que les députés PS étaient directement pris à parti par les travailleurs des
finances, le gouvernement devait retirer son plan.
Puis le refus des directions confédérales CGT et FO
de signer la nouvelle convention UNEDIC a posé de sérieux problèmes au
gouvernement pour valider le PARE, ce qu'il n'a pu faire, après des mois
d'attente, que lorsque des signes clairs sont venus des directions confédérales
indiquant qu'ils laisseraient faire (voir plus loin dans cet éditorial et le
précédent numéro de CPS).
Dans la fonction publique, le refus unanime des
fédérations de fonctionnaires de signer un accord salarial pourri avec le
gouvernement a une nouvelle fois compliqué la situation pour celui-ci. Mais les
dirigeants CGT, FO et FSU, et avec eux leurs prétendus "opposants"
ont mis sous le boisseau le combat en défense du pouvoir d'achat.
Enfin, l'ampleur des manifestations du 25 janvier
dernier pour le droit à la retraite à 60 ans, contre le projet du Medef en matière
de retraite complémentaire, est une suite du refus des dirigeants confédéraux
CGT et FO d'accepter le nouveau régime du Medef. Par ricochet, ces
manifestations, malgré le caractère éclaté et limité qui leur avait été donné
par les directions syndicales, ont vraisemblablement repoussé les projets du
gouvernement en matière d'allongement d'âge de la retraite, notamment dans la
fonction publique.
Sur
la question des licenciements, la position des directions confédérales CGT et
FO est déterminante. Leur imposer de rompre avec le gouvernement, avec le
patronat, c'est leur imposer de se prononcer pour l'interdiction des
licenciements. Pour une manifestation nationale de centaines de milliers de
travailleurs à l'Assemblée nationale pour imposer cette revendication à la
majorité PS-PCF.
Que
l'intersyndicale LU-Danone ait pris l'initiative de convoquer (avec
l'intersyndicale de Marks et Spencer) une réunion ouverte ayant pour but de
mettre sur pied une "manifestation nationale contre les licenciements",
le 9 juin posait objectivement la question d'un tel combat.
Manifestation du 9 juin :
une impasse
C'est
à cette aune que l'on peut juger de quoi il s'agit avec la manifestation
décidée dans les réunions convoquées par l'intersyndicale Danone: une
protestation platonique et inoffensive. Le cortège fera le parcours
"République-Nation", tournant même physiquement le dos à l'Assemblée
nationale et à la majorité PS PCF.
Son
mot d'ordre "tous ensemble contre les licenciements" ne pose
pas la question de l'interdiction des licenciements, sans parler de celle du
retrait de la loi de modernisation sociale.
Autrement
dit, ceux des manifestants qui viendront à cette manifestation pour exprimer
leur volonté que les licenciements soient réellement combattus en seront pour
leur frais.
Aucune
des confédérations ouvrières (CGT et FO) n'appelle à participer à cette
manifestation, qui sera celle du PCF, de LO et de la LCR. Et aucune de ces
forces ne se situe sur le terrain du combat pour en finir avec le gouvernement
et sa politique.
Lutte
Ouvrière par exemple parle fort, mais c'est pour dire la même chose que les
appareils. Arlette Laguiller entend " imposer au gouvernement de
prendre d'autres mesures", ainsi qu'elle l'a rappelé le 3 juin lors de
la fête de LO. Comment peut-on prétendre que le gouvernement
Jospin-Gayssot-Voynet-Schwartzenberg, qui a plus privatisé que Chirac-Juppé,
validé le PARE de Seillière-Notat, battu le record toutes catégories des
subventions au patronat, pourrait changer de politique? Il faut vraiment se
refuser à mettre son existence en cause pour affirmer de pareilles sornettes!
Parmi
les mesures-phares du programme de Lutte Ouvrière, la "réquisition des
entreprises qui licencient et font des bénéfices". Bien que ne l'ayant
pas signé, A.Laguiller et les siens sont en harmonie avec l'appel des 200
personnalités signé par tous les autres initiateurs de la manifestation. Cet
appel indique qu'il veut combattre les licenciements de "convenance
boursière". Ajoutons la position sus-mentionnée de la direction
confédérale FO et celle de la direction confédérale CGT, et l'on mesurera
l'unanimité de ce mot d'ordre. Pas étonnant.
Au nom du refus des
"licenciements de convenance boursière", défense du mode de
production capitaliste
Au
delà de la touchante confiance dans les comptes présentés par les groupes
capitalistes dont est présupposée la véracité alors que le contraire est la
règle, que signifie le refus des "licenciements boursiers"? Tout
licenciement est le fait des détenteurs du capital d'une entreprise, que ce
capital soit côté en bourse ou non. Le seul moyen sérieux d'empêcher les
capitalistes de licencier, c'est de les exproprier.
Holà,
holà ! s'écrieront les bureaucrates de tout horizon. Il n'en est pas question!
Prenons par exemple un document d'ATTAC "contre les licenciements de
convenance boursière", qui a reçu l'imprimatur des dirigeants CGT et FSU
qui portent ATTAC sur leurs épaules. Ce document, présenté le 3 mai à
l'Assemblée, dit:
"Certes,
le droit de la propriété capitaliste implique celui d’embaucher et de
licencier. La question est de savoir jusqu’à quel point. Nous voulons, quant à
nous, que le licenciement devienne l’ultime recours, une fois épuisées toutes
les autres possibilités pour garantir la survie de l’entreprise. Il importe
donc, comme dans les rouages financiers, de jeter quelques grains de sable dans
l’engrenage des licenciements de convenance boursière"
"Jeter quelques grains de sable",
vraiment, et pas plus, quelle haute ambition… Voilà quel est en fait l'objectif
des appareils (en l'occurrence CGT et FSU): persuader le prolétariat, la
jeunesse, que rien n'est possible sinon jeter du sable. Voilà pourquoi on parle
de "licenciements boursiers", de "mondialisation". Il
s'agit d'escamoter que les licenciements répondent à la nécessité pour le mode
de production capitaliste de faire fonctionner les moyens de production (y
compris la force de travail) à un certain taux de profit, nécessité dont la
concurrence se charge d'être l'aiguillon.
L'appel des 200 "personnalités" pour le 9
juin écrit dès sa première phrase:
"La
vague actuelle de licenciements et de suppressions d'emplois, qui suscite une
légitime indignation met en lumière la nouvelle réalité du capitalisme dans le
contexte de la globalisation financière."
Mensonge. Il n'y a nul besoin de recourir à une
"réalité nouvelle du capitalisme" pour comprendre la vague actuelle
de licenciements, qui répond aux mêmes ressorts que toutes celles qui ont eu
lieu depuis des décennies. C'est la même réalité que celle qui fit s'abattre
des vagues de licenciements sur des bastions de la classe ouvrière en France
tels les mines, la sidérurgie, la métallurgie: celle du capitalisme, sans qu'il
soit question de "globalisation". Point n'est besoin de
"nouvelle réalité" pour se souvenir des licenciements par millions
qui suivirent la grande crise de 1929.
Tout est lié. "Nouvelle réalité du
capitalisme", "globalisation" sont autant de paravents pour
masquer l'origine du problème: la propriété capitaliste, et le gouvernement
Jospin-Gayssot-Voynet-Schwartzenberg, gouvernement de la "gauche
plurielle" qui la défend.
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