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Article paru dans CPS n°34 de septembre 2008

En difficulté en Afghanistan,
la coalition impérialiste étend sa guerre au Pakistan


Le correspondant du Monde en Afghanistanaeffectué ce constat dans l'édition du 15/9/2008:
« La guerre en Afghanistan s'est étendue sur le sol du pays voisin, le Pakistan. Un véritable nouveau front s'est ouvert de l'autre côté de la frontière afghane, à l'Est, dans cette région semi-autonome, régie selon la loi de l'ancienne colonie anglaise, et connue sous le nom de « zones tribales » »
Le Pakistan est, de fait, emporté dans la spirale dévastatrice qui sévit depuis des années en Afghanistan: en août, le dictateur Musharraf a été contraint de démissionner sous de multiples pressions. La Province Frontière du Nord-Ouest, limitrophe de l'Afghanistan, est en proie à une guerre entre les factions islamistes et l'armée pakistanaise, aiguillonnée par l'armée américaine. Dans le reste du pays, les attentats se succèdent à un rythme échevelé – culminant, le 20 septembre dernier à Islamabad, dans ce que le quotidien local Daily Times a qualifié de « 11 septembre du Pakistan ».
L'article sur le Moyen-Orient publié dans CPS n°31 annonçait déjà le développement d'une telle situation de crise au Pakistan, en lien avec les difficultés rencontrées par les troupes d'occupation de l'Afghanistan voisin: difficultés qui conduisent Washington à exercer une pression toujours plus forte sur Islamabad.
De l'autre côté de la frontière, en effet, la coalition se montre incapable d'empêcher un retour en force des talibans et l'effondrement de l'« Etat » afghan fantoche. L'administration Bush multiplie donc annonces de renforts et appels à contribution auprès des autres pays de la coalition. Six mois après l'expédition de milliers de troupes – dont des centaines de soldats français dépêchés par Sarkozy – un plan américain prévoyant le redéploiement progressif de 10000 hommes supplémentaires, qui seraient retirés d'Irak pour rejoindre l'Afghanistan, a été ébruité par la presse. Ce qui en tous cas annonce une intensification des bombardements et des combats, de part et d'autre de la frontière pakistano-afghane.

Dans cette campagne, Bush est assuré de ne pas manquer d'appuis en Amérique: le candidat démocrate à la présidence, Barack Obama, a fait du bombardement du Pakistan un de ses chevaux de bataille. Unie dans sa sale guerre, la bourgeoisie américaine, ses alliés, parmi lesquels le gouvernement Sarkozy-Fillon, menacent d'étendre toujours plus le chaos sanglant dont ils portent, depuis six ans, la responsabilité.


Sous la pression des talibans, l' « Etat » afghan en débâcle


Enclenchée après les attentats du 11 septembre 2001, l'invasion militaire de l'Afghanistan avait été conçue par l'administration Bush comme une démonstration de force. L'Afghanistan ne constituait pas pour Washington un but en soi, mais un moyen d'établir sa présence militaire dans une région où jamais auparavant il n'avait pu s'installer - aux portes de l'ex-URSS et de l'Iran. Il s'agissait également de poser la première pierre d'un « Grand Moyen Orient » à sa botte, dont l'invasion de l'Irak allait constituer le chapitre suivant. Il n'avait pas fallu longtemps à la coalition impérialiste pour vaincre la horde moyenâgeuse des talibans et proclamer un « gouvernement » fantoche, adoubant tant les chefs de l' « Alliance du Nord » que de prétendus « talibans modérés » sous la houlette d'un ancien agent de la CIA, Hamid Karzaï.

Depuis deux ans, pourtant, la guérilla contre les troupes d'occupation a repris à grande échelle, frappant désormais toutes les régions, multipliant des initiatives toujours plus humiliantes pour la coalition. Au printemps 2006, les talibans ont lancé une offensive depuis le Pakistan, ne s'arrêtant qu'aux portes de Kandahar. Seuls, les bombardements massifs qui ont suivi, dans la pire tradition militaire américaine, ont alors mis fin à cette avancée. Les talibans n'en ont pas moins, depuis, assuré leur contrôle sur plusieurs zones et multiplié les opérations jusqu'aux portes de Kaboul ou à proximité des bases de l'OTAN, atteignant en 2008 une intensité sans précédent. Le ravitaillement militaire en provenance du Pakistan est, quant à lui, largement intercepté et détourné depuis l'été – ce qui a contraint la coalition à négocier un accord de contournement avec la Russie.
Les talibans ne seraient pourtant qu'une menace limitée s'ils n'étaient aidés par des circonstances éminemment favorables – à commencer par le caractère largement fictif de l' « Etat » croupion. Le reporter du Monde l'a lui-même observé, en février dernier: « on voit mal comment le gouvernement de Kaboul pourra un jour assumer seul l'entretien d'une armée qui devrait atteindre 80 000 hommes. » - cette armée coûtant 5 milliards de dollars annuels aux Etats-Unis, quand l' « Etat » afghan engrange péniblement 800 millions par an.Un rapport du gouvernement américain estime en outre, selon le New York Times (28/6/2008) que « seules deux des 105 unités de l'armée - et pas une seule unité de police » seraient « totalement compétentes »...
De fait, le « gouvernement afghan » repose sur deux piliers: l'occupation militaire du pays et la collaboration des chefs de guerre. Or, ces derniers sont moins que jamais disposés à se plier aux injonctions de la coalition. Le journal Asia Times Online expliquait fin août:
« Outre les talibans, des alliances locales conclues entre chefs de guerre et anciens commandants moudjahidin contre l'OTAN ont donné un nouveau souffle au mouvement insurrectionnel, étendant la rébellion à de nombreuses nouvelles régions afghanes (...) Selon un haut responsable afghan récemment démis de ses fonctions, beaucoup des « nouveaux » insurgés sont en fait d'anciens sympathisants et alliés du Hezb-i-Islami (HI) de Gulbuddin Hekmatyar, ex-leader des moudjahidin et chef de guerre. Ces hommes avaient été incités à passer dans le camp américain par diverses gratifications – emplois, argent ou postes politiques (...) Mais, depuis que la rébellion talibane s'est fermement implantée dans le sud du pays, l'autorité du gouvernement a fondu comme neige au soleil et les paysans ont été autorisés, et même encouragés, à cultiver le pavot. ».
Les grandes puissances impérialistes coalisées sont capables de détruire n'importe quel Etat au monde: pas plus en Afghanistan qu'au Moyen-Orient, elles ne sont capables d'ériger un Etat colonial solide. Moins que jamais, il n'est possible à Bush et consorts d'affranchir la coalition des opérations de guerre.


La « reconstruction »: un écran de fumée pour couvrir les manoeuvres guerrières


Conscients de l'image pitoyable qu'offre l'Afghanistan, après six ans d'occupation militaire, et désireux d'étouffer le rejet de leur participation militaire à l'occupation, les dirigeants des grandes puissances chantent aujourd'hui les louanges de la « reconstruction »: s'ils participent à la boucherie afghane, ce serait  mûs par le désir d'offrir aux afghans les milliards qu'ils arrachent aux travailleurs de leurs propres pays. Le gouvernement Sarkozy-Fillon a ainsi pris l'initiative, le 12 juin dernier, d'une conférence « de soutien à l'Afghanistan » saluée en ces termes par Kouchner: « Quelque chose a changé: c'est une nouvelle inclinaison de la politique internationale dans ce pays ». L'ONU a à cette occasion été appelée à « jouer un rôle qu'elle n'a encore jamais eu à ce jour » en Afghanistan(Le Monde du 14/6/2008).
Depuis que la colonisation existe, les colons se sont toujours prévalu d'intentions « progressistes ». Mais le bilan de six ans d'occupation militaire de l'Afghanistan éclaire ce qu'il en est des prétendus mécènes. Les records ne manquent pas: celui du plus grand nombre de bombardements (2100 lors du second semestre 2006, soit 10 à 15 par jour), des victimes civiles de l'aviation américaine (officiellement des centaines... sans doute beaucoup plus), de la production d'opium (92% de la production mondiale en 2007 - deux fois plus qu'il ne s'en écoule sur la planète), et du nombre de réfugiés (plus de 3 millions d'entre eux s'entassant le long des frontières avec l'Iran et le Pakistan). 40% de la population est au chômage, un quart menacé de famine, alors que 80% des puits sont asséchés et que le prix des denrées alimentaires a doublé en trois ans. Des millions d'enfants sont privés de scolarité – à commencer par les filles, dont les écoles brûlées par les talibans sont rarement reconstruites par le « gouvernement islamique »... A Kaboul même, les habitants les mieux lotis disposent de quelques heures d'électricité par jour. Jamais la condition des masses afghanes n'a été pire que sous la tutelle impérialiste.

Quid, alors, de l' « aide internationale »? L'agence humanitaire Oxfam a établi que 70% des sommes collectées n'atteignait jamais l'Afghanistan, « disparaissant » en dessous de tables divers. Quant à la part dont disposent effectivement Karzaï et sa suite, le Monde du 20/9/2008 fournit un exemple de ce à quoi il est employé: «Pour s'allier certains groupes des zones tribales pakistanaises transformées en sanctuaire des talibans et d'Al Qaïda, le président Karzaï a remis en place le versement de pensions à certaines tribus du Waziristan (zone tribale au nord du Pakistan, ndlr) ». Profiteurs de guerre des métropoles impérialistes, politiciens véreux, chefs de guerre, talibans reconvertis: pour la bourgeoisie et ses partenaires, charité bien ordonnée commence par soi-même.

Rompus à camoufler par des trousses de secours l'artillerie employée lors des guerres de rapine, le très « humanitaire » ministre Kouchner et ses semblables s'ingénient à occulter, au nom de la « reconstruction », la guerre de destruction permanente que Bush, Sarkozy et consorts mènent au compte de leurs intérêts.


Une armée de déclassés


À de nombreux égards, l'impérialisme américain peut être considéré comme le démiurge du « terrorisme » qu'il prétend combattre.

D'où viennent les nouveaux talibans? C'est depuis les zones montagneuses dites « à administration tribales », aux confins du Pakistan et de l'Afghanistan, au sein de la Province Frontière du Nord Ouest, qu'ils ont lancé leur offensive en 2006 – tout comme ils sont partis, en 1994, à la conquête de Kaboul. Les tribus pachtounes d'où les talibans sont issus, présentes de part et d'autre de la frontière, y sont largement majoritaires. En outre, ces zones, largement autonomes, accueillent de longue date les bases arrière de nombreuses factions islamistes.
Cependant, les talibans sont repartis de rien, ou presque. Un reportage publié le 1/2/2008 par le Monde sur leur principal dirigeant actuel, Baitullah Mehsud, affirme qu'avant 2005, cet homme avait « 20 à 25 hommes avec lui »... alors qu'il disposerait aujourd'hui de 20000 combattants. C'est que la politique de l'impérialisme dans la région fournit des réserves de  recrues presque illimitées. Des réfugiés afghans se massent en effet au nord du Pakistan, où des centaines de milliers d'habitants, en particulier des jeunes, sont privés de ressources: « 80 000 jeunes de 18 à 25 ans sont sans travail dans le seul Waziristan alors que 200 000 sont disponibles dans les zones tribales »... Le secteur fournit en outre un point de passage privilégié pour le trafic de drogue, d'où provient l'argent permettant de lever de petites armées de moudjahidin déclassés et fanatisés. Quant aux agents recruteurs de ces combattants, le meilleur d'entre eux est aujourd'hui la haine des grandes puissances, fauteuses de mort et de misère.

Mais cela même n'explique pas tout: pourquoi le Pakistan et non l'Iran, lui aussi submergé de réfugiés aux abois?
La réponse est que, depuis trois décennies, l'Etat pakistanais accueille en toute connaissance de cause des bases islamistes que Washington et Riyad lui ont permis de développer.


Washington crée les « moudjahidin »... puis fait la guerre aux « talibans »


En 1979, l'invasion de l'Afghanistan par l'Union soviétique a fourni à la Maison Blanche une opportunité d'enliser l'armée russe dans un bourbier sanglant. La dictature pakistanaise de Zia ul-Haq est alors devenue, pour une décennie, le troisième bénéficiaire mondial des subventions militaires américaines. Par le biais des services secrets pakistanais – l'ISI, érigée en médiateur incontournable – des armes et des fonds américains ont afflué vers les camps des moudjahidin alors surnommés « freedom fighters ». Financées par l'Arabie saoudite, des madrasas (écoles coraniques), accueillant par milliers des enfants pauvres, ont constitué des lieux de recrutement privilégiés, les « diplômes » de ces écoles permettant en outre de postuler dans l'armée et dans la fonction publique. L' « islamisation » de l'Etat et du pays était alors le maître mot de la dictature. Et l'administration Reagan se montrait d'une remarquable complaisance vis-à-vis des recherches nucléaires du Pakistan...
A l'orée des années 90, une fois partie l'armée soviétique – et comme se disloquait l'URSS – l'impérialisme américain a laissé tomber ses anciens protégés. Les enfants terribles de Washington au Pakistan et en Afghanistan n'en ont pas moins continué de croître, substituant à la manne américaine le trafic de drogue. Le Pakistan faisait usage des moudjahidin pour ses intérêts propres, sur le front afghan comme dans la région du Cachemire, contestée à l'Inde – l'ISI restant l'agent de liaison entre ces factions et l'Etat major, en même temps que le propriétaire de nombreux laboratoires de transformation de l'opium... C'est pour installer à Kaboul un régime « ami » qu'a été lancée en 1994, depuis le Pakistan, avec la bénédiction du premier ministre Benazir Bhutto, l'armée des talibans – sans que Washington ait crié au scandale. En 1998, c'est sous la direction de Pervez Musharraf, alors chef des armées, qu'avaient été organisées des manoeuvres d'infiltration du Cachemire indien par des milliers de combattants islamistes, avec pour résultat des affrontements sanglants... et les premiers essais nucléaires de part et d'autre de la frontière.
Mais en 2001, le changement de politique de l'impérialisme américain a placé l'Etat pakistanais dans une situation embarrassante: sa puissance de tutelle, qui est également son premier partenaire économique, s'en prenait à ses poulains afghans. Il voyait à nouveau affluer les subventions américaines... à condition qu'il éliminât les foyers islamistes développés depuis trente ans sur son sol. Incapable de s'opposer aux diktats de Washington, l'armée pakistanaise ne peut s'exécuter sans être profondément ébranlée – tant les liens tissés avec les factions islamistes sont complexes et étroits. D'autant plus que les pachtounes, de tradition guerrière, occupent à côté de la majorité pendjabie une place significative dans l'armée.


L'éviction de Musharraf: expression d'une crise dans l'Etat


Le 18 août, le président-dictateur du Pakistan, Pervez Musharraf, était poussé à la démission par les deux principaux partis politiques du parlement: le Parti du Peuple Pakistanais, de la défunte Benazir Bhutto, et la Ligue Musulmane du Pakistan de Nawaz Sharif, qui menaçaient de le destituer. Un vote indicatif, effectué dans ce sens au sein des quatre assemblées provinciales du pays – avec des votes favorables allant de 90% à l'unanimité – montrait qu'un large consensus existait en faveur de cette éviction.
Dans tout le pays, les masses pakistanaises ont accueilli la nouvelle par des manifestations spontanées et joyeuses, des chants et des danses. La proclamation de l'état d'urgence en 2007,  l'éviction du président de la Cour Suprême pour permettre une « réélection » illégale, la volonté acharnée du dictateur de garder le pouvoir à tout prix avaient galvanisé la haine des masses: la mort de Benazir Bhutto avait été suivie de manifestations et d'émeutes mettant en cause le dictateur, en janvier 2008, puis en février de la débâcle électorale de tous les partis liés à la dictature; en juin, des dizaines de milliers d'avocats étaient entrés à Islamabad au cri de « Pendez Musharraf ». Vomi de la base  aux « sommets » de la société pakistanaise, incapable d'empêcher la démultiplication des attentats dans le pays (au rythme moyen d'un ou deux par semaine), voyant son autorité laminée dans ses propres rangs, Musharraf était devenu un boulet politique dont il fallait se délester.

Il n'était pas non plus le partenaire rêvé pour Washington – quand bien même Bush l'avait qualifié de « meilleur allié dans la lutte contre le terrorisme ». Parvenu au pouvoir deux ans avant le 11 septembre grâce à un coup d'Etat militaire, formé à l'époque de l' « islamisation », Musharraf  ne pouvait se plier aux injonctions de l'administration Bush sans fragiliser les assises sur lesquelles reposait son pouvoir. Début 2008, conscient de sa fragilité, Washington avait exigé et obtenu qu'il fût remplacé à la tête de l'armée par un officier bien en cour – le général Kayani. Le départ de Musharraf n'en est pas moins révélateur d'une situation de crise que Washington souhaitait moins que toute autre chose.


Le Pakistan: Etat artificiel et militaire


Musharraf a été remplacé, le 6 septembre, par le dirigeant du premier parti parlementaire du pays, le Parti du Peuple du Pakistan, Asif Ali Zardari, élu par la majorité de 702 « grands électeurs ». La presse a globalement salué l'avènement de Zardari comme un « retour au pouvoir civil » et une « démocratisation » du Pakistan. Il s'agit d'une supercherie. L'armée a toujours occupé et occupe encore le rôle central dans la vie politique, qui se résume depuis soixante ans à une alternance de dictatures et d'épisodes « parlementaires » -  les élus n'ayant de marge de manoeuvre qu'à partir du moment où ils n'entrent pas en contradiction avec les intérêts fondamentaux de l'état-major. L'armée contrôle également une part importante de l'économie, s'arrogeant un tiers du PNB et les trois quarts du budget de l'Etat. Forte de plus de 600 000 hommes, elle joue aussi, dans le monde entier, en particulier au Moyen-Orient, le rôle de chair à canon autrefois dévolu aux supplétifs coloniaux des armées impérialistes, de garde rapprochée des roitelets et de soutien des pires dictatures. On compte au Pakistan neuf militaires pour un seul médecin, et trois militaires pour deux enseignants!

L'Etat pakistanais est un Etat artificiel, chroniquement instable, qui ne tiendrait pas un seul jour sans la place disproportionnée de l'armée. Cet Etat a été créé par l'impérialisme anglais contre les masses et les peuples du sous-continent indien. L'organisation qui a inspiré sa création – la Ligue musulmane – était, du temps des Indes britanniques, un instrument de division au compte de la métropole. Le 16 août 1946 – alors que la faiblesse de l'impérialisme anglais et l'activité des masses indiennes rendaient le départ des colons inévitables – cette Ligue a pris l'initiative d'affrontements sanglants entre communautés, offrant à Londres l'opportunité d'effectuer sa « médiation » et de tracer en 1947, à la va-vite, les frontières de deux Etats rivaux: le Pakistan (alors constitué de deux fractions distantes de 1500 km, dont l'une deviendra en 1971 le Bangladesh) et l'Inde. La Grande Partition provoque l'exode de 10 millions de personnes de part et d'autre et des centaines de milliers de morts.

Dressé dès son origine contre l'Inde, l'Etat pakistanais n'a plus cessé depuis lors d'entretenir une relation belliqueuse avec son voisin – notamment pour le contrôle du Cachemire. Mais il existe aussi de multiples tensions intérieures. Les questions nationales n'ont jamais été réglées: l'armée, soumettant les minorités, s'est très vite imposée comme l'instrument de la classe dominante pendjabie, alliés au gré des circonstances aux chefs tribaux ou féodaux de tel ou tel peuple (sindhis, pachtounes, baloutches...). Ces derniers exploitent à leur compte les revendications nationales – réclamant une place accrue au sein de l'appareil d'Etat ou une plus grande autonomie au gré des circonstances politiques. Il n'est pas un grand parti qui ne soit lié, en dernière analyse, à une fraction nationale de la classe dominante ou à une communauté (comme celle des mohajirs, descendants des émigrés venus d'Inde, majoritaires à Karachi). Au nord et à l'ouest, les peuples pachtoune et baloutche ont été artificiellement disloqués par des frontières tracées au XIXè siècle, ce qui est à l'origine de conflits récurrents. S'y ajoute l'oppression des minorités chrétienne et hindoue, facilitant leur surexploitation, et l'antagonisme entre les sunnites et la minorité chiite – alimenté par la politique religieuse de l'Etat, mais aussi exploité par l'Iran et l'Arabie saoudite.

Last but not least: historiquement divisée, faible et arriérée, flanquée d'éléments archaïques (propriétaires terriens de type féodal, chefs tribaux) ou mafieux, la bourgeoisie pakistanaise ne peut se maintenir à la tête d'un pays fort de 169 millions d'habitants sans l'écrasante tutelle d'une armée gigantesque et parasitaire, étroitement dépendante de l'impérialisme. Or, c'est ce pilier de l'Etat pakistanais que la guerre actuelle au nord du pays risque d'entamer – conduisant à la libération des forces centrifuges et à une situation chaotique.


Zardari n'a aucun pouvoir sur l'armée


En lieu et place d'une « démocratisation », c'est bien au contraire une situation de faiblesse  qu'exprime l'accession au pouvoir de Zardari. Certes, le Parti du Peuple Pakistanais, dont ce milliardaire véreux a littéralement hérité après la mort de son épouse Benazir Bhutto, a depuis sa création toujours été d'un précieux secours pour l'armée, dans les périodes où cette dernière était incapable d'installer un pouvoir fort, en détournant par son populisme les masses pakistanaises de la lutte contre l'Etat pakistanais. Aujourd'hui cependant, la manoeuvre risque de faire long feu à très court terme.

Contrairement à Benazir Bhutto, qui à la faveur de l'exil et de la dictature avait retrouvé une certaine popularité auprès des masses, Zardari est presque aussi haï que son prédécesseur: la rue pakistanaise l'a surnommé « monsieur 10% », en référence aux commissions régaliennes qu'il s'octroyait du temps que son épouse était au pouvoir. Zardari est en outre personnellement responsable de la rupture entre les deux partis majoritaires du parlement – le PPP et le PML de Nawaz Sharif – réduisant d'autant la marge de manoeuvre de son gouvernement: effrayé à l'idée que la Cour Suprême lève une amnistie négociée auprès de Musharraf (il a trempé dans des affaires de corruption, d'escroquerie, de meurtre...), il a freiné autant que faire se pouvait le retour des magistrats évincés par l'ex-dictateur... Il n'est pas jusqu'à certains dirigeants du PPP qui n'aient, dans la période récente, exprimé leurs divergences avec ce parvenu – en particulier lors de la « grande marche » des avocats qui a secoué le pays jusqu'en juin 2008.

Deux jours avant son élection, Zardari avait publié dans le Washington Post une tribune ayant valeur d'acte d'allégeance auprès de la Maison Blanche, promettant de « combattre et de vaincre l'insurrection intérieure des talibans et de s'assurer que le territoire pakistanais n'est pas utilisé pour lancer des attaques terroristes contre [les] voisins ou les forces de l'OTAN en Afghanistan ». Mais le gouvernement n'a aucune emprise sur l'armée: une tentative de soustraire l'ISI à la tutelle de l'armée, en juillet, a ainsi avorté trois jours après avoir été annoncée, tant l'opposition des généraux avait été énergique...


Déchirements au sein de l'armée pakistanaise


L'hebdomadaire The Economist affirmait dans son édition du 20 septembre: « l'Amérique et le Pakistan le nient tous les deux, mais il apparaît que, le 15 septembre, ils se sont livré une petite guerre. »  À cette date, en effet, les troupes régulières pakistanaises – dont les officiers doivent largement leur solde aux subventions américaines – ont repoussé une tentative d'incursion de troupes américaines venues d'Afghanistan et appartenant à la force de l'OTAN. Cette escarmouche en dit long sur les tensions qui traversent l'appareil d'Etat pakistanais.

Depuis le début de l'été, les violations de l'espace aérien pakistanais par les avions et les drônes de l'opération « Enduring freedom » se sont multipliées – tuant à l'occasion des civils ou des militaires. C'est Bush lui-même qui, selon le New York Times du 11/9/2008, a permis qu'elles aient lieu chaque fois que nécessaire... le Pakistan devant simplement en être informé. Pour tout Etat qui ne serait pas à la botte de Washington, cela équivaut à une déclaration de guerre. Mais même au Pakistan – et quand bien même le Monde révélait le 10 septembre que des accords secrets existaient entre le Pentagone et Musharraf au sujet des frappes – ces opérations aériennes ont de profondes conséquences.
À l'origine de ces frappes, il y a les difficultés rencontrées, dans les zones tribales, par l'armée pakistanaise. Depuis 2005, l'administration Bush a régulièrement exigé et obtenu que soient attaqués les bastions talibans au Pakistan: chacune des offensives ordonnées par Musharraf s'est traduite, cependant, par des centaines de morts de part et d'autre, avant de se conclure en armistice. Les élections de février dernier ont, certes, abouti à la marginalisation des partis islamistes, traduisant la haine des masses à leur endroit, mais c'est le parti pachtoune ANP qui a pris les commandes du gouvernorat... et ouvert aussitôt des négociations avec les talibans. La guerre, que chacun sait ordonnée par Washington, est moins populaire encore que les fanatiques religieux. La fureur du Pentagone, seule, a donc conduit l'armée pakistanaise à reprendre les combats fin juin.
Loin d'avoir été mis en déroute jusqu'à maintenant, les talibans ont au contraire assailli à plusieurs reprises des postes de sécurité de l'armée pakistanaise. Des zones tribales du Sud Waziristan et du Nord Waziristan, où les combats ont commencé il y a trois ans, le front s'est étendu à la vallée de Swat puis au district de Khyber, où passait le ravitaillement de l'OTAN. Plus de 150 chefs tribaux, accusés de collaborer avec Islamabad, ont été éliminés, privant les militaires d'appuis locaux. Les soldats sont profondément démoralisés: au début de l'année, plus de 500 d'entre eux se sont d'eux-mêmes constitués prisonniers des talibans, qu'ils refusaient de combattre.

Malgré plusieurs purges, l'ISI reste dans la ligne de mire de l'administration Bush. Le Friday Times de Lahore expliquait au début du mois de juillet que, depuis deux ans, « d'anciens officiers des forces armées pakistanaises, ainsi que des vétérans du djihad au Cachemire, formés par la cellule Inde des services secrets pakistanais (ISI) ont rallié en grand nombre les camps d'entraînement du Waziristan (...) Ils étaient mécontents du tournant pris par la politique pakistanaise ». Le fait que les bombes explosent aujourd'hui jusqu'au centre de la capitale montre qu'à l'évidence, les islamistes disposent d'appuis et d'une logistique leur permettant de frapper où ils le souhaitent.

Les subventions militaires américaines, qui étaient déjà de 75 millions de dollars en 2001, sont montées à 12 milliards pour permettre le déploiement, face aux talibans, de 120 000 militaires pakistanais. Cette somme gigantesque ne semble plus même suffire à anesthésier l'opposition croissante aux exigences américaines: même Zardari et le général Kayani, chef des armées, ont été contraints de dénoncer les incursions et d'appeler leurs troupes à y répliquer militairement. Certes, tous deux ont récemment signé un accord autorisant « l'envoi au Pakistan (...) de spécialistes américains de la contre-insurrection, chargés de former l'armée l'armée pakistanaise » en contrepartie d'un éventuel arrêt des frappes (Le Monde du 23/9/2008). Mais jusqu'à maintenant, la stratégie de Washington pour aiguillonner les troupes pakistanaises aboutit à son contraire.


La crise économique prépare des affrontements d'envergure entre les classes


Comme s'il ne suffisait pas d'une crise politique et militaire pour contrarier les plans de l'administration Bush, le Pakistan est aujourd'hui frappé de plein fouet par la crise économique. D'avril à septembre, la bourse de Karachi a dégringolé de plus de 40%: les investisseurs étrangers, qui n'avaient que compliments à l'endroit de la dictature Musharraf, ont depuis un an déserté le pays de façon spectaculaire, tandis que la roupie pakistanaise dégringole et que la facture pétrolière du pays s'accroît en conséquence.
Les masses pakistanaises – dont la misère et l'exploitation étaient la source première d'une « croissance » qui ne leur profitait pas – sont bien sûr les premières victimes de cette crise: le prix des céréales a augmenté de 25% depuis le début de l'année, celui de l'électricité de 40%. En dehors du Pendjab, où le prix des céréales est diminué artificiellement, la majeure partie du pays est considérée en état d'« insécurité alimentaire » par le Programme Alimentaire Mondial. La bourgeoisie pakistanaise n'en profite pas moins de la famine: alors que les 23,3 tonnes de blé produites en 2007 excèdent les besoins alimentaires du pays, le gouvernement, alléché par la hausse des prix, a préféré en exporter une grande partie. Commentaire du Monde (11/9/2008): « Entre la banqueroute financière et la révolte sociale, la voie est étroite ».

Dans toute l'Asie du Sud, en conséquence de la crise et de l'aggravation des conditions de vie des masses, des affrontements entre les classes se profilent: l'Inde, le Bangladesh ont récemment été traversés par des grèves salariales importantes (transports, textile). Au Cachemire indien, au cours de l'été, des centaines de milliers de manifestants se sont mobilisés contre l'armée indienne et ont été réprimés à balles réelles. Après avoir déclaré l'état d'urgence, le gouvernement de Dacca a préparé les « élections » bangladaises en procédant à des milliers d'arrestations. La répression, la démultiplication en Inde des violences organisées par les fascistes hindous montrent qu'à l'évidence, la bourgeoisie fourbit ses armes en prévision de durs combats.
Au Pakistan, la classe dominante n'est pas en mesure de maintenir un pouvoir fort. Condoleeza Rice elle-même a, à plusieurs reprises, souhaité que l'état d'urgence soit levé dans le pays. La mise en place du gouvernement Gilani, au lendemain des élections de février, s'est accompagnée d'une levée de l'interdiction frappant les syndicats. Autant d'illustrations du fait que la bourgeoisie pakistanaise sait avoir besoin, pour la prochaine période, d' « interlocuteurs » à même de contenir les masses.


Une immense misère


Ce que signifie la crise économique pour les masses pakistanaises est tout simplement le basculement de conditions de vie de l'épouvantable vers l'insupportable. 40% de la population vit déjà en-dessous du seuil de pauvreté, un sur deux n'a pas même accès à une source d'eau potable propre. Des millions d'ouvriers sont désormais menacés de licenciement, d'autres de famine.
Dans ce pays où les jeunes de moins de quinze ans représentent près de la moitié de la population totale, la sous-nutrition concerne quatre enfants sur dix, et la moitié des écoliers sont exclus avant d'accéder à l'enseignement secondaire pour être livrés à la pire exploitation. Près de 20 millions d'entre eux n'ont d'ailleurs jamais accédé à quelque enseignement que ce soit.

De même que le travail des enfants, l'esclavage est un phénomène de grande ampleur au Pakistan: dans la province du Sindh, bastion du PPP et des propriétaires terriens dont la famille Bhutto est une représentante éminente, des millions de travailleurs agricoles sont ainsi contraints, en vertu d'une forme d'exploitation nommée « travail lié », de travailler à vie pour s'acquitter d'une prétendue « dette ». Si deux tiers de la population vit encore au village, seule une poignée de féodaux dispose ainsi de l'immense majorité des terres.
Les femmes sont les premières victimes de l'Etat militaro-islamique et de ses protégés féodaux, affairistes et mafieux. Aux « coutumes » tribales telles que l'échange de femmes et de fillettes, les mariages arrangés, les « crimes d'honneur » répond la « loi islamique » reconnue par l'Etat, et qui fait d'une victime de viol une personne coupable d'adultère. Sous l'épaisse fumée de la « tradition » et de la religion se dissimule rien moins que l'esclavage de la moitié de la population.

L'accès à la santé, à l'éducation, aux services sanitaires élémentaires, sont une fiction pour des dizaines et des dizaines de millions d'habitants.


Le PPP: organisation populiste au service de l'Etat pakistanais


Tous ces éléments en attestent: les masses pakistanaises ont terriblement besoin d'organisations qui expriment leurs revendications, d'un parti qui les représente et pose leur candidature au pouvoir. Mais il leur faut pour cela surmonter les conséquences de l'oppression et de l'arriération.
Contrairement à l'Inde, le Pakistan ne disposait au moment de sa constitution que d'un semblant d'industrie et, si le prolétariat y dispose de syndicats même faibles, il n'y a jamais construit un parti ouvrier d'envergure – quand bien même existent des organisations staliniennes, maoïstes, gauchistes, ou se réclamant du trotskisme. Le parti communiste, qui disposait d'une réelle implantation au Pakistan oriental (devenu Bangladesh en 1971), n'a jamais disposé au Pakistan occidental d'une force comparable – d'autant plus que la mise en place de l'Etat militaire s'y est accompagnée dans les années 1950 d'une répression anti-ouvrière terrible. Faute d'un tel parti, le prolétariat du pays s'est aux moments-clé de la lutte des classes retrouvé placé sous la tutelle du Parti du Peuple Pakistanais, fondé en 1967 par un grand propriétaire terrien de la province du Sind, Zulfiqar Ali Bhutto.

En 1968-69 – alors que l'armée et la classe dominante étaient profondément affaiblis et divisés par une défaite humiliante subie face à l'Inde, trois ans plus tôt – le prolétariat et la jeunesse pakistanais se sont engagés dans la plus grande vague de grèves et de manifestations de l'histoire du pays. Mais c'est Bhutto père qui, faisant campagne sur le thème du « socialisme islamique », en tire profit lors des élections de 1970: il accorde aux ouvriers un droit à l'organisation syndicale qu'ils avaient déjà arraché dans les faits et procède à une parodie de « réforme agraire » qui laisse aux propriétaires terriens la jouissance de l'immense majorité des terres... Parallèlement à ce jeu de dupes, il oeuvre à la défense et à la consolidation de l'Etat pakistanais ébranlé par la lutte des classes: soutien en 1971 à l'intervention de l'armée au Pakistan oriental contre la majorité bengalie (opération qui se solde par une nouvelle humiliation face à l'Inde et la proclamation du Bangladesh); rédaction en 1973 d'une constitution bonapartiste réaffirmant le caractère « islamique » du Pakistan; organisation de la répression sanglante des nationalistes baloutches par des dizaines de milliers de militaires. Il met ainsi sur orbite le futur dictateur et chef des armées Zia ul Haq, qui le remerciera, classiquement, par un coup d'Etat et une pendaison.

En 1980, alors que la lutte contre la dictature reprend de l'envergure, c'est encore le PPP qui installe sa tutelle politique sur les masses au sein d'une coalition, le « Mouvement pour le Retour de la Démocratie », qui subordonne les paysans du Sindh aux grands propriétaires à la tête du parti. Après la mort accidentelle de Zia ul Haq en 1988, Benazir Bhutto se retrouve premier ministre pour empêcher que la transition et la crise politique afférente ne soient exploitées par les masses: elle qui, en Europe, fait figure de féministe intrépide, remplit cette mission à merveille, ne touchant pas même pas à la loi criminalisant les victimes de viol (quatre témoins mâles étant alors nécessaires pour prouver la « moralité » de l'éventuelle plaignante!). Organisation populiste, le PPP occupe une place particulière en ceci qu'elle est la seule capable d'imposer sa tutelle au prolétariat lorsque ce dernier cherche les voies du combat contre le pouvoir militaire. Il n'en reste pas moins fondamentalement l'instrument d'une fraction de la classe dominante, attaché à ce titre à la défense et à la préservation de l'Etat pakistanais.
Mais même si les masses ont depuis quarante ans fait l'expérience de ce parti il ne leur est pas possible de se défaire, spontanément, de sa tutelle. Les dernières élections qu’il a remportées, en sont une illustration -.


Les masses pakistanaises ont besoin d'un parti ouvrier


Face à une crise qui remet en cause leurs conditions de vie et de survie les plus élémentaires, les masses pakistanaises sont appelées à s'engager dans des combats d'ampleur. Pour avancer, il leur faudra tirer les conclusions des luttes passées et s'engager dans la voie d'un parti ouvrier, transition vers le Parti Ouvrier Révolutionnaire.

Le premier pas dans cette voie serait qu'ils imposent aux syndicats, faibles et divisés, qu'ils rejettent la tutelle du PPP et réalisent le front unique contre le gouvernement de Zardari, organisant le combat contre les licenciements, pour l'augmentation des salaires et leur indexation sur l'inflation à travers l'échelle mobile des salaires, pour le blocage immédiat des prix alimentaires, pour la réquisition de la production agricole. De ce front unique pourrait émerger un parti ouvrier permettant aux masses de postuler au pouvoir et d'exprimer ses revendications politiques et économiques. Du combat au sein d'un tel parti pourrait émerger, à son tour, le Parti Ouvrier Révolutionnaire, seul à même d'offrir aux masses la perspective dont elles ont besoin.

Face à l'immense misère et à l'arriération du Pakistan, les réponses existent: réforme agraire pour sortir l'agriculture de la féodalité, libertés démocratiques, interdiction du travail des enfants et du « travail lié », ce qui suppose que soient employées au bien-être des travailleurs et de leurs familles, au développement de l'enseignement, de la santé, des services sanitaires... les richesses colossales accaparées pour le maintien d'un Etat gigantesque et parasitaire, dictatorial et guerrier.

Face aux militaires, aux chefs tribaux, aux mafias et aux talibans, la question de l'armement du prolétariat est également posée aux masses pakistanaises. Témoin cette information tirée du journal The News de Karachi, relayée par Courrier International du 18 septembre: « L'assassinat de six insurgés islamistes par des habitants du district de Buner, dans la Province Frontière du Nord Ouest, le 13 août dernier, a encouragé la population, dans d'autres parties de cette région ainsi que dans les zones tribales, à se rebeller contre les extrémistes, à former des milices de volontaires et à convoquer des jirga [assemblées, ndlr] ».
Toutes ces revendications supposent, in fine, de combattre pour en finir avec le régime militaro-policier, pour une assemblée constituante du Pakistan.
Alors que les Etats de la région, prenant la suite du colon anglais, ont exacerbé, dans l'intérêt des classes dominantes, les divisions communautaires et ethniques, soumettant les masses à la tutelle moyenâgeuse des clergés et des tribus, l'émergence d'un mouvement ouvrier, unissant tous les exploités dans une même lutte contre tous les oppresseurs, est la seule perspective à même d'en finir avec l'encombrant legs du colonialisme, tout en défendant le droit des peuples et des minorités opprimés en ouvrant la seule perspective progressiste et juste: celle des Etats-Unis socialistes du sous-continent indien, du Moyen-Orient et de l'Asie centrale.


Soutenir les masses pakistanaises, c'est lutter pour le retrait des troupes impérialistes


C'est un « nouveau front » que l'impérialisme américain et ses alliés ont ouvert au Pakistan, au compte de ses intérêts impérialistes. Comme tous les « fronts » qui l'ont précédé – Afghanistan, Irak, Liban, ou encore Somalie – celui-là ne peut qu'aboutir au basculement du Pakistan dans le chaos, avec des conséquences dramatiques dans tout le sous-continent indien, sur l'Iran voisin et en définitive dans le monde entier.
L'impérialisme français est aujourd'hui partie prenante de la coalition impérialiste qui ravage l'Afghanistan et menace d'étendre sa guerre de destruction au Pakistan. Le gouvernement Sarkozy-Fillon, qui au début de l'année dépêchait 1000 soldats supplémentaires en Afghanistan, vient de faire voter par l'Assemblée le maintien de ces troupes. Sarkozy l'a déclaré:
 « Je le dis avec force (...) en abandonnant nos alliés démocrates et l'exercice des responsabilités internationales que nous confère notre statut de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, (...) nous renoncerions au statut de grande puissance avec nos droits et nos devoirs pour la paix du monde".

Ces « droits » sont ceux que s'arrogent les puissances impérialistes de saigner et de piller jusqu'au bout leurs anciennes colonies. Soutenir les masses pakistanaises, lutter contre la barbarie qui ronge l'Afghanistan et le Pakistan impliquent de combattre pour le retrait de toutes les troupes de la coalition impérialiste, à commencer par les troupes françaises – et pour que les organisations issues du mouvement ouvrier, des syndicats aux partis, organisent pratiquement le combat dans ce sens. C'est l'orientation sur laquelle interviennent les militants regroupés autour de CPS.
Tandis que la crise économique est ponctuée par l'effondrement successif de grands groupes financiers et industriels, la guerre impérialiste fait s'effondrer Etat après Etat, répandant le chaos comme une véritable gangrène d'envergure mondiale. La crise est l'expression de l'impasse historique du mode de production capitaliste; la guerre, l'instrument ultime de son maintien au détriment des masses. Cette crise, comme cette guerre, l'expriment au plus haut point: « On ne peut aller de l'avant sans combattre pour le socialisme » (Lénine).

Le 29 septembre 2008


 

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