Accueil
Textes constitutifs  
Liens
Abonnement &
Contact

 

France

Situation française

Défense des acquis ouvriers

Echéances électorales

Enseignement public

Etudiants, Lycéens

Interventions, Suppléments

Leçons des luttes de classe

Syndicats, partis


International

Situation Internationale

Situation économique

Afrique

Amériques

Asie

Balkans

Europe

Guerres impérialistes

Moyen-Orient

URSS, Russie, Europe orientale

Article paru dans CPS n°32 du 28 mars 2008

Fonction publique : Front unique contre le plan  « Service public 2012 »


 

Jusqu’à 1945, la bourgeoisie s’est battue pour maintenir l’état de fait qui prévalait au XIX° siècle où les fonctionnaires étaient les instruments dociles des gouvernements bourgeois et même les agents électoraux du pouvoir en place, c’est à dire pour les priver des droits que la lutte de classe l’obligeait à reconnaître à la classe ouvrière. Elle leur refuse le bénéfice de la loi de 1884 qui reconnaît le droit syndical au restant du prolétariat. De même, au nom de la « continuité du service public », elle leur interdit l’exercice du droit de grève, qui est toléré aux autres travailleurs depuis 1864. Les conditions de recrutement, éclatées suivant les ministères et faisant la part belle au recrutement discrétionnaire, les conditions d’avancement qui diffèrent d’une administration à l’autre encore à la veille de 1940, la notation qui demeure secrète et non chiffrée jusqu’en 1946 traduisent cette volonté de maintenir les fonctionnaires à l’état d’instruments dociles des gouvernements bourgeois en place.

Les fonctionnaires ont combattu cet assujettissement et revendiqué les mêmes droits que l’ensemble des travailleurs. En 1907, lorsque le Comité central pour la défense du droit syndical dirigé par Marius Nègre, secrétaire de la fédération des syndicats d’instituteurs, prend position contre un projet de loi qui interdit le droit de grève aux fonctionnaires et l’accès des  fonctionnaires aux bourses du travail, c’est dans les termes suivants :

«  Pour nous l’Etat est un patron comme un autre. Il doit y avoir entre nous et lui simple échange de services et rien de plus. Il nous paye un salaire, nous lui vendons notre travail, nous voulons garder notre liberté, notre indépendance, rester maîtres de notre force de travail, notre unique, notre seule propriété. Défenseurs du capital et des privilèges, vous nous interdisez l’accès aux bourses du travail parce que les travailleurs y discutent les conditions de l’organisation sociale . Mais c’est leur droit  et c’est aussi le nôtre ».

Ainsi, les  revendications de recrutement par concours et d’avancement à l’ancienneté, qui sont des revendications permanentes avant 1940, expriment non seulement le combat des fonctionnaires contre l’assujettissement à l’Etat bourgeois mais aussi l’exigence de la reconnaissance des qualifications au travers des diplômes requis, de voir  leur qualification reconnue dans le niveau de leur salaire, comme les autres travailleurs. C’est dans ce double mouvement que s’est constitué le syndicalisme de la fonction publique. Ce n’est pas un mouvement vers la « citoyenneté », c’est un mouvement vers la constitution des fonctionnaires en prolétariat de l’Etat.

Les revendications salariales ont logiquement occupé une place centrale dans ce mouvement. Mais, jusqu’à l’existence du statut les mobilisations des fonctionnaires ont buté sur la question des « péréquations », c’est à dire sur le fait que les rémunérations suivant les services ne sont pas les mêmes pour des fonctions identiques. C’est ainsi qu’entre les deux guerres, les oppositions entre les postiers, les instituteurs et les agents des indirectes (des impôts) vont torpiller les capacités de mobilisation des fonctionnaires, entraînant des divisions au sein même des organisations syndicales (entre la fédération générale des fonctionnaires et la fédération générale de l’enseignement, entre la FGF et la fédération postale) qui se traduisent par l’autonomie des différentes structures syndicales les unes par rapport aux autres au sein par exemple de la CGT confédérée et surtout par l’absence de toute mobilisation d’ensemble alors que les salaires des fonctionnaires ont connu une dévalorisation réelle depuis 1914. Il faudra attendre que les gouvernements de la III° république opèrent des prélèvements qui amputent les salaires de tous les fonctionnaires pour que les divisions passent à l’arrière plan et que les fonctionnaires soient appelés, pour la première fois en 1933, à une grève d’ensemble. Et, le fait est que ni les fonctionnaires, ni les postiers n’ont participé à la grève générale de mai-juin 36.


Le statut a unifié la fonction publique


Alors que jusqu’en 1946 il existe une mosaïque de situations, le statut du 19 octobre 1946 ainsi que le reclassement de 1948 qui instaure la grille unique fonction publique ont radicalement modifié cette situation. La généralisation du recrutement par concours, l’instauration d’une fonction publique de carrière, l’organisation en corps positionnés sur une grille unique salariale contribuent en effet à unifier la fonction publique: désormais les rapports entre les fonctionnaires et l’Etat reposent sur la prise en compte des qualifications, au travers des niveaux de diplôme, quelles que soient les fonctions occupées. Cela soude objectivement l’unité des fonctionnaires face à l’Etat-patron. Cette conquête, de même que les autres conquêtes dans l’après guerre sont le produit de la vague révolutionnaire qui voit la bourgeoisie, parce qu’elle est menacée de tout perdre, concéder au prolétariat, malgré une situation économique désastreuse, les conquêtes pour lesquelles il combattait depuis les débuts du mouvement ouvrier.

Elles sont indissociables du développement des grands services publics. C’est le cas concernant le droit à la santé avec l’instauration de la sécurité sociale qui a pour conséquence le développement de l’hôpital public et de ses 970 000 agents relevant de la fonction publique hospitalière. C’est le cas également concernant le droit à l’instruction pour tous avec le ministère de l’éducation nationale dont les effectifs croissent également dans des proportions considérables pour atteindre 950 000 agents qui relèvent tous, avant les lois de décentralisation, de la fonction publique d’Etat. La fonction publique d’Etat passe de 1 million en 1950 à 2 millions de fonctionnaires titulaires a peu près aujourd’hui.

Ce développement considérable du poids qu'elle représente est en rapport avec la place politique occupée par la fonction publique depuis la guerre. Elle repose sur le fait que le statut réalise objectivement l’unité des fonctionnaires par rapport à l’Etat même si, en 1947,  les appareils font éclater la CGT par leurs manœuvres conjointes, ce qui se traduit par la division du mouvement syndical fonction publique (il y a d’un côté l’UGFF-CGT, de l’autre le cartel FO, la FEN passe à l’autonomie). Cette division syndicale dans la fonction publique recoupe et favorise la réapparition des anciennes divisions corporatives. Elle constitue une entrave mais elle ne peut empêcher que se manifeste la puissance de la fonction publique dans la grève générale de la fonction publique qui éclate en août 53 et fait reculer le gouvernement Laniel sur la remise en cause des droits à retraite. De même, la fonction publique joue désormais un rôle important dans les grandes mobilisations d’ensemble du prolétariat comme en 1968 ou en 1995. Sa place politique se manifeste aussi dans des mobilisations telle que la grève des finances en 1989 où la mobilisation se dresse en réalité contre la politique de désindexation des traitements sur les prix suivie par les gouvernements depuis 1983 et n’est limitée aux finances que parce que les appareils syndicaux ont tout fait pour empêcher la mobilisation de l’ensemble de la fonction publique.

La place politique prise par la fonction publique a permis que les conquêtes du statut de 1946 soient complétées par d’autres telles que la reconnaissance en bonne et due forme du droit de grève par la jurisprudence, puis dans le statut de 1983, la reconnaissance de la séparation du grade et de l’emploi qui intervient après 1946, le développement de règles de gestion qui viennent renforcer l’application de la règle de l’ancienneté (sur les mutations par exemple) ou bien encore la conquête d’un statut par les travailleurs des collectivités locales en 1952 et les travailleurs hospitaliers en 1955.

Aussi aujourd’hui l’enjeu ne se réduit pas au seul statut du 19 octobre 1946 et au reclassement de 1948. Ce sont l’ensemble des conquêtes liées à l’existence du statut, c’est un rapport de forces qu’il s’agit pour la bourgeoisie française d’effacer.


Disloquer le statut : une nécessité pour la bourgeoisie


Pour la bourgeoisie française aux abois, dont les positions concurrentielles sur le marché mondial ne cessent de s’effriter, il faut en finir avec le boulet que représentent les grands services publics, il faut restreindre la fonction publique à la portion congrue et laminer les garanties du statut. Cela afin de mettre encore davantage l’appareil d’Etat au service de l’accumulation du capital. C’est ce que Sarkozy a exprimé dans son discours  programme du 19 septembre à Nantes en déclarant « le moment est venu de refonder l’Etat, de refonder le service public, de refonder la fonction publique ». Il a précisé « la fonction publique a joué un rôle décisif dans la reconstruction et dans les trente glorieuses » avant d’ajouter que les choses ayant changé depuis la fin des « trente glorieuses », il faut désormais s’adapter « aux réalités nouvelles de la technique, de l’économie et de la société ».

La « réalité » à laquelle il s’agit de s’adapter c’est les conséquences de la crise récurrente, du pourrissement du mode de production capitaliste.

Le poids des salaires et des pensions des fonctionnaires dans le budget de l’Etat devient un fardeau que les capitalistes jugent intolérable, eux qui ont besoin que les ressources financières de l’Etat soient mises de plus en plus complètement à leur service, sous forme d’exonérations de charges, de baisse d’impôts, etc. D’autre part, rabougrir la dimension de fonction publique leur permet d’ouvrir de nouveaux secteurs à l’investissement des capitaux. Enfin, la restriction des capacités d’action de la fonction publique signifie aussi l’affaiblissement de ses capacités de contrôle sur les activités des capitalistes, donc leur permet de s’affranchir des entraves que l’application stricte du droit mettrait à leurs activités, que ce soit en matière de droit du travail, de fraudes, d’expérimentations dangereuses, etc.

La destruction du statut est un levier incontournable pour poursuivre la politique systématique de démantèlement des conquêtes de l’après guerre en s’appuyant sur la défaite infligée aux fonctionnaires en 2003 sur les retraites, sur la défaite qu’il vient d’infliger aux travailleurs des transports publics. Mais dire « adieu à 45 » ainsi que l’a exprimé Denis Kessler, l’ancien numéro 2 du MEDEF, l’homme de la refondation sociale, ne répond pas à un objectif uniquement économique. Après les travailleurs des transports et les étudiants, il s’agit également de liquider la place politique conquise par les fonctionnaires. C’est à cette tâche que correspond le plan « service public 2012 » annoncé par Sarkozy le 19/09, telle est sa portée véritable.


Le « mécano » du plan « service public 2012 »


Ce discours trace la voie de la contre réforme à réaliser et définit de façon précise le « mécano » du plan « service public 2012 ». Son élaboration se fait à plusieurs niveaux.

D’une part, il y a la révision générale des politiques publiques (RGPP) qui a démarré dès l’été en associant à des audit systématiques de toutes les administrations plus

de 200 haut fonctionnaires et représentants de cabinets privés. L’objectif étant de déterminer les coupes sombres à pratiquer dans les missions afin de préparer le plan sans précédent de suppressions de postes. Elle est  conduite sous la direction d’une commission de modernisation qui se réunit régulièrement sous la houlette du secrétaire général de l’Elysée. Elle a débouché sur le rapport du Conseil de modernisation des politiques publiques du 12 décembre qui a d’ores et déjà arrêté un certain nombre de décisions et d’axes. Il est prévu un second conseil de modernisation au printemps pour terminer le travail. Ensuite, il y a la déréglementation statutaire qui est destinée à accompagner le plan de suppression de postes. Il s’agit de permettre que soient prises les mesures découlant du plan de suppression de postes : transferts autoritaires de personnels, expulsions de la fonction publique. Le développement de la mobilité occupe donc une place de choix dans la déréglementation statutaire. Notamment en faisant sauter les verrous statutaires qui empêchent la mise en place d’une flexibilité « fonction publique ». Mais, la portée de la déréglementation statutaire programmée va au delà : il s’agit ainsi que Sarkozy en a fixé l’objectif dans son discours programme de Nantes de « refonder » le statut de 1946, c’est à dire de liquider ce qui a fait l’unité de la fonction publique et donc sa force, d’individualiser, d’atomiser.

Précisément parce que l’offensive engagée contre le statut est sans précédent depuis 1946, le gouvernement a organisé une concertation, elle aussi d'une ampleur sans précédent tout au long de l'automne 2007, dans le cadre de conférences et groupes de travail qui ont associé des représentants permanents des fédérations de fonctionnaires et se sont réunis à un rythme échevelé durant l’automne sur les thèmes déterminés par le gouvernement : l’une des conférences portant sur « le pouvoir d’achat », l’autre sur les « parcours professionnels » et la troisième sur le « dialogue social ». Elles ont été suivies par l’ouverture de négociations sur les rémunérations et  le « dialogue social » ainsi que par l’élaboration d’une série de textes (loi et décrets) qui ont vocation à constituer ce qu’on peut appeler le plan social fonction publique. Au bout du compte, un « livre blanc » doit rassembler la contre-réforme gouvernementale et déboucher sur un projet de loi de « réforme » global de la fonction publique.

Tout ce travail de préparation doit déboucher sur le budget pluriannuel 2009-2011 qui est le budget de la suppression de 100 à 200.000 postes dans la fonction publique. C’est pourquoi la RGPP et une grande partie de la déréglementation statutaire doivent être bouclés au printemps 2008, afin d’être dans les temps pour la phase d’élaboration budgétaire.


RGPP : les premières décisions et axes annoncés le 12 décembre


Outre la fusion DGI-CP déjà arrêtée dont le calendrier est conduit à marche accélérée puisque la nouvelle direction générale est constituée dès avril 2008, l’axe fondamental défini par le Conseil de modernisation est celui de la restructuration pour supprimer le maximum de postes. Il divise par deux le nombre d’administrations centrales, par trois les services régionaux et refont complètement les services départementaux qui ne seraient plus organisés par ministère mais en fonction de missions limitées à 5 ou 6. Ce qui est prévu concernant le MEDAD, créé pour servir de levier de la réforme de l’Etat, est exemplaire. Il est frappé par un véritable « big bang » selon les termes du Conseil de modernisation : le nombre de directions nationales de ce ministère passerait de 35 à 6, au niveau régional les directions de l’équipement, de l’environnement et de l’industrie sont fusionnées, au niveau des départements ce sont les directions de l’équipement et des l’agriculture qui sont fusionnées.

Le second axe consiste dans la remise en cause de la gestion nationale donc statutaire des agents des services déconcentrés. En effet, il découle de la nouvelle architecture qu’une grande partie des agents des services déconcentrés, du fait qu’ils travailleront dans des services départementaux qui ne seront plus rattachés à une administration centrale, ne bénéficieront plus d’une gestion nationale. Ne bénéficiant plus d’une gestion nationale dans le cadre d’un corps, c’est la fin pour eux d’une gestion statutaire. Le gouvernement entend y substituer une gestion des ressources humaines sur une base interministérielle autour des bassins locaux d’emplois. Les choses devant être précisées d’ici au second conseil de modernisation.

La réunion interministérielle du 20/12 a apporté quelques lumières en la matière. Cette réforme (le PATE : programme de l’administration territoriale de l’Etat) devra être entrer en vigueur le 01/01/2009 en même temps que le plan  pluriannuel de suppressions de postes.

La première mesure à prendre consisterait à déterminer les catégories de fonctionnaires entrant dans la cible de la nouvelle gestion déconcentrée. Quant au régime qui devrait leur être appliqué c’est celui de la mobilité maximale au niveau du bassin d’emploi en créant des CTP interministériels, des CAP communes à plusieurs corps, en créant des structures pour orienter les personnels transférés, en recourant à des cabinets privés et en supprimant tous les obstacles statutaires à la mobilité. Pour faire passer cette contre réforme, une fois de plus le gouvernement s’appuie sur les appareils syndicaux auxquels il propose une concertation à différents niveaux.

Le troisième axe développé par le Conseil de modernisation est la mise en place d’agences. Le rapport Attali est brandi sur cette question comme un épouvantail. Mais, l’épouvantail ne doit pas masquer la réalité. En effet le rapport du Conseil de modernisation impulse déjà le développement d’agences en confiant à chacune des missions dites support (la paye, les achats de l’Etat, la gestion du parc immobilier, les retraites) à un seul « opérateur » national, ce qui correspond exactement à l’organisation en agences. Autrement dit, l’organisation des services « chargés de la mise en œuvre des politiques publiques » sous forme d’agences, qui n’est rien d’autre qu’une forme de privatisation rampante ayant conduit par exemple à exclure du bénéfice du statut 90% des fonctionnaires en Suède, est bien un objectif du gouvernement. Mais aujourd’hui, en rapport avec l’histoire politique de la fonction publique française, il ne peut être affiché comme un objectif central. Ce qui n’empêche nullement que ce soit un objectif activement poursuivi. C’est ainsi que les syndicats CGT et FO de l’équipement, outre le passage sous la coupe des préfets des services techniques départementaux de l’Etat, prévoient à terme la transformation en agences des missions techniques conservées (permis de conduire, routes nationales, services de navigation…).


Les conférences « fonction publique » ont pavé la voie au gouvernement


Pour le gouvernement, il ne s'agissait pas seulement que les dirigeants des fédérations de fonctionnaires légitiment les thèmes traités par leur présence mais, exactement comme sur les régimes spéciaux où l’acceptation des négociations d’entreprises par les dirigeants syndicaux signifiait l’acceptation du principe de la contre réforme, il s’agissait que les dirigeants des fédérations de fonctionnaires acceptent de négocier dans le cadre de la politique définie par Sarkozy le 19 septembre. Ce quelles ont fait en se rendant à ces « conférences .

Concernant en particulier les rémunérations, l’objectif du gouvernement était que s’ouvrent des négociations dites globales commençant à individualiser les rémunérations. Or, les dirigeants des fédérations de fonctionnaires se sont exécutés. Certes, chacun a été dans son rôle : la CFDT s’est faite directement l’écho des positions du gouvernement en demandant, par exemple, des contreparties à l’individualisation, ce qui revient à en accepter le principe.

Mais,  en ne dénonçant pas le rôle de porte voix du gouvernement de la CFDT, en ne faisant pas de l’introduction de l’individualisation un motif immédiat de rupture des discussions , la CGT, FO et la FSU ont accepté que l’individualisation fasse partie du cadre des négociations. C’est ce qui a permis au gouvernement d’engager les « négociations » salariales sur cette base.


Rémunérations : un pas en avant pour la politique gouvernementale


Certes, les 4 signataires (CFTC, UNSA, CFDT  et FO) du relevé de conclusion des "négociations" sur les rémunérations n’ont pas signé l’intégralité du relevé. Mais en signant les volets sur la monétisation du compte épargne temps, sur la garantie individuelle du pouvoir d’achat etc… les signataires ont également entériné le volet qui réduit à la portion congrue les augmentations indiciaires en n’accordant que 0,8% sur l’année. En effet, tel est le mécanisme de la « globalisation » de la négociation : ce qui est accordé au titre de la garantie individuelle de pouvoir d’achat, de la monétisation du compte épargne temps vient s’imputer sur les possibilités d’augmentation indiciaire.

En effet, non seulement la garantie individuelle de pouvoir d’achat et la monétisation du compte épargne temps sont des mesures d’individualisation, puisque les seuls fonctionnaires qui se voient attribuer une indemnité au titre de la GIPA le doivent à leur situation individuelle d’agent en fin de carrière qui n’ont plus droit à un avancement d’échelon et que la monétisation du compte épargne temps résulte du « choix » individuel du fonctionnaire contraint d’abandonner une partie de ses droits à congé, de travailler plus sous la contrainte économique, mais le relevé de conclusion va jusqu’à prévoir l’association des fédérations de fonctionnaires à l’introduction systématique du mérite dans les rémunérations. Il planifie la montée en puissance des carrières au mérite en fixant l’objectif de « mieux équilibrer la part de l’ancienneté dans l’avancement et celle de la valeur professionnelle », de « dynamiser les passages de grade afin de mieux récompenser le mérite et les récompenses ». Concernant les régimes indemnitaires, il prévoit que les organisations syndicales soient associées à la mise en place d’un système au mérite reposant sur l’entretien individuel d’évaluation, d'introduire une partie variable de la rémunération en fonction de l’emploi occupé ainsi que d’étendre aux attachés, c’est à dire à l’ensemble des cadres A, le régime de la rémunération aux résultats.

Ce succès remporté par le gouvernement se trouve renforcé par le fait que le relevé pose aussi le principe d’une association des fédérations syndicales à la mise en œuvre d’une politique d’intéressement aux suppressions de postes massives programmées par le budget pluriannuel. Il annonce l’ouverture, dès le printemps 2008, de nouvelles négociations salariales 2009-2011 portant notamment sur « une évolution des grilles en s’appuyant sur le retour à hauteur de 50% des gains de productivité » qui seraient concrétisées chaque année par des négociations prenant acte des gains de productivité réalisés, c'est à dire des suppressions de postes pratiquées, pour présenter « les mesures catégorielles développées dans les différents ministères ».

Cette politique connaît une première application avec le plan social qui accompagne la fusion entre la DGI et la Comptabilité. En effet, les différentes mesures indemnitaires annoncées (prime de fusion, harmonisation indemnitaire) ainsi que l'accroissement des possibilités de promotion interne sont financées par les suppressions de postes programmées pour 2008 et 2009. Mais, le gouvernement veut aller plus loin et utiliser la politique d’intéressement aux suppressions de postes, ministère par ministère, pour engager la dislocation de la grille. A cette fin, figure dans le paquet cadeau des projets de décrets transmis fin janvier aux fédérations de fonctionnaires un projet de décret de grande importance, sur lequel les appareils syndicaux font le silence le plus complet. Il abroge le décret du 10 juillet 1948 instaurant le classement indiciaire fonction publique pour lui substituer le principe d’un classement indiciaire par corps ou cadre d’emploi. Si ce projet passe, le verrou du classement indiciaire fonction publique saute et le gouvernement pourra, en fonction du degré d’implication des directions syndicales, prendre des mesures catégorielles différenciées suivant les ministères en fonction du volume de suppression de postes. Cela veut dire que pour des fonctions identiques, de même catégorie, selon les ministères on pourra avoir des rémunérations différentes.

Bien entendu, la mise en œuvre d’une telle politique et l’individualisation des rémunérations ne sont pas encore réalisées. Néanmoins, le contenu du relevé de conclusion salarial montre précisément jusqu’où conduit le plan « service public 2012 » : jusqu’à la dislocation de la grille. C’est la voie ouverte à la liquidation de l’unité de la fonction publique, à un retour au système d’avant 46 qui a vu par exemple la Fédération Générale des Fonctionnaires s’associer à plusieurs reprises à des tentatives gouvernementales de monnayer l’acceptation des suppressions de postes contre des crédits budgétaires de rémunération.


Projet de loi « mobilité » : le gouvernement introduit la flexibilité de l’emploi dans la fonction publique


En acceptant de discuter dans le cadre de la « conférence sur les parcours professionnels » d’un prétendu « droit à la mobilité » sans qu’il y soit jamais question des suppressions de postes, les appareils syndicaux de la CGT, de FO et de la FSU ont légitimé les projets du gouvernement alors qu’ils sont d’une violence sans précédent depuis 1946 à l’égard des fonctionnaires.

Le projet de loi et les projets de décrets que le gouvernement vient de soumettre fin janvier aux fédérations de fonctionnaires en attestent. Ils vont jusqu’à prévoir la possibilité de mettre en disponibilité, c’est à dire de priver de sa rémunération le fonctionnaire dont l’emploi aura été supprimé et qui à l’issue d’une période de réorientation professionnelle n’aura pas été jugé comme ayant fait les efforts nécessaires au maintien de son employabilité. C’est une remise en cause déguisée de la garantie de l’emploi. Le fonctionnaire n’aura donc pas le choix : pour ne pas se retrouver en disponibilité d’office, il sera obligé d’accepter l’une des trois propositions d’emploi qui lui aura été faite par l’administration, quelle que soit l'implantation géographique des postes en question. Le fonctionnaire en réorientation professionnelle est amené à exercer des missions comme un intérimaire de la fonction publique auprès de telle ou telle administration. Intérimaire de la fonction publique, le fonctionnaire peut aussi, au seul motif de la nécessité  de service, être poussé à occuper des « bouts d’emploi » à temps non complet dans les trois fonctions publiques.

C’est donc une véritable flexibilité de l’emploi que le gouvernement cherche à introduire dans la fonction publique. A cette fin, le projet de loi et les décrets font sauter les verrous statutaires qui s’opposent aux transferts massifs de personnels. C'est ainsi que la procédure statutaire du détachement, jugée trop lourde et surtout accordant au fonctionnaire le droit au retour dans son corps d’origine, est mise au rancart au profit de procédures plus expéditives et définitives : l’intégration directe dans un autre corps et le transfert d’agents d’une administration à l’autre par voie de simple décision d’affectation. Dans ce cadre il suffira au préfet de faire prononcer par une CAP commune à différents corps les mutations pour que s’imposent sans voie de recours possible les transferts consécutifs aux restructurations.  Comme dans le secteur privé lorsque les patrons licencient, le développement massif de la mobilité programmé se trouve accompagné par un plan social : indemnité de départ volontaire égale à deux ans de traitement pour faciliter les démissions, instauration d'un complément indemnitaire pour les agents qui sont perdants dans la restructuration, d'une prime de restructuration et d'une allocation d’aide à la mobilité du conjoint qui a du abandonner une activité salariée. 

De même se trouve prévu l'accompagnement du plan de suppressions de postes par le recours aux boîtes d’intérim pour pallier à l’insuffisance des effectifs d’agents titulaires « en cas d’accroissement temporaire d’activité, besoin occasionnel ou saisonnier », ce qui constituerait une nouvelle étape dans la précarisation du recrutement dans la fonction publique.


Le gouvernement associe les appareils syndicaux au démantèlement des garanties des fonctionnaires.


Les propositions sur la « rénovation » du dialogue social dans la fonction publique que le gouvernement a transmises aux fédérations de fonctionnaires comme base de négociation sont directement issues de la conférence et des groupes de travail tenus cet automne sur le dialogue social. Le gouvernement y acte la totalité des reculs acceptés par les fédérations de fonctionnaires concernant la remise en cause de la gestion statutaire des agents dans le cadre des CAP.

Les CAP voient leur rôle marginalisé au profit des CTP. Pour ce faire, il est proposé d’appliquer le principe de l’élection directe aux CTP, de déterminer la représentation dans les Conseil supérieur de la fonction publique en fonction des résultats aux élections en CTP  alors que jusqu’à présent ce sont les élections aux CAP qui déterminaient la représentativité dans toutes les instances de la fonction publique, d’adapter l’existence et les compétences des CTP aux enjeux de la LOLF. Il est prévu en parallèle de restreindre les compétences des CAP pour les actes de gestion directs et de réduire leur rôle à celui d’un organisme de précontentieux administratif. Egalement, il est proposé de créer une instance commune aux trois fonctions publiques pour favoriser la mobilité entre les trois fonctions publiques.

Pour le gouvernement, en effet, les CAP de corps sont un obstacle à la mobilité forcée du plan « service public 2012 ». Il impulse la création de CAP communes à plusieurs corps pour mettre en œuvre la mobilité. Mais, l’objectif du gouvernement est d’en finir avec les CAP de corps pour concasser les garanties nationales des fonctionnaires que ce soit en matière de mutations ou d’avancement et leur substituer ce que le gouvernement appelle une « approche territorialisée de la gestion des ressources humaines ». En clair, donner tous pouvoirs aux chefs de service déconcentrés sur « la définition de leur structure d’emplois, la modulation indemnitaire, le recrutement », ainsi que l’explique le gouvernement.

Les CTP constituent le cadre adéquat pour mettre en œuvre cette gestion déconcentrée et y associer les organisations syndicales. En effet, d’après le projet soumis à négociation ils sont « le lieu d’un dialogue social organisé autour de la communauté de travail et des discussions sur la politique de gestion des ressources humaines ». Autrement dit le cadre d’un partenariat pour faire prendre en charge par les organisations syndicales, par le biais de la signature d’accords locaux, la gestion déconcentrée portant sur le régime indemnitaire, la structure des emplois ou bien carrément le recrutement.

C’est une remise en cause radicale de l’exercice du droit syndical dans la fonction publique tel qu'il est pratiqué depuis la conquête du statut. En effet, celui-ci est lié à la défense des règles statutaires concernant l’avancement, la notation et les mutations dans le cadre des CAP. La remise en cause est telle que pour permettre cette association des directions syndicales à la liquidation des garanties nationales le gouvernement envisage de leur donner les moyens d’échapper encore davantage au contrôle des syndiqués en leur assurant le contrôle matériel et pécuniaire sur les permanents syndicaux : ceux-ci ne seraient plus rémunérés par l’Etat mais par les appareils syndicaux à qui l’Etat attribuerait une enveloppe globale pécuniaire, ainsi qu’il l’a fait pour les permanents des mutuelles de la fonction publique. Or, toutes les fédérations de fonctionnaires participent aux « négociations », elles en acceptent le cadre.


Vers le « livre blanc » : 110 propositions pour parachever l’offensive contre le statut


Au bout du compte, un projet de loi sur la « nouvelle fonction publique » prenant appui sur le « livre blanc » découlant de la conférence sur les valeurs, les missions et les métiers. Cette conférence a été présidée par Silicani, un homme qui a constamment joué un rôle de premier plan dans les projets de réforme de l’Etat depuis 20 ans. Elle comprend aussi des personnalités telle que l’ancien ministre italien Bassannini, l’homme qui a fait sortir la fonction publique italienne du statut et lui a appliqué une convention collective. Dirigée par de tels « experts », cette conférence avait pour fonction, par le biais d’une opération du type de la démocratie participative, de faire avaliser par les fonctionnaires et représentants d’usagers qui ont été invités à « s’exprimer » dans les différents cadres mis en place pour la concertation, toute une série de mesures concrètes  complétant l'arsenal des mesures que le gouvernement aura fait passer par les autres canaux. De fait, l’opération concertation et les conférences régionales en particulier ont pu se tenir en toute quiétude alors qu’il aurait été de la responsabilité des dirigeants syndicaux d’en organiser le boycott. Lors de la présentation du « livre blanc » le 31 mars, juste avant que ce numéro ne soit bouclé, comparant la fonction publique à un « mammouth » (sic !) le dit Silicani annonce ses propositions : externaliser et privatiser des pans entiers de la fonction publique, « refonder le statut » pour une « fonction publique de métiers » - ce qui complèterait le projet de loi « mobilité » en rendant les fonctionnaires flexibles et polyvalents, remettre en cause les concours, instaurer la rémunération « à la performance », en supprimant la notation, remplacée par une évaluation qui serait déterminante pour les promotions, tandis que le recrutement par concours serait réduit à la portion congrue. Sur cette base, une « concertation » devrait précéder le projet de loi pour une « nouvelle fonction publique ». Le refus de cette nouvelle « concertation » par les dirigeants syndicaux est à l’évidence une condition de la défense du statut.


Front unique contre le plan « service public 2012 »


C'est le statut de 1946 qui risque d'être mis à bas et avec lui, la fonction publique qui risque d'être emportée ; les fonctionnaires n’ont jamais été confrontés à une offensive réactionnaire de cette ampleur depuis 1946. Aussi est-ce sous le mot d'ordre de la défense inconditionnelle du statut que la mobilisation contre les projets gouvernementaux doit être ordonnée.

D'ores et déjà, les restructurations annoncées au MEDAD, dans les musées au titre de la RGPP ont conduit à l'organisation de mobilisations significatives. C'est ainsi que le 6 mars 10.000 agents de l'équipement et de l'environnement ont manifesté à Paris contre la RGPP, soit environ un agent sur 6. Cela est le signe des possibilités de mobilisation qui existent. Un autre signe est constitué par les réactions fortes des fonctionnaires lorsqu'ils ont connaissance du contenu du projet de loi et des décrets sur la mobilité. C'est sans aucun doute ce qui explique que les fédérations de fonctionnaires aient, dans une lettre commune adressée à Woerth, demandé le retrait du projet de loi des articles qui remettent en cause le plus ouvertement les intérêts des fonctionnaires. Mais, en réalité les autres dispositions, notamment l'intégration directe dans une autre administration en lieu et place du détachement doivent être caractérisées tout aussi clairement comme des outils de la mobilité et de la RGPP qui remettent en cause les garanties statutaires. Aussi, la position des appareils syndicaux ne pouvait être interprétée par le gouvernement que comme l'expression d'une volonté de ne pas rompre avec le cadre de la loi, c'est à dire avec le cadre de sa politique. Le gouvernement a donc maintenu intégralement son projet devant le conseil supérieur de la fonction publique.

Pour vaincre le gouvernement, il faut au contraire s’inspirer des leçons du CPE : il faut que se réalise le front unique des fédérations de fonctionnaires CGT, FO et FSU sur l’exigence du retrait du projet de loi « mobilité » ainsi que de tous les projets de décrets, sur l’exigence du retrait de toutes les restructurations prévues dans le cadre de la RGPP (ce qui inclue la fusion aux finances) ; il faut que les fédérations de fonctionnaires rompent la concertation avec le gouvernement dans tous les secteurs de la fonction publique, à commencer par la pseudo négociation sur le dialogue social. 

Ainsi seraient réalisés les premiers pas sur la voie de la constitution du front unique contre le plan "service public 2012", sur la voie de la préparation de l’affrontement  avec le gouvernement, de la grève générale de la fonction publique pour le retrait de ses « réformes », pour lui barrer la voie.


Le 20 mars 2008

 

Haut de la page