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Supplément RATP du 8 janvier 2008 à C.P.S.

 

Régime des retraites : combat perdu contre le gouvernement

par la trahison des dirigeants syndicaux. Tirer les leçons

 


Des décrets, annoncés « au tout début 2008 », vont mettre fin aux conditions de retraite qui ont été celles de tous les travailleurs depuis la constitution de la Ratp et aligner le régime sur celui des fonctionnaires (en particulier : nombre d'annuités nécessaires porté très vite de 37 ans ½ à 41 ans ½, instauration d’un système de décote, fin de l’indexation des pensions sur les salaires…) Quand il fut persuadé que « la voie était dégagée », Sarkozy convoqua le gratin de la presse et déclara : « Les régimes spéciaux ne sont qu’un apéritif. (…) Je ne m’arrête pas, j’accélère…. Un jour, vous direz que j’ai réformé autant que M. Thatcher. » (cf. Le Monde – 27/11/2007) Pourtant, les travailleurs de la Ratp et les cheminots peuvent en témoigner : la défaite subie face au pouvoir – et qui le gonfle d’arrogance - ne doit pas s’incriminer à une mystérieuse « fatalité », mais à la trahison des dirigeants syndicaux.


 

La grève pour défendre le régime de retraite,

la détermination des travailleurs, brisées par les appareils syndicaux

 


Les 18 et 19 septembre, le président de la République tint deux discours de guerre contre des acquis véritablement historiques du prolétariat – et dont la mise en œuvre aboutirait à un bouleversement des conditions de vie et de travail dans tous les secteurs (entreprises publiques, fonctionnaires, secteur privé). Bien plus, il détailla son plan d’attaque : en « priorité (…) traiter la question des régimes spéciaux de retraites » avec « l’objectif (…) : à tout le moins, harmoniser les régimes spéciaux avec celui de la fonction publique » et pour délai : « dans quelques mois, (franchir) une étape décisive… »

 

Pour défendre le régime de retraites, le supplément Cps (27/9) concluait : « Il faut agir sur l’orientation de rupture avec le gouvernement : que les organisations syndicales se prononcent pour le retrait du projet gouvernemental; qu’elles boycottent toute négociation; qu’elles combattent pour le retrait du plan annoncé et appellent à la grève générale jusqu’à satisfaction. »

Mais pas une fois les dirigeants syndicaux - des sommets des confédérations aux bureaux syndicaux - n’ont avancé cette exigence. C’était déjà le cas, dès le 20 septembre, à la Ratp, avec le communiqué commun de toutes les organisations syndicales, qui déclaraient, par contre, que « le calendrier imposé nous apparaît ne pas être de nature à un dialogue social serein et de qualité. »

En outre, la 1ère « riposte » était fixée au 18 octobre, un mois après l’annonce ! Et pourquoi ce délai ? Parce qu’ils attendaient de Sarkozy qu’il « revoie sa copie » ! « Nous voulons croire que la réussite de cette journée d’action pèsera sur le gouvernement afin qu’il revoie sa copie… » (Cgt Ratp, 12/10) « Il est important de marquer cette journée d’une mobilisation massive à la Ratp, seule à même d’infléchir des discussions en cours ou à venir ! » (Sud). Le gouvernement, lui, avançait conformément au calendrier annoncé par Sarkozy, et le 10 octobre, il publiait son « document d’orientation », soulignant que « une 1ère phase de concertation est intervenue avec (…) les organisations syndicales, (…) les présidents des groupes du Parlement. (…) Ces échanges ont permis de définir (…) un socle de principes communs qui seront mis en œuvre à compter de l’année prochaine… »


 

Grève massive, le 18 octobre

 


Et même quasi-totale chez les roulants. Le journal Les Echos alertait ses lecteurs, patrons et hommes d’affaires : « La mobilisation a été exceptionnelle, à la Sncf, à la Ratp et à Edf et Gdf… » Alors que les dirigeants avaient martelé, comme Thibault (Cgt) : « …Pour nous, il s’agit bien d’une grève de 24 heures. » (Libération - 10/10/2007), à la Ratp et à la Sncf, chez les roulants, les assemblées de grévistes ont poursuivi la grève un, deux et souvent 3 ou 4 jours.

 

Ces assemblées ont été qualifiées d’« assemblées générales souveraines ». Illusion ! Les travailleurs ont décidé sans aucun contrôle de l’ensemble du mouvement; sans pouvoir, pour les plus décidés d’entre eux, entraîner les autres, ceux qui hésiteraient. Isolées, les assemblées ont décidé à l’aveugle et, dans le désordre, ont reflué.

A la satisfaction des permanents, comme le secrétaire général de la Cgt-Cheminots, D. Le Reste : « …Très majoritairement, les cheminots s'en sont tenus à une grève ‘‘carrée’’. Les prolongements de la contestation sont ultra-minoritaires. Il n'y avait plus que 2% de cheminots en grève hier, alors qu'on en était à 7% vendredi et à 5% samedi. Ce n'est pas du tout une grève qui s'éternise… » (Le Parisien - 23/10). La Cfdt dénonçait la grève contre le projet du gouvernement en ces termes : « Aujourd’hui, on emmerde tout le monde pour pas grand-chose » (Chérèque) Décidément, le style, c’est l’homme !


 

La bousille organisée par les dirigeants syndicaux

 


La 2ème « riposte » a finalement été fixée au 14 novembre, près de 2 mois après le discours de Sarkozy ! Les déclarations et les tracts des organisations syndicales avaient un fil conducteur (et même, un filin d’acier) : faire silence sur la (et seule) revendication immédiate des travailleurs, l’abandon du projet gouvernemental (la « réforme »). Le 7 novembre, la confédération Cgt et les fédérations appelaient à « faire bouger le cadre de la réforme » - affirmation catégorique que le principe de la « réforme » est accepté ! - et, après avoir mensongèrement inventé « un 1er recul » du gouvernement, déclarèrent que « l’objectif est et demeure la tenue d’une table ronde ministérielle… », pendant que le ministre faisait déjà état de 100 heures de discussion avec les représentants syndicaux !


 

Le 13 novembre, le coup de poignard

 


Avant même que la grève eût commencé – à 16h30 précisément, alors que les 1ers cheminots débrayent, à 20h00 -, une délégation de la Cgt menée par Thibault, principal dirigeant de la plus importante organisation ouvrière de ce pays, flanqué des dirigeants des 1ères organisations syndicales dans les secteurs concernés (Ratp, Sncf, Edf, Gdf) se rendait au gouvernement pour lui livrer les régimes de retraite. Jusqu’alors, la direction confédérale avait déclaré : « Nous ne négocierons pas dans les entreprises tant que le cadre général de la réforme sera celui qui nous a été présenté. Nous ne pouvons pas dire que ce cadre est inacceptable et discuter de sa transposition entreprise par entreprise. C’est au gouvernement de revoir sa copie » (Thibault au Monde – 18/10). Le 7 encore, « l’objectif est et demeure la tenue d’une table ronde ministérielle », mais le 13, « face au refus (par le gouvernement) de la proposition de la Cgt », la Cgt « demande d’ouvrir un cycle de négociations tripartites dans chaque régime spécial avec des représentants du gouvernement et des entreprises. »

« On a été bluffés [épatés], reconnaît-on dans l’entourage du ministre du travail », selon Libération (15/11) qui commente : « Ce qui s’est passé entre la Cgt et le gouvernement est une 1ère. » Et L’Express (20/12) rapporte : « Le ministre Bertrand et ses conseillers ont du mal à y croire : à 24 heures d’une grève, la Cgt apporte la solution. Sans aucune contrepartie. C’est Noël avant le 25 décembre… » Et quand le gouvernement eut répondu (positivement : évidemment !), « la Cgt considère que l’ouverture de discussions tripartites est incontestablement un cadre nouveau… »

 

L’initiative des dirigeants de la Cgt fut approuvée par Fo, l’Unsa. Chérèque, lui, donnait tout son sens à la démarche de Thibault en appelant, sans détour, à l’arrêt de la lutte. Mais le coup de poignard n’avait pas encore terrassé les travailleurs et le combat pour le retrait du plan gouvernemental, à la Ratp et à la Sncf. Quant à Edf et Gdf, les fédérations syndicales ont limité leur appel à la grève au 14 novembre avec ce commentaire du porte-parole de la Cgt : « On ne va pas faire grève sur 24 heures pendant des jours et des jours. Il peut très bien y avoir des débrayages ponctuels d'une heure avec manifestation devant les préfectures. »


 

Malgré l’énorme pression exercée sur les grévistes, la grève continue.


Les bonzes syndicaux n’ont eu de cesse de distiller le doute sur la possibilité de faire échec au gouvernement. Le 17 novembre (4ème jour consécutif de grève) c’est une mise en garde qu’ils adressaient aux travailleurs en lutte : « Il est de notre responsabilité de considérer précisément l’état de mobilisation qui, si elle est de très haut niveau dans certains secteurs n’est pour autant pas de niveau égal sur l’ensemble des secteurs de l’entreprise et d’inviter les salariés à prendre en compte l’état de la mobilisation, mesurer notre capacité à remettre en cause l’ensemble des éléments de la réforme… » (Cgt-Ratp)

Le Ps et le Pcf ont approuvé les directions des syndicats. Le Ps, répétant que « la réforme des régimes spéciaux est nécessaire », demandait, le 14 novembre au matin, qu’« on en termine dès ce soir avec la grève », alors que les médias, au carré, étaient mobilisés pour déverser leur haine de classe contre les travailleurs parce qu’ils combattaient pour défendre leurs droits !

Les grévistes ont résisté à cette coalition et au travail de sape. Leur volonté s’est exprimée de façon tranchée, dans les résolutions adoptées.

3 exemples :

A Nation (L2), les grévistes votaient, le 14, une « résolution adressée aux bureaux syndicaux de la Ratp et aux dirigeants syndicaux : 1) Pas de concertation, pas de négociation 2) Bureaux syndicaux de la Ratp et dirigeants syndicaux, appelez à la grève générale dans l’unité des syndicats et des travailleurs jusqu’au retrait du projet du gouvernement. »

A Rueil (LA), l’assemblée adoptait, le 14, une résolution indiquant : « Avant même que la bataille d'aujourd'hui soit engagée, la direction de la confédération Cgt est allée pour livrer notre régime de retraite au gouvernement ! C'est une trahison. Aujourd'hui, les directions syndicales et la direction Cgt portent l'entière responsabilité de la situation ».

A Massy Palaiseau, le 19, les grévistes de la LB adoptaient, en assemblée générale, une résolution adressée aux bureaux syndicaux de la Ratp : 1) Prononcez-vous pour le retrait pur et simple du projet de décret du Gouvernement. 2) Refusez toute discussion, négociation ayant pour objet la remise en cause de notre régime de retraites.


 

« Négociations-trahison »

 


Le gouvernement avait commencé par « demander - pour que ces négociations s'ouvrent – qu’il y ait un appel à la reprise du travail de la part des organisations » avant de se rendre compte, comme le relate Le Monde (27/11), qu’« entre la base et les dirigeants du syndicat majoritaire à la Sncf et à la Ratp, la coupure est nette. (…) Le 14, en constatant que le leader de la Cgt vient d’être sifflé par sa base dans certaines ag, X. Bertrand est convaincu (…). ‘‘ Il faut sauver le soldat Thibault ’’, résume Sarkozy (…). L’ouverture des négociations sera fixée selon les demandes de la Cgt. »

Pourtant, « les 17 et 18 - selon l’Express, déjà cité – l’heure est aux doutes. A l’Elysée, au ministère, à la Cgt. (…) Bertrand s’inquiète que rien ne se passe comme prévu. »

La trahison des responsables syndicaux a été reçue comme telle par les travailleurs en lutte. Broncas, votes de défiance dans les assemblées, quand le nom de Thibault, en particulier, est prononcé et/ou quand la question des « négociations » est évoquée. Minoritaires sont ceux qui endossèrent publiquement la politique des appareils - et qui parfois « craquèrent ».

On laissa passer la journée d’action des fonctionnaires, le 20. Finalement, c’est au bout d’une semaine de grève que les « négociations » s’ouvrirent, le 21. A Bercy, le secrétaire du syndicat Cgt-ferré, hué par les grévistes massés, ne put pas terminer son compte-rendu; et le secrétaire adjoint de l’Union Cgt, qui le relaya, devint inaudible…

Si le taux global des grévistes baissait selon les chiffres communiqués par les directions de la Ratp et de la Sncf, l’avant-garde du mouvement (les roulants) ne reculait pas, malgré les appels implicites mais clairs des directions syndicales : la fédération Cgt-cheminots « n’appelle ni à la suspension de la grève ni à la reprise du travail. ». Ils appellent cela : laisser faire « la dynamique de reprise du travail ». Noter que c’est sous couvert de « grève reconductible » que les appareils s’efforcent de faire porter aux grévistes la responsabilité d’arrêter la grève.

Le vendredi 23, le gouvernement claironnait : « La page est tournée, nous avons trouvé la voie des négociations. On ne pouvait pas espérer faire mieux. La gestion de cette crise a été presque parfaite. (…) Dès le début, la Cgt avait la volonté d’en sortir… » (Fillon) et Sarkozy rendait hommage « au sens des responsabilités dont ont fait preuve les grandes organisations syndicales ».

 

Les négociations, qui se tiendront jusqu’au 20 décembre, vont servir encore et encore à affirmer que la liquidation des régimes spéciaux serait incontournable. Cynisme : on apprend en même temps que le principe de la « réforme » est imposé aux « négociateurs » et qu’il faut « mesurer les avancées obtenues », mais que « cela ne fait pas le compte »... Confusion, bousille et mascarade quand les responsables de la Cgt lancèrent une journée d’« action » et de grève le 12 décembre à la Ratp et 13 à la Sncf, pour (« prenant acte des avancées ») la retirer et appeler, « à mettre en œuvre les formes d’action les plus adaptées ». Pour annoncer enfin la « consultation » des travailleurs sur le mode : « A quelle sauce voulez-vous être mangés ? » !

 


 

La fin d’un acquis historique

 

 

Conquête révolutionnaire

 


Les régimes de retraite datent, en général, comme les acquis les plus précieux, des lendemains de la guerre et des concessions, nécessaires, lâchées par les capitalistes dans la situation révolutionnaire qui dominait en Europe et en France.

Très tôt, la bourgeoisie a tenté de reprendre ces avancées historiques. Dès qu’elle a pu rétablir sa domination, reconstruire son Etat – grâce à l'action déterminante du Pcf (« La grève, c’est l’arme des trusts », « Une seule police, une seule armée », la politique du « se retrousser les manches », slogans qui résument leur politique) et du parti socialiste (Sfio) secondés par les appareils syndicaux (« Produire d’abord, revendiquer ensuite »).

En 1953, la 1ère attaque est portée contre les retraites, incluse dans les décrets du gouvernement Laniel (qualifié de « dictature à tête de bœuf »). Leur retrait fut obtenu par la grève générale entièrement spontanée, débordant les organisations syndicales en plein mois d’août.


 

« Le plus grand hold-up du siècle »

 


C’est à partir de 1993 que la bourgeoisie a engagé une offensive générale contre les régimes de retraites. Il s’agit pour les capitalistes de récupérer la partie différée (indirecte) du salaire qu’ils doivent, et qui finance les pensions et la Sécurité sociale. Il faut le marteler : ces sommes appartiennent collectivement au prolétariat ! La 1ère étape, visant le régime général, passa, pendant l’été 1993, sans que les organisations ouvrières aient tenté la moindre lutte contre le gouvernement Balladur !

En 1995, le gouvernement Chirac-Juppé (celui-ci « droit dans ses bottes » à l’Assemblée nationale) annonçait un plan de saccage de la Sécurité sociale et des autres régimes de retraite. C’est à l’initiative des travailleurs que la grève fut déclenchée. La puissance du mouvement de novembre-décembre (grèves et flot de manifestations) des cheminots, à la Ratp, des fonctionnaires…, prit à la gorge le gouvernement, qui finit par retirer son projet (tout en maintenant la loi Juppé de saccage de la Sécurité sociale).

En 2003, la détermination de la grève, le 13 mai, à la Ratp, poussa le gouvernement Chirac-Raffarin à sortir la Régie du champ de la loi contre les pensions des fonctionnaires; idem pour les autres entreprises publiques. Les dirigeants syndicaux appelèrent alors à la reprise…

Sarkozy, candidat à la présidentielle, s’était fixé comme une tâche déterminante et prioritaire d’achever, au compte du capital, la 1ère phase du « plus grand hold-up du siècle » (La formule, utilisée par un ancien secrétaire général de Fo à propos de la « contre-réforme » Juppé, s’applique pleinement aussi à la casse des régimes de retraite des travailleurs).


 

En tête du programme de Sarkozy

 


A la présidentielle, puis aux législatives, les dirigeants syndicaux ont refusé de combattre le candidat du grand capital et son parti, l’Ump. On l’a vu à la Ratp. C’est ainsi qu’au congrès Cgt du ferré qui se tenait du 23 au 25 mai - après l’élection de Sarkozy et avant les législatives - un délégué présentait une résolution demandant au congrès d’« appeler toutes les organisations syndicales à réaliser l’unité pour combattre et faire échec à toute menace contre le régime des retraites. » C’est à la demande du bureau syndical sortant que la majorité des délégués repoussait la résolution, 5 délégués seulement votant pour et 10 s’abstenant

 

Dès l’élection de Sarkozy, les dirigeants syndicaux lui ont apporté leur collaboration. Thibault confiait au Monde, le 11 mai : « Je comprends qu'au lendemain de l'élection, ceux qui se trouvent aux postes de responsabilité déclarent qu’ils incarnent une légitimité exclusive pour décider », et ensuite : « Nous ne sommes ni une force d'opposition a priori, ni une force d'accompagnement a priori. »

A de multiples reprises, le président de la République a salué cette collaboration. Comme ce 18 septembre, quand il saisit « cette occasion pour dire toute mon estime à ces grands acteurs sociaux. (…) Je joue cartes sur table : depuis le tout début, avant même mon entrée en fonctions, j'ai reçu les partenaires sociaux pour leur indiquer l'ensemble des réformes que j'entendais conduire (…). Depuis, je les ai revus à plusieurs reprises… ».

Mailly, secrétaire général de Fo, qui avait prétendu qu’« avec N. Sarkozy, tout est possible », prévenait, au cours d’une émission de radio (le Franc Parler 11/11) : « Nous ne sommes pas dans un mouvement anti-Sarkozy, de caractère politique ». Comment clamer plus nettement, 48 heures (! ! !) avant la grève du 14 novembre, que les sommets syndicaux ne voulaient pas que la grève mette en cause le pouvoir et donc la contre-réforme !


 

 

Leçons d’une défaite


 


Pourquoi les appareils ont-ils trahi ? Parce qu’ils sont attachés (comme le Ps et le Pcf) à la défense du régime capitaliste, les appareils syndicaux se soumettent à ses exigences. [nb : c’est bien des appareils dont on parle et non des organisations syndicales qui - en ce qui concerne la Cgt et Fo - sont issues de la vieille Cgt et doivent être défendues et pleinement utilisées dans l’intérêt exclusif des travailleurs !]

 

Et les exigences du capitalisme français sont colossales, à la mesure de sa situation calamiteuse : le déficit du commerce extérieur (indicateur le plus pertinent de la compétitivité) est « historique »; et naguère, le 1er ministre ne se lamentait-il pas d’être « à la tête d’un Etat en situation de faillite sur le plan financier » ?

Dirigeants politiques et patrons, d’une part, dirigeants syndicaux, d’autre part, ont appris à coopérer. C’est la raison d’être du « dialogue social », du gigantesque réseau d’organismes de participation (du Conseil économique et social, Comité d’orientation des retraites,… au sommet, au conseil d’administration, cdep,… commissions et groupes de travail… jusqu’aux unités), de ses protocoles, des pratiques comme l’« alarme sociale »…. Sans oublier les innombrables rencontres, voyages en commun… Le Monde (27/11), par exemple, relate qu’« au ministère du travail, X. Bertrand a lui aussi a organisé à maintes reprises, en bras de chemise et autour d'un verre, ce qu'il appelle les ‘‘apéros de Grenelle’’ avec les patrons des grandes centrales. Sud, pourtant, n'a jamais été convié à ces discussions…. » Les capitalistes et leur Etat savent aussi retenir les leçons, ainsi celle des contrats 1ère embauche (cpe) : pour mettre en œuvre leurs plans et leurs décisions, il faut associer (« négociations ») les appareils syndicaux à toutes les étapes, sans la moindre dérogation, sous peine de se casser les dents comme Chirac-Villepin au début 2006.


 

La lutte des travailleurs : sans état-major

 


C’est le « calendrier » des bonzes qui s’est appliqué, et ce calendrier, les travailleurs en sont amèrement convaincus, a été élaboré pour que les travailleurs s’inclinent devant le pouvoir et sa contre-réforme.

Pourtant, la volonté des grévistes a été manifeste, s’exprimant dans la durée de la grève (9-10 jours en novembre), dans les résolutions votées. Mais, on l’a vu, les « assemblées générales souveraines » ont été une illusion de démocratie ouvrière : les travailleurs n’ont jamais pu contrôler le mouvement. Ils n’ont jamais eu le sentiment qu’ils pouvaient déborder les appareils, qu’ils avaient le souffle pour aller les chercher et les contraindre à rompre avec le gouvernement et les directions d’entreprise.

Faute de s’engager dans cette voie, ils n’ont pas été en situation de s’emparer de la direction du mouvement, et ainsi : appeler à la grève générale illimitée jusqu’à l’abandon du projet, souder les travailleurs, en prenant appui sur les secteurs les plus résolus (qui sont - ce n’est pas surprenant - les secteurs stratégiques), affronter dans les conditions les plus avantageuses le pouvoir et l’Etat. Ils n’ont pas eu les moyens de donner un véritable état-major à la grève : en constituant, dans tous les attachements, des comités de grèves élus, révocables, fédérés en comité central de grève, à la Ratp, puis entre les 4 entreprises concernées, incluant, à chaque niveau, les représentants des organisations syndicales.


 

Victoire du gouvernement Sarkozy

 


La Régie n’a jamais été un coin de paradis au milieu de la tourmente. Depuis longtemps, les personnels voient leurs acquis attaqués (remise en cause de la qualification, augmentation de la productivité, polyvalence et suppression de filières et de services, perte du pouvoir d’achat, extension du salaire « au mérite », au rendement et individualisation, augmentation des personnels hors statut…). Jusqu’aux attaques contre le régime maladie, l’annexion du régime des retraites au régime général. Pour autant, jamais les travailleurs n’avaient subi un recul d’une telle ampleur depuis la fin de la guerre et la constitution de la Ratp ! La même constatation s’impose pour la Sncf. Pour les travailleurs d’Edf et de Gdf, c’est un nouveau coup dur à la suite de la lourde défaite subie en 2004 et la transformation des 2 entreprises en sociétés anonymes. Sarkozy a immédiatement fêté la victoire en procédant dès le 3 décembre à une vente en Bourse d’une partie d’Edf (prix bradés, selon les banquiers), et en réactivant quelques jours plus tard le processus d’absorption de Gdf par le groupe capitaliste Suez.

Enfin, avec la loi Pécresse, loi de privatisation de l’Université, il a défait les secteurs qui tenaient tête à la bourgeoisie depuis longtemps : travailleurs de la Sncf, Ratp et la jeunesse étudiante.


 

Et maintenant

 


Ce qu’attendent les capitalistes de Sarkozy ? Un grand patron, Kessler, ancien n°2 du Medef, l’a résumé ainsi : « La liste des réformes ? C’est simple, prenez tout ce qui a été mis en place entre 1944 et 1952, sans exception. Elle est là. Il s’agit aujourd’hui de sortir de 1945… »

A la Ratp

 


Les travailleurs ne pourront pas accepter la poursuite et encore moins l’accentuation des contre-réformes.

Sans attendre le prochain discours-programme du président qui ne peut que reprendre l’objectif formulé par la direction précédente : « faire de la Ratp une entreprise comme une autre », il faut définir une orientation de défense des conditions de vie et de travail : pas un agent en moins, pas un poste en moins, défense de la qualification, salaire correspondant à la qualification (et rattrapage du pouvoir d’achat perdu), respect des garanties réglementaires, du statut, préserver le régime santé…

Défense du droit de grève : enjeu immédiat. Sans tarder, la direction a fait savoir, après la réunion de négociation le 4 janvier avec les syndicats, que « tout est prêt pour appliquer la loi » antigrève (« sur le dialogue social et la continuité du service public »).

 

Mais faire prévaloir une orientation de défense des personnels exige que les syndicats rompent immédiatement avec le « dialogue social » (démission du conseil d’administration, des cdep…), dénoncent les accords de « modernisation », réalisent l’unité contre la direction. Et tout cela, la démonstration n’est plus à faire : il faut l’imposer aux appareils syndicaux ! Tirer les leçons de la défaite des retraites, c’est commencer à en discuter, s’organiser.


 

****

La crise économique qui menace (selon les prédictions de plus en plus sombres des experts et des économistes, de l’Onu…) enjoint aux capitalistes et à leurs gouvernements (pour tenter de la repousser) : - de s’attaquer encore plus brutalement à tous les droits sociaux : salaires, régimes sociaux, durée et conditions de travail, instruction publique, droit du travail…, et aux besoins culturels; - de généraliser la précarité; - de renforcer les moyens oppressifs et répressifs, matériels et idéologiques, de l’Etat. Tout en poursuivant, en ce qui concerne un pays comme la France, sa politique impérialiste.

La nécessaire défense pied à pied des conditions de vie ne peut que remettre en cause le gouvernement; elle requiert que soit dressé le front unique des organisations ouvrières pour le défaire. Une telle éventualité mettrait à l’ordre du jour la constitution d’un gouvernement issu de ce front unique, et dont les masses exigeraient qu’il satisfasse les revendications.

Afin d’assurer des conditions d‘existence simplement suffisantes, il faut un gouvernement ouvrier – qui, la 5ème république liquidée, l’Union européenne rejetée, rompe avec le régime capitaliste (expropriation des groupes capitalistes), établisse et exécute, sous contrôle de la classe ouvrière et en fonction des besoins sociaux, un plan de production, et combatte pour la constitution des Etats unis socialistes d’Europe.

Pour que les luttes que livrera la classe ouvrière aillent le plus loin possible vers cet objectif, il est nécessaire de construire un Parti ouvrier révolutionnaire. Il faut y contribuer !

 

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