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Article paru dans CPS n°30 de septembre 2007

Les objectifs de la loi Sarkozy-Fillon-Pécresse :

La privatisation de l’enseignement supérieur public

 

« Peut-être la plus importante de la législature» (Fillon)


C’est ainsi que François Fillon a présenté le 23 mai la contre-réforme de l’université qui s’est concrétisée par la loi relative aux « libertés et responsabilités des universités » (LRU) promulguée le 1er août 2007, suite à son adoption par l’Assemblée Nationale le 27 juillet 2007. Il n’y aura pas de seconde lecture, la procédure d’urgence ayant été mise en œuvre par le gouvernement Sarkozy-Fillon, pressé de traiter l’affaire pendant les vacances scolaires et d’en finir avant la rentrée universitaire.

Lors de l’université du MEDEF, ovationné par les patrons, Nicolas Sarkozy a pavoisé. Il a déclaré :

« D'ores et déjà l'autonomie des universités a été votée, en quelques semaines et cela va tout changer. On me disait que c'était impossible : des universités dotées d'un président qui pourra diriger, des universités autonomes, toutes les universités. Eh bien, c'est fait ! »

Les termes employés par Fillon, les tartarinades de Sarkozy devant le MEDEF ont une profonde signification politique. Depuis plus de quatre décennies, la bourgeoisie française et les gouvernements à son service se sont heurtés à la résistance de la jeunesse étudiante qui, défendant son droit aux études, a combattu leurs multiples contre-réformes poursuivant toujours les mêmes objectifs : organiser la sélection à l’entrée afin de limiter le nombre d’étudiants ; livrer l’enseignement supérieur et la recherche universitaire aux capitalistes afin qu’ils décident de l’affectation des moyens en fonction de leurs seuls besoins ; liquider les diplômes nationaux ; dynamiter les statuts des enseignants et des personnels.

Au-delà des objectifs économiques de la bourgeoisie, il s’agit avant tout pour ce gouvernement de réussir là où tous les gouvernements de la Ve République ont échoué : domestiquer la jeunesse étudiante, lui faire accepter les exigences du capital en renonçant à ses s’aspirations à la culture, au savoir et à l’indépendance et lui faire accepter les normes de l’exploitation capitaliste. Il s’agit pour ce gouvernement d’effacer les défaites politiques que la jeunesse étudiante et lycéenne a fait subir à la bourgeoisie en imposant en décembre 1986, au gouvernement Chirac, le retrait du projet de loi Devaquet, en 1994, au gouvernement Balladur, dont Sarkozy était le porte-parole, l’abrogation du décret instaurant les CIP, en avril 2006, au gouvernement Chirac-Villepin, le retrait du CPE.

Avec l’adoption de la loi relative aux « libertés et responsabilités des universités », le gouvernement a réalisé à ce stade sans encombre l’un de ses principaux objectifs : faire adopter la contre-réforme de l’université attendue « depuis plus de vingt ans » selon les termes employés par Précresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. L’examen du contenu de la loi montre qu’il ne s’agit pas d’une réforme d’ajustement de plus telle que l’enseignement supérieur en a connu depuis plusieurs décennies. C’est en réalité une loi qui organise un bouleversement de fond en comble de l’enseignement supérieur public, à vrai dire sa liquidation.  S’appuyant sur les dispositions des contre-réformes qui ont précédé, en particulier les lois Faure de 1968 et Savary de 1984, la nouvelle loi établit la norme qui doit être celle qui régira le fonctionnement de l’université, tel que le définissait Fillon le 27 mai 2007, avec des établissements universitaires :

« qui pourront s’organiser comme ils l’entendent, recruter leurs enseignants comme ils l’entendent, créer les enseignements qu’ils veulent, mettre en place les accords avec les organismes de recherche, avec les grandes écoles, avec les entreprises sans avoir besoin de demander l’autorisation de la tutelle ».


Le financement des universités


La voie est tracée afin que les universités développent avec une liberté presque totale, sous la seule responsabilité de leur président et de leur conseil d’administration, leur mode de financement et disposent à leur guise de l’utilisation des fonds publics (création de filiales, prises de participation, emprunts, création de fondations financées par le secteur privé et les collectivités territoriales, transfert par l’Etat aux universités, à leur demande et à titre gratuit, de la pleine propriété des biens mobiliers et immobiliers avec la possibilité de les vendre et de les livrer à la spéculation immobilière).

Les grands groupes capitalistes se saisissent déjà des possibilités ouvertes par les « fondations » :

« Formule courante aux Etats-Unis, une fondation d'entreprise va voir le jour au sein d'une université pour la première fois en France. Lyon-I-Claude-Bernard, qui accueille 30 000 étudiants dans le secteur de la santé et des sciences, vient en effet de créer sa propre structure avec Sanofi-Pasteur, division vaccins du groupe Sanofi Aventis, et la Banque populaire Loire et Lyonnais. Ce projet a vu le jour grâce à une filiale de valorisation de la recherche, Ezus-Lyon-I, créée en 1990.

Jusqu'à présent, en vertu de leurs statuts, les universités pouvaient créer des fondations d'utilité publique mais pas directement des fondations d'entreprise. La loi sur les libertés des universités adoptée par l'Assemblée nationale le 25 juillet devrait, en créant une nouvelle structure, la "fondation partenariale", moins contraignante, susciter des vocations (…).En cinq ans, la fondation espère lever 10 millions d'euros. Outre un gain d'image, les entreprises voient dans ce mécénat, même si elles s'en défendent, un moyen d'entretenir un vivier de recrutement et de formation.

(…) L'université pourrait ainsi développer des formations adaptées aux besoins des branches professionnelles. » (Le Monde du 14/08/2007)

La porte est ainsi grande ouverte pour que le patronat et les collectivités territoriales, parce qu’ils tiendront de plus en plus les cordons de la bourse, prennent le pouvoir afin d’adapter l’enseignement et la recherche à leurs besoins.

A ce titre, la composition des conseils d’administrations est ajustée. Elle peut varier de vingt à trente membres tout en comprenant obligatoirement « sept ou huit » personnalités extérieures, désignées par le président, choisies parmi des chefs d’entreprises, des représentants des collectivités territoriales et d’autres « acteurs du monde économique » (comprendre par là essentiellement les syndicats professionnels patronaux, les chambres de commerces et d’industrie à leur service, etc.).

Dans le principe, la part du financement de l’Etat reste sous la forme d’une dotation négociée dans le cadre des contrats pluriannuels (instaurés par Jospin en 1989 lorsqu’il était ministre de l’éducation nationale), cette dotation comprenant d’une part les montants affectés à la masse salariale et d’autre part ceux correspondant aux crédits de fonctionnement et d’investissement.

En ce qui concerne le financement de l’Etat, les montants affectés à la masse salariale sont limitatifs ainsi que le nombre d’emplois que l’université est autorisée à rémunérer sur ces fonds. Contrairement aux amendements déposés par le groupe socialiste lors du débat à l’Assemblée Nationale, ce sont les contrats pluriannuels qui détermineront la part des emplois contractuels pris sur ce financement public et non un encadrement fixé par la loi. Sur ce plan, le gouvernement a déjà annoncé la couleur : dans le projet de budget 2008, selon l’intersyndicale de l’enseignement supérieur dans un communiqué du 3/09/2007, il n’est prévu aucune création de poste dans l’enseignement supérieur.

 

Au-delà de cette « contrainte » les présidents d’universités acquièrent une complète autonomie dans l’affectation des moyens, y compris ceux alloués par l’Etat. Les objectifs sont clairs : faire en sorte que les financements publics soient affectés aux activités d’enseignement et de recherche intéressant directement les patrons et que soient liquidées à terme tous les secteurs n’entrant pas dans ce cadre, c’est-à-dire les filières d’enseignement et de recherche sans intérêt pour « la nation ».


L’organisation de l’enseignement supérieur et de la recherche universitaire


En matière d’organisation de l’enseignement supérieur universitaire aussi, la loi « change tout ». Les conseils d’administration des universités peuvent demander par simple vote, leur regroupement au sein d’un nouvel établissement ou d’un établissement déjà constitué, la décision étant entérinée par décret. Pour le gouvernement l’objectif est clair : faire en sorte que les universités elles-mêmes soient à l’initiative du remodelage de la carte de l’ensemble des 85 universités existantes, avec suppression de nombre d’entre elles. Nul doute que, sous la menace du chantage à la dotation, le mouvement sera bien vite engagé. Ainsi, un communiqué de l’AFP du 7/07/2007 indique déjà, avant même que le loi n’ait été votée que :

« Les syndicats des trois universités d'Aix-Marseille se sont dit mardi favorables [sic! - ndlr] à la fusion annoncée des trois établissements tout en s'inquiétant des modalités de ce regroupement et d'une éventuelle réduction des moyens d'enseignement et de recherche.

Les dirigeants des trois universités avaient annoncé début juin qu'elles avaient décidé de s'unir pour former d'ici deux ans l'une des plus grosses universités de France, forte de plus de 70.000 étudiants, dans le cadre de la loi sur l'autonomie qui sera examinée dès cette semaine par le Sénat. L'intersyndicale des trois universités (CGT, UNSA, Sud-étudiants, Unef, syndicat national des chercheurs-FSU) s'inquiète notamment de la méthode choisie pour effectuer cette fusion, confiée sans aucune concertation au Pôle de recherche et d'enseignement supérieur (PRES) d'Aix-Marseille qui selon elle n'est pas représentatif. »

 

Il n’est pas nécessaire de s’étendre sur les conséquences pour des dizaines de milliers d’étudiants en ce qui concerne l’accès aux formations de leur choix, droit déjà fortement remis en cause dans la pratique, en particulier d’un point de vue géographique mais aussi pour l’ensemble des personnels : le regroupement programmé de dizaines d’universités aboutira inévitablement à des économies « d’échelles », en particulier par la suppression de postes dans tous les domaines.

 

De plus, les conseils d’administrations acquièrent le pouvoir de créer - et donc aussi de supprimer ou de regrouper- en leur sein les unités de formation et de recherche (UFR), prérogatives qui étaient déjà en partie la leur pour les départements, les laboratoires et les centres de recherche, cela après avis de leur conseil scientifique. L’Etat garde encore la main pour la création des écoles et des instituts qui relèvent d’une décision par arrêté.

C’est une évolution fondamentale : jusqu’ici l’habilitation de nouveaux UFR restait encore encadrée et organisée nationalement. En perspective, il ne faut pas être dupe, sous la direction des nouveaux CA, la suppression massive d’UFR, le regroupement, voire la suppression de laboratoires de recherche (en concertation étroite avec les organismes publics de recherche –CNRS, INSERM…).

En ce qui concerne les diplômes et le contenu des enseignements, un pas de plus est accompli. Les universités ont pour mission de délivrer « des diplômes nationaux [licence, master et doctorat –ndlr] ou des diplômes d’établissement sanctionnant les connaissances, les compétences ou des éléments de qualification professionnelles acquis » (article 35 de la loi).

En clair c’est la délivrance de diplômes « maison » dont la reconnaissance n’est plus nationale mais basée sur la notoriété, nationale ou…régionale, qui est autorisée à la pleine initiative des universités. Et au-delà, en filigrane, la préparation de nouvelles attaques contre la formation professionnelle, domaine dans lequel la CPU, soutenue en cela par le MEDEF, revendique pour les universités un rôle majeur, libéré de toute contrainte réglementaire.

 

Enfin, pour ce qui concerne l’accès à l’université, la loi impose à partir de la rentrée 2008 l’application de dispositions de préinscription pour les lycéens.


Les statuts des personnels


Les présidents d’universités se voient conférer des pouvoirs qui sont tout à fait analogues à ceux d’un chef d’entreprise. Ainsi, pour « la première affectation des personnels recrutés par concours national d’agrégation de l’enseignement supérieur, aucune affectation ne peut être prononcée si le président émet un avis défavorable ». C’est lui qui décide de l’affectation dans les différents services des personnels administratifs techniques, ouvriers et de services. Il est responsable de l’attribution des primes et avec son conseil d’administration, il acquiert le droit de mettre en place « des dispositifs d’intéressement permettant d’améliorer la rémunération des personnels ». Il s’agit en réalité de dynamiter les statuts des personnels issus de la fonction publique, d’instaurer la concurrence entre eux et de les soumettre aux exigences du nouveau patron d’autant plus que les vannes sont ouvertes pour le recrutement de contractuels sous droit privé en utilisant les fonds publics. Tandis que, par ailleurs, les présidents d’universités acquièrent de nouveaux pouvoirs pour définir les « obligations de service » des chercheurs des établissements publics de recherche (CNRS par exemple) qui enseignent à l’université, ce qui constitue aussi une remise en cause du statut de ces derniers.


Plusieurs décennies de contre-réformes


L’enseignement supérieur public tel qu’il s’est constitué dans les années 1950 est un sous- produit des conquêtes arrachées par le prolétariat lors de la vague révolutionnaire à la fin de la seconde guerre mondiale. La bourgeoisie a dû concéder l’accès massif à l’enseignement secondaire puis à l’enseignement supérieur. Le baccalauréat est le premier grade universitaire. Depuis le début des années 1960 les gouvernements successifs de la Ve république, qu’ils aient été dirigés par les partis bourgeois ou d’ « union de la gauche », ont poursuivi au compte des capitalistes les mêmes objectifs : organiser la sélection à l’entrée pour réguler le nombre d’étudiants en fonction de leurs besoins, orienter massivement les étudiants vers des filières professionnelles courtes, liquider les diplômes nationaux reconnus dans les conventions collectives, donner le pouvoir de décision sur le contenu des enseignements et de la recherche au patronat et privatiser les universités ; domestiquer la jeunesse étudiante et discipliner les personnels enseignants et chercheurs. C’est pourquoi depuis plus de quatre décennies se sont succédés les projets de réformes de l’enseignement supérieur.

 

Après l’échec du plan Fouchet qui n’a pu réellement s’appliquer du fait de la grève générale de mai-juin 1968, la loi Faure de novembre 1968 a instauré la participation afin d’associer les organisations syndicales enseignantes et étudiantes à la cogestion des budgets concentrant la politique gouvernementale. Dans les années 1970 les étudiants ont été confrontés à de multiples attaques visant à instaurer la sélection ou à déqualifier les diplômes (instauration du numerus clausus pour les études de médecine en 1972, réforme des DEUG de 1973, du second cycle en 1976). En 1984, la loi Savary a élargi les prérogatives des universités en matière d’autonomie financière en leur autorisant, alors d’une manière très encadrée, de rechercher des financements privés.

Après la défaite politique infligée en 1986 par les étudiants au gouvernement Chirac à qui ils imposèrent, par la grève générale et les manifestations centrales à l’Assemblée nationale, le retrait du projet de loi Devaquet qui instituait une augmentation très importante des droits d’inscriptions et la liquidation des diplômes nationaux, les gouvernements successifs, avertis, ont cherché à éviter une nouvelle réforme globale qui aurait provoqué l’affrontement central avec les étudiants. Ils ont fait jouer à plein la participation. La loi d’orientation de Jospin de 1989 et son plan université 2000 amplifient l’application de la loi Savary. L’instauration des contras quadriennaux incite les universités à augmenter les financements privés. En 1997, la réforme Bayrou instaure les stages diplômants, vers plus de professionnalisation, c’est-à-dire la mise à disposition du patronat d’une main d’œuvre gratuite.

En 1998, le plan U3M vise à organiser le regroupement d’universités avec la constitution des « pôles d’excellence » plus richement dotés au détriment de l’ensemble des facultés. En 1999, Allègre, puis Jack Lang mettent en œuvre (sur la base d’expérimentations dans les universités afin de faire jouer à plein la participation) la réforme LMD (Licence Master Doctorat) et le système ECTS (obtention des diplômes par l’acquisition de « crédits » bouleversant le contenu des enseignements).

La réforme LMD, mise en oeuvre avec la pleine collaboration des dirigeants de l’UNEF et du SNESup, est le coup le plus important porté depuis 20 ans en termes de déqualification du contenu des enseignements et de remise en cause du caractère national des diplômes.

Mais cette accumulation de contre-réformes n’a pas permis jusqu’à présent à la bourgeoisie d’atteindre tous ses objectifs : tant bien que mal les diplômes nationaux subsistent et l’enseignement supérieur public n’est pas privatisé. Avec la loi Précresse, comme l’a déclaré Sarkozy devant le MEDEF, « cela va tout changer ».


Du CPE au rapport Hetzel, et au programme de l’UMP


 Au lendemain de la défaite du CPE, le gouvernement a pris l’initiative de mettre en place la commission Hetzel, dite commission « université-emploi ». Elle a été créée pour permettre au gouvernement de relancer la concertation avec les organisations syndicales. C’est alors l’occasion pour la bourgeoisie française de formuler directement ses desiderata en matière de "réforme" de l'enseignement supérieur public. Sur treize membres de cette commission, dirigée par le recteur de l'académie de Limoges Hetzel, sept représentent directement le Capital (Danone, Axa, Veolia, etc.).

Les universités représentées sont quant à elles considérées comme à la pointe de la "professionnalisation", c'est-à-dire la soumission aux exigences du patronat.

 

C'est à cet aréopage distingué que, unanimes, les dirigeants des organisations syndicales ont reconnu le "droit" de paver la voie au gouvernement Chirac-Villepin-Sarkozy, en répondant docilement aux convocations d'Hetzel, y croisant les organisations patronales et une pléthore de corporations, associations, lobbies et "syndicats" réactionnaires. C'est appuyée sur ce soutien sans faille que la commission Hetzel peut clamer, dès l'introduction de son rapport final: "Les conditions sont réunies pour conclure un pacte national autour de l'université française". Elle précise encore avoir procédé à une "mise en exergue de mesures et de propositions acceptables par l'ensemble des acteurs".

 

Le programme que l’UMP adopte en novembre 2006 est directement tiré du rapport Hetzel. On y lit :

« Avant la fin de l’été 2007, une loi aura réformé la gouvernance des universités et créé un statut d’autonomie pour les universités volontaires, qui leur permettra de diversifier leurs ressources, de recruter des enseignants et des chercheurs et de moduler leurs rémunérations, de gérer leur patrimoine, de passer des contrats de partenariat avec d’autres établissements ou avec des acteurs de la vie économique locale ».

En acceptant la concertation avec la commission Hetzel, les dirigeants syndicaux enseignants et ceux de l’UNEF ont contribué à l’élaboration du programme de Sarkozy.

 

En février 20006, la Conférence des présidents d’université (CPU) prenait le relais en formulant une série de vingt propositions intitulée « L’Université est une chance ». Ces propositions se retrouvent pour l’essentiel dans la loi Pécresse. La CPU propose en outre de laisser les universités libres de fixer les droits d’inscription, définir les modalités de sélection entre les cycles, et de leur confier l’organisation de la formation professionnelle. A ce stade, le gouvernement n’a pas jugé utile d’intégrer ces « revendications » dans la loi. Pécresse l’a précisé : cette loi n’est que le socle et c’est dans son application, une fois le processus irréversible de privatisation engagé, que ces questions viendront à l’ordre du jour.


Une première étape franchie grâce à la concertation


C’est parce que le gouvernement a pu s’appuyer sur la concertation que la loi Pécresse a été adoptée sans encombre par la majorité UMP/ Nouveau Centre. Dés le 31 mai, Pécresse met en place trois groupes de travail chargés de faire des propositions pour l’élaboration de la loi. Ils doivent rendent leur copie le 22 juin. Les organisations syndicales du supérieur et l’UNEF acceptent d’y participer activement, protestant simplement contre le fait que le gouvernement opère dans « l’urgence ». Et tous dés le départ acceptent le cadre fixé par le gouvernement : oui, aller vers plus d’autonomie pour les universités est une nécessité, oui, une reforme de l’université est à l’ordre du jour. Ainsi, le Monde du 25 mai 2007 commente :

« Allégée de ses deux volets les plus polémiques - sélection et augmentation des droits d’inscription – la réforme, qui devrait porter sur les seuls aspects d’autonomie et de rénovation de la gouvernance, pourrait passer sans trop d’encombres. Mercredi, les organisations syndicales étudiantes ont fait par de leur satisfaction. « La modernisation nécessaire de nos universités exige davantage que la seule question de l’autonomie » a réagi Bruno Julliard, président de l’UNEF, qui a déploré le court délai imparti à la négociation alors que « pour une fois, et c’est rare, toute la communauté universitaire, tous les syndicats, sont prêts à négocier ».

 

Du côté du PS et du PCF, même son de cloche. Alain Claeys, responsable des questions universitaires au PS écrit ainsi début juillet 2007: « Réforme de l’université : mention doit mieux faire » (PS Hebdo du 7/07/2007), cela dans la lignée des déclarations des dirigeants du PS pendant la campagne électorale, comme Dominique Strauss-Kahn, se prononçant pour un accroissement de l’autonomie des universités, voire leur privatisation.

Le 19 juin, Pécresse, trois jours avant l’échéance fixée pour le fin de la concertation, présente le projet de loi qui doit être adopté par le conseil des ministres du 27. Soumis à l’avis du CNESER le 22 juin, ce projet est jugé « inacceptable en l’état » … pour des raisons édifiantes ! La résolution proposée par le SNESup, et soutenue par la FSU et l’UNEF, précise en effet:

« Alors que l’ensemble de la communauté universitaire refuse une université à plusieurs vitesses, la loi instaure une autonomie optionnelle qui conduira à des universités aux compétences à géométrie variable et institutionnalisera un enseignement supérieur à deux vitesses. ».

L’occasion est donnée à Sarkozy de s’ériger en arbitre. Il fait surseoir d’une semaine à la présentation du projet au conseil des ministres et reçoit l’ensemble des dirigeants des organisations syndicales les 25 et 26 juin. Il leur donne satisfaction sur trois points : l’application de la loi ne sera plus optionnelle pour ce qui concerne la gestion des « ressources humaines », le budget et la propriété immobilière et devra être appliquée dans toutes les universités d’ici cinq ans; les CA pourront avoir jusqu’à trente membres; l’article autorisant l’instauration d’une sélection pour l’entrée en master est supprimé.

 

Les organisations syndicales enseignantes et étudiantes, en particulier les dirigeants de l’UNEF, se félicitent de l’intervention de Sarkozy et se disent en partie rassurées. C’est un nouveau succès politique pour Sarkozy. Dans le même temps, le 2 juillet à la Sorbonne, avec la CPU, elles s’engagent dans la préparation des Assises de l’enseignement supérieur dont l’appel dit sans ambages vouloir: « assurer le succès de la réforme de l’enseignement supérieur souhaitée par le président de la République ».


Quelques contradictions


Courant juillet, lors de la discussion du projet de loi au Sénat et à l’Assemblée nationale, les dirigeants des organisations syndicales enseignantes, en particulier ceux du SNESup et de la FSU ont multiplié les suppliques à Sarkozy et aux députés UMP pour une « bonne réforme », revendiquant au mieux le report de l’adoption de la loi, en aucun cas son retrait. Début septembre, les communiqués de l’intersyndicale du supérieur, avec l’UNEF, « pour une rentrée offensive », se situent sur ce même terrain :

«Les organisations signataires s’opposent au contenu et aux conséquences de la loi adoptée par le Parlement, qu’elles jugent toujours inacceptable (…) Elles exigent a minima de profondes modifications sur ces points essentiels [...]».

Pas question pour eux de revendiquer l’abrogation de la loi. Du côté de l’UNEF, selon une dépêche du 2 août: 

« Le syndicat étudiant Unef a estimé jeudi que la loi sur l'autonomie des universités, adoptée définitivement mercredi par le Parlement, "porte en elle de nombreux dangers" et assuré de sa vigilance sur "les risques de démantèlement du service public d'Enseignement supérieur". (…) "L'accroissement de l'autonomie, conjugué à l'asphyxie financière dont souffrent les universités aujourd'hui peut remettre dramatiquement en cause le service public d'Enseignement supérieur", a-t-il ajouté. Il a précisé qu'il "refusera par tous les moyens" cette remise en cause et qu'il jugerait "les intentions du gouvernement sur ses actes dès la rentrée" ».

Les dirigeants de l’UNEF ne se sont associés à aucune prise de position exigeant le retrait du projet ou l’abrogation de la loi. Pourtant une telle position s’est exprimée, même si c’est d’une manière confuse. Ainsi le 11 juillet, à l’initiative de l’intersyndicale de l’enseignement supérieur, sans l’UNEF et la FSU, a été adopté l’appel des Cordeliers. Cet appel se conclut ainsi :

 « A travers l’abandon d’une responsabilité nationale de l’Etat, la multiplication des possibilités de recrutements hors statut, la concentration des pouvoirs autour du président, cette loi supprime les garanties d’existence d’un véritable service public de l’enseignement supérieur et de la recherche, nécessaire au développement d’une politique de long terme répondant à tous les besoins sociaux, en particulier concernant un accès large des étudiants. Ils demandent l’abandon de cette réforme, par le retrait de cette loi ou son abrogation ».

 

Il apparaît que les dirigeants de la FSU et du SNESup tentent de tenir cet appel sous le boisseau. Mais de toute évidence, jusqu’au sein des syndicats signataires (dont les SNCS-FSU, SNASUB-FSU, SNEP-FSU, SNTRS-CGT, CGT-INRA, SNPTES-UNSA, SNPREES-FO…), la pilule passe difficilement. En effet, le statut des personnels des universités est immédiatement menacé.


Engager le combat pour l’abrogation de la loi Sarkozy-Fillon-Pécresse


Contre la privatisation de l’enseignement supérieur public et la mainmise du patronat sur l’enseignement supérieur et la recherche, contre la liquidation des diplômes nationaux et la suppression massive des enseignements, contre la liquidation des statuts des enseignants, des chercheurs et des personnels, il est nécessaire et possible d’engager le combat pour l’abrogation de la loi Pécresse.

Si le gouvernement a fait adopter sa loi avec le soutien des appareils syndicaux entre juin et juillet, alors que les étudiants n’étaient plus dans les universités, c’est que certains cauchemars hantent les nuits de Sarkozy, Fillon et des députés UMP, ceux des défaites subies sur le projet de loi Devaquet et le CPE. C’est pourquoi le gouvernement compte d’autant plus sur la participation des dirigeants syndicaux enseignants et de ceux de l’UNEF pour l’application de la réforme.

 

D’ores et déjà, Pécresse a annoncé l’ouverture de plusieurs « chantiers » pour l’accompagner. Les dirigeants syndicaux ont annoncé qu’ils seraient présents. De la même manière, les assises de la CPU prévues en novembre prochain, sont une pièce maîtresse du gouvernement pour les associer à son entreprise. Sur les facultés, la question va se poser concrètement dés la rentrée. En application de la loi, ce sont les conseils d’administration actuels qui ont pour mission d’accomplir le premier pas pour son application : ils doivent décider de la composition des futurs conseils d’administration avant l’organisation des élections.

Pour les étudiants le combat pour l’abrogation de la loi Sarkozy-Fillon-Pécresse exige d’imposer aux dirigeants de l’UNEF qu’ils se prononcent clairement pour son abrogation et qu’ils s’adressent à l’ensemble des organisations syndicales des enseignants, des chercheurs et des personnels de l’université pour qu’ils réalisent l’unité sur cet objectif.

 

Pour arracher l’abrogation de la loi « LRU » il faut s’engager pour affronter et défaire le gouvernement Sarkozy-Fillon. Pour cela, la responsabilité des dirigeants de l’UNEF est de refuser toute concertation et toute participation à l’application de la loi : pas un étudiant dans les conseils d’administration ! Les dirigeants de l’UNEF doivent donner l’ordre de démission des conseils d’administration ! Ils doivent déclarer qu’ils refusent de participer aux groupes de travail des chantiers de Pécresse et aux Assises de la CPU ! Ils doivent s’adresser sur cette ligne aux syndicats de l’enseignement supérieur et de la recherche. Sur cette base, la responsabilité des dirigeants de l’UNEF est d’engager la préparation d’une conférence nationale de défense de l’enseignement supérieur public, conférence constituée de délégués élus et mandatés par les assemblées générales dans les facultés.

Leur responsabilité est de proposer aux syndicats de l’enseignement supérieur et de la recherche de préparer conjointement une telle conférence.

Ainsi peut être organisé et engagé le combat pour l’abrogation de la loi Sarkozy-Fillon-Pécresse.


Le 15/09/2007

 

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