Autodissolution des « DS. » en Italie au profit du « Parti Démocrate »:

Un saut qualitatif dans la décomposition du mouvement ouvrier.

 


Lors de sa dernière conférence notre Groupe a adopté un document sur la situation mondiale dans lequel on lit :

 " La période actuelle est marquée par la décomposition du mouvement ouvrier, la prise en charge plus que jamais par les vieilles directions du mouvement ouvrier des exigences du capital jusqu'à remettre en cause l'existence même des organisations ouvrières ".

 

Jusqu’ici, pour détruire les partis ouvriers, ouvrir à une exploitation sans frein du prolétariat il avait fallu le fascisme et la violence. Aujourd'hui ce n'est pas la terreur organisée par l'état bourgeois et les bandes fascistes qui est à l'origine de la dissolution des DS (« Démocrates de Gauche »); c'est de l'intérieur même de l'organisation qu'a été menée la bataille pour conduire à ce résultat : 75% des adhérents ayant voté dans les sections des DS ont suivi l'appel des dirigeants pour la constitution du Parti Démocrate et donc pour la mort de leur propre parti. Vote que le congrès de Florence (19 au 21 avril) n'avait plus qu'à entériner. Les 25% d'opposants à la direction se sont répartis pour deux tiers sur la motion Mussi (leader de la "gauche" des DS et … ministre de Prodi) pour le maintien des DS, et un tiers sur la motion Angius, qui ne rejette pas la perspective du PD mais demande qu'il soit "ancré" dans le Parti Socialiste Européen.

 

C'est l'ultime et décisive étape d'un processus de décomposition politique et organisationnelle  dont les manifestations les plus visibles ont été en 1991 le passage du Parti Communiste Italien au PDS (« Parti des Démocrates de Gauche »), le ralliement à la coalition bourgeoise dite de l'Olivier en 1995, puis un nouveau changement de sigle en 1998 (de PDS à DS) allant de pair avec l'effacement de plus en plus marqué derrière  l'Olivier. C’est maintenant une étape décisive qui se franchit. Le nouveau « Parti Démocrate » va réunir avec la majorité des DS la « Marguerite », surnom de "Democrazia e Liberta" dont le dirigeant Rutelli fut un "espoir" du Parti Radical avant de devenir l'instigateur d'un regroupement de divers débris de la Démocratie Chrétienne et autres organisations bourgeoises, et enfin d'autres débris de partis bourgeois.

 

Le Parti Démocrate s'affirme dès sa constitution comme un parti voué à la défense de l'ordre capitaliste. La procédure choisie pour lui donner vie vaut programme. Le 14 octobre auront lieu les " primaires " qui vont désigner : le secrétaire national, les 2400 délégués de l'assemblée constituante nationale, les secrétaires régionaux et les 4800 délégués pour les assemblées constituantes  régionales. Pourront voter tous les Italiens ayant au moins 16 ans  s'étant acquittés d'une contribution de 1 euro et déclarant vouloir participer au processus constituant du PD. C'est ainsi que dans les semaines à venir, le principal parti issu de ce qui fut le plus important parti ouvrier en Europe (le PCI ), les DS, qui ont occupé  la place laissé vacante par l'implosion du PSI depuis 1991, va disparaître corps et biens. Au bout du compte ce sont 200 000 militants (entre les deux tiers et les trois quart des adhérents des partis issus du mouvement ouvrier en Italie) qui devraient se retrouver dans un parti étranger à leur propre histoire.


« Couper le cordon ombilical », sous les applaudissements de la bourgeoisie italienne


Pour saisir pleinement ce dont il s'agit il suffit de lire ce que W.Veltroni, actuel maire DS de Rome et très probable futur secrétaire du PD, en dit lui même :

" (...)  ce que nous entendons lorsque nous parlons d'un parti à "vocation majoritaire" c'est un parti qui ne vise pas à représenter telle ou telle composante identitaire ou sociale (…) un parti résolument réformateur," ( " La Repubblica " du 24 août).

Message reçu : Carlo de Benedetti, patron du deuxième groupe de presse italien (dont La Repubblica et l'Espresso), quelques semaines avant les législatives de 2006, revendiquait la carte n° 1 du PD car, disait-il :

 " Nous avons besoin de réformes radicales et profondes, qui coûtent et provoquent  des changements sociaux".

 

Avec la constitution du PD est donc visé un double objectif : faire disparaître ce qui pourrait être saisi comme un point d'appui pour la classe ouvrière dans sa résistance à l'offensive "réformatrice" et tenter de construire un grand parti bourgeois résolument attaché à la "modernisation" de l'économie italienne.

 

Lors du meeting dans lequel il s'est porté candidat au secrétariat du PD et donc au poste de premier ministre, le coeur du discours de Veltroni était le combat pour un "pouvoir qui décide" ; ce qui lui vaut l'hommage appuyé du président du syndicat des patrons (Confindustria), le président de Fiat et de Ferrari, Luca di Montezemolo : 

“Bien Veltroni, attentif à nos thèmes ...Tous aujourd’hui sentent le besoin d’une politique forte qui décide et qui soit proche des vrais problèmes. Cela m’a fait un grand plaisir d’entendre Veltroni  parler de risque, de mérite, d’école, d’innovation . Donc tout très bien“.

Réponse de Veltroni:“(ces louanges) m’ont fait énormément plaisir parce que c’est une personne que j’estime “.

C'est donc ouvertement à une représentation des secteurs les plus concurrentiels de la bourgeoisie que vise le PD.

 

Or pour une partie importante de la classe ouvrière italienne et de la jeunesse, malgré les changements de sigle et une orientation politique réactionnaire, les DS restaient liés à l'histoire des luttes ouvrières, représentaient la possibilité sur le terrain électoral de se positionner contre les partis traditionnels de la bourgeoisie. Mais aussi sur le terrain de la lutte des classes directe. Ainsi encore en 2002, lorsque le gouvernement Berlusconi entreprend de liquider un point essentiel de la protection des travailleurs contre les licenciements, la mobilisation ouvrière impose le front unique aux syndicats qui doivent appeler à une manifestation centrale à Rome qui regroupe 2 à 3 millions de travailleurs et de jeunes (voir C.P.S n°8 de mai 2002). C'est une manifestation d'une ampleur sans précédent à laquelle les dirigeants des DS qui n'en voulaient pas ont été contraints d'appeler. Cet appel ne faisait pas subitement des DS un parti défendant les intérêts ouvriers, mais il marquait une prise de distance avec le gouvernement Berlusconi et était un point d'appui pour la classe ouvrière. Cela ne doit pas pouvoir se reproduire. Et c'est pourquoi la rupture avec le passé d'organisation ouvrière doit être nette et sans bavure.

 

La question de l'affiliation européenne du futur PD ayant fait débat entre les dirigeants DS et ceux de la Marguerite, cette dernière fait savoir par la voix de son secrétaire (Rutelli): " Nous devons en finir avec les obsessions sur les origines, nous devons couper le cordon ombilical et les DS doivent couper le cordon ombilical avec le Parti Socialiste Européen ".

Fassino, le secrétaire des DS s'incline, et indique au Monde du 23 mai indique de quels  "grands ancêtres" le PD se réclame : Roosevelt, Adenauer, et … de Gaulle !


Un évènement de portée européenne


Avec la restauration du capitalisme en URSS les partis inféodés à la bureaucratie du Kremlin en ont fini avec toute référence au socialisme et avec un double jeu dont Mario Pirani (qui fut le responsable économique de l'Unita, le quotidien du PCI) donne la quintessence dans un article publié à l'occasion du cinquantième anniversaire de la révolution des conseils ouvriers de 1956 en Hongrie.

" (...) double jeu inventé et incarné par Togliatti  qui avait réussi à enraciner les masses italiennes dans les limites d'une opposition de masse dont les barrières étaient la constitution italienne et le respect des engagements pris à Yalta, (…) qui revendiquait la voie parlementaire pour aller au pouvoir, et qui modulait son idéologie afin, par dessus tout, de se garantir un gentleman agreement avec le monde catholique. Dans ce contexte l'URSS avait la fonction de catalyser l'imaginaire révolutionnaire d'une base au quotidien engagé dans un réformisme de fait, projetant dans un futur intemporel le socialisme sur le modèle soviétique."

 

En 1991 la disparition de l'URSS bouleverse la situation, les dirigeants du PCI peuvent se lâcher sans réserve, Mario Pirani  dans l'article déjà cité conclut :

 " (...) le rétablissement du capitalisme en URSS est utilisé par tous les mouvements issus du stalinisme pour surenchérir dans l'adhésion sans réserve à l'économie de marché non seulement pour aujourd'hui mais y compris pour " un futur intemporel ".

Cet abandon de la perspective du socialisme même pour un "futur intemporel" a des conséquences considérables. C'est elle qui ouvre la voie à la rupture organisationnelle avec le mouvement ouvrier, ce qui est bien autre chose qu'une accentuation de la collaboration avec des gouvernements bourgeois.

 

La dissolution de l’essentiel de ce qui fut le plus important parti issu du mouvement ouvrier en Europe revient à l’ouverture d’une porte jusqu’ici sous pression mais qui n’avait pas cédé, et constitue un véritable appel d’air pour tous ceux qui en Europe rêvent de liquider les partis issus du mouvement ouvrier. Ainsi, lors du meeting de S.Royal tenu entre les deux tours à Lyon, sur fond « d’ouverture » vers l’UDF de Bayrou, Romano Prodi adressait à Royal un message l’invitant à poursuivre dans cette voie, donnant le PD. en exemple. Un peu plus tard, la citoyenne Royal rencontrait Veltroni dans un grand restaurant parisien.

Le même Veltroni sera l’invité de l’université d’été des « Gracques », courant de la "gauche rénovatrice" favorable à une alliance P.S-Bayrou, à la même tribune notamment qu’A.Giddens, professeur émérite à la London School of Economics et membre de la chambre des lords, bien connu pour avoir été le mentor de Tony Blair dans son opération de conquête et de "rénovation" du parti travailliste. Ce dernier s’était exprimé dans la Repubblica à l’automne 2006 sur la création du nouveau parti.


Au bout de la « troisième voie »


Depuis l’effondrement de l’URSS, puis la restauration du capitalisme en Russie, la dégénérescence politique des partis sociaux-démocrates s’est accélérée, sous l’impulsion des tenants de la « troisième voie » britannique, ou du « nouveau centre » allemand. En 1999, c’était d’ailleurs le secrétaire des DS de l’époque, D’Alema, qui convoqua un sommet des "progressistes" à Florence avec Clinton le président de la première puissance impérialiste, Cardoso le président du Brésil, auxquels il faut ajouter Schröder, Blair et Jospin c'est à dire les dirigeants des trois plus importants partis sociaux démocrates d'Europe. Veltroni s’inscrit dans cette continuité :

« Lula et Clinton peuvent et doivent être dans la même famille et je voudrais que cette famille soit l’internationale des socialistes et des démocrates. »

L’essence de cette « famille », c’est la négation du socialisme poussée jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’à la volonté de faire disparaître, de liquider le mouvement ouvrier. Anthony Giddens titrait sa contribution dans la Repubblica : " le socialisme est mort, la gauche non ".

Il développe:

" Le socialisme est mort. La date précise du décès est connue - 1989 - mais déjà depuis longtemps il était malade ( ... ) les révolutionnaires en politique n'existent plus parce que l'idée centrale qui a servi de propulseur au socialisme révolutionnaire, la notion à la base même de la définition du socialisme, l’idée qu’une économie contrôlée et répondant aux besoins humains puisse se substituer au mécanisme des prix et du profit, une fois mise à l’épreuve, a failli partout (…).

« Le socialisme réformiste a cru (lui) en une économie mixte. (…)Aujourd’hui la question clef est de savoir si ce type de socialisme lui aussi est mort. Ma réponse est un clair oui, il n’y a pas d’exception à la nette constatation par laquelle j’ai commencé cet article. (…)

«  Qu'est ce qui reste après la fin du socialisme  ? Ou en d'autres termes qu'est ce qui reste de la gauche ? ( ... )  La gauche ne peut plus se définir dans les termes du socialisme des temps passés comme la voie pour limiter les dommages infligés par le marché à la vie sociale (...)  Aujourd’hui la tâche des gouvernements est de favoriser un meilleur fonctionnement des marchés, d’étendre leur rôle plutôt que le réduire.

(…) Dans une ère de libertés individuelles vers lesquelles il y toujours plus d'aspirations nous devons investir dans les personnes pour les aider à s’aider eux-mêmes (…) la gauche ne peut pas se définir dans les termes d’une conception classique de défense des libertés civiles.

 

Il n’est pas de droite d’admettre que la criminalité et le désordre social représentent un grave problème pour les citoyens. Il n’est pas de droite de dire que l’immigration doit être contrôlée (…).

 Je suis favorable à l'idée de la création d'un parti unifié de la gauche italienne. »

Tout est dit.


Effacer la lutte de classe du prolétariat…


Le prolétariat se constitue en classe "pour soi" au travers de ses organisations (syndicats et partis) et par les conquêtes sociales qui instituent une solidarité entre les salariés (par exemple la sécurité sociale ou les contrats de travail nationaux). Que chacun « s’aide soi-même » c'est la négation du droit à avoir des droits collectifs et donc à s'organiser pour les conquérir et les défendre, c'est le rêve de tout patron : "négocier" le contrat de travail individu par individu ce qu'exprime bien la formule Sarkozy- Medef de la " séparation à l'amiable ".

 

Plus encore, la constitution des partis de la classe ouvrière en Europe, historiquement, correspondait à l’aspiration que vienne au pouvoir un gouvernement ouvrier, ces partis étaient et sont encore le seul moyen courant pour le prolétariat pour poser sa candidature au pouvoir politique, pour en finir avec les gouvernements aux ordres du grand Capital, pour un gouvernement des seuls partis ouvriers.

 

La liquidation des « DS » telle qu’elle se produit aujourd’hui est donc fondamentalement un coup porté aux travailleurs, à la classe ouvrière, pour tenter de les expulser de la scène politique, en détruisant le principal instrument qui permettait de poser ne serait-ce que la perspective d’un gouvernement menant une politique répondant aux aspirations des masses populaires.

Ainsi, après la dissolution des DS, les formations issues du mouvement ouvrier en Italie ne devraient pas représenter, électoralement, beaucoup plus de 10% des voix (en partant des derniers résultats ). Or en 1987  le PCI à lui seul faisait encore plus de 26% et le PSI plus de 14%.

A cela on doit ajouter que la politique des dirigeants de l’ex-PCI a eu comme conséquence un continu affaiblissement électoral et organisationnel. D’un million de membres en 1990, le parti n’en avait plus que 700 000 à la fin de la décennie, et 300 000 à la veille du congrès de Florence en 2007. Electoralement, alors qu’en 1987 le PCI fait encore 26,1% des voix, en 1996, pour la part proportionnelle, le PDS fait 21,1%. En 2001 les DS ne font plus que 16,6% et en 2006, alors qu'il y avait dans la classe ouvrière et la jeunesse une formidable aspiration à battre Berlusconi: 17,5% (aux sénatoriales).

C’est un bilan de faillite.

 

Il s’agit donc bel et bien de l’aboutissement partiel de la décomposition du mouvement italien, et non pas de la destruction des DS par le mouvement de la lutte de classe, mouvement qui en brisant ce parti traître et dégénéré, fraierait la voie à la reconstruction du mouvement ouvrier sur un nouvel axe. Dans ce second cas de figure, il y aurait tout lieu de se réjouir de la liquidation de l’essentiel de l’ex-PCI. Mais on assiste à l’inverse.


… sinon la criminaliser


L’offensive de liquidation vise non seulement les partis d'origine ouvrière mais aussi les syndicats, même si la liquidation pure et simple des organisations syndicales n'est pas à l'ordre du jour immédiat.  Ce qui par contre est indispensable à la réussite d'une politique "résolument réformatrice", c'est l'association des dirigeants syndicaux à l'élaboration et à la mise en oeuvre de ces "réformes", ce que l'on appelle "concertation". Or, en Italie, il y a une tradition de contestation de l’orientation participative des responsables syndicaux.

En effet, le soutien de direction de la CGIL au gouvernement Prodi  ne va pas sans résistances. C’est ainsi que les dirigeants confédéraux (CGIL, UIL, CISL) venus tenir le 7 décembre 2006 des assemblées du personnel dans les usines Fiat (Mirafiori) de Turin pour y défendre le budget et les réformes du gouvernement y ont été copieusement sifflés ; cet avertissement a été entendu et a donné lieu à une réponse rien moins qu’anecdotique de la part des secteurs (partis et directions syndicales) liés à la construction du PD.

 

Début février en effet la police “découvre“ opportunément un nouveau réseau des « brigades rouges ». Gros titres dans la presse qui « révèle » : « des syndicalistes CGIL parmi les inculpés » ; ce titre paru en première page de La Repubblica du 13 février est repris en pages 2 et 4 avec la précision que quatre de ces “terroristes“ sont membres de la FIOM, la fédération de la métallurgie de la CGIL, fédération où l’opposition à la politique de concertation s’exprime avec une particulière vigueur. Epifani, le secrétaire général de la CGIL (membre des DS et pro PD), monte au créneau : “Il faut rehausser la garde dans les usines du Nord “. Il rappelle les propos qu’il avait tenu fin 2006 après des manifestations dans lesquelles on avait entendu crier: « Damiano (ministre DS du travail) traître! » : "je m’emportai contre ce langage inacceptable, contre la logique de l’ami-ennemi, contre l’idée du traître. Un vrai bouillon de culture du terrorisme. Alors que le dialogue social exige le respect.

Le 15 février, Piero Fassino (secrétaire national des DS) en remet une couche:

“ Il faut détruire l’idée que les injustices puissent être dépassées en recourant à la lutte armée ... aucune forme d’intimidation même verbale, souvent c’est en commençant à apostropher un adversaire comme « au service des patron » que commence un parcours de criminalisation qui peut porter à des fins tragiques ... "

Criminaliser le rejet de la concertation, c'est à défaut de pouvoir détruire frontalement l'organisation syndicale, tenter d'interdire aux travailleurs toute tentative de s'en saisir et par la même conduire à son affaiblissement. La concertation, la coélaboration des réformes ne sont pas au demeurant des spécificités italiennes. La proclamation du PD. s’inscrit donc dans une offensive d'ensemble contre le mouvement ouvrier organisé à laquelle participent pleinement les dirigeants des syndicats, s'appuyant sur la décomposition des partis issus du mouvement ouvrier.

 

C'est la direction du PCI qui a patiemment préparé  le terrain pour en arriver à la situation d'aujourd'hui se saisissant en 1991 d'une double opportunité c'est à dire à la fois la restauration du capitalisme en URSS (comme nous l'avons déjà évoqué) et l'implosion du PSI, tellement arrimé à la démocratie-chrétienne qu’il en partagea le sort, et dont la disparition ouvrait à l'ex parti stalinien la possibilité de prendre la place politique qu’occupait l'organisation social-démocrate.  Il mérite donc de revenir sur l'histoire des 50 dernières années du PCI.


Eléments sur l’histoire du PCI : de la chute de Mussolini…


Après la guerre, le PCI été le parti le plus puissant d'Europe occidentale, un parti totalement lié à la bureaucratie du Kremlin, un rouage du stalinisme international.

Formé en 1921 au congrès de Livourne par des militants venus du PSI qui voulaient rejoindre la troisième internationale, il représentait à l'origine une organisation relativement faible par rapport au vieux parti socialiste.

Il fut immédiatement confronté au fascisme, à la répression, puis rapidement soumis à la pression de la clique de Staline au sein de la Troisième Internationale. Gramsci arrêté, Bordiga rompant avec Staline mais entraîné sur un terrain sectaire, c'est Togliatti qui, de Moscou, dirige un parti dont une partie des effectifs est en exil et l'autre dans la clandestinité. Envoyé en Espagne pendant la révolution il dirige la liquidation physique des trotskystes et des anarchistes. Mais lorsqu'il rentre d'URSS en 1943 (sur un bateau américain) c'est auréolé du prestige de la victoire que l'armée de l’URSS est en train de remporter sur les troupes de Hitler.

 

Or, l'effondrement de l'état fasciste de Mussolini a ouvert une période révolutionnaire en Italie : grèves, occupations d'usines et de terres, constitution de véritables corps armés de partisans. Les organisations ouvrières se reconstituent. Togliatti joue alors un rôle décisif pour maintenir l'Italie dans le cadre de l'ordre international négocié entre les gouvernements américains, anglais et russes, à Yalta et Postdam, pour faire refluer le mouvement révolutionnaire, rendre les armes, reconstruire un état bourgeois. Cherchant à maintenir la monarchie, l’impérialisme anglais choisit pour diriger le gouvernement provisoire Badoglio, qui fut chef d’état-major de Mussolini jusqu’en 1940. Mais le « Comité National de Libération » qui regroupe les organisations luttant contre les troupes restées fidèles à Mussolini et contre l'armée allemande d'occupation, refusent de reconnaître et le roi et Badoglio.

 

Dès son retour, en mars 1943, Togliatti réunit le CN du PCI à Salerne. Invoquant «le devoir de renforcer et d'étendre l'unité nationale », la résolution se prononce pour le soutien au gouvernement Badoglio :

« le C.N (…) se prononce pour un gouvernement de caractère transitoire mais fort et influent de part l'adhésion des grands partis de masse, capable d'organiser l'effort de guerre et en premier lieu de créer une armée italienne forte ... " ( 30 et 31 mars 1943 )

C'est ce qu'on appelle la "volte face" de Salerne.

 

Le 24 avril est mis en place le 2ème gouvernement Badoglio. Togliatti y entre comme ministre sans portefeuille c'est à dire vice président du conseil. Le 5 mai 1943, le Conseil National de la Libération décide de reconnaître le gouvernement Badoglio. Le 9 juillet nouveau discours de Togliatti  qui restera comme celui de "la main tendue aux catholiques", en fait à l’Eglise embourbée jusqu’au cou dans la collaboration avec les fascistes. C’est là un élément central de la bataille pour la reconstruction de l'état bourgeois, un marche-pied à la « Démocratie Chrétienne » fraîchement proclamée, qui va pouvoir s’appuyer sur le formidable réseau des paroisses … et sur la collaboration avec la Mafia.

En attendant, pour mettre fin aux arrestations et aux procès en un mot en finir avec l'épuration des fascistes dans laquelle les partisans se sont spontanément engagés, Togliatti lui-même sera ministre de la justice de juin 1945 à juillet 1946. Il assumera la responsabilité directe de la loi d'amnistie qui sera adoptée le 22 juin 46, loi qui concerne tous les fascistes y compris des criminels notoires.

 

Durant les deux années de la résistance armée (43-45), le PCI connaît un développement impétueux ; pour des millions de travailleurs et de jeunes il est le parti qui joue un rôle moteur dans l'organisation du combat contre le fascisme, en même temps porteur d'un changement radical: la fin du vieux monde capitaliste qui a engendré ce monstre. La contradiction entre ces aspirations et la politique des staliniens italiens dans une telle situation aurait pu permettre à la section italienne de la 4e  Internationale de se développer. Pour l’empêcher, les staliniens recourront à l’élimination physique des trotskystes comme Pietro Tresso, ex membre du bureau politique du PCI, exclus en 1930, passé à la 4e Internationale, que les staliniens, sur ordre de Moscou, exécutent dans les maquis de Haute Loire en 1943.


… au « compromis historique »


En 1947 sur injonction du gouvernement américain la Démocratie Chrétienne met fin à la période des gouvernements d'union nationale. Le PCI et le PSI se retrouvent dans "l'opposition" parlementaire sans pour autant ouvrir aucune issue gouvernementale; ce qui revient à un soutien de l'extérieur aux gouvernements dirigés par la Démocratie Chrétienne. Suit une longue saison au cours de laquelle les dirigeants du PCI vont aller de plus en plus loin dans la "théorisation" de la collaboration avec le principal parti bourgeois italien. Il revient au successeur de Togliatti, Berlinguer de se saisir  du coup d'état de Pinochet au Chili (1973) pour publier  un article dans la revue théorique du PCI ( Rinascitta,sept-oct 1973) qui va marquer un tournant dans l'histoire des partis staliniens.

Il propose un « compromis historique » :

"(…) nous ne parlons pas d'une " alternative de gauche " mais d'une " alternative démocratique " c'est à dire de la perspective politique  d'une collaboration  et d'une entente des forces populaires d'inspiration communiste et socialiste avec les forces populaires d'inspiration catholique ainsi que d'autres formations d'orientation démocratique "

Conclusion : " La gravité des problèmes dans le pays, les menaces toujours pressantes d'aventure réactionnaire et finalement la nécessité d'ouvrir à la nation une voie sûre de développement économique, de renouveau sociale et de progrès démocratique rendent plus urgent que l'on en arrive à ce qui pourrait être appelé un nouveau "grand compromis historique" entre les forces qui représentent la grande majorité du pays. "

Comme aurait pu le dire l'évêque d'Ivrea avec lequel Berlinguer entretenait une correspondance régulière : la messe est dite !

 

Il s'agit d'un saut qualitatif, il n'est plus question d'aller au socialisme par les voies parlementaires ce qui jusqu'alors avait été opposé à toute lutte des classes qui posait directement la question du pouvoir et d'abord d'un gouvernement PCI-PSI ; il est clairement affirmé que l'ambition du P.CI est d'aller au gouvernement avec ... la DC. C'est peu dire qu'un tel couple ne risquait pas d'enfanter le socialisme.

 

Il faut préciser que si le PCI est alors au sommet de sa puissance en termes d'adhérents et de résultats électoraux, il connaît des changements organisationnels qui accompagnent cette évolution politique et qui contribuent à une modification de la composition sociale du parti dans le sens d'un affaiblissement constant de sa base ouvrière. Néanmoins, lorsqu'en 1976 on entre dans une nouvelle période d' intenses luttes de classes, c'est du vote PCI dont les travailleurs se saisissent pour exprimer leur rejet de la DC, ce qui conduit à un résultat sans précédent aux élections législatives du 20 juin 1976 : elles marquent un recul des partis sociaux démocrates participant au gouvernement ( de 16,6% à 13% ) alors que le PCI fait un bond de 27,1% à 34,4% ( au total les partis ouvriers frisent les 50%) . Ce résultat exprime l'aspiration du prolétariat et de la jeunesse à en finir avec les gouvernements de la DC. Ce qu'ils veulent est parfaitement clair comme il apparaît (pour une fois) à travers un sondage réalisé pour l'hebdomadaire Tempo le 6 juin : 71% des travailleurs et des jeunes qui votent PCI se prononcent pour un gouvernement PCI - PSI.

 

La réponse de la direction du PCI est le ... soutien à la constitution d'un gouvernement démocrate chrétien minoritaire dirigé par Andreotti, ce rat de cave du Vatican  en lien avec les éléments les plus glauques des services secrets et les chefs de la Mafia. La forme de ce soutien est celle de l'abstention au Parlement,  le PSI faisant de même. En échange c'est avec les voix de la DC que Ingrao, dirigeant du PCI, est élu président de l'Assemblée nationale. La direction de la CGIL emboîte le pas et en rajoute dans le soutien au gouvernement et sa politique son secrétaire général, Lama, proposant aux travailleurs « des sacrifices substantiels ».

 

"Cette législature de la "solidarité nationale" laissera une empreinte profonde sur la vie publique nationale qui sera ensuite approfondie " (dans Histoire d'Italie publiée par La Repubblica).

 

Mais si 1976 marque un saut dans le soutien ouvert aux gouvernements DC la mise à mort du PCI n'est pas à l'ordre du jour. Il faut attendre le 12 novembre 1989, trois jours après la chute du mur de Berlin pour que Ochetto, le successeur de Berlinguer, lance un appel à toutes les forces "progressistes" pour la constitution d'un nouveau parti. En ce qui concerne son propre parti, il annonce la suppression de toute référence au communisme. Le 24 novembre le Comité Central l'approuve (67,7% des voix). Le congrès est convoqué pour le mois de mars suivant, le 7 mars la résolution d'Ochetto est adoptée, elle propose l'ouverture d'une phase constituante d'un nouveau parti progressiste et réformateur "dans le socle de l'internationale socialiste". 30% des délégués se rallient à Ingrao, rejetant l'abandon du nom, du symbole et de la "tradition communiste". Ces derniers donneront naissance à la "refondation Communiste", aujourd'hui "Parti de la Refondation Communiste" (PRC).

 

Le 10 octobre 1989, Ochetto présente le nouveau parti : le PDS, symbole : le chêne. A son pied, en regardant attentivement on aperçoit encore la faucille et le marteau.


De l'Olivier à l'Unione , les étapes vers le PD


Après la constitution du PDS il apparaîtra rapidement  que ses dirigeants  n'entendent pas s'arrêter  en  chemin. En janvier 1992 ils assurent l'élection à la présidence de la république du démocrate-chrétien Scalfaro, en juin c'est Napolitano (PDS) qui est élu président de l'assemblée nationale avec les voix de la DC.

Sur le plan de l'orientation politique le PDS se fait le champion de la politique de baisse du coût du travail dont la bourgeoisie a besoin pour sauvegarder ses positions sur le marché mondial et commencer de réduire le déficit public. Le PDS ayant conservé la majeure part des positions que le PCI occupait dans la CGIL, celle-ci s'engage dans une nouvelle phase de concertation qui aboutira à un accord avec le gouvernement Ciampi pour mettre un point final à l'échelle mobile des salaires et entame une politique d'encadrement des salaires (juillet 92). En 1993, la loi électorale est modifiée: les trois quarts des sièges seront attribués sur la base du scrutin majoritaire (en lieu et place de la proportionnelle). C'est une nouvelle opportunité pour le PDS (un des artisans de la loi) pour s'ouvrir à la formation d'une alliance électorale avec le PRC, les Verts et des "chrétiens sociaux" : les "progressistes".

Aux élections suivantes (94), ils sont battus par Berlusconi. D'alema, nouveau secrétaire du PDS, propose alors un élargissement  de l'alliance au centre, c'est-à-dire plus largement ouvert à des formations bourgeoises. En juin 95 le congrès du PDS répond favorablement à la proposition de Prodi de former une coalition de "centre gauche" : l'Olivier.  Une alliance  qui se situe intégralement sur le terrain de la défense de la bourgeoisie, placée sous la direction de Prodi l'ex démocrate-chrétien. De plus en plus souvent, lors des élections, les candidats PDS se présentent sous l'étiquette de l'Olivier, retirant la possibilité au prolétariat de se compter sur le plus important parti d'origine ouvrière. Prodi devient Premier ministre en 96, D'alema lui succédera en 98 toujours sur la même ligne d'assainissement des finances publiques aux frais du prolétariat et de la jeunesse. Une politique qui pave le retour au pouvoir de Berlusconi en 2001.

La politique de "dissolution" progressive du PDS se poursuit : en 1998 on se débarrasse du P de parti, la faucille et le marteau qui figuraient encore (tout petits) sur le sigle du PDS sont effacés. En 2001 les dirigeants DS entérinent le choix de Rutelli comme leader de l'Olivier, Rutelli, lequel est alors un ancien dirigeant du parti radical en mouvement vers des débris de Démocratie Chrétienne avec lesquels il formera "La Marguerite". Combien significatif sera, en 2006, le mode choisi pour la désignation du leader de la coalition autour de l'Olivier : l'Unione. Coalition élargie: on y trouve toutes les formations d'origine ouvrière (PRC, PdCi) et quelques groupuscules bourgeois y compris des transfuges de la coalition de Berlusconi (Mastella, ministre de la justice, catho de choc).

 

La désignation de Prodi comme "candidat premier" c'est à dire au poste de premier ministre en cas de victoire  se fait par des primaires, une forme inédite en Europe. C'est-à-dire que toutes les composantes de  l'Unione se sont soumises à un vote au suffrage universel dans lequel les partis sont dissous de fait ; état de chose accentué de ce que les DS n'ont pas présenté de candidat (il aurait battu Prodi !) ; par contre le PRC a fait preuve de sa soumission en présentant un candidat "faire valoir" pour éviter que "l'élection" apparaisse par trop plébiscitaire. Ces primaires ont permis à de notoires représentants de la grande bourgeoisie de se faire remarquer à l'entrée des bureaux de vote; la participation, importante, étant essentiellement d'origine petite-bourgeoise.


Pas de recomposition du mouvement ouvrier italien : ni au sein des DS….


Le parti des DS, le plus puissant des partis issus du mouvement ouvrier, ayant décidé de mettre fin à ses jours, qu’en reste-t-il? La fraction des DS qui s'est opposée à la dissolution, celle qui au dernier congrès s'est regroupée sur la motion Mussi. Elle représente environ 17% des effectifs du parti, c'est-à-dire de l'ordre de 50 000 adhérents, nombre qui peut  évoluer selon le cours des événements, dans un sens comme dans l'autre. En attendant c'est une force non négligeable: sans disposer de statistiques d'ensemble, une information selon laquelle dans deux sections de Rome des DS considérées comme des bastions historiques du PCI, plus de 90% des adhérents aient voté contre la dissolution indique que c'est probablement les adhérents attachés à la tradition du mouvement ouvrier qui se sont mobilisés sur la motion Mussi.

Cette dernière commence par un constat : " (...)nous sommes opposés à la disparition des DS, nous sommes opposés à la disparition d'un grand parti socialiste  et de gauche ce qui serait un fait unique en Europe. Nous proposons un renouveau profond des DS parti du socialisme européen et de l'internationale socialiste (...) "

Puis elle reprend... l'argumentaire des apôtres du PD :

« Nous voulons contribuer à la consolidation et à l'élargissement de l'Unione qui a gagné les élections, a donné vie à un gouvernement de coalition et se propose d'ouvrir la voie aux nécessaires et profonds changements dans la société, l'économie, la culture et l'éthique. L'Italie a besoin, pour soutenir et relancer l'action du gouvernement Prodi de la cohésion de toutes les forces de l'Unione et non de l'opposition entre "réformistes" et "radicaux". Le gouvernement doit durer l'entière législature. A cette majorité il n'y a pas d'alternative. "

Dans l'immédiat les partisans de Mussi ont constitué le mouvement Sinistra Démocratica (gauche démocratique). Cette dénomination ouvre à toutes les formes d'association possibles avec des organisations d'origine bourgeoise; et en même temps c’est une perche tendue aux organisations issues du PCI, lesquelles s'emploient à constituer une organisation de la "gauche" qui exclut toute référence au socialisme et au communisme.


… ni dans les autres formations issues du PCI


En dehors de " Sinistra Démocratica " les deux autres formations issues du PCI sont le Parti de la refondation communiste (PRC) fondé par en 91 par les "minoritaires" qui s'opposaient au changement de sigle, et le PdCI (Parti des communistes italiens), scission du PRC en 1998.

La place la plus importante est pour le PRC. En 1993 il a reçu le renfort de 30 syndicalistes du courant "gauche" de la CGIL sous la direction de Bertinotti, lequel deviendra secrétaire national en 94. Le PRC reconnaît l'existence de courants en son sein, dont celui de la LCR italienne.

En janvier 1992, le PRC se présente pour la première fois aux législatives où il fait 5,6% des voix (2 millions d'électeurs). En juin 92 aux municipales, à Turin il fait plus de voix que le PDS.

En 1996, l'Olivier propose un accord de désistement au PRC ; seul s'y oppose le courant dirigé par M.Ferrando. Le 21 avril 96 les élections législatives donnent la majorité à l'alliance Olivier-PRC, le PRC fait son meilleur score (8%); le soutien de ses députés est indispensable à la survie du gouvernement Prodi qui se met en place.

Commence alors la saison du soutien " de l'extérieur " au gouvernement Prodi, gouvernement dont l'objectif proclamé est de faire entrer l'Italie dans le cercle des ayant droit à l'euro ce qui implique une politique de rigueur en direction des travailleurs et de la jeunesse. Après plusieurs incidents de parcours, Bertinotti retire sa confiance au gouvernement qui tombe fin 99. Une partie des députés du PRC en désaccord avec leur leader ont voté la confiance, ils scissionnent et  fondent le PdCi Aux élections suivantes, qui verront la victoire de Berlusconi, le PRC tombe à 4% (2% au PdCi).

 

Bertinotti obtient un consensus large pour négocier un accord avec le centre gauche, c'est-à-dire l'Olivier. Dans cette  période il multiplie les signes d'amitié à l'égard du Vatican, comme le soutien à la présence de crucifix dans les salles de classe. Se forme alors l'Unione c'est à dire la coalition de l'Olivier élargie au PRC et au PdCI, qui n’est pas seulement un accord électoral mais un accord de gouvernement. Or ce programme de gouvernement est intégralement un programme bourgeois, comme le montre en particulier le refus de Prodi et de ses ouailles de se prononcer pour l'abrogation des lois berlusconiennes sur les retraites et sur le droit du travail (loi Biagi). Cette orientation suscite des remous dans le parti et au congrès de Venise de mars 2005, Bertinotti ne peut que compter sur 409 délégués sur 710; dans la foulée Bertinotti vient apporter sa caution à l'organisation des « primaires » qui doivent désigner le leader- candidat premier ministre en se portant lui même candidat. Il arrive 2ème avec 14% des voix ce qui exprime une très faible participation ouvrière.

La participation du PRC à ses primaires vaut engagement à soumission au gouvernement Prodi. Engagement qui va prendre un relief particulier du fait que, en 2006, la victoire électorale de l'Unione est de très faible ampleur au point que le PRC se retrouve en position d'arbitre au sénat.

Son score est alors en effet de 7,4% au sénat et de 5,8% à l'Assemblée nationale (41 députés et 27 sénateurs); à noter qu'il dépasse 10% dans des villes de régions "rouges" : Florence, Livourne, Pise, Lucques, Pérouge.

 

Après avoir annoncé 130 000 adhérents en 1997 la direction n'en décompte plus que 90 000 en 2006 (nombre  fortement contesté par les minoritaires). Quoi qu'il en soit, par son implantation ouvrière, sa place dans la CGIL notamment à la FIOM (métallurgie), le PRC est encore en mesure de peser dans la lutte des classes en Italie. Il le démontre, a contrario, par la place qu'il occupe pour donner les moyens au gouvernement Prodi de poursuivre sa politique de réformes.

 

La désignation des candidats éligibles donnera lieu à cet égard à un coup de force de la direction: les courants minoritaires, qui représentent 40% du parti se sont vus attribuer 14% des éligibles et de ceux-là Marco Ferrando a été exclu pour avoir péché trois fois en déclarant : que Prodi était le majordome des banques; que la résistance irakienne à l'occupation était légitime y compris face aux troupes italiennes; que l'Etat d'Israël était un Etat artificiel.

On ne pouvait pas signifier plus clairement le soutien à l'impérialisme italien que par cette exclusion. De manière concomittante des candidats non membres du parti, le plus souvent totalement étranger au mouvement ouvrier, ont été présentés en bonne place. C'est donc en pleine connaissance de cause que Prodi a installé Bertinotti à la présidence de l'Assemblée Nationale, lequel s’inquiètera dans son discours d’investiture du « risque de la crise de la cohésion sociale ».


La LCR italienne vote la confiance à Prodi, les crédits de guerre


Le soutien au gouvernement Prodi est une donnée commune à tous les courants du PRC (sauf celui de Ferrando). Les militants de la LCR italienne (pabliste) ont intégré le PRC en 1991. Ils y animent le courant « Sinistra Critica », « gauche critique », sigle significatif en ce qu’il écarte d’emblée « socialisme » et « communisme » - ce que la LCR française tente aujourd’hui de faire sous couvert de « nouveau parti ». Cette « gauche critique » n’est pas si critique que ça à l’égard de Prodi. Associée à la direction du PRC, elle a obtenu trois élus au Parlement italien, deux sénateurs et un député. Or ces derniers ont voté la confiance au gouvernement Prodi, confiance entrecoupée d’une abstention (suite à la manifestation de masse contre l’extension de la base américaine de Vincenza), laquelle abstention entraînera la chute du gouvernement, aussitôt reformé… et à nouveau adoubé par les élus de « Sinistra Critica » ! Le 18 juillet 2006, c’est sur le vote des crédits pour financer la guerre en Afghanistan que la confiance était demandée au Parlement. Turigliatto, sénateur du vote duquel dépend le résultat vu l’infime majorité de Prodi au Sénat, avait voté pour. On peut ajouter son vote pour la loi de Finances en décembre 2006, et son refus de voter contre l’avant-projet de budget 2008 cet été, projet qui concentre pourtant la politique réactionnaire du gouvernement Prodi, incluant les crédits à l’occupation du Liban et de l’Afghanistan.

Le vote des crédits de guerre, ligne de partage historique entre les révolutionnaires et les « sociaux-patriotes », engage toute la « Gauche critique ». Le 18 mars, sa direction élargie approuvait l’abstention qui fit chuter Prodi… en prévenant que ce ne serait pas la norme:

" (...) le choix accompli par Franco Turigliatto au sénat a été le seul possible pour une gauche qui veut s'opposer à la guerre, qui veut maintenir le lien avec les mouvements sociaux et qui refuse de se soumettre aux chantages de la gauche libérale. Un choix qui ne contredit pas le renouvellement du vote de la confiance au gouvernement Prodi, étant clair que nous nous reconnaissons dans la formule d'un soutien de l'extérieur et d'évaluation au cas par cas des actes de l'exécutif ".

Dans ces conditions la LCR (it) peut bien se prononcer contre le projet de construction de la "gauche européenne" de la direction du PRC, le projet "Gauche Critique" lui ressemble comme un petit frère, jusqu'à la caricature :

" ( le projet "Gauche Critique") pour oeuvrer activement à l'opposition sociale et politique et pour remettre en route  le processus d'une véritable gauche anti capitaliste qui, évidemment ne pourra se réduire à nos seules forces. Au contraire nous pensons nous investir dans un processus pluriel et collectif qui le réalisera en cours de route." (résolution du 18 mars)

 

Ici "pluriel" signifie clairement ouvrir à des forces totalement et ouvertement étrangères au trotskysme. C'est exactement le processus proposé en France par Besancenot. C’est le pendant de l’affirmation du vote, « au cas par cas », de la confiance à Prodi, en d’autres termes du refus de combattre contre ce gouvernement.


Ce n’est que dans le combat contre le gouvernement de Prodi que peut s’ouvrir une issue


Depuis son entrée en fonction le gouvernement de "centre gauche" n'a pas chômé : exonération de charges fiscales aux entreprises, envoi des troupes au Liban, mise en route d'une réforme de la fonction publique qui prévoit mobilité, méritocratie, suppression de postes ...et, question probablement la plus sensible dans un pays où plus de quatre millions de retraités ne perçoivent pas plus de 500 euros de pension par mois : la réforme des retraites. On en est à la quatrième étape d'un processus commencé en 92 par la réforme Amato, poursuivi en 95 par la réforme Dini, réformes qui ont mis fin au principe de répartition (par l'introduction d'une part contributive) et qui ont établi en principe l'évolution des taux de remplacement (base de calcul du montant des pensions) en fonction de la soutenabilité financière du système. Un travailleur ayant commencé à travailler en 92 partira avec un taux de remplacement (avec 40 annuités) de 57,5% alors qu'il aurait été de 80% avant les réformes.

 

 La réforme Dini prévoyant que les coefficients de transformation devaient être révisés tous les 10 ans. Le gouvernement Berlusconi a tenté de profiter de l'échéance de 2005 pour pousser plus loin la dévastation du système.  La loi, établie par le ministre Maroni, prévoyait une élévation progressive de l'âge requis pour le départ en retraite: de 57 à 60 ans (le "scalone") à partir de 2008 pour arriver à 62 ans en 2014. On remarquera que la première échéance : 2008 avait été fixée après la date des élections législatives, probablement sur la base d'un marchandage avec la direction de la CGIL Maroni y trouvait son compte, laissant au gouvernement suivant le soin de se débrouiller avec la patate chaude ; de même pour la modification des coefficients de transformation : renvoyée après les élections.

Pour le gouvernement Prodi il s'agit donc de réussir là où Berlusconi a du temporiser.

 

Le programme de l'Unione prévoyait le "dépassement" du "scalone" formulation que les dirigeants de la gauche dite radicale (PRC et PdCi) ainsi que ceux de la CGIL ont présenté aux travailleurs comme ayant le même sens que "suppression pure et simple".

On verra d'ailleurs que même l'exigence de la suppression du "scalone" n'est pas dépourvue d'ambiguïté car on peut le supprimer pour ... le remplacer par une autre échelle progressive de hausse de l'âge du départ en retraite. C'est dans cette confusion délibérément entretenue, qu'a débuté la concertation syndicats-gouvernement. Dès le 4 octobre 2006 les dirigeants des syndicats CGIL, UIL, CISL signent un mémorandum d'entente avec le gouvernement, destiné à être le point de départ de négociations devant aboutir (entre le 1er janvier 2007 et le 31 mars) à un accord sur un projet de loi. Ce texte s’inscrit explicitement dans la continuité des « réformes » antérieures, prônant un recul de l’âge de départ en retraite, et regrette même le peu de recours à la retraite par capitalisation, ce qui prépare le terrain à la suppression de fait du T.F.R (un pécule versé au terme de l'emploi sur la base d'une cotisation annuelle de l'employeur qui a la gestion des fonds ainsi accumulés).

 

C'est alors que se situe la descente dans les assemblées du personnel des usines Fiat de Turin des 3 dirigeants confédéraux déjà évoquée:

" Les syndicats contestés par les travailleurs. Sifflets et cris contre les leaders syndicaux coupables, selon les accusations de la foule, de soutenir le gouvernement contre les intérêts des travailleurs.(...) Deux questions sont particulièrement chaudes les pensions et le T.F.R  .

 " Bertinotti tu nous a trahi " hurle un ouvrier et l'assemblée applaudit. Sur les pensions les trois leaders cherchent à rassurer. " Nous descendrons dans la  rue s’ils essayent d'y toucher " dit Angeletti (secrétaire de l'UIL) et Epifani (secrétaire de la CGIL) explique que " rien ne passera sans votre vote, c'est à vous que reviendra le dernier mot "."  (d'après Il Tempo du 8 décembre ).

Finalement le protocole d'accord, signé le 23 juillet par les confédérations et le gouvernement, soutenu par la Confindustria, prévoit le passage à 58 ans avec 35 années de cotisations à partir de 2008, jusqu’à 60 ans avec 36 années en 2011. A partir de 2013 l'âge de départ sera de 61- 62 ans. Les délégués syndicaux FIOM de l'usine Piaggio commentent :

" en substance, la légère amélioration, respectivement au scalone Maroni, pour ceux qui partent prochainement en retraite est payée par ceux qui partiront plus tard . "

Pour les coefficients, il est constitué une commission qui d'ici fin 2008 devra faire des propositions. Mais dès le 1er  janvier 2010 une nouvelle table des coefficients provoquera une baisse de 6 à 8% du montant des pensions.

" La commission décidera comment répartir les réductions entre les travailleurs et non de savoir si il faut ou pas les réduire.  A partir de 2013 il y aura révision automatique des coefficients tous les 3 ans ( au lieu de 10) par simple décret gouvernemental. C'est une échelle mobile à l'envers sur les pensions " (toujours d'après FIOM Piaggio).

Ce n'est pas un hasard si les dirigeants ont attendu la fin du mois de juillet pour signer, la période de début des congés ; la situation était tendue et pouvait déboucher sur un affrontement mettant en danger le gouvernement.

En témoigne l'information suivante :

 " Le 20 juin grève  unitaire aux usines Fiat de Turin (Mirafiori) : 2 heures pour chacune des équipes. La tension croît dans les usines de Turin sur la question des pensions. Plusieurs milliers de travailleurs ont manifesté devant le "motor village" à l'appel des délégués syndicaux d'usines "contre la réforme des pensions qui prévoit scalone, scaloni (petit "scalone") et révision des coefficients".

Dans le même temps s'accumulent les signatures sur une pétition qui demande aux dirigeants confédéraux de revenir à Mirafiori devant l'assemblée des ouvriers, avant la fin des négociations sur les pensions, et de soumettre un éventuel accord au vote des travailleurs.  Demain s'arrêteront les ouvriers d'Indesit, Pininfarina, San Giorgio, Olivetti. Giorgio Airaudo secrétaire de la FIOM ne cache pas sa préoccupation : " dans les usines il n'y a pas un bon climat, le syndicat risque d'être emporté par l'onde de l'anti politique"."  (D'après La Repubblica du 21 juin).

Dans cette même période une pétition demandant aux dirigeants de ne rien signer sans une consultation préalable des salariés reçoit des milliers de signatures. Mais les dirigeants de la CGIL, FIOM comprise, mettent tout en oeuvre pour émietter la colère ouvrière: si on décompte 100000 manifestants dans le Turinois et des dizaines de grève locales souvent suivies à 80 voir 90%, cette puissante volonté ouvrière de défaire l'offensive du gouvernement reste prisonnière du cadre des grèves tournantes et des manifestations décentralisées, cadre mis en place par la direction de la FIOM. 

 

Mouvement spontané et perspective politique sont liés; or non seulement les DS mais aussi le PRC et tous ceux qui sont embarqués dans son sillage s'acharnent pour bloquer toute issue politique et envoyer le prolétariat contre un mur. Le refus d'engager le combat contre la participation-concertation et le refus d'ouvrir toute alternative ouvrière au gouvernement Prodi sont complètement liés.


Le PRC assure la survie du gouvernement


Le sénateur PRC Giannini, en février, au lendemain  de la chute du gouvernement Prodi (mis en minorité au sénat et ... "réinstallé" quelques jours plus tard) déclare à la télé :

" ... Ce gouvernement que je devrais soutenir ne réussit pas à se libérer de la subordination aux U.S.A, à l'O.T.A.N, à l'Union Européenne, au néfaste pacte de stabilité, au Vatican, à la Confindustria et aux pouvoirs économiques forts du pays (...) Je voterai encore en faveur de ce gouvernement parce qu'il n'y a pratiquement  pas d'alternative sociale et politique".

 

Dans le journal du PRC Liberazione du 1er juin, à propos d’une réunion des dirigeants de la " cosa rossa" (PRC, PdCi, Sinistra Démocratica, Verdi), on lit:

« Paradoxe ce sont les petits (PRC et PdCi, ndr) qui assument aujourd'hui la plus grande responsabilité politique quand à la survie et à la qualité (sic!) du gouvernement . »

 

Assurer la survie du gouvernement, pour le PRC, a un prix : une crise interne, tout particulièrement dans les bastions ouvriers du parti. Mais seul le courant de Ferrando a quitté le PRC pour fonder le «mouvement pour un Parti Communiste des Travailleurs».

A cette crise la direction fait face en proposant de fondre le parti dans une "confédération"  détachée des bases historiques du mouvement ouvrier : la branche italienne de "Sinistra Europea" (Gauche Européenne). Cela conduirait à un regroupement comprenant Sinistra Democratica (la "gauche" des DS qui refuse d'entrer dans le PD), le PdCi et les Verts (qui soutiennent ouvertement l'accord du 23 juillet sur les retraites). Un regroupement qui intègre des formations étrangères au mouvement ouvrier, et s’oppose à l’existence de partis. Reproduisons ainsi l'article 1 par lequel la Sinistra Europea se définit :

" la S.E est un sujet politique confédéral, multiple, pluriel et polycentrique.. Peuvent y adhérer en maintenant leur propre autonomie politique et organisationnelle, les partis et mouvements politiques, les mouvements sociaux, les revues, les journaux, les groupes ou les collectifs locaux. A ses structures de base peuvent aussi adhérer des personnes isolées qui se reconnaissent dans son programme."

 

C'est un processus  semblable à celui que le PDS a suivi dans l'Olivier. La marche à la dissolution des DS a un effet d'entraînement sur l'ensemble des organisations issues du mouvement ouvrier.

Décomposition du PRC et combat pour sauver le gouvernement Prodi vont de pair, comme cela est mis en lumière par l'appel à la manifestation du 20 octobre. Le 3 août,  Liberazione , Il Manifesto publient en effet un appel de 15 personnalités à manifester le 20 octobre. Un appel à manifester, notamment pour supprimer le « scalone », qui n'émane pas des organisations (partis, syndicats), qui ne s'adresse pas à elles mais que le PRC a suscité. 10 jours après la signature de l'accord sur les retraites, l’appel dit :

« Il faut un tournant, une initiative de gauche qui relance la participation populaire et conquiert les points les plus avancés du programme de l'Unione pour éviter que s'ouvre un fossé entre la représentation politique, le gouvernement Prodi et ceux qui les ont élu. "

Le tout se conclut par un appel à se retrouver à Rome le 20 octobre, adressé à "quiconque se reconnaît dans l'urgence de participer pour reconstruire un mouvement de gauche et redonner confiance à la partie la plus sacrifiée du pays.".

En somme une manifestation pour rapprocher Prodi de ceux qui sont les victimes de sa politique! La réaction d'un dirigeant de la FIOM (G.Cremaschi, membre lui aussi du PRC) est intéressante :

"(...) pourquoi dans l'appel il n'est fait aucune allusion à la signature du protocole du 23 juillet présenté par le gouvernement et signé par la CGIL, l'UIL ,la C.I.S.L et la Confindustria? Les objectifs sociaux dont vous vous réclamez aujourd'hui ont comme premier obstacle  ce protocole (...) N'aurait aucune répercussion positive une manifestation dans laquelle se retrouveraient aussi bien ceux qui sont pour le protocole que ceux qui sont contre.(...)  Je vous demande de clarifier ce point." (4 août  dans Liberazione ).

C'est une bonne question mais on ne peut y répondre que si on relie le combat pour la rupture de la concertation à l'ouverture d'une issue politique gouvernementale, donc au combat dans l’unité contre le gouvernement Prodi. Ce que ne fait pas Cremaschi. Les signataires de l'appel, eux, ont une solution gouvernementale : sauver Prodi ! Une de ceux là : Rossana Rossanda ( fondatrice de Il manifesto et ex protégée de Togliatti ) publie le lendemain une lettre ouverte à Prodi où elle écrit : «  Nous, comme PRC, PdCi, et les Verts nous ne souhaitons vraiment pas votre chute.»  Un autre renchérit : « Il est urgent de déplacer l'axe du gouvernement à gauche ... »

 

La crise ouverte dans le PRC par la politique de sa direction pose le problème du combat pour un véritable parti ouvrier, révolutionnaire, mais pour cela il est indispensable d'avoir une position sans ambiguïté à l'égard du gouvernement Prodi, le caractériser comme gouvernement bourgeois, un gouvernement aussi réactionnaire que l'était le gouvernement Berlusconi. L'orientation pour construire un tel parti ne pourrait être que le combat pour la rupture du PRC, de Sinistra Democratica, du PdCi d'avec Prodi, pour la rupture de la concertation, combat qui pose comme un principe central la réalisation du front unique des partis issus du mouvement ouvrier et des syndicats CGIL et UIL contre les réformes de liquidation des conquêtes ouvrières. Ce combat ne peut-être pleinement conduit que si l'on ne craint pas de faire tomber le gouvernement ce qui impose d'ouvrir sur une solution alternative : un gouvernement issu de ce front unique.

On mesure pleinement ce que signifie la dissolution des DS : c’est un nouvel obstacle, et de taille, dressé devant cette perspective.


Derniers évènements, derniers enseignements


La signature de l'accord du 23 juillet sur les retraites est reliée à la prochaine proclamation du PD. Cette dernière ouvre à une nouvelle tentative de constituer une centrale syndicale unifiée (UIL, CGIL, CISL), dont l'accord du 23 juillet serait le pacte fondateur. Il s'agirait alors d'une unification qui se ferait sur les bases de la C.I.S.L : la doctrine sociale de l'église, un mouvement antagonique au mouvement ouvrier. Cette bataille n'est ni achevée ni gagnée pour la bourgeoisie. Le 12 septembre les directions des trois confédérations ont décidé d'organiser un référendum sur l'accord (du 8 au 10 octobre). Pourront voter les salariés (sur les lieux de travail) et les retraités et précaires sur divers sites (sièges des syndicats, mairies,...). Des voix se font entendre pour contester les conditions de régularité du scrutin qui sera, semble-t-il, totalement contrôlé par les ... signataires  eux-mêmes!

 

Or, le 10 septembre le comité central de la puissante FIOM s'est prononcé contre l'accord du 23 juillet... tout en annonçant : " la FIOM ne fera aucune campagne pour le non. Il doit être clair que les dirigeants de la FIOM qui seront appelés à participer à des assemblées  ouvrières se feront les porte parole de la position de la confédération ( le oui) (...)" Seuls des courants du la CGIL comme " rete 28 aprile " ont annoncé une campagne pour le non. Tout se passe comme si la direction de la FIOM devait faire place à la colère ouvrière à l'égard de la  réforme tout en prenant garde à ne favoriser aucune initiative susceptible de contraindre le gouvernement à reculer, pour lui éviter de subir un revers cuisant si le « non » l’emportait.

Le leader en second de la FIOM et dirigeant de la "rete 28 aprile", G.Cremaschi, a participé  à une réunion à l'initiative de Sinistra Critica à laquelle était également présent le dirigeant  des Cobas et des représentants des CUB; ils ont décidé de convoquer une assemblée nationale le 7 octobre ; il s'associent à l'appel pour une grève générale en novembre et une manifestation nationale le 24 novembre. Un texte qui, à partir d'une appréciation correcte sur l'accord du 23 juillet, appelle à:

" construire depuis la base, dans chaque lieu de travail et sur tout le territoire des comités de lutte unitaire contre le "vol" des pensions (...). nous nous adressons à toutes les organisations du syndicalisme de base et de lutte et aux secteurs sincèrement "anticoncertation" du syndicalisme confédéral afin qu'ils construisent une grève générale unitaire de toutes les catégories et de toutes les organisations confédérales "anticoncertations" contre cet ignoble accord : une unique grande échéance de lutte qui voit le mouvement d'ensemble des travailleurs uni contre les adversaires communs : gouvernement et patronat. "

 

En choisissant de ne pas s'adresser aux directions de la CGIL et de l'UIL pour qu'elles rompent avec le gouvernement, en opposant le « front uni à la base » au combat pour dicter la volonté des travailleurs italiens à leurs confédérations, cet appel s’inscrit dans une sorte de partage du travail avec les bureaucraties syndicales confédérales, leur laisse totalement les mains libres.

 

Or c’est bel et bien dans le combat pour imposer la rupture de leur soutien au gouvernement Prodi, pour le front unique des organisations du mouvement ouvrier contre ce gouvernement qu’il est possible de dégager une issue, et de réunir les conditions qui permettront de surmonter le coup important porté au mouvement ouvrier avec la dissolution des DS, conditions qui sont aussi celles de la construction du Parti ouvrier révolutionnaire, lequel implique notamment de tirer jusqu’au bout le bilan de ce que fut le PCI, et de se réassimiler les éléments essentiels du programme de la révolution prolétarienne, de la tactique du front unique au combat pour le socialisme.

 

En s’efforçant de défendre le marxisme, les acquis politiques de la Quatrième Internationale et de la lutte pour sa reconstruction, notre Groupe s’inscrit dans cette perspective, celle de la reconstruction du mouvement ouvrier sur l’axe de la révolution prolétarienne.


 

Le 20 septembre 2007