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Article de "Une" de  Combattre pour le Socialisme n°30 du 2 décembre 1989

INCONDITIONNELLEMENT POUR:


- LA RÉUNIFICATION DE L'ALLEMAGNE ET DU PEUPLE ALLEMAND

- LE RETRAIT IMMÉDIAT DES TROUPES DU KREMLIN, FRANÇAISES, ANGLAISES, AMÉRICAINES.

 

LES ÉVÉNEMENTS SE PRÉCIPITENT

LE MUR DE BERLIN PERCÉ

LE PROLÉTARIAT ALLEMAND: PROLÉTARIAT DÉCISIF EN EUROPE

RÉVOLUTION ET CONTRE-RÉVOLUTION EN ALLEMAGNE

DE LA SAINTE ALLIANCE CONTRE-RÉVOLUTIONNAIRE... À JUIN 1953

BOULEVERSEMENTS EN EUROPE DE L'EST.

RDA: CONSÉQUENCES ÉCONOMIQUES

L'EUROPE DE YALTA ET DE POSTDAM VACILLE

L'ACCORD CONTRE LA RÉUNIFICATION IMMÉDIATE DE L'ALLEMAGNE

CE DONT ILS ONT PEUR

LEUR "SOLUTION"

CE QUE VEULENT LES MASSES DE L'EST DE L'ALLEMAGNE

INCONDITIONNELLEMENT POUR LA RÉUNIFICATION

UNE PÉRIODE DE LA LUTTE DES CLASSES LONGUE ET TOURMENTÉE

ADDITIF

 

LES ÉVÉNEMENTS SE PRÉCIPITENT

Le 7 octobre le gouvernement et la direction du SED, alors encore placés sous la responsabilité de Honecker, célébraient le quarantième anniversaire de la proclamation de la République Démocratique Allemande (RDA). Anniversaire tourmenté: au même moment se déroulaient de puissantes manifestations de masse, principalement à Leipzig, deuxième ville de RDA, manifestations réprimées par la police et mar­quées de nombreuses arrestations.

Cet été, et depuis, des milliers d'allemands résidant en RDA sont passés en RFA. Généralement ils ont utilisé le chemin suivant: le gouvernement de RDA laissant aux citoyens de cet Etat la possibilité de se rendre librement dans les pays de l'Europe de l'est, ils sont allés en "vacances" en Hongrie, de là ils sont passés en Autriche et ont rejoint la RFA. La "libéralisation" en cours en Hongrie a permis que cette filière soit la première utilisée. Mais bientôt c'est en se rendant en Pologne, en Tchécoslovaquie que d'autres milliers et milliers d'habitants de la RDA sont parvenus à rejoindre la RFA. Le gouvernement de la RDA a été contraint d'accepter que les Allemands de l'est émigrants potentiels en RFA, par­tant de Tchécoslovaquie et de Pologne, traversent en train la RDA. Le mur de Berlin édifié en 1961 et toute la ligne coupant les communications libres entre la RDA, et la RFA, étaient tournés.

Cette migration de masse souligne que la RDA Etat croupion est un Etat prison dont les habitants cherchent à s'évader. Entre 1949 et 1960 deux millions six cent mille Allemands ont émigré, passant de l'est à l'ouest de l'Allemagne. Le mur de Berlin a réduit ce flux à sept cent mille entre 1962 et 1989. Mais depuis le début de l'année 1989, cent quatre-vingt mille Allemands de RDA sont passés en RFA. Pour apprécier il faut savoir qu'en 1986 la population de la RDA s'élevait officiellement à seize millions soixante quatre mille habitants, dont un million deux cent trente six mille deux cent quarante-huit à Berlin-est. Cette hémorragie de popu­lation est une plaie mortelle au flanc de la RDA. D'autant que, évidemment, ce sont les jeunes, les travailleurs les plus quali­fiés, les intellectuels les plus capables qui émigrent ainsi.

Cependant l'émigration de l'est à l'ouest ne peut être une solution pour les grandes masses résidant en RDA. Le fait marquant, qui a fait rapidement évoluer la situation politique en RDA, ce fut l'extension à partir de Leipzig de gigantesques manifestations. Depuis le 7 octobre, le pouvoir a cessé de ten­ter de les briser en les réprimant. Ces manifestations ont dressé les masses directement contre la bureaucratie est-allemande, son parti, son gouvernement. Le samedi 5 novembre plus d'un million d'allemands résidant en RDA ont manifesté à Berlin­Est. Un gigantesque meeting a conclut cette manifestation. De multiples discours y ont été prononcés: des dirigeants de "Neues Forum", des écrivains, des artistes, des représentants de l'église évangéliste et même de la bureaucratie y ont pris la parole. Dans ces manifestations ont retenti quelques revendica­tions précises: liberté de circulation, liberté d'organisation, à bas le parti unique, liberté de presse, élections libres, etc... L'envoyé du "Monde" à Berlin-est résume ainsi:

"Ce qu'ils veulent tient en deux propositions.. des élections libres et la fin de la prétention du Parti Communiste à jouer un rôle dirigeant." "Le dialogue n'est que le hors­ d'oeuvre" déclare Jens Reich. dirigeant du mouvement d'opposition "Neues Forum". "Le plat de résistance c'est la démocratie".C'est à dire le pluralisme, le contrôle parlemen­taire, bref un Etat de droit."

LE MUR DE BERLIN PERCÉ

La crise au sein de la bureaucratie, de son parti, de son gouvernement a dès lors évolué rapidement. Le 18 octobre Erich Honecker, numéro un du SED depuis 1971 et chef d'Etat depuis 1976, abandonne ses fonctions. Egon Krenz devient Secrétaire Général du SED (Parti Communiste). Le 24 octobre, il devient chef de l'Etat et des armées. Le 26 octobre, rencontre entre les responsables du SED et de "Neues Forum". Le 31 octobre - 1er novembre Egon Krenz va à Moscou. Le 2 novembre démission en cascade de la direction de la bureau­cratie est-allemande dont: Harry Tisch, chef du "Syndicat" unique (FGGB) et Margot Honecker ministre de l'Education Nationale. Le 3 novembre Egon Krenz annonce  le départ prochain de cinq membres du Bureau politique. Le 4 novembre, pour la première fois, le gouvernement de la RDA autorise les ressortissants à passer librement à l'ouest via la Tchécoslovaquie. Les 4 et 5 novembre plus de dix mille per­sonnes passent en RFA. Le 5 novembre démission du chef du SED de Leipzig. Le 6 novembre nouveau projet de loi auto­risant les Allemands résidants en RDA à voyager librement trente jours par an.

Le 7 novembre une page se tourne: le gouvernement Stoph démissionne. C'est en soi un événement. Membre de l'appareil du SED depuis 1945, Stoph est entré au gouverne­ment en 1953. En juin 1953, au moment du mouvement révo­lutionnaire des travailleurs de l'Allemagne de l'Est, il était au côté de la bureaucratie du Kremlin qui a écrasé ce mouvement en utilisant ses blindés. La même année il est entré au Bureau Politique. Il a été à la tête du gouvernement depuis 1964, avec une interruption entre 1973 et 1976. Tout comme Honecker il incarne la bureaucratie est-allemande servilement dépendante de la bureaucratie du Kremlin.

Le 8 novembre le Bureau Politique du SED démissionne collectivement. Aussitôt il est remplacé par un nouveau BP dans lequel entre Hans Modrow premier secrétaire du district de Dresde lequel passe pour un "réformateur". II va devenu chef du gouvernement. II est question de la légalisation de partis autres que le SED et d'"élections libres" en RDA. Le 9 novembre est annoncée que désormais la circulation sera libre pour les Allemands entre la RDA et la RFA: le mur de Berlin dressé en 1961 est percé. Il s'effondre politiquement L'Allemagne et l'Europe résultant de la IIème guerre mondiale, des accords de Yalta et de Potsdam et ensuite de la guerre froide, vacillent.

 

LE PROLÉTARIAT ALLEMAND: PROLÉTARIAT DÉCISIF EN EUROPE

 

Tard venu, mais représentant une puissance économique et militaire redoutable, l'impérialisme allemand a, à deux reprises en 1914 et en 1939, tenté d'imposer son hégé­monie sur l'Europe pour devenir la puissance dominante dans le monde. La contrepartie de la gigantesque croissance du capitalisme allemand ce fut la construction et l'organisation d'une puissance non moins formidable: le prolétariat allemand.

Après la défaite de la France dans la guerre franco-allemande de 1870- 71, la défaite de la Commune de Paris de 1871, la dissolution de la Première Internationale, au congrès de Gotha en 1875, par la fusion du Parti Ouvrier Social-démocrate (marxiste) et de l'Alliance Générale des Ouvriers Allemands (lassaliens), s'est formé le Parti Socialiste Allemand (SPD). Ce parti a été à l'origine de la formation et de la construction de la Hème Internationale et, pour le meilleur et pour le pire, sa force motrice. Après la Commune de Paris, à la fin du XIXe siècle et au début du XXe, il a impulsé la construction du mouvement ouvrier européen.

Dans son "introduction" à la réédition allemande de "la lutte des classes en France" (1848-1850) de Karl Marx, Engels a écrit en 1895 :

"Quoi qu'il arrive dans d'autres pays, la social­-démocratie allemande a une situation particulière et. partout, du moins pour l'instant. aussi une tâche spéciale. Les deux millions d'électeurs qu'elle envoie au scrutin, y compris les jeunes gens et les femmes qui sont derrière eux en qualité de non-électeurs, constituent la masse la plus nombreuse, la plus compacte. le "tas de violents" décisifs de l'armée prolétarienne interna­tionale. Cette masse fournit déjà maintenant plus d'un quart des voix exprimées; et comme le prouvent les élections partielles au Reichstag, les élections aux Diètes des différents pays, les élections aux conseils muni­cipaux et aux conseils de prud'hommes, elle augmente sans cesse. Sa croissance se produit aussi spontané­ment, aussi constamment, aussi irrésistiblement et en même temps, aussi tranquillement qu'un processus naturel. Toutes les interventions gouvernementales pour l'empêcher se sont avérées impuissantes. Dès aujourd'hui nous pouvons compter sur deux millions et quart d'électeurs. Si nous allons ainsi de l'avant, nous conquerrons d'ici la fin du siècle la plus grande partie des couches moyennes de la société, petits bourgeois ainsi que petits paysans et nous grandirons jusqu'à devenir la puissance décisive dans le pays, devant laquelle il faudra que se courbent toutes les autres puissances, qu'elles le veuillent ou non. Maintenir incessamment cet accroissement, jusqu'à ce que de lui­-même il passe par-dessus la tête du système gouvernemental au pouvoir (ne pas user dans des combats d'avant-garde ce "tas de violents" qui se ren­force journellement mais le garder intact jusqu'au jour décisif), telle est notre tâche principale".

Telles étaient les perspectives qu'en 1895 Engels traçait au SPD (appelé plus communément Sociale démocratie allemande) et au prolétariat allemand: se préparer à la révolu­tion prolétarienne en Allemagne, devenir le chef de file de la Révolution Socialiste en Europe et par conséquent dans le monde. Mais l'opportunisme, puis le révisionnisme des direc­tions du mouvement ouvrier (partis et syndicats) n'ont pas tardé à se développer. L'apparition et la croissance d'une aristo­cratie ouvrière dans les pays impérialistes dominants, nourrie de miettes distribuées par l'impérialiste aristocratie ouvrière dont Engels avait déjà remarqué la formation en Angleterre, leur ont donné une base de masse. La sociale démocratie alle­mande, comme tous les partis social-démocrates ou socialistes de la IIème Internationale (sauf le parti bolchevik), comme tous les appareils syndicaux, sont devenus réformistes. Chacun d'entre eux s'est adapté à "sa" bourgeoisie. Lorsque la 1ère guerre mondiale a éclaté chacun d'eux s'est aligné sur l'impérialisme de son propre pays, la sociale démocratie alle­mande la première. Lénine apprenant par le "Vorwarts" que le groupe social-démocrate du Reichstag avait voté les crédits militaires crut d'abord qu'il s'agissait d'un faux numéro de l'organe du SPD. Ensuite il qualifia la politique des organisa­tions ouvrières, alignées durant cette guerre derrière leur bour­geoisie, de "social-patriotisme". Il déclara: la IIème Internationale et ses partis ont fait faillite, il faut construire la IIIème Internationale et de nouveaux partis ouvriers.

 

RÉVOLUTION ET CONTRE-RÉVOLUTION EN ALLEMAGNE

 II est revenu au prolétariat russe de prendre le premier le pouvoir, d'instaurer le pouvoir des soviets le 7 novembre 1917, sous l'impulsion du parti bolchevik que dirigeaient Lénine et Trotsky. Mais le prolétariat allemand était déjà en mouvement. Sous l'effet des conséquences dramatiques de la quatrième année de guerre, et sous le feu de la révolution russe, un an plus tard, au début novembre 1918, une vague révolutionnaire a déferlé en Allemagne.

Partout se sont formés les conseils d'ouvriers et de soldats. Le 9 novembre 1918, des tracts ont appelé à l'insurrection. Le Kaiser a abdiqué. Du haut du balcon du Reichstag, Scheidemann, hier partisan de la guerre jusqu'au bout, dirigeant social-démocrate a proclamé la République. Tandis que du haut du balcon du palais impérial Karl Liebknecht a fait proclamer par la foule "la République Socialiste allemande". Obtenant l'accord de l'Etat major alle­mand, le gouvernement social-démocrate de Ebert-Scheidemann et Noske s'est constitué. Dans le but de coiffer la révolution ce gouvernement s'est appelé de lui-même: conseil des Commissaires du Peuple. Il se camouflait en utilisant le nom que s'était donné le gouvernement que Lénine avait formé en Russie, au jour de la prise du pouvoir par le congrès des Soviets. En janvier 1919 appuyé sur les corps francs le gou­vernement Ebert-Scheidemann-Noske rétablissait par le fer et le feu "l'ordre" à Berlin. Le 15 janvier 1919, Karl Liebknecht et Rosa Luxembourg étaient assassinés. La contre-révolution était en marche. Mais la révolution allemande de novembre 1918 a contraint les alliés et le nouveau gouvernement alle­mand à signer promptement l'armistice en laissant un corps répressif de cent mille hommes à la disposition de ce dernier. La révolution allemande de novembre 1918, faute de parti dirigeant, a été vaincue. Mais elle a rempli d'espoir le prolé­tariat russe qui n'attendait rien tant que la révolution proléta­rienne en Allemagne, ainsi que les prolétariats de l'ensemble de l'Europe. Par contre elle a répandu l'effroi parmi les bour­geoisies et les gouvernements impérialistes, vainqueurs et vaincus. Quoique vaincue la révolution allemande de novembre 1918 a vérifié que le prolétariat allemand est le prolétariat décisif en Europe.

Cet article ne peut retracer les développements de la lutte des classes en Allemagne et particulièrement !es héroïques combats que le prolétariat allemand a mené de 1918 à 1933, date où la bourgeoisie allemande a confié le pouvoir à Hitler.

La tâche première et essentielle de Hitler fut d'écraser le prolé­tariat allemand, de détruire ses organisations, partis et syndicats, de l'atomiser politiquement. Il a utilisé tous les moyens pour y parvenir: de l'internement massif à l'extermination physique. Dés 1930, en raison de la crise économique, le dilemme à court terme en Allemagne était: ou la révolution prolétarienne victorieuse; ou la liquidation politique du prolé­tariat sous la botte du totalitarisme nazi. Une fois de plus, le sort de l'Europe s'est joué en Allemagne: ou la révolution prolétarienne impulsant la révolution dans l'ensemble de l'Europe; ou la voie ouverte à la préparation accélérée à une deuxième guerre mondiale, dans la mesure où l'écrasement du prolétariat allemand préluderait à d'autres défaites de prolétariats d'Europe.

Rien n'était joué d'avance. En 1930-1933, le prolé­tariat allemand gardait toute sa puissance et ses ressources combatives. La politique couarde, de crétinisme parlementaire de la sociale démocratie allemande, la politique criminelle divisant systématiquement la classe ouvrière, la politique du "social-fascisme" pratiqué par le Parti Communiste Allemand, ont conjointement désarmé politiquement le prolétariat alle­mand. Elles ont concouru à ce que Hitler accède "pacifiquement" et légalement au pouvoir. Finalement le SPD et le PCA ont capitulé sans combat devant Hitler. Chacun en connaît les immenses et tragiques conséquences: une deuxième fois par le fer et par le feu, au prix d'immenses tueries, de gigantesques destructions, de fantastiques holocaustes, sous la direction et dans le cadre du régime hitlérien, l'impérialisme allemand a tenté d'instaurer son hégémonie sur l'Europe en vue de dominer le monde.

Au fur et à mesure où se sont précisés l'inéluctabilité de la défaite de l'impérialisme allemand, l'écrasement des armées allemandes, l'effondrement du régime hitlérien, la coali­tion, des impérialismes anglo-saxons (secondairement français) et de la bureaucratie du Kremlin, victorieuses ont eu la hantise de l'explosion et du développement de la révolution en Europe et notamment en Allemagne. Ce n'était pas un phantasme. Dès 1943, à la suite de l'effondrement du fascisme, une situation révolutionnaire s'est créée en Italie. Dans tous les pays d'Europe que l'armée allemande occupait, le pivot de"l'ordre" c'était l'appareil militaire allemand, encadre et dirigé par le régime nazi. Les appareils d'Etats nationaux étaient pour lemoins chancelants, sinon disloqués ou même liquidés. Partout à des degrés divers les masses ouvrières et paysannes bouillon­naient. Si elles n'étaient pas déjà engagées dans le combat, elles s'apprêtaient à s'y engager dès que s'effondrerait la machine de guerre allemande. En Allemagne l'appareil de l'Etat bourgeois et le régime nazi étaient indissociables. La liquida­tion du régime nazi entraînerait automatiquement la destruction de cet appareil d'Etat. Dés lors la voie serait ouverte à la révo­lution prolétarienne en Allemagne.

 

DE LA SAINTE ALLIANCE CONTRE-RÉVOLUTIONNAIRE... À JUIN 1953

A la guerre totale des nazis, les alliés anglo-saxons et le Kremlin ont répondu par la guerre totale en Europe et surtout par la guerre totale menée contre le prolétariat alle­mand. Les bombardements terroristes des villes allemandes par l'aviation anglo-américaine n'avaient d'autre raison que de pul­vériser le prolétariat allemand. Ehrembourg, écrivassier stali­nien, a résumé en une formule la politique du Kremlin contre le peuple allemand: "il n'y a de bons Allemands que ceux qui sont morts". Le plan énoncé par Morgenthau, secrétaire d'Etat aux finances des USA visait à "transformer l'Allemagne en champs de pommes de terre". Réunis à Yalta du 4 au 12 février 1945, alors que la fin de la guerre approchait, Roosevelt, Churchill, Staline, ont conclu une sainte-alliance contre-révo­lutionnaire et ils ont partagé l'Europe en zones d'occupation: d'un côté les troupes alliées; de l'autre les troupes de la bureaucratie du Kremlin. Il s'agissait sans doute de partager l'Europe et l'Allemagne en zones d'influence. Mais il s'agissait non moins de couvrir l'Europe d'appareils militaires afin de faire face, éventuellement à la révolution prolétarienne. La guerre totale contre l'Allemagne a été poursuivie jusqu'à l'occupation totale du territoire: il fallait enchaîner le prolé­tariat allemand, alors que s'effondrait le régime nazi et avec lui l'appareil d'Etat. L'Allemagne a été segmentée en quatre zones d'occupation, soumises à des appareils militaires agissant sou­verainement chacun dans leur zone et se substituant à l'appareil d'Etat bourgeois détruit. La conférence de Potsdam tenue en deux temps, 17 juillet 1945 d du 28 juillet au 2 Août, a con­sacré cette situation. Cette conférence a décidé le transfert à- l'ouest des Allemands de Silésie, de Prusse Orientale, des Sudètes, un exode forcé de 7 à 8 millions d'enfants, de femmes et d'hommes.

Rapidement après la fin de la guerre l'impérialisme américain a impulsé la réorganisation du système impérialiste. Il a posé les bases de la coalition atlantique et engagé la guerre froide contre son allié d'hier la bureaucratie du Kremlin. A par­tir de la division de l'Allemagne en zones d'occupation, dans le cadre de la guerre froide les deux Etats allemands ont été édi­fiés. Sous l'impulsion de l'impérialisme américain, progres­sivement un Etat bourgeois a été reconstruit. Il a couvert les zones d'occupation américaine, anglaise et française. La reconstruction de l'économie capitaliste en Allemagne a été engagée. En retour la bureaucratie du Kremlin a "normalisé" sa zone. Elle a établi le régime totalitaire du parti unique satellite du Kremlin et aligné les rapports de production de sa zone allemande d'occupation sur ceux de l'URSS. En septembre 1949 la République Fédérale Allemande était constituée. Le 7 octobre, sur injonction de la bureaucratie du Kremlin, la République Démocratique Allemande était proclamée. La cor­respondance dans la constitution des deux Etats allemands est formelle. La population de l'Allemagne de l'ouest a considéré et considère que la République Fédérale Allemande est légitime. La République Démocratique Allemande a été imposée aux Allemands résidant à l'est de l'Allemagne. C'était et c'est toujours un Etat croupion, dont l'existence dépend totalement de la bureaucratie du Kremlin. Le fait que les prin­cipaux moyens de production soient nationalisés est secondaire par rapport à la division de l'Allemagne, de la population, du prolétariat allemands que la proclamation de la RDA a con­sacré. Cet acte survenant après bien d'autres auquel ont succédé beaucoup d'autres, a divisé le prolétariat allemand, principal prolétariat d'Europe, prolétariat indispensable à la prolétariats d'Europe luttant pour leur émancipation

Juin 1953 : premier mouvement révolutionnaire dirigé contre les bureaucraties est-allemandes et du Kremlin. Ce n'est pas un hasard si ce mouvement a eu lieu en RDA. Parmi les revendications du comité de grève de Bitterfield:

"retrait 'immédiat du prétendu gouvernement démocratique qui s'est porté au pouvoir par des manoeuvres électorales;  formation d'un gouvernement des ouvriers progressiste;. Autorisation de tous les grands partis démocratiques d'Allemagne de l'Ouest; élections libres et secrètes dans les quatre mois qui viennent"

En même temps que le caractère artificiel et contre-révolutionnaire de l'Etat croupion de RDA, était une fois de plus souligné le rôle révolutionnaire du prolétariat allemand. La construction du mur de Berlin a consacré que Etat croupion, la RDA est aussi un Etat prison.

 

BOULEVERSEMENTS EN EUROPE DE L'EST.

 

Jusqu'alors la RDA était considérée comme un inébranlable pilier de "l'ordre" bureaucratique en Europe de l'est. Mais ce pilier n'a pas résisté aux bouleversements en cours dans les pays de l'Europe de l'est, que la bureaucratie du Kremlin s'est étroitement assujettie à la fin de la IIème guerre mondiale. Après de longues et tortueuses négociations entre la direction de fait de Solidarité, le POUP, parti de la bureaucratie polonaise, les partis "paysans" et "démocrates", hier simples satellites du POUP, le 12 septembre la "Diète" a investi le gouvernement que Tadeuz Mazowiecki dirige: 378 voix pour, 42 contre, 41 abstentions. Toute la presse a souligné l'importance internationale de cet évènement. Pendant plus de 40 ans les partis des bureaucraties parasitaires, satellites de celle du Kremlin ont monopolisé totalement le pouvoir poli­tique dans ces pays. C'était la source et la condition de leurs privilèges. Ce monopole a été rompu en Pologne. L'avènement en Pologne du gouvernement Mazowiecki a été la conséquence d'un nouveau stade de la crise qui disloque tout le système que la bureaucratie du Kremlin a édifié au lendemain de la IIème guerre mondiale.

En Hongrie les processus en cours se sont accélérés. Le 7 octobre, en son congrès, le "Parti Socialiste Ouvrier Hongrois" a décidé de s'appeler désormais "Parti Socialiste Hongrois". Au terme de ce congrès, au lieu de l'Internationale, les congressistes ont entonné le chant "Dieu bénisse la Hongrie". Le "nouveau" parti a demandé son affiliation à l'Internationale Socialiste. L'intitulé du régime politique n'est plus "République Populaire de Hongrie" mais "IVème République de Hongrie". L'étoile rouge est abandonnée. Imre Nagy réhabilité, la commémoration du XXXIIIème anniver­saire de la révolution hongroise des conseils de 1956 a été organisée...mais par l'opposition ouvertement pro-bourgeoise. Des dizaines de milliers de hongrois y ont participé. La cons­titution a été réformée. Les 21 et 22 octobre les partis ayant été légalisés, le "Forum Démocratique Hongrois" (MDF), la plus importante des organisations de l'opposition, a tenu publiquement sa deuxième conférence. Déjà au cours des quatre élections partielles "libres" qui ont eu lieu cet été le MDF, qui est sous l'influence de la "démocratie chrétienne" européenne, l'a emporté sur le POSH. Le 26 novembre aura lieu un référen­dum qui doit décider de l'élection du futur président de la République, que prévoit la constitution "réformée". Cette élec­tion aura-t-elle lieu ou n'aura-t-elle pas lieu au suffrage uni­versel ? Si oui elle se fera le 7 janvier 1990, si nécessaire un deuxième tour aura lieu le 14 janvier. Au cours du premier semestre de 1990 des élections générales "libres" devraient être organisées. Du PSH au MDF toutes les organisations devenues légales sont sur la même ligne: retour au mode de production capitaliste, processus déjà fortement engagé en Hongrie.

Même en Bulgarie des bouleversements s'annoncent. Le 20 octobre plusieurs mouvements dits "indépendants" ont pu tenir des réunions publiques (les écologistes, une association "pour les droits de l'homme", le club pour le soutien de la perestroïka, le comité 273) (d'après une dépêche AFP-Reuters).

Une autre dépêche AFP-Reuter-UPI informe que:

"Quatre à cinq mille personnes ont manifesté librement dans les rues de Sofia le vendredi 3 novembre aux cris de "démocratie", "glasnost" et "référendum". Cette manifestation organisée par le mouvement écologiste indépendant  Eco glasnost avait pour but de remettre au président du parlement une pétition de onze mille cinq cents signatures contre divers projets menaçant l'environnement".

Dans la soirée du 10 novembre les agences de presse ont annoncé que Todor Jivkov, qui était à la tête du Communiste bulgare depuis 35 ans, a démissionné de ce ainsi que celui de chef de l'Etat. Petar Mladenov, ministre affaires étrangères, lui a succédé à la direction du PCB. A la prochaine réunion de l'Assemblée Nationale le nouveau chef de l'Etat sera élu.

En Tchécoslovaquie le samedi 28 octobre, anniversaire de la création en 1918 de la République Tchécoslovaque, malgré la répression, les arrestations, une manifestation a rassemblé de cinq à dix mille participants. Des centaines d'entre eux ont été arrêtés. Pourtant, surtout alors se déroulent à toute vitesse en RDA les évènements dont il vient d'être question l'immobilisme ne pourra durer encore longtemps. Le 13 novembre il était annoncé que les Tchécoslovaques pourraient désormais se rendre librement à l'étranger. En Roumanie aussi, l'immobilisme n'est plus durable.

Les pays de l'Europe de l'est ont toujours été les maillons faibles du système bureaucratique que la bureaucratie stalinienne a constitué après la Hème guerre mondiale : le mouvement révolutionnaire de l'Allemagne de l'est en juin 1953, la révolution hongroise des conseils de novembre 1956, le puissant mouvement à caractère révolutionnaire en Pologne de 1956, le "Printemps de Prague" de 1968, les mouvements qui se sont développés en Pologne en 1970-71, en 1976, en 1980 l'ont montré. Dans tous les cas ces mouvements ont correspondu à une situation de crise de la bureaucratie du Kremlin elle-même. Cependant cette crise n'était pas si profonde qu'elle ait empêché le Kremlin d'intervenir directement et ouvertement ou de façon plus ou moins masquée et de rétablir "l'ordre".


Cette fois la bureaucratie n'est plus en mesure de palier au recul et aux déchirements des bureaucraties satellites en utilisant les anciens moyens. Au contraire, elle pèse dans le sens de tentatives d'accommodements, d'ajustements, de con­cessions et de reflux des bureaucraties satellites. Elle le fait autant que possible en accord avec l'impérialisme et dans un sens favorable à ce dernier. C'est à Moscou que les décisions d'établir entre la RDA et la RFA la libre circulation des per­sonnes et de promettre de futures élections libres ont été prises. Il se confirme qu'au fur et à mesure du déroulement des évène­ments et des prises de décisions le Kremlin a informé et con­sulté Washington. La décision d'autoriser la libre circulation des personnes a été communiquée au Chancelier Kohl avant d'être rendue publique. Mais ces évènements ont leur logique et leur dynamique: à leur tour ils aggravent la crise qui déchire les bureaucraties satellites et la crise propre de la bureaucratie du Kremlin. Ils accentuent la tendance à leur effondrement.

 

RDA: CONSÉQUENCES ÉCONOMIQUES

 Les reculs précipités, la crise qui disloque la bureau­cratie de l'est de l'Allemagne ne sont pas des simples supplé­ments s'ajoutant à la crise générale du système stalinien. Il s'agit d'un saut qualitatif. Du point de vue technique et des ren­dements l'économie de la RDA est considérablement en retard sur celle de la RFA. Mais elle est, non moins considérable­ment en avance par rapport aux économies des pays de l'Europe de l'Est et de l'URSS. Selon "Le Monde" du 11 novembre 1989: "en 1987 le PNB par habitant était 18 400 dollars par an en RFA et de 8 000 en RDA". Selon "le bilan économique et social du Monde" de 1988, le PNB par habitant était en 1987 de 1 720 dollars en Pologne et de 2 240 en Hongrie. Ce ne sont pas de simples différences quantitatives, elles sont qualitatives.

60 % du commerce de l'Allemagne de l'est est réalisé avec l'URSS et les pays de l'Europe de l'est. Mais la nature des échanges est significative: la RDA exporte principalement des moyens de production et des produits hautement élaborés et importe des matières premières, des produits énergétiques. Par contre "Le bilan économique et social du monde de 1988" peut écrire :

             "Par ses liens spécifiques avec la RF A, l'Allemagne de l'est peut être considérée comme le treizième membre de fait, sinon de droit de la CEE. Un privilège qui lui permet de bénéficier d'un certain nombre d'avantages liés à l'appartenance pleine et entière. sans en subir les inconvénients".

Par ailleurs la RDA bénéficie de larges crédits que lui accorde la RFA et, de facto, le mark est-allemand est soutenu par le mark ouest-allemand. En juin 1983 la RFA a accordé à Berlin-Est un prêt sans intérêt et sans contrepartie commerciale de un milliard de marks; en juillet 1984 un nouveau crédit aux mêmes conditions, de 950 millions de marks. "Libération" du
14 novembre écrit:

"Les droits de transit entre la RF A et Berlin représen­tent actuellement 520 millions de marks versés chaque année à la RDA et devraient passer à 860 millions en 1990. Si on y ajoute l'aide aux infrastructures berlinoises - largement gonflée - les versements des postes ouest-allemandes - largement cal­culés - et les conditions de financement accordées aux exporta­tions de la RDA - particulièrement intéressantes -Bonn verse ainsi 3 milliards de Deutschmarks de subventions déguisées chaque année."

La crise qui affecte l'économie des pays de l'est de l'Europe et de l'URSS touche moins brutalement l'économie de la RDA. Ce qui n'empêche pas que son endettement s'élève à 10 milliards de dollars. Mais cet endettement est relativement faible en comparaison de celui de la Pologne, 39 milliards de dollars, ou de l'endettement de la Hongrie, 17 milliards de dol­lars, et il faut tenir compte des rapports endettement/production globale. Le pouvoir d'achat du travailleur résidant en RDA est très inférieur à celui du travailleur ouest-allemand. Il est par contre, de loin, le plus élevé des pouvoirs d'achat des tra­vailleurs des pays de l'Europe de l'Est et de l'URSS.

Du simple point de vue économique la crise explosive de la bureaucratie et de l'Etat est-allemand est une catastrophe pour les économies des pays de l'Europe de l'est et pour l'économie de l'URSS. Cette crise a évidemment des causes économiques. Mais les événements politiques auront à leur tour de brutales répercussions sur l'économie de la RDA: incapacité de maintenir la planification économique car les forces centrifuges vont se manifester puissamment; la fuite massive des forces vives à l'ouest déséquilibre le fonction­nement de l'économie de la RDA; très rapidement, les masses résidant en RDA ne vont pas manquer d'exiger d'importantes concessions économiques et sociales en prenant comme point de repère le pouvoir d'achat et les conditions d'existence des travailleurs de l'Allemagne de l'ouest. L'économie de l'Allemagne de l'est sera entraînée dans le malstrom de la crise économique des pays de l'Europe de l'est et de l'URSS qui s'accélérera et s'approfondira.

Manifestement d'ailleurs les puissances impérialistes et particulièrement le gouvernement de la RFA le redoutent. Ce dernier et toutes les forces sociales et politiques liées à la bourgeoisie allemande tentent de freiner, le plus possible, le flux migratoire. Kohl promet d'accorder au gouvernement de RDA de très importants crédits, comme les gouvernements occidentaux promettent d'en accorder au gouvernement Mazowiecki. Mais les possibilités du gouvernement de la RFA ne sont pas infinies. Il ne peut donner les moyens, au gou­vernement de RDA, d'éviter la désarticulation économique qui se prépare.

 

L'EUROPE DE YALTA ET DE POSTDAM VACILLE

 

Ce n'est qu'un aspect de la signification et de la portée des évènements en cours en RDA. L'essentiel est qu'ils mar­quent le commencement de la fin de l'Europe née de Yalta, de Postdam et de la guerre froide. Une nouvelle période de l'histoire de l'Europe se dessine. La raison en est que, dans l'impasse, par suite de son parasitisme, de la façon dont elle a géré l'URSS et les pays de l'Europe de l'est où le capital a été exproprié, la bureaucratie du Kremlin craque sous les pressions contradictoires de l'impérialisme et des masses prolétariennes.

Elle peut de moins en moins maintenir son contrôle sur la par­tie de l'Europe et de l'Allemagne que les accords de Yalta et de Postdam ont placé sous sa coupe et qu'au cours de la guerre froide, elle s'est étroitement subordonnée. Les bureaucraties parasitaires des pays de l'est de l'Europe n'ont pas de racines propres, profondes. Elles sont les agents de celle du Kremlin. Elles vacillent et sont finalement condamnées. La lutte des forces sociales vives en présence décidera à l'avantage de qui, en dernière analyse, se produira l'effondrement des bureaucraties de l'est de l'Europe: le prolétariat ou l'impérialisme.

Le mouvement actuel des masses de RDA, l'ébranlement les déchirements, les vacillements de la bureau­cratie de l'Allemagne de l'est donnent par eux-mêmes une fan­tastique impulsion à tout ce processus ne serait-ce que parce que la RDA est le principal bastion de la bureaucratie du Kremlin en Europe de l'est, le bastion clé, décisif. Aux reven­dications démocratiques des Allemands de RDA, à leurs reven­dications économiques, sont liées leurs revendications nationales: le droit de cette partie du peuple allemand à dis­poser d'elle-même et les Allemands de l'est veulent la réunification de l'Allemagne et du peuple allemand. La ruée des Allemands de l'Allemagne de l'est à l'ouest dès que le mur de Berlin et la frontière entre la RDA et la RFA ont été ouverts, n'a pas seulement le sens d'aller voir "la vitrine du capita­lisme": elle traduit sa profonde aspiration à la réunification allemande. L'effondrement de la bureaucratie de l'est de l'Allemagne, de l'Etat croupion, Etat qui ne peut survivre qu'en étant un Etat-prison, implique obligatoirement, quelle qu'en soit la forme, la réunification de l'Allemagne, de la nation, du peuple allemand. Plus violemment sans doute dans sa partie est, mais dans sa totalité le peuple allemand, de l'est comme de l'ouest, toutes les classes sociales, prolétariat et bourgeoisie, y aspirent. Le prolétariat allemand ne peut redevenir le prolétariat dont Engels parlait qu'en combattant pour l'unité de  l'Allemagne, l'unité du peuple allemand, sa propre réunification. La bourgeoisie, l'impérialisme allemand ne peuvent atteindre leur développement et leur puissance maximum que l'unité de l'Allemagne et du peuple allemand se réalise.

 

L'ACCORD CONTRE LA RÉUNIFICATION IMMÉDIATE DE L'ALLEMAGNE

 

Est-ce à dire qu'aucun obstacle ne se dresse plus sur la voie de la réunification de l'Allemagne et du peuple allemand? Tant s'en faut. Il suffit de rappeler certaines prises de position pour s'en convaincre. Jacques Chirac a dit le 8 novembre: "la forme que peut prendre la réunification n'est pas seulement l'affaire des Allemands". Il a affirmé l'intangibilité des fron­tières européennes. Valéry Giscard D'Estaing, invité du "grand jury RTL-Le Monde" du 12 novembre a expliqué: "nous avons construit nos institutions à partir du quasi-équilibre des pays européens. Le système deviendrait différent le jour où les deux Allemagnes formeraient un bloc. Il ne faut pas que l'arrivée des Allemands de l'est aille de pair avec la création d'un Etat dont le poids serait incompatible avec nos institutions". Selon lui il faut ancrer la RFA dans ses actuelles al­liances. Pour lui la RFA "fait partie d'un réseau d'obligations qui est la communauté européenne". "Libération" du 12 septembre résume les positions de Giscard d'Estaing. Il faut obtenir :

"1) L'engagement commun des Européens de l'Ouest d'accélérer l'union de la Communauté, la réaffirmation du respect de l'échéance de 1993 et la prévision d'un calendrier de négociations pour l'union monétaire et institutionnelle.

2) L'engagement commun des Européens de l'ouest de ne pas remettre en question le pacte atlantique.

3) La reconnaissance unanime d'une communauté de destin avec les pays de l'est qui ne feraient pas partie d'une "organisation militaire différente de la nôtre" (C'est-à-dire qui ne feraient pas partie du pacte de Varsovie. NDLR).

4) L'engagement de fournir une aide massive et coor­donnée aux pays de l'est "qui optent pour la liberté économique".

              5) L'engagement de ne "pas remettre en cause les frontières actuelles". Ce dernier point visant explicitement et exclusivement la RFA. soupçonnée par Giscard de pouvoir préférer son "destin" à celui de l'Europe des douze".

Jacques Delors s'est exprimé non moins clairement et brutalement à l'émission" sept sur sept" diffusée sur la pre­mière chaîne le dimanche 12 novembre. Il s'est prononcé pour le droit de l'est de l'Allemagne à l'autodétermination mais: dans l'intangibilité des frontières y compris celle entre la RDA et la RF A ; le maintien des relations avec l'URSS, dans le cadre du COMECON, avec l'aide conjointe de tous les pays occidentaux. La progression de la CEE serait nécessaire pour que l'Europe de l'ouest devienne le pôle d'attraction.

De son côté le gouvernement des USA a estimé par voix de Baker, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères que: "il n'est pas dans l'intérêt des Etats-Unis de voir l'instabilité Europe de l'est ou en Union Soviétique".

Le gouvernement de Washington ne poussera pas les pays "réformateurs" d'Europe de l'est, à quitter le pacte Varsovie et à remettre en cause les frontières. D'après Baker ce qui se passe à Berlin ne permet pas d'envisager une réunification dans un avenir prévisible. De son côté le Kremlin dit qu'il existe des limites à ne pas franchir: la RDA, les pays l'Europe de l'Est doivent rester liés (soumis en réalité) au pacte de Varsovie. Le gouvernement de Mme Thatcher s'est aligné sur la politique de l'impérialisme US. Le pacte atlantique celui de Varsovie, montrent un de leurs aspects généralement dissimulés: ils maintiennent l'occupation militaire l'Allemagne de l'ouest et de l'est.

En RFA Helmut Kohl a exprimé là où veulent aller bourgeoisie et l'impérialisme allemands: à la "réunification dans la liberté". En clair à la réunification dans le cadre l'Etat bourgeois qui a été reconstruit à l'ouest: la République Fédérale Allemande. Mais cette déclaration a déclenché de vives réactions en RFA notamment celles des dirigeants du SPD. Selon "Libération du 12 novembre :

"Le chancelier "n'a rien compris" au tournant est-allemand et ses propos intempestifs risquent de mettre en péril l'évolution démocratique, rétorque le maire SPD de Berlin Ouest, Walter Momper. Hans Dietrich Genscher, ministre libéral des affaires étrangères préfère lui-même parler "unité  allemande" plutôt que de "réunification", "unité" n'implique pas la fusion des deux Allemagnes en un même Etat. Le SPD enfin, Walter Momper en tête, est hostile à employer le terme  "réunification" pour fêter les retrouvailles".

La presse claironne à l'unisson que les Allemands, résident en RDA ne réclament pas la réunification
l'Allemagne et du peuple allemand, et que, dans les multiples et puissantes manifestations, cette revendication n'a pas avancée. Même les dirigeants de "Neues Forum" insistent: Allemands de la RDA ne veulent pas de la réunification déclarent-ils, ils veulent un aménagement de la RDA, etc...On demande: alors pourquoi tant de bruit à propos de cette réunification?

 

CE DONT ILS ONT PEUR

En réalité la marche à la réunification est inéluctable: 40 ans d'histoire prouve que l'Etat croupion de RDA n'est pas viable. Pour ne pas s'effondrer il a dû être bouclé, isolé du reste de l'Allemagne. Il ne se maintient qu'autant que sont présentes les troupes d'occupation de la bureaucratie du Kremlin. Aux yeux des travailleurs de l'est de l'Allemagne il n'a aucune légitimité. La presse annonce que depuis l'ouverture du mur de Berlin une tendance au retour en RDA des Allemands qui avaient émigré en RFA se fait jour, loin de prouver la viabilité de la RDA, cela démontre au contraire qu'étant donné les reculs précipités de la bureaucratie de l'est de l'Allemagne, l'effondrement de l'Etat croupion leur semble une question de temps. alors normalement ils retournent chez eux. Beaucoup d'entre eux veulent participer à sa mise à mort.

Toutes les puissances impérialistes, impérialisme allemand compris sont contre la réunification immédiate de l'Allemagne et du peuple allemand parce qu'elle implique la liquidation de la RDA. Or la liquidation de la RDA entraînerait la déstabilisation totale, l'effondrement des bureaucraties parasitaires de l'est de l'Europe. Elle approfondirait la crise de la bureaucratie du Kremlin. Mais au moment présent si les appareils d'Etats bureaucratiques qui ont été édifiés par les bureaucraties parasitaires sous la tutelle de la bureaucratie du Kremlin s'effondraient, du point de vue des structures étatiques, de l'appareil d'Etat ce serait le vide. Un champ politique immense s'ouvrirait devant les masses. Toute entrave étatique aux affrontements sociaux et politiques entre les différentes couches sociales, disparaîtrait.

La raison du compromis polonais entre l'église, l'appareil de Solidarité, les forces pro-bourgeoises, l'impérialisme d'un côté et de l'autre les bureaucraties polonaise et du Kremlin, que matérialise le gouvernement Mazowiecki, est là : les forces pro-bourgeoises, l'impérialisme, ne sont pas présentement capables de substituer à l'appareil d'Etat stalinien, leurs propres formes politiques et étatiques. Il leur faut donc utiliser celui-ci. C'est pourquoi le gouvernement Mazowiecki est un gouvernement de coalition, dans lequel la bureaucratie polonaise et son parti le POUP, si déliquescents qu'ils soient, détiennent les ministères clés de l'intérieur et des armées et que Jaruzelski est Président de la République, poste créé pour lui, qu'il dispose de pouvoirs considérables et que son cabinet double le gouvernement.

De plus en RDA la population des villes représente 88 à 90 % de la population totale. Il n'y a pas de petite paysannerie propriétaire. Le poids social du prolétariat est écrasant. L'effondrement de l'appareil d'Etat de la RDA aurait donc des conséquences encore plus profondes et encore moins contrôlables, au moins dans un avenir prévisible que l'effondrement de l'appareil d'Etat polonais en aurait

Le fait que le prolétariat de l'est de l'Allemagne soit une partie du prolétariat allemand à d'autres conséquences extrêmement importantes. Bien qu'il existe un Etat bourgeois allemand, la RFA, il ne peut se substituer, ipso facto, à l'Etat bureaucratique est-allemand et à ses structures. En conséquence la réunification de l'Allemagne, du peuple allemand, qui serait évidemment réunification du prolétariat allemand, introduirait des charges sociales et politiques explosives dans l'ensemble de l'Allemagne: ce serait un brandon qui risquerait de mettre le feu à tout l'édifice. Aucun impérialisme, la bureaucratie du Kremlin et même la bourgeoisie allemande ne veulent en courir le risque. Raison de plus et de poids pour, qu'au moins à court terme, ils veuillent maintenir la division de l'Allemagne, du peuple, du prolétariat allemands. Ils cherchent une solution transitoire, à la polonaise.

Certaines "divergences" entre impérialismes portent sur le moyen et le long terme. L'impérialisme français ne peut être qu'opposé à toute réunification de l'Allemagne qui don­nerait une prépondérance tcrasante en Europe à l'impérialisme allemand et renforcerait considérablement sa position dans le monde. Eventuellement, l'impérialisme français devrait s'y résigner: ce n'est pas lui qui décide. Quelle sera à long terme la position de l'impérialisme américain: il n'est pas exclu qu'il s'y oppose et tente d'établir une entente plus directe et plus étroite encore que celle d'aujourd'hui avec la bureaucratie du Kremlin.

 

LEUR "SOLUTION"

L'impérialisme allemand, a, lui, besoin de transitions économiques et politiques: une "libéralisation" politique con­trôlée et limitée à partir de la reconnaissance, par l'Etat de la RFA, d'organisations et de partis est allemands ne mettant pas en cause la RDA, ne posant pas, au moins au moment actuel, la question de l'unité de l'Allemagne et du peuple allemand; un accord préélectoral garantissant au SED qu'il restera au pouvoir même si la direction du gouvernement est assurée par une autre organisation ou parti. Manifestement "Neues Forum", qui est contrôlé par l'église méthodiste allemande, s'engage sur cette voie.

Quant aux travailleurs est-allemands, au moins une grande partie, voudront renouer avec les organisations tradi­tionnelles du prolétariat allemand: sur le plan syndical la D.G.B, sur la plan politique le SPD. Or cette centrale syndi­cale et ce parti sont indissolublement liés à l'Etat bourgeois allemand: la RFA. C'est le dirigeant du SPD Willy Brandt, alors Chancelier, qui a, en 1970, engagé "l'ost-politique", de rapprochement et de coopération entre la RFA et la RDA. Depuis le SPD a entretenu des relations suivies avec le SED. Par ailleurs toutes les organisations et partis, dont le SED, se prononcent désormais pour "l'économie de marché", c'est à dire pour une politique qui: démantèle la planification; engage la privatisation des entreprises industrielles, agricoles, commer­ciales et financières; ouvre l'Allemagne de l'est à la pénétration des capitaux et des marchandises des pays capitalistes. Libération du 13 novembre écrit:

"Le chancelier (Kohl) réitère son offre d'une "très large aide économique" à la RDA sous plusieurs conditions toujours les mêmes: une liberté durable de voyage, les syndicats libres, 1a liberté d'opinions, une presse libre, la libre information, des partis indépendants et, enfin, des élections libres et secrètes. Et le professeur Kohl de donner la leçon: "les mesures d'aide ne peuvent être couronnées de succès qu'à la condition qu'une économie de marché, soucieuse de ses devoirs sociaux, prenne la relève du système étatique d'économie planifiée". Sur ces bases "tout laisse prévoir un essor économique en RDA ", prévoit-il".

Ainsi la bourgeoisie allemande, qui dispose d'un puissant Etat, espère réaliser les conditions de l'unité de l'Allemagne et du peuple allemand dans le cadre de cet Etat

L'heure d'une telle réunification n'est pourtant pas sonnée. D'autant plus qu'y parvenir exigerait que se poursuive la reprise économique en RFA, et de l'ensemble de l'économie capitaliste et que le développement de la lutte des classes dans les pays capitalistes d'Europe et surtout en RFA, ne déchire pas ces pays, n'ébranle pas les Etats bourgeois, que les prolé­tariats des pays capitalistes n'engagent pas la lutte pour le pouvoir.

 

CE QUE VEULENT LES MASSES DE L'EST DE L'ALLEMAGNE

 Si spectaculaires que soient les récents évènements qui se sont déroulés en Allemagne de l'est, ils ne sont qu'un mo­ment d'un processus qui va se poursuivre. Il est peu vraisem­blable que les masses suivent le chemin que les puissances impérialistes et la bureaucratie du Kremlin voudraient leur faire emprunter.

Elles veulent, les libertés démocratiques toutes les libertés démocratiques: droit d'organisation sans restriction, droit de presse, droit de manifestation, droit sans limite de cir­culer.

Elles veulent en finir avec le SED, le pouvoir de la bureaucratie, la RDA Etat croupion. Elles veulent des élections libres, un gouvernement émanant d'elles et qu'elles contrôlent.

Elles veulent la dissolution des Vopos, des corps répressifs, de l'année et du corps des officiers de la bureaucratie comme de sa "justice" et de son administration.

Elles veulent de nouveaux organismes d'Etat émanant, contrôlés, dépendant de la popula­tion laborieuse.

Elles veulent le départ des troupes d'occupation de la bureaucratie stalinienne, des troupes françaises, anglaises, américaines stationnées à Berlin.

Elles veulent la réunification de Berlin et de l'Allemagne.

Elles ne tarderont pas à revendiquer l'augmentation de leur pouvoir d'achat, l'amélioration de leurs conditions de vie et de travail. Elles constateront rapidement que la pénétration des marchandises et des capitaux, la privatisation des entreprises et la dislocation de la planification, entraînent la rationalisation, la fermeture d'entreprises, l'accélération des cadences, le chômage. Elles exigeront le contrôle ouvrier sur la production, la distribution et les échanges.

Dans le combat pour atteindre ces objectifs peuvent surgir les comités ouvriers, leur fédération, ce qui est dans les traditions du prolétariat allemand: au cours du mouvement révolutionnaire de juin 1953 dans maintes entreprises ouvriers les avaient une fois encore constitués.

Rencontrant le 14 novembre le ministre des affaires étrangères français, Roland Dumas, Gorbatchev lui a dit :

"Les "hommes politiques responsables" doivent rester conscients de "l'importance encore plus grande d'une conduite équilibrée et constructive" comprendre que ce n'est "pas temps de détruire les institutions politiques et économiques internationales existantes" et qu'il est "inutile de clamer une victoire de guerre froide à propos de la désagrégation de tel ou tel système social". "Il est au contraire temps de réaliser que le monde contemporain, ce n'est pas deux civilisations qui s'affrontent mais une seule civilisation commune où prédominent les valeurs de toute l'humanité et la liberté de choix."

On ne saurait souligner plus clairement la volonté  de coopération contre-révolutionnaire de la bureaucratie  du Kremlin. Gorbatchev confirme: la bureaucratie du Kremlin, les bureaucraties parasitaires craquent sous l'action contradictoire de l'impérialisme d'un côté et des masses de l'autre, mais contre ces dernières elles ouvrent la voie à l'impérialisme.

Encore faut-il que l'impérialisme utilise "les institutions politiques et économiques internationales existantes" pour que les bureaucraties puissent jouer leur rôle restaurationiste.

Mais les combats que les masses des pays de l'est de l'Europe et de l'URSS ont engagés ne cesseront pas. Ils s'alimentent réciproquement. Ceux du prolétariat de l'est de l'Allemagne vont alimenter les combats des masses de l'Europe de l'est et de l'URSS. A leur tour ces derniers impulseront a lutte des travailleurs de l'est de l'Allemagne. Ainsi se dessine le développement de la révolution politique dans les pays où le capital a été exproprié.

 

INCONDITIONNELLEMENT POUR LA RÉUNIFICATION

 

Cependant à l'évidence en Allemagne de l'est le prolé­tariat ne peut vaincre la bureaucratie agence du Kremlin et combattre victorieusement la pénétration impérialiste et la renaissance de la bourgeoisie que si le prolétariat de l'Allemagne de l'ouest engage le combat contre le pouvoir bourgeois et le capital allemands. A l'échelle de l'Europe, révo­lution sociale, par laquelle le prolétariat des pays de l'Europe de l'ouest prendront le pouvoir, exproprieront le capital et s'engageront sur la voie de la construction du socialisme et révolution politique dans les pays où le capital a été exproprié par laquelle les prolétariats chasseront les bureaucrates para­sitaires et prendront ou reprendront le pouvoir et construiront réellement le socialisme, sont liées. En Allemagne révolution politique et révolution sociale doivent fusionner. Elles ne seront pas pour autant synchronisées. Le développement inégal et combiné est une loi qui se manifeste toujours dans la lutte des classes. Elle s'exprime aujourd'hui en Allemagne même: la voie vers la révolution politique est ouverte tandis que celle de la révolution sociale ne l'est pas encore. Il faut le dire: c'est encore une conséquence de la division de l'Allemagne, donc du prolétariat allemand, en deux. La victoire du prolétariat allemand est inséparable de sa réunification, donc de la réunifica­tion de l'Allemagne et du peuple allemand.

Les accords de Yalta et de Postdam ont fait tourner la roue de l'histoire en arrière en divisant l'Allemagne et le peuple allemand. De la liquidation de ces accords renaîtra l'unité de l'Allemagne et du peuple allemand. Tous les obstacles seront  surmontés. A plus ou moins longs termes rien ne peu l'empêcher, pas plus, qu'il n'est possible d'empêcher la rivière d'aller au fleuve et le fleuve à la mer. Tel est le sens de l'histoire.

Le prolétariat de l'est de l'Allemagne va brandir le dra­peau de l'unité allemande. C'est le moyen le plus immédiat elle plus direct d'unir dans un même combat le prolétariat de toute l'Allemagne. L'unité du prolétariat allemand étant l'une des conditions de sa victoire, toute organisation révolutionnaire doit se prononcer pour la réunification inconditionnelle de l'Allemagne et du peuple allemand, qui est inscrite dans le développement historique. De même toute organisation révolutionnaire doit se prononcer pour le retrait inconditionnel d'Allemagne de toutes les troupes étrangères, celles des impé­rialismes américain, anglais, français, de la bureaucratie du Kremlin: seul le peuple allemand a le droit de disposer de lui­-même, de décider de son sort.

L'actualité de la révolution politique, de la révolution sociale, la désagrégation des accords de Yalta et de Postdam, la lutte pour la réunification de l'Allemagne, donnent au mot d'ordre des Etats-Unis socialistes d'Europe toute sa place. A l'Europe de Yalta et de Postdam il faut opposer la perspective des Etats-Unis Socialistes d'Europe. Mais les Etats Unis Socialistes d'Europe ne seront constitués que si le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes est respecté et en conséquence le droit inconditionnel du peuple allemand à sa réunification, à l'unité de l'Allemagne. à disposer de lui-même.

 

UNE PÉRIODE DE LA LUTTE DES CLASSES LONGUE ET TOURMENTÉE

 

La lutte des classes n'est pas une belle histoire, aux résultats écrits à l'avance, dont les multiples épisodes se ter­mineraient par la victoire des bons sur les méchants. Il ne servirait à rien de cacher à quels obstacles et difficultés se heur­tent les prolétariats de l'est de l'Allemagne, de l'Europe de l'est et de l'URSS.

Le premier consiste en ce que si les crises de l'impérialisme et des bureaucraties parasitaires, au centre desquelles celle du Kremlin, sont conjointes elles ne sont pas nécessairement synchrones. Le stalinisme, les bureaucraties parasitaires parlent au nom du "socialisme" et ils sont présen­tés par des campagnes systématiques et intéressées comme par­lant au nom du socialisme: cela pèse lourd politiquement sur les ouvriers, la population laborieuse, la jeunesse des pays capitalistes comme des pays où le capital a été exproprié. Une très grande confusion existe parmi elles. L'impérialisme dis­pose d'importants moyens et de fortes positions ( en Allemagne par exemple: de l'Etat bourgeois qu'est la RFA). Il n'est pas un tigre de papier. Aidée par les bureaucraties para­sitaires,  principalement celles du Kremlin, il combat. La "démocratie", la "liberté" opposées idéologiquement et formellement au totalitarisme, bien réel, stalinien, font partie de ses armes politiques. Et surtout: la crise de la Quatrième Internationale, la politique révisionniste de la direction du PCI et de IVème Internationale-CIR, concourt à ce que ne se construise dans aucun pays d'Europe de Parti Ouvrier Révolutionnaire.

Le prolétariat en est réduit a agir et à combattre empiriquement et dans une grande confusion politique. Il ne dispose que de son instinct de classe et de son expérience.

Mais, que bien que n'étant pas synchrone à la crise des bureaucraties parasitaires, dont celle du Kremlin, la crise de l'impérialisme est bien réelle. Le mode de production capita­liste (y compris en RFA) est pourri jusque dans ses fonde­ments. Il se peut que la situation actuelle dans les pays capitalistes se prolonge plus ou moins durablement. Il se peut qu'à court terme l'économie capitaliste se disloque. Une intense activité diplomatique est en cours. Les 2 et 3 décembre, Bush et Gorbatchev vont se rencontrer en Méditerranée. Ils peaufineront la politique que l'impérialisme américain et la bureaucratie du Kremlin entendent suivre à l'est de l'Allemagne, en Europe de l'est, en URSS. Pourtant, quels que soient les avantages que l'impérialisme tirera de cette politique, l'essentiel ne peut être réglé rapidement à son profit, le mou­vement des masses se poursuivra sans pouvoir non plus, faute de partis révolutionnaires, se conclure par une victoire décisive et définitive du prolétariat.

Une longue période de luttes des classes confuses et non décisives est donc inévitable, à l'ouest comme à l'est de l'Europe, au cours de laquelle devront être construits, dans chaque pays les partis révolutionnaires et reconstruite la IVème Internationale. Ce sont les conditions de la victoire finale.

 

ADDITIF

Depuis que cet article a été écrit, les événements se sont encore accélérés. En Bulgarie: le 20 novembre 50000 manifestants à Sofia, ils ont exigé les libertés démocratiques, "des élections libres", un syndicat étudiant indépendant du pou­voir. Todor Jivkov a été mis en accusation par la nouvelle direction du PLB.

En Tchécoslovaquie, après une semaine de mani­festations de plus en plus massives, le 24 novembre la direc­tion du PCT a démissionné en bloc, sept membres du Bureau Politique ont démissionné en bloc, parmi eux figurent tous les responsables liés à l'écrasement du mouvement de 1968. Le nouveau secrétaire général du PeT, Karel Urbanek, a convoqué un nouveau c.c. qui doit décider de nouveaux limogeages et de la convocation d'un congrès extraordinaire pour le 26 janvier .Le lundi 27 novembre, la grève générale de 2 heures à laquelle les dirigeants de l'organisation des étudiants en grève ont appelé a été quasi unanime dans les entreprises. Le "Forum civique" qui regroupe l'ensemble des dirigeants de "l'opposition" a élaboré un programme ultra-modéré: élec­tions libres dans "un délai raisonnable" organisées par le gou­vernement; maintien du pacte de Varsovie; "économie de marché", etc...

En Hongrie, le référendum du 26 novembre a été une dure défaite pour le gouvernement. Son référendum visait à obtenir, avant tout, l'élection plébiscitaire d'un président de la République. Le "Forum démocratique" a appelé au boycott de ce référendum. Il n'y a eu que 53 % de votants et sur les votants juste un peu plus de 50 % se sont prononcés contre l'élection du président de la République au suffrage universel.

En Allemagne de l'est: la direction du SED a été contrainte de convoquer pour décembre un congrès extraordinaire; elle a admis que le rôle dirigeant de la RDA du SED ne devait plus figurer dans la constitution; elle offre à "l'opposition" de participer à une "table ronde". L'événement majeur est cependant la manifestation du lundi 28 novembre à Leipzig: 200 000 manifestants ont exigé l'unité de l'Allemagne et du peuple allemand.

 

Le chancelier Kohl a formulé son plan en ce qui con­cerne l'Allemagne de l'est. Suppression dans la constitution de la RDA du rôle dirigeant du SED et élections libres. Ensuite : structure fédérale des "deux Allemagnes", commissions spé­ciales inter-allemandes dans les domaines de l'économie, des transports, de l'écologie. Enfin, approbation par les citoyens à l'édification d'une Allemagne unie. La RFA et la RDA res­teront respectivement dans l'OTAN et le pacte de Varsovie. Autrement dit: maintien des troupes d'occupation. La RDA et la RFA auront chacune leur politique extérieure et leur armée propre.

Tous les dirigeants des pays impérialistes, les dirigeants actuels des "oppositions" entendent maintenir la présence des troupes de la bureaucratie du Kremlin présentes en Allemagne et en Europe de l'est, gardiennes de "l'ordre" dans ces pays. Ils craignent l'effondrement des Etats construits sous l'égide de la bureaucratie du Kremlin. Pour une raison simple: ils redoutent les développements révolutionnaires en Europe de l'est. Pour la même raison, ils sont contre la réunification de l'Allemagne qui déstabiliserait complètement l'Europe de l'est et introduirait une charge explosive en RFA par suite de la réunification du prolétariat allemand.

Les peuples d'Europe de l'est sont eux pour : "Dehors les troupes de la bureaucratie du Kremlin", "A bas le pacte de Varsovie", "A bas le COMECOM", "A bas les Etats bureaucratiques". C'est par là que passe la révolution politique. De même la réunification de l'Allemagne, du peuple, du prolétariat allemands est la voie qui mène à la révolution prolétarienne en Allemagne.

 

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