Extrait de l'éditorial de Combattre pour le Socialisme n°2 (84) de janvier 2001

 

L'agrément du PARE n'était pas inéluctable

 

Avec l'agrément gouvernemental de la convention Unedic Seillière-Notat (publié le 6 décembre 2000), la "refondation sociale" a été politiquement relancée. L'accord sur "la santé au travail" a été signé par les CFDT-CFTC-CGC.  Il organise le démantèlement progressif de la médecine du travail et supprime dans la plupart des branches professionnelles la périodicité annuelle de la visite médicale. Les autres chantiers, tels ceux de la formation professionnelle (que le Medef voudrait voir sortir hors du temps de travail) ou de la "négociation collective" (ainsi le Medef nomme-t-il le processus de casse des garanties collectives de la classe ouvrière), avancent.

 

C'est en fonction de ces considérants que, le 19 décembre, au terme d'une réunion de bilan d'un an de "refondation sociale", un Ernest-Antoine Seillière jubilant proposait de remettre le couvert pour une année de plus, c'est à dire de reporter la "menace" du départ du Medef des organismes paritaires d'un an et de faire se poursuivre la "refondation" sociale, entreprise systématique de démolition des acquis ouvriers.

Les dirigeants CGT et FO ont annoncé qu'il continueraient de participer, attisant ainsi le feu sous les chaudrons patronaux.

 

Pourtant, entre juin et novembre 2000, tout l'édifice de la "refondation sociale" a vacillé. Le refus des dirigeants CGT et FO de signer les différentes moutures de la nouvelle convention d'assurance-chômage contenant le PARE de Seillière-Notat a objectivement constitué un obstacle tant à l'agrément gouvernemental qu'à la poursuite des autres "chantiers" de la refondation sociale, comme suspendus en l'air (ainsi l'était notamment celui de la Santé au travail).


L'agrément du PARE n'était pas inéluctable


Bien que n'ayant pas signé les différentes moutures de la convention Unedic Seillière-Notat, les dirigeants CGT et FO, ainsi que nous l'écrivions dans le numéro 82 de Combattre pour le Socialisme, "se sont employés à conjurer l'éventualité d'un enrayement de la refondation sociale aussitôt que leur refus de signer le projet de convention sur l'assurance-chômage l'ait mis à l'ordre du jour".

Au lieu d'en appeler à l'intervention de la classe ouvrière, ils se sont tournés vers le gouvernement pour lui demander "d'arbitrer". Ainsi rasséréné, celui-ci a fait ce pourquoi il a été formé: satisfaire les revendications patronales. Dirigeants CGT et FO se sont cantonnés sur le terrain des recours juridiques et de la diplomatie secrète avec le gouvernement, appelant pour donner le change à une "journée d'action" (CGT) fourre-tout le 9 novembre.

 

Ils auront obtenu pour leur compte dans la dernière mouture de ne plus être exclus de la gestion de l'Unedic, sans avoir pour autant à participer aux "commissions paritaires" chargées d'instruire la chasse aux chômeurs, commissions réservées, aux signataires de la nouvelle convention.

 

Ils auront également obtenu du gouvernement un texte d'agrément qui, au mépris des faits, et notamment de l'article premier du nouveau règlement de la convention Seillière-Notat, prétend que le PARE ne serait pas obligatoire. Ce texte a pour fonction de permettre aux dirigeants CGT et FO d'annoncer, que finalement, rien de si grave ne s'est produit, comme le fait J.Lazare (CGT) dans la VO du 15 décembre 2000:

"Je pense qu’on peut s’appuyer sur le contenu du rapport du gouvernement sur l’agrément pour combattre efficacement l’opération d’exclusion du Medef à l’égard des chômeurs qui ne rentreraient pas dans le rang."

Le PARE devrait donc entrer en vigueur  contre les travailleurs qui seront licenciés à compter de l'été 2001.

 

Financé avec le salaire différé des travailleurs, le PARE servira à contraindre les chômeurs ayant travaillé à se plier aux desiderata patronaux: accepter une formation, un emploi au rabais contre leurs qualifications reconnues. La destruction de l'assurance-chômage est désormais engagée, par l'utilisation des cotisations ouvrières comme instrument non plus d'indemnisation mais de sélection entre les travailleurs jetés au chômage (sélection que les Ponce Pilate qui dirigent les confédérations ouvrières CGT et FO ne pouvaient prendre en charge et laissent à la CFDT, la CFTC et la CGC le soin de faire).

 

Reste néanmoins pour le gouvernement à faire voter les quelques mesures législatives prévues dans la convention Seillière-Notat. Or, de crainte de faire capoter un projet de loi "fourre-tout" en débat à la mi-janvier à l'Assemblée nationale, le gouvernement a retiré les dites mesures. Autrement, il risquait de ne pas avoir de majorité à l'Assemblée pour voter son projet de loi.

 

Cela le confirme: l'agrément du PARE n'était en rien inéluctable. CPS avait pour sa part tracé une orientation à même de l'empêcher (dans un supplément du 28/10/2000):

"Dirigeants des confédérations CGT et FO, vous n’avez pas signé la convention Seillière-Notat ! vous prétendez qu’il faut la combattre, alors engagez vous clairement. Votre responsabilité c’est de réaliser le front unique en appelant ensemble à:

Une manifestation de l'ensemble des travailleurs à l’Assemblée nationale pour imposer à la majorité des députés du PS et du PCF de décider contre le gouvernement :

Pas d’agrément de la convention Seillière-Notat ! Bas les pattes devant l’Unedic !"

 


"Je n´accepterai pas de me faire dicter ma politique par le PS !" (Guigou)


Que cette orientation répondait à la situation politique, le congrès du Parti Socialiste en a donné l'illustration.

Il faut en effet relever que c'est la question de l'Unedic et de l'agrément donné au PARE qui a fait échoué la "synthèse"  attendue entre les courants du PS, le courant Emmanuelli en particulier faisant du refus de l'agrément au PARE un préalable. V.Peillon, porte-parole du PS, rapportant les débats, sur cette question, reprochera à H.Emmanuelli de s'être:

" engagé vers ce préalable qui est de demander à un parti qui cherche la cohérence et le sérieux de se mettre en contradiction totale avec l'action du Gouvernement sur une question essentielle."

 

La question de l'agrément à la convention Seillière-Notat a donc traversé le PS, conformément à sa nature de parti ouvrier bourgeois parlementaire, sans intervention directe de la classe ouvrière (ce dont les directions confédérales CGT et FO portent l'entière responsabilité). Comme l'indique lui-même V.Peillon, c'est bien la question de la rupture du PS avec le gouvernement qui s'est posée. A sa façon, la prétentieuse Elizabeth Guigou, prise à parti sur l'Unedic et sur les salaires, l'a exprimé en laissant s'échapper ce cri du cœur: "Je n´accepterai pas de me faire dicter ma politique par le PS !" (Le Monde du 28 novembre).

 

Evidemment, s'il ne s'agissait que du PS, tous courants confondus, ni Guigou ni le gouvernement n'auraient de craintes à avoir (voir l'article sur le PS dans ce numéro). Mais sans doute Guigou a–t-elle en mémoire le mouvement des travailleurs des finances de février-mars 2000 et le fait que leur volonté d'arracher le retrait du "plan Sautter" (qu'ils obtiendront) avait eu d'importantes répercussions au sein du groupe parlementaire PS. Sans doute Guigou est-elle encore marquée par les pétitions, délégations, occupations de permanences (jusque dans sa terre d'élection, le Vaucluse) que le PS a subi de la part des enseignants et des travailleurs des finances. On peut le mesurer jusque dans les déboires anecdotiques de C.Sauter, auquel la section PS du XII° arrondissement de Paris a refusé de confier un rôle de premier plan pour les municipales, contre la volonté de B.Delanoé, leur chef de file, et derrière celui-ci la volonté de Lionel Jospin.

 

Elizabeth Guigou craint, ainsi que tous ceux qui utilisent le PS comme marchepied, de voir ne serait-ce que s'esquisser la volonté du prolétariat de "dicter" ses volontés au PS. Et c'est précisément cette possibilité sous-jacente qui s'est exprimée et s'exprime aussi bien sur la question de l'Unedic que sur celle des salaires, autre point de clivage au congrès du PS.

 

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