Article paru dans Combattre pour le Socialisme  n°2 (84) de janvier 2001

 

Palestine: nouvelle phase

 


Répression sanglante du soulèvement du peuple palestinien


Au moment où cet article est écrit, le gouvernement Barak a fait tuer plus de 300 palestiniens, on dénombre plus de 10 000 blessés. Le détonateur de ce bain de sang, c'est la provocation délibérée organisée de concert par A.Sharon et E. Barak, chef du gouvernement: le 28 septembre, Sharon, dirigeant du parti Likoud, responsable des massacres commis dans les camps de réfugiés palestiniens de Sabra et Chatila, venait parader sur "l'esplanade des mosquées", protégé par une solide escorte fournie par Barak (mille policiers!), lequel avait refusé la veille la demande de Y.Arafat (avec qui il dînait) d'annuler cette visite.

Spontanément, en réaction à cette provocation, les manifestations de palestiniens des territoires soit-disant "autonomes" éclataient aussitôt. La répression s'abattait impitoyablement. Les palestiniens d'Israël entraient également en grève et manifestaient. La répression s'abattait sur eux aussi (13 morts).

 

Israël peut compter sur le soutien de l'ensemble des puissances impérialistes, en particulier l'impérialisme US, dont il est en grande partie l'instrument politique et militaire dans la région. Les impérialistes, notamment français ont fait reporter sur Ariel Sharon la responsabilité des tueries. Mais c'est pour masquer que le gouvernement "travailliste" de Barak figure en bonne place au palmarès des gouvernements sionistes les plus criminels des dernières décennies.

 

L'Etat d'Israël peut perpétrer ces massacres d'autant plus que le prolétariat des principaux pays impérialistes, en particulier aux USA, n'a pas pu exprimer son soutien au combat du peuple palestinien. Ainsi, en France, le 23 novembre, le PCF, la LCR, LO, les dirigeants de la CGT, de la FSU, avec notamment le "mouvement des juifs pour la paix", signaient un texte commun convoquant une manifestation pour le 29 novembre. Ce texte exigeait des

"dirigeants de l'Union Européenne et des autorités françaises qui en assurent la présidence, qu'elles exercent la pression maximale sur le gouvernement israélien, tant que ce dernier continuera à violer le droit international et les résolutions de l'ONU (...) seul le respect du droit permettra d'aboutir à une paix juste et durable ".

Les signataires de ce texte se rangent du côté de la paix des cimetières, des camps de réfugiés, du côté du "droit" impérialiste qui permet à Israël de massacrer le peuple palestinien.


L'accord de Washington: accord de trahison des masses palestiniennes


Les signataires de cet appel, avec l'ensemble des puissances impérialistes, en appellent au "retour au processus de paix", au "respect des accords signés ", c'est à dire, en particulier, l'accord de Washington de 1993 et à ses différents accords d'application.

 

L'accord de Washington fut signé le 13 septembre 1993 par Arafat et I.Rabin, sous l'égide de l'impérialisme US. La première lettre de cet accord , c'est la reconnaissance par l'OLP du "droit de l'Etat d'Israël de vivre en paix et dans la sécurité". Et encore:

"l'OLP accepte les résolutions 242 et 338 de l'ONU (...) l'OLP renonce à recourir au terrorisme et à tout autre acte de violence (...) l'OLP affirme que les articles et les points de la charte palestinienne qui nient le droit d'Israël à exister sont désormais inopérants et non valides ".

L'OLP, "organisation de libération de la Palestine" proclamait ainsi qu'elle renonçait officiellement à tout combat contre l'Etat d'Israël, pour libérer la Palestine. De plus, l'accord prévoyait que revenaient à l'OLP et aux notables palestiniens la gestion et le contrôle des Palestiniens vivant à Gaza et en Cisjordanie (qui ne représentent que 22% du territoire de la Palestine!).

 

L'OLP s'engageait dans la constitution d'un "Etat" (mais ce terme n'est même pas employé dans le texte des accords) correspondant aux agglomérations et camps palestiniens de ces territoires: quelques confettis territoriaux sans lien entre eux, où est parqué, entassé le peuple palestinien, cerné par l'armée et les colons Israéliens. Signe du degré de capitulation d'Arafat, même la proclamation de cet "Etat", qui de toute façon eût été une cynique mascarade, a été reportée pas moins de quatre fois sur injonction de l'impérialisme US. Et ce, jusqu'à nouvel ordre. Pour gérer ces territoires la police de l'OLP s'est mise au service de l'Etat d'Israël pour contrôler, réprimer, les masses palestiniennes, multipliant arrestations et liquidation d'opposants. Ainsi, Israël n'a abandonné aucune de ses prérogatives d'Etat et a obtenu, pour réprimer les palestiniens, le concours de L'OLP.


A l'origine du "processus de paix": Pax Americana au Moyen-orient


L'écrasement de l'Irak en 1991 a constitué une défaite non seulement pour le prolétariat en Irak même, mais aussi pour l'ensemble des peuples du Proche et du Moyen-Orient, en particulier pour le peuple palestinien. En imposant aux bourgeoisies française et anglaise qu'elles participent à cette expédition militaire, en recevant l'appui de fait de presque tous les gouvernements arabes, les USA ont atteint leur objectif: imposer à tout le Proche et Moyen-Orient la "pax americana". L'Intifada, soulèvement des palestiniens de Cisjordanie et Gaza commencé en 1987, reflue dès 1991. Depuis 1991, l'impérialisme américain fait régner la terreur dans toute la région en bombardant quasi quotidiennement l'Irak. Sur la base de l'effondrement de la bureaucratie du Kremlin, une immigration massive est venue renforcer Israël, servant de base à de nouvelles implantations de colonies.

C'est dans cette situation, marquée par l'effondrement de l'appareil international du stalinisme, que l'impérialisme américain impulse le "processus de paix", chapeaute l'accord de Washington (dit d'Oslo). Cet accord est un point d'appui considérable pour Israël et une victoire politique pour l'impérialisme US. Il a créé les conditions d'un nouveau renforcement de l'Etat d'Israël.


Un peuple en cages


L'accord de Washington, son application, constitue autant de coups portés au combat des masses palestiniennes et à leur existence même. Après le dernier accord d'application (Charm el-Cheik, 1999), l'autorité palestinienne "contrôle" 40% de la Cisjordanie, dont 18% en zone "A" (contrôle exclusif) et 22% en zone "B" (contrôle mixte avec Israël). Les agressions commises par l'armée israélienne ces dernières semaines montrent que la "souveraineté" de l'autorité vaut contre les Palestiniens, mais en aucun cas contre Israël qui y frappe à sa guise.

Toutes les enclaves sont soumises régulièrement au "bouclage", permanent depuis début octobre. L'armée israélienne peut y pénétrer à tout moment au nom de "la lutte contre le terrorisme". Depuis 1993, le nombre de logements dans les colonies israéliennes a augmenté de 50%. A Gaza et en Cisjordanie, le taux de chômage de la population palestinienne est passé depuis 1993 de 18% à 34%, augmentant d'un tiers en cas de "bouclage". De fait, l'Etat d'Israël est maître du budget de "l'Autorité", des voies de communication, de la distribution d'eau et d'électricité.

Le Monde du 20 octobre 2000 décrit la situation depuis les accords de 1993:

"A Gaza, le départ des Israéliens s'est accompagné de la construction d'un mur hermétique autour du territoire transformé en prison, dont le guichet serait le point de passage d'Erez, un "Check point Charlie" d'un autre âge, créé en 1967, auquel les Palestiniens accèdent après avoir emprunté un couloir de tôle et de grillage de plusieurs centaines de mètres et qui débouche sur les postes de contrôle israéliens (...) depuis le processus de paix des règles strictes ont été édictées. Un profil type de travailleur autorisé à travailler en dehors de Gaza a été défini pour prévenir les actes de terrorisme. L'ouvrier palestinien "idéal" est plutôt âgé, marié et père de famille. Il doit chaque jour se plier à des procédures de contrôle longues et humiliantes. Mais surtout, les Palestiniens de Gaza ont découvert le bouclage, c'est à dire la fermeture totale ou partielle du point de passage d'Erez, lorsqu'Israël le décrète. Ce qui vaut pour les hommes vaut aussi pour les marchandises. L'importation  est longue, l'exportation aléatoire, même lorsqu'il s'agit de denrées périssables."


L'Etat d'Israël, Etat colonial, raciste, instrument de l'impérialisme US


Depuis sa constitution en 1948, l'Etat d'Israël n'a pas cessé de mener une politique de colonisation de la Palestine, d'extermination du peuple palestinien. En fait, il s'agit de la seule politique possible pour cet Etat spoliateur et raciste.

 

C'est dans le cadre de la dislocation de l'empire Ottoman, pour le compte de l'impérialisme anglais, que furent développées les premières implantations sionistes en Palestine. Rappelons que le sionisme a été dressé par les patrons juifs et les rabins contre la lutte de classe et la lutte nationale de la classe ouvrière juive d'Europe orientale.

Après avoir écrasé la grande révolte palestinienne de 1936-39, le gouvernement de Londres met tout en oeuvre pour garder une position déterminante dans la région, y compris en freinant l'implantation de colons juifs pour ménager ses alliés arabes. En vain: les USA, impérialisme hégémonique à l'issue de la guerre, vont s'imposer au Proche et Moyen-Orient. Le 29 novembre 1947, l'ONU, dirigée par les USA, mit fin au mandat britannique en partageant la Palestine (Israël, Gaza, Cisjordanie, et aussi la Jordanie d'aujourd'hui) entre juifs et palestiniens. Immédiatement, les différents groupes armés sionistes mènent une véritable politique de terreur contre le peuple palestinien, massacrant des villages entiers, avec pour objectif de "détruire les agglomérations, d'expulser les habitants pour prendre leur place" (Ben Gourion).

Il s'agissait de créer les conditions pour la proclamation de l'Etat d'Israël, qui aura lieu le 14 mai 1948. Depuis, Israël ne cessera de conquérir de nouveaux territoires, avec l'aval des puissances impérialistes et de la bureaucratie du Kremlin, au travers des guerres de 1948, 1967, 1973 et l'annexion du Sud-Liban. En 1982, la milice d'Israël au Sud-Liban massacre les réfugiés palestiniens dans les camps de Sabra et Chatila.

 

Le peu qui restait de la Palestine après la guerre de 1948 était dépecé par les Etats arabes de la région, états eux-mêmes dirigés par des coteries fondamentalement hostiles aux conséquences qu'auraient une victoire des masses palestiniennes dans leur propre pays.

 

Au fil des années, par la terreur et l'oppression, l'Etat d'Israël, état raciste qui accorde la nationalité à tout juif au nom du "droit au retour", a continué parallèlement à expulser les Palestiniens, à confisquer leur terre et a organisé systématiquement l'implantation de nouvelles colonies de peuplement. Des millions de palestiniens sont en exil, dont des centaines de milliers sont parqués dans des camps, à Gaza, en Cisjordanie, en Jordanie, au Liban, en Syrie

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L'Etat d'Israël, implanté artificiellement à partir de l'expulsion du peuple palestinien, existant uniquement grâce au soutien politique, économique et militaire, de l'impérialisme US, ne peut survivre qu'en menant une guerre impitoyable et sans fin contre le peuple palestinien.

En fait, la "sécurité de l'Etat d'Israël" ne peut être, à terme, garanti que par la liquidation du peuple palestinien comme peuple. Tous les partis politiques israéliens, partis coloniaux, le savent. Il suffit d'écouter les déclarations du chef du parti Meretz, considéré comme de "gauche" et "pacifiste", le 25 décembre à la radio israélienne:

"Tout est envisageable pour nous, sauf le droit au retour des réfugiés, car nous ne pouvons pas nous suicider"


L'OLP, organisation nationaliste petite-bourgeoise


L'OLP est créée en 1965 à l'initiative de la Ligue arabe, contrôlée par l'Egypte, pour se soumettre les organisations nationalistes palestiniennes telles le Fatah et le FPLP.  Mais ce sont elles qui vont, après l'invasion de la Cisjordanie et Gaza en 1967, prendre le contrôle de l'OLP. Reflétant la radicalisation des masses, l'OLP, sans pour autant modifier son caractère d'organisation nationaliste petite-bourgeoise, va se développer comme représentation du peuple palestinien et devenir un enjeu qu'il faut briser par la répression et soumettre par la corruption.

 

La répression est conduite par l'Etat d'Israël et les Etats arabes.  Mais la politique de capitulation de l'OLP elle-même va permettre de pourchasser et massacrer les combattants palestiniens. Le 22 septembre 1970, alors que les réfugiés palestiniens en Jordanie se soulèvent, Arafat et le roi Hussein de Jordanie signent un accord qui appelle les forces armées de l'OLP et les masses palestiniennes à cesser le combat. Ainsi aidée par l'OLP, l'armée jordanienne lance immédiatement l'offensive et  massacre massivement les réfugiés palestiniens: c'est le "septembre noir". En septembre 1982, Arafat accepte que les forces armées de l'OLP quittent les camps de réfugiés qui entourent Beyrouth. L'ALS, milice organisée par l'Etat d'Israël au Sud-Liban, a ainsi le feu vert pour orchestrer les massacres de Sabra et Chatila.

 

L'OLP ira ainsi de capitulation en capitulation. En 1988, en pleine Intifada,  le conseil national de l'OLP "reconnaît toutes les résolutions de l'ONU sur la question palestinienne ", ce qui revient à reconnaître de facto l'Etat d'Israël.


L'Intifada


Malgré la mainmise de l'impérialisme sur la région, la soumission des bourgeoisies arabes, l'offensive sans interruption de l'Etat d'Israël, en décembre 1987, éclatait à Gaza, l'Intifada, l'insurrection des masses palestiniennes. Mouvement spontané, jailli des territoires occupés, cette "guerre des pierres" constituait à terme une grave menace pour l'ordre colonial. Militairement, ce harcèlement ne présentait aucun risque. Le risque était en fait politique. Un "commandement unifié" se constituait, l'OLP n'en ayant pas le contrôle exclusif. Les masses palestiniennes commençaient à s'organiser, sur leur propre terrain de classe, indépendamment de la tutelle politique de l'OLP, de la petite-bourgeoisie et de la bourgeoisie palestinienne.  Sous l'autorité du "commandement unifié" s'organisait l'ensemble du combat des masses. Des comités étaient formés, décidant du déclenchement des grèves et des manifestations. CPS No21, du 20 mars 1988, commentait: "C'est une forme d'organisation de type soviétique, propre à la révolution prolétarienne. "

 

L'OLP était en difficulté. La poursuite de l'Intifada lui interdisait d'aller plus avant sur le terrain de la capitulation.

Il faudra l'écrasement de l'Irak par l'armada impérialiste en 1991 pour briser l'Intifada et permettre à l'OLP d'effacer de son programme toute trace du combat contre l'Etat d'Israël, pour la libération de la Palestine.


A nouveau sur l'OLP


Immédiatement l'OLP répond favorablement à la volonté américaine de voir s'engager le "processus de paix". Celui-ci implique non seulement de reconnaître sur le papier le droit à la sécurité pour Israël, mais d'en assurer les conditions. Arafat s'exécute. Il organise l'emprisonnement des "opposants au processus de paix", soumet, avec le parrainage de la CIA, toute une partie des anciens dirigeants de l'Intifada par la corruption pure et simple. Un article du Monde diplomatique explique:

"Monsieur Arafat a, depuis son installation à Gaza le 1er juillet 1994, édifié une structure de pouvoir solide et autoritaire. Ses ministres appartiennent pour moitié à la bureaucratie de l'OLP venue de Tunis, pour moitié aux élites traditionnelles et aux grandes familles de Gaza et de Cisjordanie.

Quant aux militants de l'Intifada, ils ont été intégrés en grand nombre dans l'appareil d'Etat, notamment dans les multiples services de renseignement et la police- 33.000 hommes au total - appointés- comme les 39.000 autres fonctionnaires - grâce à l'aide internationale et qui constitue une clientèle totalement dépendante. "

 

Le 14 décembre 1998, "l'Autorité palestinienne" accueillait Clinton. Les cadres de l'OLP, réunis à Gaza, confirmaient devant lui la révision de la charte de l'OLP éliminant tous les articles se référant à un quelconque combat contre l'Etat d'Israël.


Le gouvernement Netanyahou (Likoud): contre les limites imposées par l'accord de Washington


Pour une large partie de la population israélienne, les accords du "processus de paix" sont insuffisants. L'enfermement des palestiniens, la reconnaissance par l'OLP de l'Etat d'Israël et de son "droit à la sécurité", ces victoires politiques ne leur suffisent pas. En particulier, les couches sociales les plus basses de la société israélienne savent d'expérience que l'amélioration de leurs conditions d'existence est intimement liée à l'extension de la colonisation, au refoulement des Palestiniens (c'est pourquoi on ne peut parler de classe ouvrière israélienne).

C'est le parti Likoud, qui représente politiquement ces couches, qui va gagner les élections de 1996. Le gouvernement dirigé par Netanyahou, a imposé un rythme effréné aux implantations, recherchant visiblement l'affrontement avec les masses palestiniennes, désemparées par la politique d'Arafat. Cela va le conduire à des tensions avec Washington, d'autant que, depuis la chute de la bureaucratie du Kremlin, l'impérialisme américain s'est assuré d'un soutien rampant de la part des bourgeoisies arabes, et les ménage plus en retour qu'auparavant.

Suite à des pressions de l'impérialisme américain, Netanyahou signe le 23 octobre 1998, avec Arafat, l'accord de Wye Plantation. Cet accord sur le statut définitif des territoires "autonomes", prévoyait un redéploiement de Tsahal de 13% de la Cisjordanie, en échange d'un engagement d'Arafat et de l'OLP à "réprimer plus fortement les mouvements terroristes " avec l'aide de la CIA.

Netanyahou n'a pas reculé d'un pouce.

De toute évidence, pour Netanyahou, le Likoud, aile marchante du sionisme, l'accord de Washington avait fait son temps. Il avait joué un rôle pour soumettre totalement Arafat et l'OLP, et porter un coup politique aux masses palestiniennes. Il s'agissait d'aller plus loin (d'où ses tentatives de le retarder). Mais le Likoud ne s'en est pas moins en fin de compte rangé aux conditions de son parrain américain.


Le gouvernement Barak


En mai 1999, pour les élections en Israël, les USA, cherchant un interlocuteur plus disponible, ont soutenu à fond E.Barak, candidat du parti travailliste, ancien général de l'armée sioniste. Après sa victoire, Barak rencontrait W.Clinton, en octobre 1999. Ils se félicitaient que "les relations bilatérales déjà exceptionnelles permettent à leur coopération traditionnelle d'atteindre un niveau inégalé de collaboration stratégique." Pour conclure, Clinton s'engageait à accroître l'aide militaire annuelle, qui devait atteindre 2,4 milliards de dollars par an durant la prochaine décennie, soit une augmentation de 30%. Barak commenta :

"nos amis de Washington savent que le soutien à Israël relève de l'intérêt national américain. Notre partenariat se fonde sur une même compréhension des menaces et des mises en danger de notre mode de vie".

Ce gouvernement, a maintenu un rythme effréné de colonisation. Au titre du budget 2001, les colonies recevraient 300 millions de dollars. 2830 logements ont été construits depuis qu'il est arrivé au pouvoir.

Le 5 mars 2000, le gouvernement Barak décide un plan de retrait d'ici à juillet 2000 du Liban-sud, dans le cadre de la "normalisation" de la région, objectif de l'impérialisme américain. Le retrait commence au mois de mai. Dès cet instant, l'ALS s'effondre. Début juin, le Hezbollah contrôle la région, assurant un calme relatif, et s'efforçant, surtout, de contenir tout "débordement" contre l'Etat d'Israël.

Le retrait du Liban Sud a été voulu par l'impérialisme américain. Il ne constitue pas en lui-même un recul. Mais les conditions dans lesquelles il s'est déroulé, l'effondrement des forces supplétives de l'Etat sioniste ont certainement été perçues comme un encouragement à combattre pour le peuple palestinien.

Au même moment, au cours du mois de mai, des émeutes éclatent en Cisjordanie et à Gaza contre les colons israéliens et Tsahal. Les forces de sécurité d'Arafat s'opposent aux manifestants palestiniens et vont même jusqu'à les embarquer dans des camions pour les éloigner. Barak déclare le "processus de paix gelé" tant qu'Arafat "n'aura pas fait la preuve qu'il contrôle ses hommes sur le terrain ". C'est dans cette situation que l'impérialisme US convoque d'urgence le sommet de Camp David.


Le sommet de Camp David (11 au 25 juillet 2000): préparer la relève des accords de Washington


Quand en 1993 furent signés les accords de Washington, ceux-ci ne couvraient qu'une période dite "intérimaire" dont le terme, plusieurs fois repoussé (en particulier sous le gouvernement Netanyahou), est maintenant atteint. Or, ces accords ne prévoyaient pas de règlement "définitif" sinon en faisant référence aux résolutions de l'ONU. C'est à cette tâche que l'administration Clinton a commencé de s'employer lors du sommet de Camp David.

Arafat s'empresse de déclarer qu'il est prêt à négocier avec l'Etat d'Israël sur toutes les questions, dont précisément Barak a déclaré qu'elles n'étaient pas négociables. Il brandit également l'annonce pour le 13 septembre de "l'établissement d'un Etat indépendant avec pour capitale Jérusalem La Sainte (Jérusalem Est) sur les territoires occupés le 4 juin 1967 par Israël ".  En réalité, il promet ainsi qu'il continuera à administrer et à contrôler, au compte d'Israël, les bantoustans où est enfermé le peuple palestinien. Barak, quant à lui, annonçait "qu'il n'y aurait pas de retour aux frontières de juin 1967", que "Jérusalem ne serait pas de nouveau divisée, qu'il n'y aura pas de retour des réfugiés palestiniens en Israël ", que "80 à 90% des colons regroupés dans les blocs de colonies vivront sous souveraineté pour la première fois ", c'est à dire leur annexion à Israël.

Malgré sa bonne volonté, Arafat ne peut, à ce moment, accéder aux exigences de Clinton et de Barak. Le Monde Diplomatique  de septembre 2000 relate:

"Et devant l'insistance de M. Clinton, il (Arafat) lui a répondu:"Voulez-vous, monsieur le président, assister à mes funérailles ? ""

Le sommet se concluait avec l'engagement "des deux parties à poursuivre leurs efforts pour conclure le plus tôt possible un accord sur les questions en suspens". Mais pour cela il était nécessaire à l'Etat d'Israël d'en créer les conditions, en particulier empêcher les Palestiniens d'exprimer leur rejet du "processus de paix". Le Monde, dans une de ses éditions du mois de juillet, faisait part des propos d'un Palestinien:

"La plupart des Palestiniens se moquent du sommet de camp David. Ils n'y croient plus. Ceux qui discuteront de leur sort cette semaine sont les mêmes qui leur ont promis le meilleur il y a quelques années et n'ont apporté que l'apartheid ".

C'est pour préparer la suite du "processus de paix" que Barak et Sharon organisent la provocation préméditée du 28 septembre, précipitant un affrontement de toute façon inévitable et lançant une nouvelle vague de répression. Sur cette base, Clinton convoque Barak et Arafat pour un sommet le 4 octobre. Chirac offre ses bons offices. Le sommet se tiendra à Paris. L'impérialisme français, tout en soutenant l'Etat d'Israël, cherche à jouer sa propre carte, comme "interlocuteur privilégié" d'Arafat, pour tenter de reconquérir une place politique au Proche et Moyen Orient. C'est d'ailleurs sur cet axe que se sont situées les maigres manifestations organisées par les appareils en France. Mais Clinton aura tôt fait de faire taire les prétentions de Chirac, le réduisant au rang de spectateur.


Pour l'impérialisme US et Israël, une nécessité: soumettre encore davantage Arafat


Clinton exigeait d'Arafat qu'il fasse tout pour mettre fin à la vague de protestation qui secouait le peuple palestinien, en échange de quoi, l'Etat d'Israël s'engagerait à ne plus les réprimer. S.Berger, conseiller à la Maison Blanche pour les affaires de sécurité, ajoutait:

"qu'il revenait aux Palestiniens de prendre l'initiative pour interrompre ce cercle vicieux(...)Ce qui permettrait au côté israélien de restreindre l'usage de ses armes ".

Mais 6 jours après le début des manifestations Arafat ne peut encore en appeler ouvertement à la fin du mouvement du peuple palestinien. Les manifestations continuent en Cisjordanie et à Gaza. Dans ces conditions, l'Etat d'Israël accentue encore son offensive militaire. Dès le 12 octobre, Tsahal bombarde les installations du Fatah et de l'Autorité Palestinienne. Le 16 et 17 octobre, Clinton convoque un nouveau sommet à Charm-el-Cheikh.  Cette fois, Arafat signe un texte où il "accepte de faire des déclarations publiques sans équivoques appelant à la fin de la violence".

 

Le 21 et 22 octobre, se tient le "sommet arabe" du Caire. Les Etats arabes y exprime sans ambiguïté leur soutien au "processus de paix", leur soumission à l'Etat d'Israël et aux USA. Le Monde du 24 octobre faisait état "des hommages israéliens à la victoire de la sagesse à ce sommet et les éloges du premier ministre Barak à l'égard du président Moubarak ". Fort de la politique de l'OLP, de l'appui des bourgeoisies arabes, l'Etat d'Israël peut poursuivre la répression du peuple palestinien.


"L'armée israélienne pilonne l'Autorité Palestinienne"(Le Monde, 21/11)


Le 19 novembre, Tsahal organisait l'assassinat d'un responsable de la milice armée du Fatah pour le sud de la Cisjordanie. Le lendemain, Tsahal, prenant prétexte d'un attentat, pilonne la bande de Gaza, détruisant une quinzaine d'installation de "l'Autorité". Barak déclarera:

" Ceux qui agissent contre nous le paieront cher, il y aura des opérations autant qu'il le faudra, nous continuerons à agir avec toute la puissance de feu requise".

Le 26 novembre, Mohammed Dahlan, patron du service de sécurité du Fatah pour Gaza, rencontrait le chef du service de sécurité intérieure israélien pour "discuter des moyens de relancer la coopération sécuritaire". Il s'agit pour Israël, aidé des cadres dirigeants de l'OLP de "faire le ménage" dans les rangs du Fatah et de l'OLP. En effet, s'expriment en leur sein des tendances opposées au "processus de paix", en particulier depuis le 28 septembre.

"On a été calmes durant sept ans, pour laisser une chance aux négociations, dont j'ai été un farouche partisan. Or les Israéliens ont utilisé ce temps pour négocier des accords intérimaires jamais appliqués et pour continuer leur politique du fait accompli sur le terrain : les nouvelles colonies, les expropriations, les confiscations de terres, le maintien des prisonniers dans les geôles. Pourquoi faudrait-il maintenant ramener le calme ? Pour qu'ils reprennent la même politique ? Nous avons le droit à l'autodétermination, comme tous les peuples du monde."

(Marouane Barghouti, secrétaire général du Fatah pour la Cisjordanie, Le Monde du 26 octobre)

Pour l'Etat d'Israël, l'OLP, "l'Autorité Palestinienne", doivent devenir un simple rouage administratif et policier. Ainsi a été organisée l'exécution de nombreux militants et responsables intermédiaires du Fatah.


Un immense désarroi politique


Depuis le 28 septembre, le peuple palestinien résiste à l'agression de l'armée israélienne Les manifestations se succèdent dans lesquelles s'exprime le rejet par les masses de la politique de l'OLP. Dans les manifestations qui précédèrent le sommet de Charm El-cheikh a surgi le mot d'ordre exigeant des dirigeants de l'OLP "n'y allez pas !". Le Fatah de Cisjordanie, le FPLP, ont rejeté les conclusions du sommet de Charm el-Cheik et l'appel à capituler lancé par Arafat. Un proche d'Arafat explique:

"Nous ne tenons la rue qu'à 70%. Entre la rue et l'OLP c'est le vide sidéral. Les institutions embryonnaires de l'Etat palestinien ne fonctionnent plus. A moyen terme la mobilisation populaire prolongée pose un problème, celui du chaos: un risque pour l'Autorité " (Le Monde, 3 novembre).

Pourtant, il n'en reste pas moins que les masses palestiniennes sont sans perspective, plongées dans un profond désarroi politique. Les comités de direction du soulèvement mis en place cette fois-ci sont totalement contrôlés par le Fatah:

" Nous avons créé des comités de coordination locaux du mouvement. Trente partis y sont représentés, des communistes aux islamistes. Ces comités décident au quotidien des progrès de l'Intifada (…)Les islamistes, Hamas et Djihad, sont dans la coordination des comités locaux, intitulée « Comité des forces politiques nationales et islamiques »." (M.Barghouti, interview citée)

 

 Libération  du 8 décembre soulignait:

"La seconde Intifada, au contraire de la première, est le fait de jeunes issus des couches les plus défavorisées de la société palestinienne, des camps de réfugiés (...)La principale référence des chebab (jeunes) est le Hezbollah qui prône les opérations suicide (...). Ils aiment aussi le Hamas et le Jihad islamique "parce-qu'il ont sauvé l'honneur des palestiniens" en refusant les accords d'Oslo".

On mesure avec tous ces éléments le sévère recul politique subi par rapport au soulèvement de 1987-91, à tel point qu'il est confusionniste de donner au mouvement actuel le nom d'intifada. A l'époque, le prolétariat palestinien participait directement au soulèvement, en était le fer de lance. Des formes d'organisation de type soviétique avaient commencé à se dégager en dehors de la tutelle de l'OLP. Aujourd'hui, la politique de capitulation de l'OLP a jeté toute une partie des masses palestiniennes dans les bras d'organisations islamistes ultra-réactionnaires, dont l'orientation politique consiste à envoyer les jeunes combattants, désarmés, se faire massacrer par l'armée israélienne.


Elections anticipées en Israël et "plan Clinton"


Depuis mai 2000, Barak n'a plus de majorité à la knesset. Il n'a pu subsister que grâce à un accord de circonstance avec le Shass, parti religieux ultra orthodoxe. Les tentatives de former un gouvernement de défense nationale avec le Likoud ayant échoué, Barak a pris les devant, proposant des élections anticipées et démissionnant le 10 décembre.

 

De fait, avec le soutien empressé de l'administration Clinton sur le départ, ces élections sont devenues un tremplin pour les "propositions de paix" dévoilées par l'impérialisme américain. Elles sont la reprise des propositions de camp David: d'abord, l'annexion des colonies en Cisjordanie à Israël et la formation d'un grand Jérusalem en échange de quelques hectares de sable pris sur le désert du Néguev, et d'un "couloir" reliant Gaza à la Cisjordanie. Ensuite, le refus sans appel du droit au retour des réfugiés de 1948. Enfin, l'abandon par Israël de l'occupation d'une grande part de la Cisjordanie pour y entasser des Palestiniens dans un pseudo-état non viable, avec la précision suivante (Humanité du 26 décembre):

"Il [le plan Clinton] ne concerne pas des questions aussi importantes que celles de la souveraineté du futur Etat palestinien, qui selon les dirigeants israéliens, demeurera enclavé territorialement puisque Tel Aviv revendique le contrôle de la frontière avec la Jordanie et sans doute aussi celle de Gaza avec l'Egypte. Ce sera un Etat sans armée et sans marine, avait d'ailleurs indiqué Ehud Barak à Camp David." (sic! - Ndlr)

En conclusion du plan Clinton (Libération du 27 décembre):

" Les deux parties déclareront la «fin du conflit» en signant cet accord. Une fois entièrement appliqué, les Palestiniens annonceront qu'ils n'ont plus de revendications."

 

Il s'agit donc de faire signer par l'OLP une déclaration de capitulation sur toute la ligne. Pas si simple: les masses palestiniennes ne peuvent accepter un "accord" déclarant nulles et non avenues leurs revendications nationales à commencer par le droit au retour des millions de réfugiés. De plus en plus s'élève du plus profond des masses palestiniennes l'exigence de l'arrêt des "négociations" avec les bourreaux du peuple palestinien.


Un peuple isolé


Mais le levier décisif pour la satisfaction des revendications nationales des Palestiniens est dans les pays capitalistes dominants. Il est un fait que depuis le début de la répression, à aucun moment, le prolétariat des principaux pays impérialistes, en particulier aux Etats-Unis, n'a eu les moyens politiques d'exprimer son soutien au peuple palestinien. Dans les Etats arabes de la région, en Syrie, en Egypte, les manifestations qui ont eu lieu ont été rapidement interdites, voire réprimées. Ce fut le cas, en particulier, en Jordanie où le vendredi 6 octobre la police anti-émeute réprima des milliers de manifestants qui marchaient sur l'ambassade d'Israël.

En France, sous prétexte de la "condamnation des actes de violence perpétrés contre des synagogues", l'union nationale en défense de l'Etat d'Israël a été réalisée. Au moment du sommet de Paris, Chirac en appelait au retour au "nécessaire et inéluctable processus de paix". Le 13 octobre, J.Lang accordait son "parrainage à l'initiative de l'association SOS racisme et de l'Union des Etudiants Juifs de France qui, aujourd'hui vont à la rencontre des lycéens pour leur transmettre un message de paix et de fraternité ". Le PCF appelait le même jour "les communistes à organiser des rencontres avec les autorités religieuses pour soutenir le processus de paix...". L'UNEF-id réussira le criminel exploit de ne rien faire sur les campus sur la question.

 

Ainsi isolé, le peuple palestinien est contraint de subir encore la répression israélienne.


Une orientation pour le peuple palestinien


La satisfaction des revendications palestiniennes, le droit pour le peuple palestinien à disposer de lui-même, le droit de récupérer la totalité de sa terre, sont incompatibles avec l'existence de l'Etat d'Israël, même dans des frontières restreintes. Aux "négociations" avec les colonisateurs sioniste, au "processus de paix", il est nécessaire d'opposer le mot d'ordre  d'Assemblée constituante Palestinienne, dont la tenue implique la destruction de l'Etat d'Israël et le retour de tous les réfugiés, qui seule pourra donner naissance à une République unifiée de Palestine (intégrant la Jordanie).

L'Etat d'Israël a été construit pour défendre les intérêts des puissances impérialistes au Proche et Moyen Orient. Le combat pour le droit du peuple palestinien à disposer de lui-même ne peut être réellement mené que sur une orientation de rupture avec le régime capitaliste, c'est à dire pour un gouvernement ouvrier et paysan de toute la Palestine. Cela s'inscrit dans le combat pour en finir, également, avec les bourgeoisies des pays arabes de la région, dans la perspective d'une fédération socialiste du Proche et Moyen Orient. Le combat pour ce programme ne pourra être mené réellement que par la classe ouvrière, les masses exploitées de Palestine. Pour cela, elles devront s'organiser indépendamment et contre l'OLP, pour construire leurs syndicats et leur parti ouvrier révolutionnaire.

 

En France, la responsabilité du PS, du PCF, des dirigeants de la CGT, FO, FSU, ex-FEN c'est:

- de dénoncer l'accord de Washington, accord de trahison des masses palestiniennes

- d'exiger des députés PS et PCF, majoritaires à l'Assemblée, qu'ils décident la rupture de toutes les relations avec l'Etat d'Israël

Dans l'urgence, leur responsabilité immédiate c'est:

- d'appeler ensemble à une manifestation massive à l'ambassade d'Israël pour exiger : Assez du massacre du peuple palestinien, c'est le droit élémentaire du peuple palestinien d'exprimer et de combattre pour ses revendications nationales.


Le 28/12/2000

 

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