Accueil
Textes constitutifs  
Liens
Abonnement &
Contact

 

France

Situation française

Défense des acquis ouvriers

Echéances électorales

Enseignement public

Etudiants, Lycéens

Interventions, Suppléments

Leçons des luttes de classe

Syndicats, partis


International

Situation Internationale

Situation économique

Afrique

Amériques

Asie

Balkans

Europe

Guerres impérialistes

Moyen-Orient

URSS, Russie, Europe orientale

 

Allemagne : Gouvernement de grande coalition Merkel -Cdu/Csu- Spd

 


Deux mois après les législatives anticipées (un scrutin a été différé 3 semaines à la suite du décès d’une candidate, mais il n’a impacté que marginalement les résultats), on a connu la composition et le programme du gouvernement (“ Ensemble pour l’Allemagne avec courage et humanité ”).

Le chef du gouvernement (chancelière) dirige la Cdu; c’est elle qui propose formellement au président de la république la nomination ou la révocation des ministres, et qui fixe les grandes orientations, et 7 ministres sont membres de la Cdu-Csu; 8 sont membres du Spd, dont le vice-chancelier F. Müntefering qui devient ministre du Travail et des Affaires sociales.

Le Spd détient aussi, notamment les Affaires étrangères, les Finances (P. Steinbrück) et la Santé.


Un nouveau programme de guerre contre le prolétariat


·         Suppression de toute protection contre le licenciement pendant 24 mois après l’embauche dans les entreprises de plus de 15 salariés (cf. le CNE en France), portée à 48 mois dans les “ jeunes entreprises ”. Dans le cas des plus de 52 ans, la protection contre le licenciement disparaîtra totalement lors des nouvelles embauches.

Le contrôle des chômeurs sera renforcé. Des mesures d’“ économies ” sur les allocations-chômage de longue durée - par exemple en tenant compte des revenus des parents des jeunes chômeurs !

·         Le taux de tva sera porté de 16 à 19% à compter du 1/1/2007. La Cdu annonçait une augmentation de 2% et le Spd se disait opposé ! D’autres mesures sont infligées aux masses, comme la réduction des indemnités kilométriques pour se rendre au travail.

·         La durée hebdomadaire du travail des fonctionnaires augmentera de 40 à 41h. La prime de Noël sera réduite.

·         L'âge de la retraite passera de 65 ans (hommes) et 63 ans (femmes) actuellement à 67 ans (un mois par an de 2012 à 2035) et les cotisations retraites (financées à parité entre salariés et employeurs) passeront de 19,5% à 19,9% du salaire brut. Les retraites subiront un nouveau gel à partir de 2006 pour 4 ans.

·         Les dépenses de santé vont continuer de diminuer, afin de réduire le déficit dans ce secteur, avant une nouvelle réforme en profondeur prévue en 2006.

·         Si les cotisations de l'assurance-chômage seront baissées de 2 points de pourcentage (de 6,5 à 4,5% : 1% pour les salariés, 1% pour les employeurs), cela ne bénéficiera qu’aux patrons puisque cette réduction sera compensée notamment par la hausse de la tva qui porte essentiellement sur les masses.

·         La presse a parlé d’“ importantes concessions ” de la part des chrétiens-démocrates. Elles se concentrent dans le dérisoire “impôt pour les riches” introduit à compter de 2007, sous la forme d'une tranche supplémentaire de l'impôt sur le revenu, de 42 à 45% pour les revenus des particuliers supérieurs à 500 000 € (pour un couple) !

·         Enfin, une nouvelle répartition des compétences entre l'Etat fédéral et les Etats régionaux, “ afin de simplifier un processus législatif souvent long et complexe ” sera mise en œuvre; ce serait “ la mère de toutes les réformes”; “ son but est d'éviter les blocages législatifs en réduisant, de 60% actuellement à 35% dans l'avenir, le nombre de lois qui nécessitent l'accord du Bundesrat. ” (Afp).


“ L'opposition, c'est le merdier… ” (F. Müntefering, Le Figaro - 1/9/2005)


Après les élections, les négociations n’ont pas tardé à s’engager, qui mèneront à la conclusion de l’accord de gouvernement Spd-Cdu-Csu. Le temps d’écarter une alliance Spd-Verts-Fdp – après le refus du Fdp -, et une coalition “ jamaïcaine ” entre les démocrates chrétiens, libéraux et verts, malgré des plaidoyers appuyés du vice-président du groupe parlementaire Cdu/Csu, W. Schäuble et d’autres. Il a fallu ensuite écarter la candidature de Schröder au poste de chancelier d’un gouvernement Spd-Chrétiens, sa prétention s’appuyant sur une interprétation “ créative ” de la démocratie, consistant à décomposer le groupe parlementaire démocrate-chrétien en 2 groupes, Cdu et Csu, chacun moins fourni que le Spd.

La Grosse Koalition : précédent historique

Le gouvernement dirigé par l’ex-nazi Kiesinger et la participation de W. Brandt de 1966 à 1969, constitué quelques années après le congrès de Bad Godesberg (1959), mais les circonstances étaient radicalement différentes pour une Allemagne et un prolétariat coupés en 2. En 1953, l’insurrection à Berlin Est avait constitué le surgissement de la révolution politique, dont le développement aurait mis en danger imminent le pouvoir de la caste bureaucratique, agence de la bureaucratie stalinienne du Kremlin, et la domination de la bourgeoisie à l’ouest; parce qu’elle ouvrait comme véritable alternative la réunification de l’Allemagne, sous l’hégémonie du prolétariat allemand réunifié. Son écrasement avait constitué une défaite de l’ensemble du prolétariat allemand, et cela avait poussé la social-démocratie et lui avait permis d’opérer une remise en cause programmatique, abandonnant toute référence à la lutte des classes (et de classe), au profit de formule comme : “ le socialisme démocratique qui, en Europe, trouve ses racines dans l’éthique chrétienne, dans l’humanisme et dans la philosophie classique ne prétend pas proclamer des vérités dernières ” (Préambule). Cette formulation avait été introduite dès le congrès de 1954. Le programme affirme que “ de parti de la classe ouvrière, le parti social-démocrate est devenu un parti du peuple ”.

La nature de parti ouvrier-bourgeois du Spd n’avait pas changé; la montée de la classe ouvrière s’opérait, participant d’une montée de la lutte de classe à l’échelle internationale, quand mûrissait une nouvelle étape dans l’ère ouverte par la révolution d’octobre 17. Années de grandes luttes de classe et dont la répercussion va se matérialiser sur le plan électoral par une progression continue des résultats du Spd jusqu’en 1972 (45,8% des exprimés !), exprimant aux temps de la grande coalition puis, à partir de 1969, de la petite coalition avec le Fdp, et contre ces coalitions, l’aspiration du prolétariat à un gouvernement Spd seul.

Mais, si laboratoires de gouvernement de grande coalition il y a eu, c’est dans les Länder qu’il faut les chercher. 4 Länder sur 16 sont gouvernés par des alliances Spd-Cdu. Pourtant, diriger un land avec la démocratie chrétienne ne peut pas être considérée pour le Spd simplement comme une sorte de mise en jambe avant de passer à la constitution de la “ grande coalition ”. Il faut rappeler qu’en son temps, Le Monde avait salué le “ sommet de l’emploi ” du 17/3/2005, réunissant Schröder, Fischer, Merkel et Stoiber (Csu) comme “ l’entrée, de facto, de l’Allemagne dans un régime de grande coalition informelle où droite et gauche gouvernent de concert pour gérer les problèmes les plus sensibles. Le déploiement des forces politiques ne semble plus permettre d'autre solution. (…) La classe politique allemande a fait le choix du réalisme… ”


Approbation de la “ grande coalition ” par une écrasante majorité du Spd.


500 délégués ont voté l’accord de gouvernement avec la Cdu-Csu, 15 contre et une abstention.

Un vent de fronde – rien ne suggère que ce soit plus que ceci – avait soufflé, 2 semaines plus tôt, sur les sommets du Spd. A l’élection du secrétaire général du parti, le candidat présenté par le président Müntefering a été battu, de façon imprévisible, par une responsable classée comme une “ opposante de gauche ”, A. Nahles, ancienne dirigeante des Jeunes socialistes. Par contre coup, c’est Müntefering, dont l’autorité a été ostensiblement bafouée qui a abandonné le poste de président. Le vice-chancelier de la Grande coalition ne pourra donc pas se prévaloir d’être le principal dirigeant du Spd. Son successeur, élu avec un “ score de rêve ” (99,4%) passe, selon la presse allemande, “ pour moins dogmatique que ses prédécesseurs ” (sic !)

Il faut noter qu’une cinquantaine de députés de la “ grande coalition ” n’a pas voté la nomination de Merkel; selon les déductions du correspondant du Monde (le vote est secret), il s’agit, en majorité, d’élus Spd qui ont voté contre, “ soit pour des raisons d’incompatibilité idéologique, soit pour sanctionner la mésaventure arrivée au Spd lors des élections de vice-présidents du Bundestag : un de ses candidats n’a pas obtenu le plein des voix de la droite ”.

“ Ce qui est positif dans le résultat des élections… ”(le vice-président d’Ig Metall)

B. Huber a présenté au Monde du 28/12 sa position par rapport au gouvernement. Extraits. Question : Le gouvernement de grande coalition a prévu d’autoriser de nouveaux contrats de travail avec une période d’essai de 2 ans. Pourquoi ne réagissez-vous pas beaucoup à ce projet ?

- “ On ne peut pas réagir à de simples annonces. Cela dit, si la grande coalition permettait des périodes d’essai de 2 ans, cela serait une grande erreur… ”

Êtes-vous inquiet du programme social du nouveau gouvernement de grande coalition Cdu-Csu-Spd ?

- “ Ce qui est positif dans le résultat des élections, c’est que des coupes claires dans le système social ne sont plus possibles. Les électeurs ont refusé les éléments du programme de la Cdu-Csu qui portaient largement atteinte au système de cogestion et de négociation collective. De son côté, la majorité sociale-démocrate-verte a perdu le pouvoir à cause de sa réforme de l’assurance-chômage et des injustices sociales de l’agenda 2010. Les électeurs veulent l’équité sociale. J’espère que la leçon a été comprise. Mais il y a encore des choses qui ne sont pas claires sur la politique de santé. ”

Que pensez-vous des projets d’augmenter de 3 points la tva en 2007 ? –

“ C’est un compromis politique qui n’est pas très sensé. Nous sommes champions du monde des exportations, mais la faiblesse de la consommation est un problème en Allemagne depuis des années ”.

L’éminent dirigeant d’Ig Metall n’est, pour le moins, pas l’ennemi de ce gouvernement; il veut endormir les travailleurs; il écarte, de fait, toute opposition et combat contre les attaques – jusqu’à les mépriser – inscrites dans le programme de gouvernement.


Retour sur les élections anticipées


Le 1/7, Schröder demandait un vote de confiance au Bundestag … en appelant ses partisans de s’abstenir ! Son objectif était d’obtenir la dissolution de la chambre des députés et des élections anticipées. Encore fallait-il que le président de la République, membre de la Cdu, accepte cette embrouille. Il est vrai que Brandt (Spd) en 1972 et Kohl (Csu) en 1983 ont utilisé cette procédure paradoxale et la cour constitutionnelle avait donné sa bénédiction.

148 députés s’abstinrent donc, 296 lui refusèrent la confiance, mais 151 députés des 595 présents exprimèrent cependant leur confiance – environ la moitié des députés sociaux-démocrates et verts. La “ confiance ” lui ayant été refusée, la procédure put se poursuivre.

C’est le soir de l’élection du land Rwp, le 22/5, que Schröder avait annoncé sa décision. 8ème défaite cuisante pour le Spd. Ce land le plus peuplé de la Rfa compte 13,3M d'électeurs inscrits, 1/5ème du corps électoral allemand. Le Spd y compte la moitié de ses adhérents. Il domine électoralement depuis 1970 dans le dernier Land encore dirigé par une coalition Spd/verts. Cette défaite n’a changé en rien à la majorité absolue (de 4 sièges) dont dispose la coalition Spd-Verts au Bundestag; elle n’a pas donné à l'opposition la majorité des 2/3 au Bundesrat, qui leur aurait permis de bloquer tous les projets de loi du gouvernement. Si Schröder tenait au pouvoir, il doutait de pouvoir continuer à diriger efficacement un gouvernement de défense du capitalisme allemand. 2h après l’annonce du résultat, le 22/5, il déclarait : “ Pour la poursuite des réformes, je considère que l'appui clair de la majorité des Allemands est requis… ” et c’est cela qui a été déterminant. Le 1/7, pour justifier des élections anticipées – et pourquoi il ne serait plus en mesure de gouverner alors qu'il venait de faire adopter plusieurs lois par le Bundestag – il déclarait : “ Sans une nouvelle légitimation, la poursuite de ma politique n'est pas possible… ”. Sous-entendu : et, alors, nous rendrons avant l’heure aux partis bourgeois le pouvoir que les masses leur ont refusé en 1998, puis en 2002.

Merkel, au nom des démocrates-chrétiens, saura l’en remercier en lui exprimant, devant les députés, son “ respect ” pour cette décision; elle rendra hommage à l’action accomplie par le gouvernement Schröder-Fischer, en déclarant que les contre-réformes engagées depuis mars 2003 étaient “ un pas dans la bonne direction ” et que le chancelier avait été contraint au “ zigzag ” à cause des oppositions internes à ces “ réformes ” dans les rangs du Spd, pour conclure : “ Nous avons besoin d'une nouvelle majorité. ”

Il n’y a pas de mystère : la suite ininterrompue de débâcles électorales subies par le Spd trouve son explication dans le bilan de l’action du gouvernement dont les masses ont été les victimes et le soutien sans défaillance que le parti ouvrier bourgeois a apporté au pilonnage contre les conditions d’existence du prolétariat.

Mais Schröder savait, ce que le lui a rappelé Merkel, qu’il restait beaucoup à faire dans cette voie et qu’il devait s’assurer par précaution d’un soutien durable du parti. Jusqu’à cette mascarade du 1/7, dans laquelle les députés du Spd ont soit affirmé leur soutien à Schröder en s’abstenant, soit voté la confiance pour manifester leur défiance à un chancelier qui les avait menacés depuis longtemps de dissolution avec la perspective de ne pas être réélus avant longtemps !


Résultats des élections au Bundestag

% d'exprimés

1990

1994

1998

2002

2005

Sièges

2002

2005

Spd

33,5%

36,4%

40,9%

38,5%

34,2%

 

251

222

Pds

2,4%

4,4%

5,1%

4,0%

 

 

2

 

Die Linke.Pds

 

 

 

 

8,7%

 

 

54

Grünen

5,0%

7,3%

6,7%

8,6%

8,1%

 

55

51

Cdu+Csu

43,8%

41,4%

35,1%

38,5%

35,2%

 

248

225

Fdp

11,0%

6,9%

6,2%

7,4%

9,8%

 

47

61

Autres

4,3%

3,6%

6,0%

3,0%

4,0%

 

 

 

 


Le Spd a subi un nouveau recul, de 4,3% par rapport à 2002 et de 6,7% par rapport à 1998. Son score a frôlé celui de 1990 (33,5% des exprimés), le plus bas depuis la fin des années 50. Le vote Spd s’est d’autant plus affaissé que la participation (77,7%) est équivalente à 1990 (77,8%); ce sont les plus faibles depuis la guerre.

C’est pourtant avec placidité que le Spd a accueilli le résultat, tant il avait craint un brutal effondrement après les élections régionales perdues et les sondages (qui ne lui ont jamais accordé plus de 31% des voix). Les sommets du Spd y ont trouvé la possibilité de participer au pouvoir, tout en reconnaissant finalement que le poste de chancelière devait revenir aux partis qui avaient obtenu le plus de voix et d’élus.

Il faut sans aucun doute constater un relatif sursaut de la classe ouvrière en faveur du seul parti ouvrier (bourgeois). Schröder a su cristalliser l’hostilité contre les partis bourgeois en dénonçant une mesure phare de la Cdu-Csu : l’instauration d’un système d’imposition au taux unique de 25% pour presque tous les revenus. En pleine campagne, Merkel devait retirer cette mesure et le conseiller spécial qui l’incarnait.

Les listes Die Linke.Pds représentent l’alliance entre 2 formations, d’une part, le Pds, parti héritier du Sed, organe politique de la bureaucratie stalinienne, agence en Rda de la caste bureaucratique du Kremlin – 62 000 membres dont 4 000 seulement hors des Länder de l’est -, et d’autre part la Wasg. La Wasg (Alternative électorale pour l’emploi et la justice sociale) fondée en janvier 2005 – et qui annonçait 10 000 adhérents lors des élections - est l’avatar actuel de plusieurs regroupements, en grande partie issus des organisations ouvrières : des anciens membres du Spd, dont la tête de liste, O.Lafontaine, ancien président du Spd, ministre des finances démissionnaire en 1998 du gouvernement Schröder-Fischer; “ des dirigeants de l’Ig Metall au niveau local ou intermédiaire au nord de la Bavière ” des responsables de Ver.di, des adhérents d’Attac et Isl, une des 2 fractions publiques de la section allemande du Secrétariat unifié.

Les listes Die Linke.Pds ont présenté dans leur programme électoral un certain nombre de revendications, très diverses, comme l’abolition des lois Hartz et l’instauration d’un smic (à 1400€), une retraite minimum de 800€… Il a mené une campagne chez les responsables syndicaux pour un appel à voter “ links ” (à gauche). Plus de 1 500 actifs et retraités ont signé. L’électorat est incontestablement populaire (25% des chômeurs, 12% des ouvriers ont voté pour elles). Le nom de LinksPartei ordinairement utilisé est abusif : ce n’est pas un parti mais bien l’alliance décrite, non plébiscitée par les membres des organisations constitutives (75% au Pds et 82% dans la Wasg ont voté pour). Les résultats sont significatifs; le score de 8,7% est un trompe-l’œil : il s’élève à 25,4% dans les 5 Länder de l’Est (allié au Spd, il dirige le Land de Berlin). Ce vote, qui déborde largement l’ancienne bureaucratie (au sens le plus large), indique la profondeur du désarroi qui nourrit dans les Länder de l’Est la “ grande Östalgie ”, le “ bon vieux temps ” !

Mais le vote s’élève à 4,9% à l’Ouest, avec un niveau exceptionnel de 18,5% en Sarre, Land de O. Lafontaine. Indépendamment de l’intention des électeurs, la nature anti-ouvrière du Pds – et formellement, ce sont des listes d’un Pds qui a changé de nom - et le fait même de s’y allier font du vote LinksPartei un vote négatif du point de vue de la classe ouvrière.

Cdu, Csu et Fdp (libéraux). Le constat est banal : les partis bourgeois sont majoritaires, et, à s’en tenir aux partis traditionnels, ils ont obtenu la majorité relative. Le “ soulagement ” manifesté par la direction du Spd à l’annonce des résultats a trouvé son image renversée dans la déception des dirigeants démocrates-chrétiens. Décidément, les “ sciences politiques ” ne sont plus ce qu’elles étaient ! Malgré 7 ans de “ cure d’opposition ”, les partis bourgeois dominants totalisent en effet moins qu’il y a 3 ans : 45% contre 45,9%. La Démocratie chrétienne a sensiblement reculé; c’est le 3ème plus mauvais résultat depuis la guerre. Il est probable qu’en édulcorant en apparence sa profession de foi en cours de campagne (taxe unique), Merkel a aussi favorisé un transfert de voix au profit des libéraux, plus ouvertement partisans des “ réformes ”, et c’est le signe d’une relative radicalisation de cet électorat, tempérée par la légère perte du total.


Victoire de la bourgeoisie allemande.


Le capital financier a obtenu l’essentiel de ce qu’il avait demandé. Il avait publiquement appelé à la victoire de ses partis et au-delà de l’Allemagne; ainsi, rapporte les Echos, le Financial Times, journal de référence dans ce domaine, a titré un éditorial : “ Pourquoi l'Europe a besoin d'une victoire de Merkel ”.

“ une victoire de Merkel ouvrira la possibilité d'une reprise des réformes” dans l'ensemble de l'Union. Même si “ ni la patronne de la Cdu, ni son allié, le Fpd, ne sont de véritables libéraux anglo-saxons. (…) Une victoire de Merkel ne résoudrait pas en elle-même tous les problèmes de l'Europe. Elle offrirait néanmoins une chance pour une reprise des réformes économique et politique. ”

Le lendemain du vote, la bourse a reculé de 2%, étonnée de ne pas pouvoir fêter la grande victoire attendue – pour l’éditorialiste des Echos : “ C’est la défaite des partisans d’un big bang social ”; mais ce léger recul sera largement effacé dans la journée.

Aussi dur soit le programme de gouvernement annoncé, il reste insuffisant pour le capitalisme allemand. Selon les critères du capital financier, le déficit budgétaire resterait excessif (plus de 3% du pib) comme la dette publique. Les contre-réformes seraient trop tardives; la hausse de la tva qui doit notamment compenser la baisse des cotisations sociales est dénoncée par le grand commerce…


Gouvernement Schröder-Spd-verts : des années de contre-réformes
sans précédent depuis les années 1950


Contrairement au langage convenu des media qui utilisent l’obsédante expression de “ réforme de l’Etat providence ”, pour embrouiller autant que possible, Schröder avait sans détour présenté sa politique, le 14/3/2003, avant de faire voter son “ Agenda 2010 ” : “ Aujourd’hui, nous exigeons des sacrifices de la société. ” Schröder a globalement tenu parole. A une réserve près : il ne voulait pas infliger des sacrifices à la “ société ”, mais au prolétariat, au compte de la bourgeoisie allemande.

C’est à de brutales remises en cause d’acquis historiques (droit à la santé, droits des chômeurs, retraite…) de la classe ouvrière que Schröder-Fischer sont parvenus.

·         L’accès à la santé a été durement touché par la multiplication de forfaits à payer (généralistes, dentaire, spécialiste, hospitalisation), cotisations supplémentaires, ou non remboursements (médicaments accessibles sans ordonnance, lunettes, prothèses dentaires, soins en dehors du médecin ‘de référence’…). Autre façon de voir : depuis, les caisses (publiques) d’assurances-maladie ont affiché de substantiels bénéfices.

·         Chômeurs : le démantèlement des droits des chômeurs est l’œuvre des 4 lois Hartz. Selon les éléments fournis par l’Ires, les chômeurs touchent pendant un an maximum, 18 mois pour les plus de 55 ans (la durée de versement a été réduite au cours des dernières années) une allocation chômage correspondant à 60% du dernier salaire net (avec enfant, 67%). Auparavant, ils recevaient ensuite l’aide aux chômeurs (éventuellement l’aide sociale), sans limitation de durée sous condition de ressources, en fonction du dernier salaire (53% ou 57% pour enfant à charge), régressant de 3% par an. Avec l’application de la 4ème loi Hartz, depuis le 1/1/2005 (mesures transitoires pendant un an), cette prestation (ainsi que l’aide sociale) a disparu; désormais, place à l’allocation chômage II : 345€ et 331€ à l’Est (ce gouvernement a annoncé qu’il l’alignerait sur l’ouest) + allocation complémentaire pour partenaires et enfants sans ressource.

Selon le Dgb, 27,5% des bénéficiaires de l’aide aux chômeurs ne touchent plus rien; près de la moitié reçoivent une prestation réduite; pour le dernier quart, la prestation est inchangée ou supérieure. Le Monde a donné l’exemple de “ Bernd, au chômage depuis un an, qui n’a plus aucun droit car sa femme gagne 1200 € par mois. Le couple a un enfant de 14 ans ”. Leur revenu, de 1354 € (dont 154 d’allocations familiales), dépasse le montant des besoins incompressibles fixés à 1308 € ! Allocations de chômage I et II sont conditionnées par une recherche active d’emploi et tout emploi doit être accepté, si la rémunération n’est pas “ contraire aux bonnes mœurs ”, c’est à dire inférieure aux minima conventionnels !

Ces dispositions, impressionnantes, n’épuisent pas, loin s’en faut, la nouvelle réalité du chômage. Un rôle de 1er rang a été attribué aux entreprises privées de travail intérimaire, les agences pour l’emploi des Länder sont devenues des job-centers (rapprochement avec les bureaux d’aide sociale), les chômeurs sont incités à devenir des travailleurs indépendants. Des travaux d’utilité publique sont imposés aux “ bénéficiaires ” de l’allocation chômage II au tarif horaire de…1€ (1-€-jobs).

Dans la novlangue, les mesures d’“ activation ” sont présentées sous la formule “ aider et exiger ” (“ fördern und forden ”).


Eté 2004 : offensive du patronat (“ nouvelle donne ”, pour Le Figaro)


Les attaques de fond du gouvernement, leur réussite, ont donné une formidable impulsion aux initiatives du capital. C’est d’abord Siemens qui a annoncé la signature, le 24/6, d’accords avec l’Ig Metall, instaurant sur certains sites le passage du temps de travail de 35h à 40h en moyenne – calculée sur 2 ans ! – sans augmentation salariale. (En outre, les primes de Noël et de vacances étaient supprimées et remplacées par une prime de résultat). Siemens déclarait que les mesures adoptées réduisaient de 30% les coûts salariaux et s’est réjoui publiquement que ses objectifs aient été atteints : “ Ces sites sont désormais aussi compétitifs que ceux de Hongrie, nous avons comblé les lacunes de productivité ”’.

Le 23/7, c’est un autre géant industriel, DaimlerChrysler, qui pavoisait. L’accord signé par les syndicats a porté sur un plan d’économies de 500M, grâce à une combinaison de mesures (réduction de salaires, suppression de pauses rémunérées…). En ‘contrepartie’, Siemens, qui avait menacé de ‘délocaliser’ en Hongrie 5 000 emplois, en “ sécurisait pour 2 ans ” (sic !) 2 000. Quant aux 3 000 autres, “ les discussions continuent, nous sommes optimistes, nous pensons trouver un accord d’ici à la fin septembre ” (Siemens). Chantage aussi de DaimlerChrysler concernant la ‘délocalisation’, y compris dans d’autres usines d’Allemagne, de 6 000 postes. La firme s’est engagée désormais à maintenir, sur place, les emplois jusqu’en 2011.

Siemens et DaimlerChrysler sont des groupes prépondérants dans le capitalisme allemand et donc en Europe. Ils étaient, en 2001, au plan des effectifs, les 2 1ers groupes industriels d’Europe (et même du monde).

L’organisation syndicale est puissante. Les capitalistes peuvent être satisfaits d’avoir obtenu des succès marquants au cœur de la classe ouvrière allemande, elle-même au cœur du prolétariat européen.

Avec le renouvellement de la nouvelle convention (les 6 sites ouest-allemands ne relèvent pas de la convention de branche : les salaires sont en moyenne supérieurs de 20%), Volkswagen a obtenu le gel des salaires pendant 28 mois (et ne verse qu’une prime exceptionnelle de 1 000€). Par comparaison, l’accord de 2 ans échu en septembre 2004 a procuré +3,1% à compter du 1/2/2003, puis +2,6% au 1/2/2004 + 760€ de primes versés en 4 fois. La firme a imposé des salaires inférieurs aux entrants et aux apprentis (même s’ils sont toujours au-dessus du tarif de branche), une plus grande flexibilité dans la pratique des heures supplémentaires qui pourront être épargnées dans un compte épargne temps rallongé à +/- 400h par an !

Le plan de la direction est de réduire les dépenses de personnel de 30%. En ‘contrepartie’, elle a garanti qu’il n’y aurait pas de ‘licenciement sec’ pour les 103 000 postes en cause en Allemagne. C’est une ‘garantie’ tout à fait flexible. En effet, l’accord prévoit une clause de sortie pour la direction sur la question des garanties d'emplois en cas “ de changement important des hypothèses de départ ou du contexte économique général ”, en l'occurrence une grave chute des ventes. En pareil cas, la direction devrait négocier un éventuel aménagement avec les représentants du personnel et, faute d'accord, faire intervenir une commission de conciliation. En cas de nouvel échec, elle pourrait au bout du compte résilier la garantie avec un préavis de 3 mois, selon Ig Metall. Le négociateur en chef d’Ig Metall pour cet accord s'était toutefois dit persuadé que Vw tiendrait son engagement, estimant que la clause de sortie ne serait utilisée que si “ le ciel tombait sur la tête ” de l'entreprise. (Afp – 5/11/2004)

La liste des succès patronaux, notamment depuis la brèche qu’a constituée l’accord Siemens, en juillet 2004, est impressionnante. Les entreprises usent de la menace de licencier massivement des emplois si elles n’obtiennent pas un allongement du temps de travail non compensé. En mars 2005, une partie des salariés de l’équipementier automobile Delphi a dû passer de 40h par semaine à 44h, sans augmentation salariale contre le renoncement à tout licenciement. En avril, l'ensemble des 45 000 salariés d’Audi (filiale de Volkwagen) ont subi une diminution de leur salaire en échange d'une garantie contre les licenciements secs jusqu'en 2011. Ces succès obtenus par les patrons dans le cœur du prolétariat n’ont fait que faciliter d’autres victoires dans les autres secteurs : dans la grande distribution (Karstadt), dans le Btp – pour les 800 000 salariés du secteur, 40h à partir du 1/1/2006, contre 39, sans compensation salariale; réduction de salaires pour les catégories de personnel qui sont aux minima de branche; introduction de la rémunération au mérite - …et dans la fonction publique et l’administration. Selon les besoins, l’aggravation de l’exploitation passe par l’allongement du temps de travail non payé, directement par le gel des salaires (ou la baisse, notamment en jouant avec la rémunération au rendement), la flexibilité dans l’organisation du travail.


“ Coût du travail ” et productivité.


Les capitalistes allemands se plaignent régulièrement d’un “ coût du travail ”, le plus élevé du monde si on prend en compte l’heure de travail. Dans le secteur manufacturier, il était en 2003 de 29,91$ (charges comprises) contre 21,97$ aux Eu, 21,13$ en France, 20,37$ au Royaume-Uni, de 14,96$ en Espagne… Mais ces chiffres ne doivent pas leurrer : le “ site de production ” allemand enregistre une productivité élevée. Il vaut mieux considérer l’importance des exportations du pays, au 1er rang mondial et, plus encore, le plantureux solde commercial. Par rapport à ses “ partenaires ”, l’Allemagne a amélioré sa compétitivité.

“ Les délocalisations opérées par certains groupes ont également joué un rôle. Nombre de grands noms de l'industrie préproduisent en Europe de l'Est ou dans d'autres pays à faibles coûts salariaux et ne réalisent que les produits finis en Allemagne… ” (Afp)

Selon une étude indiquée par Le Monde, depuis la fin des années 1990, le coût salarial unitaire a progressé de 30% de plus en Italie et de 15% de plus en France qu'en Allemagne. Cet écart de productivité s’est certes creusé au fil des années, mais il s’est incontestablement accentué récemment, en conséquence immédiate de l’offensive redoublée du patronat.

Autre chiffre donnant une mesure de la situation dégradée du prolétariat allemand : plus de 5 millions de chômeurs au début 2005 (en régression depuis). Selon un rapport gouvernemental, la part de la population vivant sous le seuil de pauvreté est passée de 12,1% en 1998 à 13,5% en 2003. L'Allemagne fait partie des pays de l'Ocde où le nombre d'enfants pauvres ­ 1 enfant/10 ­ a le plus augmenté depuis 1990; 3 millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté; 234 000 sans couverture sociale… (Unicef)


Soutien sans faille du Spd


Le 2ème gouvernement Schröder-Fischer n’a pas vraiment été différent du 1er. Les ‘concessions’ faites aux masses lors de la mise en place du gouvernement, à l’automne 1998, ont été limitées, compte tenu des conditions dans lesquelles la bourgeoisie venait de subir une défaite électorale : la mesure la plus marquante avait été le rétablissement du remboursement à 100% des indemnités maladie, mais elle ne concerna que 30% des salariés puisque le patronat n’avait pas appliqué la réduction (à 80%) en échange de contreparties inscrites dans de nombreuses conventions collectives. Il a rétabli, dans les pme de 5 à 10 salariés, le bénéfice de la loi sur la protection des salariés. Il n’a fait que suspendre la réduction du montant des retraites décidée par le gouvernement Kohl. Il pourra se prévaloir d’avoir adopté “ la plus importante réforme fiscale ” de l’histoire de la Rfa : baisse de l’impôt sur les sociétés, sur les plus-values, sur le revenu, au bénéfice donc de la bourgeoisie et qui le comprend bien ainsi. La contre-réforme des retraites est entrée en vigueur en janvier 2001, les 1ères mesures contre les chômeurs au début de 2003… Pourtant, le Figaro (éditorial du 12/7/2005) explique avec aplomb que le Schröder a “perdu les 4 années de son 1er mandat” ! Les autres médias ont fait entendre la même musique.

Les coups les plus durs ont été adoptés, en rafale, à partir de 2003 et portés à partir de janvier 2004 (assurance maladie), puis janvier 2005 (lois Hartz). L’Agenda 2010, sa cohérence d’ensemble systématique du point de vue des masses, ont pu être qualifiés de véritable déclaration de guerre au prolétariat. Et le Spd l’avait ressenti comme tel. Mais le 1er juin 2003, le congrès extraordinaire, organisé 2 mois et demi après le discours programme de Schröder, l’avait avalisé avec 90% des mandats. Le manifeste “ Nous sommes le parti ”, lancé par la douzaine de députés “ oppositionnels ” (antilibéraux) recueillait 3 fois moins que les 10% des adhérents nécessaires pour organiser un référendum contre l’orientation du parti.

Puis Schröder obtenait 80% des voix au congrès des 17, 18 et 19/11. Mais, le 6/2/2004, il démissionnait de la direction du Spd, comme pour affirmer l’indépendance du gouvernement par rapport au parti et F. Müntefering fut élu président du Spd avec 95,1% des voix lors d'un congrès extraordinaire.

L’appareil du Spd a combattu. Quelques jours plus tard (14/2), il participait au congrès de la plus grosse fédération du pays, celle de la Rhénanie du Nord-Westphalie, 13 000 adhérents perdus en un an ! Les orateurs faisaient part de l’abattement et du désarroi des militants.

“ …On prévoyait que cette réunion serait houleuse, que les critiques seraient vives. Mais les délégués ont fait un triomphe au chancelier, ainsi qu’au nouveau président désigné du parti, F. Müntefering, chef de son groupe parlementaire. (…) Les congressistes ont longuement applaudi le chancelier G. Schröder, qui annonçait que cette politique se poursuivrait … ”.

Cet article du Monde (17/2/2004) entendait montrer la direction à son avantage et qu’il combattait. Quelques semaines plus tard, lors de la manifestation du 1/5, le ministre-président de ce land “ couvert par les huées, n’aura d’autre choix que d’abandonner le cours de son discours ” (Le Monde – 7/5/2004).

En 2 mois ½, le rejet du gouvernement ne pouvait certes que s’amplifier, mais l’essentiel était que l’appareil gardait le contrôle du parti et qu’aucune opposition n’a cherché à l’affronter, à l’intérieur. Le prix à payer ce fut des départs massifs d’adhérents, le désarroi des sympathisants et d’électeurs et la série de défaites déjà indiquée.

En Bavière (sep 2003) et Sarre (août 2004) le Spd perdait 1/3 des voix qu’il avait obtenues aux législatives de 2002 et obtenait le score le plus bas respectivement depuis 1946 et 1960. Le 8ème scrutin voyait le parti passer de 43% à 37,1% des votes exprimés, plus mauvais résultat depuis 1954. Un an plus tôt, les élections “ européennes ” montraient elles aussi un effondrement étourdissant à 21,5% des exprimés, alors que les alliés Verts poursuivaient allègrement leur essor : à 11,9%.


Soumission de l’appareil Dgb, de l’Ig Metall et des autres syndicats.


“ La défaite historique de l’Ig Metall ” : cette formule (laissons lui la responsabilité) que la bourgeoisie a utilisée résume bien combien elle a exulté, à la fin du lamentable mouvement “ pour les 35h ” dans les ex-Länder de l’est, en juin 2003 (cf. Cps13). Pour la 1ère fois depuis l’après-guerre, les dirigeants de l’Ig Metall ont mis fin à une grève sans aucun résultat. Une crise a embrasé l’Ig Metall. Le 18/7, l’annonce de la venue de Zwickel sur le site de Rüsselheim (le berceau historique d’Opel) provoquait une motion de défiance de 95% des 4 000 adhérents et l’avait amené à annuler la réunion prévue. Et le 21/7 il annonçait sa démission, anticipant sa retraite prévue 2 mois plus tard. Au congrès, on annoncera que l’Ig Metall avait perdu près de 90 000 adhérents en 2003. L’appareil a montré au grand jour son déchirement, ne pouvant trancher entre les fractions, ‘traditionalistes’ et ‘modernistes’.

Pour la bourgeoisie, cela a été un succès retentissant dans la remise en cause depuis longtemps engagée dans les concessions accordées à la classe ouvrière au moment de la réunification. Les salaires de l’Est auraient dû rattraper, en 1994, au plus tard, ceux de l’Ouest, mais dès 1993, le patronat avait commencé à remettre en cause les conventions collectives à l’Est. L’Ig Metall avait accepté des accords introduisant des “ clauses d’extrême urgence ” (d’exception) pour les entreprises ne pouvant pas payer les augmentations. La défaite de la grève a pesé dans la conclusion par le Dgb de “l’accord historique sur un profond bouleversement de l’assurance-maladie en Allemagne ” (Le Monde du 23/7/2003 dont l’éditorial salue: “l’Allemagne bouge et toute l’Europe doit s’en réjouir ”.

  Convention collective métallurgie. Quelques mois plus tard (février 2004), la direction de l’Ig Metall offrait un nouveau succès, éclatant, au patronat, en signant la nouvelle convention collective de la métallurgie, d’une durée de 26 mois. La convention collective a autorisé des accords dérogatoires portant sur la réduction des primes conventionnelles (prime de Noël # 13ème mois) et sur l’augmentation ou la réduction du temps de travail sans compensation salariale intégrale (sur les salaires IGM acceptait de maigres augmentations). Le patronat allait faire fructifier ce succès en lançant une offensive pour l’allongement et la flexibilité du temps de travail.

Eté 2004 : Siemens Comment a réagi la classe ouvrière ? Libération - 26/6/2004 a décrit la réaction d’un militant responsable de l’Ig Metall chez Siemens après la signature de l’accord : “Depuis hier matin, son téléphone n'arrête pas de sonner. Le syndicat vient d'accepter de faire passer une partie des salariés de Siemens de 35h à 40h par semaine (…) : ‘‘ C'est un terrible échec. Une tragédie pour nous et pour les salariés. Car, au bout du compte, cela veut dire que leur salaire sera amputé de 20%. Et cela risque de faire jurisprudence chez Siemens et ailleurs.’’ ”.

Le journaliste voyait un responsable syndical “ totalement abattu ”. Mais l’article nous a décrit plutôt le désarroi, le sentiment d’impuissance d’un militant : “ On devrait peut-être devenir plus radical dans notre combat, comme chez vous en France. Mais, chez nous, les salariés ont préféré renoncer à une partie de leur salaire plutôt que de perdre leur emploi. Il n'y a rien à faire contre cela ”.

Quand “toutes les usines Mercedes se sont mises en grève”.

Tous les reportages nous ont montré la pleine disponibilité au combat de la classe ouvrière. 8 mois après les faits, le 15/7/2004, Le Monde (17/3) est “ retourné à Sindelfingen ”, la plus concentration implantation mondiale de DaimlerChrysler : 42 000 salariés, dont la moitié dans la production. Les conditions de rémunérations et de travail sont supérieures à tous les autres sites. 4 semaines auparavant, les patrons ont lancé un ultimatum : en finir avec ce qu’il appelle “ la maladie du Bade-Wurtemberg ” ou suppression de 6 000 postes. Sur les chaînes, plus de 80% sont syndiqués. Une mobilisation, contrôlée par l’appareil, s’est développée. “ Le 15/7, toutes les usines de Mercedes s’arrêtent. A Sindelfingen, 20 000 se massent devant la Tor 3, traditionnel lieu de rassemblement face aux portes de l’usine ”. Comme le mouvement prenait peu dans les bureaux, et compte tenu des congés et autres causes d’absence, c’est un formidable rassemblement d’ouvriers qui s’est tenu. “ Du jamais vu. ‘‘ Qui sème le vent récolte la tempête ’’ ou ‘‘ C’est la guerre ’’, peut-on lire sur les pancartes. (…) L’écho de cette journée est énorme. Les images des journaux télévisés inquiètent jusqu’au chancelier Schröder. ‘‘ Je conseille de régler ces problèmes dans l’entreprise le moins possible à l’extérieur ’’ déclare le chef de gouvernement. Le 17, les ateliers s’interrompent cependant de nouveau (...). Mais les discussions continuent en coulisses. Le 22 commence un marathon de négociations (…) et débouche sur un compromis. Après le drame, l’apaisement… ”. On connaît la suite. Pour reprendre le contenu des pancartes : les ouvriers sont restés “ sur le pied de guerre ”.

Nouvelle déconvenue : les “ manifestations du lundi’’

Contre la loi Hartz IV, la plus meurtrière pour les chômeurs, qui vient d’être adoptée par le Parlement, des manifestants vont défiler, jusqu’à des dizaines de milliers au total l’été 2004, surtout à partir du 9/8, dans les villes de l’Est de l’Allemagne.

“ C’est l’idée des ‘‘ manifs du lundi ’’ - lancées en septembre 1989, à Leipzig, en ex-Rda, par le mouvement des citoyens opposés au régime du parti unique, rassemblé d’abord pour une prière dans la Nicholaikirche – qu’ont reprise, pour lutter contre la politique de G. Schröder, d’anciens militants de 1989 associés à des syndicalistes, des mouvements alternatifs, des groupements de chômeurs et… des responsables du Pds, héritier du Sed, l’ancien parti unique contre lequel défilaient les manifestants d’alors… ” (Le Monde 11/8/2004).

Cette série s’est terminée avec les manifestations du 2 et 3/10 à Berlin, rassemblant 45 000 puis 70 000 personnes.


La grève spontanée des métallos d’Opel Bochum


Annonce du plan de liquidation (selon Afp – 14/10 et 15/10/2004) : Le n°1 mondial de l'automobile, Gm, supprime 12 000 des 63 000 emplois en Europe (…) Ce programme doit être réalisé dans les 2 ans (…). La filiale Opel (33 000 salariés) devrait à elle seule supporter jusqu'à 10 000 suppressions de postes, sur son site historique de Rüsselsheim près de Francfort (20 000 employés), ainsi qu'à Bochum – qui doit en assumer à lui seul 4 086 sur 9 600 personnes - dans la Ruhr. Le reste devrait être réparti au sein des autres filiale de Gm Europe, Vauxhall en Grande-Bretagne et Saab en Suède. (…) A plus long terme, la filiale de Gm n'exclut pas non plus la fermeture d'un site de production…

Les travailleurs décident spontanément de débrayer. Le président du conseil d’entreprise local déclare : ‘‘La production ne reprendra que lorsqu'il ne sera plus question de supprimer 4 000 emplois, qu'il ne sera plus question de licenciements secs et que nous aurons obtenu une garantie de maintien du site au-delà de 2010 ’’. Et à la surprise de la direction, la mobilisation s’étend.

Fin de la grève : Le 20, au 7ème jour de grève, les travailleurs votaient la reprise à Bochum, 6 400 travailleurs se prononçant pour et 1 700 contre. Ce qu’ils ont obtenu ? La promesse de la direction que le plan de suppression d’emplois serait “ socialement supportable ”, c’est-à-dire qu’il exclurait les licenciements “ secs ”.

Quant au maintien des usines en Allemagne, menacées de fermeture pure et simple à terme, elle se déclarait prête à négocier en échange de “ réductions de coût ”. La baisse de 30% des salaires, indiquée dans la presse, ramènerait le coût de l'ouvrier allemand (33€ de l'heure) à l’ouvrier français (23€), selon les chiffres fournis par les patrons. Les dirigeants d’Ig Metall ont rappelé que “ les salariés d'Opel ont déjà consenti une baisse de leur pouvoir d'achat de 19% en 4 ans ”.

 

Sentiment d’isolement : c’est la raison du vote de fin de grève. Le dimanche 17, le vice-président d’Ig Metall, B. Huber, dans la presse, avait lancé un appel à la reprise : “ Je m'attends tout de même à un retour à des conditions de travail plus ordonnées lundi. Sinon, nous ne pourrons pas négocier efficacement avec Gm ”, alors que le gouvernement avait, dès vendredi, appelé à la fin des débrayages à Bochum : “ Il ne faut pas créer de l'insécurité supplémentaire ”, et que la direction faisait circuler, dans la presse, son intention de “ licencier les meneurs ”.

La “ journée d’action européenne ”, annoncée le jeudi 14 et organisée le 19, a fait durement ressentir cet isolement. 13 000 à 15 000 travailleurs du site de Rüsselsheim avaient débrayé et manifesté devant le bâtiment de la direction. Action également suivie par 2.000 ouvriers des chaînes de montage de l'usine de Kaiserslautern. A Bochum, 10 000 à 20 000 (selon Le Figaro) manifestants en direction du centre-ville. Brefs arrêts de travail à Ellesmere Port et des actions ‘symboliques’ à Saragosse ou à Gliwice…

La direction et le Ce déclaraient vouloir rechercher ensemble ‘‘ une solution pour rendre les sites de Bochum et de Rüsselsheim suffisamment compétitifs pour continuer à fonctionner au-delà de 2010 ’’. C'est pour J. Peters “ une condition préalable pour un succès ” des pourparlers qui s'annonçaient longs et tendus.

Enfin, pour les dirigeants syndicaux locaux – l’usine de Bochum fabriquant des pièces détachées pour toutes les unités Opel d’Europe – “ le fonctionnement en flux tendu peut provoquer très vite des ruptures d’approvisionnement; l’objectif est d’user d’un moyen de pression‘‘ efficace puisqu’il paralyse rapidement la production dans les usines du groupe en Grande-Bretagne, en Belgique et en Pologne’’.” (L’Humanité – 19/10/2004).

Effectivement, les piquets de grève commençaient à avoir des répercussions : dans l'usine d'Anvers, la production devait être stoppée faute de pièces détachées. Ce bras de fer faisait reposer sur les seuls ouvriers de Bochum la responsabilité de culbuter tout Opel ! L’appareil syndical a réussi à écarter toute possibilité de grève générale du groupe Opel. Ils ne pouvaient alors que perdre !


Parti ouvrier bourgeois, le Spd est la seule représentation politique du prolétariat.


En 1998, les masses laborieuses chassaient la Démocratie chrétienne et le Fdp du pouvoir. C’était le contrecoup de la mobilisation du prolétariat les années précédentes. Le 15 juin 1996, à Bonn, capitale de la Rfa depuis le début, a eu lieu la plus importante manifestation depuis la fin de la guerre; 350 000 travailleurs défilent dans la manifestation nationale à l’appel du Dgb (et le soutien du Spd). Mais dans les rangs surgissent le mot d’ordre “ Kohl dehors ”; sur des pancartes, la revendication de la “ grève générale maintenant ” (cf. Cps64du 16/9/1996. Depuis Cps a publié des articles sur l’Allemagne dans le n°77 du 6/4/1999 et le n°13 (nouvelle série) du 29/9/2003). 

L’aspiration de la classe ouvrière à en finir avec le gouvernement n’a pas pu déboucher sur le terrain direct de la lutte des classes, mais lors des élections au Bundestag en 1998. Cette défaite électorale de la bourgeoisie sera confisquée par le Spd qui constitue un gouvernement de défense du capitalisme allemand avec le parti des Verts.

En 2002, malgré 4 années de soutien au gouvernement et à sa politique anti-ouvrière, le Spd limitait son recul, reconduisait son alliance avec les Verts (qui, fait notable, gagnaient, eux, en pourcentage presque autant que le Spd reculait). Schröder bénéficiait de la popularité de son refus de s’aligner sur l’impérialisme Us dans la préparation de la guerre contre l’Irak, qu’il a su opposer aux positions mal tranchées de la Cdu. Même si sa position ne procédait pas d’une orientation anti-impérialiste et correspond à de sérieux intérêts d’une partie de la bourgeoisie allemande, soucieuse de conserver et d’élargir ses marchés au Proche-Orient. Malgré les “conflits d’intérêts”, Schröder reste aussi le “chancelier de la guerre” pour avoir, en 1999, pour la 1ère fois depuis Hitler, engagé des soldats allemands dans la guerre. En Afghanistan, il participe derrière les Eu, et avec d’autres impérialismes (dont la France), à l’occupation. Et indirectement en Irak : il forme des policiers irakiens… Quant à l’Onu (siège permanent au conseil de sécurité), il a dû baisser pavillon face à l’opposition des Eu et d’autres impérialismes.

Schröder et la direction du Spd n’ont pas connu de réelles difficultés; aucune opposition lutte de classe ne s’est constituée. Nombre de membres démoralisés ont “voté avec leurs pieds” en le quittant, 175 000 sur les 7 ans. Le Spd est passé de 850 000 adhérents en 1994 à 640 000 en 2004. Comme pour fermer le ban, lors du congrès extraordinaire de novembre, Schröder, qui venait de se féliciter de son bilan – “ Les 7 dernières années ont été de bonnes années pour la pays, pour ses habitants et pour notre cause ” - a été longuement ovationné par les délégués.


Fausse alternative


Ce n’est pas par naïveté que les media ont présenté comme un danger pour le Spd la coalition Linkspartei/Pds (“L'irrésistible ascension de l'extrême gauche”). Sous le titre “ Embryon d’une alternative politique au néolibéralisme ”, un article de l’Isl, dans Imprecor (jan-fév 2005) a fourni quelques points de repères sur la Wasg dont elle est membre. On lit : “ La Wasg ne se réclame pas d’une position ‘‘anticapitaliste’’. Alors que le Pds – formellement et très ‘‘platoniquement’’ – se revendique du ‘‘socialisme’’, la Wasg ne le fait pas. De plus, elle se limite presque exclusivement au domaine social. Elle ne dit rien sur l’Irak, l’Otan, la politique internationale… ”

Isl donne son orientation : “ Il serait faux de vouloir imposer un programme révolutionnaire à ce nouveau parti. Il serait même faux de vouloir lui imposer un programme socialiste ”, alors que “ la grande majorité du Rsb – l’autre organisation de la 4ème internationale en Allemagne – considère que la Wasg n’est pas le ‘‘parti ouvrier socialiste’’ qu’il faudrait créer, qu’elle n’est même pas réformiste, et qu’il ne faut donc pas participer à sa construction. ”

Les lambertistes, aussi, sévissent en Allemagne. Les lambertistes avaient “ soumis à tous les travailleurs leurs réflexions ” (déclaration du secrétariat international – 15/8/2005) sous cette forme alambiquée, qui est le propre des lambertistes : “ Ne faudrait-il pas, dans ces conditions, le 18/9, voter Spd, qui, durant toutes ces années d’après-guerre, s’est appuyé sur les conquêtes sociales arrachées de haute lutte par les travailleurs aux capitalistes ? ”.

Le 25/9, les “ sections de la 4ème internationale ” (les mêmes lambertistes) affirment que

“ le mot d’ordre ‘‘voter Spd pour chasser Schröder’’ est apparu comme la seule voie qui s’ouvrait pour les masses qui veulent survivre. (…) Contre Merkel, c’est-à-dire contre la politique de Schröder qui lui ouvrait la voie, la classe a saisi la vote Spd comme un vote pour son organisation, pour son existence comme classe, contre la politique qui vise à la détruire comme classe, c’est-à-dire qui l’initie. ”

Mais, dans un brusque retournement digne des meilleurs feuilletonistes d’autrefois, on apprend que :

“ Et cela est vrai également des 2 millions de voix qui ont quitté le vote Spd, le million qui est allé vers l’abstention et l’autre million vers le vote Linkspartei, qui (…) n’est pas un vote pour (…) mais contre et malgré Gisy. En ce sens, la formulation d’une politique de front unique, qui se traduit aujourd’hui en Allemagne par le mot d’ordre de ‘‘Gouvernement Spd-Linkspartei’’, tel que le définissent nos camarades, correspond à ce mouvement en profondeur par lequel la classe cherche à rester classe ouvrière pour soi, consciente de ses intérêts.” Est-il étonnant de trouver un tel travestissement, un tel avilissement, une telle négation du trotskisme chez les destructeurs ultimes du combat pour la reconstruction de la 4ème internationale ? Les lambertistes sévissent aussi en Allemagne.


La classe ouvrière sur la défensive


C’est une réalité du régime capitaliste. Toute attaque réussie par les patrons en appelle d’autres, et plus ambitieuses. 32 000 postes à supprimer chez Deutsche Telekom, 8 500 chez DaimlerChrysler (Mercedes), 2 400 dans l’informatique chez Siemens, 10 000 chez Volkswagen (chiffres ne concernant que l’Allemagne), 11 000 chez Allianz (assurances). Le Monde, en citant ces annonces, soulignait que “ ces plans dépassent souvent les prévisions ”. On a vu ce que les travailleurs de DaimlerChrysler et Volkswagen se sont vu imposer en salaires, flexibilité… contre des garanties, du moins présentées comme telles par les dirigeants syndicaux, de maintien des postes jusqu’en 2011 et 2012 (?) Les accords n’étaient pas des “ compromis ” mais des défaites ressenties comme telles par les travailleurs, même s’ils ont dû avaler l’antienne que l’emploi préservé vaut mieux que tout. Chez Deutsche Telekom, aussi, le syndicat avait concédé, en 2004, des reculs (semaine de travail de 34h payées 35h au lieu de 38h payées 38) contre un arrêt de 10 000 licenciements prévus jusqu’en 2008 !

Les patrons et la cogestion.

Les capitalistes allemands savent qu’ils sont redevables aux relations nouées avec les appareils syndicaux, constituant le système de “ cogestion à l’allemande ”.

Quand une commission du patronat allemand a proposé, en novembre 2004, de “ réformer ” les règles de la cogestion, pour réduire les contraintes qui s’appliquent aux patrons, constatant combien les “ partenaires sociaux ” ont su s’aligner sur les exigences patronales de plus en plus dures, les dirigeants des grands groupes ont défendu le système. On a demandé au président du directoire de Basf, n°1 mondial de la chimie s’il partage les critiques portant sur le “ modèle de cogestion à l’allemande ”; il a déclaré : “ …Pour Basf, il n’y a pas de problème. ” et prudemment : “ mais la question peut se poser ailleurs. ” (La Tribune – 4/7/2005) Le président du directoire d’une entreprise minière fait l’éloge de la “ codécision ” qui lui a permis de supprimer 7 000 postes sur 9 000 en 10 ans : “ Pas un jour de grève. Si un employé s’oppose à la stratégie, il ne s’oppose pas à son méchant employeur mais à son syndicat ” (Les Echos – 22/11/2004)

 

La bourgeoisie sait fort bien utiliser la corruption des bonzes syndicaux qui prospère avec la cogestion, en cas de besoin de pression ou de chantage, comme le montre l’affaire Volkswagen, cette année, qui a poussé jusqu’à la démission de directeur du personnel, Hartz, rédacteur des lois du même nom, pour avoir “ puisé largement dans la caisse de l’entreprise pour se payer des parties de jambes en l’air ” (Libération), mais aussi des responsables du comité d’entreprise, membres d’Ig Metall.


Pour la rupture du Spd d’avec la Cdu-Csu. Pour un gouvernement du Spd sans ministre de parti bourgeois


Le capitalisme allemand s’est engagé dans une nouvelle offensive : les plans de suppression massive d’emplois, d’attaques contre les salaires se sont multipliés, qui vont se conjuguer avec le programme agressif du gouvernement. Pour défendre leurs conditions d’existence, empêcher la poursuite du laminage des conquêtes obtenues depuis la fin de la guerre, le prolétariat devra affronter les appareils syndicaux et le Spd. Les travailleurs constatent, dans les exemples cités, que les promesses n’ont engagé …qu’eux-mêmes. Un an après, les sacrifices n’ont servi qu’à aiguiser les appétits patronaux (15% des postes supprimés chez Mercedes, en tenant compte de la rallonge de 6 000 suppressions annoncée par la presse, le 19/12 !). Quelle sera leur réaction ? Les appareils syndicaux réussiront-ils à les contenir dans le cadre d’un nouveau recul ? ou la volonté de défendre leurs droits l’emportera sur les habitudes ? les poussant impérieusement à décider, organiser la lutte contre le patron, s’affranchir autant que cela est nécessaire du poids de l’appareil ? La vérification viendra prochainement alors que l’application de la convention collective signée dans la métallurgie, automobile, électronique, se termine en février prochain.

 

Les dirigeants syndicaux donnent des gages aux patrons.

Avant l’ouverture des négociations dans la métallurgie, le vice-président d’Ig Metall a rappelé, dans l’interview du Monde déjà citée, la politique de subordination aux intérêts de leur capitalisme :

Question : Les grands groupes de votre branche, comme Daimler-Chrysler ou Volkswagen, annoncent des milliers de suppression d’emplois. – “ …Cette industrie fait aussi des gains de productivité permanente. (…) Notre stratégie n’est pas d’empêcher ces gains de productivité, car ils sont nécessaires à la prospérité de l’économie. Et ils supposent des investissements en machine qui sont aussi un point fort de l’industrie allemande… ”

Que pensez-vous du mouvement de hausse du temps de travail dans votre branche ? - “ ...Nous avons simplement signé un accord, l’an dernier, afin que des entreprises puissent, dans des cas exceptionnels sous des conditions bien définies, augmenter le temps de travail. (…) Depuis janvier 2004, 540 accords dérogatoires ont été passés… ”

Jusqu’à présent, les travailleurs ont exprimé leur impuissance par rapport aux bureaucraties en “déchirant leurs cartes”, par millions, comme l’indiquent les chiffres suivants : 11,8 millions de syndiqués, après la réunification plus l’apport de 500 000 syndiqués avec l’adhésion en 2000 d’une fédération autonome d’employés (Dag); 7 millions en 2004 !

 

***

Ces dernières années, Bochum reste le seul exemple connu où la lutte de travailleurs a posé la question du débordement. Fait inhabituel, sinon exceptionnel : pas de consultation préalable par les syndicats, d’où le qualificatif de “grève sauvage”. Certes il ne faut pas “surinterpréter” ce mouvement, qui n’a pas pu être le point d’appui à un appel à la grève générale du groupe Opel (General Motors Europe). Un article d’Imprecor (oct 2004), écrit par “une des 2 fractions publiques” du Su en Allemagne a souligné à l’envi que “cette lutte n’a pas pris la forme d’une grève, le personnel n’ayant interrompu le travail que pour faire valoir son droit de s’informer (…) L’effet produit est le même que lors d’une grève : pas de travail, arrêt des chaînes de travail.”. Mais l’essentiel n’est pas ce que cet article titre : “Une forme de lutte particulière à Opel Bochum”, mais que les ouvriers de Bochum ont osé braver le mur que constituent General Motors, le potentiel de menaces dont il dispose, les appels du gouvernement et, surtout, de la direction d’Ig Metall à reprendre le travail. Même si “cette grève fut une fleur éclosant en hiver” (Cps20, Actualité du combat pour le socialisme).

 

Les travailleurs allemands n’ignorent plus qu’il est possible d’ouvrir une brèche suffisante dans le système de cogestion, nécessaire pour engager un véritable combat de classe. Le handicap est lourd : comme il a été indiqué, l’appareil du Spd a gardé la maîtrise complète du parti. Combattre les mesures anti-ouvrières du gouvernement, ce qui met immédiatement en cause le pouvoir, pose inévitablement la question de la rupture du Spd avec le gouvernement, du Spd avec les partis bourgeois. Les prolétaires allemands trouveront-ils l’impulsion nécessaire pour engager l’incontournable combat ? Il faut, bien entendu, se prononcer inconditionnellement pour cet objectif. Nourrir ce mouvement en expliquant qu’il existe une alternative positive à la “grande coalition”. En l’absence de parti (et même d’organisation) révolutionnaire, le seul débouché favorable à la classe ouvrière : un gouvernement Spd, sans ministre d’organisation bourgeoise, avec le soutien du Dgb.

 

***

Un tel gouvernement ne modifierait pas la nature du Spd. Mais le combat pour la rupture du Spd avec les partis bourgeois, qui a son équivalent dans la rupture du Dgb et des syndicats avec la cogestion, la constitution d’un tel gouvernement placeraient la classe ouvrière dans un rapport favorable vis-à-vis des appareils contre-révolutionnaires, la pousserait à exiger de ce gouvernement la satisfaction des revendications. Dans sa lutte de classe, en affrontant inéluctablement le Spd et les appareils syndicaux, surgiront les formes autonomes d’organisations ouvrières (conseils…).

 

Ce serait une étape considérable dans la voie qui mène à la prise du pouvoir par le prolétariat, l’instauration d’un gouvernement ouvrier, l’expropriation du capital, la planification au compte des besoins des masses, sous contrôle ouvrier, dont l’aboutissant est conditionné par la construction du parti ouvrier révolutionnaire.


 

28 décembre 2005

 

Haut de la page