Article paru dans Combattre pour le Socialisme n°17 d’octobre 2004

 

2004-2005, L’année scolaire de la loi d’orientation :

Une année décisive pour l’existence même de l’enseignement public.

 

L’enjeu majeur de l’année scolaire 2004-2005 : la « loi d’orientation ».


Le 6 septembre, Fillon au nom du gouvernement Chirac-Raffarin recevait les dirigeants des syndicats et fédérations de l’enseignement public. Cette première « réunion de rentrée » est la première d’une année que le gouvernement prévoit chargée en matière de concertation.

Le 12 octobre la commission Thélot rendra son « rapport » officiellement, et à partir de là commencera une phase de discussions, concertations qui a comme échéances d’abord, en décembre, l’adoption en conseil des ministres du projet de loi d’orientation, puis, au printemps 2005, son passage devant l’Assemblée nationale. Au rythme de l’année scolaire donc, et des pulsations de la vie syndicale : un congrès du Snes doit précisément se tenir au printemps 2005. Mais on devine qu’un projet devant être adopté dans deux mois en conseil des ministres est d’ores et déjà rédigé.

 

Le 25 août Le Monde avait publié les premières « fuites » organisées du rapport Thélot qui doit être rendu le 12 octobre. Mais ce texte est lui même le produit d’un processus politique entamé à l’automne 2003. Création d’une commission, puis dans les établissements, les écoles, les sous-préfectures, les préfectures, un « Grand débat » est organisé, en présence des parents, des élèves, des représentants syndicaux. Malgré l’orientation du questionnaire, l’expérience de ces consultations, et la volonté des enseignants de ne pas se prêter en général au jeu du « Grand débat », les dirigeants des syndicats de l’enseignement, ont participé, et permis à cette mascarade de se tenir. Dans certains cas, les directions syndicales ont même fait le forcing pour imposer aux enseignants de participer aux réunions, comme l’a fait la direction du Snuipp, face aux enseignants du premier degré, dans le Calvados, ou en condamnant le boycott des enseignants réunionnais. Le 15 janvier 2004, la consultation terminée, Thélot peut rédiger un « miroir du débat », miroir aux alouettes, rendu au printemps. Puis, durant l’été 2004, un rapport annonçant des propositions « concrètes » pour cadrer la discussion sur la loi d’orientation.

 

Durant une année scolaire entière le gouvernement a avancé grâce à la bonne volonté des appareils syndicaux, et en cette rentrée 2004, il annonce sa politique en organisant les fuites dans la presse de « référence ». Il s’agit alors de tester l’état de l’opinion, l’état d’esprit des enseignants, et ainsi de permettre aux directions syndicales de tâter le terrain.


Le rapport Thélot : une déclaration de guerre.


Rien dans ce rapport ne peut se targuer de la moindre originalité, ceux qui avaient lu, tout ou partie des rapports précédents, réalisés par de précédentes commissions, n’auront aucune surprise à la lecture de ce que Le Monde publie le 25 août, ou même du texte « confidentiel » mis en ligne sur les sites des organisations syndicales.

C’est donc un condensé du programme de la bourgeoisie française en matière d’enseignement, appuyé toutefois sur les acquis des précédentes « réformes », que ce soit sur les Lycées Professionnels, à l’université, ou encore la dite « réforme du lycée », la nouvelle troisième adoptée l’an dernier avec l’assentiment du Snes, sur la création des assistants d’éducation, etc.… Mais il s’agit cette fois-ci non plus de projets d’avenir mais d’un programme de travail immédiat.

 

Quatre axes majeurs s’en dégagent :

-déqualification générale de la main d’œuvre, généralisation de l’apprentissage, dévalorisation générale de l’enseignement ;

-autonomie des établissements, explosion du cadre national de l’enseignement, des programmes ;

-soumission de l’école aux pressions locales.

-explosion, atomisation du métier d’enseignant ;


-Déqualification généralisée de la main d’œuvre et de l’enseignement :


Le rapport part du constat, émouvant de sincérité, que les besoins de formation, les besoins de main d’œuvre, auxquels bien entendu l’enseignement doit être adapté, sont des besoins en main d’œuvre non qualifiée, ou plus exactement déqualifiée.

En conséquence, il propose tout à la fois d’expulser les élèves des cursus généraux, « longs », au-delà de 16 ans, et de déqualifier l’enseignement « obligatoire », c’est à dire à l’école primaire, et principalement au collège.

Les cycles d’apprentissage seraient redécoupés, les blocs de matière hiérarchisés, et les élèves en difficulté pourraient être cantonnés pour la plus grande partie des horaires définis dans les cycles, au seul bloc des apprentissages dits « fondamentaux » : la langue (le français), les mathématiques, l’anglais de communication internationale, « l’éducation à la vie en commun », et les nouvelles technologies de l’information.

Outre que, ces « matières » sont fondamentalement dévalorisées elles mêmes, en « langue » il ne s’agira pas de se pencher vers une culture littéraire, et en « anglais de communication internationale » on en restera sans doute au vocabulaire du marketing, tout le reste deviendrait accessoire. Ceux qui auront maîtrisé les apprentissages fondamentaux, pourront obtenir un large horaire dans les apprentissages secondaires et optionnels. On y trouvera donc l’EPS, les sciences, le travail manuel, une deuxième langue vivante, ou encore les langues anciennes, les « humanités ».

On notera que la « découverte professionnelle » pourrait prendre une importance d’autant plus grande que les élèves auraient des difficultés : pour résoudre les difficultés scolaires, il suffit pour messieurs les bourgeois de supprimer l’école. Il suffisait d’y penser.

 

Les élèves qui maîtriseraient mal les apprentissages fondamentaux ne pourraient pas accéder au lycée, où les apprentissages secondaires seraient exigés. Ils se dirigeraient naturellement vers l’apprentissage et l’alternance, ou seraient tout simplement expulsés de l’école, avec un crédit-formation tout au long de la vie pour occuper leur période de chômage.

Un statut du lycéen professionnel, destiné à appâter le chaland, calqué sur les rémunérations de stages, c’est à dire moins de 300 euros mensuels, permettrait de livrer dans un cadre d’alternance généralisée les jeunes à la formation patronale, comme main d’œuvre complémentaire. Notons d’ailleurs que dès le cycle 5ème-3ème, les stages en entreprise sont généralisés dans le cadre des parcours de découvertes.


Autonomie des établissements


Les établissements se verraient dotés d’une large autonomie, budgétaire, de pouvoirs renforcés, notamment dans la nomination des personnels.

Ainsi, le statut des écoles élémentaires serait modifié. De véritables chefs d’établissements scolaires y seraient créés, dotés de pouvoirs réels, ils « gouverneraient » l’école et le réseau d’école à partir d’un conseil tripartite, où des représentants de parents, des élus locaux, viendraient compléter le directoire. Cette mesure est d’ores et déjà inscrite, à titre une conséquence de la loi de décentralisation.

Dans les établissements secondaires aussi de nouveaux conseils seraient créés, et de nouvelles chefferies avec la « promotion » d’un professeur et d’un CPE à des directions des études et une de la vie scolaire, chargées, pour cette dernière de l’apprentissage de la civilité, de l’orientation en relation avec les entreprises, ou pour la première, de l’organisation des disciplines, du remplacement des enseignants, de l’organisation des examens… tout ceci renforçant le poids de la direction dans chaque établissement.

Un conseil pédagogique, en plus d’un conseil de la communauté scolaire, serait chargé de l’organisation générale de la vie de l’établissement.

 

Les budgets des établissements seraient quant à eux modulables : une part fixe, une part délivrée sur critères sociaux, jusqu’à 25 % de dotation supplémentaire, et 8 à 10 % de la dotation horaire sur la base de la politique de l’établissement, le tout évalué régulièrement.

Dans les établissements en difficulté du fait de leur environnement, les proviseurs et principaux pourraient donner un avis sur la nomination des personnels enseignants.

 

Budget et programmes variant du tout au tout dans chaque établissement au gré des projets et des équipes : que resterait-il du cadre national de l’enseignement public ?

 

L’organisation même des cycles dans la partie obligatoire du cursus, le brevet d’études fondamentales, en deux parties, évaluée dans l’établissement, l’insistance du rapport sur la personnalisation des parcours, impliquent que le cadre national des diplômes vole en éclat. Rien n’est écrit dans le rapport sur le bac, mais quelle autre évolution pourrait-il subir dans ce projet ? Une division des examens est bien prévue dans les établissements du secondaire !


Au travers de l’autonomie, ouverture de l’école à toutes les pressions 


Les nouveaux conseils d’établissements, les partenariats et contrats passés avec les entreprises, l’évaluation des crédits en fonction des résultats, des examens eux mêmes attribués dans le cadre de l’établissement, tout cela aboutit à soumettre les établissements, aux pressions locales venues de toute part !

 

- Les parents dont le rapport dit qu’ils doivent être plus étroitement associés aux tâches d’éducation. Sans doute au travers de leurs très progressistes associations !

- Les élus locaux, auxquels la loi de décentralisation a transféré des responsabilités essentielles dans la définition des cartes des formations, contrôleront de surcroît  par le levier budgétaire variable la politique des établissements, d’autant qu’ils gèreront les personnels TOS, les locaux…

- Le patronat entreprises, par les rapports croissants que les établissements se voient contraints d’entretenir avec les entreprises, pour les stages, l’alternance, au collège, dans les lycées professionnels.

C’est bel et bien une logique de démantèlement total.


Feu sur le statut des personnels, des enseignants.


Dans un tel cadre, le statut des personnels, des enseignants, est directement attaqué. Il faut en effet pour le gouvernement à la fois soumettre les enseignants à l’arbitraire local, comme l’ensemble des personnels. Recrutés de plus en plus par le chef d’établissement lui-même, se voyant imposer les remplacements en interne, et enfin augmenter jusqu’à 30 % leur service, les décrets de 1950 définissant le service des enseignants en heures d’enseignement sont l’obstacle décisif à faire sauter.

Dans un premier temps, et parce que cette disposition « bouleverse les habitude », le rapport propose que les 4 à 8 heures hebdomadaires supplémentaires affectées aux tâches pédagogiques ne relevant pas de l’enseignement soient la loi … pour les seuls enseignants nouvellement recrutés, et instaurée sur la base du volontariat pour les autres. Mais personne ne peut être dupe, il ne s’agit que d’une disposition transitoire, « expérimentale » et vouée à s’étendre – d’autant que le renouvellement du corps enseignant d’ici quelques années va être considérable.

 

Ces heures ouvrent les portes à tout… D’autant qu’une direction pédagogique, une direction de la vie éducative, prévoient de multiples tâches « pédagogiques » : organisation des disciplines, direction des cycles, remplacement des enseignants, surveillance, apprentissage de la « civilité », éducation à la vie en société, orientation en relation avec les entreprises.

Pour chapeauter le fonctionnement de tout cela, le conseil pédagogique que nous avons déjà mentionné, où siègeraient l’administration, les coordinateurs de discipline, de cycles, certains CPE bombardés directeurs de la vie éducative, conseil qui contrôlera l’activité d’enseignement et pédagogique.

L’évaluation des enseignants, leur formation devrait être remodelée. Le concours ne serait qu’une première étape, le stage durerait deux ans, et serait sanctionné par un examen. Les enseignants feraient un bilan de leur pratique pédagogique annuelle avec le chef d’établissement, leur inspection aurait lieu tous les trois ans, en présence du chef d’établissement.

 

Le rapport Thélot propose encore, toujours contre le statut, d’étendre la polyvalence, la flexibilité des enseignants des lycées et collèges. Dans le cadre de la redéfinition des cycles, en particulier sur le primaire et le collège, les PLC et les PE pourraient ainsi être amenés à passer d’un cycle à l’autre, d’un établissement à l’autre, d’un statut à l’autre.


Une « bonne loi d’orientation serait-elle possible, comme le prétendent les dirigeants syndicaux ?


Ce texte concentre ce que doit être la loi « d’orientation », à savoir une machine de guerre contre les personnels et l’enseignement public. Personne ne peut en être dupe – à moins de considérer que le gouvernement aurait lancé un an de « grand débat », demandé un rapport à une commission qu’il a lui-même désignée … pour rien !

 

Or, les dirigeants du SNES-FSU notamment, à la lecture du rapport Thélot, feignirent de s’étonner car ils ne retrouvaient pas les éléments du débat… Quelle tartuferie  de faire croire que la commission Thélot allait mettre dans son rapport, les bonnes revendications que le Snes a défendu courageusement site par site, durant le « Grand débat » ! Puis et surtout, ils se fendirent d’un communiqué où l’on lisait :

« Si un tel projet émanait réellement de la commission, il serait de nature à soulever la colère du monde enseignant et ne pourrait constituer les bases de discussion d’une nouvelle loi».

 

Là encore, on admirera le style ! « Si » ? Le pré-rapport d’août 2004 est sur le site Internet du Snes, mais eux même doutent de son authenticité, de l’authenticité de l’auteur, des auteurs, alors qu’ils ont été régulièrement auditionnés, comme le montre l’annexe V du texte !

La colère du monde enseignant, sans aucun doute, mais les dirigeants du Snes, eux, y sont étrangers.

 

Mais prenons acte : le rapport Thélot ne saurait constituer les bases d’une discussion ? Alors les dirigeants du SNES, ceux du SNU, du SE, et aussi ceux des syndicats FO et CGT devraient annoncer en chœur : nous n’irons pas discuter. Le pré-rapport est remis le 12 octobre au gouvernement, et à l’ordre du jour du Conseil Supérieur de l’Education du 14 octobre.

 

Or la direction du SNES a annoncé :

L’US 606, conclut son article sur le rapport Thélot ainsi : « Ce rapport doit être finalisé et publié le 12 octobre, présenté le 14 octobre au Conseil supérieur de l’éducation dans lequel siège la FSU. Nous entendons faire entendre notre voix pour rejeter ce pré rapport, pour construire sur d’autres bases la loi d’orientation. »

« Sur d’autres bases » ? A en croire Libération du 7 septembre, Fillon aurait rassuré les partenaires sur la loi d’orientation :

« Les discussions s’ouvriront comme prévu le 12 octobre avec la remise du rapport de la commission Thélot, pour un projet ficelé fin décembre et voté au printemps. Les premiers éléments du rapport Thélot ayant suscité un début de grogne dans les syndicats, Fillon a rassuré. A la FSU, il a indiqué qu’il allait « prendre la main » après le 12 octobre ; le Snalc l’a senti « réceptif à ses critiques contre le travail de la commission… il a insisté sur le fait que la France avait assez rarement rendez-vous avec son école et qu’il convenait de ne pas gâcher l’occasion ». (Le Snalc est ici le fidèle rapporteur de la voix de son maître).

 

Quant à la sénatrice communiste A.David, elle a démissionné, début septembre, alors qu’elle participait aux travaux de la commission depuis sa mise en place. Elle déclare ne pouvoir « s’associer » à la rédaction du projet de rapport tel qu’il se présente dans la forme actuelle. Bien entendu elle regrette que ses propositions (toutes progressistes) n’aient pu être intégrées au rapport de l’automne. Toutefois elle appelle

« à continuer les débats, pour fonder un projet de loi alternatif à celui du gouvernement » et « promet d’être lors de la discussion du projet de loi du gouvernement, avec les parlementaires communistes, force de proposition. »

Entendez, si le PCF ne peut s’associer à la démarche du gouvernement, il n’en demeure pas moins qu’il ne fera rien d’ici au printemps 2005 pour empêcher l’adoption du projet de loi d’orientation, et poussera à ce que les directions syndicales qu’il influence fassent de même.

 

Mais les « bases » de la loi d’orientation ne sont pas seulement dans le rapport Thélot. Toute la politique qu’elle annonce a déjà commencé d’être mise en œuvre par le gouvernement Chirac-Raffarin.


 

Le gouvernement Chirac-Raffarin commence dès maintenant à appliquer le contenu de sa loi d’orientation


Dès 2003, le gouvernement Chirac-Raffarin a lancé l’offensive sur l’enseignement public et ses personnels, notamment au travers de la loi de décentralisation et la loi Fillon sur les retraites. Finalement, la loi a été définitivement adoptée durant l’été 2004.

Elle transfère rappelons-le 90 000 personnels ouvriers et de service sous la coupe des conseils régionaux et généraux. Mais elle donne aussi le pouvoir aux départements en matière de « carte scolaire », ou encore aux Régions en matière de « bassin de formation ».

 

Un amendement de dernière minute dans l’article 86 de la loi en dit long sur la distance – nulle ! - que le gouvernement entend prendre avec le rapport Thélot.

Les écoles élémentaires, à titre « expérimental » - comme tous les coups bas portés dans l’enseignement – peuvent être regroupées sous l’égide d’établissements locaux nommés EPEP. C’est, ainsi que nous l’avons vu, l’une des mesures proposées par le rapport Thélot, et une attaque frontale contre le corps des instituteurs et professeurs des écoles.

 

En cette rentrée, c’est le mouvement des enseignants du secondaire qui est en passe d’être totalement atomisé : plus de cadrage national – chaque recteur fixant ses règles, multiplication des postes « à profil », les PEP, donnant aux chefs d’établissement des pouvoirs sans précédents sur les nominations... comme le propose le rapport Thélot !

La prochaine circulaire définissant les mutations contient, selon l’US n°606 : « autonomie presque totale des recteurs dans l’organisation et les règles du mouvement intra-académique, prenant en compte dans certains cas l’avis du chef d’établissement et s’appuyant sur un nouveau système de profilage des postes, défini localement, assurant la priorité quasi-absolue de mutation (y compris inter académique) pour quelques fonctionnaires au détriment de tous. »

 

Ce n’est pas tout. Le plan de « cohésion sociale » de Borloo entend faire de l’apprentissage sous contrôle patronal une voie majeure de « formation » (sur le tas) pour la jeunesse ? C’est aussi une composante du rapport Thélot, prévue pour ceux qui n’ont pas « vocation à poursuivre leur formation initiale » ! Ce même rapport prévoit de créer, dans des endroits ciblés, des « équipes éducatives renforcées » chargées de s’occuper des jeunes en difficultés. C’est, on l’a vu, aller pratiquement dans le sens du rapport Thélot, celui de l’autonomie et de la déréglementation totale d’un endroit à l’autre.

Toujours dans le plan Borloo, l’instauration du recrutement par alternance dans la fonction publique. Quelle convergence exceptionnelle, vraiment, avec un rapport qui se propose de détruire le statut des enseignants !

 

Or les dirigeants de la FSU, réunis le 29 septembre, ont salué le plan Borloo, plan réactionnaire, en ces termes :

« Le plan Borloo, s’il affiche une volonté de lutte contre les exclusions qu’on ne peut que partager et s’il contient des mesures ponctuellement intéressantes, est cependant inscrit dans une logique libérale contradictoire avec ses objectifs même » !


Le budget 2005, budget d’application anticipée de la « loi d’orientation » 


Dans Libération du 22 septembre, on lit :

« Pour la troisième année consécutive, l'Education nationale va en effet supprimer des postes. Sauf coup de théâtre, le ministre devrait officialiser 5 500 suppressions de postes d'enseignants dans les collèges et les lycées (3 400 titulaires et 2 100 non-titulaires) et 800 suppressions de postes de personnels administratifs. A quoi il faudra ajouter, hors budget mais bien visible sur le terrain, quelques suppressions liées au «plan de retour à l'équilibre» engagé voici trois ans (l'Education doit «rendre» aux Finances les postes qu'elle dépensait en sus de son budget). »

 

On peut ajouter côté « créations de poste », que les 1000 postes réservés au primaire, sont absorbés à hauteur d’un tiers par la seule Mayotte, tandis que 50 000 élèves supplémentaires sont attendus en cette rentrée dans les écoles ! Pendant ce temps là, les contractuels sont licenciés massivement, 5000 licenciements dans toute la France, un vrai « plan social » ! Dans l’académie de Clermont-Ferrand, le bulletin académique relève que 94 % des contractuels n’ont pas été réemployés en cette rentrée !

 

Le gouvernement annonce pourtant des créations de postes aux concours ? Trompe-l’œil. Selon Libération du 22/09 :

«  Colossale finesse : le ministère devrait ouvrir environ 14 000 postes aux concours du second degré contre 13 000 cette année; mais ils seront loin de compenser les 18 500 départs à la retraite prévus l'année où les impétrants prendront leurs fonctions »

 

A ce sujet il faut souligner l’importance que la commission Thélot a accordée à la réforme de la procédure budgétaire de l’Etat :

«la mise en œuvre de la LOLF permet de structurer le budget de l’éducation en programmes, missions, actions, fondé sur des critères d’évaluation, ce devrait être l’objet d’un débat annuel au Parlement sur les résultats de l’Ecole. »

Une conception toute particulière du budget ! Le rapport se félicite des départs à la retraite de 43 % des enseignants d’ici 2012, ce qui devrait « renouveler et revaloriser ce métier ». Et le budget 2005 s’y colle !

 

Or, que font les directions syndicales ? Dans une déclaration commune FAEN, FCPE, FERC-CGT, FIDL, FSU, SGEN-CFDT, UNL, UNSA-EDUCATION, on lit :

« Parce que nous voulons que le système éducatif permette à tous les jeunes de réussir, nous nous adressons solennellement au gouvernement pour que le budget 2005 soit profondément modifié. »

 

Mais il n’y a là aucune des revendications élémentaires de défense des personnels : aucune suppression de poste, remplacement de tous les départs en retraite ! Pas plus qu’ils ne revendiquent le rattrapage du pouvoir d’achat, dont ce projet de budget programme une nouvelle perte. Aucune des revendications dont la conclusion logique ne serait « à bas le budget !»

 

Au contraire, les directions syndicales ont lancé une « opération carton rouge », cartons sur lesquels est écrit, à l’attention du premier ministre « nous exigeons que le budget soit profondément modifié ». On peut supposer qu les directions syndicales connaissent suffisamment le sport pour savoir que l’on a jamais vu un joueur recevoir un carton rouge accompagné d’un encouragement à poursuivre la partie avec de meilleures intentions ! Quelle dérision que ce bout de papier, qui devrait être accompagné de « manifestations unitaires » à l’automne – telle est en tout cas la proposition de la FSU.

 

Et dans le même temps, nombre de signataires de cet appel affirment tout haut, comme la direction UNSA-Education :

« le rapport Thélot donne de vraies pistes pour améliorer le système éducatif » !

 

Pourtant une autre voie existe.


Permettre aux enseignants de résister, c’est combattre pour imposer aux directions syndicales
que soit rompue la concertation sur la loi d’orientation, que le projet de budget soit combattu


Nul ne peut nier les conséquences sur les enseignants, les personnels, de la défaite subie en mai-juin 2003, leurs efforts dispersés en kyrielles de « grèves reconductibles », et autres « temps forts » assassins. Chacun le sait, à commencer par le gouvernement, et les appareils syndicaux, qui comptent sur ceux-ci pour poursuivre jusqu’au bout leur « pas de deux » jusqu'au vote de la loi d’orientation. D’autant que le PS, et le PCF, pour lesquels les enseignants ont massivement voté aux Régionales, ne proposent aux enseignants que de subir la « loi d’orientation » en attendant 2007.

 

Mais rien n’est joué. Les enseignants, les personnels, ne peuvent que ressentir la nécessité d’empêcher le coup profond qui se prépare ne soit pas porté. La nécessité de trouver les moyens de combattre, efficacement, le gouvernement et sa politique, peut s’imposer.

 

Pour cela, il faut militer sur la ligne d’exiger des directions syndicales de l’enseignement

- qu’elles rejettent intégralement le rapport Thélot,

- qu’elles refusent de s’associer de quelque manière que ce soit à la préparation de la « loi d’orientation », ce qui pourrait commencer par le boycott du Conseil Supérieur de l’Education du 14 octobre.

- qu’elles préparent le combat pour que celle-ci ne voie jamais le jour.

 

Leur responsabilité à cet égard est écrasante.

 

Une première échéance permettrait que les enseignants reprennent la voie du combat contre le gouvernement, la présentation du budget 2005 de l’enseignement à l’Assemblée nationale. Là encore, il s’agit d’exiger des directions syndicales FSU (SNES, SNU), CGT, FO, qu’ensemble elles organisent et appellent à une manifestation centrale, nationale, des enseignants à l’Assemblée pour signifier : « à bas le budget ».

 

Une telle initiative serait de nature à inverser le cours des choses, permettrait que se rassemble à nouveau au grand jour la force que représentent potentiellement les travailleurs de l’enseignement public, qu’elle se dresse face au gouvernement et sa majorité parlementaire.

 

C’est aussi sur cette orientation qu’il faudra intervenir dans les échéances syndicales dont une, majeure en ces circonstances, le prochain congrès du SNES, sur la même orientation, qui somme toute se ramène au fait que c’est le combat déterminé, dans l’unité des organisations, pour combattre et vaincre le gouvernement, pour lui porter un coup d’arrêt, qui est la seule issue positive.

 

 

Le 30 septembre 2004

 


Vers la section : enseignement public


Retour à l’accueil