Rapport
sur la situation française adopté par la 2ème (13ème)
conférence du cercle pour la construction du parti ouvrier révolutionnaire, de
l'Internationale ouvrière révolutionnaire, deuxième partie
Tirer le bilan de cinq ans de "gauche plurielle"
Sommaire:
1997: Chirac subit une défaite cinglante, élection d'une
majorité PS PCF à l'Assemblée
Cinq années de coups sévères aux acquis ouvriers…
… cinq années d'association des dirigeants syndicaux, qui
ont dessiné une cogestion à la française
… et à la "refondation sociale", soutien direct
au Capital
A plusieurs reprises, les travailleurs ont engagé le
combat
Une immense confusion politique…
L'aboutissant: la victoire de Chirac et de l'Ump en
mai-juin 2002
L’élection de Chirac, la victoire de l’UMP : un
retournement spectaculaire
Vérification de l'appréciation portée par notre Cercle sur
l'évolution de la situation politique.
Cinq ans d'intervention au compte de la construction du
P.O.R.
Sur le terrain de l'internationalisme prolétarien
En perspective: la reconstruction du mouvement ouvrier sur
un nouvel axe
Chirac avait dissous l'Assemblée nationale, dans la foulée
du vote de la loi Debré anti-immigrés, afin de disposer d'une majorité à sa
botte jusqu'à la fin de son mandat et de mener à bien une offensive
réactionnaire tous azimuts. Le verdict des élections fut sans appel: à bas
Chirac! Un mouvement réel, même limité, vers le vote PS (et PCF), conjugué à la
crise des partis bourgeois (exprimée par le poids du FN), aboutit à ce que la
dissolution qui se voulait un plébiscite aboutisse à son contraire: l'échec de
Chirac, du RPR et de l'UDF; l'élection d'une majorité de députés du PS et du
PCF à l'Assemblée nationale (les partis bourgeois restant nettement
majoritaires en voix au second tour).
Aussitôt, alors que la question de l'éjection de
Chirac était directement posée, le PS et le PCF volaient à son secours en
respectant le cadre de la 5ème République, en acceptant de
constituer un gouvernement de coalition avec des formations bourgeoises
maintenant Chirac et lui reconnaissant l'intégralité des prérogatives qui lui
confère la constitution. Le gouvernement de la "gauche plurielle",
gouvernement bourgeois, se constituait
d'emblée comme un moyen d'effacer le contenu du vote aux législatives, vote qui
appelait l'exigence "A bas Chirac!", et qui permettait que soit
constitué un gouvernement des seuls PS et PCF, appuyé sur leur majorité à
l'Assemblée nationale, gouvernement dont les travailleurs auraient exigé qu'il
satisfasse leurs revendications, et pour commencer la rupture avec la politique
du gouvernement Chirac-Juppé, RPR-UDF.
Au contraire, le gouvernement de la "gauche
plurielle" maintenait et prolongeait l'essentiel de la politique des
Chirac-Juppé. Renault Vilvorde: fermé. France-Telecom: privatisé. Le plan Juppé
de mise sous tutelle de la Sécurité Sociale et de l'hôpital public: mené à son
terme. Le pouvoir d'achat des fonctionnaires: maintenu à la baisse. A vrai
dire, le gouvernement de la "gauche plurielle" a même plus privatisé
que ses deux prédécesseurs RPR-UDF. La loi Chevènement sur les
"sans-papiers" prolongeait pour l'essentiel la loi Debré et les expulsions,
tandis que se dessinait bien vite les mesures de renforcement des pouvoirs de
la Police, via son redéploiement et l'utilisation de la "police de
proximité". Le traité d'Amsterdam et la marche à l'Euro avec leurs
conséquences en termes de réduction des dépenses publiques étaient également
maintenus. Les baisses d'impôts, sur le revenu (profitant d'abord par
définition à la bourgeoisie), sur les bénéfices, ont été amplifiées.
De nombreuses affiches placardées par le PS pour les élections vantaient le bilan du
gouvernement de la "gauche plurielle", et notamment les "35
heures". Les lois Aubry sur "l'aménagement et la réduction du temps
de travail" sont incontestablement une des réalisations majeures de ce
gouvernement. Au compte de qui? Des patrons. Elles lui ont même valu les
félicitations du Financial Times qui les a à juste titre appréciées
comme l'instrument par excellence de généralisation de la flexibilité!
De fait, les deux lois Aubry ont largement contribué
à l'élévation du taux d'utilisation des capacités de production constatée en
France depuis 1998. Ce sont des lois qui ont permis au patronat de faire voler
en éclat la référence hebdomadaire du temps de travail au profit d'une
référence annuelle, d'introduire une flexibilité horaire considérable,
d'élargir l'amplitude des horaires de travail, de ne plus payer en pratique les
heures supplémentaires. Qui plus est, la majeure partie des accords signés
contiennent des clauses de gel des salaires. Lois de flexibilité, lois de
baisse du pouvoir d'achat voire des salaires, les lois Aubry sont également des
lois de démantèlement à tous les niveaux des garanties collectives de la classe
ouvrière.
Il faut également mentionner sous le nom de Martine
Aubry la création des emplois-jeunes. En effet, il ne s'agit de rien d'autre
que de contrats à durée déterminée de cinq ans. Le Medef d'ailleurs ne cesse de
réclamer la même "souplesse" dans le secteur privé. Ces
"emplois" en forme de cul-de-sac pour des centaines de milliers de
jeunes se sont substitués à l'embauche de fonctionnaires sous statut, et, avec
les concours dits de "troisième voie" ouverts aux emplois-jeunes,
sont maintenant utilisés pour déqualifier les emplois de la fonction publique.
Autre élément marquant de la politique
gouvernementale: la création de fonds de pension. En effet, la loi Fabius
créant les plans partenariaux d'épargne salariale est une loi créant de
véritables fonds de pension, c'est-à-dire un pactole financé par les salaires
des travailleurs, profitant au patronat, à la capacité de financement et de
manœuvre des entreprises, liant les travailleurs in fine aux résultats
de leur propre exploitation.
Cette création est d'autant plus spectaculaire que,
jusque là, le Parti Socialiste professait officiellement le refus des fonds de
pension, de la mise à disposition des entreprises d'une réserve en capital
abondée par les salariés. La possibilité offerte d'une sortie en rente de ces fonds
de pension en fait aussi le premier élément tangible de la mise en place de la
retraite par capitalisation, contre la retraite par répartition.
Autre "réalisation" du gouvernement de la
"gauche plurielle" allant dans le même sens: la "prime pour l'emploi",
inspirée par les économistes dits "néo libéraux", qui prétend lutter
contre les "trappes à inactivité", et en fait qui offre un point
d'appui au refus patronal d'augmenter les salaires.
En matière d'impôts, L.Fabius s'est rengorgé de
présenter "le plan d'allègement et de réforme des impôts le plus ample
depuis 50 ans", et les patrons apprécient: "le tabou a sauté"
en parlant de l'impôt sur le revenu.
S'il fallait un résumé des résultats de la politique
du gouvernement, ce pourrait être, d'un côté, le développement durant la législature de puissants groupes
français, tel Vivendi Universal. De l'autre, le feu vert de la "gauche
plurielle" à tous les licenciements, notamment chez Michelin, Danone, Moulinex-Brandt,
etc. La situation des masses a empiré (précarité, pouvoir d'achat,
rétablissement du travail de nuit des femmes, etc.), de nombreux acquis ont été
perdus (ainsi dans les banques la convention collective, à cause des appareils
syndicaux).
La politique du gouvernement de la "gauche
plurielle" se concentre dans sa défense de l'impérialisme français. Il a
participé aussi activement qu'il lui a été possible à deux guerres d'agression
contre des Etats dominés. En 1999, pour ravager et mettre la RFY
(Serbie-Montenegro) à genoux devant l'impérialisme; en 2001 pour collaborer à
la mise sous tutelle coloniale de l'Afghanistan et derrière celui-ci de toute
l'Asie centrale et ses ressources naturelles. Et encore, dans les zones
directement sous influence française, comme le Congo ou la République centrafricaine,
militaires et conseillers français sont intervenus directement pour soutenir
les régimes pourris qui perpétuent l'oppression coloniale de l'Afrique.
Comment cette politique, dans toute son ampleur,
a-t-elle pu être menée? Plus qu'aucun gouvernement avant lui, le gouvernement
dirigé par Jospin a systématiquement associé à la réalisation de sa politique
les "partenaires sociaux", en fait, les dirigeants des confédérations
et fédérations ouvrières (CGT, FO).
Non sans cynisme, Jospin expliquait au lendemain de
l'annonce de sa candidature qu'il n'avait pu mener la "réforme" des
retraites par la faute … du gouvernement Chirac-Juppé qui n'aurait pas
suffisamment procédé en 1995 à la concertation pour faire passer sa
"réforme" (la même, donc).
Mais il n'y a pas que de la
"concertation". En cinq années s'est dessinée une situation nouvelle du
point de vue de la place que les organisations syndicales occupent dans ce
pays. Le gouvernement de la "gauche plurielle" a posé les premiers
éléments d'une véritable "cogestion". On peut le mesurer sur trois
questions: "l'Aménagement (Réduction) du Temps de Travail", l'épargne
salariale, et les licenciements. Dans ces trois domaines fondamentaux, les
dirigeants syndicaux ne sont plus simplement associés, consultés. C'est
légalement qu'ils sont devenus les piliers sur lesquels s'appuient les attaques
anti-ouvrières.
Prenons les lois Aubry d'ARTT. Elles rendent
obligatoires des négociations et la conclusion d'un accord de branche ou
d'entreprise avec les organisations syndicales (ou leurs
"mandataires") pour que soient instaurées flexibilité, annualisation,
et baisse des salaires. Branche par branche, entreprise par entreprise, la
participation des organisations syndicales ouvrières aux négociations, voire
leur accord, est indispensable pour accroître l'exploitation. Y compris dans
les secteurs de la fonction publique hospitalière (la loi de
"modernisation sociale" obligeant à la négociation dans chaque
hôpital de "projets sociaux d'établissement") et territoriale.
Prenons l'épargne salariale. Les fonds de pension
ainsi créés seront directement cogérés par les organisations syndicales au
niveau de chaque entreprise ou groupe d'entreprises.
Prenons, enfin, la loi de "modernisation
sociale", en son volet "licenciements". Elle renforce
l'obligation d'associer, jusqu'au bout, des organisations syndicales ouvrières
à l'élaboration et la mise en œuvre des "plans sociaux", de
suppressions d'emploi. Même les licenciements doivent être cogérés!
Ce processus est une négation du rôle des
organisations syndicales, construites historiquement pour défendre les
revendications des travailleurs, et au contraire les corsetant tant et plus du
fait de la politique de leurs directions.
Rien n'obligeait les dirigeants syndicaux à
s'engager dans cette cogestion sur des points aussi décisifs. Rien ne les
forçait à se faire les agents les plus directs et les plus efficaces de la mise
en œuvre de la politique de "contre-réformes" de la "gauche
plurielle", sinon leur propre volonté, sinon le soutien qu'ils ont décidé
de lui apporter, du fait de leur attachement indéfectible au mode de production
capitaliste.
Ce sont eux qui ont permis que s'applique partout la
loi Aubry d'ARTT, et son extension aux entreprises publiques, loi qualifiée, il
faut le rappeler, par Louis Viannet (CGT) de "plus grande avancée
sociale depuis 1936" tandis que les dirigeants de la FSU en
réclamaient à grands cris l'application à l'enseignement public. Un des accords
les plus favorables au patronat en termes de flexibilité horaire, celui de la
métallurgie, a été obtenu grâce à la signature de la fédération Force Ouvrière.
A la SNCF, alors que se dessinait en avril 1999 un mouvement de fond contre l'application
de l'ARTT (qui accroissait la durée journalière de travail des conducteurs), la
fédération CGT (d'où est issu Bernard Thibault) a fait passer contre la volonté
de ses syndiqués la consigne donnée par JC Gayssot et Robert Hue ("si
j'étais cheminot, je ne ferais pas grève"). Dans l'enseignement
public, le syndicat FSU des ouvriers et les agents a signé un protocole
d'application de l'ARTT qui les rend taillables et corvéables à merci. Et dans
chaque entreprise, chaque branche, les syndicats et fédérations CGT et FO
sortent leur stylo à qui mieux mieux, de quoi faire pâlir l'organisation
réactionnaire CFDT.
En matière de licenciements, les dirigeants CGT ont
salué en termes à peine voilé la loi de "modernisation sociale". Mais
dès cet été, à AOM-Air Liberté, cette loi s'appliquait de manière anticipée:
les dirigeants syndicaux de l'entreprise ont définis eux-mêmes les critères de
licenciements, ont pour ainsi dire dressé la liste des licenciés. Dans le même
ordre d'idée, tous les "plans sociaux" de ces derniers mois
(Moulinex, Bata, Danone) ont fait l'objet d'intenses négociations dans les
dites entreprises. Nulle part les dirigeants syndicaux n'ont mis en avant
l'exigence, claire nette et précise qui manifeste le refus de la classe
ouvrière de se laisser réduire au chômage: "aucune suppression d'emploi,
aucun licenciement".
Quant à la mise en place de l'épargne salariale, des
fonds de pension et de la retraite par capitalisation, elle est l'occasion pour
les dirigeants confédéraux CGT, assistés par les organisations CFDT, CFTC et
CGC, de franchir une nouvelle étape. Dans une déclaration commune, fin janvier,
ils se proposaient de "mettre l'épargne salariale au service des
salariés", et définissaient les critères qui rendraient les fonds de
pension acceptables ("éthiques", à la manière des catholiques) à
leurs yeux. Depuis, l'activité principale des dirigeants CGT et de leurs
acolytes en la matière consiste à dépouiller les offres de service qui leur ont
été directement adressées par les organismes financiers, et à les
"valider". Ils se font ainsi les agents régulateurs de ce
"marché" nouvellement ouvert.
Les dirigeants CGT, FO et FSU avaient déjà participé
au C.O.R., le conseil d'orientation des retraites, mis en place par le
gouvernement sur l'objectif avoué de s'en prendre au code des pensions et aux
régimes spéciaux de retraite.
Les dirigeants confédéraux CGT et FO n'ont pas
ménagé leur soutien qu'au gouvernement. "Syndicalisme de proposition"
oblige (selon la définition donnée par le 46° congrès de la CGT), ils ont
permis à la "refondation sociale" d'exister, de prendre son ampleur,
et de déboucher sur les résultats néfastes qui ont été les siens.
Après avoir répondu positivement à l'invitation du
Medef, c'est avec lui, avec les organisations d'origine chrétiennes et
réactionnaires que sont la CFDT et la CFTC, ainsi qu'avec la non moins
réactionnaire et corporatiste CGC, que l'ordre du jour de la "refondation
sociale" a été élaboré en commun.
Ne pouvant supposer que les dirigeants CGT et FO
avaient des doutes sur les intentions du Medef, qui ne les cachait pas, il faut
conclure: ces dirigeants syndicaux ont pavé la voie à une offensive redoutable
contre les travailleurs et la jeunesse, en refusant de boycotter et combattre
la "refondation sociale" et ses divers chantiers.
Car quel est le bilan de la "refondation
sociale"? Affaiblissement de la médecine du travail. Engagement de la liquidation
de l'ANPE et flicage des chômeurs avec le PARE (que les dirigeants CGT et FO,
après avoir refusé de signer, ont accepté implicitement en signant quelques
mois plus tard la nouvelle convention de gestion de l'Unedic). L'allongement de
la durée de cotisation en matière de retraites complémentaires n'a été évitée
que grâce à l'importante mobilisation de janvier 2001, toutefois le patronat a
empoché directement les milliards d'excédents du régime. Enfin, le chantier sur
la "négociation collective" a abouti en juillet dernier à un accord
qui ouvre la voie à la primauté de l'accord entreprise par entreprise sur
l'accord de branche, même s'il est moins favorable.
Ce bilan est entièrement à mettre au compte des
dirigeants syndicaux confédéraux CGT et FO, sans la participation desquels ces
acquis engrangés par le Medef n'auraient pas vu le jour.
Depuis 1997, et surtout à partir de 1999 (après que
le nombre de jours de grève ait atteint des plus bas historiques en 1997 et
1998), à plusieurs reprises, les travailleurs ont engagé d'importants combats
contre le gouvernement et sa politique, contre le patronat.
Les agents des finances ont lutté pendant plusieurs
mois contre un plan gouvernemental de "restructuration" brutale de
leur administration, le plan Sautter, lutte fragmentée et affaiblie
systématiquement par les dirigeants des fédérations syndicales CGT et FO
(grèves tournantes, …). Leur combat acharné a pourtant eu un écho jusqu'au sein
du groupe PS à l'Assemblée, où nombre de députés ont manifesté leur inquiétude
devant les conséquences électorales pour eux (législatives partielles).
En mars 2000, les agents réussissaient à imposer aux
dirigeants fédéraux la rupture des négociations sur le plan Sautter. Le
syndicat FO-impôts allait même jusqu'à appeler à la grève générale. Alors que
des centaines de milliers d'enseignants étaient entrés en mouvement de leur
côté, le gouvernement décidait de retirer le plan Sautter, subissant ainsi un
échec net et cinglant.
Les enseignants du primaire de l'Hérault et du Gard
de leur côté ont mené une longue lutte pour obtenir les postes nécessaires.
Dans l'Hérault ils ont constitué un comité de grève départemental intégrant les
organisations syndicales, dont une délégation s'est rendue à Paris pour exiger
des directions nationales des syndicats du premier degré qu'elles appellent à
la grève générale.
Cette exigence s'est manifestée alors que les
enseignants des lycées professionnels faisaient massivement grève pour la
défense de leur statut, ceux des collèges cherchaient à obtenir par la grève
des créations massives de postes, ceux des lycées voulaient le retrait de la
"réforme" gouvernementale les touchant.
De nombreuses Assemblées générales et adresses
d'enseignants ont exigé l'appel par les directions de leurs fédérations à la
grève générale (quoique l'absence de parti ouvrier révolutionnaire en cette
circonstance se soit particulièrement fait sentir), tandis que d'autres
allaient vertement interpeller les dirigeants du PS.
Mais les dirigeants de la FSU et de ses syndicats,
ceux du SE-FEN, se sont opposés à la grève générale, ont dévoyé le combat et
les revendications des enseignants contre la politique gouvernementale, le
personnalisant en un combat contre un seul ministre, certes particulièrement
répugnant (Allègre).
Aussi le gouvernement sortait-il de février-mars
2000 "dévalué" (Jospin dixit) après sa capitulation aux Finances,
remanié, mais encore en position de poursuivre sa politique de contre-réformes
(ainsi dans l'enseignement celle des IUFM, des collèges, etc.).
D'autres secteurs ont combattu. A la SNCF, début
avril 2001, les conducteurs ont vu leur grève contre le projet "cap
client" isolée et cadenassée par l'appareil CGT au premier chef, émiettée
une nouvelle fois en une kyrielle de grèves locales "reconductibles",
sans centralisation.
Dans les hôpitaux, une première fois fin 1999, début
2000, les personnels ont lutté pour leurs revendications. Les appareils de la
santé leur ont opposé le cadre de la négociation sur l'ARTT, qui, disaient-ils,
amènerait la création des postes nécessaires. Du dernier trimestre 2001 à
février 2002, de nombreuses grèves ont secoué les hôpitaux, contre le protocole
Guigou d'application de l'ARTT (soutenu par la seule CFDT), pour son retrait.
A nouveau l'exigence a été adressée aux dirigeants
des fédérations qu'ils appellent à la grève générale, mais encore qu'ils
appellent à manifester à l'Assemblée nationale contre le vote de la loi de
financement de la sécurité sociale ou du budget des hôpitaux. Les bureaucrates
syndicaux ont pu résister et multiplier les journées d'action se situant dans
la seule perspective de "négociations" avec le gouvernement. Avec une
moindre force, les travailleurs de La Poste ont connu les mêmes processus en
1999, isolés département par département quand ce n'était pas centre par
centre, bureau par bureau.
Enfin, il faut relever les grèves dans plusieurs
entreprises du secteur privé, le plus souvent contre les licenciements (à
Moulinex, Danone, ou Bata, usine dans laquelle les travailleurs ont mis en
place un piquet de grève et mis sous leur contrôle les stocks) ou aussi pour
des augmentations de salaires (comme encore aujourd'hui la FNAC ou Go Sport),
contre l'application de la loi Aubry et ses effets. Parfois, sur la question
des licenciements, les députés PS et PCF ont dû louvoyer. Ainsi le PCF
refusait-il en juin 2001 de voter la loi de "modernisation sociale"
qu'il avait adoptée lors de sa lecture précédente sans sourciller, tandis que
plusieurs députés PS essayaient de lui donner un vernis plus présentable aux
yeux des travailleurs licenciés ou en passe de l'être. Mais nulle part les directions syndicales
n'ont pris position pour interdire les licenciements, pour s'opposer
inconditionnellement à la fermeture de sites. A Danone, elles ont même utilisé
le mot d'ordre de "boycott" … adressé aux "consommateurs".
Enfin, en mai 2001, la tenue à l'initiative de
l'intersyndicale de Danone d'une réunion nationale regroupant l'ensemble des
représentants des travailleurs menacés de licenciement posait la question d'une
manifestation à Paris, à l'Assemblée, pour exiger de la majorité PS PCF qu'elle
interdise les licenciements. Au contraire, le PCF réussissait (avec la caution
de l'extrême-gauche, LCR et LO en tête) à mettre sur pied une manifestation le
9 juin dont l'axe était de s'inscrire dans le débat sur la loi de
"modernisation sociale", tandis que la direction CGT mettait sur pied
sa propre initiative.
Mais ce qui a sous-tendu la capacité des appareils
syndicaux de préserver le gouvernement et sa capacité d'action contre les
travailleurs, c'est l'absence de réponse à la question du pouvoir. Toute lutte
sérieuse, comme celles mentionnées plus haut, posent la question du
gouvernement. Confrontés, dans ses divers aspects, à la politique de la
"gauche plurielle" (alliance du PS, du PCF, avec les Verts, Radicaux
et Citoyens), le prolétariat, la jeunesse, se heurtaient forcément à la
question: "quel autre gouvernement, pour quelle autre politique permettant
que les revendications soient satisfaites"?
A cette question, le résultat des élections de 1997
permettait d'apporter la réponse la plus concrète qui soit, étant donné
l'existence depuis lors d'une majorité PS-PCF à l'Assemblée nationale :
combattre en direction de cette majorité pour qu'elle cesse de soutenir la
politique du gouvernement, qu'elle donne satisfaction aux revendications des
travailleurs, bref qu'elle décide de constituer un gouvernement PS-PCF sans
représentant des formations bourgeoises, signifiant par là même qu'elle cessait
de se situer dans le cadre de la 5ème République et qu'elle chassait Chirac. Ce n'est que sur cette
orientation qu'il était possible de permettre que la défaite politique subie
par les partis bourgeois en 1997 débouche sur une victoire politique pour la
classe ouvrière.
Les initiatives militantes prises sur cette
orientation durant les cinq dernières années ont rencontré un écho non
négligeable, quand bien même elles étaient forcément limitées, faute de parti ouvrier
révolutionnaire ou tout du moins d'organisation révolutionnaire constituée et
combattant sur cette orientation. Mais, en d'autres termes, celle-ci seule,
prenant appui sur les rapports politiques établis en 1997, pouvait permettre
aux travailleurs et jeunes d'utiliser les liens, mêmes ténus, qu'ils
entretiennent avec les partis ouvriers traîtres et dégénérés, à leur avantage.
Au lieu de quoi c'est le contraire qui s'est produit: la place du PS, et aussi
du PCF (qu'on pense à la SNCF) au gouvernement a servi à boucher toute
perspective alternative à la classe ouvrière. Concernant le PCF, relevons ces
propos de Jospin dans Le Temps de répondre:
"JC
Gayssot est un homme chaleureux, bosseur, malin et expérimenté, ayant une
connaissance intime du syndicalisme – ce qui lui a été utile à plusieurs
reprises. Capable de débrouiller des dossiers difficiles, il apporte beaucoup
au gouvernement".
Aussi faut-il le constater, malgré les combats
engagés dans tel ou tel secteur, le gouvernement dirigé par Jospin aura eu dans
l'ensemble les moyens politiques de mener son offensive contre les conditions
de travail et d'existence des travailleurs et des jeunes. Les premiers
responsables en sont bien sûr les dirigeants des appareils bureaucratiques CGT
et FO, qui ont fait œuvre d'allégeance totale au gouvernement de la
"gauche plurielle". Mais encore: ces dirigeants ont pu appliquer
l'orientation définie principalement au 46ème congrès de la CGT (le
"syndicalisme de proposition") dans la mesure où, dans les
rangs du prolétariat, coexiste avec un potentiel de combat certain une grande
désillusion et un grand désarroi politiques.
Les sources de cette confusion politique ne sont
guère mystérieuses. En 1981, l'élection de F.Mitterrand, premier secrétaire du
PS, et celle d'une majorité de députés PS et PCF, ont constitué une défaite
historique des partis bourgeois. En 1988 et 1997, à nouveau, les principaux
partis bourgeois ont été chassés du pouvoir. A chaque fois, bien que cela
n'était pas écrit à l'avance, c'est une politique toujours tournée contre les
travailleurs, au profit des capitalistes, qui a été menée. A chaque fois, les
appareils syndicaux ont collé aux basques des gouvernements bourgeois de
coalition mis en place par Mitterrand puis Jospin depuis 1997.
En ces circonstances, il a manqué une organisation
ouvrière révolutionnaire, que l'existence de l'OCI/PCI donnait la possibilité
de construire . L'abandon par sa direction de sa politique de combat sur l'axe
du front unique des organisations ouvrières contre les gouvernements à la solde
du capital d'union de la gauche/front populaire, pour le gouvernement ouvrier,
l'a interdit. Cette trahison a débouché sur la liquidation du PCI en 1991.
Et il faut surtout considérer ce qu'a signifié le
processus de restauration du capitalisme dans les pays d'où le capital avait
été exproprié, à commencer par l'URSS. C'est là une source majeure de confusion
politique. Il semble à des larges fractions des masses populaires que rien
d'autre ne soit possible que le capitalisme.
C'est dans ces données objectives, dans la politique
du PS, du PCF, des appareils syndicaux, qui ont officiellement fait allégeance
au mode de production capitaliste, qu'il faut chercher la raison du désarroi
qui étreint les masses, qui se traduit par ces scènes - exhibées à satiété par
les médias - de travailleurs se félicitant à chaudes embrassades que le
"plan social" frappant leur entreprise ferme l'usine d'à côté et non
la leur.
Lors des élections, c'est par millions que les
ouvriers en particulier n'ont pas voté sans qu'ils n'y ait quoique ce soit de
positif dans ce fait: au contraire, cela exprime d'abord un sentiment
d'impuissance. Et ce sentiment a été largement nourri par la politique qu'ont
déployé à l'occasion des élections le PS, le PCF et les bureaucrates syndicaux.
|
Législatives 1997 (% inscrits) |
Présidentielles 2002 (%
inscrits) |
Législatives 2002 (% inscrits) |
|||
|
1er tour |
2nd tour |
1er tour |
2nd tour |
1er tour |
2nd tour |
Abstention |
32.0 |
28.9 |
28.4 |
20.3 |
35.6 |
39.7 |
Nuls et blancs |
3.4 |
4.5 |
2.4 |
4.3 |
1.4 |
2.6 |
PS |
16.5 |
25.9 |
11.2 |
- |
15.0 |
20.3 |
PCF |
6.4 |
2.5 |
2.3 |
- |
3.1 |
1.9 |
Ext gauche |
1.4 |
- |
7.2 |
- |
1.7 |
- |
Total |
24.3 |
28.4 |
20.7 |
- |
19.8 |
22.2 |
Div g., Mdc |
2.0 |
2.8 |
5.3 |
|
2.6 |
2.0 |
Verts |
4.0 |
1.1 |
3.6 |
|
2.8 |
1.8 |
Divers |
1.2 |
|
2.9 |
|
2.5 |
0.1 |
RPR
– UMP |
10.9 |
15.8 |
13.8 |
62.0 |
21.0 |
27.3 |
UDF
- DL |
9.5 |
14.0 |
7.4 |
- |
3.0 |
2.3 |
Div
d |
3.0 |
0.9 |
2.1 |
- |
3.5 |
0.9 |
Total RPR-UDF-DD |
23.4 |
30.7 |
23.3 |
62.0 |
27.5 |
30.4 |
FN (+MNR) |
9.8 |
3.7 |
13.3 |
13,5 |
7.8 |
1.1 |
CPS n°8 a analysé les résultats des présidentielles.
Aussi nous contenterons nous ici de résumer cette analyse en prolongeant sur ce
qui s'est exprimé dans les élections législatives.
Tout d'abord, les partis ouvriers traîtres et
dégénérés que sont le PS et le PCF ont payé la politique menée depuis cinq ans,
en s'effondrant au premier tour, à un tel point que Jospin n'a même pas été présent
au second tour. Cette baisse n'a pas été compensée par les voix portées sur les
candidats d'extrême gauche pour exprimer la recherche d'une issue politique.
Aux législatives, avec le même niveau particulièrement bas des voix pour les
partis issus du mouvement ouvrier, le PS a récupéré une grande partie des voix
qui s'étaient portées sur l'extrême gauche. Presque pas le PCF, toujours à
l'article de la mort.
D’après
le sondage IPSOS sorti d’urne ”, le Parti socialiste serait le premier
parti chez les 18/24 ans (34%), les ouvriers (30%), les étudiants (35%), les
salariés du public (34%). 45% des électeurs de Laguiller, 40% des électeurs
Mamére et de Besancenot, 30% des électeurs de Chevénement, 22% des électeurs de Robert Hue ont voté
socialiste le 9 juin." L’électorat d’extrême gauche est l’électorat le
plus touché par l’abstention (48%). L’électorat FN, comme celui d’Arlette
Laguiller, est particulièrement touché par l’abstention (34%).
(l'Humanité)
L'abstention ouvrière au premier tour des
présidentielles (et des législatives), exprimant un grand désarroi politique, a
été très importante. Plus grave encore, le FN a conforté aux présidentielles
son implantation dans les couches ouvrières, résultat de vingt années au cours
desquelles le PS et le PCF ont gouverné au compte du capitalisme français.
Dès le premier tour, Chirac avait gagné les
élections. Et ceci quand bien même son score restait dans les étiages du RPR de
ces dernières années (et des scores de Chirac au premier tour depuis vingt
ans). Mais, et cela fut confirmé aux législatives malgré le plébiscite, les
partis traditionnels de la bourgeoisie n'ont pas réellement rassemblé plus que
d'habitude autour d'eux. Dans les législatives, l'UMP fraîchement constituée a
récupéré grâce à la politique réactionnaire du gouvernement Chirac-Raffarin une
partie de l'électorat qui l'avait quitté pour le FN au premier tour des
présidentielles (ce qui avait permis à Le Pen de devancer Jospin). Pour autant,
le FN est loin d'être liquidé, et résiste notamment dans des secteurs
ouvriers (Pas-de-Calais). Il aura
encore un rôle à jouer en relation avec les développements de la crise de
l’impérialisme français.
Mais la défaite politique que représente ipso facto
pour le prolétariat la victoire des partis bourgeois a pris une dimension
particulière du fait de la configuration du second tour des présidentielles.
Chirac a été plébiscité (62% des inscrits). Il l’a été, surtout, à l’appel du
PS, du PCF, de la LCR, et des dirigeants CGT et FSU – avec la notable exception
de FO (et de Lutte ouvrière). Comme l’indiquent les données du tableau
ci-dessus, l’appel au plébiscite a été largement suivi dans la classe ouvrière.
Chirac est ainsi devenu le président le mieux élu de la cinquième République.
Les manifestations spontanées des lycéens, les
imposantes manifestations pour le premier mai, ont hélas été révélatrices de la
situation politique du prolétariat et de la jeunesse. Partant d’aspirations
saines, celles de l’aspiration au combat contre la réaction la plus noire,
incarnée par Le Pen, elles ont été immédiatement prises en main, orientées et
cadenassées par les appareils sur le terrain de la « défense de la
République » (la Cinquième), de la
« démocratie » (bourgeoise). En particulier, il n’y a eu aucune
expression de la volonté de combattre sur un terrain indépendant de la
bourgeoisie, c’est-à-dire de s’orienter pour balayer le FN du pavé – ce qui se
posait avec force le jour du premier mai. A côté de l’expression de la capacité
de combat du prolétariat (ce qui a amené les porte-paroles de la bourgeoisie à
demander que ces manifestations cessent), elles ont montré à quel point la
campagne des appareils pour la « citoyenneté », pour effacer toute
notion de lutte des classes, a opéré d’importants dégâts dans la conscience
politique des travailleurs de ce pays.
Ce contexte politique a naturellement aggravé ce que
représente la victoire de Chirac dans les élections, et a facilité la victoire
de son parti dans les élections (« la gauche a marqué un but contre son
camp en appelant à voter Chirac » - Hollande). Les moyens politiques dont
dispose Chirac (et son gouvernement) sont considérables : un président
plébiscité, une majorité absolue à l’Assemblée pour l’UMP, le contrôle du
Sénat, de l’essentiel des Régions, et cinq longues années devant lui avant les
prochaines échéances électorales nationales. La bourgeoisie, grâce au
plébiscite de Chirac, a pu surmonter au moins pour l’instant la crise chronique
de sa représentation politique telle qu’elle s’est manifestée depuis cinq ans
Cela dit, le prolétariat n’a pas subi de défaite décisive et garde ses
potentialités de combat. .
Qu’on mesure le chemin parcouru depuis 1997 par les
partis bourgeois et Chirac. La dissolution de 1997 était une opération
politique lancée par Chirac, utilisant un contexte politique favorable, pour ressouder
et discipliner derrière lui l’ensemble des partis bourgeois traditionnels,
obtenir une majorité à sa botte durant cinq ans en particulier pour assumer le
« pacte de stabilité ». Il s’agissait ainsi de juguler la crise de
représentation politique de la bourgeoisie française. L’origine de cette crise
réside fondamentalement dans l’échec récurrent des capitalistes à remporter des
victoires décisives sur la classe ouvrière, à réaliser ce qu’étaient les
objectifs fondateurs de la cinquième république : le musellement du
mouvement ouvrier, le confinement des libertés démocratiques : le pouvoir
fort. La lutte de classe du prolétariat a empêché que ces objectifs soient
atteints, de la grève des mineurs de 1963 à la grève générale de mai-juin 68, à
l’élection de Mitterrand et d’une majorité PS-PCF à l’Assemblée nationale en
1981 et 1988. Les grèves et manifestations de novembre-décembre 1995 ont montré
à nouveau l’ampleur des difficultés attendant la bourgeoisie sur ce plan, quand
bien même le gouvernement Chirac-Raffarin n’aura de cesse que de chercher à
reprendre la marche au corporatisme d’une manière ou d’une autre.
C’est cet échec récurrent, ses conséquences sur la
perte régulière d’influence de la bourgeoisie française à l’échelle
internationale et au sein de l’Union Européenne, qui expliquent la recherche
par des secteurs du grand Capital d’instruments politiques leur permettant de
marquer cette nécessité du pouvoir fort, tels le Front National dont les succès
électoraux ouvrent la porte à l’ensemble des partis bourgeois pour s’en prendre
notamment aux libertés démocratiques et aux travailleurs immigrés.
En ratant, et notamment à cause du poids important
du FN, sa dissolution plébiscite, Chirac avait accru la crise des partis
bourgeois traditionnels. En 1998, les régionales en étaient un paroxysme. Le
poids du FN (accru encore par le mode de scrutin) rendait la tentation de
l’alliance avec lui brûlante pour les barons du RPR et de l’UDF cherchant à
garder le contrôle des régions. Inversement, pour ne pas être explosive
politiquement, une telle alliance nécessitait que le FN mute à l’instar de son
parti frère en Italie, bien sûr en adoucissant ses positions sur l’Europe mais
d’abord en se « limant les dents ». Le bras de fer engagé aboutit à l’explosion
de l’UDF, à une crise grave au sein du RPR, dont une grande partie refusait les
consignes et les candidats de Chirac jusque dans la région Ile-de-France … au
choc en retour de la scission au sein du FN.
En 1999, les européennes indiquaient, avec le succès
de la liste Pasqua-Villiers contre la liste RPR Sarkozy (quoique les questions
de personnes y aient joué), à quel point cette crise était encore aiguë, quand
bien même l’élément central de ces élections était l’interdiction au
prolétariat d’exister sur cette scène politique. Mais la crise du FN, puis
celle du RPF, rassemblement instable, redonnaient de l'air aux partis bourgeois
principaux – mais d'abord le fait que le PS et le PCF couvraient totalement le
gouvernement de la "gauche plurielle" et sa politique.
Il n'empêche que Chirac en particulier a dû essuyer
encore une série d'échecs personnels: celui de son candidat Delevoye contre
Alliot-Marie à la présidence du RPR,
celui de la perte de la Mairie de Paris – alors que le RPR et l'UDF
remportaient les élections municipales, et d'une manière générale, les
"affaires" (cf. le cri "Chirac en prison!"), campagne qui
indiquait en partie que des secteurs de la bourgeoisie cherchaient à se
débarrasser de cet "homme aux semelles de plomb".
Le PS, et le PCF, ont joué un rôle décisif dans le
maintien de Chirac à la tête de l'Etat, acharnés qu'ils étaient à défendre les
institutions de la 5ème République. Ils l'ont protégé des
conséquences des affaires (y compris contre le député PS Montebourg, réélu haut
la main lors des législatives contre l'avocat de Chirac) et de ses propres défaites politiques, lui
ont permis de conserver un rôle et de reprendre l'initiative, de se présenter.
L'appel qu'ils ont formulé en faveur du plébiscite de Chirac a couronné cinq
ans où ils ont joué, bien plus que le RPR tiraillé et travaillé par sa propre
crise, le rôle de gardes du corps du président.
La constitution de l'UMP est importante. Durant son
premier mandat, Chirac avait essayé de multiplier les formules rassemblant les
partis bourgeois essentiels dans une coalition sous son égide. En vain. Le
plébiscite dont il a été l'objet lui a enfin permis d'aboutir. L'UMP ne peut
être éphémère: les ponts vers l'arrière ont été brûlés, à commencer par les
finances du RPR, de DL et d'une grande partie de l'UDF, qui sont captées. Pour
la première fois sous la cinquième République, un seul parti bourgeois détient
la majorité absolue à l'Assemblée. A plus forte raison si le mode de scrutin
est modifié, l'UMP deviendra la machine électorale principale de la classe
capitaliste. Ce n'est pas rien. A une étape ultérieure, les contradictions de
la bourgeoisie française se reflèteront et menaceront l'existence de l'UMP.
Mais pour le moment, sa constitution est un succès réel pour la bourgeoisie.
Ce rapport ne serait pas complet s'il ne cherchait pas
à donner des éléments de bilan de nos appréciations et de notre orientation
politique durant les cinq années de gouvernement de la "gauche
plurielle". Non seulement il est nécessaire par principe de vérifier la
validité de celles-ci, mais il l'est d'autant plus que ces cinq années ont été
aussi, à notre niveau, marquées par la crise dislocatrice qui a tué le Comité
de Stéphane Just au lendemain du décès de celui-ci.
Une chose est d'avoir apprécié la modification dans
les rapports politiques que constituait en 1997 la défaite de Chirac,
l'élection d'une majorité PS-PCF à l'Assemblée, la formation du gouvernement de
coalition PS-PCF-Verts-Radicaux-MDC. Les traits fondamentaux de l'étape
politique ainsi ouverte nous ont amené à définir l'orientation du combat pour
en finir avec Chirac, pour un gouvernement PS-PCF sans ministres bourgeois que
les masses pouvaient imposer à la majorité PS-PCF à l'Assemblée nationale,
objectifs politiques du front unique des organisations ouvrières (partis comme
syndicats). Ce qu'il s'agissait de faire en tenant compte de la particularité
de ces rapports politiques, par exemple de la relativité de la majorité PS-PCF
(quoiqu'il ne s'agissait pas une fois l'analyse établie d'insister sur la
relativité de cette majorité dans l'intervention, mais sur son existence), mais
fondamentalement que nous n'assistions pas à la réouverture de l'étape
politique 1981-1993 (cf. notre XI° Conférence).
Mais autre chose est d'avoir apprécié correctement les rapports entre
les classes et leur modification, appréciation qui permet de comprendre la
capacité qu'a eu le gouvernement dirigé par Jospin a surclasser au compte du
Capital le bilan des gouvernements formés par Mitterrand entre 1981 et 1993.
Pour ce faire, le plus simple est de recourir à des
extraits des éditoriaux de CPS depuis cinq ans, qui doivent pour
s'apprécier être lus en relation avec le graphique ci-dessous qui donne la
courbe des jours de grève en France, qui, avec les manifestations, permettent
de mesurer l'activité de la classe ouvrière et de la jeunesse.
(NB:
la légende du graphique de la DARES est inversée entre la fonction publique et
les entreprises. Par ailleurs, il ne tient pas compte des grèves dans la santé,
notamment les grèves des infirmières. Enfin, les chiffres provisoires pour
2001, qui ne portent que sur les entreprises hors fonction publique, donnent un
total de 678 225, niveau comparable aux années 90-91).
-------
*
décembre 1997, CPS n°70, éditorial (p.6):
"L'expression
de mouvements spontanés importants jaillissant de la classe ouvrière, de la
jeunesse, est inéluctable. (…)
Mais
pour le moment, la voie ne s'est pas ouverte. Le prolétariat dans son ensemble
reste dans l'expectative. (…) c'est le mouvement des masses qui déterminera le
développement des contradictions entre le gouvernement et les députés du PS et
du PCF. Et c'est pourquoi, à l'étape actuelle, l'expression de ces
contradictions reste limitée."
*
juin 1998, CPS n°72, éditorial page 8
"Il
ne fait pas de doute que l'ampleur des "réformes" réactionnaires
qu'entend mener le gouvernement, l'application de la loi dite des 35 heures,
fourniront de multiples possibilités pour que le prolétariat tente d'engager le
combat contre lui, au moins dans tel ou tel secteur.
C'est
néanmoins un fait incontournable que, depuis un an, le gouvernement, les
appareils syndicaux, sont parvenus pour l'essentiel à empêcher la classe
ouvrière d'engager de puissants combats. "
* janvier
1999, CPS n°76, éditorial (page 1), à propos du mouvement des lycéens
"
Comme souvent en pareil cas, lorsque le prolétariat ne peut encore surmonter
les obstacles dressés devant lui, c'est la jeunesse qui trouve les ressources
de s'engager.
(…)
Sans
doute la mobilisation de centaines de milliers de lycéens est-elle un indice
des processus en cours parmi la jeunesse et, au-delà, la population laborieuse,
la classe ouvrière. Elle indique que le prolétariat dans son ensemble cherche
les voies du combat pour en finir avec l'offensive sans répit que mène contre
lui le gouvernement depuis un an et demi.
Mais
ce mouvement a échoué, et le gouvernement est en mesure de poursuivre sans
relâche sa politique au service du capitalisme français. (…) la contradiction
entre la politique menée par le gouvernement et le fait qu'il s'appuie pour
cela sur des députés issus des partis ouvriers traditionnels, PS et PCF reste
latente
(…)
L'opération
d'avortement d'une grève générale à la SNCF est une illustration des problèmes
politiques auxquels sont confrontés le prolétariat, la jeunesse. En leur cœur,
il y a le fait que pour arracher la satisfaction des revendications, il faut
combattre et vaincre le gouvernement Jospin -Gayssot- Chevènement - Voynet
-Zuccarelli, et que les appareils syndicaux s'efforcent d'interdire que s'ouvre
cette voie."
* Septembre 1999: sur la question des licenciements
à partir du plan social de Michelin et de la réponse de Jospin ("je ne
crois pas que l'on puisse désormais administrer l'économie") CPS n°79
(octobre) qui titre sur l'interdiction des licenciements, écrit:
"
L'émotion suscitée dans tout le prolétariat, d'abord par l'annonce des
licenciements, puis, plus encore peut-être, par la profession de foi
"libérale, mais sans excès" pour reprendre ses termes, de Jospin,
principal dirigeant du parti socialiste, a été considérable.
Pour
preuve, dès le lendemain soir, la réunion de direction du PS voyait même un
vieil éléphant socialiste, Louis Mermaz, sortir de son semi-sommeil pour juger
l'intervention de Jospin "pathétique", tandis que J-L.Mélanchon
soulignait que Jospin avait repris ouvertement un "vocabulaire [qui] était
jusque-là celui des adversaires du PS ". Quant au PCF, il n'était pas
moins secoué.
Le
"plan social" de Michelin est ainsi devenu en quelques jours une
question politique centrale et brûlante."
L'éditorial montrait ensuite comment PCF et PS
cherchaient à permettre au gouvernement de reprendre l'initiative en utilisant
le débat parlementaire sur la loi Aubry n°2
(c'était l'axe de la manifestation du 16 octobre 1999).
*
janvier 2000, CPS n°80, éditorial (page 7)
"(…)
dans plusieurs secteurs depuis l'automne, de réels mouvements se sont engagés.
Sans doute aiguillonnées par le battage qui est fait autour de la "reprise
économique" (voir l'article dans ce numéro), des grèves ont arraché des
augmentations de salaire souvent significatives (les jeunes ouvriers
travaillant en sous-traitance pour la Smart, les conducteurs des transports
marseil lais, les communaux de Rennes). Mais d'autres mouvements se sont
objectivement dressés contre l'application de l
Ce
fut le cas dans l'audiovisuel public, dans les Transports Communs Lyonnais, à
la FNAC (contre le projet de la direction qui faisait baisser les salaires de
base de 500 francs, belle illustration de la loi Aubry!), ou encore à la Poste,
dans de nombreux centres de tri.
Ajoutons
que des dizaines d'hôpitaux ont été touchés par des grèves jusqu'ici
sporadiques et émiettées, mais toutes dirigées contre l'aggravation continue
des conditions de travail, et, parfois de manière tout à fait consciente,
contre la loi de financement de la sécurité sociale qui cadre totalement
l'étranglement de l'hôpital public."
L'éditorial relevait la gêne des députés PS sur la
question des licenciements ainsi que le fait que, pour la première fois, le PCF
menaçait publiquement de ne pas voter la loi de financement de la Sécurité
Sociale. L'article enseignant, lui, s'ouvrait par l'appréciation "élections
professionnelles, les enseignants ont voté contre le gouvernement et sa
politique.". Aussi n'avons-nous pas été surpris par les grèves et
manifestations qui s'engagent dès décembre dans l'enseignement primaire (Hérault,
Gard).
* Avril 2000, CPS n°81 est rédigé au lendemain des
grèves et manifestations dans l'enseignement et aux finances. L'éditorial
indique en ouverture
"Les
remaniements, c'est comme les dévaluations". En lâchant cette comparaison Lionel
Jospin a involontairement dévoilé la raison fondamentale de l'important
remaniement ministériel opéré le 27 mars 2000. Ce 22 mars, il s'exprimait en
effet au surlendemain du retrait total de son projet de "réforme" de
l'administration fiscale, et sous la menace de la grève générale dans
l'enseignement public après la puissante démonstration de force des personnels
du 16 mars.
Pour
la première fois depuis juin 1997 et la constitution du gouvernement de la
"gauche plurielle", celui-ci a subi un échec cuisant avec le retrait
de sa "réforme" de l'administration fiscale. Il en est
considérablement fragilisé."
A propos des enseignants, l'éditorial relève que le
PS et le PCF ont été "secoués" par les enseignants, et
souligne:
"Le
16 mars, on dénombre 800 000 grévistes, 200 000 manifestants dans
toute la France. C'est une démonstration de force de la part des enseignants
indiquant qu'ils sont prêts à engager le combat, dans l'unité, contre le
gouvernement, pour la satisfaction de leurs revendications.
La
puissance de cette grève évoque celles des 10 octobre 1995 et 21 octobre
1986,qui avaient annoncé d'imposants mouvements. Mais à l'époque, c'étaient des
gouvernements RPR-UDF qui étaient au pouvoir.
Une
telle grève face à un gouvernement vertébré par le PS et le PCF a une
importance considérable: malgré la présence de ces partis au gouvernement,
instruites par l'expérience, les masses cherchent à infliger une défaite au
gouvernement Jospin-Gayssot-Chevènement-Voynet-Zuccarelli."
CPS
précise (article enseignant):
"Les
enseignants n'ont pas obtenu satisfaction mais n'ont pas été vaincus par le
gouvernement. Ils ont fait la démonstration de leur volonté de combattre en
défense de leurs acquis contre le gouvernement."
Enfin, l'éditorial relève les difficultés croissantes
des appareils à prendre en charge la politique du gouvernement: ainsi le rejet
des lois Aubry qui sourd dans le congrès CGT de la métallurgie, la
non-signature du protocole d'ARTT à la fonction publique par les fédérations
syndicales.
* octobre 2000, CPS n°82 insiste sur le "camouflet"
pour Chirac et le gouvernement qu'est le référendum sur le quinquennat, le
"revers" pour la "refondation sociale" qu'est la
non-signature du PARE Seillière-Notat par les dirigeants CGT et FO, et la
possibilité qui s'ouvre ainsi d'engager le combat sur cette question.
Ultérieurement, nous reviendrons à propos du congrès du PS sur cette question
(qui y fera achopper la "synthèse" pourtant attendue).
* Juin 2001, CPS n°4 souligne à propos de la
nouvelle résurgence de la question des licenciements le "report en
catastrophe du vote de la loi de "modernisation sociale" et s'ouvre
ainsi: "ce que veut le prolétariat: l'interdiction des licenciements,
qu'il s'agit d'imposer à la majorité PS-PCF". Nous insistons également sur
l'échec des négociations salariales dans la fonction publique, la portée de la
grève SNCF d'avril-mai 2001
* Octobre 2001, CPS n°5 met en avant le fait que
"les personnels hospitaliers cherchent à engager le combat contre le gouvernement
et sa politique" sur la question de l'ARTT.
Pour
conclure, citons la fin de l'éditorial du CPS n°6
"Les
grèves en cours dans les hôpitaux, dans la fonction publique contre l'ARTT, et
dans d'autres secteurs l'indiquent: il est encore possible pour le prolétariat
et la jeunesse d'engager le combat et d'infliger une défaite politique au
gouvernement de la "gauche plurielle". Tant que cela sera possible,
il faut donc maintenir l'orientation maintes fois développées par CPS: le
combat pour imposer aux directions syndicales (CGT, FO, FSU) au PS et au PCF,
la rupture avec le gouvernement et sa politique, le combat contre lui, la
réalisation du front unique; indissociablement, le combat pour un gouvernement
issu de ce front unique, dont jusqu'au 22 février, date de la mise en congé de
l'Assemblée nationale élue en 1997, l'expression la plus immédiate est
l'exigence adressée aux députés PS et PCF, majoritaires, pour qu'ils cessent de
soutenir le gouvernement et sa politique et constituent un gouvernement sans
ministres bourgeois, chassant Chirac et brisant la 5ème République.
A
chaque occasion politique, c'est sur cette orientation qu'il est possible et
indispensable de combattre, comme en témoignent les interventions militantes
publiées dans ce numéro. C'est sur la base des réponses politiques nécessaires
au prolétariat et à la jeunesse que pourront s'opérer les regroupements
permettant d'avancer vers la construction du parti ouvrier révolutionnaire qui,
les élections à venir le soulignent avec cruauté, fait aujourd'hui
défaut."
Il ne s'agit pas ici de prétendre que chaque ligne
de CPS – donc l'appréciation et l'orientation du Cercle et avant lui du Comité
– soient exemptes de défauts et d'erreurs politiques. Le contraire est même à
peu près inévitable.
Ces quelques extraits ont un seul objectif: ils
permettent de vérifier que notre préoccupation constante a été de nous mettre à
l'école de la vie, d'apprécier sans enjoliver ni noircir la situation
politique: éviter ainsi l'inévitable désarmement politique qu'aurait engendré
le fait que nous ayons lâché le pouls de la lutte des classes.
Ils indiquent aussi pour le moins que nous avons su
apprécier à notre échelle les modifications dans les rapports entre les classes
que le graphique ci-dessus exprime à sa manière.
C'est à partir de cette appréciation sur les
rapports entre les classes que nous sommes intervenus dans les cinq dernières
années dans la lutte des classes, axés sur l'inéluctable développement de
mouvements spontanés du prolétariat, sans être pour autant en aucun cas
spontanéistes.
Il ne saurait être question ici de reprendre
l'ensemble de nos interventions, tracts, motions, etc., les camarades pouvant
se reporter à ce qu'en a rapporté CPS. Ils pourront vérifier que, malgré
l'étroitesse de notre surface, nous avons toujours cherché à prendre des
initiatives.
Mais le plus important est la méthode qui y a
présidé: nous avons cherché à mettre en œuvre celle qui fut celle du Comité
dirigé par Stéphane Just, celle du programme de transition.
Nous nous sommes efforcés, en étudiant le cours de
la lutte des classes, de saisir toutes les opportunités propices nous
permettant de nouer de nouveaux liens, en avançant des mots d'ordres répondant
aux nécessités politiques du moment, aux discussions politiques traversant le
prolétariat et la jeunesse à un moment donné, traçant à notre mesure la
politique qui serait celle du parti Ouvrier révolutionnaire. Nous avons cherché
à intervenir dans la continuité de ce que Stéphane Just nous répétait (cf. le
texte de la cellule RATP de septembre 1988 portant sur les méthodes
d'intervention):
"Pour remplir son rôle, un
appel aux dirigeants syndicaux doit être rédigé de telle sorte, avoir un
contenu d'une telle nature, que l'ensemble des travailleurs de la Régie
puissent être d'accord avec. (…) . Nos appréciations et objectifs politiques
sont une chose. La façon dont les masses se saisissent d'une situation
politique et s'ouvrent une voie en est une autre. ( …)
Lorsque
nous impulsons la signature d'une adresse en leur direction, nos camarades
doivent les défendre dans les instances syndicales. Pour pouvoir la défendre
face aux appareils et ne pas être pris à contre-pied, elle doit correspondre à
l'état d'esprit des travailleurs, reposer sur leur volonté d'imposer ce qu'ils
exigent. "
Pratiquement, nous estimons n'avoir raté aucune des
occasions politiques sérieuses qui se présentaient à nous: projet de loi
Chevènement (1997), baisse des salaires des enseignants du secondaire (1998),
mouvement lycéen (1998), licenciements (Michelin 1999, Danone et loi de
"modernisation sociale" 2001), PARE (2000), salaires dans la fonction
publique (2000), mais encore la question du FN (élections de 2002).
Sur ce point, il convient de souligner que notre
Cercle s'est totalement situé dans la continuité de l'orientation définie par
le Comité dès 1992 (dans CPS n°41):
« Combattre
efficacement Le Pen et le FN exigerait de rompre avec la bourgeoisie, de
pratiquer une politique de Front Unique des organisations ouvrières, partis et
syndicats, dont l’objectif ordonnant tout le reste devrait être de porter au
pouvoir un gouvernement du PS et du PCF, sans ministre représentant les
organisations et partis bourgeois, gouvernement qui aurait à s’attaquer à
l’Etat bourgeois et au régime capitaliste, à faire droit aux revendications du
prolétariat et de la jeunesse et des émigrés.(…) Manifestations, réunions,
démonstrations de Le Pen et du FN n’en doivent pas moins être combattues en
tant que telles [souligné par nous –Ndlr]
(…) Qu’exige
une lutte réelle contre Le Pen et le FN ? Un accord de Front Unique entre
le PS, le PCF, les syndicats, qui, en commun, s’engagent à organiser l’action
de cela n’arien à voir avec le ligne de
la « défense de la démocratie ». Et puis, s’il est possible de
réaliser un tel front unique des organisations ouvrières contre Le Pen,
pourquoi pas pour un gouvernement PS-PCF sans ministre bourgeois. ”
La déclaration d'entre-deux tours de notre Cercle
(29/04/2002) visait à ouvrir une issue politique aux centaines de milliers de
travailleurs qui ont manifesté entre le 21/04 et le 1er mai. "Pour combattre réellement Le
Pen et son Front National, les briser:
Non au "Front Républicain" derrière Chirac"
(…)
Ainsi, le 1er mai au matin, Le Pen organise une démonstration à
Paris. Dirigeants CGT, FO, FSU, UNEF, ainsi que le PS et le PCF, pourraient et
devraient en appeler à la mobilisation des masses pour interdire par la force
que ce rassemblement frontiste ne se tienne. C'est sur cette orientation que la
défaite subie au premier tour de la présidentielle pourrait être pour le moins
amoindrie.
Au
lieu de cela, ils appellent, l'après-midi, à l'autre bout de Paris, à une
manifestation dont la ligne est sans équivoque, celle que responsables du PS et
PCF donnaient dès le 21 avril au soir: le vote Chirac. Dès le 22, la direction
confédérale CGT affirmait même servilement que voter Chirac serait le moyen de
défendre "le progrès social", "les droits" des
travailleurs. Mensonge!
Chirac
n'est en rien un rempart contre Le Pen et le FN, sans même parler du
"progrès social".(…)
Naturellement, à chaque mouvement engagé par la classe
ouvrière, la jeunesse, nous avons projeté autant que possible notre politique,
ordonnée par la question du gouvernement, du pouvoir et pris les initiatives
qu'il nous était possible de prendre, rencontrant un écho certain malgré notre
petite taille.
Mentionnons simplement deux aspects de cette
politique: le combat contre l'ARTT/flexibilité (lois Aubry et fonction
publique), l'enseignement en mars 2000.
Sur le premier point, il faut souligner que, tout en
indiquant la voie du combat centralisé de la classe ouvrière en direction de la
majorité PS-PCF au moment du vote des lois Aubry, nous sommes intervenus en
ayant conscience que:
"
Si dans un secteur important, les
travailleurs imposaient aux dirigeants syndicaux de rejeter les plans de la
direction, de boycotter les "négociations" sur l'application de la
loi, cela ouvrirait la voie au combat d'ensemble pour imposer aux dirigeants
confédéraux qu'ils la rejettent et engagent le combat pour son abrogation.
"(CPS n°72)
C'est sur la base de cette appréciation que,
notamment, nous avons initié un appel regroupant 600 signatures de conducteurs
à la RATP contre l'application de l'ARTT à la Régie et pour le boycott des
négociations, ou fait adopter par l'AG des CPE en grève (décembre 2001)
l'exigence de la grève générale de l'enseignement public pour l'abrogation du
dispositif d'ARTT à l'Enseignement public.
Lors du mouvement des enseignants de janvier-mars
2000, nous avons suivi au plus près les développements, la nature des
revendications des personnels, l'importance de la constitution du Comité de
grève dans l'Hérault intégrant les organisations syndicales (voir la collection
de tracts publiée dans CPS n°81), et sommes intervenus (faisant reprendre par
exemple le 24 mars par l'AG des instituteurs grévistes de l'Essonne un appel
adopté par plusieurs dizaines d'instituteurs:
"
Alors, dirigeants des syndicats du premier degré:
Le 6
mars, l'Assemblée générale des enseignants du premier degré de l'Hérault s'est
une nouvelle fois adressée à vous pour que:
* Vous
appeliez à la grève générale de l'enseignement public
*
Vous convoquiez, devant le refus du gouvernement, une manifestation centrale et
nationale des enseignants à l'assemblée nationale pour y exiger satisfaction de
nos revendications.
Après
la démonstration de force du 16 mars, c'est l'évidence pour tous que nos
collègues de l'Hérault ont raison. Les journées d'actions de 24 heures, ça
suffit:
Dirigeants
du SNU-IPP, du SE-FEN, du SNUDI-FO, du SDEN-CGT:
Appelez
à la grève générale jusqu'à satisfaction des revendications
Appelez
à une manifestation massive des enseignants
à l'Assemblée nationale
pour
qu'elle décide de satisfaire les revendications"
Au risque de nous répéter: il est inévitable que
nous ayons commis des erreurs. Prétendre le contraire serait stupide. Les
rappels qui précèdent n'ont pas pour but de démontrer une pseudo
"infaillibilité", mais plus simplement d'illustrer la méthode
politique qui est la nôtre, celle qui permet et permettra de combattre pour la
construction du parti ouvrier révolutionnaire.
Essentiel pour nous est le combat internationaliste
que nous avons mené en trois occasions décisives pour les trotskystes:
l'intervention impérialiste contre la Serbie (printemps 1999), la nouvelle
phase d'agression d'Israël contre le peuple Palestinien (à partir de 2000), et
enfin la guerre coloniale menée contre l'Afghanistan (2001).
Dans chacun de cas, partant de la situation
particulière, nous avons agi inconditionnellement contre l'impérialisme, en
avançant les mots d'ordres à même de permettre au prolétariat et à la jeunesse
de s'ouvrir la voie du combat contre ces agressions.
* Ainsi lors de la guerre contre la Serbie, nous
avons pris position:
"
La seule voie conforme aux droits des peuples à disposer d'eux-mêmes, la seule
aide véritable qui puisse être apportée aujourd'hui aux Kosovars, c'est de
combattre contre ces bandits que sont les grandes puissances impérialistes qui
veulent pouvoir rançonner les Balkans comme l'ensemble de la planète à merci.
C'est de combattre en France pour que cesse le soutien des directions
syndicales, du PS et du PCF au gouvernement qui participe à la guerre
d'agression contre la Yougoslavie. Pour cela doit s'exprimer et s'élever l'exigence:
Dirigeants
des organisations syndicales (CGT, FO, FSU, FEN, UNEF-ID, UNEF),
prononcez-vous:
Pour
l'arrêt immédiat de l'agression militaire contre la Yougoslavie et les peuples
des Balkans;
Contre
le plan de Rambouillet qui piétine le droit des peuples à l'autodétermination,
à commencer par celui des kosovars;
Pour
le retrait immédiat et sans conditions des forces armées impérialistes des
Balkans et de l'Adriatique, qu'elles y soient sous couvert de l'OTAN ou de
l'ONU, à commencer par les troupes françaises;
Appelez
ensemble à une puissante manifestation à l'Assemblée nationale pour imposer ces
exigences aux députés du PS et du PCF."
(28 mars 1999)
Et nous avons porté cette orientation à la tribune
du congrès national de l'UNEF-ID de mai 1999 (comme dans des congrès régionaux
du SNES).
* Sur la Palestine, nous avons mené un combat
constant, expliquant à la fois l'ensemble de notre politique et ouvrant la voie
à l'intervention des masses, de la jeunesse notamment, arrachant les prises de
position des syndicats CGT ferré de la RATP, des UNEFs de Lille et
Clermont-Ferrand, sur la ligne:
"
En cette heure où le massacre du peuple palestinien se transforme en un
véritable génocide, votre responsabilité est claire :
-Exigez
l’arrêt immédiat du massacre organisé par Sharon
-
Affirmer le
droit élémentaire du peuple palestinien à résister à l ’occupation
-
Exigez la
libération de tous les prisonniers politiques palestiniens détenus par l’Etat
d’Israël
-
Appelez, sans
autre préalable, à une manifestation nationale unitaire devant l’Ambassade
d’Israël à Paris. »
(450 signatures d'étudiants et lycéens et de
travailleurs à Lille et Lens).
Enfin, sur l'Afghanistan, nous avons pris position
et sommes intervenus pour:
"
exiger du PS, du PCF, des dirigeants des confédération et fédérations qu'ils se
prononcent:
Inconditionnellement
contre l'intervention militaire impérialiste contre l'Afghanistan et les peuples
d'Asie centrale et du Moyen-Orient
Pour
le retrait inconditionnel et immédiat de toutes les troupes impérialistes du
Moyen-Orient et d'Asie centrale,
Le
PS et le PCF ont une majorité à l'Assemblée nationale. Ils doivent décider le retrait
immédiat des troupes françaises du Moyen-Orient
Les
dirigeants syndicaux CGT, FO, FSU, UNEF, ont la responsabilité d'appeler à une
manifestation massive:
Contre
l'intervention impérialiste contre l'Afghanistan et les peuples d'Asie centrale
et du Moyen-Orient
Pour
le retrait inconditionnel des troupes impérialistes de la région, et d'abord
des troupes françaises"
Nous sommes intervenus sur cette orientation
(adoptée notamment par les syndicats étudiants à Lille).
L'ensemble de ces interventions est ordonné par la
perspective dans laquelle nous nous situons: celle de l'engagement de la
reconstruction du mouvement ouvrier sur l'axe de la révolution prolétarienne.
Reprenons pour conclure les termes de notre XI° Conférence:
" L'intervention du Comité [ et du cercle
aujourd'hui - Ndlr] vise à nourrir la spontanéité des masses. Elle découle de
la compréhension que la spontanéité ne suffit pas. Même si un mouvement de
masse déferlait et disloquait le dispositif actuel de la bourgeoisie, ce ne
serait que provisoire. Pour le prolétariat, rien ne sera réglé tant que, dans
son mouvement même, un parti ouvrier révolutionnaire ne sera pas construit,
tant que ne sera pas construite une nouvelle internationale ouvrière
révolutionnaire, condition pour qu'il prenne le pouvoir.
L'intervention du Comité dans la lutte des classes,
l'élaboration politique et théorique, ordonnées autour de CPS, doivent
concourir à poser des jalons dans la construction d'un tel parti, sur la base
de la défense du programme hérité des quatre premières internationales, de
l'internationalisme prolétarien.
Ainsi, nous pourrons agir dans la perspective déjà
fixée lors de la fondation du Comité par Stéphane Just (dans la conclusion de
la brochure "Comment le révisionnisme s'est emparé de la direction du
PCI" ):
La
nécessité de nouveaux partis, qui ne peuvent être que des partis
révolutionnaires, se donnant pour tâche d'en finir avec le capital et les
bureaucraties parasitaires, ainsi qu'avec les appareils des organisations
traditionnelles, est devenue une nécessité objective ressentie par des millions
d'êtres humains et prolétaires, de jeunes.
En
même temps ils sont extrêmement méfiants et réticents. Alors qu'ils rejettent
la chemise sale du réformisme et du stalinisme, la IV° internationale se
décompose, en France, le PCI a une politique de couverture de l'aile
"réformiste" de l'Union de la Gauche". Ils hésitent avant de
passer une autre chemise
Mais
la nécessité impérieuse de disposer de nouveaux moyens politiques l'emportera.
Ce que seront ces moyens politiques n'est pas donné à l'avance, car cela se
fera dans la pire confusion, vraisemblablement pas d'un seul coup, au prix de
contradictions, de flux et de reflux et sur une longue période. En tout cas,
agissant ainsi que nous allons le faire, nous aiderons ce processus à se
développer, nous nous y insérerons
Non, décidément, nous ne repartons pas de zéro. Nous poursuivons,
selon des conditions données, à un moment donné, le combat séculaire du
prolétariat pour se doter des moyens de son émancipation."
Rapport rédigé en septembre 2002 et adopté à
l'unanimité le 11 novembre 2002