Éditorial du bulletin « Combattre pour le socialisme » n°86 (n°168 ancienne série) - 2 mars 2023 :

 

Pour arracher le retrait du projet de loi scélérat de Macron
de contre-réforme des retraites et défaire le gouvernement,
il faut imposer aux dirigeants syndicaux :

· Assez de « journées d’action » impuissantes ! Assez d’appels
à des actions disloquées (grèves reconductibles), secteur par secteur !

· Appelez et organisez dès maintenant la manifestation par centaines de milliers à l’Assemblée nationale pour interdire aux députés de l’adopter

 

« La mère de toute les réformes »

C’est en ces termes que les chroniqueurs ont commenté la préparation puis la présentation du projet de contre-réforme des retraites du gouvernement Macron-Borne. Ils ne faisaient que s’inspirer d’une déclaration du baron Ernest-Antoine Seillière, président du MEDEF qui, le 22 mai 2003, avait qualifié la contre-réforme Fillon de « réforme-mère ». C’est d’ailleurs ainsi qu’elle a été présentée par Macron pendant sa campagne électorale.

Depuis 1995, tous les gouvernements en place sous les présidences de Chirac, Sarkozy, Macron et, on peut même inclure aussi la présidence de Hollande, ont mis au centre de leur attaque contre le prolétariat le pillage des caisses de la Sécurité sociale, dont celle  des retraites : liquidation des régimes spéciaux, exonérations massives de « charges » (c’est-à-dire du paiement du salaire différé) pour les patrons, substitution de l’impôt via la CSG (instaurée par le gouvernement Rocard en 1991) et la CRDS (instaurée par le gouvernement Juppé en 1996) et d’autres taxes aux cotisations ouvrières - en 2022, le salaire différé ne représentait plus que 58 % des ressources de la Sécurité sociale -, allongement de la durée de cotisation et de l’âge de départ pour obtenir une retraite pleine, multiplication des non-remboursements médicaux et ouverture toujours plus grande du marché de la santé aux requins de la finance, enfin liquidation de l’hôpital public.

Les régimes de retraite, composantes de la Sécurité sociale, y compris les régimes dits « spéciaux », sont les acquis les plus précieux des concessions lâchées par les capitalistes dans la situation révolutionnaire qui dominait en Europe et en France au lendemain de la Seconde guerre mondiale. La Sécurité sociale en France est l’un des acquis majeurs, sinon l’acquis majeur, du prolétariat.

La réforme des retraites constitue une épreuve politique décisive pour le gouvernement Macron-Borne, « la mère des réformes. ». Macron sait que, s’il parvient à infliger au prolétariat une nouvelle défaite politique majeure, alors une voie royale lui serait ouverte afin de décupler des attaques dans tous les domaines. Le programme des contre-réformes réactionnaires celui du « jour d’après » est déjà sur la table : destruction du statut des fonctionnaires, destruction de l’enseignement public professionnel (LEP) au profit de la généralisation de l’apprentissage et suppression massive de postes dans le primaire et le second degré (au bas mot 1 500), mise en œuvre de attaques répétées contre l’assurance-chômage, projet de loi dit « immigration », projet de loi logement, Lopmi, contre-réforme des bourses et liquidation des Crous, SNU, liquidation du droit de grève à commencer par les transports. (suite en page 2)

 

Le capitalisme français aux abois

Une seule information résume tout. Un constat sur le déficit du commerce extérieur, l’indicateur le plus pertinent de la compétitivité d’une économie. Selon Les Echos du 7 février 2022 : « La France essuie le pire déficit commercial de son histoire en 2022. Le déficit commercial de la France a atteint un niveau record de 164 milliards d'euros l'an passé. En cause : l'envol des prix de l'énergie, la dépréciation de l'euro mais aussi la faiblesse de l'industrie française. Quand le ministre de l'Economie Bruno Le Maire se félicite de la résilience de l'économie française, il occulte les pertes abyssales du commerce extérieur, un des marqueurs phares de la compétitivité du pays. En 2022, le déficit de la balance commerciale des biens a battu un record historique, dépassant pour la première fois les 160 milliards d'euros, à précisément 164 milliards, ont indiqué ce mardi les Douanes. ». Et au-delà des explications du gouvernement sur la facture énergétique, due en grande partie à la déliquescence du parc nucléaire qui avait été l’un des fleurons du capitalisme français, Les Echos poursuivent « Cette situation n'est pas spécifique à la France : elle [la facture énergétique] touche tous ses voisins européens. Mais elle s'inscrit dans la continuité d'une dégradation régulière du commerce extérieur tricolore. En 2022, le déficit hors énergie s'est lui aussi aggravé. “Il explique près de la moitié du déficit de la balance des biens”, a précisé Olivier BechtSur le fond, la contreperformance française s'explique surtout par l'effondrement de son industrie manufacturière tombée à 9 % du PIB en 2021 contre 18 % en 2000. » [ndlr : passages soulignés par nous]

Il y a plus que jamais urgence pour le capital. Il faut sans tarder démultiplier les attaques contre tous les acquis du prolétariat. Il faut poursuivre sans répit sur la voie tracée en octobre 2007 par un grand patron, Kessler, alors n°2 du Medef, qui, appréciant le programme de Sarkozy, l’avait résumé ainsi : « La liste des réformes ? C’est simple, prenez tout ce qui a été mis en place entre 1944 et 1952, sans exception. Elle est là. Il s’agit aujourd’hui de sortir de 1945 ».

Pour la bourgeoisie, il faut sabrer massivement dans tous les budgets consacrés à la santé, à l’éducation nationale, aux universités, etc. Il est indispensable de dégager des ressources nouvelles pour adapter le budget de l’État à ses besoins. Pour tenter de maintenir son rang parmi les principales puissances impérialistes, les exigences du capitalisme français sont colossales. A titre d’exemple, l’impérialisme français entend rester la première puissance militaire en Europe, en particulier face à l’Allemagne, et se doter d’un armement militaire afin de préserver les derniers restes de son empire colonial, en particulier en Afrique. Macron a promis aux armées que la prochaine loi de programmation militaire (LPM) dépasserait une enveloppe de 400 milliards d’euros sur sept ans, allant de 2024 à 2030 soit un budget inédit depuis les années 60 quand de Gaulle avait engagé le réarmement de la France. « Un budget colossal de 100 milliards de plus que la précédente LPM, qui couvrait la période 2019-2025, avec 295 milliards d’euros » (Le Monde du 12 décembre 2022).

Les objectifs de la réforme des retraites, comme antérieurement celle de l’assurance-chômage, mais aussi les budgets adoptés dans les lois de finance et de financement de la Sécurité sociale se recoupent parfaitement. Ils consistent à dégager des marges budgétaires en taillant dans les retraites qui, selon le COR, représentaient en 2021 23 % du budget de l’Etat (en cumulant les pensions de la fonction d’Etat, celles des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers qui dépendent de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales – CNRACL - celles des ouvriers des établissements industriels de l’Etat – FSPOEIE -, celles des régimes spéciaux). Il s’agit de récupérer et de s’approprier la partie différée du salaire que les patrons et l’Etat doivent et qui finance les pensions et la Sécurité sociale, ainsi que de faire travailler plus et plus longtemps, c’est-à-dire de renforcer l’exploitation de la force de travail.

La contre-réforme Macron-Borne-Dussopt

Le 10 janvier, Borne a présenté le projet de contre-réforme, en se félicitant du fait que ce projet était le produit de l’intense concertation depuis l’automne, projet soumis au Conseil des ministres le 23 janvier puis au Parlement à partir du 6 février. Le projet est présenté au pas de charge comme un projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale en ayant recours à l’article 47-1 de la constitution qui réduit le temps du processus d’adoption du projet à l’AN. Le dépôt s’est fait le 30 janvier et son adoption, si elle est effective, devrait être prononcée au plus tard 50 jours après le dépôt, soit le 26 mars. Après une soumission à l’Assemblée du 6 au 16 février, puis la discussion au Sénat s’il n’y a pas accord entre les deux chambres, c’est la version du gouvernement qui sera soumise au vote (intégrant ou pas certains amendements). En cas de non-adoption, les dispositions de la réforme pourront être mises en œuvre par ordonnance, stipule l'article 47-1.

Au-delà des diversions sur l’emploi des « séniors », des discours mensongers sur les nouveaux droits des femmes, sur l’instauration d’un minimum de 1 200 euros pour les pensions et retraites (ce qui n’est qu’une misère dont la mise œuvre est improbable) et autres, le cœur, l’essentiel c’est : la liquidation finale des régimes spéciaux (article 1 du projet), la hausse du nombre d’annuités nécessaires pour une retraite pleine à 43 ans de cotisations en accélérant le calendrier de la loi Touraine (ce qui en réalité repousse pour un grand nombre la possibilité de bénéficier d’une retraite complète au-delà de 64 ans), l’allongement de la date pour faire prévaloir ses droits sans subir de décote de 62 à 64 ans (article 7 du projet).

Le gouvernement devait communiquer le projet le 15 décembre 2022. Puis il a reporté au 10 janvier. Les dirigeants syndicaux ont présenté, mensonge éhonté, ce report comme un recul. Il n’en est rien. En fait il s’agissait pour Borne et Dussopt de tenter une ultime phase de concertation avec la CFDT qui avait donné son aval à la contre-réforme de 2019, mais aussi avec le PS (qui, il faut le rappeler avait soutenu la loi Touraine qui allonge à 43 ans le nombre d’annuités) et EELV. Mais surtout, il fallait obtenir un accord, un front commun, des partis de la majorité présidentielle (Renaissance, Horizons, Modem) et de LR pour éviter qu’une nouvelle fois le gouvernement ait recours à l’article 49-3. Ce qui, comme la suite des débats au Parlement l’a montré, a été acquis. Le MEDEF s’est particulièrement engagé pour ramener à la raison les velléitaires.

Le passage de la retraite à 65 ans était au centre du programme de Macron. A partir de septembre, la contre-réforme actuelle a été préparée par le gouvernement pendant des semaines et des semaines de concertations auxquelles ont assidûment participé toutes les confédérations syndicales. Elles y ont participé jusqu’à son étape ultime le 10 janvier, laissant planer le doute sur le fait qu’il serait possible d’infléchir le projet.

Toutes les directions syndicales ont participé à cette « ultime phase dite de négociation » avec Borne alors qu’elle avait à plusieurs reprises réaffirmé que le départ à 64 ans n’était pas négociable. Et toutes ont participé sur le même axe : celui du syndicalisme de proposition. Souillot pour FO disant à l’issue de sa réunion « on n’a pas avancé » et regrettant que « les propositions de la confédération ne soient pas prises en considération ». Martinez, pour la CGT, déclarant que Macron veut « une réforme dogmatique », et donc se prononçant pour une bonne réforme. Naturellement, c’est la CFDT qui s’est avancée le plus nettement sur ce terrain en déclarant qu’elle se rendait à la rencontre avec Borne pour obtenir des clarifications et des avancées sur les mesures d’accompagnement. Déjà en décembre, les directions syndicales avaient fait une ouverture vers Macron en retirant de leur déclaration commune du 13 décembre toute référence à l’augmentation du nombre d’annuités. Les directions syndicales ont donc tout fait pour éviter de préparer l’affrontement avec le gouvernement.

19 janvier, 31 janvier : organisation systématique de la bousille

Le terme bousille est un euphémisme. En réalité, un art consommé de la trahison des tentatives de combat des masses pour affronter le gouvernent, art expérimenté et affiné depuis 1995.

Après avoir scrupuleusement respecté le calendrier du gouvernement, alors que le contenu du projet de loi leur était parfaitement connu depuis début décembre et même avant si ce n’est l’ajustement d’âge de départ entre 64 et 65 qui fait l’objet de négociation au sein des partis de la majorité présidentielle et des LR, les dirigeants des confédérations ont attendu la présentation officielle du projet courant janvier pour enfin révéler aux travailleurs, et encore de manière déformée, la portée de l’offensive.

Dès le 10 janvier au soir, l’intersyndicale a appelé à une journée de grèves et de manifestations le 19 janvier. L’exigence de retrait de la contre-réforme ne figurait pas dans leur déclaration ni même dans la pétition lancée en grande pompe qui constitue presque une dernière offre de service au gouvernement : « Ce projet gouvernemental n'a rien d'une nécessité économique, c'est le choix de l'injustice et de la régression sociale. Renforcer notre système de retraites nécessite en revanche des mesures de progrès et de partage des richesses. D’autres solutions sont possibles »

Ainsi a été lancé le dispositif classique de manifestations décentralisées, éparpillées, complétés par des appels à des grèves reconductibles, sans contenu au sens où le mot d’ordre de retrait, la revendication essentielle, est noyée dans une flot d’autres revendications (retraite à 60 ans, 37,5 annuités, pourvoir d’achat, embauche dans la Fonction publique, etc.).

Le 19 janvier, les travailleurs se saisissent comme ils le peuvent de la journée d’action et manifestent assez massivement (1,2 million selon la police, 2 millions selon les syndicats). En revanche, il n’y a pas de mouvement de fond vers la grève (contrairement à 1995 et 2003, mais comme en 2010 et 2019). La jeunesse ne déferle pas non plus. Il n’y a pas de véritable assemblée générale, et d’ailleurs les dirigeants n’y appellent pas et manœuvrent pour qu’elles ne se réunissent pas. Si les manifestations expriment le rejet massif de la contre-réforme, la volonté de la voir retirer, le dispositif des appareils syndicaux n’est ni bousculé ni débordé, et les appareils syndicaux conservent le contrôle.

Pour ce faire, les dirigeants syndicaux ont dû tenir compte de l’ampleur des manifestations. Au soir du 19 janvier, le communiqué intersyndical convoque une nouvelle journée de manifestations et de grèves le 31 janvier. D’une manière édulcorée, ce communiqué titre « Une puissante mobilisation qui oblige au retrait » mais poursuit « Le message est très clair : le gouvernement doit renoncer à la fois à l’âge de départ à la retraite à 64 ans et à l’accélération de l’augmentation de la durée de cotisation. [Dans le texte, par ailleurs, aucune mention de la liquidation définitive de ce qui reste des régimes dits « spéciaux »] … D'autres solutions existent, elles ont malheureusement été balayées d'un revers de main [ndlr : c’est ainsi se placer sur le terrain de la nécessité d’une réforme] … L'intersyndicale invite la population à signer massivement la pétition, et appelle à multiplier les actions et initiatives partout sur le territoire, dans les entreprises et services, dans les lieux d'étude, y compris par la grève, notamment autour du 23 janvier, jour de la présentation de la loi au Conseil des ministres. »

De fait, les travailleurs sont livrés à eux-mêmes : une nouvelle journée de grèves et de manifestations (au pluriel) est programmée pour le 31 janvier. En attendant, entreprise par entreprise, administration par administration, à chacun de décider. C’est l’organisation systématique de la dislocation, de la lutte site par site, par morceau de corporation, bref de l’épuisement de toute tentative de centralisation du combat tout en donnant le champ libre à ceux qui vont mener campagne pour la grève reconductible.

L’autre facette du dispositif des appareils, ce sont « les grèves reconductibles ». Ce sont des actions volontairement organisées en particulier par la CGT relayée par l’ « extrême gauche » (Révolution permanente, les deux composantes du NPA, LO, POI et POID) pour briser les derniers secteurs ayant tenté de s’engager : SNCF, RATP, les raffineries, l’énergie avec en particulier EDF, RTE avec les opérations « robin des bois » (selon Le Monde du 2 février : « Après une enquête interne particulièrement approfondie, les services de sécurité de RTE, dirigés par un général de gendarmerie à la retraite, ont identifié quatre suspects parmi les employés… les quatre employés ont été licenciés par RTE et sont renvoyés devant le tribunal correctionnel fin février »).

Dans ces conditions, il faut apprécier combien le communiqué du 19 janvier est un véritable coup de massue sur la tête des masses. Il vise à écarter toute perspective de centralisation du combat pour affronter réellement le gouvernement.

Le 31 janvier, les travailleurs démontrent une nouvelle fois leur disponibilité au combat en manifestant encore plus nombreux (1,27 million selon la police, 2,8 selon les syndicats), sans que cela soit un raz de marée non plus, même si dans les villes moyennes la participation est parfois à des niveaux historiquement très élevés. Mais par rapport au 31 janvier, les taux de grévistes sont sensiblement à la baisse.

7 février, 11 février, 16 février, 7 mars, 8 mars

Au soir du 31 janvier, le communiqué de l’intersyndicale se conclut ainsi :

« L’intersyndicale appelle toute la population [sic] à se mobiliser par la grève et la manifestation encore plus massivement le mardi 7 février puis le samedi 11 février pour dire non à cette réforme. Elle appelle, d’ici là, à multiplier les actions, initiatives, réunions ou assemblées générales partout sur le territoire, dans les entreprises et services, dans les lieux d’étude, y compris par la grève. »

Les deux dates sont annoncées alors que la discussion du projet en première lecture à l’Assemblée nationale s’est engagée du 6 au 17 février. En clair, il s’agit de faire diversion : détourner l’attention de prolétariat et de la jeunesse. L’interprofessionnelle appelait à défiler dans les différentes villes partout sauf là où cela se décide, c’est-à-dire à l’Assemblée nationale, là où peut être centralisé le combat contre le gouvernement.

Suite au 11 février, dans le registre de la trahison, le communiqué de l’intersyndicale est sidérant (extraits) : « L’intersyndicale est prête à durcir le mouvement (…). Ainsi, elles appellent à une journée d’actions interprofessionnelles sur l’ensemble du territoire le 16 février. A cette occasion, les secrétaires généraux ou présidents des organisations syndicales manifesteront à ALBI pour appuyer l’ancrage fort de ce mouvement partout sur le territoire, dans les petites villes comme dans les plus grandes. Par ailleurs, les parlementaires appelés à se prononcer sur ce projet de réforme doivent entendre, comme le gouvernement, le mécontentement de la population, et rejeter massivement ce texte. Il en va de leur responsabilité. C’est dans ce cadre que l’ensemble des secrétaires généraux et présidents écriront à chaque parlementaire de l’arc républicain pour réaffirmer notre opposition et celle de la population. Parallèlement, nous appellerons nos structures locales à interpeler député-es et sénateurs-trices dans leurs circonscriptions.

Enfin, si malgré tout le gouvernement et les parlementaires restaient sourds à la contestation populaire, l’intersyndicale appellerait (sic !) les travailleurs et les travailleuses, les jeunes et les retraité.e.s à durcir le mouvement en mettant la France à l’arrêt dans tous les secteurs le 7 mars prochain. L’intersyndicale se saisira du 8 mars, journée internationale de luttes pour les droits des femmes pour mettre en évidence l’injustice sociale majeure de cette réforme envers les femmes. »

Par rapport aux précédentes manifestations, le 16 février a été un net recul (440 000 selon la police, 1,3 million selon les syndicats). Au soir du 16 févier, la CGT donne le tempo pour la suite (extraits) :

« Au-delà de cette journée de mobilisation nationale, des initiatives ont lieu chaque jour, à l’instar des retraites aux flambeaux (…) Après ce 16 février, la CGT s’attachera à rendre toutes ces initiatives et actions visibles, à se mobiliser largement pour persuader les indécis de rentrer dans la lutte, y compris pendant la période des congés scolaires (…) La CGT appelle à tout mettre en œuvre pour préparer un 7 mars plus fort et mettre à l’arrêt la France dans tous les secteurs professionnels. La CGT appelle également à se saisir du 8 mars, pour mettre en évidence l’injustice de cette réforme envers les femmes et mettre en lumière les conséquences pour ces dernières, par la grève et la mobilisation (…). La CGT pose donc partout la question de la reconduction de la grève, y compris par des débrayages quotidiens dès le 7 mars 2023 ; ce qu’ont déjà décidé les secteurs professionnels, comme l’énergie, la branche pétrole, les cheminots ou bien les portuaires et dockers. La CGT appelle l’ensemble des secteurs professionnels à décider des formes de cette reconduction. »

« Durcir le mouvement ? Bloquer le pays ? Mettre à l’arrêt la France ? »

Le soi-disant blocage du pays annoncé le 7 mars n’est autre qu’une nouvelle journée d’action. Ainsi peut-on se référer aux déclarations suivantes. Laurent Berger, dirigeant de la CFDT : « On n’est pas dans la logique de la grève reconductible (…) ce n’est pas un appel à la grève générale. (…) On a décidé du 7, rien d’autre. (…) Entre le 12 février et le 7 mars il y a largement le temps de discuter ». Philippe Martinez, CGT : « la question de la reconduction ne se décide pas au niveau des confédérations syndicales, mais dans les entreprises et les services ». FO : « le 7 mars au soir, dans les différentes branches ou syndicats, ils feront des assemblées générales et décideront ce qu’ils voudront faire ».

Telle est la réalité du prétendu « durcissement » du mouvement. Tel est le sens de l’appel à décider de la grève reconductible. Le sens en est clair : faire porter à l’avance la responsabilité d’une éventuelle défaite aux travailleurs coupables de ne pas s’y engager.

Or si depuis le 19 janvier les travailleurs ont répondu plus ou moins massivement aux appels à manifester, ils hésitent à s’engager dans la grève, comprenant que la perspective de « grèves reconductibles », délocalisées, n’ouvre en rien la possibilité d’engager la bataille pour défaire le gouvernement Macron-Borne.

Dans le même temps, les dirigeants syndicaux se sont fendus d’une lettre aux parlementaires où on peut lire :

« C’est la raison pour laquelle, Madame, Monsieur, la, le député(e), l’intersyndicale se tourne vers vous, la représentation nationale. Nous sommes persuadés que jamais vous n’aurez une occasion plus belle de prouver que votre travail consiste à relayer dans l’Hémicycle les aspirations des citoyennes et citoyens, qu’en vous opposant à cette réforme.

Il ne s’agit pas seulement d’empêcher l’adoption et la mise en place d’un dispositif injuste, il s’agit également de redonner à la Nation, confiance dans la réalité et la vigueur de sa démocratie et de maintenir une cohésion sociale menacée. »

Tout y est : l’affirmation de la légitimité de l’Assemblée nationale (et donc de sa majorité Renaissance-Modem-Horizons flanquée des soutiens LR de Ciotti), la défense de la « cohésion sociale » - toutes classes confondues.

Mais la majorité de ladite Assemblée nationale a déjà fait la démonstration de ce qu’elle entend par « cohésion sociale », à savoir la cohésion sociale derrière les objectifs de la bourgeoisie française et du MEDEF. Elle l’a déjà démontré par exemple en votant majoritairement ce qui est une pièce maîtresse de la réforme, à savoir l’article 1 de la loi Macron liquidant les régimes spéciaux.

Ainsi a été faite la démonstration que la loi ne peut pas être retirée par des suppliques aux députés, par des délégations locales au député du coin. La démonstration a été faite que la loi ne pourra être retirée que si par centaines de milliers, par millions les travailleurs interdisent aux députés de voter la scélérate loi de Macron et de son gouvernement.

Lors des manifestations, des réunions, voire de maigres assemblées générales, nombre d’ouvriers, d’employés, de fonctionnaires et de jeunes posent la question : comment vaincre le gouvernement en lui infligeant une défaite par le retrait de sa contre-réforme ? Ils font partie de générations qui tirent plus moins confusément le bilan des défaites subies : 1995 (5 journées d’action), 2003 (9 journées d’action), 2007 (défaite majeure infligée par Sarkozy avec la collaboration totale des dirigeants syndicaux aux travailleurs de la RATP, de la SNCF, d’EDF et autres sur la liquidation des régimes spéciaux, 2010 (11 journées d’action), 2019 (8 journées d’action). Journées d’action qui étaient complétées par l’appel à des grèves reconductibles (renouvelables), organisées par les travailleurs eux-mêmes site par site et relayées par leurs flancs-gardes de l’« extrême gauche », alors qu’en 1995 et 2003, l’engagement des travailleurs mettait à l’ordre du jour l’appel par les dirigeants des syndicats à la grève générale. Journées d’action ayant pour objectif d’épuiser les manifestants et surtout de faire barrage à toute tentative de centralisation du mouvement pour affronter le gouvernement, en particulier en direction de l’Assemblée nationale. La mémoire de ces défaites demeure cuisante pour des générations de travailleurs et de jeunes.

De fait, nombre de travailleurs comprennent que le dispositif de bousille que les dirigeants de la CGT, de FO de la FSU, de l’UNEF mettent en œuvre en 2023 est celui que le prolétariat a dû subir les années passées.

Comment combattre ?

Le supplément à CPS 85 du 2 février (voir plus loin dans ce bulletin) titrait :

« Il y a urgence : c’est à l’Assemblée nationale que les dirigeants CGT, FO, FSU, UNEF doivent appeler les travailleurs à manifester, par centaines de milliers, pour interdire aux députés de voter la scélérate loi Macron ». Et il indiquait : « Il faut imposer aux dirigeants syndicaux : assez de « journées d’action » impuissantes ! Assez d’appel à des actions disloquées, secteur par secteur ! Organisez le combat centralisé ! Appelez à manifester par centaines de milliers à l’Assemblée nationale pour interdire aux députés de voter la scélérate loi Macron ! ».

Dans la jeunesse, sur les lieux de travail partout où cette exigence est soumise à l’appréciation des travailleurs, elle reçoit une large approbation, comme le démontre les initiatives de notre Groupe dans les instances syndicales et autres réunions que communique ce numéro de CPS.

Il faut préciser. Ce n’est pas une manifestation de plus. Il ne s’agit pas de faire « pression » sur les députés à l’instar des initiatives que proposent les dirigeants syndicaux dans leurs communiqués. Il s’agit d’empêcher l’Assemblée nationale de voter le projet. Une telle perspective, c’est ouvrir la voie à la mobilisation révolutionnaire du prolétariat et de la jeunesse. Et de fait, si une telle manifestation avait lieu, alors, bien évidemment, serait à l’ordre du jour la grève générale pour défaire le gouvernement.

À l’Assemblée nationale, la discussion s’est déroulée du 6 au 17 février… pour aboutir à la « fermeture » des régimes spéciaux (Ratp, Edf…). Suite au 17 février, le PS, le PCF – ainsi qu’EELV –, bruyamment relayés par Martinez (CGT) et Berger (CFDT), ont déploré que l’Assemblée ne puisse débattre au moins jusqu’à l’article 7 (passage de 62 à 64 ans…) après qu’a été adopté l’article 1 qui met fin aux régimes spéciaux.

En fait, ils ont tout simplement déploré que la contre-réforme ne soit pas votée en première lecture, sachant parfaitement qu’une majorité pour son adoption dans son ensemble sur les questions essentielles était acquise.

Quant à LFI – formation étrangère au mouvement ouvrier (idem pour EELV) – et sa tactique d’obstruction parlementaire, elle n’est pas sans savoir que, si au soir du 26 mars le projet de loi n’est pas adopté, en raison de l’article 47-1, il pourra faire l’objet d’une application par ordonnances prises par le gouvernement (avec l’accord d’une majorité de députés).

En fait, pour les uns et les autres, y compris LFI, c’est l’ordre républicain qui doit être respecté. L’Assemblée nationale est légitime pour décider. Respect de l’ordre républicain qui impose de faire obstacle à toute organisation centralisée du combat pour affronter et défaire le gouvernement.

 

Une bataille décisive

Dans une interview aux Echos du 10 février, Raymond Soubie, qui fut conseiller à l’Elysée de Chirac puis de Sarkozy, explique : « Et le gouvernement ne peut pas céder sur l'âge, sinon il sera politiquement mort. Le président de la République s'est engagé sur cette réforme (…) Les syndicats peuvent décider de poursuivre les manifestations, samedis compris, mais au fur et à mesure, il risque d'y avoir de moins en moins de monde, et moins de grévistes. En réalité, les syndicats auraient intérêt à ce que l'affaire se règle assez vite au Parlement (…) En 2010, il y a eu une dizaine de journées de mobilisation sur plusieurs mois, dont quatre à plus de 1 million de manifestants. Nicolas Sarkozy a pu tenir parce que le gouvernement ne s'est jamais senti en danger. »

Soubie dit vrai quand il fait référence à 2010. Suite aux dernières manifestations, Macron et Borne restent sereins, encore plus suite aux débats à l’Assemblée nationale. Ils attendent que cela se passe, quelle que soit l’issue des discussions à l’Assemblée qui devraient se clore le 26 mars.

La crise économique mondiale qui se développe enjoint aux capitalistes et à leurs gouvernements, pour tenter de la repousser, de s’attaquer encore plus brutalement, à tous les droits sociaux (salaires, régimes sociaux, durée et conditions de travail, instruction publique, droit du travail, droit aux études), de généraliser la précarité et de renforcer les moyens oppressifs et répressifs, matériels et idéologiques, de l’Etat.

La nécessaire défense pied à pied des conditions de vie ne peut que remettre en cause le gouvernement ; elle requiert que soit dressé le front unique des organisations ouvrières pour le défaire. Une telle éventualité mettrait à l’ordre du jour la constitution d’un gouvernement issu de ce front unique, et dont les masses exigeraient qu’il satisfasse les revendications.

Afin d’assurer des conditions d‘existence simplement suffisantes, il faut un gouvernement ouvrier qui, la Ve république liquidée, l’Union européenne rejetée, rompe avec le régime capitaliste (expropriation des groupes capitalistes), établisse et exécute, sous contrôle de la classe ouvrière et en fonction des besoins sociaux, un plan de production, et combatte pour la constitution des Etats unis socialistes d’Europe.

 

Cette perspective politique, c’est celle sur laquelle combat de notre Groupe.

 

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