Éditorial du bulletin « Combattre pour
le socialisme » n°83 (n°165 ancienne série) - 1er juin 2022 :
Après
la débâcle subie par le prolétariat à la présidentielle, fort du soutien des
bureaucraties syndicales qui ont appelé – au second tour – à l’élire,
Macron va poursuivre, toujours plus brutalement, la guerre contre le
prolétariat et ses conditions d’existence.
C’est l’impératif catégorique que lui enjoignent les couches les plus
conscientes de la bourgeoisie.
Élection
présidentielle : après 2017, nouvelle débâcle pour le prolétariat et la
jeunesse,
effondrement irrémédiable du PS et du PCF
Tirant le bilan du résultat du premier tour de l’élection
présidentielle de 2017, CPS n° 64 ns du 26 avril 2017
indiquait « Le résultat du premier tour de l’élection présidentielle
constitue une défaite majeure sur le terrain des élections, une défaite que
l’on peut qualifier d’historique, du prolétariat et de la jeunesse ».
Si on se situe du côté du mouvement ouvrier, on doit considérer que celle de
2022 est la confirmation d’une débâcle amplifiant la « défaite majeure
sur le terrain des élections » de 2017.
Au premier tour, les candidats que nous considérions comme
issus du mouvement ouvrier (PCF, NPA, LO) totalisent un résultat de 3,61% des
exprimés contre 8,09% en 2017 (2,6% des inscrits, contre 6,13% en 2017). Par
rapport à 2017 (PS, LO, NPA), c’est une perte de plus de 1,6 million de voix.
Hidalgo - candidate bourgeoise qui, bien que soutenue par le PS, ne s’est
pas présentée comme candidate de ce parti - ne récupère que 616 651
voix des 2,3 millions réalisées par Hamon en 2017. Ce qui restait en 2017 de
l’électorat PS s’est dispersé sur Macron, Jadot et aussi Mélenchon. En résumé,
c’est la matérialisation du fait que pour le prolétariat, sur le terrain des
élections, il n’y avait pratiquement aucune possibilité d’émettre un vote de
classe. Cette situation s’est en partie exprimée dans l’abstention de
l’électorat ouvrier (33% selon les sondages) et jeunes (près de 40% pour les
moins de trente ans). Par rapport à 2017, c’est + 4 % d’abstentions, soit près
de 2,248 millions.
Mais ce qui est fondamental et de la plus grande importance
du point de vue des rapports politiques entre les classes, c’est que le
prolétariat et la jeunesse ont définitivement déserté, en particulier sur le
terrain des élections, les partis traditionnels, PS et PCF, partis
contre-révolutionnaires définitivement passés du côté de l’ordre bourgeois.
Partis que nous avions néanmoins qualifiés de partis ouvriers-bourgeois du fait
de leur origine et de leur rapport avec les masses. Le PS, qui était la
continuité de la SFIO, et le PCF sont issus respectivement de la IIe et de la
IIIe internationales. Ces internationales ont dégénéré organisant les pires
défaites du prolétariat mondial en défense du mode de production capitaliste et
de l’impérialisme et sont devenus irredressables. Elles sont définitivement
passées du côté de l’ordre bourgeois du fait de leur trahison, la première en
août 1914, tous les partis de la IIe Internationale, à l’exception du parti
bolchevik et du parti serbe, soutenant leur bourgeoisie et collaborant avec
elle à l’engagement de la première guerre mondiale en votant les crédits de
guerre. La seconde en 1933, lorsque le Parti communiste allemand (KPD) applique
la ligne définie au VIe congrès de l'Internationale communiste (IC) par la
bureaucratie stalinienne, celle dite de la « troisième période »qui
mettait sur le même plan la social-démocratie et le parti nazi au lieu de
combattre sur la ligne du front unique avec le SPD pour combattre le fascisme.
Après la tragique défaite du prolétariat qui s’ensuivit,
l’absence de réaction significative à cette trahison au sein la IIIe
internationale conduisit Trotsky à conclure que « La IIIe
internationale est passée définitivement du côté de l’ordre
bourgeois ».
PS et PCF, des décennies de
trahison
Du fait de l’échec du combat engagé dès 1933 pour la
construction de la IVe internationale (liquidée ensuite par le
révisionnisme pabliste puis lambertiste, qui ont soumis les organisations qui
s’en réclamaient aux appareils contre-révolutionnaires), dans aucun pays ne se
sont construits des partis ouvriers révolutionnaires. C’est pourquoi pendant
des décennies le prolétariat a cherché à se saisir de ces vieux partis pour
défaire les partis bourgeois et cela avec de moins en moins d’illusion, il
convient de le préciser. Mais portés au pouvoir suite aux élections, les
gouvernements dirigés par le PS, avec la participation ou le soutien du PCF,
ont mené une politique de défense du capitalisme français et de prise en charge
des contre-réformes de liquidation de tous les acquis de la classe ouvrière.
En 1981, 1988, 1997 – à 3 sièges près - et 2012, les travailleurs
avaient donné une majorité absolue à l’Assemblée nationale au PS et au PCF. À
chaque fois, et de manière toujours plus brutale pour le prolétariat, contre ce
vote, des gouvernements d’alliance avec des forces bourgeoises (Verts,
radicaux, etc.) ont été mis en place, répondant en tout point aux exigences de
la bourgeoisie. À chaque fois les majorités (absolues !) PS-PCF ont
avalisé les attaques contre la classe ouvrière et la jeunesse. En 1997, alors
qu’il n’y avait pas numériquement de majorité PS-PCF mais une majorité
« plurielle », Jospin, a constitué le gouvernement PS, PCF, Verts,
PRG. Gouvernement Jospin-Gayssot-Voynet-Schwartzenberg,
dont Mélenchon fut ministre délégué à l’enseignement professionnel de mars 2000
à mai 2002. Gouvernement qui porta des coups décisifs contre les enseignants
des lycées professionnels (voir CPS ns n° 46 avril 2012). Rappelons,
entre autres mesures réactionnaires, que le gouvernement Jospin fut à
l’initiative du référendum sur le quinquennat qui renforce le caractère
bonapartiste de la Ve république et que Mélenchon a appelé à adopter lors du
congrès du PS de Grenoble en novembre 2000. Ce gouvernement prit aussi
l’initiative d’amplifier l’offensive contre les retraites, avec la création du
COR. Au final, il est resté dans la mémoire ouvrière comme celui qui a le plus
privatisé dans toute l’histoire de France. La suite a été l’élimination de
Jospin au premier tour de l’élection présidentielle - Jospin qui s’était
présenté en proclamant d’emblée « je ne suis pas socialiste »
-, au profit de Jean-Marie Le Pen. En 2012, une nouvelle fois et probablement
la dernière, le candidat du PS, alors François Hollande, obtenait au premier
tour 28,7% des exprimés (22,7% des inscrits). Pour chasser Sarkozy, l’électorat
traditionnel du PS et du PCF s’était porté à nouveau sur François Hollande
(51,6% des exprimés au second tour). Dans la foulée, une majorité absolue de
députés du PS et du PCF était élue à l’Assemblée nationale (280 PS, 9 PCF, 1
PG). Le PS dirigeait en outre le Sénat, la majorité des grandes villes, 21
régions sur 22.
Sous le quinquennat de Hollande, les gouvernements
successifs (PS, EELV, PRG) ont décuplé l’offensive contre le prolétariat,
amplifiant celle engagée sous le quinquennat de Sarkozy. Pendant cinq ans, les
députés PS et le PCF se sont totalement soumis à ces gouvernements. Ils ont
tout avalé, y compris le recours à l’article 49.3 par Valls. Ce sont eux qui
portent l’entière responsabilité de la « terrible défaite »
d’avril 2017 et de celle d’avril 2022. Bien entendu, cette responsabilité est
partagée par les dirigeants de la CGT, de FO, de la FSU et de l’UNEF qui à
aucun moment n’ont rompu la concertation avec les gouvernements en place et le
Medef sur la préparation, l’élaboration et l’application des réformes
réactionnaires.
L’effondrement quasi-total du PCF, sa quasi-disparition, et
la liquidation définitive du PS qui est inéluctable sont des questions
politiques de première importance. Le PCF, devenu orphelin suite à la
restauration du capitalisme dans l’ex-URSS et par conséquent à la dislocation
de l’appareil international de la bureaucratie du Kremlin, est passé, pour les
présidentielles, de 15,3% des exprimés en 1981 (Marchais) à successivement 6,8%
en 1988 (Lajoinie), 8, 6% en 1995, 3,37% en 2002 (Hue) et 1,9% en 2007 -
707 268 voix (Buffet). En 2022, Roussel a obtenu 2,28% - 802 615
voix. Par ailleurs, au fil des élections locales, le PCF a perdu l’essentiel de
ses positions (le dernier département qu’il dirigeait, le Val-de-Marne, a été perdu
en juin 2021), celles qui lui permettait de maintenir un minimum de lien avec
les masses. Le PCF garde néanmoins une place importante dans les appareils
syndicaux de la CGT et de la FSU. Pour le PS (voir plus loin) est engagée la
marche à sa disparition définitive avec son explosion en cours en de multiples
débris. De ce point de vue la bourgeoisie, relayée par les dirigeants du PS
(Mitterrand lui-même, Fabius, Rocard, Jospin, Royal, Hollande, etc.) et avec la
contribution de Mélenchon, est arrivée à ses fins.
Triomphe des partis
bourgeois au premier et second tours
Au premier tour 2022, les candidats bourgeois (Macron, Le
Pen, Pécresse, Dupont-Aignan, Lassalle, Zemmour,
Jadot, en incluant Hidalgo) réalisent 74,43% des exprimés contre 72,32% en 2017
(53,66% des inscrits contre 54,80 en 2017- 26,2 millions de voix contre 26,1 en
2017). Macron, le candidat du MEDEF, passe de 24,01 % des exprimés (18,19 des
inscrits) à 27,84 % (20,07% des inscrits). Il gagne plus de 1,1 million de
voix.
Le LR (Pécresse) perd plus de 5,5 millions de voix (4,78%
des exprimés, 3,45% des inscrits) par rapport à Fillon. LR se scinde en
trois : les partisans de la constitution d’un parti unique avec LRM
(Sarkozy), ceux partisans d’un accord de coalition « à l’allemande »
et ceux pour qui LR devrait rester un parti d’» opposition »
(Ciotti), ménageant des alliances possibles avec le RN. Mais le ralliement de
Sarkozy et autres (Woerth) à Macron s’inscrivait dans le choix du Medef dès
avant le premier tour. Macron est considéré par les patrons comme étant plus à
même d’amplifier l’offensive contre le prolétariat au regard du bilan de son
premier quinquennat.
Mais du point de vue de la bourgeoisie, l’échec de LR est
plus que compensé par le résultat de l’ensemble Zemmour
(Reconquête) et Le Pen (RN) qui progresse, passant de 7,6 millions de voix pour
Le Pen en 2017 à 10,6 millions en 2022, soit près de 3 millions de voix de
plus, de 21,6 % des exprimés à 30,22 % (de 16,14% des inscrits à 21,79%). A ce
camp, s’ajoute l’électorat de Dupont-Aignan, soit 2,06% des exprimés (1,49% des
inscrits). Une partie de l’électorat traditionnel de LR (ex RPR, ex UMP) s’est
porté d’une part sur Macron, soutenu de fait par Sarkozy, d’autre part sur
l’» ultra-droite » (il faut se rappeler le score de Ciotti à la primaire
de LR, soit 25%, et en présentant ses 550 candidats aux prochaines élections
législative, Reconquête , le parti de Zemmour,
précise que 176 d’entre eux sont issus de LR). C’est aussi le cas de
l’électorat de Dupont-Aignan qui perd près d’un million de voix au profit du RN
et de Zemmour.
Au second tour, Macron l’emporte avec 58,53% des exprimés
(38,52% des inscrits). Par rapport à 2017, il perd 7,55% des exprimés (5,09%
des inscrits). Mais Le RN progresse de 7,55% des exprimés (+ 4,91% des
inscrits). Tandis que Macon perd 1,9 millions de voix, le RN en gagne près de
2,7 millions. Le nombre de suffrages exprimés progresse d’environ 700 000
voix, même si l’abstention a été de 28,01%. Si on compare le total
abstentions/nuls/ blancs entre 2017 et 2022, on passe seulement de 16,2
millions à 16,7 millions. Sur ce plan, la progression est limitée. L’électorat
des partis bourgeois s’est mobilisé.
En 2002, Le Pen avait obtenu 5,5 millions de voix au second
tour ; en 2012, 6,4 millions au premier tour ; en 2017, 10,6 millions
au second tour. En 2022, Marine Le Pen en obtient 13,3 millions. C’est un
succès considérable. À l’origine de ce résultat, il y a l’impasse économique et
sociale de couches petits bourgeoises (petits commerçants, artisans, petits et
moyens propriétaires terriens mais aussi petits fonctionnaires, petits et
moyens cadres et techniciens, auxquels se joint une masse de travailleurs lumpénisés et aussi de jeunes – il ne faut pas se voiler la
face – qui, du fait du chômage et des petits boulots, subissent les multiples
implications de la crise économique. Cet électorat se tourne vers le RN en
l’absence de toute perspective politique ouverte au compte du prolétariat.
Mais dans cette élection il faut aussi compter la part
prise par une fraction de l’électorat bourgeois, fraction qui s’enhardit, et
dont Bolloré, Dassault, Lagardère et autres, qui ont mis au service de Zemmour leurs media, sont des représentants. C’est ce
qu’exprime le vote Zemmour au premier tour (7,07% des
exprimés, 5,1% des inscrits, soit près de 2,5 millions de voix).
Le FN cristallisait en partie l’expression politique de la
composante la plus réactionnaire de la bourgeoisie française. Celle issue de la
vielle aristocratie, cléricale, se référant historiquement aux chouans (cf. de
Villiers soutenant Zemmour), aux bourreaux de la
Commune de Paris, Gallifet et Thiers, à la tentative
de restaurer la monarchie ; c’est le parti des anti dreyfusards, de
l’extrême droite française des années 30, de la collaboration avec Pétain et le
régime nazi, nostalgique de l’empire colonial, corporatiste, raciste. A
l’occasion de cette élection, avec la candidature Zemmour,
cette composante s’est pleinement et ouvertement exprimée. Voir par exemple le
fait que sur Paris, Zemmour devance Le Pen, que dans
les arrondissements bourgeois de la capitale ou à Versailles, ce candidat
approche les 20 % des exprimés.
Le score Le Pen/Zemmour a une
grande importance. Par le passé la montée électorale du FN/RN constituait un
aiguillon pour que la bourgeoisie amplifie la marche à l’état policier, la
remise en cause des libertés démocratiques, les pouvoirs sans contrôle de la
police, la chasse aux immigrés, les attaques contre les conquêtes ouvrières. Il
est aujourd’hui plus qu’un aiguillon : dans bien des domaines, lors de la
campagne électorale notamment, il a donné le ton, en premier lieu celui du
renforcement de l’État bourgeois, de la répression policière et des attaques
contre les libertés démocratiques (voir par exemple les programmes de Pécresse
et de Macron… et il faut rappeler la participation de Roussel, Jadot, Faure à
la manifestation des policiers du 19 mai 2021 aux côtés de Marine Le Pen, la
déclaration de Darmanin trouvant Le Pen sur l’immigration « un peu
molle »). Il est clair que Macron et son gouvernement vont totalement
s’appuyer sur le résultat de ce vote pour légitimer leur politique
réactionnaire, en particulier en matière de renforcement de l’état policier
mais aussi pour amplifier leurs attaques contre le prolétariat et la jeunesse.
La candidature Mélenchon ne
constituait pas une alternative ouvrière à la trahison du PS et du PCF
Mélenchon progresse par rapport à 2017 de plus 655 000
voix, passant, du fait de l’abstention, de 19,58 % des exprimés (14,84% des
inscrits) à 21,95 % (15,83% des inscrits). Il rate la qualification au second
tour de 421 420 voix, qualification qui aurait été très possible si, comme
en 2017, le PCF s’était rallié à sa candidature.
Comme en 2017, une partie de l’électorat du PS et du PCF,
voire d’extrême gauche, en particulier un électorat jeune, notamment issu de
l’immigration, s’est tournée vers Mélenchon. Il faut le noter : seulement
une partie, certes conséquente, de l’électorat ouvrier et populaire qui votait
PS et PCF s’est portée sur ce candidat. C’est là où Mélenchon réalise ses
meilleurs scores que l’abstention est la plus forte par rapport à la moyenne
nationale. Selon un article paru sur Médiapart :
« La FI a ainsi explosé tous les scores dans la plupart des quartiers
populaires de France où certains bureaux de votes ont enregistré des scores
allant jusqu’à 84% en sa faveur, comme dans la cité du Font-Vert à Marseille.
Dans les villes paupérisées de l’ex banlieue rouge, Mélenchon est parvenu à
incarner une issue réelle pour une large part des habitants : 64% des suffrages
à La Courneuve, 61% à Saint-Denis, 60% à Bobigny, 60% à Aubervilliers, 56% à
Grigny, 46% aux Ulis… Mais ces scores impressionnants
jouxtent une abstention tout aussi importante au regard de la moyenne
nationale… 40% d’abstention à Roubaix, près de 40% à Grigny, 38% à Bobigny, 36%
à Aubervilliers, 30% à Orly ou à Vigneux ».
Il faut aussi relever que selon les sondages de 18 à 20% de ses électeurs au
premier tour auraient voté Le Pen au second. Le Monde indique :
« Si la plupart des bureaux acquis au candidat de La France insoumise
se sont reportés sur Emmanuel Macron au second tour, un nombre non négligeable
de bureaux où il avait obtenu plus de 50 % des suffrages exprimés se sont
ensuite tournés largement vers Marine Le Pen. ». Au soir du
premier tour, Mélenchon s’est déclaré fièrement élu président aux Antilles et
en Guyane avec 50% des votes exprimés en Guyane, 56% en Guadeloupe et 53% en
Martinique. Il a évité de commenter les résultats du second tour, où Le Pen
obtient respectivement 59%, 69% et 61% des suffrages.
Mélenchon et l’Union
populaire sont perçus comme proposant une alternative possible à la gestion de
la crise au compte des capitalistes et à la prise en charge des contre-réformes
de destruction des acquis passés, en particulier par le PS, avec l’assentiment
du PCF. Comme en 2017, en 2022 il a saisi l’opportunité d’occuper pleinement la
place politique. Dans ses meetings, il a avancé toute une série de
revendications qui correspondent aux aspirations des masses (augmentation du
smic, retraite à 60 ans, assurance-chômage, droit à la santé et au travail,
abrogation de Parcoursup, garantie d’autonomie pour les jeunes, gratuité de
l’enseignement supérieur, embauche massive et titularisation des contractuels
dans la Fonction publique, etc.). Mais comme l’a analysé CPS n° 82 ns du
9/03/2022, sous ce vernis se profile une orientation politique de défense de
l’ordre bourgeois réactionnaire sous toute la ligne. Le programme de l’Union
populaire, qui est celui de LFI en quasi-totalité, est un programme en défense
de l’impérialisme français, des restes de son empire colonial, de son État avec
un militarisme débridé, de sauvegarde du capitalisme français et la propriété
privée des moyens de production. Sur le fond, cette orientation n’est en rien
une rupture avec celle du PS et du PCF de défense de l’ordre bourgeois. LFI une
organisation, un mouvement qui s’est constitué contre le mouvement ouvrier, un
produit de sa décomposition politique qui contribue à désarmer et à faire
régresser politiquement le prolétariat et la jeunesse. Au lieu de représenter
une alternative politique, Mélenchon et LFI participent au désarmement
politique du prolétariat et de la jeunesse. A la lutte des classes, il s’agit
de substituer la lutte du peuple, de tout le peuple, toute classe confondue
contre l’oligarchie, en opposant à la révolution prolétarienne la révolution
citoyenne. Dans son livre L’Ère du peuple, Mélenchon écrivait : « Le
peuple est constituant ou il n’est rien - comme Marx disait du prolétariat
qu’il devait être révolutionnaire ou bien qu’il ne serait rien » ; et
« la révolution citoyenne, ce n’est pas l’ancienne révolution
socialiste ». La perspective n’est plus le combat pour le
socialisme.
Après le second tour, il a déclaré : « j’ai
demandé aux Français (sic !) de m’élire premier ministre », vantant
les mérites de la cohabitation, en faisant référence à celle de 1997-2002 entre
Chirac et le gouvernement dirigé par Jospin (voir plus haut sur le bilan). Il
avait d’ailleurs déjà avancé cette possibilité suite à l’élection
présidentielle de 2002 (voir CPS ns n°65 du 1/06/2017). De fait, c’était
faire acte d’allégeance envers Macron en étant partant pour une cohabitation
dans le respect des institutions de la Ve République, en en vantant même les
mérites (l’article 20 de la constitution qui définit les pouvoirs du premier
ministre, l’article 11 qui permet d’avoir retour au referendum). Comme l’a déjà
caractérisé CPS « Mélenchon a en réalité rompu les amarres avec le
mouvement ouvrier. Sa candidature doit être caractérisée comme une candidature
ultra bonapartiste. Sa tradition politique, c’est celle de De Gaulle :
souveraineté nationale, « indépendantisme de la France », au-dessus
des partis et des clivages politiques ». L’affiche de campagne de LFI
pour les prochaines élections législatives se réduit à « Mélenchon
premier ministre », confirmant le caractère ultra bonapartiste de sa
candidature à l’élection présidentielle.
Une nouvelle fois, le front
républicain
Dès le soir du premier tour et dans les jours qui ont
suivi, Faure, Roussel, Jospin, Hollande Cambadélis, aux côtés de Jadot,
Hidalgo, Taubira, sans parler du Medef, de Sarkozy et d’autres, ont appelé
explicitement à voter Macron pour faire barrage à l’extrême droite, voire à la
menace du fascisme. Déclarations auxquelles ont emboité le pas les Poutou et autres de ladite extrême gauche, à l’exception
d’Artaud pour LO, avec la formulation « Pas une voix pour Le
Pen », en clair un appel implicite à voter Macron. Mélenchon s’est
situé sur cette ligne en indiquant que ses soutiens se devaient de
« voter en leur âme et conscience ». Comme en 2017, LFI a
organisé un sondage. Les résultats ont été précédés de l’avertissement
suivant : « Le résultat de cette consultation n’est pas une
consigne donnée à qui que ce soit ». 215 292 personnes ont
participé à la consultation. : votes blanc ou nuls : 37,65%, Macron :
33,40%, abstentions : 28,96%. Et d’ailleurs Mélenchon a dû réagir pour
recadrer : « Les deux finalistes ne sont pas équivalents.
Marine Le Pen ajoute au projet de maltraitance sociale qu’elle partage avec
Emmanuel Macron un ferment dangereux d’exclusion ethnique et religieuse ».
Oui, Mélenchon a mérité les remerciements de Macron.
Du coté des confédérations et fédérations, l’engagement a
été total sur la ligne « pas une voix pour Le Pen ». Le samedi
16 avril 2022, entre les deux tours, FSU, CGT, UNEF se sont associés à un appel
à manifester sur le mot d’ordre « contre l’extrême droite et ses
idées, pas de Marine Le Pen à l’Élysée ». Manifestations peu suivies par
ailleurs. Lors de son CCN du 31 mars, FO avait adopté à l’unanimité la
position : « la CGT-FO (…) fidèle à la Charte d’Amiens, (…) ne
donnera aucune consigne de vote. FO réaffirme son attachement à la République,
une et indivisible, garante de l’égalité de droits, à l’universalisme
républicain, à la laïcité, à la séparation des Églises et de l’État, et sera
sans faiblesse, sans concession sur ses valeurs fondamentales : le refus
du racisme, de l’antisémitisme, de la xénophobie, des slogans qui font de l’étranger,
du migrant, le bouc émissaire faute d’apporter des réponses de justice sur le
terrain économique et social. ». Dans ce registre du vote implicite
pour Macron, la CGT est montée en première ligne. Après que Berger a publié une
tribune appelant à voter Macron, Martinez a signé avec lui une autre tribune
publiée dans le JDD du 16 avril qui se conclut : « Le
Rassemblement national est un danger pour les droits fondamentaux des citoyens
et des travailleurs. Il ne peut pas être considéré comme les partis
républicains, respectueux et garants de notre devise, liberté, égalité,
fraternité. Ne lui confions pas les clés de notre démocratie, au risque de les
perdre. ». Il faut ajouter que la presse bourgeoise s’est
déchaînée : Les Echos bien sûr, mais Le Monde ou encore,
sans vergogne, Médiapart.
Pourquoi un tel engagement ? Parce que les appareils
syndicaux en particulier percevaient que le front républicain justifiant le
vote Macron ne passait pas comme une lettre à la poste auprès d’une large
frange de travailleurs et de jeunes et qu’il fallait faire avaler la pilule. Il
faut rappeler que déjà en 2017 l’abstention était passée de 22,23 % au premier
tour à 25,44% au second et que le nombre de votes nuls/blancs était passé de
moins d’un million à plus de quatre millions. Au second tour de 2022,
l’abstention a été significativement plus importante dans nombre de bureaux de
votes où Mélenchon était en tête au premier tour, soit de 7 à plus de 10% (par
exemple, en Seine Saint-Denis, elle passe de 30,22% à 38,79%). Une indication a
été la consultation organisée par LFI évoquée précédemment. Cette résistance au
front républicain a trouvé une expression dans la jeunesse étudiante, certes
d’une manière très limitée étant données les circonstances (partiel, vacances),
mais réelle (voir dans la rubrique « On nous communique »).
Mais ce frémissement a suffi pour
alerter le gouvernement. D’où la fermeture des facs et le déploiement de
l’appareil policier. D’où le front unique Macron/Le Pen : « Macron
et Le Pen s’accordent pour dénoncer les blocages de facultés » a osé
titrer un journaliste sur le site du Monde avant d’être illico presto
censuré. Il est à noter que, en soutien à Macron, les appareils syndicaux se
sont refusés à engager le combat contre la répression, pour la réouverture des
facs.
La ligne du front républicain a un objectif :
soumettre le prolétariat à la classe dominante, aux exploiteurs et aux
oppresseurs.
Le RN est-il un parti
fasciste ?
C’est au nom du combat contre le fascisme que les dirigeants
traîtres et l’extrême gauche justifient le front républicain.
Si le RN, ex-FN, était un parti fasciste, cette
caractérisation impliquerait que le RN combattrait plus ou moins ouvertement
pour le renversement du parlementarisme bourgeois. Cette agitation
antiparlementaire devrait alors s’accompagner de manifestations concrètes sous
la forme de véritables milices, militairement organisées, disposant de
puissants relais au sein de l’appareil de répression – armée, police et justice
-, destinées à affronter et tenter d’écraser physiquement les partis et
syndicats du mouvement ouvrier, en s’attaquant aux manifestations, aux
meetings, aux piquets de grèves pour faire régner la terreur. De ce point de
vue, le RN n’est pas un parti fasciste comme le furent le parti nazi ou le
Parti national fasciste ou encore la phalange franquiste, et il est encore très
loin de le devenir (à titre d’exemple, on peut dire que l’Aube Dorée, en Grèce,
est un parti fasciste).
Aujourd’hui, le RN se fond totalement dans le moule des
institutions de la Ve République et de son bonapartisme bâtard, et
il ne remet aucunement en cause le rôle et les pouvoirs du parlement en place.
Présentant l’application de son programme, Le Pen prévoyait de convoquer une
conférence sociale associant les syndicats. On est très loin de l’objectif de
les liquider physiquement.
Pour que le FN se transforme en parti fasciste, il faudrait
que le capital considère qu’il constitue un recours politique au regard des
développements de la situation économique et politique, et donc qu’il estime
nécessaire de le soutenir, de le financer, d’organiser son armement en vue de
son accession au pouvoir. De fait, le RN n’est pas un parti fasciste ou à même
de le devenir dans un proche intervalle de temps parce que tout à la fois la
situation du capitalisme français en crise et les rapports entre les classes ne
nécessitent pas (encore) d’en arriver à de telles extrémités. Ni le cadre
vermoulu d’une Ve République ni l’activité des masses n’imposent
aujourd’hui à la bourgeoisie de recourir à l’écrasement physique du mouvement
ouvrier Cette dernière a au contraire impérativement besoin de la collaboration
totale des dirigeants du mouvement ouvrier pour mettre en œuvre ses attaques
contre le prolétariat.
Le RN est un parti dont le programme demeure violemment
réactionnaire, xénophobe, et anti-ouvrier. Il n’est pas un parti fasciste. Au
demeurant, même si le RN était effectivement un parti fasciste, alors il
faudrait pour le combattre, opposer au front républicain le front unique
ouvrier, en rupture avec les partis bourgeois, en appelant en particulier à
l’organisation de comités de défense, voire de milices ouvrières.
L’impérialisme français en
perdition dans son pré-carré en Afrique
En Afrique, en particulier au Sahel, le pré-carré de
l’impérialisme français se délite. Ces derniers mois ont été jalonnés de
multiples manifestations anti-françaises attisées par les régimes en place et
les manœuvres de ceux qui lui disputent le terrain (la Russie, par sa présence
militaire via les milices Wagner ; la Chine, par des velléités
d’investissement). Dernièrement selon Le Monde, « dans un
communiqué publié lundi 2 mai, la junte au pouvoir à Bamako a annoncé
dénoncer les accords de défense conclus avec Paris et ses partenaires
européens, invoquant la “détérioration profonde de la coopération
militaire avec la France” et ses “atteintes flagrantes à la
souveraineté nationale du Mali”. De plus : « Les autorités
dominées par les militaires arrivés au pouvoir après un double coup d’État – en
août 2020 puis en mai 2021 – ont précisé que la dénonciation du
traité de défense ne prendrait effet que dans six mois. En revanche, celle
concernant « Barkhane » et « Takuba »
a, selon elle, un “effet immédiat”… Bamako considère désormais la
présence des militaires français et européens sur son sol comme
illégale. ». En clair, les troupes françaises doivent toutes dégager
immédiatement. Quinze jours après, le gouvernement malien décidait de quitter
le G5 Sahel (Mali, Burkina Faso, Tchad, Niger, Mauritanie) constitué en 2014.
Du fait de sa position géographique centrale, le Mali était la clef de voûte du
G5, dont l’objectif essentiel était d’associer ses membres aux opérations
militaires dirigées par l’armée française au titre d’opérations
« antiterroristes ». Tout s’effondre. Un expert commente :
« Le Mali est un pays central au Sahel, et sans lui, le G5 sera
réduit à portion congrue, une espèce de G4 affublé d’un trou
stratégique béant qui le vide de sa substance. Cela remettrait en cause la
raison d’être même de cette organisation et pourrait pousser d’autres États
membres à explorer de nouveaux horizons ».
La hantise de l’impérialisme français, c’est « l’effet
domino », c’est-à-dire qu’à terme soit remise en question la présence
de son emprise dans tout le Sahel et l’Afrique de l’Ouest, d’autant plus que
c’est à bout de bras, par sa présence militaire, qu’il parvient à maintenir à
sa botte les régimes corrompus (Tchad, Burkina Faso, Niger). D’ailleurs, le
capitaliste Bolloré, soutien de Zemmour, a anticipé la
débâcle qui s’annonce en bradant l’essentiel de ses affaires sur ce continent.
Mais les difficultés sont grandes aussi ailleurs. La
position est menacée en Nouvelle-Calédonie, en particulier par l’impérialisme chinois
qui en fait une cible pour le développement des routes de la soie, soutenant en
sous-main les indépendantistes. L’économie de l’Île lui est déjà tributaire
parce qu’il importe les deux-tiers de sa production de nickel et qu’il démontre
des possibilités d’investissement en infrastructures que n’a pas l’impérialisme
français. Suite aux accords entre la Chine et les Iles Salomon, Macron a appelé
l’Australie et les USA au secours. Le référendum pour l’indépendance n’a pu
avoir lieu qu’au prix d’un déploiement sans précédent de l’armée et de la
police. Les organisations kanak ont appelé au boycott de l’élection
présidentielle. L’appel a été suivi à plus de 80% dans les communes à majorité
kanak.
Enfin, dans les Antilles, l’impérialisme français est confronté
presque en permanence à des mouvements à caractère insurrectionnel qui le
contraignent à déployer sans commune mesure l’armée et la police pour rétablir
l’ordre.
Le capitalisme français aux
abois
La situation du capitalisme s’inscrit dans le contexte des
développements de la crise économique mondiale. Toutes les prévisions récentes,
aussi bien au plan mondial que pour l’Union européenne, laissent présager un
avenir des plus sombres, plein d’incertitudes. Semaine après semaine les
prévisions de croissance du PIB sont revues à la baisse. C’est le « cocktail
explosif », selon certains : dette, inflation, augmentation des
taux d’intérêt, désorganisation de la production, poursuite de la pandémie du
Covid.
Les dernières données
de l’INSEE pour le premier trimestre 2022 : « Mise à mal par la
vague Omicron, au début de l’année, et par la guerre en Ukraine, à partir de la
fin février, la croissance française est restée totalement atone au premier
trimestre : le produit intérieur brut (PIB) affiche une évolution de
0 % sur la période, après un dernier trimestre 2021 à + 0,8 %, selon
les chiffres publiés, vendredi 29 avril, par l’Insee. Le passage à vide de
l’économie française est plus net que prévu : l’institut statistique
escomptait une croissance faible, de l’ordre de 0,3 %. » Et :
« Dans le même temps, l’inflation a poursuivi sa course : la
hausse des prix à la consommation atteint 4,8 % sur un an en avril, après
4,5 % à la fin mars. L’indice des prix harmonisés, qui permet la
comparaison avec les autres pays de la zone euro, a augmenté de 5,4 % sur
un an, alors qu’il était en hausse de 5,1 % en mars ». Et
pour l’année 2022, selon Les Echos : « Et alors qu’il y a
seulement deux semaines, le FMI prévoyait une croissance de 2,9 % pour 2022
(1,4% pour 2023), Il vient de réajuster : “Les économistes du FMI
prévoient moins de 1 % de croissance pour la France entre la fin 2021 et la fin
2022, chiffre le plus faible de tous les grands pays avancés, à l'exception de
l'Italie.” »
En 2021, le déficit commercial avait atteint un sommet avec
84,7 milliards d’euros (ce déficit est chronique depuis 2002, le record de
2011, 75 milliards d’euros, a été battu). Au premier trimestre 2022, le déficit
commercial s'est creusé à 31 milliards d'euros, contre 16,2 milliards
à la même époque l’année précédente. Et il atteint désormais 100 milliards
sur douze mois glissants. « La facture énergétique s'est alourdie, mais
ce n'est pas la seule raison… Les importations ont ainsi atteint
176 milliards d'euros sur la période, dépassant de 20 % leur niveau
moyen de 2019 en valeur. »
Pour le capitalisme
français, de déboire en déboire
Parmi les capitalismes des pays européens, le capitalisme
français a été l’un des plus affectés par la guerre en Ukraine. Le cas de
Renault en est une illustration. Le groupe a dû cesser toute activité de
construction propre en Russie. Les conséquences sont terribles et représentent « 15 %
de ses volumes de ses ventes, 50 % du bénéfice opérationnel de son
activité automobile et prive le groupe d’une source de cash indispensable à ses
investissements, en particulier dans son ambitieux plan électrique. » De
plus : « Le groupe va céder les 68 % qu'il détient dans AvtoVAZ, la maison mère de la marque Lada, au NAMI,
l'organisme étatique chargé d'homologuer les nouveaux véhicules (l'équivalent
de l'Utac Ceram en France).
L'usine détenue en propre par Renault sera, elle, cédée à la ville de Moscou.
Le communiqué de la direction n’évoquait pas le prix des transactions, mais
celles-ci se font pour un rouble symbolique, indique Luca de Meo. Le départ de Russie va donc se solder pour le
constructeur par une perte de 2,2 milliards d'euros, le montant des
provisions annoncées le 23 mars lorsque le groupe a révélé la suspension
de ses activités industrielles sur place ». Est sur la table le
démantèlement du groupe avec la séparation en deux filiales des activités
moteurs thermiques et moteurs électriques. Pour la première, il est probable
que des coupes sombres sont programmées dans les activités de recherche et
développement (le site d’Élancourt avec ses 4 000 salariés), et dans la
production. Pour la seconde, il faut dire que les ambitions ne peuvent qu’être
limitées dans le concert de la concurrence acharnée que se livrent les
constructeurs mondiaux : sur ce secteur, les investissements possibles de
Renault ne représentent même pas un cinquième de ceux engagés par Volkswagen. Les
Echos commentent : « L’un des fleurons français de
l’automobile est devenu une proie potentielle ».
Autre exemple de la déliquescence du capitalisme français :
l’un de ses fleurons, l’industrie du nucléaire, s’effondre. Selon les
Echos : « Le parc nucléaire risque de tourner au ralenti
pendant plusieurs années ». Le Monde du 18 mai fait un état de la
situation : « Sur les 56 réacteurs en exploitation, 29 étaient à
l’arrêt lundi 16 mai : alors que le président de la République,
Emmanuel Macron, entend relancer la filière nucléaire, avec la construction de
nouvelles unités, le parc actuel connaît une indisponibilité record. En cause,
des mises à l’arrêt prévues de longue date, notamment pour effectuer les
examens nécessaires à la prolongation de la durée de vie des réacteurs au-delà
de quarante ans, mais aussi un phénomène inattendu et encore largement
inexpliqué de corrosion sur des tuyauteries. » Et : « La
France doit-elle redouter un problème générique pour l’ensemble de son parc
nucléaire, principale source d’électricité du pays ? ». Ainsi, « entre
sa production à la baisse et les mesures gouvernementales, l’électricien
anticipait déjà en mars, pour 2022, une perte de 26 milliards d’euros sur
son résultat brut d’exploitation. Un montant considérable, puisque l’excédent
d’EDF était de l’ordre de 18 milliards d’euros en 2021, pour un
chiffre d’affaires de 84,5 milliards d’euros et une dette de
43 milliards d’euros. ».
Dans son programme, Macron prévoit de lancer une première
tranche pour la construction de six EPR. L’évaluation de l’investissement est
de 52 milliards d’euros pour une mise en service du premier EPR en 2037. On
peut en douter : le coût initial de l’EPR de Flamanville était évalué à
3,5 milliards d’euros pour une mise en service en 2012. Au mieux la mise en
service devrait avoir lieu en 2023, et la Cour des comptes chiffre le coût à
19,3 milliards d’euros. De plus, le coût de maintenance et de mise à niveau
pour prolonger la durée de vie des centrales existantes jusqu’à 60 ans pour
certaines d’entre, elles avec tous les risques de catastrophes possibles, est
lui estimé à plus de 50 milliards d’euros. Une équation sans solution. Pour
tenter de lancer l’opération, est remis sur le chantier le démantèlement d’EDF
qui faisait l’objet du projet Hercule. Livrer au privé les activités d’EDF dans
les énergies renouvelables, la distribution, voire l’hydraulique et prise en
charge par l’état à 100% de la production d’électricité nucléaire… autant
d’économies qu’il faudra réaliser par ailleurs, c’est-à-dire de coupes sombres,
dans les autres budgets.
Le capitalisme français pris
à la gorge par les dettes publique et privée
La dette publique de la France, avec 113% du PIB, est au
cinquième rang en Europe, derrière la Grèce, l’Italie, l’Espagne et le
Portugal. Les Echos indiquent : « La situation française en
matière de dette publique est tout aussi critique : celle-ci a connu une
hausse de 15,5 points, à 112,9 % fin 2021, alors que dans l'ensemble
de la zone euro, la dette est passée à 95,6 % (+11,8 points). Sept
pays affichent même un ratio inférieur à 60 %. Le fossé se creuse entre le
nord et le sud, et la France est dans le mauvais groupe ». Et toujours
selon Les Echos, les perspectives sont sombres du fait de la hausse
inéluctable des taux d’intérêt : « Le coût de la dette a repris sa
progression l’an dernier pour la première fois depuis 2011. Selon une note
de l’Insee parue fin mars, la charge d’intérêts a grimpé de 15 % l’an
dernier par rapport à 2020, soit 5 milliards de plus en un an, à
38,1 milliards d’euros. Elle avait reculé d’à peu près autant l’année
précédente. Mais la situation évolue très vite : à l’automne 2021, lors du
débat sur la loi de finances pour 2022, Bercy a dû ajouter par amendement
plus d’un milliard de crédits pour la charge de la dette, à 39,5 milliards
d’euros ». Déjà, le taux pour l'obligation à 10 ans est passé de
0,1 % à 1,6 % en un an : « Chaque 1 % de hausse des
taux d'intérêt représente donc à terme un coût annuel supplémentaire de près de
40 milliards d'euros, soit presque le budget actuel de la Défense ».
Mais de plus, un économiste alerte dans Le Monde :
« Une période dorée s’achève » ; du fait de la hausse
inévitable des taux : « Facteur aggravant, une dette privée, des
entreprises et des ménages, plus importante encore que la dette publique. Selon
les comptes de la Banque des règlements internationaux (BRI), cités par
l’économiste Eric Chaney, le cumul des dettes
publique et privée en France s’établissait en septembre 2021 à 361 %
du PIB. Parmi les pays industrialisés, seul le Japon est plus endetté. De quoi
diffuser rapidement, dans l’ensemble de l’économie, le choc d’une remontée des
taux. Un triangle qui ressemble à un volcan pour le nouveau président ».
Les limites du « quoi qu’il en coûte » sont désormais
atteintes : pour beaucoup d’entreprises, l’échéance du remboursement des
Prêts garantis par l’État (PGE), qui a permis en fait à nombre d’entre elles
déjà « zombies » avant la crise du Covid de ne pas sombrer, ne peut
plus être indéfiniment repoussée, la patience des capitalistes banquiers ayant
des limites. Il faut s’attendre à une multiplication des faillites, avec toutes
les conséquences en termes de nouvelles vagues de licenciements.
Un éditorialiste des Echos du 26 avril résume :
« Investissements en berne, consommation comprimée, exportations
amputées, dépenses publiques affaiblies : le scénario d'une récession profonde
pourrait alors s'amorcer, avec des conséquences politiques et sociales
imprévisibles. »
Dans une récente conférence de presse, François Villeroy de Galhau, gouverneur de
la banque de France, vient de sommer le prochain gouvernement : « loin
des promesses de nouvelles dépenses, resserrer fortement le robinet budgétaire,
avec l'objectif “d'un retour d'ici à dix ans nettement sous 100 % du
PIB, et sous le niveau pré-Covid”. Pour y arriver, il faudrait donner un
sérieux coup de frein sur la croissance de la dépense publique, avec “une
augmentation en volume [hors inflation, NDLR] ramenée chaque année à
0,5 %, contre plus de 1 % sur la décennie précédente” ».
En se référant à ce gouverneur, l’éditorialistes du Monde
du 20 mai écrit : « Conjoncture : la France doit sortir du
déni (…) Le séisme ne s’est pas encore produit sur l’économie mondiale, mais
les secousses se font de plus en plus rapprochées (…) Il serait hasardeux
d’imaginer qu’il s’agisse d’un simple trou d’air. (…) Il est frappant de constater
que ce paysage inquiétant n’a guère eu d’impact sur les discours portés pendant
la campagne présidentielle française. Celle-ci a donné lieu à une surenchère de
promesses et de propositions, souvent non financées, et le sujet de la dette
publique a été totalement absent des débats, comme si le « quoi qu’il en
coûte » était toujours d’actualité (…) Il y a quelques jours, le
gouverneur de la Banque de France, François Villeroy
de Galhau, alertait sur la menace d’une crise de la
dette en France en citant un vers de L’Hirondelle et les Petits
Oiseaux, de La Fontaine : » Nous n’écoutons d’instincts que
ceux qui sont les nôtres, Et ne croyons le mal que quand il est
venu. » Le futur gouvernement est prévenu. Il est temps de sortir du
déni des réalités. » L’éditorialiste avertit, au nom d’une large
fraction de la bourgeoisie : il n’y a pas d’autre alternative possible que
de frapper brutalement et sans attendre le prolétariat et jeunesse.
Pour la bourgeoisie, une
seule issue : décupler les attaques contre le prolétariat et la jeunesse
Les développements de la crise économique font que pour les
différentes bourgeoisies des puissances capitalistes, la question centrale
est : comment s’en sortir au mieux. De fait, c’est le chacun pour
soi : comment différer ou amoindrir « le pire ». Et pour toutes
les bourgeoisies, il faut démultiplier les attaques contre le prolétariat et la
jeunesse. Il en est donc ainsi pour la bourgeoisie française, même si beaucoup
a été fait lors des deux quinquennats précédents, celui de Hollande, il faut le
dire, et le premier de Macron. Il faut décupler et intensifier l’offensive
contre les masses. Il faut en finir avec tout ce qui reste des acquis passés du
prolétariat et de plus le temps presse. Macron a indiqué lors de la campagne
pour l’élection présidentielle ce que serait la tâche de son gouvernement.
En résumé : parachever ce qui a été engagé ces
dernières années avec la pleine collaboration des dirigeants syndicaux :
liquidation du droit aux études pour la jeunesse, atomisation finale de
l’enseignent supérieur public en transformant chaque université en entreprise
et en développant l’enseignement supérieur privé payant ; liquidation de
ce qui reste des Crous ; liquidation de l’enseignement professionnel au
profit de l’apprentissage livrant aux patrons une main-d’œuvre corvéable sans
limite (les statistiques flamboyantes que présentent Macron et Borne - leur
bilan de la baisse du nombre de chômeurs inscrits à Pôle emploi - s’expliquent
très largement par un financement quasi intégral de l’apprentissage par le
gouvernement, ce qui a permis l’explosion du nombre d’apprentis, passé de
480 000 contrats fin 2019 à au moins 900 000 deux ans plus
tard) ; parachever la liquidation du statut de la Fonction publique d’État
en particulier au travers de l’attaque contre les garanties statutaires en
matière de rémunération ; dans la continuité du Ségur de la santé, en finir
avec le statut de la fonction publique hospitalière ; disloquer les
statuts des enseignant en ouvrant la voie à leur recrutement par les
établissements scolaires à tous les niveaux afin de les faire « travailler
plus » et en supprimant les concours nationaux ; amplifier les
exonérations de salaire différé (les « charges sociales ») pour les
patrons, ce qui conduit à l’asphyxie de la Sécurité sociale et par conséquent à
des réductions drastiques en matière du droit à la santé tout en ouvrant le
marché aux mutuelles et à l’hospitalisation privées ; au nom du
« travailler plus », repousser la date de départ à la retraite à 65
ans tout en allongeant la durée de cotisation pour bénéficier d’un retraite à
taux plein ; « refonder » les aides sociales type RSA en
conditionnant leur allocation à un temps de travail.
Ce programme implique des coupes sombres dans les budgets
de l’Éducation nationale, des universités, de la Sécurité sociale, au profit ce
ceux destinés à l’armée (50 milliards dès 2025), à la police et à la justice
(15 milliards pour la police et la justice et doublement des effectifs
policiers d’ici 2030).
Élisabeth Borne, première
ministre de choc, adepte de la concertation à tout va
Le 17 mai, Macron a nommé Élisabeth Borne au poste de
première ministre en remplacement de Jean Castex. Depuis 2017, cette femme a
été plusieurs fois ministre au sein des gouvernements Macron-Philippe puis
Macron-Castex, occupant successivement les portefeuilles de ministre des
transports, de la transition écologique et solidaire et, en 2020, du travail et
de l’emploi. A ces postes, ses états de service font d’elle une candidate
idéale pour décupler l’offensive au compte du capital financier contre le
prolétariat et la jeunesse en poursuivant et amplifiant les contre-réformes
engagées auparavant. C’est elle qui a dirigé la politique du gouvernement dans
l’élaboration et la mise en œuvre des contre-réformes les plus brutales.
Avant d’entrer au gouvernement, présidente de la RATP entre
2015 et 2017, elle a œuvré à son ouverture à la concurrence, préparant sa vente
à la découpe en cours avec l’application de la loi LOM (loi d’orientation des
mobilités) adoptée en 2019 et la liquidation, charretée après charretée, de
tous les personnels sous statut.
À la SNCF, c’est sous son ministère des transports qu’une
défaite majeure a été infligée aux cheminots avec la complicité des directions
syndicales, par la liquidation de leur statut. Nommée au ministère du travail,
de l’emploi et de l’insertion en juillet 2020, Borne a notamment eu la
responsabilité des négociations de l’accord national interprofessionnel sur la
mise en place du télétravail, signé par toutes les organisations syndicales et
le MEDEF, accord qui exclut des mesures contraignantes pour les entreprises et
qui renvoie les négociations branche par branche, voire entreprise par
entreprise, laissant de fait les mains totalement libres aux patrons pour s’organiser
en fonction de leurs besoins. C’est encore elle qui a mené à son terme la
contre-réforme de l’assurance-chômage qui réduit le montant des allocations et
qui exclut des dizaines de milliers de chômeurs. Les jeunes lui doivent le
financement massif et le développement de l’apprentissage au profit des
patrons.
Dans ces fonctions ministérielles, Borne a beaucoup appris.
Elle sait que la concertation, le « dialogue social » associant les
dirigeants des confédérations et des fédérations syndicales, est indispensable
pour l’élaboration puis la mise en application des contre-réformes. Avant même
d’être appelée première ministre, le Figaro du 25 avril rapporte : « Chantier
majeur du second quinquennat d'Emmanuel Macron, la réforme des retraites se
fera en accord avec les syndicats et le patronat, a assuré Élisabeth Borne ce
lundi matin, au lendemain de la victoire du président sortant face à Marine Le
Pen. “Il y a une place importante pour de la concertation”, a
déclaré la ministre du Travail sur RTL ». Lors de la passation des
pouvoirs entre elle et Castex, elle a insisté : « Nous avons des
différences, mais je pense aussi que nous avons beaucoup en commun. Nous
partageons la conviction que les politiques publiques doivent se bâtir dans le
dialogue avec les élus, partenaires sociaux, associations avec lesquels nous
avons travaillé sans relâche au cours de ces derniers mois. ».
« Dialogue social » : pour le futur
gouvernement, tous les feux sont au vert
Une question essentielle pour le futur gouvernement, c’est
l’engagement des dirigeants des confédérations et des syndicats dans la
concertation et la collaboration pour la mise en œuvre de sa politique
réactionnaire. Et tout indique que de ce point de vue il peut compter dessus.
Avant même les élections, ils avaient voté Macron ; ils ont réalisé
l’unité nationale sur la question de la guerre en Ukraine, faisant obstacle, au
nom de la lutte pour la paix et d’un règlement négocié sous l’égide de l’ONU, à
tout combat contre la participation de l’impérialisme français au bloc de
l’OTAN, pour le retrait des troupes françaises (voir article dans le présent
numéro de CPS).
La signature en janvier par tous les syndicats de l’accord
PSC (Protection sociale complémentaire), accord de destruction de la Sécurité
sociale, puis celle de l’accord de méthode sur la prévoyance début avril, par
tous excepté FO, annonçaient la couleur : en aucun cas rompre la
concertation, sur quelque sujet que ce soit. À l’invitation de Castex, ils ont
tous participé à la réunion avec le gouvernement pour la mise en œuvre du plan
de résilience. Dès le 7 avril, FSU, CGT, UNEF et autres (sauf FO) appelaient à
manifester le 1er mai : « Quel que soit le résultat de
l’élection présidentielle, la mobilisation sera nécessaire »… « Le 1er
mai, exigeons des mesures fortes et générales d’augmentation des salaires et
des pensions, des bourses étudiantes et un plan de rattrapage des pertes
accumulées » (manifestions au demeurant très limitées : 120 000
selon la police, 210 000 selon la CGT). Et Martinez de déclarer : « Le
1er Mai doit être le premier rendez-vous revendicatif de ce
nouveau quinquennat, pour se faire entendre et exiger de véritables changements
! » On a compris « se faire entendre », c’est là
l’objectif. Et d’ailleurs il faut s’attendre à un déluge de journées d’action
et de mobilisation.
Le jeudi 7 avril, les partenaires sociaux se sont retrouvés
pour conclure leur négociation sur le paritarisme. Histoire de rappeler qu'il faudra
compter avec eux dans les cinq ans à venir. Sans détailler ici le contenu de
l’accord (pour l’instant seule FO a réservé sa signature dans l’attente de son
congrès), on peut lire : « L'accord finalisé ce jeudi insiste sur
la contribution des partenaires sociaux « à la construction de l'intérêt
général et du bien commun », qui « passe à la fois par la capacité
des acteurs à définir eux-mêmes des thèmes de négociation collective
interprofessionnelle de manière autonome, et par leur capacité à agir de manière
concertée avec les pouvoirs publics ».
Suite à la nomination de Borne, Martinez a commenté, selon Le
Monde : « Invité sur LCI ce mardi, le secrétaire général de la CGT
Philippe Martinez a salué l'arrivée d'une femme à Matignon mais pas de la
politique qu'elle représente. “On ne peut que se féliciter qu'une femme soit
Première ministre, évitons des propos machistes que l'on entend encore parfois
dès qu'une femme prend des responsabilités“. Après cette recommandation, il a
même salué l'ancien Premier ministre Jean Castex. “Je ne regretterai pas Jean
Castex pour sa politique. Mais on sent que ça a été un maire d'une petite
ville. Il est au contact, direct et réactif quand on lui pose des problèmes et
qui sait écouter. Il ne sait pas toujours entendre sûrement parce que son
patron au-dessus devait le remettre sur les rails. Il est réglo
[sic !]”, a-t-il regretté ». Et concernant la contre-réforme
des retraites : « Si c'est pour discuter librement de la question
de la retraite avec comme objectif de réduire l'âge de départ, nous irons. Si
c'est pour augmenter l'âge de départ à la retraite, non. Ça devrait vous
interpeller, tous les syndicats sont contre ces mesures ». Le pied est
déjà dans la porte pour participer à la concertation. Et, selon l’AFP, « à
l'image du secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, la plupart des
responsables syndicaux jugent la nouvelle Première ministre Elisabeth
Borne ouverte (sic !) à la discussion mais souvent trop peu encline
à dévier de sa ligne. ». Mais significatif est le fait que les
dirigeants concentrent leurs commentaires sur Borne en évitant de remettre en
cause Macron.
Par exemple, pour la nouvelle contre-réforme des retraites
avec le report de l’âge de départ à 65 ans, pressé par le MEDEF, le
gouvernement veut aller vite en déposant un projet de loi début janvier
prochain. Et déjà pour préparer le projet sur les retraites, Macron a annoncé
la convocation d’une grande conférence sociale en déclarant : » Je
pense que sur un sujet comme ça, c’est d’abord la concertation, la discussion,
le respect ». Les dirigeants de confédérations clament qu’ils
combattront le projet en évitant d’évoquer la question de leur participation à
cette conférence.
Ce qu’il en n’est de la
Nouvelle union populaire écologique et sociale (NUPES)
Les élections législatives sont prévues les 12 et 19 juin.
Pour le prolétariat, dans des circonstances amplifiées par rapport à l’élection
présidentielle, il n’y a aura aucune possibilité d’émettre un vote de classe et
de contrebalancer les débâcles des élections présidentielles de 2017 et 2022.
Le 7 mai, l’accord pour la constitution de la NUPES a été
consacré. Aux termes de cet accord, les candidats devront se présenter sous la seule
étiquette commune de la NUPES, sans faire référence à leur appartenance à un
parti. La répartition des circonscriptions est la suivante : LFI 326, soit
56% ; EELV et accessoirement Générations 100, soit 17% ; PS 69, soit
12% ; PCF 50, soit 8%. 32 circonscriptions n’ont pas fait l’objet d’un
accord, celles des ex-colonies et une en Côte-d’Or.
Le NPA, invité, a renoncé à
signer l’accord sans critiquer le programme sur le fond et en prenant prétexte
de la signature du PS. La part belle est réservé à EELV, parti bourgeois de
l’écologie MEDEF compatible, qui n’avait pas de députés dans l’assemblée élue
en 2017 (il en avait 16 dans celle de 2012 et il faut rappeler que par le passé
si les Verts avaient des députés, c’est d’abord parce que le PS lui laissait jusqu’à
50 circonscriptions en ne présentant pas de candidat).
Mais au-delà,
l’accord stipule que les candidats devront se présenter sous la seule étiquette
commune de la NUPES. Le PS et le PCF ont accepté d’être totalement muselés,
réduit au silence. Et Mélenchon a prévenu : « On va mettre les
points sur les i. Toutes les familles sont dans l’union populaire. Ceux qui
présentent des candidats contre l’union populaire sont des candidats macronistes, car ils ne servent que Macron. »
Autrement dit c’est la police politique, inspiration Chavez : tous ceux
qui oseraient se présenter aux élections en défendant un autre programme que
celui de la NUPES seraient des suppôts de Macron. Pour ficeler le tout, il est
prévu la constitution d’un intergroupe à l’Assemblée nationale et en dehors de
l’Assemblée, d’un parlement mixte. Et fin du fin, les signataires s’engagent à
soutenir nommément Mélenchon dans l’hypothèse, on le sait improbable, où il y
aurait une majorité NUPES. En clôture de la présentation du 7 mai, Le Monde
commente : « La Marseillaise retentit, les responsables des
différents partis de gauche se réunissent autour de Jean-Luc Mélenchon et
chantent l’hymne français. »
La plateforme programmatique de la NUPES a été présentée à
la presse le 19 mai. Elle reprend 650 des 694 propositions de l’Union populaire
(voir sur ce programme CPS ns n°82 du 9/03/2022). Les négociateurs du PS
et du PCF n’avaient qu’un seul objectif : comment la répartition des
circonscriptions, selon la promesse de Mélenchon, permettrait que ces partis
conservent un groupe à l’Assemblée nationale, soit au moins quinze députés.
Pour eux la question du programme était tout à fait accessoire, ce programme
étant sur le fond un programme de défense de l’ordre bourgeois, ce qui leur
convient, même si pour donner le change ils ont affirmé des divergences, dont
certaines sont mentionnées dans le texte du programme (par exemple le nucléaire
pour le PCF, la sortie – à long terme - de l’Otan pour le PS… ou encore pour le
PS qui réfute l’emploi des termes « violences policières » !).
Mais au final, Mélenchon a pu constater : « On s’est aperçu, par
exemple, que sur l’Europe, on était tous d’accord pour dire [qu’]il
n’est pas question, dans une mandature comme celle-ci et dans le contexte
actuel, de sortir de l’Europe ou de l’euro. Ce n’est pas ça le sujet ». En
ce qui concerne le programme, l’économiste Piketty fait le constat :
« En réalité, si l’on examine les choses sereinement, le programme de
transformation proposé en 2022 est plutôt moins ambitieux que ceux de 1936
ou de 1981 ».
Comme la candidature Mélenchon au nom de l’Union populaire,
la NUPES, à laquelle se sont pliés le PS et le PCF, est une concrétisation de
la décomposition du mouvement ouvrier. Avec la NUPES, Mélenchon a ajouté une
brique à son chantier de démolition : au lieu de représenter une
alternative politique, la NUPES participe au désarmement politique du
prolétariat et de la jeunesse.
Crise finale du PS
La direction du PCF a approuvé l’accord (120 pour, 25
contre, 13 abstentions). Il fallait sauver ce qu’il restait des meubles.
Finalement, celle du PS aussi (167 pour, 101 contre, 24 abstentions), mais dans
des conditions où s’est étalée au grand jour une crise majeure, crise dont
l’issue ne peut-être, à terme, que sa disparition, même si des débris
politiques continueront à s’en réclamer.
Les dirigeants du PS se sont écharpés publiquement entre
partisans de l’accord avec LFI, emmenés par Faure, soutenu par Jospin et Aubry,
et opposants à la soumission à Mélenchon, parmi lesquels Hollande, Le Foll,
Cambadélis, Cazeneuve (qui a démissionné), Delga et
autres. Dans plus de 50 circonscriptions, des candidats se sont déclarés contre
les candidats de la NUPES, un grand nombre d’entre eux sans afficher leur
appartenance au PS. À l’initiative de Delga et de Le
Foll notamment, les opposants à l’alliance menée par LFI ont commencé à se
structurer lors d’une première réunion de coordination. Objectif :
accompagner les candidats socialistes qui voudront se présenter les 12 et
19 juin face à des « insoumis ». Ils sont menacés d’exclusion
par la direction.
Mais il faut le rappeler, Faure s’est engagé dans l’accord
uniquement pour préserver des marges de manœuvre pour la suite et non en
défense du PS. Avant le dernier congrès du PS, il militait pour un soutien à
Jadot au premier tour de l’élection présidentielle et pour abandonner le sigle
PS. Et les opposants à l’accord sont en fait sur une même ligne quoiqu’ils s’en
défendent : la refondation pour enterrer le PS et passer à la formation
d’une organisation 100 % bourgeoise. Cambadélis, en complicité avec
Hollande et Hidalgo, dit tout haut ce que les opposants à Faure n’osent pas à
ce stade affirmer clairement dans le cadre des manœuvres d’appareils contre
Faure. Il appelle le PS à se dissoudre : « Il faut une refondation
et la création d'un nouveau parti, un parti social-démocrate et
populaire », insiste-t-il après avoir lancé fin mars un "pôle
social-démocrate" destiné à « rassembler les énergies pour un
changement majeur à gauche après les élections présidentielle et
législatives. ». On peut aussi citer Delga :
« Je veux créer un mouvement d'union de la gauche républicaine ».
Comment se disposer pour
faire face à l’offensive programmée par le gouvernement Macron-Borne ?
Les élections donnent une image des rapports politiques,
des rapports entre les classes. Elles sont un des résultats de la lutte des
classes et un facteur plus ou moins important de son développement. Le résultat
de l’élection présidentielle est une expression de l’immense désarroi du prolétariat
et de la jeunesse, et de leur grande misère politique. Le résultat des
élections est un coup de massue pour les masses. Toute perspective politique
immédiatement saisissable par elles, celle d’un gouvernement ouvrier
satisfaisant les revendications, est hors de portée. Et par expérience, le
prolétariat et la jeunesse ont conscience que la satisfaction de leurs
revendications les plus élémentaires pose la question du pouvoir.
Mais il n’en reste pas moins que le prolétariat et la
jeunesse ne sont pas écrasés. En témoigne les multiples combats parcellaires
sur la question des salaires face à l’inflation, qui restent néanmoins isolés
et atomisés par la politique des dirigeants syndicaux.
Dans l’immédiat, les travailleurs subissent les
conséquences de l’inflation. Selon les données officielles de l’Insee elle ne
serait « que » de 4,8% à fin mars en France. Mais pour les
travailleurs, la réalité est autre. Par exemple en Grande Bretagne, l’inflation
est chiffrée, en moyenne, à près de 9%. Mais les études montrent que pour les
couches les plus défavorisées, l’inflation réelle est de 13%. Ce qui est la
réalité au-delà de la Manche, l’est aussi en France. Certains experts évaluent
que l’inflation en France pourrait atteindre 10% fin 2022. Le gouvernement, en
application des accords passés, a été contraint de réajuster le smic de près de
6%. On doit poser la question : si tel est le cas, pourquoi cette
réévaluation de 6% ne devrait-elle pas au moins s’appliquer à tous les
salaires, retraites et pensions ? Il faut le constater : dans les
journées d’action qu’ils organisent, les dirigeants syndicaux ne mettent pas en
avant l’exigence d’une échelle mobile des salaires et des pensions. Or, en se
bornant à des formules aussi vagues qu’augmentation immédiate des salaires, ils
renvoient de fait les salariés et représentants syndicaux aux NAO (négociation
annuelle obligatoire) boîte par boîte, avec toutes les inégalités qui en
découlent.
C’est inacceptable : les directions syndicales doivent
commencer par rompre avec le programme de Macron en matière salariale. Leur
responsabilité est de se prononcer pour l’échelle mobile des salaires, des
retraites et des pensions en fonction de la hausse des prix calculée d’après un
indice des prix syndical. Voilà quelle est la première exigence de la
population laborieuse aujourd’hui.
Dans cette situation, est à l’ordre du jour le combat pour
le front unique ouvrier pour faire face aux attaques immédiates de la
bourgeoisie. Est à l’ordre du jour le combat pour que les dirigeants des confédérations
et des fédérations syndicales (CGT, FO, FSU) rejettent sans ambiguïté toutes
les contre-réformes que va poursuivre ou engager le gouvernement Macron-Borne.
Et qu’en préalable, elles rompent la concertation à tous les niveaux, en
mettant en avant un programme de défense de la classe ouvrière.
C’est sur cette ligne que les
militants de notre Groupe interviennent.
La seule perspective
militante : combattre pour la construction du parti ouvrier
révolutionnaire,
de l’internationale ouvrière révolutionnaire, combattre pour le socialisme
Depuis le début du XXe siècle, le capitalisme a
atteint son stade ultime, l’impérialisme. La putréfaction du mode de production
capitaliste génère des guerres incessantes entre les impérialismes pour se
partager le monde. La guerre en Ukraine, avec son chapelet d’actes barbares
dont sont victimes les masses, en est une sinistre illustration. La survie du
mode de production capitaliste entraîne pour des centaines de millions d’hommes
misère absolue, famine, chômage de masse, migration et déplacement afin de fuir
la guerre ou le dérèglement du climat. La destruction de la planète par
l’exploitation sans limite de la nature, à la recherche d’un profit immédiat,
qui atteint dans bien des domaines un stade irréversible, est l’une des
manifestations de la barbarie générée par le mode de production capitaliste. La
production et le commerce de l’armement battent chaque année des records.
Spéculation financière, endettement inégalé et corruption rythment l’actualité
politique. L’impérialisme en pleine putréfaction n’a pas d’autre solution que
de remettre en cause partout dans le monde ce qui reste des acquis arrachés au
cours des dernières décennies par les combats de la classe ouvrière et de la
jeunesse (droit au travail, santé, éducation, libertés démocratiques).
Tout indique que la situation qui s’ouvre sera pour la
classe ouvrière et la jeunesse une situation très difficile, tant en France que
dans le monde. A la veille de la seconde guerre mondiale, en 1938, Léon Trotsky
écrivait dans le Programme de transition : « Sans
révolution socialiste, et cela dans la prochaine période historique, la
civilisation humaine tout entière est menacée d'être emportée dans une
catastrophe. Tout dépend du prolétariat, c'est-à-dire au premier chef de son
avant-garde révolutionnaire. La crise historique de l'humanité se réduit à
la crise de la direction révolutionnaire ».
Ce pronostic est plus que jamais d’actualité.
L’amplification des attaques contre les conditions d’existence et la volonté
avérée des directions syndicales d’y collaborer pleinement, l’extrême
décomposition, voire la disparition des partis ouvriers bourgeois rendent plus
que nécessaire encore le combat pour rassembler les premiers matériaux pour la
construction d’un véritable parti ouvrier révolutionnaire, et à l’échelle
mondiale d’une véritable Internationale révolutionnaire. C’est à ce combat,
avec ses moyens par l’intervention dans la lutte des classes, par la défense du
marxisme, qu’entend contribuer notre Groupe.
Le 21 mai 2022
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