Éditorial du bulletin « Combattre pour le socialisme » n°83 (n°165 ancienne série) - 1er juin 2022 :

Après la débâcle subie par le prolétariat à la présidentielle, fort du soutien des bureaucraties syndicales qui ont appelé – au second tour – à l’élire, Macron va poursuivre, toujours plus brutalement, la guerre contre le prolétariat et ses conditions d’existence.
C’est l’impératif catégorique que lui enjoignent les couches les plus conscientes de la bourgeoisie.

Voilà pourquoi il faut militer pour imposer aux directions syndicales :
qu’elles rejettent en totalité les plans de destruction
des conquêtes ouvrières du gouvernement Macron-Borne
qu’elles rejettent toute concertation sur ces plans
qu’elles réalisent le front unique pour les défaire

 

Élection présidentielle : après 2017, nouvelle débâcle pour le prolétariat et la jeunesse,
effondrement irrémédiable du PS et du PCF

Tirant le bilan du résultat du premier tour de l’élection présidentielle de 2017, CPS n° 64 ns du 26 avril 2017 indiquait « Le résultat du premier tour de l’élection présidentielle constitue une défaite majeure sur le terrain des élections, une défaite que l’on peut qualifier d’historique, du prolétariat et de la jeunesse ». Si on se situe du côté du mouvement ouvrier, on doit considérer que celle de 2022 est la confirmation d’une débâcle amplifiant la « défaite majeure sur le terrain des élections » de 2017.

Au premier tour, les candidats que nous considérions comme issus du mouvement ouvrier (PCF, NPA, LO) totalisent un résultat de 3,61% des exprimés contre 8,09% en 2017 (2,6% des inscrits, contre 6,13% en 2017). Par rapport à 2017 (PS, LO, NPA), c’est une perte de plus de 1,6 million de voix. Hidalgo - candidate bourgeoise qui, bien que soutenue par le PS, ne s’est pas présentée comme candidate de ce parti - ne récupère que 616 651 voix des 2,3 millions réalisées par Hamon en 2017. Ce qui restait en 2017 de l’électorat PS s’est dispersé sur Macron, Jadot et aussi Mélenchon. En résumé, c’est la matérialisation du fait que pour le prolétariat, sur le terrain des élections, il n’y avait pratiquement aucune possibilité d’émettre un vote de classe. Cette situation s’est en partie exprimée dans l’abstention de l’électorat ouvrier (33% selon les sondages) et jeunes (près de 40% pour les moins de trente ans). Par rapport à 2017, c’est + 4 % d’abstentions, soit près de 2,248 millions.

Mais ce qui est fondamental et de la plus grande importance du point de vue des rapports politiques entre les classes, c’est que le prolétariat et la jeunesse ont définitivement déserté, en particulier sur le terrain des élections, les partis traditionnels, PS et PCF, partis contre-révolutionnaires définitivement passés du côté de l’ordre bourgeois. Partis que nous avions néanmoins qualifiés de partis ouvriers-bourgeois du fait de leur origine et de leur rapport avec les masses. Le PS, qui était la continuité de la SFIO, et le PCF sont issus respectivement de la IIe et de la IIIe internationales. Ces internationales ont dégénéré organisant les pires défaites du prolétariat mondial en défense du mode de production capitaliste et de l’impérialisme et sont devenus irredressables. Elles sont définitivement passées du côté de l’ordre bourgeois du fait de leur trahison, la première en août 1914, tous les partis de la IIe Internationale, à l’exception du parti bolchevik et du parti serbe, soutenant leur bourgeoisie et collaborant avec elle à l’engagement de la première guerre mondiale en votant les crédits de guerre. La seconde en 1933, lorsque le Parti communiste allemand (KPD) applique la ligne définie au VIe congrès de l'Internationale communiste (IC) par la bureaucratie stalinienne, celle dite de la « troisième période »qui mettait sur le même plan la social-démocratie et le parti nazi au lieu de combattre sur la ligne du front unique avec le SPD pour combattre le fascisme.

Après la tragique défaite du prolétariat qui s’ensuivit, l’absence de réaction significative à cette trahison au sein la IIIe internationale conduisit Trotsky à conclure que « La IIIe internationale est passée définitivement du côté de l’ordre bourgeois ».

PS et PCF, des décennies de trahison

Du fait de l’échec du combat engagé dès 1933 pour la construction de la IVe internationale (liquidée ensuite par le révisionnisme pabliste puis lambertiste, qui ont soumis les organisations qui s’en réclamaient aux appareils contre-révolutionnaires), dans aucun pays ne se sont construits des partis ouvriers révolutionnaires. C’est pourquoi pendant des décennies le prolétariat a cherché à se saisir de ces vieux partis pour défaire les partis bourgeois et cela avec de moins en moins d’illusion, il convient de le préciser. Mais portés au pouvoir suite aux élections, les gouvernements dirigés par le PS, avec la participation ou le soutien du PCF, ont mené une politique de défense du capitalisme français et de prise en charge des contre-réformes de liquidation de tous les acquis de la classe ouvrière.

En 1981, 1988, 1997 – à 3 sièges près - et 2012, les travailleurs avaient donné une majorité absolue à l’Assemblée nationale au PS et au PCF. À chaque fois, et de manière toujours plus brutale pour le prolétariat, contre ce vote, des gouvernements d’alliance avec des forces bourgeoises (Verts, radicaux, etc.) ont été mis en place, répondant en tout point aux exigences de la bourgeoisie. À chaque fois les majorités (absolues !) PS-PCF ont avalisé les attaques contre la classe ouvrière et la jeunesse. En 1997, alors qu’il n’y avait pas numériquement de majorité PS-PCF mais une majorité « plurielle », Jospin, a constitué le gouvernement PS, PCF, Verts, PRG. Gouvernement Jospin-Gayssot-Voynet-Schwartzenberg, dont Mélenchon fut ministre délégué à l’enseignement professionnel de mars 2000 à mai 2002. Gouvernement qui porta des coups décisifs contre les enseignants des lycées professionnels (voir CPS ns n° 46 avril 2012). Rappelons, entre autres mesures réactionnaires, que le gouvernement Jospin fut à l’initiative du référendum sur le quinquennat qui renforce le caractère bonapartiste de la Ve république et que Mélenchon a appelé à adopter lors du congrès du PS de Grenoble en novembre 2000. Ce gouvernement prit aussi l’initiative d’amplifier l’offensive contre les retraites, avec la création du COR. Au final, il est resté dans la mémoire ouvrière comme celui qui a le plus privatisé dans toute l’histoire de France. La suite a été l’élimination de Jospin au premier tour de l’élection présidentielle - Jospin qui s’était présenté en proclamant d’emblée « je ne suis pas socialiste » -, au profit de Jean-Marie Le Pen. En 2012, une nouvelle fois et probablement la dernière, le candidat du PS, alors François Hollande, obtenait au premier tour 28,7% des exprimés (22,7% des inscrits). Pour chasser Sarkozy, l’électorat traditionnel du PS et du PCF s’était porté à nouveau sur François Hollande (51,6% des exprimés au second tour). Dans la foulée, une majorité absolue de députés du PS et du PCF était élue à l’Assemblée nationale (280 PS, 9 PCF, 1 PG). Le PS dirigeait en outre le Sénat, la majorité des grandes villes, 21 régions sur 22.

Sous le quinquennat de Hollande, les gouvernements successifs (PS, EELV, PRG) ont décuplé l’offensive contre le prolétariat, amplifiant celle engagée sous le quinquennat de Sarkozy. Pendant cinq ans, les députés PS et le PCF se sont totalement soumis à ces gouvernements. Ils ont tout avalé, y compris le recours à l’article 49.3 par Valls. Ce sont eux qui portent l’entière responsabilité de la « terrible défaite » d’avril 2017 et de celle d’avril 2022. Bien entendu, cette responsabilité est partagée par les dirigeants de la CGT, de FO, de la FSU et de l’UNEF qui à aucun moment n’ont rompu la concertation avec les gouvernements en place et le Medef sur la préparation, l’élaboration et l’application des réformes réactionnaires.

L’effondrement quasi-total du PCF, sa quasi-disparition, et la liquidation définitive du PS qui est inéluctable sont des questions politiques de première importance. Le PCF, devenu orphelin suite à la restauration du capitalisme dans l’ex-URSS et par conséquent à la dislocation de l’appareil international de la bureaucratie du Kremlin, est passé, pour les présidentielles, de 15,3% des exprimés en 1981 (Marchais) à successivement 6,8% en 1988 (Lajoinie), 8, 6% en 1995, 3,37% en 2002 (Hue) et 1,9% en 2007 - 707 268 voix (Buffet). En 2022, Roussel a obtenu 2,28% - 802 615 voix. Par ailleurs, au fil des élections locales, le PCF a perdu l’essentiel de ses positions (le dernier département qu’il dirigeait, le Val-de-Marne, a été perdu en juin 2021), celles qui lui permettait de maintenir un minimum de lien avec les masses. Le PCF garde néanmoins une place importante dans les appareils syndicaux de la CGT et de la FSU. Pour le PS (voir plus loin) est engagée la marche à sa disparition définitive avec son explosion en cours en de multiples débris. De ce point de vue la bourgeoisie, relayée par les dirigeants du PS (Mitterrand lui-même, Fabius, Rocard, Jospin, Royal, Hollande, etc.) et avec la contribution de Mélenchon, est arrivée à ses fins.

Triomphe des partis bourgeois au premier et second tours

Au premier tour 2022, les candidats bourgeois (Macron, Le Pen, Pécresse, Dupont-Aignan, Lassalle, Zemmour, Jadot, en incluant Hidalgo) réalisent 74,43% des exprimés contre 72,32% en 2017 (53,66% des inscrits contre 54,80 en 2017- 26,2 millions de voix contre 26,1 en 2017). Macron, le candidat du MEDEF, passe de 24,01 % des exprimés (18,19 des inscrits) à 27,84 % (20,07% des inscrits). Il gagne plus de 1,1 million de voix.

Le LR (Pécresse) perd plus de 5,5 millions de voix (4,78% des exprimés, 3,45% des inscrits) par rapport à Fillon. LR se scinde en trois : les partisans de la constitution d’un parti unique avec LRM (Sarkozy), ceux partisans d’un accord de coalition « à l’allemande » et ceux pour qui LR devrait rester un parti d’» opposition » (Ciotti), ménageant des alliances possibles avec le RN. Mais le ralliement de Sarkozy et autres (Woerth) à Macron s’inscrivait dans le choix du Medef dès avant le premier tour. Macron est considéré par les patrons comme étant plus à même d’amplifier l’offensive contre le prolétariat au regard du bilan de son premier quinquennat.

Mais du point de vue de la bourgeoisie, l’échec de LR est plus que compensé par le résultat de l’ensemble Zemmour (Reconquête) et Le Pen (RN) qui progresse, passant de 7,6 millions de voix pour Le Pen en 2017 à 10,6 millions en 2022, soit près de 3 millions de voix de plus, de 21,6 % des exprimés à 30,22 % (de 16,14% des inscrits à 21,79%). A ce camp, s’ajoute l’électorat de Dupont-Aignan, soit 2,06% des exprimés (1,49% des inscrits). Une partie de l’électorat traditionnel de LR (ex RPR, ex UMP) s’est porté d’une part sur Macron, soutenu de fait par Sarkozy, d’autre part sur l’» ultra-droite » (il faut se rappeler le score de Ciotti à la primaire de LR, soit 25%, et en présentant ses 550 candidats aux prochaines élections législative, Reconquête , le parti de Zemmour, précise que 176 d’entre eux sont issus de LR). C’est aussi le cas de l’électorat de Dupont-Aignan qui perd près d’un million de voix au profit du RN et de Zemmour.

Au second tour, Macron l’emporte avec 58,53% des exprimés (38,52% des inscrits). Par rapport à 2017, il perd 7,55% des exprimés (5,09% des inscrits). Mais Le RN progresse de 7,55% des exprimés (+ 4,91% des inscrits). Tandis que Macon perd 1,9 millions de voix, le RN en gagne près de 2,7 millions. Le nombre de suffrages exprimés progresse d’environ 700 000 voix, même si l’abstention a été de 28,01%. Si on compare le total abstentions/nuls/ blancs entre 2017 et 2022, on passe seulement de 16,2 millions à 16,7 millions. Sur ce plan, la progression est limitée. L’électorat des partis bourgeois s’est mobilisé.

En 2002, Le Pen avait obtenu 5,5 millions de voix au second tour ; en 2012, 6,4 millions au premier tour ; en 2017, 10,6 millions au second tour. En 2022, Marine Le Pen en obtient 13,3 millions. C’est un succès considérable. À l’origine de ce résultat, il y a l’impasse économique et sociale de couches petits bourgeoises (petits commerçants, artisans, petits et moyens propriétaires terriens mais aussi petits fonctionnaires, petits et moyens cadres et techniciens, auxquels se joint une masse de travailleurs lumpénisés et aussi de jeunes – il ne faut pas se voiler la face – qui, du fait du chômage et des petits boulots, subissent les multiples implications de la crise économique. Cet électorat se tourne vers le RN en l’absence de toute perspective politique ouverte au compte du prolétariat.

Mais dans cette élection il faut aussi compter la part prise par une fraction de l’électorat bourgeois, fraction qui s’enhardit, et dont Bolloré, Dassault, Lagardère et autres, qui ont mis au service de Zemmour leurs media, sont des représentants. C’est ce qu’exprime le vote Zemmour au premier tour (7,07% des exprimés, 5,1% des inscrits, soit près de 2,5 millions de voix).

Le FN cristallisait en partie l’expression politique de la composante la plus réactionnaire de la bourgeoisie française. Celle issue de la vielle aristocratie, cléricale, se référant historiquement aux chouans (cf. de Villiers soutenant Zemmour), aux bourreaux de la Commune de Paris, Gallifet et Thiers, à la tentative de restaurer la monarchie ; c’est le parti des anti dreyfusards, de l’extrême droite française des années 30, de la collaboration avec Pétain et le régime nazi, nostalgique de l’empire colonial, corporatiste, raciste. A l’occasion de cette élection, avec la candidature Zemmour, cette composante s’est pleinement et ouvertement exprimée. Voir par exemple le fait que sur Paris, Zemmour devance Le Pen, que dans les arrondissements bourgeois de la capitale ou à Versailles, ce candidat approche les 20 % des exprimés.

Le score Le Pen/Zemmour a une grande importance. Par le passé la montée électorale du FN/RN constituait un aiguillon pour que la bourgeoisie amplifie la marche à l’état policier, la remise en cause des libertés démocratiques, les pouvoirs sans contrôle de la police, la chasse aux immigrés, les attaques contre les conquêtes ouvrières. Il est aujourd’hui plus qu’un aiguillon : dans bien des domaines, lors de la campagne électorale notamment, il a donné le ton, en premier lieu celui du renforcement de l’État bourgeois, de la répression policière et des attaques contre les libertés démocratiques (voir par exemple les programmes de Pécresse et de Macron… et il faut rappeler la participation de Roussel, Jadot, Faure à la manifestation des policiers du 19 mai 2021 aux côtés de Marine Le Pen, la déclaration de Darmanin trouvant Le Pen sur l’immigration « un peu molle »). Il est clair que Macron et son gouvernement vont totalement s’appuyer sur le résultat de ce vote pour légitimer leur politique réactionnaire, en particulier en matière de renforcement de l’état policier mais aussi pour amplifier leurs attaques contre le prolétariat et la jeunesse.

La candidature Mélenchon ne constituait pas une alternative ouvrière à la trahison du PS et du PCF

Mélenchon progresse par rapport à 2017 de plus 655 000 voix, passant, du fait de l’abstention, de 19,58 % des exprimés (14,84% des inscrits) à 21,95 % (15,83% des inscrits). Il rate la qualification au second tour de 421 420 voix, qualification qui aurait été très possible si, comme en 2017, le PCF s’était rallié à sa candidature.

Comme en 2017, une partie de l’électorat du PS et du PCF, voire d’extrême gauche, en particulier un électorat jeune, notamment issu de l’immigration, s’est tournée vers Mélenchon. Il faut le noter : seulement une partie, certes conséquente, de l’électorat ouvrier et populaire qui votait PS et PCF s’est portée sur ce candidat. C’est là où Mélenchon réalise ses meilleurs scores que l’abstention est la plus forte par rapport à la moyenne nationale. Selon un article paru sur Médiapart : « La FI a ainsi explosé tous les scores dans la plupart des quartiers populaires de France où certains bureaux de votes ont enregistré des scores allant jusqu’à 84% en sa faveur, comme dans la cité du Font-Vert à Marseille. Dans les villes paupérisées de l’ex banlieue rouge, Mélenchon est parvenu à incarner une issue réelle pour une large part des habitants : 64% des suffrages à La Courneuve, 61% à Saint-Denis, 60% à Bobigny, 60% à Aubervilliers, 56% à Grigny, 46% aux Ulis… Mais ces scores impressionnants jouxtent une abstention tout aussi importante au regard de la moyenne nationale… 40% d’abstention à Roubaix, près de 40% à Grigny, 38% à Bobigny, 36% à Aubervilliers, 30% à Orly ou à Vigneux ». Il faut aussi relever que selon les sondages de 18 à 20% de ses électeurs au premier tour auraient voté Le Pen au second. Le Monde indique : « Si la plupart des bureaux acquis au candidat de La France insoumise se sont reportés sur Emmanuel Macron au second tour, un nombre non négligeable de bureaux où il avait obtenu plus de 50 % des suffrages exprimés se sont ensuite tournés largement vers Marine Le Pen. ». Au soir du premier tour, Mélenchon s’est déclaré fièrement élu président aux Antilles et en Guyane avec 50% des votes exprimés en Guyane, 56% en Guadeloupe et 53% en Martinique. Il a évité de commenter les résultats du second tour, où Le Pen obtient respectivement 59%, 69% et 61% des suffrages.

Mélenchon et l’Union populaire sont perçus comme proposant une alternative possible à la gestion de la crise au compte des capitalistes et à la prise en charge des contre-réformes de destruction des acquis passés, en particulier par le PS, avec l’assentiment du PCF. Comme en 2017, en 2022 il a saisi l’opportunité d’occuper pleinement la place politique. Dans ses meetings, il a avancé toute une série de revendications qui correspondent aux aspirations des masses (augmentation du smic, retraite à 60 ans, assurance-chômage, droit à la santé et au travail, abrogation de Parcoursup, garantie d’autonomie pour les jeunes, gratuité de l’enseignement supérieur, embauche massive et titularisation des contractuels dans la Fonction publique, etc.). Mais comme l’a analysé CPS n° 82 ns du 9/03/2022, sous ce vernis se profile une orientation politique de défense de l’ordre bourgeois réactionnaire sous toute la ligne. Le programme de l’Union populaire, qui est celui de LFI en quasi-totalité, est un programme en défense de l’impérialisme français, des restes de son empire colonial, de son État avec un militarisme débridé, de sauvegarde du capitalisme français et la propriété privée des moyens de production. Sur le fond, cette orientation n’est en rien une rupture avec celle du PS et du PCF de défense de l’ordre bourgeois. LFI une organisation, un mouvement qui s’est constitué contre le mouvement ouvrier, un produit de sa décomposition politique qui contribue à désarmer et à faire régresser politiquement le prolétariat et la jeunesse. Au lieu de représenter une alternative politique, Mélenchon et LFI participent au désarmement politique du prolétariat et de la jeunesse. A la lutte des classes, il s’agit de substituer la lutte du peuple, de tout le peuple, toute classe confondue contre l’oligarchie, en opposant à la révolution prolétarienne la révolution citoyenne. Dans son livre L’Ère du peuple, Mélenchon écrivait : « Le peuple est constituant ou il n’est rien - comme Marx disait du prolétariat qu’il devait être révolutionnaire ou bien qu’il ne serait rien » ; et « la révolution citoyenne, ce n’est pas l’ancienne révolution socialiste ». La perspective n’est plus le combat pour le socialisme.

Après le second tour, il a déclaré : « j’ai demandé aux Français (sic !) de m’élire premier ministre », vantant les mérites de la cohabitation, en faisant référence à celle de 1997-2002 entre Chirac et le gouvernement dirigé par Jospin (voir plus haut sur le bilan). Il avait d’ailleurs déjà avancé cette possibilité suite à l’élection présidentielle de 2002 (voir CPS ns n°65 du 1/06/2017). De fait, c’était faire acte d’allégeance envers Macron en étant partant pour une cohabitation dans le respect des institutions de la Ve République, en en vantant même les mérites (l’article 20 de la constitution qui définit les pouvoirs du premier ministre, l’article 11 qui permet d’avoir retour au referendum). Comme l’a déjà caractérisé CPS « Mélenchon a en réalité rompu les amarres avec le mouvement ouvrier. Sa candidature doit être caractérisée comme une candidature ultra bonapartiste. Sa tradition politique, c’est celle de De Gaulle : souveraineté nationale, « indépendantisme de la France », au-dessus des partis et des clivages politiques ». L’affiche de campagne de LFI pour les prochaines élections législatives se réduit à « Mélenchon premier ministre », confirmant le caractère ultra bonapartiste de sa candidature à l’élection présidentielle.

Une nouvelle fois, le front républicain

Dès le soir du premier tour et dans les jours qui ont suivi, Faure, Roussel, Jospin, Hollande Cambadélis, aux côtés de Jadot, Hidalgo, Taubira, sans parler du Medef, de Sarkozy et d’autres, ont appelé explicitement à voter Macron pour faire barrage à l’extrême droite, voire à la menace du fascisme. Déclarations auxquelles ont emboité le pas les Poutou et autres de ladite extrême gauche, à l’exception d’Artaud pour LO, avec la formulation « Pas une voix pour Le Pen », en clair un appel implicite à voter Macron. Mélenchon s’est situé sur cette ligne en indiquant que ses soutiens se devaient de « voter en leur âme et conscience ». Comme en 2017, LFI a organisé un sondage. Les résultats ont été précédés de l’avertissement suivant : « Le résultat de cette consultation n’est pas une consigne donnée à qui que ce soit ». 215 292 personnes ont participé à la consultation. : votes blanc ou nuls : 37,65%, Macron : 33,40%, abstentions : 28,96%. Et d’ailleurs Mélenchon a dû réagir pour recadrer : « Les deux finalistes ne sont pas équivalents. Marine Le Pen ajoute au projet de maltraitance sociale qu’elle partage avec Emmanuel Macron un ferment dangereux d’exclusion ethnique et religieuse ». Oui, Mélenchon a mérité les remerciements de Macron.

Du coté des confédérations et fédérations, l’engagement a été total sur la ligne « pas une voix pour Le Pen ». Le samedi 16 avril 2022, entre les deux tours, FSU, CGT, UNEF se sont associés à un appel à manifester sur le mot d’ordre « contre l’extrême droite et ses idées, pas de Marine Le Pen à l’Élysée ». Manifestations peu suivies par ailleurs. Lors de son CCN du 31 mars, FO avait adopté à l’unanimité la position : « la CGT-FO (…) fidèle à la Charte d’Amiens, (…) ne donnera aucune consigne de vote. FO réaffirme son attachement à la République, une et indivisible, garante de l’égalité de droits, à l’universalisme républicain, à la laïcité, à la séparation des Églises et de l’État, et sera sans faiblesse, sans concession sur ses valeurs fondamentales : le refus du racisme, de l’antisémitisme, de la xénophobie, des slogans qui font de l’étranger, du migrant, le bouc émissaire faute d’apporter des réponses de justice sur le terrain économique et social. ». Dans ce registre du vote implicite pour Macron, la CGT est montée en première ligne. Après que Berger a publié une tribune appelant à voter Macron, Martinez a signé avec lui une autre tribune publiée dans le JDD du 16 avril qui se conclut : « Le Rassemblement national est un danger pour les droits fondamentaux des citoyens et des travailleurs. Il ne peut pas être considéré comme les partis républicains, respectueux et garants de notre devise, liberté, égalité, fraternité. Ne lui confions pas les clés de notre démocratie, au risque de les perdre. ». Il faut ajouter que la presse bourgeoise s’est déchaînée : Les Echos bien sûr, mais Le Monde ou encore, sans vergogne, Médiapart.

Pourquoi un tel engagement ? Parce que les appareils syndicaux en particulier percevaient que le front républicain justifiant le vote Macron ne passait pas comme une lettre à la poste auprès d’une large frange de travailleurs et de jeunes et qu’il fallait faire avaler la pilule. Il faut rappeler que déjà en 2017 l’abstention était passée de 22,23 % au premier tour à 25,44% au second et que le nombre de votes nuls/blancs était passé de moins d’un million à plus de quatre millions. Au second tour de 2022, l’abstention a été significativement plus importante dans nombre de bureaux de votes où Mélenchon était en tête au premier tour, soit de 7 à plus de 10% (par exemple, en Seine Saint-Denis, elle passe de 30,22% à 38,79%). Une indication a été la consultation organisée par LFI évoquée précédemment. Cette résistance au front républicain a trouvé une expression dans la jeunesse étudiante, certes d’une manière très limitée étant données les circonstances (partiel, vacances), mais réelle (voir dans la rubrique « On nous communique »). Mais ce frémissement a suffi pour alerter le gouvernement. D’où la fermeture des facs et le déploiement de l’appareil policier. D’où le front unique Macron/Le Pen : « Macron et Le Pen s’accordent pour dénoncer les blocages de facultés » a osé titrer un journaliste sur le site du Monde avant d’être illico presto censuré. Il est à noter que, en soutien à Macron, les appareils syndicaux se sont refusés à engager le combat contre la répression, pour la réouverture des facs.

La ligne du front républicain a un objectif : soumettre le prolétariat à la classe dominante, aux exploiteurs et aux oppresseurs.

Le RN est-il un parti fasciste ?

C’est au nom du combat contre le fascisme que les dirigeants traîtres et l’extrême gauche justifient le front républicain.

Si le RN, ex-FN, était un parti fasciste, cette caractérisation impliquerait que le RN combattrait plus ou moins ouvertement pour le renversement du parlementarisme bourgeois. Cette agitation antiparlementaire devrait alors s’accompagner de manifestations concrètes sous la forme de véritables milices, militairement organisées, disposant de puissants relais au sein de l’appareil de répression – armée, police et justice -, destinées à affronter et tenter d’écraser physiquement les partis et syndicats du mouvement ouvrier, en s’attaquant aux manifestations, aux meetings, aux piquets de grèves pour faire régner la terreur. De ce point de vue, le RN n’est pas un parti fasciste comme le furent le parti nazi ou le Parti national fasciste ou encore la phalange franquiste, et il est encore très loin de le devenir (à titre d’exemple, on peut dire que l’Aube Dorée, en Grèce, est un parti fasciste).

Aujourd’hui, le RN se fond totalement dans le moule des institutions de la Ve République et de son bonapartisme bâtard, et il ne remet aucunement en cause le rôle et les pouvoirs du parlement en place. Présentant l’application de son programme, Le Pen prévoyait de convoquer une conférence sociale associant les syndicats. On est très loin de l’objectif de les liquider physiquement.

Pour que le FN se transforme en parti fasciste, il faudrait que le capital considère qu’il constitue un recours politique au regard des développements de la situation économique et politique, et donc qu’il estime nécessaire de le soutenir, de le financer, d’organiser son armement en vue de son accession au pouvoir. De fait, le RN n’est pas un parti fasciste ou à même de le devenir dans un proche intervalle de temps parce que tout à la fois la situation du capitalisme français en crise et les rapports entre les classes ne nécessitent pas (encore) d’en arriver à de telles extrémités. Ni le cadre vermoulu d’une Ve République ni l’activité des masses n’imposent aujourd’hui à la bourgeoisie de recourir à l’écrasement physique du mouvement ouvrier Cette dernière a au contraire impérativement besoin de la collaboration totale des dirigeants du mouvement ouvrier pour mettre en œuvre ses attaques contre le prolétariat.

Le RN est un parti dont le programme demeure violemment réactionnaire, xénophobe, et anti-ouvrier. Il n’est pas un parti fasciste. Au demeurant, même si le RN était effectivement un parti fasciste, alors il faudrait pour le combattre, opposer au front républicain le front unique ouvrier, en rupture avec les partis bourgeois, en appelant en particulier à l’organisation de comités de défense, voire de milices ouvrières.

L’impérialisme français en perdition dans son pré-carré en Afrique

En Afrique, en particulier au Sahel, le pré-carré de l’impérialisme français se délite. Ces derniers mois ont été jalonnés de multiples manifestations anti-françaises attisées par les régimes en place et les manœuvres de ceux qui lui disputent le terrain (la Russie, par sa présence militaire via les milices Wagner ; la Chine, par des velléités d’investissement). Dernièrement selon Le Monde, « dans un communiqué publié lundi 2 mai, la junte au pouvoir à Bamako a annoncé dénoncer les accords de défense conclus avec Paris et ses partenaires européens, invoquant la “détérioration profonde de la coopération militaire avec la France” et ses “atteintes flagrantes à la souveraineté nationale du Mali”. De plus : « Les autorités dominées par les militaires arrivés au pouvoir après un double coup d’État – en août 2020 puis en mai 2021 – ont précisé que la dénonciation du traité de défense ne prendrait effet que dans six mois. En revanche, celle concernant « Barkhane » et « Takuba » a, selon elle, un “effet immédiat”… Bamako considère désormais la présence des militaires français et européens sur son sol comme illégale. ». En clair, les troupes françaises doivent toutes dégager immédiatement. Quinze jours après, le gouvernement malien décidait de quitter le G5 Sahel (Mali, Burkina Faso, Tchad, Niger, Mauritanie) constitué en 2014. Du fait de sa position géographique centrale, le Mali était la clef de voûte du G5, dont l’objectif essentiel était d’associer ses membres aux opérations militaires dirigées par l’armée française au titre d’opérations « antiterroristes ». Tout s’effondre. Un expert commente : « Le Mali est un pays central au Sahel, et sans lui, le G5 sera réduit à portion congrue, une espèce de G4 affublé d’un trou stratégique béant qui le vide de sa substance. Cela remettrait en cause la raison d’être même de cette organisation et pourrait pousser d’autres États membres à explorer de nouveaux horizons ». 

La hantise de l’impérialisme français, c’est « l’effet domino », c’est-à-dire qu’à terme soit remise en question la présence de son emprise dans tout le Sahel et l’Afrique de l’Ouest, d’autant plus que c’est à bout de bras, par sa présence militaire, qu’il parvient à maintenir à sa botte les régimes corrompus (Tchad, Burkina Faso, Niger). D’ailleurs, le capitaliste Bolloré, soutien de Zemmour, a anticipé la débâcle qui s’annonce en bradant l’essentiel de ses affaires sur ce continent.

Mais les difficultés sont grandes aussi ailleurs. La position est menacée en Nouvelle-Calédonie, en particulier par l’impérialisme chinois qui en fait une cible pour le développement des routes de la soie, soutenant en sous-main les indépendantistes. L’économie de l’Île lui est déjà tributaire parce qu’il importe les deux-tiers de sa production de nickel et qu’il démontre des possibilités d’investissement en infrastructures que n’a pas l’impérialisme français. Suite aux accords entre la Chine et les Iles Salomon, Macron a appelé l’Australie et les USA au secours. Le référendum pour l’indépendance n’a pu avoir lieu qu’au prix d’un déploiement sans précédent de l’armée et de la police. Les organisations kanak ont appelé au boycott de l’élection présidentielle. L’appel a été suivi à plus de 80% dans les communes à majorité kanak.

Enfin, dans les Antilles, l’impérialisme français est confronté presque en permanence à des mouvements à caractère insurrectionnel qui le contraignent à déployer sans commune mesure l’armée et la police pour rétablir l’ordre.

Le capitalisme français aux abois

La situation du capitalisme s’inscrit dans le contexte des développements de la crise économique mondiale. Toutes les prévisions récentes, aussi bien au plan mondial que pour l’Union européenne, laissent présager un avenir des plus sombres, plein d’incertitudes. Semaine après semaine les prévisions de croissance du PIB sont revues à la baisse. C’est le « cocktail explosif », selon certains : dette, inflation, augmentation des taux d’intérêt, désorganisation de la production, poursuite de la pandémie du Covid.

Les dernières données de l’INSEE pour le premier trimestre 2022 : « Mise à mal par la vague Omicron, au début de l’année, et par la guerre en Ukraine, à partir de la fin février, la croissance française est restée totalement atone au premier trimestre : le produit intérieur brut (PIB) affiche une évolution de 0 % sur la période, après un dernier trimestre 2021 à + 0,8 %, selon les chiffres publiés, vendredi 29 avril, par l’Insee. Le passage à vide de l’économie française est plus net que prévu : l’institut statistique escomptait une croissance faible, de l’ordre de 0,3 %. » Et : « Dans le même temps, l’inflation a poursuivi sa course : la hausse des prix à la consommation atteint 4,8 % sur un an en avril, après 4,5 % à la fin mars. L’indice des prix harmonisés, qui permet la comparaison avec les autres pays de la zone euro, a augmenté de 5,4 % sur un an, alors qu’il était en hausse de 5,1 % en mars ». Et pour l’année 2022, selon Les Echos : « Et alors qu’il y a seulement deux semaines, le FMI prévoyait une croissance de 2,9 % pour 2022 (1,4% pour 2023), Il vient de réajuster : “Les économistes du FMI prévoient moins de 1 % de croissance pour la France entre la fin 2021 et la fin 2022, chiffre le plus faible de tous les grands pays avancés, à l'exception de l'Italie.” »

En 2021, le déficit commercial avait atteint un sommet avec 84,7 milliards d’euros (ce déficit est chronique depuis 2002, le record de 2011, 75 milliards d’euros, a été battu). Au premier trimestre 2022, le déficit commercial s'est creusé à 31 milliards d'euros, contre 16,2 milliards à la même époque l’année précédente. Et il atteint désormais 100 milliards sur douze mois glissants. « La facture énergétique s'est alourdie, mais ce n'est pas la seule raison… Les importations ont ainsi atteint 176 milliards d'euros sur la période, dépassant de 20 % leur niveau moyen de 2019 en valeur. »

Pour le capitalisme français, de déboire en déboire

Parmi les capitalismes des pays européens, le capitalisme français a été l’un des plus affectés par la guerre en Ukraine. Le cas de Renault en est une illustration. Le groupe a dû cesser toute activité de construction propre en Russie. Les conséquences sont terribles et représentent « 15 % de ses volumes de ses ventes, 50 % du bénéfice opérationnel de son activité automobile et prive le groupe d’une source de cash indispensable à ses investissements, en particulier dans son ambitieux plan électrique. » De plus : « Le groupe va céder les 68 % qu'il détient dans AvtoVAZ, la maison mère de la marque Lada, au NAMI, l'organisme étatique chargé d'homologuer les nouveaux véhicules (l'équivalent de l'Utac Ceram en France). L'usine détenue en propre par Renault sera, elle, cédée à la ville de Moscou. Le communiqué de la direction n’évoquait pas le prix des transactions, mais celles-ci se font pour un rouble symbolique, indique Luca de Meo. Le départ de Russie va donc se solder pour le constructeur par une perte de 2,2 milliards d'euros, le montant des provisions annoncées le 23 mars lorsque le groupe a révélé la suspension de ses activités industrielles sur place ». Est sur la table le démantèlement du groupe avec la séparation en deux filiales des activités moteurs thermiques et moteurs électriques. Pour la première, il est probable que des coupes sombres sont programmées dans les activités de recherche et développement (le site d’Élancourt avec ses 4 000 salariés), et dans la production. Pour la seconde, il faut dire que les ambitions ne peuvent qu’être limitées dans le concert de la concurrence acharnée que se livrent les constructeurs mondiaux : sur ce secteur, les investissements possibles de Renault ne représentent même pas un cinquième de ceux engagés par Volkswagen. Les Echos commentent : « L’un des fleurons français de l’automobile est devenu une proie potentielle ».

Autre exemple de la déliquescence du capitalisme français : l’un de ses fleurons, l’industrie du nucléaire, s’effondre. Selon les Echos : « Le parc nucléaire risque de tourner au ralenti pendant plusieurs années ». Le Monde du 18 mai fait un état de la situation : « Sur les 56 réacteurs en exploitation, 29 étaient à l’arrêt lundi 16 mai : alors que le président de la République, Emmanuel Macron, entend relancer la filière nucléaire, avec la construction de nouvelles unités, le parc actuel connaît une indisponibilité record. En cause, des mises à l’arrêt prévues de longue date, notamment pour effectuer les examens nécessaires à la prolongation de la durée de vie des réacteurs au-delà de quarante ans, mais aussi un phénomène inattendu et encore largement inexpliqué de corrosion sur des tuyauteries. » Et : « La France doit-elle redouter un problème générique pour l’ensemble de son parc nucléaire, principale source d’électricité du pays ? ». Ainsi, « entre sa production à la baisse et les mesures gouvernementales, l’électricien anticipait déjà en mars, pour 2022, une perte de 26 milliards d’euros sur son résultat brut d’exploitation. Un montant considérable, puisque l’excédent d’EDF était de l’ordre de 18 milliards d’euros en 2021, pour un chiffre d’affaires de 84,5 milliards d’euros et une dette de 43 milliards d’euros. ».

Dans son programme, Macron prévoit de lancer une première tranche pour la construction de six EPR. L’évaluation de l’investissement est de 52 milliards d’euros pour une mise en service du premier EPR en 2037. On peut en douter : le coût initial de l’EPR de Flamanville était évalué à 3,5 milliards d’euros pour une mise en service en 2012. Au mieux la mise en service devrait avoir lieu en 2023, et la Cour des comptes chiffre le coût à 19,3 milliards d’euros. De plus, le coût de maintenance et de mise à niveau pour prolonger la durée de vie des centrales existantes jusqu’à 60 ans pour certaines d’entre, elles avec tous les risques de catastrophes possibles, est lui estimé à plus de 50 milliards d’euros. Une équation sans solution. Pour tenter de lancer l’opération, est remis sur le chantier le démantèlement d’EDF qui faisait l’objet du projet Hercule. Livrer au privé les activités d’EDF dans les énergies renouvelables, la distribution, voire l’hydraulique et prise en charge par l’état à 100% de la production d’électricité nucléaire… autant d’économies qu’il faudra réaliser par ailleurs, c’est-à-dire de coupes sombres, dans les autres budgets.

Le capitalisme français pris à la gorge par les dettes publique et privée

La dette publique de la France, avec 113% du PIB, est au cinquième rang en Europe, derrière la Grèce, l’Italie, l’Espagne et le Portugal. Les Echos indiquent : « La situation française en matière de dette publique est tout aussi critique : celle-ci a connu une hausse de 15,5 points, à 112,9 % fin 2021, alors que dans l'ensemble de la zone euro, la dette est passée à 95,6 % (+11,8 points). Sept pays affichent même un ratio inférieur à 60 %. Le fossé se creuse entre le nord et le sud, et la France est dans le mauvais groupe ». Et toujours selon Les Echos, les perspectives sont sombres du fait de la hausse inéluctable des taux d’intérêt : « Le coût de la dette a repris sa progression l’an dernier pour la première fois depuis 2011. Selon une note de l’Insee parue fin mars, la charge d’intérêts a grimpé de 15 % l’an dernier par rapport à 2020, soit 5 milliards de plus en un an, à 38,1 milliards d’euros. Elle avait reculé d’à peu près autant l’année précédente. Mais la situation évolue très vite : à l’automne 2021, lors du débat sur la loi de finances pour 2022, Bercy a dû ajouter par amendement plus d’un milliard de crédits pour la charge de la dette, à 39,5 milliards d’euros ». Déjà, le taux pour l'obligation à 10 ans est passé de 0,1 % à 1,6 % en un an : « Chaque 1 % de hausse des taux d'intérêt représente donc à terme un coût annuel supplémentaire de près de 40 milliards d'euros, soit presque le budget actuel de la Défense ».

Mais de plus, un économiste alerte dans Le Monde : « Une période dorée s’achève » ; du fait de la hausse inévitable des taux : « Facteur aggravant, une dette privée, des entreprises et des ménages, plus importante encore que la dette publique. Selon les comptes de la Banque des règlements internationaux (BRI), cités par l’économiste Eric Chaney, le cumul des dettes publique et privée en France s’établissait en septembre 2021 à 361 % du PIB. Parmi les pays industrialisés, seul le Japon est plus endetté. De quoi diffuser rapidement, dans l’ensemble de l’économie, le choc d’une remontée des taux. Un triangle qui ressemble à un volcan pour le nouveau président ». Les limites du « quoi qu’il en coûte » sont désormais atteintes : pour beaucoup d’entreprises, l’échéance du remboursement des Prêts garantis par l’État (PGE), qui a permis en fait à nombre d’entre elles déjà « zombies » avant la crise du Covid de ne pas sombrer, ne peut plus être indéfiniment repoussée, la patience des capitalistes banquiers ayant des limites. Il faut s’attendre à une multiplication des faillites, avec toutes les conséquences en termes de nouvelles vagues de licenciements.

Un éditorialiste des Echos du 26 avril résume : « Investissements en berne, consommation comprimée, exportations amputées, dépenses publiques affaiblies : le scénario d'une récession profonde pourrait alors s'amorcer, avec des conséquences politiques et sociales imprévisibles. »

Dans une récente conférence de presse, François Villeroy de Galhau, gouverneur de la banque de France, vient de sommer le prochain gouvernement : « loin des promesses de nouvelles dépenses, resserrer fortement le robinet budgétaire, avec l'objectif “d'un retour d'ici à dix ans nettement sous 100 % du PIB, et sous le niveau pré-Covid”. Pour y arriver, il faudrait donner un sérieux coup de frein sur la croissance de la dépense publique, avec “une augmentation en volume [hors inflation, NDLR] ramenée chaque année à 0,5 %, contre plus de 1 % sur la décennie précédente” ». 

En se référant à ce gouverneur, l’éditorialistes du Monde du 20 mai écrit : « Conjoncture : la France doit sortir du déni (…) Le séisme ne s’est pas encore produit sur l’économie mondiale, mais les secousses se font de plus en plus rapprochées (…) Il serait hasardeux d’imaginer qu’il s’agisse d’un simple trou d’air. (…) Il est frappant de constater que ce paysage inquiétant n’a guère eu d’impact sur les discours portés pendant la campagne présidentielle française. Celle-ci a donné lieu à une surenchère de promesses et de propositions, souvent non financées, et le sujet de la dette publique a été totalement absent des débats, comme si le « quoi qu’il en coûte » était toujours d’actualité (…) Il y a quelques jours, le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, alertait sur la menace d’une crise de la dette en France en citant un vers de L’Hirondelle et les Petits Oiseaux, de La Fontaine : » Nous n’écoutons d’instincts que ceux qui sont les nôtres, Et ne croyons le mal que quand il est venu. » Le futur gouvernement est prévenu. Il est temps de sortir du déni des réalités. » L’éditorialiste avertit, au nom d’une large fraction de la bourgeoisie : il n’y a pas d’autre alternative possible que de frapper brutalement et sans attendre le prolétariat et jeunesse.

Pour la bourgeoisie, une seule issue : décupler les attaques contre le prolétariat et la jeunesse

Les développements de la crise économique font que pour les différentes bourgeoisies des puissances capitalistes, la question centrale est : comment s’en sortir au mieux. De fait, c’est le chacun pour soi : comment différer ou amoindrir « le pire ». Et pour toutes les bourgeoisies, il faut démultiplier les attaques contre le prolétariat et la jeunesse. Il en est donc ainsi pour la bourgeoisie française, même si beaucoup a été fait lors des deux quinquennats précédents, celui de Hollande, il faut le dire, et le premier de Macron. Il faut décupler et intensifier l’offensive contre les masses. Il faut en finir avec tout ce qui reste des acquis passés du prolétariat et de plus le temps presse. Macron a indiqué lors de la campagne pour l’élection présidentielle ce que serait la tâche de son gouvernement.

En résumé : parachever ce qui a été engagé ces dernières années avec la pleine collaboration des dirigeants syndicaux : liquidation du droit aux études pour la jeunesse, atomisation finale de l’enseignent supérieur public en transformant chaque université en entreprise et en développant l’enseignement supérieur privé payant ; liquidation de ce qui reste des Crous ; liquidation de l’enseignement professionnel au profit de l’apprentissage livrant aux patrons une main-d’œuvre corvéable sans limite (les statistiques flamboyantes que présentent Macron et Borne - leur bilan de la baisse du nombre de chômeurs inscrits à Pôle emploi - s’expliquent très largement par un financement quasi intégral de l’apprentissage par le gouvernement, ce qui a permis l’explosion du nombre d’apprentis, passé de 480 000 contrats fin 2019 à au moins 900 000 deux ans plus tard) ; parachever la liquidation du statut de la Fonction publique d’État en particulier au travers de l’attaque contre les garanties statutaires en matière de rémunération ; dans la continuité du Ségur de la santé, en finir avec le statut de la fonction publique hospitalière ; disloquer les statuts des enseignant en ouvrant la voie à leur recrutement par les établissements scolaires à tous les niveaux afin de les faire « travailler plus » et en supprimant les concours nationaux ; amplifier les exonérations de salaire différé (les « charges sociales ») pour les patrons, ce qui conduit à l’asphyxie de la Sécurité sociale et par conséquent à des réductions drastiques en matière du droit à la santé tout en ouvrant le marché aux mutuelles et à l’hospitalisation privées ; au nom du « travailler plus », repousser la date de départ à la retraite à 65 ans tout en allongeant la durée de cotisation pour bénéficier d’un retraite à taux plein ; « refonder » les aides sociales type RSA en conditionnant leur allocation à un temps de travail.

Ce programme implique des coupes sombres dans les budgets de l’Éducation nationale, des universités, de la Sécurité sociale, au profit ce ceux destinés à l’armée (50 milliards dès 2025), à la police et à la justice (15 milliards pour la police et la justice et doublement des effectifs policiers d’ici 2030).

Élisabeth Borne, première ministre de choc, adepte de la concertation à tout va

Le 17 mai, Macron a nommé Élisabeth Borne au poste de première ministre en remplacement de Jean Castex. Depuis 2017, cette femme a été plusieurs fois ministre au sein des gouvernements Macron-Philippe puis Macron-Castex, occupant successivement les portefeuilles de ministre des transports, de la transition écologique et solidaire et, en 2020, du travail et de l’emploi. A ces postes, ses états de service font d’elle une candidate idéale pour décupler l’offensive au compte du capital financier contre le prolétariat et la jeunesse en poursuivant et amplifiant les contre-réformes engagées auparavant. C’est elle qui a dirigé la politique du gouvernement dans l’élaboration et la mise en œuvre des contre-réformes les plus brutales.

Avant d’entrer au gouvernement, présidente de la RATP entre 2015 et 2017, elle a œuvré à son ouverture à la concurrence, préparant sa vente à la découpe en cours avec l’application de la loi LOM (loi d’orientation des mobilités) adoptée en 2019 et la liquidation, charretée après charretée, de tous les personnels sous statut.

À la SNCF, c’est sous son ministère des transports qu’une défaite majeure a été infligée aux cheminots avec la complicité des directions syndicales, par la liquidation de leur statut. Nommée au ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion en juillet 2020, Borne a notamment eu la responsabilité des négociations de l’accord national interprofessionnel sur la mise en place du télétravail, signé par toutes les organisations syndicales et le MEDEF, accord qui exclut des mesures contraignantes pour les entreprises et qui renvoie les négociations branche par branche, voire entreprise par entreprise, laissant de fait les mains totalement libres aux patrons pour s’organiser en fonction de leurs besoins. C’est encore elle qui a mené à son terme la contre-réforme de l’assurance-chômage qui réduit le montant des allocations et qui exclut des dizaines de milliers de chômeurs. Les jeunes lui doivent le financement massif et le développement de l’apprentissage au profit des patrons.

Dans ces fonctions ministérielles, Borne a beaucoup appris. Elle sait que la concertation, le « dialogue social » associant les dirigeants des confédérations et des fédérations syndicales, est indispensable pour l’élaboration puis la mise en application des contre-réformes. Avant même d’être appelée première ministre, le Figaro du 25 avril rapporte : « Chantier majeur du second quinquennat d'Emmanuel Macron, la réforme des retraites se fera en accord avec les syndicats et le patronat, a assuré Élisabeth Borne ce lundi matin, au lendemain de la victoire du président sortant face à Marine Le Pen. “Il y a une place importante pour de la concertation”, a déclaré la ministre du Travail sur RTL ». Lors de la passation des pouvoirs entre elle et Castex, elle a insisté : « Nous avons des différences, mais je pense aussi que nous avons beaucoup en commun. Nous partageons la conviction que les politiques publiques doivent se bâtir dans le dialogue avec les élus, partenaires sociaux, associations avec lesquels nous avons travaillé sans relâche au cours de ces derniers mois. ».

« Dialogue social » : pour le futur gouvernement, tous les feux sont au vert

Une question essentielle pour le futur gouvernement, c’est l’engagement des dirigeants des confédérations et des syndicats dans la concertation et la collaboration pour la mise en œuvre de sa politique réactionnaire. Et tout indique que de ce point de vue il peut compter dessus. Avant même les élections, ils avaient voté Macron ; ils ont réalisé l’unité nationale sur la question de la guerre en Ukraine, faisant obstacle, au nom de la lutte pour la paix et d’un règlement négocié sous l’égide de l’ONU, à tout combat contre la participation de l’impérialisme français au bloc de l’OTAN, pour le retrait des troupes françaises (voir article dans le présent numéro de CPS).

La signature en janvier par tous les syndicats de l’accord PSC (Protection sociale complémentaire), accord de destruction de la Sécurité sociale, puis celle de l’accord de méthode sur la prévoyance début avril, par tous excepté FO, annonçaient la couleur : en aucun cas rompre la concertation, sur quelque sujet que ce soit. À l’invitation de Castex, ils ont tous participé à la réunion avec le gouvernement pour la mise en œuvre du plan de résilience. Dès le 7 avril, FSU, CGT, UNEF et autres (sauf FO) appelaient à manifester le 1er mai : « Quel que soit le résultat de l’élection présidentielle, la mobilisation sera nécessaire »… « Le 1er mai, exigeons des mesures fortes et générales d’augmentation des salaires et des pensions, des bourses étudiantes et un plan de rattrapage des pertes accumulées » (manifestions au demeurant très limitées : 120 000 selon la police, 210 000 selon la CGT). Et Martinez de déclarer : « Le 1er Mai doit être le premier rendez-vous revendicatif de ce nouveau quinquennat, pour se faire entendre et exiger de véritables changements ! » On a compris « se faire entendre », c’est là l’objectif. Et d’ailleurs il faut s’attendre à un déluge de journées d’action et de mobilisation.

Le jeudi 7 avril, les partenaires sociaux se sont retrouvés pour conclure leur négociation sur le paritarisme. Histoire de rappeler qu'il faudra compter avec eux dans les cinq ans à venir. Sans détailler ici le contenu de l’accord (pour l’instant seule FO a réservé sa signature dans l’attente de son congrès), on peut lire : « L'accord finalisé ce jeudi insiste sur la contribution des partenaires sociaux « à la construction de l'intérêt général et du bien commun », qui « passe à la fois par la capacité des acteurs à définir eux-mêmes des thèmes de négociation collective interprofessionnelle de manière autonome, et par leur capacité à agir de manière concertée avec les pouvoirs publics ».

Suite à la nomination de Borne, Martinez a commenté, selon Le Monde : « Invité sur LCI ce mardi, le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez a salué l'arrivée d'une femme à Matignon mais pas de la politique qu'elle représente. “On ne peut que se féliciter qu'une femme soit Première ministre, évitons des propos machistes que l'on entend encore parfois dès qu'une femme prend des responsabilités“. Après cette recommandation, il a même salué l'ancien Premier ministre Jean Castex. “Je ne regretterai pas Jean Castex pour sa politique. Mais on sent que ça a été un maire d'une petite ville. Il est au contact, direct et réactif quand on lui pose des problèmes et qui sait écouter. Il ne sait pas toujours entendre sûrement parce que son patron au-dessus devait le remettre sur les rails. Il est réglo [sic !]”, a-t-il regretté ». Et concernant la contre-réforme des retraites : « Si c'est pour discuter librement de la question de la retraite avec comme objectif de réduire l'âge de départ, nous irons. Si c'est pour augmenter l'âge de départ à la retraite, non. Ça devrait vous interpeller, tous les syndicats sont contre ces mesures ». Le pied est déjà dans la porte pour participer à la concertation. Et, selon l’AFP, « à l'image du secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, la plupart des responsables syndicaux jugent la nouvelle Première ministre Elisabeth Borne ouverte (sic !) à la discussion mais souvent trop peu encline à dévier de sa ligne. ». Mais significatif est le fait que les dirigeants concentrent leurs commentaires sur Borne en évitant de remettre en cause Macron.

Par exemple, pour la nouvelle contre-réforme des retraites avec le report de l’âge de départ à 65 ans, pressé par le MEDEF, le gouvernement veut aller vite en déposant un projet de loi début janvier prochain. Et déjà pour préparer le projet sur les retraites, Macron a annoncé la convocation d’une grande conférence sociale en déclarant : » Je pense que sur un sujet comme ça, c’est d’abord la concertation, la discussion, le respect ». Les dirigeants de confédérations clament qu’ils combattront le projet en évitant d’évoquer la question de leur participation à cette conférence.

Ce qu’il en n’est de la Nouvelle union populaire écologique et sociale (NUPES)

Les élections législatives sont prévues les 12 et 19 juin. Pour le prolétariat, dans des circonstances amplifiées par rapport à l’élection présidentielle, il n’y a aura aucune possibilité d’émettre un vote de classe et de contrebalancer les débâcles des élections présidentielles de 2017 et 2022.

Le 7 mai, l’accord pour la constitution de la NUPES a été consacré. Aux termes de cet accord, les candidats devront se présenter sous la seule étiquette commune de la NUPES, sans faire référence à leur appartenance à un parti. La répartition des circonscriptions est la suivante : LFI 326, soit 56% ; EELV et accessoirement Générations 100, soit 17% ; PS 69, soit 12% ; PCF 50, soit 8%. 32 circonscriptions n’ont pas fait l’objet d’un accord, celles des ex-colonies et une en Côte-d’Or. Le NPA, invité, a renoncé à signer l’accord sans critiquer le programme sur le fond et en prenant prétexte de la signature du PS. La part belle est réservé à EELV, parti bourgeois de l’écologie MEDEF compatible, qui n’avait pas de députés dans l’assemblée élue en 2017 (il en avait 16 dans celle de 2012 et il faut rappeler que par le passé si les Verts avaient des députés, c’est d’abord parce que le PS lui laissait jusqu’à 50 circonscriptions en ne présentant pas de candidat).

Mais au-delà, l’accord stipule que les candidats devront se présenter sous la seule étiquette commune de la NUPES. Le PS et le PCF ont accepté d’être totalement muselés, réduit au silence. Et Mélenchon a prévenu : « On va mettre les points sur les i. Toutes les familles sont dans l’union populaire. Ceux qui présentent des candidats contre l’union populaire sont des candidats macronistes, car ils ne servent que Macron. » Autrement dit c’est la police politique, inspiration Chavez : tous ceux qui oseraient se présenter aux élections en défendant un autre programme que celui de la NUPES seraient des suppôts de Macron. Pour ficeler le tout, il est prévu la constitution d’un intergroupe à l’Assemblée nationale et en dehors de l’Assemblée, d’un parlement mixte. Et fin du fin, les signataires s’engagent à soutenir nommément Mélenchon dans l’hypothèse, on le sait improbable, où il y aurait une majorité NUPES. En clôture de la présentation du 7 mai, Le Monde commente : « La Marseillaise retentit, les responsables des différents partis de gauche se réunissent autour de Jean-Luc Mélenchon et chantent l’hymne français. »

La plateforme programmatique de la NUPES a été présentée à la presse le 19 mai. Elle reprend 650 des 694 propositions de l’Union populaire (voir sur ce programme CPS ns n°82 du 9/03/2022). Les négociateurs du PS et du PCF n’avaient qu’un seul objectif : comment la répartition des circonscriptions, selon la promesse de Mélenchon, permettrait que ces partis conservent un groupe à l’Assemblée nationale, soit au moins quinze députés. Pour eux la question du programme était tout à fait accessoire, ce programme étant sur le fond un programme de défense de l’ordre bourgeois, ce qui leur convient, même si pour donner le change ils ont affirmé des divergences, dont certaines sont mentionnées dans le texte du programme (par exemple le nucléaire pour le PCF, la sortie – à long terme - de l’Otan pour le PS… ou encore pour le PS qui réfute l’emploi des termes « violences policières » !). Mais au final, Mélenchon a pu constater : « On s’est aperçu, par exemple, que sur l’Europe, on était tous d’accord pour dire [qu’]il n’est pas question, dans une mandature comme celle-ci et dans le contexte actuel, de sortir de l’Europe ou de l’euro. Ce n’est pas ça le sujet ». En ce qui concerne le programme, l’économiste Piketty fait le constat : « En réalité, si l’on examine les choses sereinement, le programme de transformation proposé en 2022 est plutôt moins ambitieux que ceux de 1936 ou de 1981 ».

Comme la candidature Mélenchon au nom de l’Union populaire, la NUPES, à laquelle se sont pliés le PS et le PCF, est une concrétisation de la décomposition du mouvement ouvrier. Avec la NUPES, Mélenchon a ajouté une brique à son chantier de démolition : au lieu de représenter une alternative politique, la NUPES participe au désarmement politique du prolétariat et de la jeunesse.

Crise finale du PS

La direction du PCF a approuvé l’accord (120 pour, 25 contre, 13 abstentions). Il fallait sauver ce qu’il restait des meubles. Finalement, celle du PS aussi (167 pour, 101 contre, 24 abstentions), mais dans des conditions où s’est étalée au grand jour une crise majeure, crise dont l’issue ne peut-être, à terme, que sa disparition, même si des débris politiques continueront à s’en réclamer.

Les dirigeants du PS se sont écharpés publiquement entre partisans de l’accord avec LFI, emmenés par Faure, soutenu par Jospin et Aubry, et opposants à la soumission à Mélenchon, parmi lesquels Hollande, Le Foll, Cambadélis, Cazeneuve (qui a démissionné), Delga et autres. Dans plus de 50 circonscriptions, des candidats se sont déclarés contre les candidats de la NUPES, un grand nombre d’entre eux sans afficher leur appartenance au PS. À l’initiative de Delga et de Le Foll notamment, les opposants à l’alliance menée par LFI ont commencé à se structurer lors d’une première réunion de coordination. Objectif : accompagner les candidats socialistes qui voudront se présenter les 12 et 19 juin face à des « insoumis ». Ils sont menacés d’exclusion par la direction.

Mais il faut le rappeler, Faure s’est engagé dans l’accord uniquement pour préserver des marges de manœuvre pour la suite et non en défense du PS. Avant le dernier congrès du PS, il militait pour un soutien à Jadot au premier tour de l’élection présidentielle et pour abandonner le sigle PS. Et les opposants à l’accord sont en fait sur une même ligne quoiqu’ils s’en défendent : la refondation pour enterrer le PS et passer à la formation d’une organisation 100 % bourgeoise. Cambadélis, en complicité avec Hollande et Hidalgo, dit tout haut ce que les opposants à Faure n’osent pas à ce stade affirmer clairement dans le cadre des manœuvres d’appareils contre Faure. Il appelle le PS à se dissoudre : « Il faut une refondation et la création d'un nouveau parti, un parti social-démocrate et populaire », insiste-t-il après avoir lancé fin mars un "pôle social-démocrate" destiné à « rassembler les énergies pour un changement majeur à gauche après les élections présidentielle et législatives. ». On peut aussi citer Delga : « Je veux créer un mouvement d'union de la gauche républicaine ».

Comment se disposer pour faire face à l’offensive programmée par le gouvernement Macron-Borne ?

Les élections donnent une image des rapports politiques, des rapports entre les classes. Elles sont un des résultats de la lutte des classes et un facteur plus ou moins important de son développement. Le résultat de l’élection présidentielle est une expression de l’immense désarroi du prolétariat et de la jeunesse, et de leur grande misère politique. Le résultat des élections est un coup de massue pour les masses. Toute perspective politique immédiatement saisissable par elles, celle d’un gouvernement ouvrier satisfaisant les revendications, est hors de portée. Et par expérience, le prolétariat et la jeunesse ont conscience que la satisfaction de leurs revendications les plus élémentaires pose la question du pouvoir.

Mais il n’en reste pas moins que le prolétariat et la jeunesse ne sont pas écrasés. En témoigne les multiples combats parcellaires sur la question des salaires face à l’inflation, qui restent néanmoins isolés et atomisés par la politique des dirigeants syndicaux.

Dans l’immédiat, les travailleurs subissent les conséquences de l’inflation. Selon les données officielles de l’Insee elle ne serait « que » de 4,8% à fin mars en France. Mais pour les travailleurs, la réalité est autre. Par exemple en Grande Bretagne, l’inflation est chiffrée, en moyenne, à près de 9%. Mais les études montrent que pour les couches les plus défavorisées, l’inflation réelle est de 13%. Ce qui est la réalité au-delà de la Manche, l’est aussi en France. Certains experts évaluent que l’inflation en France pourrait atteindre 10% fin 2022. Le gouvernement, en application des accords passés, a été contraint de réajuster le smic de près de 6%. On doit poser la question : si tel est le cas, pourquoi cette réévaluation de 6% ne devrait-elle pas au moins s’appliquer à tous les salaires, retraites et pensions ? Il faut le constater : dans les journées d’action qu’ils organisent, les dirigeants syndicaux ne mettent pas en avant l’exigence d’une échelle mobile des salaires et des pensions. Or, en se bornant à des formules aussi vagues qu’augmentation immédiate des salaires, ils renvoient de fait les salariés et représentants syndicaux aux NAO (négociation annuelle obligatoire) boîte par boîte, avec toutes les inégalités qui en découlent.

C’est inacceptable : les directions syndicales doivent commencer par rompre avec le programme de Macron en matière salariale. Leur responsabilité est de se prononcer pour l’échelle mobile des salaires, des retraites et des pensions en fonction de la hausse des prix calculée d’après un indice des prix syndical. Voilà quelle est la première exigence de la population laborieuse aujourd’hui.

Dans cette situation, est à l’ordre du jour le combat pour le front unique ouvrier pour faire face aux attaques immédiates de la bourgeoisie. Est à l’ordre du jour le combat pour que les dirigeants des confédérations et des fédérations syndicales (CGT, FO, FSU) rejettent sans ambiguïté toutes les contre-réformes que va poursuivre ou engager le gouvernement Macron-Borne. Et qu’en préalable, elles rompent la concertation à tous les niveaux, en mettant en avant un programme de défense de la classe ouvrière. C’est sur cette ligne que les militants de notre Groupe interviennent.

La seule perspective militante : combattre pour la construction du parti ouvrier révolutionnaire,
de l’internationale ouvrière révolutionnaire, combattre pour le socialisme

Depuis le début du XXe siècle, le capitalisme a atteint son stade ultime, l’impérialisme. La putréfaction du mode de production capitaliste génère des guerres incessantes entre les impérialismes pour se partager le monde. La guerre en Ukraine, avec son chapelet d’actes barbares dont sont victimes les masses, en est une sinistre illustration. La survie du mode de production capitaliste entraîne pour des centaines de millions d’hommes misère absolue, famine, chômage de masse, migration et déplacement afin de fuir la guerre ou le dérèglement du climat. La destruction de la planète par l’exploitation sans limite de la nature, à la recherche d’un profit immédiat, qui atteint dans bien des domaines un stade irréversible, est l’une des manifestations de la barbarie générée par le mode de production capitaliste. La production et le commerce de l’armement battent chaque année des records. Spéculation financière, endettement inégalé et corruption rythment l’actualité politique. L’impérialisme en pleine putréfaction n’a pas d’autre solution que de remettre en cause partout dans le monde ce qui reste des acquis arrachés au cours des dernières décennies par les combats de la classe ouvrière et de la jeunesse (droit au travail, santé, éducation, libertés démocratiques).

Tout indique que la situation qui s’ouvre sera pour la classe ouvrière et la jeunesse une situation très difficile, tant en France que dans le monde. A la veille de la seconde guerre mondiale, en 1938, Léon Trotsky écrivait dans le Programme de transition : « Sans révolution socialiste, et cela dans la prochaine période historique, la civilisation humaine tout entière est menacée d'être emportée dans une catastrophe. Tout dépend du prolétariat, c'est-à-dire au premier chef de son avant-garde révolutionnaire. La crise historique de l'humanité se réduit à la crise de la direction révolutionnaire ».

Ce pronostic est plus que jamais d’actualité. L’amplification des attaques contre les conditions d’existence et la volonté avérée des directions syndicales d’y collaborer pleinement, l’extrême décomposition, voire la disparition des partis ouvriers bourgeois rendent plus que nécessaire encore le combat pour rassembler les premiers matériaux pour la construction d’un véritable parti ouvrier révolutionnaire, et à l’échelle mondiale d’une véritable Internationale révolutionnaire. C’est à ce combat, avec ses moyens par l’intervention dans la lutte des classes, par la défense du marxisme, qu’entend contribuer notre Groupe.

Le 21 mai 2022

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