Éditorial du
bulletin « Combattre pour le socialisme » n°80 (n°162 ancienne série)
- 29 septembre 2021 :
Un camouflet économique, une
humiliation politique
La
dénonciation par l’Australie du « contrat du siècle » qui devait
conduire celle-ci à l’achat de 12 sous-marins français à propulsion diesel
électrique au profit des sous-marins américains à propulsion nucléaire est
évidemment un rude coup pour le capitalisme français sur un plan économique
(puisque le dit contrat était annoncé pour un montant global de 50 milliards
d’euros). Un des rares secteurs où le capitalisme français peut encore
prétendre jouer « dans la cour des grands » est l’armement,
c’est-à-dire dans les œuvres de mort. Pour ce qui est des œuvres de vie, on a
en tête le bide retentissant de Sanofi quant à la production de vaccins
anti-COVID…
Mais y
compris dans ce domaine des armes, le désastre australien en annonce peut-être
d’autres. C’est ce dont s’inquiète Le Monde du 18 septembre : « D’aucuns vont jusqu’à redouter un scénario à
l’australienne sur un dossier comme le SCAF, ce projet européen de système
aérien de combat du futur… L’Allemagne et la France sont associées depuis 2017,
rejointes par l’Espagne en 2019, aux côtés de grands industriels comme Airbus
ou Dassault… Ce projet, considéré à Paris comme central pour la souveraineté
européenne, avance à pas comptés… Le cas australien crée un précédent qui
contribue à générer de l’incertitude. »
Car
au-delà du désastre économique pour le capitalisme français, il y a
l’humiliation politique de la France comme puissance impérialiste. De ce point
de vue, les USA, la Grande-Bretagne, l’Australie ont soigné la forme de la
« trahison ». Macron a appris, semble-t-il, la dénonciation du contrat
par les journaux, et Johnson s’en est félicité avec une particulière
grossièreté. L’impérialisme français devait non seulement être battu, mais
ridiculisé. Ce qui devait l’être, en particulier par l’impérialisme US, c’était
la prétention française à ne pas s’aligner totalement derrière les USA dans
l’alliance anti-chinoise, comme sa prétention à constituer en Europe une
défense militaire autonome par rapport à l’OTAN, prétention qui apparaît
aujourd’hui plus que jamais comme chimérique. En clair, Biden a dit à Macron :
« Il faut vous rendre à l’évidence ! Vous n’avez pas les
moyens ».
Il
faudra sans doute tirer toutes les leçons à l’échelle mondiale de ce qui vient
de se passer. Les prétentions françaises à jouer un rôle dans la zone
indo-pacifique que la France croyait pouvoir appuyer par ses possessions
coloniales dans la région (Nouvelle-Calédonie, Tahiti) ont été brutalement
retoquées. Mais ce n’est qu’un aspect de la question. La constitution de
l’Aukus, alliance militaire tripartite USA / Grande-Bretagne / Australie,
alliance militaire ouvertement belliciste contre la Chine, représente un pas
supplémentaire dans le sens de la préparation à un éventuel conflit militaire
ouvert entre les USA et ses alliés et la Chine, c’est-à-dire entre la première
et la seconde puissance impérialiste mondiale. Sans doute, un tel affrontement
n’est ƒpas immédiatement à l’ordre du jour. Mais nul
ne peut ignorer que l’impérialisme, c’est la guerre et que le seul recours
contre la guerre au bout du compte est dans le renversement par le prolétariat
dans chaque pays des gouvernements bourgeois, fauteurs de guerre.
Économie française :
tout va très bien, tout va très bien ?
Au regard de ce dernier
camouflet, résonnent de manière dérisoire les triomphales déclarations
gouvernementales antérieures sur l’état de l’économie française.
« C'est
une performance exceptionnelle de l'économie française », a
réagi Bruno Le Maire, le ministre de l'Économie, vendredi 30 juillet sur France
Inter, après la publication des indicateurs de l'Insee avec une hausse de 0,9%
du produit intérieur brut (PIB) au deuxième trimestre. « C'est un motif de fierté pour les
Français », a-t-il poursuivi.
« C'est
tout qui repart, la consommation, l'investissement, le moral des entrepreneurs
donc cela va nous permettre d'atteindre les 6% de croissance que nous nous
sommes fixés pour 2021 et ça doit nous permettre de retrouver le niveau
d'activité d'avant crise au début de 2022 ».
Le Maire
multiplie les déclarations triomphalistes. C’est une mystification :
Rappelons
que le PIB s’est contracté en 2020 de 8,3 %. L’économie française est sous
tente à oxygène, et inéluctablement, avec la diminution programmée des
« aides », apparaîtra le caractère artificiel de cette
« reprise ». La contraction énorme du marché automobile en témoigne.
Les cercles avertis de la bourgeoisie française s’en inquiètent. Ferrand,
économiste chez Rexecode : « A
partir de quand les pouvoirs publics décident-ils d’accepter les faillites et
leurs conséquences politiques et sociales ? » (cité par Le Monde du 24/07/21).
Et le
rapport du « Comité de suivi du plan de relance », mis en place par
le gouvernement, dresse le constat à l’opposé de toute autosatisfaction
proclamée :
« (…)
la situation financière des entreprises avant crise, globalement moins
favorable que dans la plupart des pays européens (marges faibles, endettement
élevé), subsiste et pourrait peser sur leur développement et leur capacité à
soutenir la reprise » ; et
d’insister sur la question de la dette publique et à cet égard de la situation
opposée de la France et de l’Allemagne. La dette française a augmenté de 20
points en deux ans et le Comité euphémise : « la divergence accrue des situations
d’endettement public au sein de la zone euro, en particulier entre la France et
l’Allemagne [70 % contre 120%, ndlr], est un sujet d’attention à moyen terme ».
Le
secteur automobile concentre l’insigne faiblesse du capitalisme français. Dans
ce secteur, la question décisive est la suivante : dans quelles conditions
de compétitivité, les groupes capitalistes abordent-ils l’inéluctable
transition des moteurs thermiques aux moteurs électriques ? Un chiffre
suffit à indiquer le rapport de force. Renault consacre 10 milliards
d’investissement à l’électrique quand Volkswagen en consacre 73 milliards.
Les
Echos du 5 août :
« S'achemine-t-on
vers un nouveau déficit record du commerce extérieur français cette
année ? Alors que les Douanes françaises doivent publier ce vendredi ses
chiffres pour le deuxième trimestre, le bilan des cinq premiers mois n'invite
guère à l'optimisme. A fin mai, le déficit commercial en biens de la France, en
cumul sur douze mois glissants, se maintenait, pour le deuxième mois
consécutif, à un niveau historiquement haut à près de 70 milliards
d'euros. En 2020, il avait atteint 65,2 milliards d'euros, soit 8 milliards de
plus qu'en 2019, le poids de la France dans le commerce mondial tombant à
2,8 %, contre 3,1 % un an plus tôt. »
Côté
exportations, l'Hexagone peine à retrouver ses niveaux pré-pandémie. Après le
rebond enregistré au deuxième semestre 2020, « la progression des
exportations entamées depuis juin 2020 s'infléchit fortement depuis le
début de l'année », observaient les Douanes dans leur analyse des données
du mois de mai.
La
demande adressée à la France croît moins vite que les échanges mondiaux. En
d'autres termes, elle perd des parts de marché. Au premier trimestre notamment,
alors que l'Allemagne retrouvait ses niveaux d'échanges de fin 2019, l'Hexagone
a, elle, encore pâti du ralentissement des économies de la zone euro, son
premier partenaire commercial. S'ajoute l'effet négatif du Brexit qui a
entraîné une forte chute des importations du Royaume-Uni.
Par
ailleurs, le secteur de l'aéronautique n'a toujours pas retrouvé sa place dans
les ventes de la France à l'étranger, alors qu'en 2019, il avait dégagé un
excédent commercial de 30 milliards d'euros… »
Dégradation du contexte
économique international
Ce n’est
certes pas le contexte économique mondial qui permettra à l’économie française
de retrouver une position meilleure. L’enthousiasme affiché par les
commentateurs de la bourgeoisie sur la vigueur de la « reprise » est
en train de retomber. Les derniers chiffres de la création d’emploi aux USA
sont largement en deçà de ce qui était attendu. Et la fin des aides fédérales
aux chômeurs – qui a d’abord pour effet de faire sombrer dans la misère des
dizaines de millions d’Américains - fait courir le risque d’une réduction
sensible de la consommation. En même temps, elle révèle le caractère artificiel
de la « reprise » fondée sur le recours forcené à l’endettement de
l’État américain (13 % !).
La Chine elle-même
manifeste des signes d’essoufflement. La production industrielle, un temps
portée par la demande de produits médicaux et paramédicaux liée à la pandémie,
comme par celle de matériel électronique lié au développement en particulier du
télétravail, est moins alerte. L’activité liée aux services est, elle, en
franche régression. Sans doute, la résurgence de la pandémie n’y est pas pour
rien. Mais sont à l’œuvre des facteurs plus profonds, déjà présents avant la
pandémie. Ainsi, la situation du secteur immobilier, dont la progression était
liée à une spéculation effrénée, progression au prix d’un endettement
faramineux, fait courir à l’ensemble de l’économie chinoise un péril
redoutable. Un des plus gros promoteurs immobiliers du pays, Evergrande est au bord de la faillite, d’ores et déjà
incapable de rembourser ses dettes et de remplir ses engagements auprès des
milliers de clients acheteurs de logements qui risquent de n’être jamais
construits, et le gouvernement chinois n’a pas d’autre choix que de le sauver
au prix de quelques centaines de milliards à cause des conséquences en cascade
qu’entraînerait sa faillite, notamment pour les banques et le marché
obligataire. Mais il doit en même temps réduire la vanne du crédit pour éviter
d’autres faillites.
Que
l’économie mondiale se grippe, que l’on retrouve la situation antérieure à la
pandémie, au bord de la récession – avec, en outre, une aggravation
considérable de l’endettement public et privé -, de proche en proche,
inévitablement, l’économie française, déjà mal en point, sera durement
atteinte. Elle n’a dû jusqu’ici son sursis qu’au « quoi qu’il en
coûte ».
Or il
faut préciser sur ce fameux « quoiqu’il en coûte ». Le chiffre global
est impressionnant : 230 milliards, mais sur ces 230 milliards, il y a 160
milliards de PGE (Prêts garantis par l’État). Le saut de la mort, c’est le
remboursement des dits PGE. Or les premières échéances de ces remboursements se
situent au printemps 2022, le cas échéant à 2023 – mais alors l’échéancier est
raccourci d’un an.
Le
passage au « sur mesure »
annoncé par Le Maire pose la question des critères. Or Le Maire annonce que le
maintien des aides se fera « au vu
de la situation des entreprises ». Autrement dit, celles dont la
situation était critique avant même le COVID seront abandonnées à leur sort. En
clair – c’est le leitmotiv -, « il y
aura des faillites » (le chiffre communément annoncé est de
60 000).
La
situation est donc en réalité plus que précaire pour le capitalisme français et, faut-il le dire, les
derniers événements évoqués plus haut, n’arrangent rien. C’est pourquoi il
lui est absolument nécessaire de reprendre l’offensive pour juguler la dette
publique, ce qui ne peut se faire que par la reprise violente de l’offensive
contre les budgets sociaux et le salaire différé (voir plus loin). C’est du
reste l’injonction adressée au gouvernement par la Cour des Comptes (dirigée
par Moscovici, ex-commissaire européen, ex-ministre PS du gouvernement Jospin).
Brutale dégradation de la
situation de l’impérialisme français
La fin de
l’opération Barkhane représente un échec cuisant pour l’impérialisme français.
Elle se traduit par la réduction de moitié des effectifs au Sahel, la fermeture
d’un certain nombre de bases dans le Nord Mali, ce qui revient à laisser le
champ libre aux djihadistes pour se concentrer sur le « Mali utile ».
Mais la
vérité, c’est que les résultats d’une telle politique, du point de vue des
intérêts de l’impérialisme français, sont plus qu’aléatoires :
- le jihadisme
a métastasé dans tous les pays limitrophes : outre le Niger, le Tchad, la
RCA et le Burkina Faso sont hors contrôle, la Côte d’Ivoire est à son tour
touchée, ainsi que le Bénin, le Togo ;
- l’appel
à la prise en charge du combat par les armées des États se heurte à
l’impuissance avérée des dites armées (à la seule exception de l’armée
tchadienne… qui vient de diviser par deux le nombre de soldats engagés, de
1 200 à 600) ;
- il faut
ajouter à cette dégradation générale de l’ordre impérialiste le coup d’État en
Guinée au détriment d’Alpha Condé, le boucher du peuple guinéen soutenu de tout
temps par l’impérialisme français. Même si les putschistes ont immédiatement
déclaré qu’ils « respecteraient leurs engagements » - c’est-à-dire le
maintien du pillage du pays par les différentes puissances impérialistes, en
particulier de la bauxite, il y a matière à inquiétude pour ces
dernières ;
- l’appel
à la prise en charge du conflit par l’Europe se heurte à une fin de non
recevoir de l’Allemagne en particulier ;
-
l’audace et la pugnacité des djihadistes ont reçu une puissante impulsion avec
la prise de contrôle de l’Afghanistan par les talibans, les derniers jours
étant marqués par une multiplication des opérations militaires de
ceux-ci ;
- le
résultat le plus apparent, c’est que y compris les gouvernements les plus
soumis à l’impérialisme français cherchent aujourd’hui des accords avec les
groupes djihadistes (par exemple le Togo) au grand dam de Macron, en même temps
qu’ils se tournent vers des concurrents de l’impérialisme français, puissances
impérialistes (Chine) ou puissances secondaires (Russie, Turquie) pour assurer
leur protection. En RCA, la Russie a aujourd’hui quasiment supplanté la France
auprès du gouvernement (qui au demeurant ne contrôle plus en réalité qu’un
tiers du territoire). Et le gouvernement malien, produit d’un second coup
d’État en un an, vient d’annoncer qu’il allait faire appel à la société russe
de mercenaires Wagner… moyennant quelques concessions minières à la Russie. Le
gouvernement français a alors immédiatement menacé de se retirer du Mali,
d’autant qu’en cas d’ingérence russe, les États-Unis ont averti qu’ils
suspendraient leur soutien technique et logistique à l’armée française !
Ailleurs
qu’en Afrique, Macron s’agite beaucoup en défense de l’impérialisme
français : conférence sur le Liban, conférence des « voisins de
l’Irak ».
A Bagdad,
Macron a déclaré : « Quels que
soient les choix des Américains, nous maintiendrons notre présence en Irak pour
vaincre le terrorisme ». Et il a proposé la création d’une zone
franche à Kaboul, sans aucun écho auprès de Biden !
Un
journaliste libanais a réagi ainsi et de manière impitoyable : « Le président français aspire à jouer
un rôle qui excède le poids et la présence de son pays » et le Times de Téhéran : « Macron parle
fort mais peu accordent foi à ce qu’il dit dans la région ».
Il reste
à Macron à se concentrer sur les confettis de l’« empire français »
(qui fait de la France, comme le répète à l’envi Mélenchon, la seconde
puissance mondiale en matière d’eaux territoriales). C’était le sens de sa
visite en Polynésie (où il a déclaré « assumer » les essais
nucléaires qui ont fait et font des milliers de victimes), où il a pris
position en faveur du maintien de la Nouvelle-Calédonie sous la tutelle
française en relation avec le referendum de la fin de l’année.
Offensive continue contre
les masses
Toute la
situation économique et politique fait que le gouvernement Macron n’a d’autre choix
que la continuation de la politique contre les masses :
-
Réforme de l’assurance-chômage.
Conformément aux déclarations de Macron du 12 juillet, la
ministre du travail vient de réaffirmer que la réforme de l’assurance-chômage
s’appliquera bien à partir du 1er octobre, et ce quoiqu’il en
coûte aux chômeurs, n’hésitant pas à truquer les chiffres pour prouver que des
chômeurs pouvaient actuellement gagner plus avec leurs allocations qu’en
travaillant. Avec le nouveau calcul des indemnités, le gouvernement compte
économiser plus d’un milliard d’euros sur le dos des chômeurs, puisqu’un
premier effet sera de faire baisser les allocations de 20% en moyenne
pour 840 000 d’entre eux, soit 40% des demandeurs d'emploi. Et alors que
cette contre-réforme n’est pas encore entrée en vigueur, le gouvernement se
dispose d’ores et déjà pour aller plus loin. C’est ainsi qu’il vient d’engager
une concertation avec les partenaires sociaux sur la gouvernance de
l’assurance-chômage afin de placer son budget sous le contrôle direct de l’État
pour mieux tailler dans les droits des chômeurs. Or, dans la continuité de leur
participation à toutes les concertations sur la réforme de l’assurance-chômage,
les appareils syndicaux se sont à nouveau pliés à l’injonction gouvernementale en
acceptant de participer à la concertation.
-
La privatisation de la SNCF continue.
La ligne
Marseille-Nice est passée à l’opérateur privé Transdev. Les cheminots de la
SNCF effectuant la majorité de leur service sur cette ligne seront expulsés d’autorité
de la SNCF et mis sous la direction de Transved avec un « sac à dos social », c’est-à-dire sous l’autorité d’un
accord d’entreprise massacrant leurs droits antérieurs et leur qualification
(polyvalence imposée). Rappelons que l’appareil de la CGT a préparé
méthodiquement le terrain en opposant à la défense du statut des cheminots la
pseudo revendication d’une « convention
collective de haut niveau ». Ce n’est qu’un début. La
« modernisation » de SNCF-Réseau, sous prétexte de la lutte contre
son endettement, prépare des milliers de suppressions de poste de cheminots
chargés de l’entretien et du fonctionnement des voies. D’ores et déjà, la
direction de la SNCF en annonce entre 2 000 et 3 000.
- Nouvelle
étape dans le démantèlement du statut de la Fonction publique.
Après avoir fait passer la loi
sur la transformation de la Fonction publique qui a vidé de toute substance les
CAP et créé les conditions d’une banalisation du recrutement contractuel en
lieu et place de l’emploi statutaire, qui a élargi les possibilités de
licenciement des fonctionnaires en introduisant la rupture conventionnelle dans
la Fonction publique, le gouvernement entend franchir une nouvelle étape dans
le démantèlement des garanties statutaires des fonctionnaires en s’attaquant maintenant
au point d’indice et à la grille de rémunération Fonction publique. C’est
l’objet de la conférence dite salariale ouverte par De Montchalin le 6 juillet
et qui devra s’étaler jusqu’en mars 2022.
La ministre a été parfaitement claire : il s’agit de « repenser le système de rémunération ». Pour faire passer ce qui constitue une attaque frontale contre les bases mêmes de la rémunération des fonctionnaires, le gouvernement a mis au point un dispositif à deux niveaux. La conférence est complétée par les concertations ouvertes secteur par secteur, depuis le Ségur de la Santé, étendues maintenant au Grenelle de l’Éducation pour les enseignants, avec notamment un groupe de travail sur la « personnalisation » des carrières, aux négociations ouvertes aux Douanes et aux Finances, au motif de « reconnaître l’investissement des agents ». Son objectif est de faire couvrir par la concertation, dans le cadre de la conférence Fonction publique, la liquidation du point d’indice et des augmentations pour tous qui découlent des déroulements automatiques de carrières. De manière complémentaire cette conférence vise à faire prendre en charge par les appareils syndicaux, dans le cadre de « négociations » secteur par secteur, la montée en puissance des dispositifs d’accélération de carrière et de primes, avec l’objectif de faire éclater la grille unique (qui unifie les fonctionnaires face au gouvernement) et mettre en place les carrières dites au mérite. Les appareils syndicaux sont aujourd’hui pleinement associés à ce dispositif de concertation dans le cadre de la conférence Fonction publique et dans les différents secteurs (suites du Grenelle de l’Éducation, « négociations » sur la reconnaissance de l’investissement des agents aux Finances et aux Douanes).
-
Quelques projets de lois qui sont tout sauf anodins.
Ainsi a
été adopté en première lecture le projet de loi pluriannuel de limitation des
dépenses sociales (qui réduit encore davantage si on peut dire la place du
parlement croupion, puisque le vote annuel du budget serait désormais encadré
par une telle loi). Ainsi a été déposé par LREM un projet de loi organique
accentuant le contrôle parlementaire sur le financement de la Sécurité sociale
et les « comptes sociaux » (AGIRC, assurance-chômage ») avec un
rapport sur l’« état des dépenses,
des recettes et du solde » les « mesures
envisagées » en cas de déficit.
L’appareil
de FO a déclaré selon Le Monde ne pas
avoir d’objection. Celui de la CGT
s’est indigné d’une « provocation »
« car la concertation entre le
ministère et les partenaires sociaux sur le pilotage de l’UNEDIC ne fait que
commencer » (Gravouil dans Le
Monde du 20 juillet) – ce qui donne une idée de l’« opposition »
de l’appareil CGT sur la réforme de l’assurance-chômage.
-
Revenu d’engagement.
« Pour
nos jeunes adultes, nos étudiants comme nos jeunes actifs, ou nos jeunes qui
sont peu formés, nous avons créé la plateforme “1 jeune 1 solution”. Nous
poursuivrons ce programme, qui a permis à 2 millions de jeunes de trouver une
formation, de décrocher parfois un emploi, de signer souvent un contrat
d’apprentissage, imaginez - 526 000 en 2020, ce qui est un record. Pour
amplifier cette dynamique, je présenterai à la rentrée le Revenu d’engagement
pour les jeunes, qui concernera les jeunes sans emploi ou formation et sera
fondé sur une logique de devoirs et de droits. » (Macron,
le 12 juillet).
Les
appareils syndicaux ont pavé le chemin du gouvernement en exigeant à cor et à
cri une « réforme des aides ». Le MEDEF a insisté en se disant
d’accord pour le Revenu d’engagement mais avec un strict contrôle de
l’accomplissement des « devoirs » du jeune. Autrement dit, il s’agit
de constituer une main d’œuvre juvénile surexploitée à la disposition des
patrons.
-
Réforme des retraites.
« Oui,
notre système est injuste : avec 42 régimes différents, il entretient des
inégalités majeures, et il faudra aller vers plus de simplicité pour plus de
justice. Et donc, les régimes spéciaux devront être supprimés pour les nouveaux
employés dans ces secteurs.
Oui,
parce que nous vivons plus longtemps, il nous faudra travailler plus longtemps
et partir à la retraite plus tard. Pas demain, pas brutalement, pas de manière
uniforme car nous prendrons en compte la difficulté des métiers. Mais
progressivement, sur plusieurs années, et par un système qui fait la différence
selon le travail réellement exercé. Et donc, l’âge de départ doit être plus
tardif. » (Macron, le 12 juillet).
Comme l’a
dit Attal, porte-parole du gouvernement, la question n’est pas de savoir si la
réforme aura lieu mais quand. La question n’est apparemment pas tranchée.
L’hypothèse la plus probable est que, sous couvert de conditions sanitaires non
réunies, elle soit reportée aux lendemains de l’élection présidentielle. Telle
est en tout cas la position du MEDEF. Celui ci juge que la bourgeoisie a besoin
de l’élan de l’élection, de la défaite sans combat promise au prolétariat, pour
frapper durement sur cette question. Geoffroy Roux de Bézieux a donné le mode
d’emploi. Les candidats doivent s’engager clairement sur cet objectif qui doit
être mis en œuvre immédiatement après la présidentielle.
Concertation
du 6 juillet
Mais il
faut noter que l’allocution de Macron du 12 juillet suit de 6 jours la concertation
du même Macron avec les appareils syndicaux du 6 juillet lors de laquelle
Macron a annoncé aux appareils syndicaux le « pass
sanitaire » et la réforme des retraites. De leur propre aveu, les
appareils syndicaux sont intervenus le 6 juillet sur la ligne : « La réforme des retraites, pas
maintenant ». Ce qui est une façon de dire toute leur disponibilité
pour en discuter ensuite, immédiatement après l’élection présidentielle.
La
loi sur le « pass sanitaire »
Le
gouvernement a fait adopter la loi « pass
sanitaire » sur la base d’un accord entre LREM et LR.
Il y a à
la fois une raison réelle et une opportunité. La bourgeoisie et le gouvernement
Macron qui la représente considèrent réellement avec angoisse les nouveaux
développements de la pandémie. Tout indique que cette dernière est loin d’être
circonscrite à l’échelle mondiale. Au contraire, une reprise sensible se fait
sentir aux États-Unis, en Chine, sans parler des pays dominés (Afrique, Inde,
Amérique latine, etc.).
La France
n’y échappe pas, en particulier à travers la situation dans les DOM-TOM. Or
pour le gouvernement Macron, il n’est pas possible d’assumer indéfiniment la
charge des « aides » aux secteurs sinistrés dont le coût a conduit à
une aggravation de près de 20 % de la dette publique. Il est impératif
d’en finir avec l’engagement financier que représente le financement du chômage
partiel, financement dont l’allégement (jusqu’à suppression) est programmé. La
perpétuation de la pandémie fait peser une lourde menace sur l’économie
capitaliste. Par ailleurs, la reprise de la pandémie dans une situation où le
gouvernement continue de supprimer des lits par centaines dans les hôpitaux est
évidemment dramatique pour les personnels soignants et pour les malades. Mais
il serait stupide de dire que cela ne pose pas un problème au gouvernement
lui-même. Dans
cette situation, pour tenter de juguler la pandémie, le gouvernement n’a
d’autre recours que la vaccination massive, sans que cela ne constitue une
garantie absolue. Le « pass sanitaire »
vise à contraindre la population à cette vaccination de masse.
En même
temps, la pandémie constitue une opportunité pour porter des coups contre le
prolétariat et les droits ouvriers. D’un point de vue ouvrier, le centre de la
loi « pass sanitaire », c’est la
possibilité de licencier dans des conditions où tous les freins légaux au
licenciement sautent. La suspension du salaire du travailleur (en contact avec
le public) dépourvu du pass est sans recours (pas de
conseil de discipline par exemple dans la Fonction publique), pas de
possibilité de recours devant le juge. Comme l’a indiqué Borne, la
ministre du travail, « il ne faut
pas laisser croire aux salariés qu'il ne peut pas y avoir de
licenciement » après le pseudo amendement LR qui avait prétendument
écarté cette possibilité. « Il faut
être clair, ça ne veut pas dire qu'il ne va pas y avoir de licenciement, ça
veut dire qu'il est moins encadré, qu'il pourra intervenir plus tôt », a-t-elle
ajouté (citée par La Tribune du 27 juillet).
De ce
point de vue, la loi « pass sanitaire »
représente un coup supplémentaire contre les garanties ouvrières. La suspension immédiate
sans traitement de 3 000 agents hospitaliers en est la preuve la plus
claire. L’exigence de la réintégration immédiate de ces personnels avec leur
traitement, le combat dans ce sens contre le gouvernement doivent être avancés
par les organisations syndicales. Car c’est ce gouvernement (et les précédents)
qui est pleinement responsable des réticences d’une minorité du personnel face
à la vaccination : par ses mensonges, par la couverture constante des
différents scandales sanitaires de ces dernières décennies, par son soutien aux
pires mesures sacrifiant les populations aux intérêts du colonialisme et de
l’impérialisme français (chlordécone aux Antilles, essais nucléaires en Océanie
qui ont fait et font des milliers de victimes).
La loi
« pass sanitaire » s’inscrit aussi dans le
renforcement de l’État policier, les flics, qui ne sont pas eux-mêmes soumis à
l’obligation vaccinale, trouvant une légitimité aux contrôles policiers
permanents.
Répétons-le :
les appareils syndicaux ont, dès le 6 juillet, donné leur onction au « pass sanitaire ». L’appareil de FO s’est
particulièrement illustré dans un secteur crucial en matière d’attaque contre
les droits ouvriers, à savoir l’hôpital. La confédération FO avait
déclaré : « Nous estimons que
le dialogue social ne peut être réduit à accompagner la mise en œuvre de
décisions qui n’ont pas fait l’objet de consultations précises et détaillées
préalables ». La Fédération FO Santé, quant à
elle, a été plus précise : elle « prend acte des décisions politiques
concernant l’obligation qui est faite au personnel des établissements
sanitaires, sociaux et médico-sociaux de se faire vacciner… Pour autant, la
fédération Santé regrette que le gouvernement ait choisi le mode
punitif… ». Cela n’empêche pas, ici ou là,
l’appareil de FO de rejoindre avec banderoles et calicots les manifestations du
samedi (voir plus bas). Ce sont en réalité les deux faces de la même politique.
Les
« manifestations du samedi »
Le
soutien des appareils syndicaux a libéré la voie aux manifestations du samedi.
Ces manifestations, par leur contenu, par leurs mots d’ordre, par leur
« direction » sont dans la stricte continuité des manifestations des
« gilets jaunes ». La petite bourgeoisie, drainant derrière elle
certaines franges du prolétariat et du sous-prolétariat, occupe le devant de la
scène et la rue, dans une situation où la classe ouvrière est largement
paralysée par les appareils syndicaux qui surfent sur son désarroi politique.
D’un côté, aucune riposte ouvrière significative face aux plans de licenciement,
aux mesures de diminution considérable des salaires, tout cela négocié à tous
les niveaux par les appareils. D’un autre côté, derrière des forces politiques
réactionnaires, des dizaines de milliers de manifestants (parmi lesquels un
certain nombre de prolétaires) : tel est le tableau accablant de la
situation de la lutte des classes.
Le mot
d’ordre central, c’est « Liberté ». Le seul drapeau toléré, c’est le
drapeau bleu-blanc-rouge des Versaillais.
En soi,
le mot d’ordre de « Liberté » appliqué à la vaccination n’a rien d’un
mot d’ordre ouvrier. En réalité, à la base de ces manifestations, il y a
l’angoisse des centaines de milliers de petits patrons, petits boutiquiers,
etc. menacés de faillite dès que le gouvernement aura débranché la tente à oxygène
qui leur a permis de ne pas mourir tout de suite. Pour eux, menacés de mort
économique par le « pass sanitaire »,
qu’importe le virus et ses dangers. Ce qui prime, c’est le danger immédiat de
la faillite.
Si le
prolétariat disposait d’une véritable direction politique, défendant un
programme ouvrier (non seulement un véritable programme de santé publique, mais
un mot d’ordre d’annulation de la dette du petit commerce et de l’artisanat,
etc.), la petite bourgeoisie pourrait se ranger derrière un tel programme. Mais
aujourd’hui, l’incarnation « officielle » du mouvement ouvrier, c’est
la coopération avec Macron. Ainsi se crée une situation où c’est le monde
renversé : loin que la classe ouvrière, classe fondamentale, draine
derrière elle la petite bourgeoisie écrasée par le capital, c’est au contraire
la petite bourgeoisie qui attire dans ses manifestations certaines franges
ouvrières qui y trouvent une « radicalité » anti-Macron qu’elles ne
rencontrent en aucun cas dans les journées d’action organisées par les
appareils.
Parce que
ce sont des manifestations petites bourgeoises, elles drainent dans leur
sillage non seulement les forces les plus obscurantistes (anti-vax, suppôts du
charlatan Raoult), mais elles acceptent sans problème dans leurs rangs, les différentes
variantes de l’« extrême droite » (qui ici ou là structurent même les
manifestations, en assument le service d’ordre, etc.), et sans davantage de
souci les banderoles antisémites. Ces manifestations tolèrent aussi les maigres
cortèges syndicaux agitant vaguement en leur sein les mots d’ordre contre la
réforme de l’assurance-chômage ou sur l’hôpital public. Pourquoi ne les
toléreraient-elles pas ? Car en aucun cas, ces mots d’ordre ne sont au
centre de ces manifestations. Quant à l’appareil dirigeant des syndicats, sa
politique est un Janus donc à deux faces : d’un côté la coopération avec
Macron, de l’autre le renfort aux manifestations de la petite bourgeoisie.
La
tentative de toute une frange de l’« extrême gauche » de peindre ces
manifestations en rouge est simplement pitoyable, significative de leur étroite
inféodation aux appareils syndicaux.
S’exprimer
avec la plus grande clarté en défense de la science, contre l’obscurantisme
Certes le
vaccin ne constitue pas une garantie absolue. Mais nier que le vaccin
limite considérablement la circulation du virus et la gravité de la maladie est
aussi sérieux que de nier que la terre tourne autour du soleil…
Bien sûr,
de manière très exceptionnelle, le vaccin, comme tout médicament, peut avoir
des effets néfastes. Évidemment personne ne propose de vacciner en dépit de
contre-indications médicales dans certains cas. Condamner la vaccination au nom
de ces exceptions est aussi sérieux que de condamner la découverte de la
machine à vapeur au nom des accidents que son usage peut entraîner…
S’il y
avait un gouvernement ouvrier, il pourrait tout à fait être amené à décréter
l’obligation vaccinale comme mesure de salut public.
Le
« vaccino-scepticisme » prend la forme frauduleuse de
l’anti-capitalisme et de la critique de la « Big
Pharma ». En système capitaliste, le produit pharmaceutique, comme toute
production, est une marchandise et vise donc à la réalisation du profit. Dans
une situation de pénurie, elle permet la réalisation de surprofit, comme en
atteste l’augmentation massive du prix des vaccins Pfeizer et Moderna
récemment. Mais ce n’est pas le vaccin qui est en cause, mais le mode de production capitaliste, qui
du reste a pour effet d’en limiter l’usage. Il en va ainsi de toues les
découvertes médicales. La trithérapie a sauvé des dizaines de millions d’êtres
humains. Sa production comme marchandise a interdit son accès à des dizaines de
millions d’autres (par exemple en Afrique) ainsi condamnés à mort, non par la
trithérapie mais par la limitation de sa diffusion dans le cadre du système
capitaliste.
Il en va
ainsi aujourd’hui du vaccin anti-COVID dont sont privés des milliards d’êtres
humains en Afrique, en Amérique latine et même en Europe et aux USA. Le mot
d’ordre, c’est non la liberté de vaccination, mais le droit au vaccin !
Ce sont
là la limite et l’impuissance du système capitaliste à en finir avec la
pandémie. Les capitalistes, non par philanthropie mais pour le rétablissement
des conditions « normales » de la réalisation du profit, voudraient
bien en finir avec elle. Mais le système capitaliste l’interdit. Car il
faudrait qu’il n’y ait aucun frein à la production et à la diffusion des
vaccins, leur mise à disposition gratuite pour toute l’humanité, notamment dans
les pays dominés. Il faudrait donc que cette production et diffusion échappe à
la loi du profit, ce qui n’est possible que par la nationalisation sous
contrôle ouvrier des laboratoires pharmaceutiques. La pandémie rend donc plus
brûlante l’actualité du combat pour le socialisme, pour la république
universelle des conseils ouvriers.
Pour
la vaccination pour tous, contre le « pass
sanitaire » et pour l’abrogation de la loi qui l’instaure
Il faut
donc militer pour le front unique des organisations ouvrières, et d’abord des
syndicats, pour le retrait de la loi sur le « pass
sanitaire », non pas au nom de la « liberté » en général mais de
la défense des droits ouvriers, contre la « liberté » de licencier,
contre l’État policier, de manière totalement distincte des forces
obscurantistes qui dirigent les manifestations du samedi.
Il faut
militer pour le front unique des organisations ouvrières en défense du droit à
la Santé, de l’hôpital public, ce qui signifie se prononcer dès maintenant : à
bas le projet de loi de financement de la Sécurité sociale ! Et s’il
s’agit de manifester, manifestation à l’Assemblée nationale contre son
adoption ! Rétablissement de tous les postes et lits supprimés et création
des milliers de postes nécessaires !
Il faut
combattre pour l’accès réel aux soins de la fraction la plus paupérisée du
prolétariat (en Seine-Saint-Denis, 30 % de la population n’a pas de
médecin traitant !) et donc pour son accès réel à la vaccination par une prise
en charge par les organisations ouvrières du combat en ce sens, ce qui implique
une véritable campagne d’éducation ouvrière contre l’obscurantisme anti-vax
porté en France par les dirigeants des manifestations du samedi, aux USA par les
Trumpistes, au Brésil par Bolsonaro !
La
politique des appareils syndicaux :
à nouveau la combinaison de la concertation et des journées d’action
Nous
l’avons dit : c’est la politique de concertation-collaboration des
directions syndicales avec le gouvernement qui libère la place pour les
manifestations réactionnaires de la petite bourgeoisie.
Cette
politique ne se dément pas. Les 1er, 2 et 3 septembre, Castex reçoit
les dirigeants syndicaux : mise en œuvre du « pass
sanitaire », de la réforme de l’assurance-chômage, du Revenu d’engagement
pour les jeunes. Il n’y a aucune ambiguïté sur le cadre de ses
rencontres : c’est celui de la mise en œuvre de la politique gouvernementale.
« L'ADN
du Premier ministre, c'est d'associer systématiquement les partenaires
sociaux » explique Les Échos du 1er
septembre. Les dirigeants syndicaux ont annoncé qu’ils refusaient de participer
à une concertation visant à augmenter l’âge de la retraite. Il faudra voir si
ce refus perdure lorsque la question sera d’une immédiate actualité. Cela
étant, pour le reste, les appareils syndicaux sont engagés à fond dans la
discussion comme dans la mise en œuvre du « Revenu d’engagement ». Ils
sont investis à fond dans la concertation sur l’emploi des seniors, question
sur laquelle on connaît la position du MEDEF : « le Medef avance une proposition pour lutter contre le chômage
des plus de 50 ans – à savoir le versement par Pôle emploi (ou l’assurance-chômage)
d’une “aide compensatoire” aux seniors (jusqu’au moment du départ en retraite)
qui acceptent un emploi moins bien payé que leur travail précédent »
rappelle la revue Rebondir. Ils sont
surtout totalement engagés dans la discussion du plan « France relance » de 30 milliards du gouvernement qui,
au nom de la « transition
écologique » et du « verdissement
de l’économie », va organiser et organise des milliers de
licenciements dans un certain nombre de secteurs industriels, en premier lieu
dans l’automobile et le transport.
Comme à
l’accoutumée, les « journées d’action » servent à ponctuer la
concertation. La journée d’action du 5 octobre n’échappe pas à la règle,
convoquée sur une ribambelle de « revendications » atemporelles et de
camouflage de la politique réelle des appareils syndicaux
(par exemple : pour l’« abandon » de la réforme de
l’assurance-chômage quand les appareils sont en train de discuter de la
nouvelle gouvernance qui en découle, par exemple l’augmentation du point d’indice
de la Fonction publique quand les appareils discutent avec Montchalin, la
ministre, dans le cadre donné par celle-ci : « on ne peut plus augmenter tout le monde par le point. Parce que
cela pousse au saupoudrage et que c’est cher : c’est tout de suite
2 milliards d’euros. C’est de l’argent mal réparti qui ne règle pas le
problème. »).
Il en va
de même de la journée d’action dans l’Éducation nationale.
Enfin
notons que, pour les appareils syndicaux, le budget 2022 est un non événement,
jamais évoqué. Or ce qu’on en sait déjà, c’est qu’il y aura 1,7 milliard
supplémentaire pour le budget de l’armée, 1 milliard supplémentaire pour la
police : c’est donc un budget de renforcement de l’État policier, quand
l’immense majorité des fonctionnaires voit son salaire bloqué (alors qu’il y a
un retour de l’inflation), quand les postes continuent à être supprimés (près
de 8 000 dans l’enseignement secondaire depuis 2017 selon le SNES, par
exemple) ou non pourvus partout… sauf dans la police, l’armée et l’appareil
judiciaire.
La
question de la présidentielle
Les
appareils syndicaux ont déjà engagé la campagne de l’élection présidentielle
sur le terrain de l’appel ouvert ou déguisé au vote Macron (ou, de manière plus
improbable, LR) au second tour, sous prétexte de la lutte « contre
l’extrême droite ». Les premiers jalons en ont été plantés dans la
convocation de la manifestation du 12 juin « contre
les idées d’extrême droite » appelée par l’ensemble des organisations
dites « de gauche » mais aussi la CGT, la FSU, l’UNEF.
Combattre
pour le socialisme aura en temps et en heure à
donner sa position achevée sur la question de l’élection présidentielle. Ce
moment n’est pas venu. Ce qui est à l’ordre du jour, c’est le combat pour
réunir les conditions politiques pour stopper l’offensive du gouvernement
Macron qui, comme on l’a montré, n’est nullement interrompue. Et le fait que
toutes les forces politiques (PS, PCF, pour ne pas parler de LFI) fassent de la
question de la présidentielle la question centrale aujourd’hui a d’abord pour
effet d’ouvrir un boulevard au gouvernement Macron dans la guerre de classe
qu’il mène contre le prolétariat.
Toutefois
on peut déjà faire quelques remarques. La première, c’est que l’élection
présidentielle se tient sur le terrain de l’union sacrée en défense de
l’appareil policier, pour le renforcement de l’État policier. Les annonces de
Macron en conclusion du « Bauveau de la Sécurité » en donnent le
la : doublement de la présence des « Bleus » dans les rues, rajout
de 500 millions d’euros au budget 2022 aux 900 millions déjà annoncés par
Castex, doublement des effectifs de la police en 10 ans. Pas suffisant, disent
LR et le RN quand ni le PS, ni le PCF, ni d’ailleurs LFI ne contestent rien de
tout cela sur le fond (voir plus bas).
L’union
sacrée pour le renforcement de l’État policier s’est scellée le 19 mai dans la
manifestation des syndicats de police en présence de toutes les forces
politiques, du Rassemblement national au PCF, en passant par le PS, et avec le
soutien de tous les appareils syndicaux, manifestation dont le leitmotiv était
la mise en cause du « laxisme » des juges. Pour être complet, il faut
préciser que si Mélenchon en était absent, il ne se distingue en rien de tous
ceux qui étaient présents sur le terrain du nécessaire renforcement de la
police, comme l’indique le compte-rendu de son discours de Valence sur le site
de LFI : « Moquant les débats
ineptes qui laisseraient à penser que des candidats à l’élection
présidentielle seraient pour l’insécurité, Jean-Luc Mélenchon a aussi
parlé de son programme en matière de sûreté publique. Il a ainsi dit qu’il
voulait renforcer les moyens de la police judiciaire pour lutter efficacement
contre les trafics. »
On sait
ce que recouvre dans le langage de la bourgeoisie la « lutte contre les
trafics ». On sait en particulier que c’est au nom de la « lutte
contre les trafics d’êtres humains » que s’organise par exemple la chasse
aux sans-papiers.
La seconde
remarque, c’est que tout indique que la classe ouvrière n’aura aucun moyen réel
de se saisir du vote pour des candidats issus du mouvement ouvrier pour tenter
de combattre, sur le terrain électoral, les candidats bourgeois. Ni le candidat
EELV, quel qu’il soit au bout des « primaires », ni Mélenchon,
candidat de l’« union populaire » (c’est-à-dire de l’union de toutes
les classes), ne peuvent être caractérisés comme des candidats relevant du
mouvement ouvrier.
La
candidature Hidalgo n’en relève pas davantage. Formellement, ce sont les
adhérents du PS qui doivent entériner cette candidature. Mais celle-ci a été
annoncée avant même le congrès du PS. Hidalgo a du reste donné, le 12 septembre
à Rouen – où les mots « Parti socialiste » n’ont pas été prononcés -,
l’axe de sa campagne, axe archi réactionnaire de la « décentralisation », contre la « désintégration du modèle républicain » confronté à l’« amertume des communautés ».
Dit autrement et pour éclairer ce dernier aspect, Hidalgo entend concourir avec
les autres candidats de la bourgeoisie sur le terrain de la lutte contre le
« communautarisme », c’est-à-dire contre la fraction du prolétariat
d’origine immigrée.
Pour le
reste, le discours sur l’augmentation générale des salaires (des enseignants
aux militaires !) ne peut plus faire beaucoup d’effets. Pour ce qui est des
flics et des militaires, tous les candidats de la bourgeoisie s’en occupent.
Pour les enseignants, les travailleurs en général, personne ne peut accorder le
moindre crédit aux propos de la candidate.
Quant à
son rapport avec le PS, Hidalgo l’avait précisé dès le 12 juillet à
Villeurbanne : il s’agit de « bâtir
un mouvement qui dépassera largement les partis politiques ». En
décidant de ne pas se rendre au congrès du PS qui vient d’avoir lieu, Hidalgo
vient à nouveau de manifester qu’elle n’aurait dans sa campagne aucun compte à
rendre à ce parti.
Le PS est seulement invité à lui fournir le financement de
sa campagne et, le cas échéant, ses colleurs d’affiche.
Il serait
donc plus juste de caractériser Hidalgo non comme candidate du PS, mais comme
candidate de la liquidation du PS. C’est du reste ce que disent
à peu près dans ces termes les opposants à Faure dans le PS, en particulier Le
Foll. Mais lorsque la « défense du PS » se confond avec la défense du
quinquennat Hollande, c’est-à-dire du quinquennat qui a servi de tremplin à
Macron et conduit à la liquidation du PS, on comprend le peu d’avenir d’une
telle opposition dont les positions n’ont recueilli qu’un quart des 22 000
voix d’un parti désormais réduit à l’appareil des élus.
La
candidature Roussel du PCF, même si elle relève formellement d’un parti
d’origine ouvrière, parti dont il faut préciser le caractère
contre-révolutionnaire, ne peut davantage être une candidature sur laquelle les
voix ouvrières pourraient se rassembler contre les candidats de la bourgeoisie.
Le PCF existe à travers sa place dans les appareils syndicaux CGT et FSU où il
joue un rôle important d’impulsion de l’orientation de
concertation-collaboration avec le gouvernement et le patronat, de bousille des
possibilités de combat du prolétariat. Mais il a cessé d’exister comme parti
ayant une influence électorale de masse, car son existence était
fondamentalement liée à celle de l’URSS et de la clique contre-révolutionnaire
du Kremlin. S’il faut dire deux mots de la candidature Roussel, c’est qu’elle
se mène sur un terrain archi réactionnaire, où non seulement il n’est pas
question de toucher si peu que ce soit à la propriété capitaliste, mais encore
où elle entend en rajouter en défense de la police. C’est très ostensiblement
que Roussel a participé au rassemblement des syndicats de flics du 19 mai.
C’est sur cette base qu’il entend disputer les voix à Mélenchon : « Moi, je ne traite pas les policiers
de factieux » répondait-il quand on l’interrogeait sur la différence
entre sa candidature et celle de Mélenchon. Et tout récemment, Roussel s’est
plié sans délai au commandement de Darmanin ordonnant aux « partis dits de gauche » de dénoncer les jeunes qui,
lors d’un concert à la fête de l’Humanité,
avaient scandé : « « Tout
le monde déteste la police ». « Je ne cautionne pas du tout ces
propos, que je ne partage pas", a affirmé Fabien Roussel sur
BFMTV. "Ils sont très infimes, très peu nombreux ceux qui ont dit
ça", a précisé le patron du Parti communiste » (propos cités
par France Info).
L’élection
présidentielle ne peut donc être autre chose qu’un tremplin pour de nouvelles
attaques contre le prolétariat, un coup de masse supplémentaire sur la tête de celui-ci.
Geoffroy de Bézieux et le MEDEF de ce point de vue ne s’y trompent pas, et
c’est la raison pour laquelle ils considèrent que la réforme des retraites peut
et doit être mise en chantier immédiatement après cette élection.
Sur
quel axe militer et agir ?
Le
terrain électoral n’a jamais été le terrain de prédilection du combat de classe
de la classe ouvrière. Souvent dans le passé, les élections ont pourtant été un
moment de la lutte des classes, avec cette précision que l’expérience nous a
suffisamment montré qu’il y a loin d’une défaite électorale des partis de la
bourgeoisie à une défaite de la bourgeoisie sur le terrain de la lutte des
classes directe. 1981, 1988, 2012 : ce sont là des dates de défaites électorales
des partis de la bourgeoisie qui n’ont pas été transformées en défaites sur le
terrain de la lutte des classes directe, parce que le prolétariat n’a pas eu
les ressources politiques pour briser la politique des directions traîtres de
la classe ouvrière, en particulier la politique de soutien des appareils
syndicaux aux gouvernements d’alliance avec la bourgeoisie qu’avaient mise en
place le PS et le PCF (ce dernier soit au gouvernement, soit en protection de
celui-ci).
S’il y a
un fait nouveau dans la présidentielle de 2022, c’est que sur le strict terrain
électoral, la classe ouvrière n’a pour ainsi dire aucune possibilité de se
regrouper de manière un tant soit peu significative. Dès
lors, la seule question qui vaille est celle-ci : comment œuvrer à donner
au prolétariat les moyens dès maintenant, et sans s’en remettre à un calendrier
électoral dont à l’évidence il n’a rien à attendre, de se dresser contre le
gouvernement Macron qui frappe sans relâche, et de lui infliger une
défaite ?
Et la première
réponse est la suivante : combattre en toute circonstance pour la rupture
des directions syndicales avec le gouvernement. Et un tel combat ne peut être
réduit à une abstraction. Il doit mettre en évidence les formes précises,
toujours concrètes que prend la collaboration des directions syndicales, pour
associer la fraction la plus résolue et la plus consciente du prolétariat au
combat pour briser cette collaboration.
Ainsi le
combat pour la rupture immédiate de la participation à la « conférence
salariale » dans la Fonction publique et aux concertations-négociations
qui l’accompagnent dans différents secteurs (suites du Grenelle, négociations
engagées aux Douanes et aux Finances) constitue un enjeu décisif, compte tenu
de leur objectif politique (destruction de la grille unique, liquidation du
point d’indice comme élément constitutif de l’établissement du salaire de
l’ensemble des fonctionnaires).
Sans
doute, ce qui occupe aujourd’hui le devant de la scène, ce sont les forces
réactionnaires de la bourgeoisie et de la petite bourgeoisie. Sans doute, les
tentatives de résistance ouvrière sont aujourd’hui limitées. Elles existent
cependant. Elles se sont manifestées à Aéroports de Paris contre les
diminutions de salaire négociées entre la direction et les responsables
syndicaux. Elles se sont manifestées chez l’avionneur Daher où la grève est
partie spontanément, les travailleurs élisant leurs propres délégués hors du
contrôle de l’appareil syndical arrachant même localement des augmentations de
salaire significatives.
Ces
tentatives témoignent du fait que la classe ouvrière n’est pas inerte. Et même
l’injonction adressée par Darmanin aux « partis dits de gauche » de
le soutenir totalement dans son renforcement de l’appareil policier témoigne du
fait suivant : Darmanin sait plus que quiconque que couve la haine contre
son gouvernement et sa police dans la jeunesse. Il sait que les dizaines de
milliers de manifestants de juin 2020 réunis à l’initiative du Comité Justice
pour Adama ne se sont pas évanouis. Il sait plus que quiconque que la jeunesse
n’acceptera pas sans broncher le sort que le capitalisme lui réserve. Et c’est
pourquoi, il a besoin que, contre cette jeunesse, toutes les forces attachées à
l’ordre bourgeois serrent les rangs.
L’action
des militants regroupés autour de Combattre
pour le socialisme se fonde sur la conviction que surgira, dans des délais
et sous des formes que nous ne pouvons deviner, cette force du prolétariat et
de la jeunesse aujourd’hui largement entravée par la politique des appareils
dirigeants.
Le combat
pour la rupture des directions syndicales avec le gouvernement s’inscrit
nécessairement dans le combat pour en finir avec le capitalisme, pour le
socialisme. Les deux dernières années ont montré avec plus d’acuité encore que
la perpétuation du mode de production capitaliste conduisait sur tous les
terrains à la catastrophe. Plus que jamais sont d’actualité les formulations de
Trotsky dans le Programme de
transition : « Sans
révolution socialiste, et cela dans la prochaine période historique, la
civilisation humaine toute entière est menacée d’être emportée dans une
catastrophe ».
Pour tous
ceux qui entendent combattre contre cette menace pressante, se pose la question
de l’organisation commune sur la base du programme de la révolution sociale. Combattre pour le socialisme entend
œuvrer à une telle organisation, à la construction d’un Parti ouvrier
révolutionnaire, d’une Internationale ouvrière révolutionnaire.
Le
15 septembre 2021
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