Éditorial du bulletin « Combattre pour le socialisme » n°80 (n°162 ancienne série) - 29 septembre 2021 :

Le gouvernement Macron-Castex entend frapper le prolétariat
toujours plus fort jusqu’au bout,
protégé par la collaboration des directions syndicales
à travers le « dialogue social ».

La première condition pour l’arrêter : que le prolétariat
impose à ces directions syndicales qu’elles rompent avec lui

 

Un camouflet économique, une humiliation politique

La dénonciation par l’Australie du « contrat du siècle » qui devait conduire celle-ci à l’achat de 12 sous-marins français à propulsion diesel électrique au profit des sous-marins américains à propulsion nucléaire est évidemment un rude coup pour le capitalisme français sur un plan économique (puisque le dit contrat était annoncé pour un montant global de 50 milliards d’euros). Un des rares secteurs où le capitalisme français peut encore prétendre jouer « dans la cour des grands » est l’armement, c’est-à-dire dans les œuvres de mort. Pour ce qui est des œuvres de vie, on a en tête le bide retentissant de Sanofi quant à la production de vaccins anti-COVID…

Mais y compris dans ce domaine des armes, le désastre australien en annonce peut-être d’autres. C’est ce dont s’inquiète Le Monde du 18 septembre : « D’aucuns vont jusqu’à redouter un scénario à l’australienne sur un dossier comme le SCAF, ce projet européen de système aérien de combat du futur… L’Allemagne et la France sont associées depuis 2017, rejointes par l’Espagne en 2019, aux côtés de grands industriels comme Airbus ou Dassault… Ce projet, considéré à Paris comme central pour la souveraineté européenne, avance à pas comptés… Le cas australien crée un précédent qui contribue à générer de l’incertitude. »

Car au-delà du désastre économique pour le capitalisme français, il y a l’humiliation politique de la France comme puissance impérialiste. De ce point de vue, les USA, la Grande-Bretagne, l’Australie ont soigné la forme de la « trahison ». Macron a appris, semble-t-il, la dénonciation du contrat par les journaux, et Johnson s’en est félicité avec une particulière grossièreté. L’impérialisme français devait non seulement être battu, mais ridiculisé. Ce qui devait l’être, en particulier par l’impérialisme US, c’était la prétention française à ne pas s’aligner totalement derrière les USA dans l’alliance anti-chinoise, comme sa prétention à constituer en Europe une défense militaire autonome par rapport à l’OTAN, prétention qui apparaît aujourd’hui plus que jamais comme chimérique. En clair, Biden a dit à Macron : « Il faut vous rendre à l’évidence ! Vous n’avez pas les moyens ».

Il faudra sans doute tirer toutes les leçons à l’échelle mondiale de ce qui vient de se passer. Les prétentions françaises à jouer un rôle dans la zone indo-pacifique que la France croyait pouvoir appuyer par ses possessions coloniales dans la région (Nouvelle-Calédonie, Tahiti) ont été brutalement retoquées. Mais ce n’est qu’un aspect de la question. La constitution de l’Aukus, alliance militaire tripartite USA / Grande-Bretagne / Australie, alliance militaire ouvertement belliciste contre la Chine, représente un pas supplémentaire dans le sens de la préparation à un éventuel conflit militaire ouvert entre les USA et ses alliés et la Chine, c’est-à-dire entre la première et la seconde puissance impérialiste mondiale. Sans doute, un tel affrontement n’est ƒpas immédiatement à l’ordre du jour. Mais nul ne peut ignorer que l’impérialisme, c’est la guerre et que le seul recours contre la guerre au bout du compte est dans le renversement par le prolétariat dans chaque pays des gouvernements bourgeois, fauteurs de guerre.


Économie française : tout va très bien, tout va très bien ?


Au regard de ce dernier camouflet, résonnent de manière dérisoire les triomphales déclarations gouvernementales antérieures sur l’état de l’économie française.

« C'est une performance exceptionnelle de l'économie française », a réagi Bruno Le Maire, le ministre de l'Économie, vendredi 30 juillet sur France Inter, après la publication des indicateurs de l'Insee avec une hausse de 0,9% du produit intérieur brut (PIB) au deuxième trimestre. « C'est un motif de fierté pour les Français », a-t-il poursuivi.

« C'est tout qui repart, la consommation, l'investissement, le moral des entrepreneurs donc cela va nous permettre d'atteindre les 6% de croissance que nous nous sommes fixés pour 2021 et ça doit nous permettre de retrouver le niveau d'activité d'avant crise au début de 2022 ».

Le Maire multiplie les déclarations triomphalistes. C’est une mystification :

Rappelons que le PIB s’est contracté en 2020 de 8,3 %. L’économie française est sous tente à oxygène, et inéluctablement, avec la diminution programmée des « aides », apparaîtra le caractère artificiel de cette « reprise ». La contraction énorme du marché automobile en témoigne. Les cercles avertis de la bourgeoisie française s’en inquiètent. Ferrand, économiste chez Rexecode : « A partir de quand les pouvoirs publics décident-ils d’accepter les faillites et leurs conséquences politiques et sociales ? » (cité par Le Monde du 24/07/21).

Et le rapport du « Comité de suivi du plan de relance », mis en place par le gouvernement, dresse le constat à l’opposé de toute autosatisfaction proclamée :

« (…) la situation financière des entreprises avant crise, globalement moins favorable que dans la plupart des pays européens (marges faibles, endettement élevé), subsiste et pourrait peser sur leur développement et leur capacité à soutenir la reprise » ; et d’insister sur la question de la dette publique et à cet égard de la situation opposée de la France et de l’Allemagne. La dette française a augmenté de 20 points en deux ans et le Comité euphémise : « la divergence accrue des situations d’endettement public au sein de la zone euro, en particulier entre la France et l’Allemagne [70 % contre 120%, ndlr], est un sujet d’attention à moyen terme ».

Le secteur automobile concentre l’insigne faiblesse du capitalisme français. Dans ce secteur, la question décisive est la suivante : dans quelles conditions de compétitivité, les groupes capitalistes abordent-ils l’inéluctable transition des moteurs thermiques aux moteurs électriques ? Un chiffre suffit à indiquer le rapport de force. Renault consacre 10 milliards d’investissement à l’électrique quand Volkswagen en consacre 73 milliards.

Les Echos du 5 août :

« S'achemine-t-on vers un nouveau déficit record du commerce extérieur français cette année ? Alors que les Douanes françaises doivent publier ce vendredi ses chiffres pour le deuxième trimestre, le bilan des cinq premiers mois n'invite guère à l'optimisme. A fin mai, le déficit commercial en biens de la France, en cumul sur douze mois glissants, se maintenait, pour le deuxième mois consécutif, à un niveau historiquement haut à près de 70 milliards d'euros. En 2020, il avait atteint 65,2 milliards d'euros, soit 8 milliards de plus qu'en 2019, le poids de la France dans le commerce mondial tombant à 2,8 %, contre 3,1 % un an plus tôt. »

Côté exportations, l'Hexagone peine à retrouver ses niveaux pré-pandémie. Après le rebond enregistré au deuxième semestre 2020, « la progression des exportations entamées depuis juin 2020 s'infléchit fortement depuis le début de l'année », observaient les Douanes dans leur analyse des données du mois de mai.

La demande adressée à la France croît moins vite que les échanges mondiaux. En d'autres termes, elle perd des parts de marché. Au premier trimestre notamment, alors que l'Allemagne retrouvait ses niveaux d'échanges de fin 2019, l'Hexagone a, elle, encore pâti du ralentissement des économies de la zone euro, son premier partenaire commercial. S'ajoute l'effet négatif du Brexit qui a entraîné une forte chute des importations du Royaume-Uni.

Par ailleurs, le secteur de l'aéronautique n'a toujours pas retrouvé sa place dans les ventes de la France à l'étranger, alors qu'en 2019, il avait dégagé un excédent commercial de 30 milliards d'euros… »


Dégradation du contexte économique international


Ce n’est certes pas le contexte économique mondial qui permettra à l’économie française de retrouver une position meilleure. L’enthousiasme affiché par les commentateurs de la bourgeoisie sur la vigueur de la « reprise » est en train de retomber. Les derniers chiffres de la création d’emploi aux USA sont largement en deçà de ce qui était attendu. Et la fin des aides fédérales aux chômeurs – qui a d’abord pour effet de faire sombrer dans la misère des dizaines de millions d’Américains - fait courir le risque d’une réduction sensible de la consommation. En même temps, elle révèle le caractère artificiel de la « reprise » fondée sur le recours forcené à l’endettement de l’État américain (13 % !).

La Chine elle-même manifeste des signes d’essoufflement. La production industrielle, un temps portée par la demande de produits médicaux et paramédicaux liée à la pandémie, comme par celle de matériel électronique lié au développement en particulier du télétravail, est moins alerte. L’activité liée aux services est, elle, en franche régression. Sans doute, la résurgence de la pandémie n’y est pas pour rien. Mais sont à l’œuvre des facteurs plus profonds, déjà présents avant la pandémie. Ainsi, la situation du secteur immobilier, dont la progression était liée à une spéculation effrénée, progression au prix d’un endettement faramineux, fait courir à l’ensemble de l’économie chinoise un péril redoutable. Un des plus gros promoteurs immobiliers du pays, Evergrande est au bord de la faillite, d’ores et déjà incapable de rembourser ses dettes et de remplir ses engagements auprès des milliers de clients acheteurs de logements qui risquent de n’être jamais construits, et le gouvernement chinois n’a pas d’autre choix que de le sauver au prix de quelques centaines de milliards à cause des conséquences en cascade qu’entraînerait sa faillite, notamment pour les banques et le marché obligataire. Mais il doit en même temps réduire la vanne du crédit pour éviter d’autres faillites.

Que l’économie mondiale se grippe, que l’on retrouve la situation antérieure à la pandémie, au bord de la récession – avec, en outre, une aggravation considérable de l’endettement public et privé -, de proche en proche, inévitablement, l’économie française, déjà mal en point, sera durement atteinte. Elle n’a dû jusqu’ici son sursis qu’au « quoi qu’il en coûte ».

Or il faut préciser sur ce fameux « quoiqu’il en coûte ». Le chiffre global est impressionnant : 230 milliards, mais sur ces 230 milliards, il y a 160 milliards de PGE (Prêts garantis par l’État). Le saut de la mort, c’est le remboursement des dits PGE. Or les premières échéances de ces remboursements se situent au printemps 2022, le cas échéant à 2023 – mais alors l’échéancier est raccourci d’un an.

Le passage au « sur mesure » annoncé par Le Maire pose la question des critères. Or Le Maire annonce que le maintien des aides se fera « au vu de la situation des entreprises ». Autrement dit, celles dont la situation était critique avant même le COVID seront abandonnées à leur sort. En clair – c’est le leitmotiv -, « il y aura des faillites » (le chiffre communément annoncé est de 60 000).

La situation est donc en réalité plus que précaire pour le capitalisme français et, faut-il le dire, les derniers événements évoqués plus haut, n’arrangent rien. C’est pourquoi il lui est absolument nécessaire de reprendre l’offensive pour juguler la dette publique, ce qui ne peut se faire que par la reprise violente de l’offensive contre les budgets sociaux et le salaire différé (voir plus loin). C’est du reste l’injonction adressée au gouvernement par la Cour des Comptes (dirigée par Moscovici, ex-commissaire européen, ex-ministre PS du gouvernement Jospin).


Brutale dégradation de la situation de l’impérialisme français


La fin de l’opération Barkhane représente un échec cuisant pour l’impérialisme français. Elle se traduit par la réduction de moitié des effectifs au Sahel, la fermeture d’un certain nombre de bases dans le Nord Mali, ce qui revient à laisser le champ libre aux djihadistes pour se concentrer sur le « Mali utile ».

Mais la vérité, c’est que les résultats d’une telle politique, du point de vue des intérêts de l’impérialisme français, sont plus qu’aléatoires :

- le jihadisme a métastasé dans tous les pays limitrophes : outre le Niger, le Tchad, la RCA et le Burkina Faso sont hors contrôle, la Côte d’Ivoire est à son tour touchée, ainsi que le Bénin, le Togo ;

- l’appel à la prise en charge du combat par les armées des États se heurte à l’impuissance avérée des dites armées (à la seule exception de l’armée tchadienne… qui vient de diviser par deux le nombre de soldats engagés, de 1 200 à 600) ;

- il faut ajouter à cette dégradation générale de l’ordre impérialiste le coup d’État en Guinée au détriment d’Alpha Condé, le boucher du peuple guinéen soutenu de tout temps par l’impérialisme français. Même si les putschistes ont immédiatement déclaré qu’ils « respecteraient leurs engagements » - c’est-à-dire le maintien du pillage du pays par les différentes puissances impérialistes, en particulier de la bauxite, il y a matière à inquiétude pour ces dernières ;

- l’appel à la prise en charge du conflit par l’Europe se heurte à une fin de non recevoir de l’Allemagne en particulier ;

- l’audace et la pugnacité des djihadistes ont reçu une puissante impulsion avec la prise de contrôle de l’Afghanistan par les talibans, les derniers jours étant marqués par une multiplication des opérations militaires de ceux-ci ;

- le résultat le plus apparent, c’est que y compris les gouvernements les plus soumis à l’impérialisme français cherchent aujourd’hui des accords avec les groupes djihadistes (par exemple le Togo) au grand dam de Macron, en même temps qu’ils se tournent vers des concurrents de l’impérialisme français, puissances impérialistes (Chine) ou puissances secondaires (Russie, Turquie) pour assurer leur protection. En RCA, la Russie a aujourd’hui quasiment supplanté la France auprès du gouvernement (qui au demeurant ne contrôle plus en réalité qu’un tiers du territoire). Et le gouvernement malien, produit d’un second coup d’État en un an, vient d’annoncer qu’il allait faire appel à la société russe de mercenaires Wagner… moyennant quelques concessions minières à la Russie. Le gouvernement français a alors immédiatement menacé de se retirer du Mali, d’autant qu’en cas d’ingérence russe, les États-Unis ont averti qu’ils suspendraient leur soutien technique et logistique à l’armée française !

Ailleurs qu’en Afrique, Macron s’agite beaucoup en défense de l’impérialisme français : conférence sur le Liban, conférence des « voisins de l’Irak ».

A Bagdad, Macron a déclaré : « Quels que soient les choix des Américains, nous maintiendrons notre présence en Irak pour vaincre le terrorisme ». Et il a proposé la création d’une zone franche à Kaboul, sans aucun écho auprès de Biden !

Un journaliste libanais a réagi ainsi et de manière impitoyable : « Le président français aspire à jouer un rôle qui excède le poids et la présence de son pays » et le Times de Téhéran : « Macron parle fort mais peu accordent foi à ce qu’il dit dans la région ».

Il reste à Macron à se concentrer sur les confettis de l’« empire français » (qui fait de la France, comme le répète à l’envi Mélenchon, la seconde puissance mondiale en matière d’eaux territoriales). C’était le sens de sa visite en Polynésie (où il a déclaré « assumer » les essais nucléaires qui ont fait et font des milliers de victimes), où il a pris position en faveur du maintien de la Nouvelle-Calédonie sous la tutelle française en relation avec le referendum de la fin de l’année.


Offensive continue contre les masses


Toute la situation économique et politique fait que le gouvernement Macron n’a d’autre choix que la continuation de la politique contre les masses :

- Réforme de l’assurance-chômage.

Conformément aux déclarations de Macron du 12 juillet, la ministre du travail vient de réaffirmer que la réforme de l’assurance-chômage s’appliquera bien à partir du 1er octobre, et ce quoiqu’il en coûte aux chômeurs, n’hésitant pas à truquer les chiffres pour prouver que des chômeurs pouvaient actuellement gagner plus avec leurs allocations qu’en travaillant. Avec le nouveau calcul des indemnités, le gouvernement compte économiser plus d’un milliard d’euros sur le dos des chômeurs, puisqu’un premier effet sera de faire baisser les allocations de 20% en moyenne pour 840 000 d’entre eux, soit 40% des demandeurs d'emploi. Et alors que cette contre-réforme n’est pas encore entrée en vigueur, le gouvernement se dispose d’ores et déjà pour aller plus loin. C’est ainsi qu’il vient d’engager une concertation avec les partenaires sociaux sur la gouvernance de l’assurance-chômage afin de placer son budget sous le contrôle direct de l’État pour mieux tailler dans les droits des chômeurs. Or, dans la continuité de leur participation à toutes les concertations sur la réforme de l’assurance-chômage, les appareils syndicaux se sont à nouveau pliés à l’injonction gouvernementale en acceptant de participer à la concertation.

- La privatisation de la SNCF continue.

La ligne Marseille-Nice est passée à l’opérateur privé Transdev. Les cheminots de la SNCF effectuant la majorité de leur service sur cette ligne seront expulsés d’autorité de la SNCF et mis sous la direction de Transved avec un « sac à dos social », c’est-à-dire sous l’autorité d’un accord d’entreprise massacrant leurs droits antérieurs et leur qualification (polyvalence imposée). Rappelons que l’appareil de la CGT a préparé méthodiquement le terrain en opposant à la défense du statut des cheminots la pseudo revendication d’une « convention collective de haut niveau ». Ce n’est qu’un début. La « modernisation » de SNCF-Réseau, sous prétexte de la lutte contre son endettement, prépare des milliers de suppressions de poste de cheminots chargés de l’entretien et du fonctionnement des voies. D’ores et déjà, la direction de la SNCF en annonce entre 2 000 et 3 000.

- Nouvelle étape dans le démantèlement du statut de la Fonction publique.

Après avoir fait passer la loi sur la transformation de la Fonction publique qui a vidé de toute substance les CAP et créé les conditions d’une banalisation du recrutement contractuel en lieu et place de l’emploi statutaire, qui a élargi les possibilités de licenciement des fonctionnaires en introduisant la rupture conventionnelle dans la Fonction publique, le gouvernement entend franchir une nouvelle étape dans le démantèlement des garanties statutaires des fonctionnaires en s’attaquant maintenant au point d’indice et à la grille de rémunération Fonction publique. C’est l’objet de la conférence dite salariale ouverte par De Montchalin le 6 juillet et qui devra s’étaler jusqu’en mars 2022.

La ministre a été parfaitement claire : il s’agit de « repenser le système de rémunération ». Pour faire passer ce qui constitue une attaque frontale contre les bases mêmes de la rémunération des fonctionnaires, le gouvernement a mis au point un dispositif à deux niveaux. La conférence est complétée par les concertations ouvertes secteur par secteur, depuis le Ségur de la Santé, étendues maintenant au Grenelle de l’Éducation pour les enseignants, avec notamment un groupe de travail sur la « personnalisation » des carrières, aux négociations ouvertes aux Douanes et aux Finances, au motif de « reconnaître l’investissement des agents ». Son objectif est de faire couvrir par la concertation, dans le cadre de la conférence Fonction publique, la liquidation du point d’indice et des augmentations pour tous qui découlent des déroulements automatiques de carrières. De manière complémentaire cette conférence vise à faire prendre en charge par les appareils syndicaux, dans le cadre de « négociations » secteur par secteur, la montée en puissance des dispositifs d’accélération de carrière et de primes, avec l’objectif de faire éclater la grille unique (qui unifie les fonctionnaires face au gouvernement) et mettre en place les carrières dites au mérite. Les appareils syndicaux sont aujourd’hui pleinement associés à ce dispositif de concertation dans le cadre de la conférence Fonction publique et dans les différents secteurs (suites du Grenelle de l’Éducation, « négociations » sur la reconnaissance de l’investissement des agents aux Finances et aux Douanes).

- Quelques projets de lois qui sont tout sauf anodins.

Ainsi a été adopté en première lecture le projet de loi pluriannuel de limitation des dépenses sociales (qui réduit encore davantage si on peut dire la place du parlement croupion, puisque le vote annuel du budget serait désormais encadré par une telle loi). Ainsi a été déposé par LREM un projet de loi organique accentuant le contrôle parlementaire sur le financement de la Sécurité sociale et les « comptes sociaux » (AGIRC, assurance-chômage ») avec un rapport sur l’« état des dépenses, des recettes et du solde » les « mesures envisagées » en cas de déficit.

L’appareil de FO a déclaré selon Le Monde ne pas avoir d’objection. Celui de la CGT s’est indigné d’une « provocation » « car la concertation entre le ministère et les partenaires sociaux sur le pilotage de l’UNEDIC ne fait que commencer » (Gravouil dans Le Monde du 20 juillet) – ce qui donne une idée de l’« opposition » de l’appareil CGT sur la réforme de l’assurance-chômage.

- Revenu d’engagement.

« Pour nos jeunes adultes, nos étudiants comme nos jeunes actifs, ou nos jeunes qui sont peu formés, nous avons créé la plateforme “1 jeune 1 solution”. Nous poursuivrons ce programme, qui a permis à 2 millions de jeunes de trouver une formation, de décrocher parfois un emploi, de signer souvent un contrat d’apprentissage, imaginez - 526 000 en 2020, ce qui est un record. Pour amplifier cette dynamique, je présenterai à la rentrée le Revenu d’engagement pour les jeunes, qui concernera les jeunes sans emploi ou formation et sera fondé sur une logique de devoirs et de droits. » (Macron, le 12 juillet).

Les appareils syndicaux ont pavé le chemin du gouvernement en exigeant à cor et à cri une « réforme des aides ». Le MEDEF a insisté en se disant d’accord pour le Revenu d’engagement mais avec un strict contrôle de l’accomplissement des « devoirs » du jeune. Autrement dit, il s’agit de constituer une main d’œuvre juvénile surexploitée à la disposition des patrons.

- Réforme des retraites.

« Oui, notre système est injuste : avec 42 régimes différents, il entretient des inégalités majeures, et il faudra aller vers plus de simplicité pour plus de justice. Et donc, les régimes spéciaux devront être supprimés pour les nouveaux employés dans ces secteurs.

Oui, parce que nous vivons plus longtemps, il nous faudra travailler plus longtemps et partir à la retraite plus tard. Pas demain, pas brutalement, pas de manière uniforme car nous prendrons en compte la difficulté des métiers. Mais progressivement, sur plusieurs années, et par un système qui fait la différence selon le travail réellement exercé. Et donc, l’âge de départ doit être plus tardif. » (Macron, le 12 juillet).

Comme l’a dit Attal, porte-parole du gouvernement, la question n’est pas de savoir si la réforme aura lieu mais quand. La question n’est apparemment pas tranchée. L’hypothèse la plus probable est que, sous couvert de conditions sanitaires non réunies, elle soit reportée aux lendemains de l’élection présidentielle. Telle est en tout cas la position du MEDEF. Celui ci juge que la bourgeoisie a besoin de l’élan de l’élection, de la défaite sans combat promise au prolétariat, pour frapper durement sur cette question. Geoffroy Roux de Bézieux a donné le mode d’emploi. Les candidats doivent s’engager clairement sur cet objectif qui doit être mis en œuvre immédiatement après la présidentielle.


Concertation du 6 juillet


Mais il faut noter que l’allocution de Macron du 12 juillet suit de 6 jours la concertation du même Macron avec les appareils syndicaux du 6 juillet lors de laquelle Macron a annoncé aux appareils syndicaux le « pass sanitaire » et la réforme des retraites. De leur propre aveu, les appareils syndicaux sont intervenus le 6 juillet sur la ligne : « La réforme des retraites, pas maintenant ». Ce qui est une façon de dire toute leur disponibilité pour en discuter ensuite, immédiatement après l’élection présidentielle.


La loi sur le « pass sanitaire »


Le gouvernement a fait adopter la loi « pass sanitaire » sur la base d’un accord entre LREM et LR.

Il y a à la fois une raison réelle et une opportunité. La bourgeoisie et le gouvernement Macron qui la représente considèrent réellement avec angoisse les nouveaux développements de la pandémie. Tout indique que cette dernière est loin d’être circonscrite à l’échelle mondiale. Au contraire, une reprise sensible se fait sentir aux États-Unis, en Chine, sans parler des pays dominés (Afrique, Inde, Amérique latine, etc.).

La France n’y échappe pas, en particulier à travers la situation dans les DOM-TOM. Or pour le gouvernement Macron, il n’est pas possible d’assumer indéfiniment la charge des « aides » aux secteurs sinistrés dont le coût a conduit à une aggravation de près de 20 % de la dette publique. Il est impératif d’en finir avec l’engagement financier que représente le financement du chômage partiel, financement dont l’allégement (jusqu’à suppression) est programmé. La perpétuation de la pandémie fait peser une lourde menace sur l’économie capitaliste. Par ailleurs, la reprise de la pandémie dans une situation où le gouvernement continue de supprimer des lits par centaines dans les hôpitaux est évidemment dramatique pour les personnels soignants et pour les malades. Mais il serait stupide de dire que cela ne pose pas un problème au gouvernement lui-même. Dans cette situation, pour tenter de juguler la pandémie, le gouvernement n’a d’autre recours que la vaccination massive, sans que cela ne constitue une garantie absolue. Le « pass sanitaire » vise à contraindre la population à cette vaccination de masse.

En même temps, la pandémie constitue une opportunité pour porter des coups contre le prolétariat et les droits ouvriers. D’un point de vue ouvrier, le centre de la loi « pass sanitaire », c’est la possibilité de licencier dans des conditions où tous les freins légaux au licenciement sautent. La suspension du salaire du travailleur (en contact avec le public) dépourvu du pass est sans recours (pas de conseil de discipline par exemple dans la Fonction publique), pas de possibilité de recours devant le juge. Comme l’a indiqué Borne, la ministre du travail, « il ne faut pas laisser croire aux salariés qu'il ne peut pas y avoir de licenciement » après le pseudo amendement LR qui avait prétendument écarté cette possibilité. « Il faut être clair, ça ne veut pas dire qu'il ne va pas y avoir de licenciement, ça veut dire qu'il est moins encadré, qu'il pourra intervenir plus tôt », a-t-elle ajouté (citée par La Tribune du 27 juillet).

De ce point de vue, la loi « pass sanitaire » représente un coup supplémentaire contre les garanties ouvrières. La suspension immédiate sans traitement de 3 000 agents hospitaliers en est la preuve la plus claire. L’exigence de la réintégration immédiate de ces personnels avec leur traitement, le combat dans ce sens contre le gouvernement doivent être avancés par les organisations syndicales. Car c’est ce gouvernement (et les précédents) qui est pleinement responsable des réticences d’une minorité du personnel face à la vaccination : par ses mensonges, par la couverture constante des différents scandales sanitaires de ces dernières décennies, par son soutien aux pires mesures sacrifiant les populations aux intérêts du colonialisme et de l’impérialisme français (chlordécone aux Antilles, essais nucléaires en Océanie qui ont fait et font des milliers de victimes).

La loi « pass sanitaire » s’inscrit aussi dans le renforcement de l’État policier, les flics, qui ne sont pas eux-mêmes soumis à l’obligation vaccinale, trouvant une légitimité aux contrôles policiers permanents.

Répétons-le : les appareils syndicaux ont, dès le 6 juillet, donné leur onction au « pass sanitaire ». L’appareil de FO s’est particulièrement illustré dans un secteur crucial en matière d’attaque contre les droits ouvriers, à savoir l’hôpital. La confédération FO avait déclaré : « Nous estimons que le dialogue social ne peut être réduit à accompagner la mise en œuvre de décisions qui n’ont pas fait l’objet de consultations précises et détaillées préalables ». La Fédération FO Santé, quant à elle, a été plus précise : elle « prend acte des décisions politiques concernant l’obligation qui est faite au personnel des établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux de se faire vacciner… Pour autant, la fédération Santé regrette que le gouvernement ait choisi le mode punitif… ». Cela n’empêche pas, ici ou là, l’appareil de FO de rejoindre avec banderoles et calicots les manifestations du samedi (voir plus bas). Ce sont en réalité les deux faces de la même politique.


Les « manifestations du samedi »


Le soutien des appareils syndicaux a libéré la voie aux manifestations du samedi. Ces manifestations, par leur contenu, par leurs mots d’ordre, par leur « direction » sont dans la stricte continuité des manifestations des « gilets jaunes ». La petite bourgeoisie, drainant derrière elle certaines franges du prolétariat et du sous-prolétariat, occupe le devant de la scène et la rue, dans une situation où la classe ouvrière est largement paralysée par les appareils syndicaux qui surfent sur son désarroi politique. D’un côté, aucune riposte ouvrière significative face aux plans de licenciement, aux mesures de diminution considérable des salaires, tout cela négocié à tous les niveaux par les appareils. D’un autre côté, derrière des forces politiques réactionnaires, des dizaines de milliers de manifestants (parmi lesquels un certain nombre de prolétaires) : tel est le tableau accablant de la situation de la lutte des classes.

Le mot d’ordre central, c’est « Liberté ». Le seul drapeau toléré, c’est le drapeau bleu-blanc-rouge des Versaillais.

En soi, le mot d’ordre de « Liberté » appliqué à la vaccination n’a rien d’un mot d’ordre ouvrier. En réalité, à la base de ces manifestations, il y a l’angoisse des centaines de milliers de petits patrons, petits boutiquiers, etc. menacés de faillite dès que le gouvernement aura débranché la tente à oxygène qui leur a permis de ne pas mourir tout de suite. Pour eux, menacés de mort économique par le « pass sanitaire », qu’importe le virus et ses dangers. Ce qui prime, c’est le danger immédiat de la faillite.

Si le prolétariat disposait d’une véritable direction politique, défendant un programme ouvrier (non seulement un véritable programme de santé publique, mais un mot d’ordre d’annulation de la dette du petit commerce et de l’artisanat, etc.), la petite bourgeoisie pourrait se ranger derrière un tel programme. Mais aujourd’hui, l’incarnation « officielle » du mouvement ouvrier, c’est la coopération avec Macron. Ainsi se crée une situation où c’est le monde renversé : loin que la classe ouvrière, classe fondamentale, draine derrière elle la petite bourgeoisie écrasée par le capital, c’est au contraire la petite bourgeoisie qui attire dans ses manifestations certaines franges ouvrières qui y trouvent une « radicalité » anti-Macron qu’elles ne rencontrent en aucun cas dans les journées d’action organisées par les appareils.

Parce que ce sont des manifestations petites bourgeoises, elles drainent dans leur sillage non seulement les forces les plus obscurantistes (anti-vax, suppôts du charlatan Raoult), mais elles acceptent sans problème dans leurs rangs, les différentes variantes de l’« extrême droite » (qui ici ou là structurent même les manifestations, en assument le service d’ordre, etc.), et sans davantage de souci les banderoles antisémites. Ces manifestations tolèrent aussi les maigres cortèges syndicaux agitant vaguement en leur sein les mots d’ordre contre la réforme de l’assurance-chômage ou sur l’hôpital public. Pourquoi ne les toléreraient-elles pas ? Car en aucun cas, ces mots d’ordre ne sont au centre de ces manifestations. Quant à l’appareil dirigeant des syndicats, sa politique est un Janus donc à deux faces : d’un côté la coopération avec Macron, de l’autre le renfort aux manifestations de la petite bourgeoisie.

La tentative de toute une frange de l’« extrême gauche » de peindre ces manifestations en rouge est simplement pitoyable, significative de leur étroite inféodation aux appareils syndicaux.


S’exprimer avec la plus grande clarté en défense de la science, contre l’obscurantisme


Certes le vaccin ne constitue pas une garantie absolue. Mais nier que le vaccin limite considérablement la circulation du virus et la gravité de la maladie est aussi sérieux que de nier que la terre tourne autour du soleil…

Bien sûr, de manière très exceptionnelle, le vaccin, comme tout médicament, peut avoir des effets néfastes. Évidemment personne ne propose de vacciner en dépit de contre-indications médicales dans certains cas. Condamner la vaccination au nom de ces exceptions est aussi sérieux que de condamner la découverte de la machine à vapeur au nom des accidents que son usage peut entraîner…

S’il y avait un gouvernement ouvrier, il pourrait tout à fait être amené à décréter l’obligation vaccinale comme mesure de salut public.

Le « vaccino-scepticisme » prend la forme frauduleuse de l’anti-capitalisme et de la critique de la « Big Pharma ». En système capitaliste, le produit pharmaceutique, comme toute production, est une marchandise et vise donc à la réalisation du profit. Dans une situation de pénurie, elle permet la réalisation de surprofit, comme en atteste l’augmentation massive du prix des vaccins Pfeizer et Moderna récemment. Mais ce n’est pas le vaccin qui est en cause,  mais le mode de production capitaliste, qui du reste a pour effet d’en limiter l’usage. Il en va ainsi de toues les découvertes médicales. La trithérapie a sauvé des dizaines de millions d’êtres humains. Sa production comme marchandise a interdit son accès à des dizaines de millions d’autres (par exemple en Afrique) ainsi condamnés à mort, non par la trithérapie mais par la limitation de sa diffusion dans le cadre du système capitaliste.

Il en va ainsi aujourd’hui du vaccin anti-COVID dont sont privés des milliards d’êtres humains en Afrique, en Amérique latine et même en Europe et aux USA. Le mot d’ordre, c’est non la liberté de vaccination, mais le droit au vaccin !

Ce sont là la limite et l’impuissance du système capitaliste à en finir avec la pandémie. Les capitalistes, non par philanthropie mais pour le rétablissement des conditions « normales » de la réalisation du profit, voudraient bien en finir avec elle. Mais le système capitaliste l’interdit. Car il faudrait qu’il n’y ait aucun frein à la production et à la diffusion des vaccins, leur mise à disposition gratuite pour toute l’humanité, notamment dans les pays dominés. Il faudrait donc que cette production et diffusion échappe à la loi du profit, ce qui n’est possible que par la nationalisation sous contrôle ouvrier des laboratoires pharmaceutiques. La pandémie rend donc plus brûlante l’actualité du combat pour le socialisme, pour la république universelle des conseils ouvriers.


Pour la vaccination pour tous, contre le « pass sanitaire » et pour l’abrogation de la loi qui l’instaure


Il faut donc militer pour le front unique des organisations ouvrières, et d’abord des syndicats, pour le retrait de la loi sur le « pass sanitaire », non pas au nom de la « liberté » en général mais de la défense des droits ouvriers, contre la « liberté » de licencier, contre l’État policier, de manière totalement distincte des forces obscurantistes qui dirigent les manifestations du samedi.

Il faut militer pour le front unique des organisations ouvrières en défense du droit à la Santé, de l’hôpital public, ce qui signifie se prononcer dès maintenant : à bas le projet de loi de financement de la Sécurité sociale ! Et s’il s’agit de manifester, manifestation à l’Assemblée nationale contre son adoption ! Rétablissement de tous les postes et lits supprimés et création des milliers de postes nécessaires !

Il faut combattre pour l’accès réel aux soins de la fraction la plus paupérisée du prolétariat (en Seine-Saint-Denis, 30 % de la population n’a pas de médecin traitant !) et donc pour son accès réel à la vaccination par une prise en charge par les organisations ouvrières du combat en ce sens, ce qui implique une véritable campagne d’éducation ouvrière contre l’obscurantisme anti-vax porté en France par les dirigeants des manifestations du samedi, aux USA par les Trumpistes, au Brésil par Bolsonaro !


La politique des appareils syndicaux :
à nouveau la combinaison de la concertation et des journées d’action


Nous l’avons dit : c’est la politique de concertation-collaboration des directions syndicales avec le gouvernement qui libère la place pour les manifestations réactionnaires de la petite bourgeoisie.

Cette politique ne se dément pas. Les 1er, 2 et 3 septembre, Castex reçoit les dirigeants syndicaux : mise en œuvre du « pass sanitaire », de la réforme de l’assurance-chômage, du Revenu d’engagement pour les jeunes. Il n’y a aucune ambiguïté sur le cadre de ses rencontres : c’est celui de la mise en œuvre de la politique gouvernementale.

« L'ADN du Premier ministre, c'est d'associer systématiquement les partenaires sociaux » explique Les Échos du 1er septembre. Les dirigeants syndicaux ont annoncé qu’ils refusaient de participer à une concertation visant à augmenter l’âge de la retraite. Il faudra voir si ce refus perdure lorsque la question sera d’une immédiate actualité. Cela étant, pour le reste, les appareils syndicaux sont engagés à fond dans la discussion comme dans la mise en œuvre du « Revenu d’engagement ». Ils sont investis à fond dans la concertation sur l’emploi des seniors, question sur laquelle on connaît la position du MEDEF : « le Medef avance une proposition pour lutter contre le chômage des plus de 50 ans – à savoir le versement par Pôle emploi (ou l’assurance-chômage) d’une “aide compensatoire” aux seniors (jusqu’au moment du départ en retraite) qui acceptent un emploi moins bien payé que leur travail précédent » rappelle la revue Rebondir. Ils sont surtout totalement engagés dans la discussion du plan « France relance » de 30 milliards du gouvernement qui, au nom de la « transition écologique » et du « verdissement de l’économie », va organiser et organise des milliers de licenciements dans un certain nombre de secteurs industriels, en premier lieu dans l’automobile et le transport.

Comme à l’accoutumée, les « journées d’action » servent à ponctuer la concertation. La journée d’action du 5 octobre n’échappe pas à la règle, convoquée sur une ribambelle de « revendications » atemporelles et de camouflage de la politique réelle des appareils syndicaux (par exemple : pour l’« abandon » de la réforme de l’assurance-chômage quand les appareils sont en train de discuter de la nouvelle gouvernance qui en découle, par exemple l’augmentation du point d’indice de la Fonction publique quand les appareils discutent avec Montchalin, la ministre, dans le cadre donné par celle-ci : « on ne peut plus augmenter tout le monde par le point. Parce que cela pousse au saupoudrage et que c’est cher : c’est tout de suite 2 milliards d’euros. C’est de l’argent mal réparti qui ne règle pas le problème. »).

Il en va de même de la journée d’action dans l’Éducation nationale.

Enfin notons que, pour les appareils syndicaux, le budget 2022 est un non événement, jamais évoqué. Or ce qu’on en sait déjà, c’est qu’il y aura 1,7 milliard supplémentaire pour le budget de l’armée, 1 milliard supplémentaire pour la police : c’est donc un budget de renforcement de l’État policier, quand l’immense majorité des fonctionnaires voit son salaire bloqué (alors qu’il y a un retour de l’inflation), quand les postes continuent à être supprimés (près de 8 000 dans l’enseignement secondaire depuis 2017 selon le SNES, par exemple) ou non pourvus partout… sauf dans la police, l’armée et l’appareil judiciaire.


La question de la présidentielle


Les appareils syndicaux ont déjà engagé la campagne de l’élection présidentielle sur le terrain de l’appel ouvert ou déguisé au vote Macron (ou, de manière plus improbable, LR) au second tour, sous prétexte de la lutte « contre l’extrême droite ». Les premiers jalons en ont été plantés dans la convocation de la manifestation du 12 juin « contre les idées d’extrême droite » appelée par l’ensemble des organisations dites « de gauche » mais aussi la CGT, la FSU, l’UNEF.

Combattre pour le socialisme aura en temps et en heure à donner sa position achevée sur la question de l’élection présidentielle. Ce moment n’est pas venu. Ce qui est à l’ordre du jour, c’est le combat pour réunir les conditions politiques pour stopper l’offensive du gouvernement Macron qui, comme on l’a montré, n’est nullement interrompue. Et le fait que toutes les forces politiques (PS, PCF, pour ne pas parler de LFI) fassent de la question de la présidentielle la question centrale aujourd’hui a d’abord pour effet d’ouvrir un boulevard au gouvernement Macron dans la guerre de classe qu’il mène contre le prolétariat.

Toutefois on peut déjà faire quelques remarques. La première, c’est que l’élection présidentielle se tient sur le terrain de l’union sacrée en défense de l’appareil policier, pour le renforcement de l’État policier. Les annonces de Macron en conclusion du « Bauveau de la Sécurité » en donnent le la : doublement de la présence des « Bleus » dans les rues, rajout de 500 millions d’euros au budget 2022 aux 900 millions déjà annoncés par Castex, doublement des effectifs de la police en 10 ans. Pas suffisant, disent LR et le RN quand ni le PS, ni le PCF, ni d’ailleurs LFI ne contestent rien de tout cela sur le fond (voir plus bas).

L’union sacrée pour le renforcement de l’État policier s’est scellée le 19 mai dans la manifestation des syndicats de police en présence de toutes les forces politiques, du Rassemblement national au PCF, en passant par le PS, et avec le soutien de tous les appareils syndicaux, manifestation dont le leitmotiv était la mise en cause du « laxisme » des juges. Pour être complet, il faut préciser que si Mélenchon en était absent, il ne se distingue en rien de tous ceux qui étaient présents sur le terrain du nécessaire renforcement de la police, comme l’indique le compte-rendu de son discours de Valence sur le site de LFI : « Moquant les débats ineptes qui laisseraient à penser que des candidats à l’élection présidentielle seraient pour l’insécurité, Jean-Luc Mélenchon a aussi parlé de son programme en matière de sûreté publique. Il a ainsi dit qu’il voulait renforcer les moyens de la police judiciaire pour lutter efficacement contre les trafics. »

On sait ce que recouvre dans le langage de la bourgeoisie la « lutte contre les trafics ». On sait en particulier que c’est au nom de la « lutte contre les trafics d’êtres humains » que s’organise par exemple la chasse aux sans-papiers.

La seconde remarque, c’est que tout indique que la classe ouvrière n’aura aucun moyen réel de se saisir du vote pour des candidats issus du mouvement ouvrier pour tenter de combattre, sur le terrain électoral, les candidats bourgeois. Ni le candidat EELV, quel qu’il soit au bout des « primaires », ni Mélenchon, candidat de l’« union populaire » (c’est-à-dire de l’union de toutes les classes), ne peuvent être caractérisés comme des candidats relevant du mouvement ouvrier.

La candidature Hidalgo n’en relève pas davantage. Formellement, ce sont les adhérents du PS qui doivent entériner cette candidature. Mais celle-ci a été annoncée avant même le congrès du PS. Hidalgo a du reste donné, le 12 septembre à Rouen – où les mots « Parti socialiste » n’ont pas été prononcés -, l’axe de sa campagne, axe archi réactionnaire de la « décentralisation », contre la « désintégration du modèle républicain » confronté à l’« amertume des communautés ». Dit autrement et pour éclairer ce dernier aspect, Hidalgo entend concourir avec les autres candidats de la bourgeoisie sur le terrain de la lutte contre le « communautarisme », c’est-à-dire contre la fraction du prolétariat d’origine immigrée.

Pour le reste, le discours sur l’augmentation générale des salaires (des enseignants aux militaires !) ne peut plus faire beaucoup d’effets. Pour ce qui est des flics et des militaires, tous les candidats de la bourgeoisie s’en occupent. Pour les enseignants, les travailleurs en général, personne ne peut accorder le moindre crédit aux propos de la candidate.

Quant à son rapport avec le PS, Hidalgo l’avait précisé dès le 12 juillet à Villeurbanne : il s’agit de « bâtir un mouvement qui dépassera largement les partis politiques ». En décidant de ne pas se rendre au congrès du PS qui vient d’avoir lieu, Hidalgo vient à nouveau de manifester qu’elle n’aurait dans sa campagne aucun compte à rendre à ce parti. Le PS est seulement invité à lui fournir le financement de sa campagne et, le cas échéant, ses colleurs d’affiche.

Il serait donc plus juste de caractériser Hidalgo non comme candidate du PS, mais comme candidate de la liquidation du PS. C’est du reste ce que disent à peu près dans ces termes les opposants à Faure dans le PS, en particulier Le Foll. Mais lorsque la « défense du PS » se confond avec la défense du quinquennat Hollande, c’est-à-dire du quinquennat qui a servi de tremplin à Macron et conduit à la liquidation du PS, on comprend le peu d’avenir d’une telle opposition dont les positions n’ont recueilli qu’un quart des 22 000 voix d’un parti désormais réduit à l’appareil des élus.

La candidature Roussel du PCF, même si elle relève formellement d’un parti d’origine ouvrière, parti dont il faut préciser le caractère contre-révolutionnaire, ne peut davantage être une candidature sur laquelle les voix ouvrières pourraient se rassembler contre les candidats de la bourgeoisie. Le PCF existe à travers sa place dans les appareils syndicaux CGT et FSU où il joue un rôle important d’impulsion de l’orientation de concertation-collaboration avec le gouvernement et le patronat, de bousille des possibilités de combat du prolétariat. Mais il a cessé d’exister comme parti ayant une influence électorale de masse, car son existence était fondamentalement liée à celle de l’URSS et de la clique contre-révolutionnaire du Kremlin. S’il faut dire deux mots de la candidature Roussel, c’est qu’elle se mène sur un terrain archi réactionnaire, où non seulement il n’est pas question de toucher si peu que ce soit à la propriété capitaliste, mais encore où elle entend en rajouter en défense de la police. C’est très ostensiblement que Roussel a participé au rassemblement des syndicats de flics du 19 mai. C’est sur cette base qu’il entend disputer les voix à Mélenchon : « Moi, je ne traite pas les policiers de factieux » répondait-il quand on l’interrogeait sur la différence entre sa candidature et celle de Mélenchon. Et tout récemment, Roussel s’est plié sans délai au commandement de Darmanin ordonnant aux « partis dits de gauche » de dénoncer les jeunes qui, lors d’un concert à la fête de l’Humanité, avaient scandé : « « Tout le monde déteste la police ». « Je ne cautionne pas du tout ces propos, que je ne partage pas", a affirmé Fabien Roussel sur BFMTV. "Ils sont très infimes, très peu nombreux ceux qui ont dit ça", a précisé le patron du Parti communiste » (propos cités par France Info).

L’élection présidentielle ne peut donc être autre chose qu’un tremplin pour de nouvelles attaques contre le prolétariat, un coup de masse supplémentaire sur la tête de celui-ci. Geoffroy de Bézieux et le MEDEF de ce point de vue ne s’y trompent pas, et c’est la raison pour laquelle ils considèrent que la réforme des retraites peut et doit être mise en chantier immédiatement après cette élection.

 


Sur quel axe militer et agir ?


Le terrain électoral n’a jamais été le terrain de prédilection du combat de classe de la classe ouvrière. Souvent dans le passé, les élections ont pourtant été un moment de la lutte des classes, avec cette précision que l’expérience nous a suffisamment montré qu’il y a loin d’une défaite électorale des partis de la bourgeoisie à une défaite de la bourgeoisie sur le terrain de la lutte des classes directe. 1981, 1988, 2012 : ce sont là des dates de défaites électorales des partis de la bourgeoisie qui n’ont pas été transformées en défaites sur le terrain de la lutte des classes directe, parce que le prolétariat n’a pas eu les ressources politiques pour briser la politique des directions traîtres de la classe ouvrière, en particulier la politique de soutien des appareils syndicaux aux gouvernements d’alliance avec la bourgeoisie qu’avaient mise en place le PS et le PCF (ce dernier soit au gouvernement, soit en protection de celui-ci).

S’il y a un fait nouveau dans la présidentielle de 2022, c’est que sur le strict terrain électoral, la classe ouvrière n’a pour ainsi dire aucune possibilité de se regrouper de manière un tant soit peu significative. Dès lors, la seule question qui vaille est celle-ci : comment œuvrer à donner au prolétariat les moyens dès maintenant, et sans s’en remettre à un calendrier électoral dont à l’évidence il n’a rien à attendre, de se dresser contre le gouvernement Macron qui frappe sans relâche, et de lui infliger une défaite ?

Et la première réponse est la suivante : combattre en toute circonstance pour la rupture des directions syndicales avec le gouvernement. Et un tel combat ne peut être réduit à une abstraction. Il doit mettre en évidence les formes précises, toujours concrètes que prend la collaboration des directions syndicales, pour associer la fraction la plus résolue et la plus consciente du prolétariat au combat pour briser cette collaboration.

Ainsi le combat pour la rupture immédiate de la participation à la « conférence salariale » dans la Fonction publique et aux concertations-négociations qui l’accompagnent dans différents secteurs (suites du Grenelle, négociations engagées aux Douanes et aux Finances) constitue un enjeu décisif, compte tenu de leur objectif politique (destruction de la grille unique, liquidation du point d’indice comme élément constitutif de l’établissement du salaire de l’ensemble des fonctionnaires).

Sans doute, ce qui occupe aujourd’hui le devant de la scène, ce sont les forces réactionnaires de la bourgeoisie et de la petite bourgeoisie. Sans doute, les tentatives de résistance ouvrière sont aujourd’hui limitées. Elles existent cependant. Elles se sont manifestées à Aéroports de Paris contre les diminutions de salaire négociées entre la direction et les responsables syndicaux. Elles se sont manifestées chez l’avionneur Daher où la grève est partie spontanément, les travailleurs élisant leurs propres délégués hors du contrôle de l’appareil syndical arrachant même localement des augmentations de salaire significatives.

Ces tentatives témoignent du fait que la classe ouvrière n’est pas inerte. Et même l’injonction adressée par Darmanin aux « partis dits de gauche » de le soutenir totalement dans son renforcement de l’appareil policier témoigne du fait suivant : Darmanin sait plus que quiconque que couve la haine contre son gouvernement et sa police dans la jeunesse. Il sait que les dizaines de milliers de manifestants de juin 2020 réunis à l’initiative du Comité Justice pour Adama ne se sont pas évanouis. Il sait plus que quiconque que la jeunesse n’acceptera pas sans broncher le sort que le capitalisme lui réserve. Et c’est pourquoi, il a besoin que, contre cette jeunesse, toutes les forces attachées à l’ordre bourgeois serrent les rangs.

L’action des militants regroupés autour de Combattre pour le socialisme se fonde sur la conviction que surgira, dans des délais et sous des formes que nous ne pouvons deviner, cette force du prolétariat et de la jeunesse aujourd’hui largement entravée par la politique des appareils dirigeants.

Le combat pour la rupture des directions syndicales avec le gouvernement s’inscrit nécessairement dans le combat pour en finir avec le capitalisme, pour le socialisme. Les deux dernières années ont montré avec plus d’acuité encore que la perpétuation du mode de production capitaliste conduisait sur tous les terrains à la catastrophe. Plus que jamais sont d’actualité les formulations de Trotsky dans le Programme de transition : « Sans révolution socialiste, et cela dans la prochaine période historique, la civilisation humaine toute entière est menacée d’être emportée dans une catastrophe ».

Pour tous ceux qui entendent combattre contre cette menace pressante, se pose la question de l’organisation commune sur la base du programme de la révolution sociale. Combattre pour le socialisme entend œuvrer à une telle organisation, à la construction d’un Parti ouvrier révolutionnaire, d’une Internationale ouvrière révolutionnaire.


 

Le 15 septembre 2021

 

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