Éditorial du
bulletin « Combattre pour le socialisme » n°78 (n°160 ancienne série)
- 21 janvier 2021 :
La pandémie perdure et s’aggrave
La
pandémie est repartie de plus belle, dépassant tous les records du printemps
dernier. La Grande-Bretagne est dévastée, et on estime qu’une personne sur
trente a été ou est infectée à Londres. Les hôpitaux sont surchargés, victimes
d’années et d’années de coupe dans leur budget. La revue médicale Health Service Journal annonce que 2000
lits vont manquer d’ici le 19 janvier. Des patients mourront faute de pouvoir
être admis à l’hôpital. Les États-Unis battent chaque jour leur record de cas
et de décès : plus de 20 000 cas par jour, 20 millions de malades
depuis mars, 379 000 décès depuis le début de la pandémie. Ce ne sont que
deux exemples, mais on pourrait évoquer la même évolution au Brésil, au
Mexique, en Russie, etc.
Sans
doute la pandémie n’a pas été créée de manière délibérée par le système
capitaliste lui-même. Elle affecte durement la possibilité pour les
capitalistes d’extorquer la plus-value dans des conditions « normales »
et constitue donc pour la classe bourgeoise un rude problème, même s’il faut
immédiatement ajouter que ce sont les masses populaires qui en sont les
premières victimes.
Mais
elle ne prend cette forme de cataclysme que du fait du système capitaliste. Ce
sont les conditions d’existence faites aux masses qui favorisent la diffusion
incontrôlée du virus : la promiscuité du fait des conditions de logement,
et celle qui existe au travail, où la classe ouvrière est maintenue coûte que
coûte par les capitalistes, la pollution, l’absence de toute mesure sanitaire
réelle dans les établissements scolaires de la plupart des pays. Sans parler de
l’état désastreux du système de santé et en particulier de l’hôpital qui rend
plus meurtrière la pandémie. Tout concourt ainsi à la catastrophe sanitaire.
La science asservie aux
impératifs du profit
Il faut
dire dès maintenant un mot de la campagne de vaccination engagée un peu partout
dans le monde. Elle s’engage dans les conditions qui sont celles de la gabegie
capitaliste dont on avait déjà vu les effets il y a quelques mois sur la
fourniture des masques : problèmes d’approvisionnement et de transport,
manque de personnel pour administrer le vaccin, etc. A cela s’ajoute la
concurrence acharnée que se livrent les différents trusts pharmaceutiques,
obstacle absolu non seulement à la vérification de leur fiabilité (au nom du secret
industriel de la fabrication), mais encore au partage du savoir et à la
coopération universelle des chercheurs qui seraient plus que jamais nécessaire.
Cette gabegie fait obstacle au but de la bourgeoisie elle-même, qui cherche à
réaliser une vaccination de masse, non pas pour le bien être des populations,
mais pour rétablir au plus vite les conditions optimales de l’exploitation de
la force de travail, et pour éviter que la pandémie ne submerge en particulier
les personnels hospitaliers qui, partout en nombre insuffisant, doivent y faire
face.
C’est
ainsi que la campagne de vaccination se fait dans les pires conditions, au
mépris des conditions de sécurité. En Grande-Bretagne, on s’apprête non
seulement à retarder l’inoculation de la seconde dose, sans bien savoir si du
coup le vaccin sera efficace, voire à administrer deux doses de deux vaccins
différents, alors même que nombre de scientifiques doutent non seulement de l’efficacité
mais même de l’innocuité d’un tel « cocktail ».
De
telles conditions d’administration du vaccin suscitent du même coup les
réticences d’une partie de la population. Ces réticences ont d’autres raisons
que l’influence des thèses obscurantistes et réactionnaires, qui fleurissent
par ailleurs, que l’hostilité au principe même de la vaccination.
Les
travailleurs savent en effet que ce qui détermine cette campagne de
vaccination, c’est la recherche du profit, pas la santé de la population.
Qu’à
cette fin, les capitalistes et leurs gouvernements passent par dessus des
mesures de prudence élémentaires sur les effets à moyen terme des vaccins
utilisés contre la COVID, c’est dans l’ordre (bourgeois) des choses. Quelques
exemples récents montrent que, se saisissant de la pandémie, certains grands
trusts pharmaceutiques n’ont pas hésité une seconde à se livrer à de véritables
et gigantesques escroqueries pour réaliser ces profits. L’affaire du
Remdesivir, dont le laboratoire Gilead a inondé le marché européen, vendu 100
fois son coût de production alors que son effet thérapeutique contre la COVID s’est
révélé absolument nul, en est une illustration frappante. Mais à vrai dire, ce
n’est qu’un exemple. Périodiquement on apprend que sont mis sur le marché des
médicaments ou des produits pharmaceutiques qui, non seulement n’ont aucune
efficacité thérapeutique, mais aussi mettent en danger la santé et la vie des
patients, et ce en toute connaissance de cause. Le Monde du 23 décembre nous apprend ainsi que le trust Bayer a mis
sur le marché un dispositif contraceptif pour les femmes – l’implant Essure
- dont il sait depuis 2004 qu’il a des
effets redoutables sur l’organisme (hémorragies, douleurs articulaires et
musculaires, voire effets neurologiques). Et tout le monde a en tête l’affaire
du Mediator et de ses milliers de victimes.
Telle
est la véritable raison de certaines réticences populaires. Ce n’est pas la
science qui est en cause. C’est son asservissement à la loi du profit.
L’évolution des bourses et l’évolution
inverse de la production
Combattre pour le socialisme a eu à plusieurs reprises l’occasion
de l’expliquer, la crise sanitaire n’a fait que précipiter l’explosion d’une
crise économique qui était déjà en gestation. Et il est incontestable que plus
perdure la crise sanitaire, plus profonde s’annonce la dépression économique
qui a déjà manifesté ses conséquences ravageuses.
La fin
de l’année civile donne aux commentateurs de la bourgeoisie l’opportunité de
tirer quelques bilans. D’aucuns s’étonnent du formidable divorce entre les
résultats de la bourse et ceux qui se manifestent sur le terrain de l’ « économie
réelle » - entendez de la production.
Évolution des indices boursiers en 2020 :
NASDAQ
(valeurs nouvelle technologie Wall Street) |
+43,64 % |
S
§ P 500 (Wall Street) |
+16,26 % |
Nikkei
(Tokyo) |
+16,53 % |
DAX
(Francfort) |
+3,87 % |
STOXX
Europe 600 |
-1,99 % |
CAC40
(Paris) |
-7,14 % |
Évidemment
les différences de résultats sont aussi significatives, qui montrent par
exemple que c’est aux firmes françaises
que les actionnaires font le moins confiance et que le résultat d’ensemble en
Europe (STOXX) masque des différences considérables, par exemple entre l’Allemagne
et d’autres pays européens, dont la France.
Mais
le fait marquant, c’est tout de même l’extraordinaire valorisation boursière
aux États-Unis et au Japon alors même que y compris dans ces pays le marasme
économique domine.
C’est
ce que montre les chiffres concernant l’évolution attendue du PIB en 2020 :
USA (source Rexecode) |
- 3,4 % |
Espagne |
- 11 % |
Allemagne |
- 5 % |
Royaume Uni |
- 11 % |
France |
- 9 % |
Japon (source FMI) |
- 5,3 % |
Italie |
- 9 % |
Chine (source FMI) |
+1,9 % |
Encore
faut-il rappeler que le PIB intègre dans ses résultats des éléments (y compris
les « produits financiers ») qui n’ont qu’un lointain rapport avec la
production de richesses réelles. Ainsi pour les USA, quand la diminution du PIB
est de 3,4 %, la diminution de la production industrielle, elle, se situe
au-delà des 5 %.
Endettement
Un
autre élément d’appréciation porte sur l’évolution de la dette (dette publique
et dette des entreprises). Voici ce qu’indique par exemple Business Insider :
« Le
niveau d’endettement dans le monde ne cesse de grimper et il s’est envolé avec
la crise du coronavirus. Après un record à 322% du produit intérieur brut (PIB)
fin 2019, la dette mondiale devrait atteindre 277 000 milliards de dollars
fin 2020, soit 365% du PIB, selon l’Institute of
International Finance (IIF). À fin septembre, elle avait déjà
augmenté de 15 000 milliards de dollars depuis le début de l’année. Cette
forte hausse, liée notamment au financement de vastes plans de relance, peut
donner le vertige.
Les
pays développés sont à l’origine de près de la moitié de la progression de l’endettement
mondial. Ils ont vu leur dette totale — publique et privée — décoller à 432% de
leur PIB à la fin du troisième trimestre, contre environ 380% fin 2019, précise
L’Agefi. Ce bond résulte de l’effet combiné de l’endettement
et de la baisse du PIB, en raison du confinement et des mesures de restrictions
sanitaires. »
S’agissant
particulièrement de l’endettement public, la dette d’État va augmenter en 2020
de 40 % aux USA, de 25 % en France. Celle du Japon atteint désormais
plus de 260 % du PIB. L’Allemagne elle-même – dont la situation n’a
pourtant rien à voir avec celle des USA ou des autres pays d’Europe, notamment
la France - devrait voir sa dette passer de 59,5 % du PIB à 75 %.
Dans
les pays capitalistes avancés, la part de la dette possédée par les banques
centrales ne cesse d’augmenter par l’effet du rachat par celles-ci des
obligations d’État. Ce qui explique que l’augmentation de la dette publique ne
se traduise pas par l’augmentation des taux d’intérêt (au contraire ceux-ci
sont soit négatifs soit faiblement positifs selon les pays). Il en va autrement
des pays frauduleusement appelés « émergents » - les pays dominés par
l’impérialisme – où là aussi la dette a connu une brutale augmentation, en
rapport notamment avec la baisse du prix des matières premières, qui
constituent l’essentiel des exportations de ces pays. Sur ces pays pèse la
menace immédiate de l’augmentation des taux d’intérêt, et en même temps ils
sont confrontés à la chute parfois abyssale de la valeur de leur monnaie.
Le
rachat par les banques centrales des dettes, tant des États que des
entreprises, a pour effet une augmentation inouïe du bilan de ces banques
centrales. Entre mai et novembre 2020, le bilan de la Fed passe de 7 000
milliards de dollars à 9 000 milliards. Quant à la BCE, son bilan est
passé de 4 692 milliards fin février à 6 705 milliards début octobre. Depuis,
la BCE a prévu d’ajouter 500 milliards de rachat d’actifs en décembre pour
pallier au risque d’effondrement de pans entiers de l’activité en Europe.
Il faut
pourtant remarquer que ces injections massives de liquidité ne font pas
disparaître le risque mortel de la déflation. En théorie, l’augmentation
massive de la masse monétaire devrait se traduire par de l’inflation, mais joue
en sens contraire et de manière dominante la chute brutale de la demande. D’ores
et déjà, les pays d’Europe connaissent une déflation – certes encore limitée
depuis 5 mois.
C’est
dans l’injection massive de liquidités par les banques centrales à des taux
nuls ou très réduits, que se trouve l’explication de la valorisation boursière
évoquée plus haut. Pour l’essentiel, cette injection alimente essentiellement
les opérations spéculatives mais est impuissante à opérer une véritable relance
de la consommation et des investissements.
Ainsi,
l’économie mondiale poursuit sa descente en enfer et se trouve sous la menace
multiforme d’un véritable effondrement. Nul ne peut prévoir quel serait le
facteur immédiatement déclenchant d’un tel effondrement : franc
basculement dans la déflation dans les pays capitalistes avancées conduisant à
une véritable paralysie de la production (la déflation pousse au report des
achats de marchandises), krach bancaire résultat de l’augmentation des créances
douteuses par suite de l’augmentation massive des faillites, explosion des
bulles spéculatives avec un effondrement des valeurs boursières à la hauteur de
leur augmentation antérieure… Tout est possible. Mais une chose est sûre. Dès
maintenant, et plus encore demain, ce sont les masses, le prolétariat et la
jeunesse, qui font et feront les frais de la crise ravageuse du système
capitaliste.
Chômage de masse,
basculement dans la misère et dans la famine : ce n’est qu’un début !
Les
derniers mois ont été caractérisés par une augmentation massive et universelle
du chômage. L’ampleur de cette augmentation est plutôt masquée qu’elle n’est
révélée par les chiffres officiels. Le site Touteleurope
indique par exemple :
« Eurostat
estime ainsi qu’en septembre 2020, 15,99 millions de personnes étaient au chômage
dans l’UE (7,5 % de la population active), dont 13,61 millions dans la zone
euro (8,3 %). Par rapport à septembre 2019, le chômage a augmenté de 1,811
million de personnes dans l’UE et de 1,376 million dans la zone euro. »
Mais c’est
pour préciser immédiatement : « Dans plusieurs États européens, la
hausse du chômage demeure modérée, ce dernier pouvant même dans certains cas
reculer d’un mois à l’autre. Mais cette faible hausse constatée dans certains
pays peut cacher une augmentation du nombre de personnes ayant renoncé à
chercher un emploi, notait en avril l’Organisation
de coopération et de développement économique (OCDE). En effet, seuls les individus en recherche active d’emploi sont
généralement comptabilisés comme chômeurs. Or d’après l’Institut
national italien des statistiques (ISTAT),
le nombre d’Européens inactifs aurait par exemple augmenté de 5,4 % en avril
par rapport au mois précédent. »
Aux
États-Unis, 22 millions d’Américains ont perdu leur emploi lors de la première
vague de la pandémie. Le Monde
annonçait que 11 de ces 22 millions avaient retrouvé à l’automne un emploi mais
précisait que pour les 11 millions restant il serait bien difficile d’en
retrouver un. Et il y a fort à parier que les nouveaux records atteints par la
pandémie au cours de ces dernières semaines ont fait repartir le nombre de
chômeurs à la hausse.
La
situation est encore bien pire évidemment dans les pays dominés par l’impérialisme.
Ce
numéro de CPS évoque la situation au
Brésil. Mais il y a pire encore en Amérique Latine. Sans même parler du
Venezuela, il faut noter qu’en Argentine – pays que d’aucuns présentaient au
lendemain de la seconde guerre mondiale comme susceptible de rattraper le
niveau de vie des pays capitalistes avancées -, 44 % de la population se
situe sous le seuil de pauvreté. Même chose pour le Pérou, dont les
commentateurs bourgeois vantaient il y a à peine un an le « miracle
économique », « la pauvreté monétaire atteindra à la fin
de l’année les 28,5% selon les projections de la
Commission Économique pour l’Amérique Latine et les Caraïbes (CEPAL), soit une augmentation de 9,3%, et la pauvreté extrême sera même
doublée, passant de 3,7% à 7,6%. Une situation qui ramène le
Pérou dix ans en arrière dans sa lutte contre la pauvreté. » (Le
petit journal)
Mais la
palme de la barbarie appartient à l’Afrique et à l’Inde. Au Nigéria – où le
gouvernement a fait tirer à balles réelles sur les manifestants -, 42 % de
la population a récemment perdu son emploi. Selon les spécialistes, la
mortalité infantile va augmenter de 45 %. La loi d’airain du pillage
impérialiste contraint le Nigéria à vendre depuis plusieurs mois son pétrole
au-dessous de son coût de production.
En Inde
(voir plus loin), Le Monde annonçait
dès juillet qu’un quart de la population ne disposait d’aucun revenu.
Le G20
a « généreusement » décidé de « restructurer » la dette des
pays dits « émergents » sous condition... de mise en œuvre des
sinistres plans du FMI qui invariablement ordonne privatisations, diminution
des dépenses de santé et d’éducation, remise en cause du subventionnement des
produits de première nécessité, sans lequel des centaines de millions d’êtres
humains supplémentaires sont condamnés à la famine.
Pourtant
si atroces que soient les conditions auxquelles sont réduites les masses, ce n’est
encore qu’un début.
C’est
particulièrement vrai des pays capitalistes avancés. Car les gouvernements de
ces pays ont pris depuis mars des mesures provisoires visant à éviter l’effondrement
pur et simple. Ils l’ont fait, non dans un souci d’humanité à l’égard des
masses laborieuses, mais par crainte du véritable cataclysme, du chaos
économique et social qu’aurait provoqué le choc brutal et sans amortisseur de
la chute abyssale de l’activité. Il en va ainsi des mesures de subventionnement
du chômage partiel de longue durée, ou encore – par exemple aux États-Unis – du
chèque versé aux familles ayant perdu leur emploi. De même ordre sont les
différents dispositifs de prêts garantis par l’État visant à éviter les
faillites immédiates. Naturellement, ces mesures sont et seront in fine payées par le prolétariat
lui-même sous des formes diverses. Il n’empêche que pour quelques mois les
échéances ont été reportées. Mais le sursis arrive à son terme. Le nouveau plan
de relance US limite à 600 dollars (490 euros) l’aide aux familles les plus
pauvres, loin des 2 000 dollars du premier plan. Les premières échéances des différents prêts accordés en
urgence sont désormais imminentes. Chaque semaine de prolongement de la
pandémie et des mesures diverses de « confinement » ou de « couvre-feu »
signifie pour des centaines de milliers de petites entreprises la faillite
immédiate. Mais il n’en va pas autrement des secteurs où le capital est plus
concentré. Aéronautique, automobile, métallurgie (dépendant largement des deux
secteurs précédents), bâtiment et travaux publics, qui dépendent largement d’une
commande publique amenée à se réduire comme une peau de chagrin : chaque
jour qui passe nous rapproche de la catastrophe.
Affrontements inter-impérialistes : l’élection de Biden ne changera
rien d’essentiel
Combattre pour le socialisme a souvent eu l’occasion de
l’écrire. Plus la crise s’approfondit, plus les rapports inter impérialistes se
tendent. Et nous avons aussi l’occasion de l’écrire non moins souvent :
ils se tendent d’autant plus qu’est apparu sur l’arène mondiale un nouvel
impérialisme, l’impérialisme chinois qui se fait sa place en remettant sans
ménagement en cause la place des vieux impérialismes.
C’est
une certitude. L’élection de Biden – voir article sur les USA dans ce numéro de
CPS - ne changera strictement rien à
l’affrontement entre les USA et la Chine tant il est vrai que cet affrontement
ne devait rien à la personnalité singulière de Trump et tout à la nécessité
pour l’impérialisme US de combattre la tendance au déclin qui le frappe.
Remarquons-le :
sur le strict plan des chiffres, la croisade anti-chinoise de Trump a constitué
un échec total. La Tribune notait le
13 octobre : « En septembre, l’excédent du géant asiatique avec l’oncle
Sam s’est encore accru de 30,75 milliards de dollars, selon des chiffres
publiés mardi par les Douanes chinoises, les derniers avant la présidentielle
du 3 novembre. Soit une hausse de 18,8% sur un an ! »
La
situation n’est d’ailleurs pas meilleure du point de vue de la balance
commerciale avec l’Allemagne, où déjà en 2019, le déficit commercial s’élevait
à 47,3 milliards.
Est-ce
à dire que l’offensive américaine n’a aucun effet sur la Chine ? Ce serait
faux de l’affirmer. Il est clair par exemple que le véritable embargo américain
sur un certain nombre de grandes entreprises chinoises leur porte de rudes
coups. Il est incontestable par exemple que les mesures prises contre Huawei
mettent d’ores et déjà cette entreprise en grande difficulté en lui interdisant
notamment l’approvisionnement des semi-conducteurs dont il a besoin pour sa
production. Rien ne dit pourtant que le coup porté soit fatal. Huawei s’active
pour produire de manière alternative des semi-conducteurs en Chine même et s’il
aboutit l’offensive se retournera en son contraire.
A vrai
dire, l’atout principal de l’impérialisme US est dans sa suprématie militaire
maintenue. Le récent budget pharaonique adopté aux USA de manière « bipartisane »
- voir article USA – montre que Biden après Trump n’entend pas y renoncer. Plus
encore, l’impérialisme US pousse en permanence ses alliés au militarisme comme
en atteste le fait que le budget militaire du Japon vient de battre aussi tous
les records, malgré les limites qui lui sont encore imposées par sa
constitution héritée de la défaite japonaise lors de la seconde guerre
mondiale.
La Chine ne se soumettra pas
Tout
montre pourtant que la Chine ne se soumettra pas. Sa puissance vient de ses
capacités productives, y compris désormais dans les domaines technologiques et
scientifiques les plus sophistiqués, et du fait que l’économie de nombreux pays
dépendent aujourd’hui de ses exportations.
Il est
remarquable qu’à quelques jours d’écart on apprend à la fois l’existence de
manœuvres militaires conjointes USA-Japon-Australie en mer de Chine, manœuvres
désignant ouvertement la Chine comme ennemi potentiel et… la signature sous l’égide
de la même Chine d’un accord de libre échange Asie Pacifique par quinze pays…
dont le Japon et l’Australie. Manœuvres militaires, d’accord, mais par ailleurs
« business is business ».
Cet
accord constitue incontestablement un succès pour la Chine comme l’accord
imminent entre la Chine et l’UE sur les investissements mutuels. Il est d’autant
plus difficile de se faire une idée précise de ce dernier accord que son
contenu est tenu secret. Mais il ressort des commentaires qu’il facilite les
investissements mutuels dans une série de domaines économiques décisifs tels
que la voiture électrique ou les énergies renouvelables. C’est comme toujours
un accord des forts (en l’occurrence la Chine et l’Allemagne qui s’estime assez
robuste pour penser qu’elle a plus à gagner qu’à perdre à la libéralisation des
flux d’investissements) contre les faibles (La France à l’inverse a tout à
craindre de cette libéralisation pour ses propres entreprises capitalistes).
Le Brexit, un compromis
imposé par l’Allemagne
En
Europe, l’accord avec la Chine est une nouvelle manifestation de la suprématie
allemande, qui elle non plus entend ne pas se soumettre aux USA comme l’indique
le « Nein » de Merkel à l’injonction
américaine de boycotter Huawei.
Une
autre manifestation de cette suprématie est la signature finale de l’» accord »
sur le Brexit. L’essentiel pour l’Allemagne
était d’écarter la perspective d’un no
deal qui aurait représenté un coup porté à ses intérêts de première
puissance industrielle et commerciale en Europe. De ce point de vue l’objectif
est atteint, puisqu’il n’y aura ni droits de douanes, ni quotas imposés sur le
commerce des marchandises, et les services entre l’UE et le Royaume-Uni. Il
faut néanmoins mettre des guillemets à
cet « accord » tant il est clair que loin de conduire à un
règlement pacifié des antagonismes commerciaux, cet accord ouvre au contraire
la voie à mille controverses, mesures et contre-mesures de rétorsion entre les
différentes composantes de l’UE et la Grande-Bretagne.
Cela
vaut en particulier concernant la perspective pour le Royaume-Uni de se
transformer en « Singapour sur Tamise » en s’octroyant le droit,
outre l’accès au marché unique sans droits de douanes, d’adopter des mesures
dérogatoires en matière fiscale et sociale pour exercer une concurrence « déloyale »
à l’égard des économies des États de l’UE. Contre une telle perspective, qui a
été avancée quand même à plusieurs reprises par Londres, l’accord passé
prévoirait la possibilité d’imposer des droits de douane « en cas de distorsion trop importantes des règles de concurrence ».
Mais qu’entend-on par « trop importantes » ? Et puis imposer des
droits de douane nécessiterait de la part des États européens qu’ils se mettent
d’accord sur les mesures de rétorsion à appliquer, ce qui n’irait pas de soi au
vu des intérêts commerciaux divergents des États européens.
Il n’empêche :
si fragile et branlant que soit l’» accord », l’Allemagne a en tout
cas pour l’instant obtenu la garantie pour elle essentielle : pas de taxe
dans l’immédiat, donc pas de renchérissement des marchandises allemandes
destinées à la Grande-Bretagne, et pas non plus de renchérissement des
marchandises fabriquées en Grande-Bretagne parfois – par exemple dans le
secteur de l’automobile – au compte de trusts allemands. Ainsi la compétitivité
allemande par rapport au reste du monde se trouve préservée.
On peut
donc dire que si fragile que soit ce succès, l’accord sur le Brexit constitue
pour l’Allemagne un succès. Quant à Johnson, ses rodomontades et cris de
triomphe pourraient bien ne pas durer. D’une part, il est incontestable que
dans cette affaire, la City, c’est-à-dire le secteur financier britannique a
laissé quelques plumes, perdant un peu de sa latitude à vendre ses « produits
financiers » en Europe, même si, à cet égard de nouvelles négociations
doivent encore avoir lieu. Il fallait que quelqu’un le rappelle à Johnson, et c’est
Blair, l’ancien dirigeant du Labour Party, qui s’est évidemment dressé en
défense du capital financier britannique. D’autre part, l’accord est lourd de
menaces de dislocation pour le Royaume-Uni. L’Irlande du Nord est de facto rattaché
à l’Union européenne, puisqu’il n’y a pas de frontière douanière entre les deux
parties de l’Irlande, et la pression pour l’indépendance de l’Écosse va aller
crescendo, même si pour les indépendantistes, il y a loin encore de la coupe
aux lèvres.
Johnson
aura malgré tout au moins obtenu un succès. Il lui a été offert par la
direction du Labour qui, toute honte bue, a, par la voix de Starmer, voté et
appelé à voter pour l’accord aux Communes, offrant ainsi un soutien appréciable
à Johnson au moment où le gouvernement de ce dernier est en sérieuse
difficulté.
Or
parmi les nombreuses raisons de ne pas apporter de soutien à cet « accord »,
il en est une qui doit être soulignée : le fait qu’il est tourné contre la
jeunesse et contre le prolétariat, en particulier sa fraction immigrée. Le fait
est qu’en vertu de cet accord, tant le coût des études des étudiants
britanniques en Europe que celui des étudiants européens faisant une partie de
leur cursus en Grande-Bretagne va être si brutalement augmenté qu’il
constituera pour toute une partie de la population étudiante un obstacle
infranchissable.
Quant à
l’immigration, il faut rappeler que c’est au nom de la lutte contre l’immigration
qu’une large partie du personnel politique bourgeois s’était prononcée pour le « Leave » ( « quitter »)
en 2016.
Ils
peuvent être sur ce plan satisfaits. Le
Monde explique pourquoi l’accord, outre le fait qu’il ferme la porte à l’immigration
depuis le 1er janvier, va précipiter dans l’illégalité des dizaines
de milliers d’immigrés en Grande-Bretagne venant des autres pays d’Europe :
« Le
compte à rebours est presque terminé. Jusqu’au 31 décembre à minuit, un
citoyen de l’Union européenne qui s’installerait au Royaume-Uni aura le droit
automatique d’y vivre et d’y travailler. Le lendemain, il sera trop tard et un
permis de travail sera requis.
« Avec
l’entrée en vigueur des accords post-Brexit, les Européens vivant au
Royaume-Uni vont donc se diviser en deux groupes distincts, selon leur date d’arrivée
dans le pays. Mais comment les distinguer ? Dans un pays qui n’a ni carte
d’identité ni base de données centralisée de la population, les autorités
britanniques ont dû se lancer dans un immense exercice d’enregistrement des
quelque 3,7 millions d’Européens résidant outre-Manche. Ceux-ci ont jusqu’au
30 juin 2021 pour s’y inscrire. Au-delà, ils tomberont dans l’illégalité. »
« De
nombreuses associations tirent la sonnette d’alarme, craignant que des dizaines
de milliers de personnes, peut-être plus, soient en train de passer entre les mailles
du filet. “A terme, il va y avoir beaucoup de tragédies
individuelles”. »
Mais ce sont bien les migrants en provenance d’Afrique,
du Proche-Orient ou de l’Asie qui seront le plus affectés par le Brexit.
D’abord,
des mesures beaucoup plus restrictives prévaudront pour les exilés mineurs qui
jusqu’alors pouvaient entrer sur le territoire britannique s’ils venaient
rejoindre un membre de leur famille. Il sera aussi beaucoup plus difficile pour
les adultes de pouvoir faire une demande pour rejoindre leur conjoint déjà
présent au Royaume-Uni.
Par
contre, les accords du Touquet adoptés en 2003 entre le Royaume-Uni et la
France pour que cette dernière empêche les migrants de rejoindre le Royaume-Uni
ne sont nullement remis en cause et sont même aggravés. En effet, alors que les
négociations sur le Brexit étaient dans leurs dernières semaines, un accord,
dans la continuité des précédents, a été signé entre ces deux pays le 28
novembre 2020. Le site France terre d’asile
indique : « Parmi les nouvelles
mesures annoncées, Priti Patel [Secrétaire d’État britannique à l’Intérieur]
a indiqué le doublement, dès le 1er
décembre, des forces de l’ordre françaises mobilisées sur le littoral, sans en
préciser le nombre précis. Les autorités britanniques se sont engagées à
investir 31,4 millions d’euros pour “soutenir les efforts
importants de la France contre les traversées irrégulières”, notamment par le déploiement de drones et de
radars pour surveiller les tentatives de traversées. »
Il faut
noter que ce sont 9 551 migrants (soit quatre fois plus qu’en 2019) qui ont
tenté, sur des embarcations de fortune, de rejoindre les côtes anglaises au
péril de leur vie. Au moins 6 en sont morts et au moins 3 ont disparu. Empêchés
de quitter la France où ils n’ont aucune attache, harcelés et persécutés
constamment par les policiers qui détruisent leurs campements et leurs tentes
et empêchent leur ravitaillement par les associations humanitaires, tel est le
sort que leur réserve le gouvernement Macron-Castex-Darmanin conjointement avec
la maire de Calais.
La situation que l’accord
fait aux travailleurs immigrés concentre son caractère archi-réactionnaire.
Le
capitalisme français de plus en plus relégué
Tant sur le Brexit
que sur l’accord sur les investissements avec la Chine, la France n’a pu
prétendre jouer aucun rôle réel. Bien sûr Macron, officiellement, « se
félicite » : « L’Europe, L’Europe... la cohésion
de l’Europe… L’Europe a tenu ». Mais ce discours est un cache-misère. C’est l’Allemagne qui décide.
Voilà la réalité brutale. Sur l’accord avec la Chine, le gouvernement français
n’était pas pressé. Merkel, si ! Donc l’accord a été adopté. Sur le
Brexit, Macron depuis des mois et des mois a adopté la posture de l’» intransigeance »,
agitant en dernier recours la question de la pêche. Mais l’Allemagne n’avait qu’une obsession :
pas de droit de douanes sur les marchandises ! Et l’Allemagne a gagné.
Macron se félicite, mais Le Drian déclare : « Il faudra
lire précisément l’accord pour savoir si les intérêts de la France sont préservés ». Ce n’est pas exactement une réaction
enthousiaste.
Telle est la vérité
des prix. Macron a pesé ce que pèse l’économie française, donc de moins en
moins. Le désastre de Sanofi obligé de retarder la mise sur le marché de son
vaccin à cause des « résultats décevants » et malgré les dizaines de millions d’euros
généreusement alloués par le gouvernement a valeur de symbole.
Les Echos du 9 octobre dressait déjà ce verdict impitoyable :
« Cela commence à faire
beaucoup. En août, la balance commerciale en biens de la France
a accusé un déficit de 7,7 milliards d’euros, selon les
chiffres donnés ce mercredi par les Douanes. Sur les douze mois, le déficit commercial dépassait en
août 67 milliards d’euros, contre 58 milliards sur l’ensemble de 2019.
Pourtant,
« la facture énergétique pourrait diminuer cette année de 10
à 15 milliards d’euros en raison de la baisse du prix du pétrole. Or,
historiquement, les phases de récession entraînent un recul des prix de l’or
noir et coïncident de ce fait avec une amélioration du déficit commercial
français » remarque Denis Ferrand, directeur général de l’institut
Rexecode. »... « Au-delà du seul
secteur aéronautique, les exportations françaises ont aussi
du mal à remonter. Elles ne représentent que 83 % de leur niveau moyen de
2019. Le risque de désindustrialisation du pays est donc bien réel. Les
importations sont reparties plus vite avec la hausse de la consommation qui a
suivi le déconfinement. Ainsi, celles-ci étaient en août à 91 % de leur
niveau moyen de l’an passé. Et les exportations françaises de produits
industriels ne représentent plus que 80 % des importations de ces mêmes
biens. Un niveau très faible que le pays n’avait jamais atteint. »
L’avenir
est plus sombre encore. Le Monde du
24 décembre évoquant la fin des « aides » exceptionnelles (prêts garantis par l’État,
chômage partiel) en déroule les conséquences :
« Selon
l’assureur Euler Hermes, le nombre de faillites va passer de 33 000
en 2020 à 50 000 en 2021 puis 60 500 en 2022. Environ
180 000 emplois seraient ainsi détruits en 2021, estime Eric Heyer,
économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). L’accélération
des faillites pourrait même jouer le rôle d’une bulle, en se répercutant sur
les divers créanciers des entreprises : banques, fournisseurs, bailleurs,
État…, analyse David Cayla, chercheur au Groupe de recherche angevin en
économie et management (Granem) et maître de conférences à l’université d’Angers.
Elle déclencherait alors un redoutable mécanisme de propagation de la crise
depuis les secteurs les plus touchés (hôtellerie, restauration, loisirs,
tourisme…) vers d’autres pans de l’économie, voire vers la sphère financière. »
Que
faire ? Prolonger encore les
prêts et les mesures de chômage partiel ? Oui mais… la dette enfle à une
cadence infernale. Sans doute augmente-t-elle partout, mais ce n’est pas la
même situation en France (plus de 120 % en 2020) et en Allemagne (75%). La
seule politique possible au compte de la bourgeoisie française : frapper
sans relâche le prolétariat (voir plus bas) sans garantie par ailleurs que cela
suffise à rétablir la situation…
L’impérialisme français aux
abois
Comme
un reflet de cette situation économique est la situation politique de l’impérialisme
français. En Afrique, chaque jour apporte une mauvaise nouvelle supplémentaire.
La République centrafricaine sombre chaque jour davantage dans le chaos. Les
élections présidentielles dont l’impérialisme français exigeait qu’elles se
tiennent se sont tenues… dans une situation où les deux tiers du pays sont hors
contrôle. Et, humiliation supplémentaire, la France a été supplantée auprès du
gouvernement « légal »… par la Russie. Des élections ont aussi eu
lieu en Côte d’Ivoire, après que les opposants ont été empêchés de se présenter
avec le soutien ouvert de la France à Ouattara, le président « élu ».
Rien n’indique que cette élection garantisse la moindre stabilité. Elles ont
aussi commencé au Niger, qui dirige
actuellement le G5 qui coordonne la lutte « anti-djihadiste » au
Sahel, et tant la France que les gouvernements africains soumis à l’impérialisme
se sont félicités de leur « tenue ». Mais nul ne s’aventure, sauf les
cortèges militaires armées jusqu’aux dents, dans le Nord du pays. C’est du
reste sous la seule protection de ces cortèges que peut être acheminé l’uranium
à destination des centrales nucléaires françaises.
Il y a
un an, à Pau, Macron convoquait les chefs des régimes fantoches asservis à la
France, leur faisait rudement la leçon sur les insuffisances de leur
engagement, annonçait l’envoi de 600 soldats supplémentaires. Ont suivi, en particulier
les mois derniers, les communiqués de victoire du ministère des Armées.
Pourtant, dans les quinze derniers jours, cinq militaires français ont sauté
sur des mines, manifestation parmi d’autres du fait que la France et ses alliés
n’arrivent pas à maîtriser la situation. Et puis, il y a cette interview du
général Lecointre, chef des Armées, dans Le
Monde du 17 décembre qui fait entendre un son de cloche qui n’est pas celui
du triomphe :
« Le
chef d’état-major des armées ne s’en cache pas. Il pousse depuis un certain
temps pour un retrait partiel de ses troupes : “Dès
que je pourrai limiter le niveau d’engagement de mes armées je le ferai”, assume-t-il. »…
Et de
se plaindre du manque de cœur à l’ouvrage des alliés locaux :
« “Nous souhaitons que les Maliens nous
aident à les aider. Il y a du travail”, a lâché sans ambages le général Lecointre à
la presse malienne à l’issue d’une rencontre avec le président de la transition
Bah N’Daw, le 11 décembre, à Bamako. Comme d’autres, le chef d’état-major
des armées regrette les gages de façade donnés, selon lui, à la communauté
internationale par les équipes de l’ancien
président Ibrahim Boubacar Keïta, renversé par un coup d’État
en août. “A chaque fois que
je viens, je le dis : il n’y a pas de rente de situation. Il faut toujours
rappeler que l’on va lâcher le porte-bagages”, insiste-t-il. »
Pour conclure :
« On ne négociera
jamais avec les terroristes. Mais il faudra bien trouver une solution
politique. Un soldat doit savoir pactiser. C’est un devoir. Pour moi ce n’est
pas une question morale. On ne pourra pas faire la paix au Mali sans une vaste réconciliation
qui dépasse les critères occidentaux. C’est ma conviction. »
La « réconciliation
qui dépasse les critères occidentaux », autrement dit qui passe
par-dessus bord les arguments de défense des « valeurs » qui
camouflaient la défense des profits liés à l’extraction des matières premières
annonce en fait une évolution « à l’afghane » de la position de l’impérialisme
français. C’est en tout cas la position du général Lecointre, même s’il n’est
pas certain que ce soit à ce stade celle de Macron. Mais on ne peut exclure le
retrait progressif des troupes dont l’entretien est désormais au-dessus des
forces de l’impérialisme français en essayant de négocier au mieux avec les
futurs maîtres de la région la perpétuation du pillage des richesses de la région.
Et là encore sans garantie quant au résultat final…
Chômage de masse et plans de
licenciement
Si l’on
en revient à ce qui se passe en France même, il faut bien sûr commencer par
indiquer que c’est le prolétariat et la jeunesse qui paient durement la crise,
en particulier sous la forme de la brutale augmentation du chômage. L’INSEE
indiquait déjà en novembre :
« Au
troisième trimestre 2020, le nombre de chômeurs au sens du BIT atteint 2,7
millions de personnes en France (hors Mayotte), en hausse de 628 000
personnes. Sur le trimestre, le taux de chômage au sens du BIT bondit de 1,9
point, à 9,0 % de la population active, après une baisse de 0,7 point le
trimestre précédent. Il se situe 0,9 point au-dessus de son niveau d’avant-crise
sanitaire au quatrième trimestre 2019. »
Le
chiffre de 628 000 chômeurs supplémentaires sera nécessairement largement
majoré au quatrième trimestre. Il faut en outre répéter que le chiffre « officiel »
du chômage n’intègre pas le « halo » du chômage, c’est-à-dire la
fraction de la population réellement privée d’emploi mais qui a officiellement
renoncé à en chercher. Si on intègre le fait que le cumul des différentes
catégories de chômeurs (A, B, C) aboutit au chiffre de plus de 6 millions, si
on y ajoute que le chiffre du « halo du chômage » a considérablement
augmenté en 2020, et qu’il était déjà évalué en 2019 à 1,7 million de
personnes, la réalité du chômage dans le pays est selon toute probabilité
largement au-dessus des 8 millions de personnes.
Il est
régulièrement grossi non seulement des faillites qui frappent les petites
entreprises, artisanales et commerciales, mais aussi des plans de suppressions
de poste qui ont déferlé en cascade au cours de ces derniers mois :
Airbus, Renault (où l’usine historique de Flins ne produira plus le moindre
véhicule), Vallourec, Auber et Duval, Sodexo, Société Générale, Danone… La
liste n’est pas complète et ne cesse de s’allonger. En cumul entre le 1er mars
2020 et le 3 janvier, 80 379 ruptures de contrats de travail ont
été envisagées dans le cadre de PSE. C’est « près
de trois fois plus que sur la même période en 2019 », où ce chiffre était de 29 467,
précise la direction des statistiques (Dares), qui souligne que 763 PSE
ont été initiés depuis mars (contre 410 sur la même période en 2019).
Le
patron de Danone vient, avec cynisme, de donner les raisons de son plan de
licenciements. La marge opérationnelle de Danone (rapport entre le résultat d’exploitation
et le chiffre d’affaires) est pourtant conséquente, puisqu’elle s’élève à
14 %. Mais déclare-t-il : « A
partir du moment où ses concurrents proposent (Nestlé, Coca Cola ndlr) des
rendements supérieurs, son groupe ne peut se laisser distancer ». Le
plan de licenciements est fait pour atteindre le nouvel objectif de 20 %
de marge. C’est là une expression saisissante de la façon dont l’activité
économique et la marche de la société se trouvent soumises aux exigences du
capital financier qui, tel un parasite, exige de prélever sur elles un tribut
toujours plus lourd. Et ce qui s’annonce est pire. Dans le transport aérien,
est à l’ordre du jour la suppression de la moitié des postes de personnel au
sol, un plan social de grande envergure se prépare à la SNCF : ce ne sont
que quelques exemples.
Pour sortir de la terrible
impuissance du prolétariat : la seule issue
Le
constat majeur, face à cette déferlante de plans de licenciements, c’est la
terrible impuissance dans laquelle se trouve le prolétariat, constat qui du
reste ne vaut pas seulement pour la France, mais aussi au minimum pour toute l’Europe,
voire pour l’ensemble des pays capitalistes avancés.
Plutôt
que de mettre en accusation les travailleurs eux-mêmes, comme le font en
permanence les bureaucrates syndicaux cherchant à camoufler leur propre
responsabilité, il faut comprendre le pourquoi de cette impuissance. Les
travailleurs savent bien que les licenciements qui frappent leur entreprise
procèdent de la situation économique d’ensemble. A Renault, ils mettent les
licenciements en relation avec le formidable rétrécissement du marché automobile
(une baisse de 25 % entre 2019 et 2020) ; à Air France, avec la
baisse massive de la fréquentation du transport aérien. En même temps, ils
voient bien les besoins immenses non satisfaits à l’échelle sociale : l’épouvantable
pénurie de personnels hospitaliers, d’enseignants, le délabrement des services
publics en général, du transport collectif, la criante pénurie de logements à
des prix abordables en particulier pour les familles ouvrières et populaires.
La
satisfaction du mot d’ordre aussi vieux que le mouvement ouvrier lui-même :
Droit au travail ! Supposerait donc que soit organisé par les directions
du mouvement ouvrier le combat d’ensemble sur les revendications permettant de
le garantir : échelle mobile des heures de travail (partage du travail entre
toutes les mains disponible sans diminution de salaire), création des postes là
où existent les besoins sociaux criants (santé, enseignement, construction de
logements, transports collectifs).
Personne
ne peut penser une seule seconde que la satisfaction de ces revendications
pourrait être obtenue sans que soit remise en cause la domination du capital,
en clair que soient expropriés les grands moyens de production, les banques,
les grandes entreprises commerciales. En ce sens, Léon Trotsky écrivait en 1935 :
« La plus immédiate de toutes les
revendications doit être l’expropriation des capitalistes et la
nationalisation (socialisation) des moyens de production. Cette revendication
est irréalisable sous la domination de la bourgeoisie ? Évidemment. C’est
pourquoi il faut conquérir le pouvoir. »
(Encore une fois, où va la France ? II. Les revendications
immédiates et la lutte pour le pouvoir, fin mars 1935)
Le premier pas d’un tel combat d’ensemble consisterait, pour les directions
syndicales, à organiser une conférence nationale des délégués d’entreprise élus
et mandatés par les travailleurs réunis sur la première et élémentaire exigence :
pas un seul licenciement, annulation de tous les plans de suppression d’emploi !
Les appareils syndicaux se
vautrent dans le soutien pur et simple aux plans de licenciements.
Un exemple : Michelin
Mais ce
que voient les travailleurs, c’est une toute autre politique des appareils
syndicaux, celle du soutien sans fard aux plans de licenciement.
Un
exemple est particulièrement illustratif, celui de Michelin.
Michelin
vient d’annoncer un plan de 2 300 suppressions de poste, dont 40 % de
licenciements purs et simples (sous forme de rupture conventionnelle). La
production de masse de pneus à bas coût en particulier d’origine chinoise
restreint considérablement la place de Michelin sur le marché du pneumatique,
le confinant dans des productions spécifiques ou haut de gamme.
Le plan
de Michelin a été immédiatement salué par Bianchi, maire PS de Clermont-Ferrand
dans ces termes : « Michelin le fait avec ses méthodes
habituelles, de concertation et également sur la base de départs volontaires.
On assiste plus à une restructuration pour être compétitifs qu’à de réels
licenciements. On aimerait que d’autres entreprises, quand cela arrive, le
fassent avec autant de bienveillance. »
Mais il
faut aussi citer les réactions des appareils syndicaux.
CGC
(majoritaire sur le site de Clermont-Ferrand) : « Nous allons être
très vigilants...Nous voulons avoir une vision d’ensemble du projet que nous ne
remettons pas en cause ».
SUD :
« Il n’y a aucun investissement dans le projet. Sans investissement, il
n’y a pas de projet industriel… Ce n’est pas comme ça qu’on fait de la
co-construction ».
CFDT :
« Nous sommes pour la co-construction mais en confiance et avec une
volonté commune et un objectif partagé ».
CGT :
« Les négociations vont être très compliquées puisque les décisions
sont prises. Nous allons essayer d’obtenir le maximum et de préserver les sites
en demandant des investissements et des embauches de personnel au lieu de
suppressions de poste ».
A noter
le cynisme particulier du dirigeant CGT qui ne se prononce en aucun cas pour le
retrait du plan qu’il annonce aller négocier… tout en demandant l’embauche de
personnel !
C’est
au mur de la politique des appareils syndicaux que la classe ouvrière se trouve
confrontée, sans avoir à ce stade les forces de le franchir.
Une rafale de journées d’action
pour pimenter la politique
de « co-construction » avec le gouvernement et le patronat
Une des
pièces essentielles de cette orientation des appareils syndicaux, c’est la
rafale de journées d’action « culminant » dans celle du 4 février.
Cette
rafale de journées d’action est ainsi annoncée dans le communiqué intersyndical
du 22 décembre :
« Nos
organisations décident d’impulser un processus de mobilisations et d’initiatives
tout au long du mois de janvier et début février pour la préservation et le
développement de l’emploi et des services publics, contre la précarité. »…
« C’est
pourquoi, les organisations CGT, FSU, Solidaires, UNEF, UNL, MNL, FIDL
proposent un processus de mobilisations et initiatives dès le mois de janvier.
Des déploiements locaux, des tractages et des assemblées générales doivent se
tenir sur les lieux de travail et dans les territoires. Ils permettront de
faire de la deuxième quinzaine de janvier une période de mobilisations
professionnelles pour l’emploi avec notamment 3 journées phares dans la santé
le 21, l’éducation nationale le 26 et dans l’énergie le 28 janvier. »
Dans
cet appel ne sont à aucun moment mentionnées face au déferlement des plans
sociaux la nécessité de formuler la revendication : aucun licenciement,
celle d’un combat centralisé contre les plans de restructuration alors que c’est
aujourd’hui ce qui concentre la défense du droit à l’emploi. De même, l’appel
intersyndical pour le 4 ne souffle mot des concertations organisées boîte par
boîte pour licencier et laminer les droits ouvriers. Cela vaut acceptation, le
message adressé aux responsables syndicaux locaux est clair : c’est
allez-y, il n’y a pas d’autre solution. Au final, ce que recouvre cet appel, c’est
une prise en charge du dispositif mis en place par le gouvernement pour
restructurer et organiser les licenciements avec un échelonnement de journées d’actions
pour donner le change.
L’offensive gouvernementale
ne faiblit pas
Car l’offensive
gouvernementale ne faiblit pas. Outre la brutale accélération de la mise en
place de l’État policier (voir plus bas), il ne se passe pas un jour sans que
le gouvernement n’annonce une nouvelle offensive. Dans les hôpitaux les
fermetures de lits et de postes se poursuivent à un rythme intense. Dans le
Grand Est, confronté à une violente reprise de l’épidémie, 598 postes supprimés
à Nancy. Idem à Reims, avec 184 suppressions de lits (24 % des capacités),
256 à l’APHP, 200 à Caen, 202 à Nantes, 150 à Marseille.
Dans l’enseignement,
après l’adoption de la LPR (Loi de programmation de la recherche – voir dans ce
numéro : « Les militants interviennent »), une véritable opération
de pulvérisation du caractère national de l’enseignement est à l’œuvre :
après le « protocole sanitaire » à la carte, instaurant une inégalité
patente entre les élèves, Blanquer a décidé de la liquidation des critères
nationaux prévalant pour les réseaux d’éducation prioritaire auxquels seront
substitués des « contrats d’établissements » mettant en concurrence
les établissements entre eux, de la liquidation du bac à travers l’extension du
contrôle continu et même d’un décret permettant la modification à tout instant
du contenu même des épreuves, de la liquidation de la formation des enseignants
(les étudiants seront jetés devant les élèves « en formation alternée »
pour 800 euros par mois) : tout cela sur un fond de répression inédit dans
sa violence (sanctions, mutation d’offices, mises à pied : après le lycée
de Melle, le lycée Mauriac de Bordeaux).
Ces
mesures s’inscrivent dans un projet plus vaste de dislocation de la Fonction
publique et des services publics contenu dans le projet de loi dit « 4D »
(décentralisation, déconcentration, différenciation, décomplexification). S’il
était adopté, en vertu du principe de « différenciation » les préfets
acquerraient le pouvoir de prendre des mesures dérogatoires au statut général.
Sortiraient de la Fonction publique d’État nombre de fonctionnaires (par
exemple, les médecins scolaires). La Fonction publique hospitalière serait
disloquée à travers la possibilité donnée aux collectivités locales de recruter
du personnel hospitalier. Serait mise en œuvre la privatisation d’une partie du
réseau routier et ferroviaire.
L’État policier en marche
accélérée...
Mais c’est
sans doute dans la mise en œuvre de l’État policier que l’offensive de Macron
est la plus brutale.
Les
deux derniers mois ont vu s’accumuler un ensemble de lois, projets de loi,
décrets qui sont autant de coups mortels contre les libertés démocratiques :
La LPR
prévoit de sanctionner d’une peine allant jusqu’à trois ans de prison toute « intrusion »
dans les universités non autorisée. Cela peut concerner aussi bien une
assemblée générale improvisée qu’un rassemblement au siège du Conseil d’administration,
par exemple contre des suppressions de poste ou de formation. Sans doute, le
Conseil constitutionnel vient de censurer cette partie de la loi. Mais le passé
montre assez que ce genre de proposition un temps écarté finit toujours par
réapparaître.
La loi « confortant
les principes de la République » (anciennement nommée loi « contre le
séparatisme ») permet notamment de punir d’une peine allant jusqu’à 5 ans
de prison toute diffusion publique d’information sur l’identité de fonctionnaire « dans
une intention malveillante ». Sous couvert de protection des enseignants,
il s’agit surtout de protéger les flics et d’interdire la dénonciation de leurs
exactions. C’est aussi un instrument permettant de manière totalement
arbitraire et sans limite de dissoudre n’importe quelle association ou
organisation. La procédure ayant conduit à la dissolution du Collectif contre l’Islamophobie
– quoiqu’on pense de l’orientation de ce collectif, c’est une véritable
forfaiture de lui imputer la responsabilité de l’assassinat de Samuel Paty – en
donne un avant-goût. Le Monde du 1er
janvier indique :
- [Le projet de loi] « confortant le respect des principes de la République »
adopté en conseil des ministres le 9 décembre prévoit dans son
article 8 d’élargir les motifs de dissolution administrative d’une
association, « de manière à réduire les cas où une telle mesure ne
peut être mise en œuvre en raison d’un défaut de base légale » (souligné par
nous), lit-on dans l’étude d’impact. Pour cela, le texte prévoit
notamment « la possibilité d’imputer à une
association ou à un groupement de fait les agissements qui sont soit commis par
des membres agissant en cette qualité, soit directement liés aux activités de
cette association ou de ce groupement. »
- la publication de trois
décrets le 4 décembre permettant un fichage général aussi bien au nom de la « prévention
des atteintes à la Sécurité publique »… que comme préalable à certains
recrutements de la Fonction publique. Parmi les éléments des fiches ainsi
constitués sur des centaines de milliers de personnes dans le pays figurent « les
opinions politiques », « les convictions philosophiques et
religieuses », « l’appartenance syndicale », « les données
de santé révélant une dangerosité particulière », « les comportements
et habitudes de vie » (sic), » les déplacements et
pratiques sportives » (sic).
- Mais
surtout, au cœur de l’offensive, la loi Sécurité globale comprend un véritable
arsenal de mesures menaçant de prison ferme la diffusion de toute vidéo ou
image d’interventions policières lors de manifestations. Elle permet aussi l’armement
des polices municipales, la possibilité pour des entreprises de sécurité privée
d’effectuer des contrôles et de prendre des mesures jusqu’ici l’apanage des
fonctionnaires de police.
Les appareils
syndicaux refusent d’appeler
à manifester à l’Assemblée nationale le 17 novembre et d’organiser le moindre
combat…
Le 17
novembre, figurait à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale à la fois le vote
de la LPR et l’ouverture de la discussion sur la « loi Sécurité globale ».
Dans les jours qui précédaient, quasi silence des directions syndicales CGT, FO,
FSU, UNEF sur la loi Sécurité globale. Il faut d’ailleurs préciser : d’un
long communiqué de l’appareil FO ressort surtout… le souci de l’appareil FO de
la sécurité des policiers !
Toutefois,
les syndicats de journalistes directement dans la ligne de mire du gouvernement
du fait de l’interdiction qui leur est faite de rendre compte des
manifestations en vertu de l’article 24 de la loi appellent à un rassemblement
à l’Assemblée nationale en compagnie notamment de la LDH.
Le jour
même de la manifestation, en date du 17, la direction de la CGT sort un
communiqué appelant au rassemblement à l’Assemblée nationale… à 16 heures. C’est
à se demander si le communiqué n’est pas postérieur… au rassemblement lui-même.
C’est une mascarade ! Mais il faut reproduire l’orientation sur laquelle
se situe ce communiqué :
« Le
tout sécuritaire ne peut être la réponse à la crise que traverse notre société.
Les solutions sont à trouver par une autre répartition des richesses, par une
politique marquée du sceau de la justice et du progrès social et la mise à bas
des politiques d’austérité menées ces dernières années par les gouvernements
successifs.
Pour
la CGT, la « sécurité » de demain doit être au service de toute la
population et assurée par un service public uniforme sur tout le territoire ;
dotée de moyens humains et matériels ; contrôlée par la population de façon
démocratique et être garante de la devise de la République : Liberté -
Égalité – Fraternité. »
Pas un
mot n’est dit pour le retrait du projet de loi. Par contre, la CGT se prononce
pour une « bonne police » « dotée de moyens humains et matériels »
(pour cela, Macron et Darmanin s’en occupent).
Le 17 à
l’Assemblée, les flics interviennent violemment, des journalistes sont
embarqués en application anticipée de la loi.
L’appareil
policier, quant à lui, sous la houlette du préfet Lallement, reçoit le message « cinq
sur cinq ». Quelques jours plus tard, un rassemblement de migrants qui
avaient été précédemment expulsés de leur campement, est violemment matraqué
par les flics place de la République. Puis un producteur de musique est tabassé
jusque dans son studio. Bref ! Les chiens sont lâchés.
...mais une partie des travailleurs
et de la jeunesse passent outre
Le 21
novembre, des manifestations sont convoquées un peu partout en France par des
collectifs à composition variée. Les directions syndicales CGT, FO, FSU y
brillent encore la plupart du temps par leur absence. Mais dans un certain
nombre de villes, à Paris mais aussi à Toulouse, Montpellier, la participation
est significative, avec une présence importante de la jeunesse.
Dans
les organisations elles-mêmes, des voix de plus en plus pressantes se font
entendre contre la scandaleuse position des appareils centraux. Le 24 et le 25,
se tient le Conseil national de la FSU. Sous la pression des syndicats
nationaux, la direction de la FSU est contrainte d’ajouter – ce qu’elle avait
exclu au départ – le mot d’ordre de retrait du projet de loi Sécurité globale.
Le 28 à Paris, les Unions régionales Ile-de-France CGT, FO ainsi que la FSU et
l’UNEF appellent à la manifestation.
Le 12 décembre, les
appareils syndicaux donnent à Darmanin un blanc seing
pour le « sabotage » (Mediapart)
du droit de manifester
Le
gouvernement quant à lui, manœuvre. Le groupe parlementaire LREM annonce qu’il
va « réécrire » l’article 24 du projet de loi. Castex nomme une
commission. Larcher juge quant à lui que c’est au Sénat de « réécrire »
le texte. Les polémiques s’étalent dans la presse. Parler de « crise »
serait trop dire. Mais on sent bien qu’il suffirait que les organisations dans
l’unité appellent à manifester au siège du pouvoir pour le retrait des lois
liberticides pour que ces dernières passent à la trappe. C’est précisément ce
que veulent éviter les appareils.
A
chaque manifestation, Darmanin et Lallement multiplient provocations policières
et arrestations, aidés sans doute d’agents provocateurs à l’intérieur même des
cortèges. Le prétexte est tout trouvé par les appareils syndicaux qui annoncent
solennellement que le 12 décembre à Paris, ils n’appelleront pas à manifester.
Lallement
et Darmanin entendront parfaitement le message. La manifestation du 12 à Paris
- à laquelle continuent à appeler un certain nombre d’organisations, mais ni la
CGT ni FO, ni la FSU, ni l’UNEF se tient entre deux rangées de flics serrant
les manifestants au plus près. La manifestation est ensuite nassée, chargée à
des dizaines de reprises tout au long du parcours : plus de cent
manifestants sont arrêtés, gardés à vue 48 heures, la plupart étant ensuite
relâchés sans suite judiciaire. Significativement, aucune « provocation »
n’a pu être constatée ce jour-là par le service « enquêtes » de Mediapart, qui rend ses conclusions le 3
janvier en titrant sans détour que « les
forces de l’ordre ont saboté la manifestation du 12 décembre 2020 » !
C’est que, une fois obtenue la capitulation des dirigeants syndicaux, cela n’est
même plus nécessaire. Quant aux manifestations ultérieures en province (comme à
Nantes le 19 décembre), elles sont ensuite purement et simplement interdites,
manu militari.
Les
appareils syndicaux n’avaient pas appelé à manifester le 17 novembre. Ils ont
appelé à ne pas manifester le 12 décembre. Aujourd’hui, en lieu et place de l’organisation
d’une puissante manifestation au siège du pouvoir pour défaire le gouvernement,
ils multiplient ad nauseam les
démarches auprès du Conseil d’État (lequel les a une première fois renvoyés
dans les cordes). Et sont programmés deux samedis en janvier les habituelles « manifestations
décentralisées », visant à éluder tout affrontement avec le gouvernement.
Jusqu’au bout, combattre
pour la manifestation centrale au siège du pouvoir
pour le retrait des lois et décrets liberticides
Il n’y
a aucune raison cependant de considérer que le gouvernement et les appareils
syndicaux ont d’ores et déjà remporté la partie. Une fraction des travailleurs
et en particulier de la jeunesse a non seulement manifesté sa disponibilité au
combat contre l’État policier mais a en partie réussi à passer par-dessus les
obstacles dressés par les appareils du mouvement ouvrier dans ce sens. C’est
dans la continuité de ce qui s’est passé au printemps avec les deux puissantes
manifestations de la jeunesse initiées par le Comité « Justice pour Adama
Traoré ».
L’intervention
des militants dans les organisations syndicales – par exemple au congrès
national du SNCS (Syndicat national des chercheurs)-FSU, où une majorité,
malgré l’appareil central du syndicat, s’est prononcée pour la manifestation
centrale -, témoigne de l’écho que rencontre le combat sur cette orientation.
Il faut bien sûr continuer ce combat jusqu’au bout.
Le prolétariat ne se
laissera pas broyer
Si
limités que soient les éléments manifestant une résistance des masses à la
violente offensive des gouvernements au service du capital, offensive combinant
remise en cause brutale de leurs conditions d’existence et violente attaque
contre les libertés démocratiques, ils témoignent des développements de la
lutte des classes à venir.
D’un
côté il y a le désarroi des travailleurs qui s’alimente au manque de
perspective politique, la paralysie dans laquelle les maintient la politique
des appareils. De l’autre, il y a la nécessité dans laquelle ils se trouvent,
et vont se trouver plus encore, de combattre pour assurer leur simple survie.
De ces deux facteurs, historiquement, il est inévitable que le second finisse
par l’emporter.
On le
voit déjà dans un certain nombre de pays. En Algérie, la politique de « dialogue
inclusif » avec le régime a fini par faire refluer le hirak, ce puissant
mouvement qui pendant 18 mois a ébranlé le régime. Mais rien n’est réglé pour
autant. Le referendum organisé par celui-ci a été un échec retentissant.
Aujourd’hui, se multiplient les grèves ouvrières qui illustrent ce qui est
écrit plus haut : le plus souvent, c’est contre les licenciements et pour
le paiement des salaires impayés depuis des mois qu’elles se déclenchent.
Mais
sans doute, c’est aujourd’hui en Inde – CPS
aura probablement l’occasion d’y revenir - qu’ont lieu les événements les plus
significatifs de la lutte des classes. Prenant le relai des manifestations de
la jeunesse bravant la mitraille de Modi contre les lois racistes
anti-musulmans du régime, puis de la grève ouvrière entraînant des dizaines de
millions d’ouvriers et d’employés contre la liquidation du code du travail, et
l’ensemble de l’offensive anti-ouvrière, ce sont aujourd’hui des dizaines de
millions de paysans pauvres qui se sont engagés dans une mobilisation de grande
ampleur contre les lois du même gouvernement Modi qui les condamnent à mort en
liquidant les prix agricoles garantis. Des centaines de milliers d’entre eux
ont en particulier convergé vers New Dehli aux cris de : « A mort Modi ! »
Mais on
ne doit, ni en Inde ni ailleurs, enjoliver la réalité et camoufler les
obstacles. Il est clair que toute la situation en Inde met à l’ordre du jour la
grève générale, l’alliance ouvrière et paysanne pour en finir avec le
gouvernement Modi, que la violence anti-ouvrière, l’organisation de véritables
massacres anti-musulmans apparente à un gouvernement fascisant.
Mais
les différents partis issus du stalinisme en Inde qui occupent une position de
direction politique tant chez les paysans que dans la classe ouvrière mettent
tout en œuvre pour éviter la chute du régime. Ils maintiennent la fiction d’un
mouvement « pacifique » et « apolitique » et cherchent à
attacher le mouvement au parti bourgeois du Congrès. Ils cherchent à éviter que
se réalise l’unité des ouvriers et des paysans contre le régime.
En Inde
comme dans tout autre pays, la question centrale à résoudre est celle de la
direction révolutionnaire du prolétariat. C’est l’édification d’une telle
direction révolutionnaire qui est partout indispensable pour permettre au
mouvement du prolétariat, partant de sa résistance à l’offensive barbare du
capitalisme en crise contre ses conditions d’existence, de se hisser jusqu’à la
conquête du pouvoir politique. Car il n’est pas d’issue en dehors de la
constitution de véritables gouvernements ouvriers, démantelant dans chaque pays
l’appareil d’État bourgeois, expropriant le capital, socialisant les grands
moyens de production pour permettre que la production soit organisée en
fonction des besoins des larges masses et non plus de la réalisation du profit.
Il n’est pas d’issue en dehors de la constitution, d’abord à l’échelle de
parties entières de la planète, des États unis socialistes (États unis
socialistes d’Europe, du Maghreb, d’Amérique latine, etc.) rejetant aux
oubliettes de l’Histoire les vieux antagonismes nationaux que la crise du
capitalisme fait resurgir avec force.
C’est
vers la résolution de cette question de la direction révolutionnaire que
tendent tous les efforts des militants regroupés autour de Combattre pour le Socialisme, qui entendent, à la modeste place qui
est la leur, œuvrer à la construction du Parti ouvrier révolutionnaire, de l’Internationale
ouvrière révolutionnaire.
Le 7 janvier 2021
= oOo =
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