Éditorial du
bulletin « Combattre pour le socialisme » n°76 (n°158) -
12 mars 2020 :
Regarder la vérité en face
Après les dix journées d’action organisées par les
appareils visant à essorer tout le potentiel de combat qui existait au sein du
prolétariat, alors que les dirigeants ont fait l’essentiel en permettant à la
« conférence de financement » de la réforme de se mettre en place, la
première responsabilité des militants révolutionnaires consiste à regarder la
vérité en face : les chances pour le prolétariat d’éviter la défaite sont
infimes.
Certes, on peut considérer
que la victoire du gouvernement ne sera définitivement actée que lorsque
l’assemblée des godillots LREM aura adopté l’ensemble de la loi. Cela étant, la
discussion à l’Assemblée est largement entamée. Et chaque jour qui passe rend
le recours à l’article 49-ter qui, conformément aux institutions de la Ve
République permet de faire adopter la loi sans vote, plus probable. Et on peut
constater avec quel soin minutieux, les dirigeants syndicaux CGT, FO, FSU ont
fait en sorte que les « débats » à l’Assemblée ne soient en rien
troublés par quelque mobilisation que ce soit.
Ce n’est pas nous qui le
disons, mais Djeballi, le secrétaire UNSA-RATP
Métro-RER : « Le 17 février,
c’est la première journée d’examen du texte de la réforme à l’Assemblée
nationale. Donc le 17 février devient la date la plus importante de cette
lutte… La télé, la radio, tous les média l’ont compris sauf l’interpro qui passe à côté de ce rendez-vous […] Alors,
ouais, moi je me pose la question de savoir s’ils ont vraiment la volonté de
combattre cette réforme. »
Se poser la question, c’est
y répondre. Le CCN de la CGT du 4 février y avait répondu de la manière la plus
claire. Médiapart
cite le CCN de la CGT :
« Le Comité Confédéral National de la CGT, les 4 et 5
février, “a
aussi débattu de la possibilité d’une manif nationale à Paris, si cette idée
n’est pas écartée, elle n’apparait pas comme une priorité dans les semaines à
venir”. On peut lire dans le rapport
introductif que “certains sont demandeurs d’une manifestation nationale à
Paris, d’autres n’y sont pas favorables avec la crainte que comme par le passé
elle soit considérée comme un baroud d’honneur ou qu’elle représente un frein à
l’élargissement… ».
Jusqu’au bout, Martinez
entend bien se dresser contre toute centralisation du combat contre le
gouvernement avec des arguties (« avec la crainte… qu’elle représente
un frein à l’élargissement ») qu’il est même inutile de commenter.
En dehors du combat pour imposer
aux appareils syndicaux l’organisation de ce combat centralisé contre l’Assemblée
nationale, il ne pouvait y avoir d’issue. A cet égard, la manifestation de
quelques milliers à l’Assemblée le 17
février ‑ violemment réprimée par la police – ne pouvait
constituer cette issue.
Ainsi le cirque
parlementaire pouvait continuer avec les milliers d’amendements de Mélenchon,
l’éventualité d’une « motion de censure », dont la seule fonction ne
peut être que de légitimer le vote à venir et l’Assemblée elle-même, que le
vote s’opère finalement via l’article 49-ter ou pas.
On ne
voit donc pas par quelles circonstances exceptionnelles la défaite pourrait
être évitée. La grève à la SNCF et à la RATP a été isolée et liquidée. Les
quelques tentatives dans la jeunesse lycéenne de combattre le gouvernement sur
son propre terrain (contre « les E3C ») avec les enseignants
ont été laminés par la répression policière, avec la complicité des dirigeants
syndicaux (voir plus bas).
La
seule possibilité subsistante serait le surgissement de la jeunesse étudiante
confrontée à la brutale offensive représentée par le projet de LPPR (loi de
programmation pluriannuelle de la recherche) contre son droit aux études. Mais
précisément, tant le contexte d’ensemble de la lutte des classes que le poids
des défaites antérieures (avec la sélection à l’université introduite par
Parcoursup) rendent les conditions d’un tel surgissement très difficiles.
Certes,
jusqu’au bout, il faut chercher à combattre pour éviter la défaite. Mais ce
serait couvrir la trahison des appareils syndicaux que de ne pas, dès
maintenant, expliquer clairement pourquoi la classe ouvrière et la jeunesse de
ce pays se trouvent aujourd’hui dans une situation aussi périlleuse.
Le prolétariat a montré sa
disponibilité à combattre, les directions syndicales
leur disponibilité… à la concertation sur la mise en œuvre de la réforme
Le 13
septembre, la grève est massive, quasi unanime à la RATP pour la défense du
régime spécial des travailleurs de la RATP. Immédiatement après cette grève,
les dirigeants syndicaux de la RATP – à l’exception de la CGT qui ne s’y ralliera que
plus tard, appellent à la « grève illimitée » à partir du 5 décembre.
C’est presque trois mois plus tard. Il faut le noter : la grève est
massive mais ne donne lieu à aucun débordement. Il y a là une différence
essentielle par exemple par rapport à ce qu’on a pu voir en 1995. L’attente de
trois mois est justifiée par les dirigeants syndicaux par le fait que décembre
est le mois où les travailleurs touchent le treizième mois, ce qui va leur
permettre de tenir. Mais en réalité, les mêmes dirigeants le disent aussi, pour
« donner une chance à la négociation ».
Le fait
est que la concertation ne connaît aucune interruption. Le 26 novembre, le Figaro rend compte de la rencontre
entre Philippe et Martinez. Celui-ci précise qu’il y a eu 22 réunions de
concertation avec le gouvernement sur le sujet. Tous les dirigeants syndicaux
seront à nouveau à Matignon le 18 décembre, alors même que Philippe a, sans
ambiguïté, donné le cadre le 11 décembre devant le Conseil économique, social
et environnemental (CESE), temple du « dialogue social » : ce
qui n’est pas négociable, déclare-t-il, c’est la fin des régimes spéciaux et la
mise en place de la retraite par points.
De son
côté, la direction de la FSU, à la sortie du congrès national de cette
organisation, se précipite dans le bureau de Blanquer pour discuter « revalorisation », alors même
que Blanquer indique clairement que cette dernière vise à « compenser » la baisse attendue des pensions des
enseignants (mieux vaudrait parler d’effondrement du montant des pensions
pouvant aller jusqu’à 40%). Étrange « compensation » du reste,
puisque Macron avait annoncé dès octobre à Rodez qu’il s’agissait surtout de
redéfinir le métier d’enseignant dans le sens de l’augmentation de la charge de
travail, de l’individualisation des carrières, de la réduction des congés.
Teste, le nouveau secrétaire national de la FSU, Rollet,
dirigeante du SNES, son principal syndicat, trouvent
cependant les propositions de Blanquer « floues ».
Ils n’avaient sans doute pas chaussé les bonnes lunettes !
Entre
temps, il y a eu la journée du 5 décembre. La grève est totale à la SNCF et à
la RATP. Elle est massive dans l’enseignement, et importante dans le reste de la
Fonction publique. Les manifestations sont massives. La CGT annonce 1,5 million
de manifestants dans toute la France. La force existe pour faire reculer
Macron, mais cette force est cadenassée, emprisonnée dans le dispositif des
appareils syndicaux qui multiplient les
journées d’action le 10, le 12 et le 17 décembre pour la disloquer.
L’appareil de la CGT (suivi
des autres appareils, FO et FSU) modifie son dispositif
pour mieux encamisoler les travailleurs
Par
ailleurs, la direction de la CGT, suivie par les autres, tire les leçons du 13
septembre et du 5 décembre. A savoir, il est impossible de s’en tenir à la
position du bureau confédéral d’août 2019 : éviter à tout prix « la
posture du non à la réforme », encore défendue par Martinez à la fête
de l’Huma dans un débat avec Delevoye
(les dizaines de rencontres de concertation officielle ne leur suffisaient
pas !), à savoir : oui à un régime universel « aligné sur le
haut » !
Donc
quelques jours après le 5 décembre, les communiqués intersyndicaux évoquent
désormais l’exigence du « retrait de la réforme », confirmés par
plusieurs déclarations de dirigeants confédéraux. Et c’est ainsi que depuis
près de trois mois, la politique des appareils syndicaux prend la forme de
Janus aux deux visages. Pendant que dans les mégaphones des manifestations des
journées d’action, les responsables locaux des syndicats crient à pleins
poumons pour le retrait de la réforme, dans les concertations ininterrompues jusqu’à
la conférence de financement, les dirigeants discutent mesures particulières de
mise en place de la réforme par catégorie, financement de celle-ci et
« équilibre financier » et aussi – la question des questions pour les
appareils centraux – participation des dirigeants à la
« gouvernance » du régime universel. Le double langage est complet,
qui vise à tromper les travailleurs et jusqu’à un certain point y parvient.
Au lendemain du 5 décembre
Mise à part à la SNCF et à la RATP où la grève est
reconduite, nulle part ailleurs il n’y a grève au lendemain du 5 décembre. Dans
l’enseignement, la reconduction de la grève reste extrêmement minoritaire, à
l’inverse des annonces claironnées par toute une série de forces politiques
dites « d’extrême gauche » (1) et de syndicats
minoritaires (FO, SUD). Là est la grande différence avec 2003, et d’ailleurs
l’explication tient au moins en partie justement à 2003.
En
2003, les enseignants ont reconduit, établissement par établissement, la grève
contre la réforme Chirac-Raffarin pendant un mois et plus, sans obtenir des
dirigeants syndicaux qu’ils appellent à la grève générale de la Fonction publique. Ils ont été
soigneusement isolés par les mêmes dirigeants, en particulier dans les
transports, dirigeants qui ont cyniquement négocié le report des attaques
contre les régimes spéciaux et refusé d’appeler à la grève (l’attaque contre
les dits régimes interviendra en 2007). Le souvenir de cette défaite demeure
cuisant dans la génération la plus ancienne du corps enseignant. A cela
s’ajoute l’accumulation des défaites depuis 2003 : « réforme »
du collège puis du lycée, réforme des rythmes scolaires, coup brutal porté au
statut des professeurs à travers la liquidation des décrets de 50 qui le
garantissaient, etc. Du coup, les enseignants ne sont nullement disposés à
démarrer établissement par établissement. Ils désertent les prétendues
« assemblées générales départementales » où les mêmes forces
politiques évoquées ci-dessus prétendent leur faire voter la reconduction au
forceps. Mais la défiance vis-à-vis des dirigeants syndicaux ne va pas au delà
du rejet de la « reconductible ». Si là où interviennent les
militants révolutionnaires, des prises de position massives, voire unanimes,
sont adoptées pour exiger que les dirigeants rompent la concertation avec
Blanquer, dans l’ensemble, les dirigeants syndicaux ne sont pas harcelés et
gardent une maitrise totale des événements.
____________________
Note (1) : Pour évoquer ces forces politiques, nous employons à défaut
d’une terminologie plus adaptée la formule « extrême gauche ». La
seule formule rigoureuse possible consisterait à les citer toutes
explicitement, ce qui n’est guère possible. Cela comprend, pour ne citer que
les principales organisations, le NPA (avec ces diverses tendances et sous-tendances), LO, les groupes issus du « lambertisme » (POI, POID), les débris de
« l’anarchisme » : CNT. La formule « extrême gauche » est
celle employée par les médias. Elle n’est pas rigoureuse, à un double titre.
Les organisations ne se distinguent pas entre « gauche » et
« droite », mais par leur origine de classe, d’une part. D’autre
part, la seule chose qui soit « extrême » dans ces organisations,
c’est leur soumission à l’appareil dirigeant des syndicats (selon le cas
Martinez, Veyrier, voire SUD).
La grève à la RATP et à la
SNCF
Il n’en
ira pas de même à la RATP et à la SNCF quant à la reconduction. Là, les
directions syndicales n’ont pas même tenté de s’opposer à la continuation de la
grève après le 5 décembre. Pendant plusieurs semaines il n’y aura ni train ni
métro. Tous s’y étaient préparés : le gouvernement comme les appareils
syndicaux. Il faut quand même le noter : la grève sera surtout celle des
roulants et d’abord des conducteurs, beaucoup moins des personnels de gare ou
de station. Mais surtout, là encore le contrôle de l’appareil syndical demeure
total. Les grévistes sont conviés à des assemblées de ligne ou de dépôt. Ainsi
la force est soigneusement fragmentée ce qui garantit le contrôle de l’appareil
syndical au niveau central. Le combat pour l’assemblée générale de tous les
travailleurs de la RATP, là où il est mené, reçoit le soutien franc et massif
des travailleurs. Mais la force capable de l’imposer effectivement est trop
limitée. Les appareils dirigeants s’opposent évidemment à cette perspective qui
poserait immédiatement celle de la constitution du comité central de grève
intégrant les dirigeants syndicaux et leur imposant le respect de la volonté
des travailleurs (voir dans ce numéro notre supplément CPS RATP).
En même
temps, pèse l’isolement dans la grève de ces deux seules corporations. L’unique
possibilité de briser cet isolement était dans la convocation par les
dirigeants d’une gigantesque manifestation nationale au siège du pouvoir pour
le retrait du projet de réforme-destruction. Il ne fait aucun doute qu’en
particulier au lendemain du 5 décembre, la convocation d’une telle
manifestation aurait donné lieu à un véritable déferlement des travailleurs. A
supposer même qu’un tel déferlement n’ait pas contraint Macron à retirer
immédiatement son projet, il est clair qu’une telle manifestation débouchait
sur une autre situation politique, où d’ailleurs la question de la grève
générale se serait posée dans de tout autres termes. C’est pourquoi toutes les
forces politiques (les appareils dirigeants des syndicats, et leurs supplétifs
de « l’extrême gauche ») s’y sont opposés avec une belle unanimité,
en particulier au congrès national de la FSU.
À cette
perspective, ont été opposés les « grèves reconductibles » et bien
sûr l’égrenage des journées d’action pimentées de l’organisation des
« collectes de solidarité » dont, indépendamment même de toute autre
considération, les initiateurs savaient très bien qu’elles ne permettaient pas
de financer un dixième des journées de salaire perdues. Ainsi, l’étranglement
des cheminots et travailleurs de la RATP a pris le masque hypocrite de la
« solidarité ». Ne restait plus qu’à faire porter aux yeux de ces
derniers la responsabilité de l’isolement aux autres catégories de travailleurs.
Jusqu’à ce que mort s’en
suive…
Il aura
fallu du temps pour en finir avec la résistance des conducteurs de la RATP et
de la SNCF. La grève durera jusqu’à 50 jours. Tout aura pourtant été fait.
Ainsi, après le 18 décembre, la « journée d’action » suivante sera convoquée
pour le 9 janvier. Les tentatives de dresser contre les grévistes les
« usagers » pendant les congés de fin d’année ont peu de succès. A
l’évidence, la force du gouvernement ne tient nullement dans son assise dans le
pays.
Janvier
donne lieu à une véritable orgie de journées d’action : 11 janvier, 14
janvier, 15 janvier, 16 janvier, 23 janvier, 24 janvier (jour de présentation
du projet de loi au conseil des ministres). L’effet de démoralisation est
redoutable pour les travailleurs à l’annonce de la baisse inéluctable de
participation de jour en jour (exception faite d’un rebond limité le 24
janvier), en même temps que s’érode de manière non moins inéluctable le taux de
grévistes à la SNCF et à la RATP. Érosion Lente cependant, ce qui témoigne du refus
– désespéré - de ceux-ci d’accepter la défaite.
Les directions syndicales
transformées en exécutants auxiliaires de la réforme-destruction
Orgie
de journées d’action, orgie de concertations. La Tribune du 24 décembre en dresse la liste :
« L’exécutif
prévoit de concentrer la réunion du 7 janvier sur « quatre
objectifs » : « Partager les impacts sur l’évolution des seuils
relatifs à la pénibilité, renforcer les actions (...) de prévention de la
pénibilité », « construire des dispositifs de reconversion pour les
salariés exposés longtemps à la pénibilité », et « le maintien dans
l’emploi des séniors ».
Plusieurs
ministres recevront ensuite les organisations syndicales et patronales de leurs
secteurs. Olivier Dussopt recevra, durant la deuxième semaine de janvier, les
syndicats de la Fonction publique sur la retraite progressive et ses conditions
de déploiement ainsi que celles relatives à la pénibilité. Agnès Buzyn lancera
le 13 janvier avec les syndicats hospitaliers le chantier de l’aménagement des
fins de carrière à l’hôpital.
Le
tout nouveau secrétaire d’État chargé des Retraites Laurent Pietraszewski
recevra entre le 7 et le 17 janvier les partenaires sociaux à propos de
l’évolution du minimum de pension et des transitions, selon le communiqué de
Matignon.
Le
Ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer poursuivra quant à lui
ses discussions avec les syndicats la semaine du 13 janvier avec pour « objectif
de parvenir en juin 2020 », à « un protocole d’accord sur des scénarios de
revalorisation » pour les carrières des enseignants. Enfin, Frédérique Vidal, ministre
de la Recherche, poursuivra du 6 au 17 janvier ses travaux avec les syndicats
autour de la loi de programmation pluriannuelle de la recherche. »
Tous
les dirigeants s’y rendent, Martinez affectant de se plaindre… de ne pas avoir
été invité ! Les concertations sont cadrées de manière explicite par le
gouvernement qui fait connaître l’avant-projet de loi au moment même où s’ouvre
la nouvelle séquence de concertations. Le projet confirme totalement et dans le
détail l’objectif de démolition de toutes les garanties existantes. Un point à
souligner (Le Monde du 11
janvier) : « Les organisations d’employeurs et de salariés
disposeront d’un pouvoir décisionnaire : elles seront notamment associées
à la fixation de l’âge pivot et détermineront les conditions d’un départ à la
retraite à taux plein. Une “règle d’or” imposant l’équilibre du système” leur
sera dictée: il s’agira de faire en sorte que les comptes ne soient pas dans le
rouge, en raisonnant sur une période de 5 ans ».
Évidemment,
la question de « l’équilibre financier » du
système est totalement pipée puisque par exemple la réforme prévoit le
désengagement massif de l’État quant au financement des retraites des
fonctionnaires. Accepter de rentrer dans ce débat truqué, c’est déjà entériner
la réforme. Pas de quoi rebuter les dirigeants syndicaux comme on le verra plus
bas. Mais on voit bien à travers cette dimension du projet de loi quel rôle est
attribué aux directions syndicales : celui de caporaux de la mise en œuvre
de la réforme chargés d’en assurer l’exécution. Non seulement, ce rôle n’est
pas rejeté par les directions syndicales, mais il est bruyamment revendiqué.
Ainsi ceux qui, comme les dirigeants de la FSU et de Solidaires, ne sont pas
invités à prendre place dans la confrérie des caporaux s’en plaignent
amèrement :
« Cela
fait un moment que le gouvernement a fait le choix de l’intégrer (ndlr :
l’UNSA) dans
toutes les discussions et d’écarter notre organisation et la FSU », se plaint Beynel, au nom de Solidaires, soutenu par le grand frère de
l’appareil CGT qui
« dénonce un tripatouillage » pour « exclure certains et faire entrer une
organisation qui n’est pas représentative au niveau interprofessionnelle ».
Ainsi,
au moment même où les communiqués intersyndicaux continuent à revendiquer
officiellement le retrait de la réforme, les bureaucrates syndicaux jouent des
coudes pour trouver place dans le futur conseil d’administration de la réforme.
Une tentative de se dresser
contre le gouvernement dans la jeunesse et le corps enseignant :
la lutte pour empêcher la mise en place des E3C
Il faut
toutefois le noter : pendant que de journée d’action en concertation, de
concertation en journée d’action, les possibilités de combat des travailleurs
étaient progressivement liquidées, apparaissaient dans certains établissements
– une minorité certes mais une minorité significative - des tentatives de se
dresser contre la liquidation du baccalauréat dont la première étape consistait
dans la mise en place des E3C (nous renvoyons le lecteur à l’article
Enseignement public de ce bulletin). On se contentera ici de quelques brèves
remarques :
Cette
lutte s’est engagée dans les pires conditions : d’abord parce que les E3C
ne sont que l’application d’une contre réforme (celle des lycées) déjà actée –
avec la pleine participation qui, se continue des directions syndicales, en
particulier celle du SNES ; ensuite parce que les épreuves d’E3C, s’égrenant
sur plusieurs semaines au gré des calendriers de chaque établissement, la
centralisation de ce combat est pour ainsi dire impossible.
Néanmoins,
la tentative de faire en sorte que les épreuves ne se déroulent pas a eu lieu
par la grève des enseignants chargés de faire passer les épreuves et aussi par
les tentatives de blocage de l’accès aux épreuves des lycéens. Mais cette
tentative a été brisée : d’une part par une répression de l’État policier
qui a pris – avec la complicité des chefs d’établissement – une ampleur inédite
(voir article Enseignement), d’autre part par le fait que dans le même temps
qu’avaient lieu ces tentatives, les directions syndicales continuaient à
participer au « comité de suivi de la réforme », se félicitant même
d’y être entendus.
Ainsi,
se révèle le véritable contenu du soutien, par exemple de la direction du SNES
au « boycott » des E3C. Voici à titre d’exemple la forme que prend le
« soutien » des bureaucrates du SNES de l’Académie d’Aix-Marseille à
la mobilisation des enseignants et lycéens :
« Nous appelons donc à des
rassemblements de soutien à la grève des surveillances, qui n’empêchent pas
l’accès aux bâtiments publics. Si des blocages ont lieu, nous conseillons aux
militants, aux syndiqués et aux sympathisants de s’en tenir à bonne distance.
Si la tension monte, si des heurts ont lieu, si les forces de l’ordre
interviennent, nous conseillons aux S1 d’appeler à la dispersion du
rassemblement. Soyons attentifs à nos élèves, qui découvrent l’action
collective, et qui n’ont pas besoin d’une première expérience qui se termine
par des sanctions qui les détourneraient définitivement des mobilisations
futures (les distributions de tracts que nous faisons devant les facs avec les
syndicats étudiants sont effarantes sur ce point !). Médiatiquement, il ne
serait pas judicieux que des drapeaux ou des badges du SNES ou de la FSU
apparaissent sur des images de heurts » (communiqué du 1er
février).
Un cran supplémentaire dans
les mesures de l’État policier
La
brutalité de la répression n’est pas pour rien dans le fait que la jeunesse
soit restée largement à l’écart de la mobilisation sur les retraites. Depuis la
loi El Khomri, les flics interviennent massivement, brutalement contre toutes
les tentatives de la jeunesse. On a assisté ainsi à l’irruption de ceux-ci dans
les lycées pour des épreuves se passant ainsi « sous contrôle »,
alors même que les professeurs étaient interdits d’accès à l’établissement. Des
délégués syndicaux ont été convoqués au commissariat parce qu’ils étaient
rentrés dans un établissement scolaire, et sous la menace de sanctions
administratives. Un enseignant a été suspendu pour plusieurs mois pour
participation à la lutte contre les E3C. De même des sanctions collectives ont
été prises ou sont en cours pour le même motif dans une bonne dizaine
d’établissements, des élèves « boycotteurs » ou accusés de l’être se
sont vu attribuer la note zéro à l’épreuve E3C.
À Rennes, Paris les étudiants qui tentaient de
rejoindre les manifestations ont été nassés, quand
les facultés n’ont pas été cadenassées pour prévenir toute tentative de
rejoindre les cortèges. Et tout le monde a vu des manifestants piétinés,
traînés par terre sur plusieurs mètres, telle cette travailleuse de la RATP
coupable… d’avoir cherché à récupérer son portable tombé par terre.
Les
flics se livrent sans retenue aux pires exactions parce qu’ils se savent non
seulement soutenus mais encouragés à le faire en fonction de la consigne de
Castaner et de Nunez : « Quand je
dis : aller au contact, c’est aller physiquement à la dispersion ».
Est-ce un hasard si quelques jours après l’assassinat d’un jeune livreur par
étouffement, Macron lors du conseil des ministres du 24 janvier « a
rejeté toute responsabilité des violences policières, regrettant plutôt “une forme de relativisme qui laisserait
croire que la violence exercée par une minorité de manifestants ou des actions
de blocage très, très radicalisées (le mot « radicalisé » est
employé indifféremment par Macron pour caractériser les actes terroristes et
les mobilisations de la classe ouvrière et de la jeunesse, ce qui ne peut être
un hasard, ndlr) seraient justifiées
par une supposée violence d’État organisée.” »
Mais il
faut le dire : dans la nouvelle étape franchie par l’État policier, Macron
et Castaner bénéficient du soutien total des appareils syndicaux, que ce
soutien prenne la forme d’un silence assourdissant sur la répression, ou pire
encore, la forme d’un dédouanement complet du gouvernement, les violences
policières étant attribués à de simples « bavures » ou dérapages
individuels.
La
lettre du secrétaire général de la FSU du 12 février, qui rend en réalité un
vibrant hommage à la « police républicaine » en même temps
qu’elle dédouane de la manière la plus honteuse Castaner de toute
responsabilité quant aux violences policières que celui-ci ordonne, est un
modèle du genre :
« La
police républicaine a pour mission la protection des libertés dont les libertés
syndicales, comme celle de manifester.
Assurer
l’ordre public et la sécurité implique la nécessité de respecter et de protéger
les manifestants, comme celle de garantir les libertés. Les arrestations
arbitraires, avec ou sans violence, les gardes à vue injustifiées, ne sauraient
être tolérées dans un État de droit.
C’est
pourquoi la FSU vous demande solennellement, Monsieur le Ministre, de donner
toutes les consignes nécessaires pour que ces principes républicains ne
puissent être mis à mal par des initiatives policières inacceptables, qu’elles consistent en des arrestations
arbitraires, des actes violents ou des propos menaçants.
Je
vous prie de croire, Monsieur le Ministre, en l’expression de mes salutations
respectueuses. »
Sous
une forme légèrement différente, il en est de même avec la requête de la CGT
déposée avec le SAF (Syndicat des avocats de France) et le syndicat de la
magistrature auprès de la cour européenne des droits de l’homme en janvier pour
l’interdiction des LBD en France. En effet, s’opposer aux seuls LBD, qui plus
est par un recours auprès d’instances européennes, c’est laisser au gouvernement
toute latitude pour développer l’ensemble de sa politique répressive, qui est
loin de se réduire à l’utilisation des LBD.
Ainsi
le gouvernement a toute latitude pour aller plus loin, et dans ce domaine, la
jeunesse étudiante est tout particulièrement dans le viseur de l’État
policier : la décision de certaines universités de conditionner
l’organisation de réunions dans les facs à l’autorisation préalable de la
préfecture, l’adoption d’une réglementation rendant passible de sanction tout
propos « portant atteinte à la réputation de l’université » indique
ce qui est en vue pour le gouvernement : la remise en cause la plus
brutale des libertés démocratiques, comme le droit de réunion ou d’expression.
Le
combat pour le front unique contre la répression, pour la défense des libertés
démocratiques va donc prendre une place prépondérante. C’est le sens de
l’intervention du représentant du courant Front unique au bureau national de la
FSU du 24 février. La réponse de l’appareil dirigeant de la FSU indique assez que,
là aussi, le front unique devra être imposé aux dirigeants par les travailleurs
et la jeunesse.
« Discussion » à l’Assemblée nationale et
conférence sur le financement
Pour le
gouvernement, la contre-réforme rentre dans sa dernière phase. Il faut le signaler :
le « débat » à l’Assemblée nationale et la
conférence de financement se tiennent parallèlement parce qu’ils sont
strictement complémentaires et imbriqués. Les « partenaires sociaux » sont les supplétifs de l’Assemblée
croupion pour compléter le projet de loi. Dans l’État corporatiste, les « syndicats », transformés en rouages de
l’appareil d’État, élaborent eux-mêmes les règles qui doivent régenter les
rapports entre les classes. Sans doute, l’État corporatiste n’est pas réalisé,
les organisations syndicales demeurant malgré les efforts des dirigeants pour
les liquider des organisations syndicales. Mais force est de constater que la
façon dont la réforme-destruction des retraites va être finalisée marque une
étape dans le sens de cette réalisation du corporatisme. Du reste, le fait que
la loi elle-même prévoit plusieurs dizaines d’ordonnances n’a pas d’autre but
que d’associer les directions syndicales à toutes et à chacune de ces
ordonnances par le biais de la concertation qui les précédera.
La convocation
de la conférence de financement a donné lieu à plusieurs scènes de comédie.
L’appareil CGT s’est livré à la « comédie « de
la consultation des fédérations et unions départementales, obtenant ainsi
l’aval de l’appareil intermédiaire (notons tout de même que près de 50% des
instances conviées n’ont pas répondu à la consultation). En même temps,
Martinez et Philippe se livraient à une autre comédie. Martinez a demandé à
Philippe la possibilité pour la CGT de présenter dans la conférence ses propres
« solutions «, affectant de conditionner la
participation de la CGT à cette possibilité. Philippe s’est empressé
d’accepter. Pourquoi aurait-il refusé ? Après que l’appareil CGT a ainsi
déblatéré, la conférence pouvait passer « aux choses sérieuses «. Et la seule chose sérieuse, c’est qu’au nom de l’équilibre
financier, l’âge effectif de la retraite va passer progressivement à 65 puis 66
ans, en attendant mieux. C’est ce que demande et obtient le MEDEF.
Mais
dira-t-on, voilà que les dirigeants CGT et FO envisagent de quitter la
conférence. Perret, numéro 2 de l’appareil CGT l’a annoncé, mais a été
immédiatement démentie. Martinez a fixé un « ultimatum » : « Nous avons également présenté un projet. On
peut ne pas être d’accord avec nos propositions ; au moins elles sont
compréhensibles, ce qui n’est pas le cas du texte du gouvernement. Nous lui
disons donc : soyez clair. Soit vous donnez raison au Medef et vous
officialisez le fait qu’il faudra travailler au moins jusqu’à 65 ans, soit vous
nous donnez raison et vous dites « oui, il y a des moyens de travailler
sur les recettes de la Sécurité sociale en augmentant les salaires ».
Jusqu’à présent, tout le monde l’avait remarqué, Philippe n’avait pas été
clair !
Quant à
FO, l’appareil jugera du « moment opportun »
pour quitter la conférence : « Le 19 février, la commission exécutive
de FO, soulignant que ladite conférence ne peut conduire qu’à une impasse,
“donnait mandat au Bureau confédéral pour décider d’en sortir le moment
opportun”». Donc à ce stade
les dirigeants sont encore présents à la conférence. Cela n’empêche pas les
thuriféraires de ladite «
extrême gauche » (selon
Larousse, le thuriféraire est la « personne qui
loue, vante quelqu’un, quelque chose avec excès », le terme est
donc parfaitement adéquat) d’annoncer bruyamment à l’avance que la CGT et FO ne
siègent plus. Ajoutons la mise
en œuvre de la « contre-conférence
de financement «, en réalité le
clone de la première qui d’ailleurs se tiendra… au Conseil économique, social
et environnemental, haut lieu de la coopération « tripartite » de l’État, du patronat et des
appareils syndicaux.
Mais
pour ce qui est d’un éventuel départ de la conférence, d’un certain point de
vue, l’appareil FO vend la mèche. En même temps que Philippe prépare le recours
à l’article 49-ter, tout en demandant aux députés godillots de faire durer
encore un peu la comédie du « débat « parlementaire,
les appareils entendent continuer pour quelque temps encore la participation à
la conférence sur le financement. Il sera bien temps alors, lorsque les
carottes seront définitivement cuites, d’avoir recours à une fausse sortie pour
donner un os à ronger aux militants.
Quelques leçons et
conséquences prévisibles
Nous
l’avons dit au début : les chances d’éviter la défaite sont désormais infimes.
En tout état de cause, il n’est pas trop tôt pour essayer de tirer quelques
leçons des événements.
Pendant
des semaines, les appareils syndicaux n’ont eu d’autre objectif que d’éviter le
véritable affrontement avec le gouvernement Macron sans lequel la victoire
était et demeure impossible. C’est d’autant plus vrai que l’enjeu est immense.
L’adoption de la réforme-destruction, qui fait suite aux ordonnances détruisant
le code du travail, à la réforme-liquidation du statut de la Fonction publique, à la privatisation de la SNCF, celle en cours de
la RATP signifient que le pays est sorti du « compromis de l’après-guerre » où, devant la menace de tout perdre,
la bourgeoisie française avait concédé notamment le statut de la Fonction
publique, la Sécurité sociale, dont le système de retraite était partie
prenante. De ces acquis de l’après-guerre, tout n’a pas complètement disparu.
Mais ils sont désormais profondément entamés.
De la
défaite probable, les organisations syndicales vont sortir à nouveau largement
affaiblies. Mais de cet affaiblissement, l’appareil central des syndicats n’a
cure. Sa survie comme appareil dépend de moins en moins de la force des
adhésions. Par exemple sur le plan financier, il n’en dépend plus du tout. Il
dépend de sa participation aux divers organes de participation mis en place par
la Ve République. Ce n’est pas un hasard si les appareils centraux accordent
une telle importance à leur place dans la future « gouvernance » du système. A cet égard, la réforme
des retraites complète les ordonnances Macron qui ont liquidé les délégués du
personnel ainsi que la loi dite de transformation de la fonction publique qui a
liquidé les CAP au profit d’instances de cogestion : les CSE dans le
privé, et les Comités sociaux d’administration (CSA) dans la Fonction publique,
la conséquence étant la concentration des
décharges syndicales sur un noyau plus réduit d’apparatchiks menant une
existence de plus en plus distante à tout point de vue des travailleurs. La
marche à la constitution d’un appareil syndical totalement indépendant de la
classe ouvrière est la condition indispensable à ce qu’à une autre étape, la
quantité se transformant en qualité, les organisations syndicales soient
détruites. Répétons-le : nous n’en sommes pas encore là, mais il est clair
qu’un pas dans ce sens vient d’être accompli.
S’agissant
de la classe ouvrière elle-même, en particulier de la classe ouvrière
productive de plus-value dans l’industrie, des centaines d’articles ont été
écrits pour expliquer sa quasi absence de la mobilisation. Il ne faut pas nier
que les attaques successives contre elle qui ont toutes pour but de miner ses
capacités de réaction collective n’y sont pas pour rien : destruction des
conventions collectives et du « principe de faveur », nouvelles formes d’esclavage du prolétariat (uberisation,
auto-entreprise). Il n’est pas anecdotique que dans un secteur qui jusque là
avait conservé un certain nombre de garanties collectives, celui des employés
de banque, la Caisse d’épargne s’apprête à embaucher des « auto entrepreneurs ». Mais il y a un facteur plus
immédiat. Ce qui reste des grandes entreprises industrielles en France a été
laminé par des plans de licenciements massifs, avec une accélération au cours
de la dernière décennie : PSA, Ford, Alstom, Michelin, Goodyear,
Continental. Les dirigeants syndicaux ont à chaque fois, y compris lorsqu’ils
étaient étiquetés « d’extrême
gauche » (LO à PSA, NPA à
Ford), « négocié » les plans de licenciements qui ont
abouti le plus souvent à la fermeture totale de l’usine (Ford Blanquefort, PSA
Aulnay). S’en est suivi un profond désarroi, un immense scepticisme sur la
possibilité de résister victorieusement. Évidemment, il n’était pas impossible
que ce désarroi soit surmonté. Mais il ne pouvait l’être que si les directions
syndicales avaient présenté aux travailleurs un véritable plan de guerre contre
le gouvernement. On ne peut douter par exemple du fait que les cortèges
ouvriers eussent été massifs dans une manifestation centrale au siège du
pouvoir convoquée en temps et en heure pour le retrait de la
réforme-destruction. Mais à partir du moment où ce qui leur était proposé,
c’était de rejoindre la litanie des « journées
d’action » dont
intuitivement ils connaissaient par avance le résultat, personne n’a bougé.
D’autres
conséquences sont prévisibles. Par exemple, la probable défaite va donner une nouvelle impulsion au Rassemblement national.
Notons à ce propos que dans les municipales qui vont avoir lieu dans quelques
jours, il n’y aura dans l’immense majorité des cas aucune possibilité de voter
pour des listes d’organisations ouvrières, ce qui reste des partis ouvriers
étant associé à des forces bourgeoisies.
Le rôle de ladite « extrême
gauche »
Enfin
il faut accorder un paragraphe à la politique de la dite « extrême gauche ». Elle a joué pleinement son rôle aux
côtés et dans les appareils syndicaux qui ont conduit à la situation rendant la défaite
probable. A partir du 5 décembre, et pendant plusieurs semaines, elle s’est
agitée dans tous les sens pour faire adopter la « grève reconductible » service par service, établissement
par établissement, faisant ainsi porter aux travailleurs la responsabilité de
l’isolement des cheminots et travailleurs de la RATP. Elle s’est chargée elle-même
de faire la police de l’appareil syndical tentant d’interdire toute
interpellation des dirigeants pour que ceux-ci rompent la concertation avec le
gouvernement et organisent le combat central contre lui. Elle a été le fer de
lance des opérations « coup
de poing » et autres
opérations bidon de diversion. Elle a pour ainsi dire battu son propre record
de servilité à l’égard des appareils quand, au congrès national de la FSU, le
13 décembre, elle a rejeté la perspective d’une manifestation centrale au siège
du pouvoir, certains allant même jusqu’à voter le texte de l’appareil syndical
donnant un blanc seing à la concertation « revalorisation »
avec le gouvernement. Ces mêmes forces politiques ont couvert et
continuent de couvrir – au compte de Martinez, Veyrier,
Teste - les voix se dressant contre cette participation par un tapage autour de
la « grève
générale », tapage
d’autant plus dérisoire qu’il intervenait à un moment où les capacités de
combat des travailleurs avaient été laminées par la dizaine de « journées
d’action ». Lorsqu’à une
autre étape des militants se dégageront de la tutelle des appareils pour
chercher la voie du programme révolutionnaire, il ne fait aucun doute qu’ils
trouveront non à leurs côtés mais en face d’eux les micro états-majors des
différents groupes « d’extrême
gauche » : c’est
aussi une leçon de ces dernières semaines.
En France comme à l’échelle
mondiale, le cataclysme économique qui se prépare ne laisse et ne laissera
pas d’autre choix à la classe ouvrière et à la jeunesse que de reprendre le
combat
Il est
évident que la nouvelle défaite qui s’annonce, et qui surpasse en gravité les
précédents, aura un effet d’abattement sur le prolétariat et la jeunesse.
Personne ne peut dire pour combien de temps. Mais tout le monde voit comment
quant à eux le gouvernement, la bourgeoisie entendent dès maintenant mettre à
profit la situation.
Une
violente offensive se prépare contre le droit de grève dans les transports, la
majorité LR du Sénat jouant un rôle d’aiguillon. La course de vitesse est
lancée entre Macron, LR, RN dans les attaques prenant pour cible la population
immigrée, en particulier la population maghrébine. Macron, citation de Maurras
(le fondateur de l’Action française) à l’appui, a pris les devants au nom de la
lutte contre le « séparatisme
islamique ». Le même
Macron a lancé une nouvelle offensive pour la mise au pas de la justice qui,
même si pour l’essentiel elle est aux ordres, est accusée de manquer de zèle
dans la lutte contre « l’antisémitisme ». Et la loi de programmation
pluriannuelle de la recherché (LPPR), nouvelle et violente offensive contre le
droit aux études et le statut des personnels de la recherche et de
l’enseignement supérieur, est d’ores et déjà discutée avec les dirigeants
syndicaux (voir article infra).
Pourtant,
surmontant son abattement, le prolétariat et la jeunesse n’auront d’autre choix
que de reprendre le combat. La lutte de la classe ouvrière en France ne peut
être considérée isolément. Si elle est nationale dans sa forme, elle est
internationale dans son contenu. Or ce qui se prépare à l’échelle
internationale, c’est incontestablement une nouvelle exacerbation de la crise du capitalisme à côté de
laquelle la crise de 2008 va nous apparaître comme un épisode presque anodin.
La faute au
coronavirus ?
La
nouvelle directrice du FMI, Kristalina Georgieva a déclaré le 23 février : « Le
virus, une urgence sanitaire mondiale, a perturbé l’activité économique en
Chine et pourrait perturber la reprise ».
La
reprise ? Quelle reprise ? Il suffit d’indiquer que les USA ont connu
un deuxième mois de baisse de la production industrielle en janvier, qu’au
Japon le PIB a reculé de 1,6% au 4e trimestre 2019 et que la zone euro a vu la
production industrielle baisser de 2,1% en décembre pour constater que ce n’est
pas du tout dans un contexte de reprise que l’épidémie du Coronavirus se
produit. En réalité, elle ne fait qu’accélérer la marche à la récession dans
une situation de fragilité extrême de l’économie capitaliste mondiale.
À cet
égard, on ne peut que renvoyer nos lecteurs à l’article du numéro précédent de
CPS (n°75 du 1-12-2019) : « Sur
fond d’endettement mondial record, un ralentissement économique généralisé
lourd de menaces et de tensions ». Cet article – écrit avant
l’apparition de l’épidémie – se concluait ainsi : « Contrairement à 2008, les bourgeoisies
américaine et européennes, ainsi que la bureaucratie chinoise, se trouvent
aujourd’hui sans recours face à l’approfondissement de la crise, précisément
parce que ce tournant indique qu’une limite a été atteinte dans les
possibilités d’accroître toujours plus l’endettement afin de repousser
l’éclatement des contradictions accumulées. Dans le cas de la Chine, cette
limite constitue une différence de toute première importance par rapport à
2008 : cela signifie que la Chine ne pourra jouer un rôle d’amortisseur de
la crise comme elle avait pu le faire à l’époque (...) la Chine risque au
contraire d’être un des foyers de la crise en préparation avec des effets
d’autant plus ravageurs que la transformation impérialiste de la Chine s’est
accélérée depuis 2008 ce qui a renforcé dans des proportions importantes les
liens entre l’économie chinoise et l’économie mondiale. »
Ce sont
toutes ces tendances qui reçoivent une impulsion supplémentaire avec le
coronavirus, tendances que l’épidémie renforce mais que le virus n’a pas
créées.
D’ores et déjà, des
conséquences dévastatrices pour l’économie mondiale
Alternatives économiques explique :
« Le
recul de la demande chinoise a évidemment des effets majeurs sur certaines entreprises
multinationales très implantées en Chine. General Motors, par exemple, y vend
deux fois plus de voitures qu’aux États-Unis. Et les entreprises allemandes
écoulent, elles aussi, plus de véhicules dans le pays qu’en Europe. Idem pour
Toyota ou Nissan. (…)
Au-delà
de la baisse de la demande chinoise, la première voie de transmission de la
crise épidémiologique à l’économie internationale est le tourisme ; les
dépenses de plus de 150 millions de Chinois qui, en 2018, visitèrent le
monde ont dépassé les 277 milliards de dollars, selon l’Organisation
mondiale du tourisme. Les mesures de confinement réduisent ces échanges à très
peu de chose ; les pays d’Asie, à commencer par la Thaïlande, sont les
plus atteints. La seconde voie passe par la forte baisse de la demande chinoise
de matières premières qui a des effets immédiats sur les cours du pétrole, du
cuivre, du fer…
Enfin,
“l’usine du monde” qu’est la Chine occupe une place centrale dans les chaînes
globales de valeur. Les secteurs les plus touchés sont ceux qui pratiquent le just in time et pour lesquels le pays
est une source significative d’approvisionnement, quel que soit son apport en
matière de valeur ajoutée. La crise affecte la construction automobile (Hyundai
et Toyota ont annoncé des arrêts de production en Corée du Sud et au Japon) et
plus encore les industries de haute technologie, à commencer par les
télécommunications. Le gouvernement chinois a demandé à Foxconn,
l’entreprise taïwanaise qui domine l’assemblage, de ne pas reprendre la production
le 10 février. Une décision qui affecte directement Huawei,
Apple et Amazon. »
À vrai
dire, l’accélération de la crise en Chine a des effets dévastateurs partout
dans le monde aussi bien pour les économies qui fournissent à la Chine les
matières premières indispensables à sa production (pays producteurs
d’hydrocarbures, de métaux) que ceux qui dépendent de la Chine pour les
composants de leurs produits manufacturiers, c’est-à-dire la totalité des
« vieilles » puissances impérialistes, sans parler de ceux qui
exportent en direction de la Chine leur propre production industrielle
(automobiles, machines outils, etc.). La place de la Chine dans l’économie
mondiale – 18% du PIB mondial en septembre 2019, –
fait que désormais « lorsque la Chine éternue, l’économie mondiale
s’enrhume ».
D’inquiétants symptômes
C’est
dans ce contexte qu’il faut analyser les inquiétants symptômes d’une récession
qui menace de manière de plus en plus immédiate.
Le
symptôme le plus apparent est la chute des Bourses. Le marché des actions après
des mois d’ascension s’est brutalement contracté.
Une
dépêche AFP du 27 février indique :
« Tokyo
a donné le la avec une chute de plus de 2% face aux menaces grandissantes
que fait peser la crise sanitaire sur l’organisation des Jeux olympiques.
Plus
tard dans la journée, Wall Street a également plongé à l’ouverture, avec un net
recul du Dow Jones (-1,90%) et du Nasdaq (-2,64%). Ces deux indices accusent
des pertes respectives de plus de 9% et 7% en une semaine.
Mis
à rude épreuve depuis lundi, les marchés européens de leur côté repartaient
fortement à la baisse. A 14h35 GMT, le rouge dominait à Paris (-3,86%), à
Londres (-3,27%), à Francfort (-3,58%), à Milan (-3,05%) ou à Madrid
(-3,63%).
En
une semaine, l’Euro Stoxx, l’indice boursier rassemblant
des grandes valeurs de la zone euro, affiche désormais près de 10% de recul
(-9,81%). »
Il est
certes possible - pas certain - qu’une fois de plus la Bourse se rétablisse
pour un temps. Mais d’autres signes annoncent la récession qui vient. Il en va
ainsi de la constante valorisation de l’once d’or, l’or étant la valeur refuge
par excellence, jusqu’à il y a quelques jours.
De
même, le fait que les bons du Trésor américain aient eu pendant plusieurs
semaines de plus en plus de difficultés à trouver preneurs sur les marchés
indique les limites de la politique de Trump depuis trois ans : à savoir,
financer la croissance US (obtenue par une baisse massive d’impôts aux capitalistes,
par l’augmentation considérable du budget militaire américain) par une
augmentation constante du déficit du budget US.
Que,
conjoncturellement et suite à la sévère chute boursière, les
« investisseurs » aient dû, par manque de liquidité, vendre de l’or –
le faisant à nouveau baisser -, que les mêmes rachètent désormais des
obligations y compris US car ils se détournent des actions ne signifient en
rien que la menace de l’effondrement ait disparu. C’est exactement le contraire
en réalité.
Plus brutale sera la
récession économique, plus violents seront
les coups portés aux masses par les gouvernements
Dès
lors, le seul paramètre sur lequel joue Trump c’est la réduction considérable
des budgets sociaux, comme le montre le projet de budget présenté le 10 février.
Le Monde du 12 indique : « Donald
Trump a décidé de baisser de 5% les dépenses non militaires (500 milliards de
dollars) ce qui est une déclaration de guerre aux démocrates (en réalité
surtout et exclusivement une déclaration de guerre au prolétariat américain)
[...] Il fait des coupes dans la retraite des fonctionnaires fédéraux et
sabre dans les aides sociales […]
M Trump prévoit aussi de réduire le coût des médicaments et les dépenses
gouvernementales de santé... » Ce sont de telles mesures que
mettra en œuvre de manière encore beaucoup plus ample, et partout à l’échelle
mondiale, la récession qui vient, s’ajoutant bien sûr aux plans massifs de
licenciement déjà annoncés partout, par exemple dans le secteur bancaire où
HSBC annonce la suppression de 15% de ses effectifs en Europe et aux
États-Unis.
La question du Parti ouvrier
révolutionnaire, de l’Internationale ouvrière révolutionnaire
est la question décisive
Répétons-le,
de manière différenciée selon les pays sans doute, mais dans une unité
organique à l’échelle mondiale, la classe ouvrière et la jeunesse sont amenées
à s’engager dans de gigantesques mouvements de classe. Elles ne le feront pas
par choix mais par une nécessité vitale, parce que ce combat sera la seule
issue pour échapper à la barbarie – barbarie politique, économique, climatique
- à laquelle les vouerait la perpétuation du mode de production capitaliste.
Elles le feront et elles le font comme l’attestent encore les centaines de
milliers de manifestants qui ont exigé le départ du régime algérien à
l’occasion du premier anniversaire du « hirak ».
Elles le feront et elles le font comme en attestent les manifestations
populaires contre les régimes corrompus en Irak, en Iran et ailleurs, bravant
la mitraille.
Mais
pour s’en tenir à ces deux pays, qu’y a t-il de commun entre la France et
l’Algérie, alors même que, ne serait-ce que par la différence de leurs
puissances, les mobilisations de travailleurs ne peuvent être mises sur le même
plan ?
En
France, la volonté des travailleurs de combattre la réforme-destruction des
retraites a été paralysée et finalement brisée par la politique des appareils
dirigeants des syndicats et des forces politiques qui leur sont soumises. Là où
les militants révolutionnaires ont pu intervenir, combattre pour la rupture des
directions syndicales avec le gouvernement, pour qu’elles organisent
l’affrontement central contre le gouvernement pour le défaire, leur politique a
été comprise et approuvée (voir interventions militantes dans ce numéro). Mais
la force organisée pour mener ce combat est infiniment trop faible pour peser
d’un poids objectif susceptible de renverser la politique des directions
syndicales.
En
Algérie, des centaines de milliers crient à pleins poumons leur exigence d’en
finir avec le système pour « un État civil et non militaire », mais
les directions de leurs syndicats, quand elles ne sont pas des suppôts ouverts
du régime, coopèrent avec lui via le « dialogue social », dénoncent
les grévistes, soutiennent les licenciements et suspensions dans leurs rangs.
Dans le même pays, les organisations, y compris lorsqu’elles se réclament du
« trotskysme » et de la « révolution », se sont associées
aux partis bourgeois sur un objectif de « transition consensuelle »
avec le même régime honni.
En
France comme en Algérie, se manifeste ainsi cruellement l’absence de parti
révolutionnaire permettant aux masses de faire valoir leurs véritables
exigences pour vaincre.
Le
combat en France pour accumuler les matériaux pour un tel parti se mène dans
des conditions difficiles, qui certes n’interdisent pas de faire dans ce sens
des progrès, mais qui ne permettent pas que ceux-ci soient rapides et
spectaculaires. Car de telles avancées spectaculaires ne sont possibles que
dans les périodes où le mouvement des masses est impétueux, et où les masses
apprennent à grande vitesse de leur propre mouvement. Comme nous l’avons
montré, ce n’est pas aujourd’hui le cas.
Il faut
donc avancer pas à pas, en particulier en prenant appui sur les meilleurs
éléments de la jeunesse qui ne peut se résigner au sinistre avenir que lui
réserverait la perpétuation du mode de production capitaliste.
Nous
invitons nos lecteurs à avancer avec nous, pas à pas.
Le 27 février 2020
Dernière
minute
La loi de destruction des
retraites adoptée le 3 mars sans vote par le biais du 49-ter
Le 3
mars, en rejetant les motions de censure (motion LR soutenue par La France
insoumise, et motion PS-PCF-France insoumise), l’Assemblée a adopté la loi de
destruction des retraites.
La
présentation des motions de censure non seulement ne relève pas d’une bataille
contre la loi, mais en réalité participe de la légitimation des institutions de
la Ve République. Le résultat en était connu d’avance.
Il est
utile de rappeler le film des événements qui a conduit à cette adoption qui
referme officiellement toute possibilité de combat effectif contre la loi, sauf
extraordinaire.
Le 23
février, Le Monde titre : « Retraites : le recours au 49-ter
se profile » et on peut lire dans l’article : « Au sein du pouvoir, plusieurs sources évoquent cette option
comme quasi inéluctable ».
En
vérité, la décision est prise. C’est en connaissance de cause que Martinez
écrit le 25 février, s’agissant de la « conférence de
financement » :
« Nous pensons qu’il est encore temps de
valider le bien fondé de nos arguments basé sur la reconnaissance du travail,
de son juste de paiement au travers d’un salaire socialisé et de renoncer à
votre projet de réforme. Nous attendons comme évoqué lors de nos échanges et
dans l’esprit que nous donnons à cette conférence de financement, vos
arbitrages dans des délais les plus brefs possibles. » L’appel aux
« arbitrages » du Premier ministre – lequel indique depuis des mois
que ni le système par points, ni la liquidation des régimes spéciaux ne sont
négociables - indique assez le degré de soumission de l’appareil de la CGT au
gouvernement.
Entre
le 25 et le 29 sous couvert de lutte contre le coronavirus, il y a à la fois
une opération d’union nationale, à laquelle se prête avec enthousiasme PS, PCF,
sans parler de Mélenchon, et une « concertation des partenaires
sociaux » sur la même question. Ce que révèle l’épidémie de l’état de
délabrement de l’Hôpital public suite aux inlassables attaques dont il a été
l’objet mériterait à lui seul un article. Il est impossible ici de développer
cette question. Mais l’intense concertation et opération d’union nationale
n’ont pas en réalité d’autre but que de préparer l’annonce du samedi 29. C’est
à la suite d’un conseil des ministres extraordinaire, officiellement convoqué
ce jour-là sur le sujet de la lutte contre le coronavirus, qu’Édouard Philippe
annonce le recours au 49-ter.
La
réaction des appareils syndicaux à l’usage du 49-ter révèle qu’au-delà de la
« protestation » contre cet usage, ceux-ci n’ont aucune intention de
mener une lutte sérieuse contre l’adoption de la loi par ce biais :
« Les
organisations syndicales de salarié-es et de jeunesse (CFE-CGC, CGT, FO, FSU,
Union syndicale Solidaires, FIDL, MNL, UNEF, UNL) ont pris acte de l’annonce
par le Premier ministre samedi dernier en fin d’après-midi d’utiliser l’article
49-3. Cette procédure gouvernementale permet de faire passer sans vote à
l’Assemblée nationale le projet de loi portant sur le système de retraites par
points… Les organisations réaffirment leur opposition à ce projet et la
nécessité de créer de nouveaux droits pour les salarié-es, privé-es
d’emploi, étudiant-es, lycéen-es, retraité-es.
Les
organisations syndicales CGT, FO, FSU, Solidaires, FIDL, MNL, UNL et UNEF
appellent à poursuivre les actions sans relâche, sous toutes les formes
décidées localement.
Elles
appellent à multiplier partout localement des rassemblements dès lundi 2 mars,
et à organiser des manifestations devant les préfectures et sous-préfectures le
mardi 3 mars, y compris par le recours à la grève, au moment de ce passage en
force au parlement, afin de signifier massivement avec force le rejet de ce
texte. [...]
Elles
poursuivent et amplifient, dans ce cadre, la construction d’une grande journée
de grève interprofessionnelle et de manifestations dans tout le pays mardi 31
mars pour mettre en échec ce projet de loi ainsi que les suites si
nécessaire. »
Remarquons-le :
même le mot d’ordre de retrait de la loi a disparu du communiqué. Par ailleurs,
appel aux actions locales, manifestations décentralisées… et renvoi à la
journée d’action du 31 mars (enjambant ce qui reste de procédure parlementaire
y compris la « loi organique » qui doit compléter la première) :
la même orientation qui consiste à éviter soigneusement tout affrontement avec
le gouvernement prévaut plus que jamais.
En tout
état de cause, comme nous l’avons largement développé plus haut, les
travailleurs sont exsangues, épuisés par les dix journées d’action précédentes,
impuissantés par des semaines et des mois de concertation permanente. Les
manifestations du 2 et du 3 mars seront faméliques.
C’est
dans ce contexte qu’il faut apprécier l’annonce par FO suivie de la CGT
qu’elles quittaient la « conférence de financement ». Sans doute,
après le recours au 49-ter, les appareils n’avaient pas d’autre choix. Mais
nous l’avons écrit plus haut (avant le 29 février) :
«
Mais pour ce qui est d’un éventuel départ de la conférence, d’un certain point
de vue, l’appareil FO vend la mèche (la CE confédérale FO avait donné
mandat de quitter la conférence « au moment opportun », ndlr). En même temps que Philippe
prépare le recours à l’article 49-ter, tout en demandant aux députés godillots
de faire durer encore un peu la comédie du “débat” parlementaire, les appareils
entendent continuer pour quelque temps encore la participation à la conférence
sur le financement. Il sera bien temps alors, lorsque les carottes seront
définitivement cuites, d’avoir recours à une fausse sortie pour donner un os à
ronger aux militants. »
Le
départ de la conférence de financement intervient au moment où les possibilités
de combattre ont été liquidées. Autant si dès janvier, CGT et FO avaient
annoncé leur refus de participer à la conférence ce refus aurait ouvert une
brèche qui aurait posé avec acuité la question de l’organisation d’une
manifestation centrale à l’Assemblée nationale le 17 février, au moment de
l’ouverture de la discussion à l’Assemblée nationale, autant intervenant à la
veille du 49-ter, l’annonce faite par les dirigeants CGT et FO ne peut en rien
modifier le cours des choses.
Surtout
que les termes dans lesquels les appareils FO et CGT annoncent leur refus de
participer plus longtemps à la conférence de financement indiquent assez qu’il
ne s’agit en rien d’une rupture durable avec le gouvernement :
« La
CGT a fait des
propositions concrètes et étayées en matière de réforme des
retraites
améliorant le système actuel, lors de la conférence de
financement du 18 février.
La
CGT a adressé un courrier au Premier ministre, le 25 février, rappelant ses
propositions et exigeant une réponse à celles-ci.
Non
seulement, le Premier ministre ne répond pas mais il
choisit de recourir au 49-3 en confisquant le débat démocratique sur le projet
de réforme des retraites, tout en adressant un courrier aux partenaires
sociaux, persistant sur ses objectifs de régression sociale. »
C’est
donc au nom de ses « propositions en matière de réforme », au
nom du « débat démocratique » - c’est-à-dire du dialogue
social - que la direction de la CGT annonce qu’elle ne participera plus à la
conférence.
Même
son de cloche à la direction de Force ouvrière :
« FO
constate aussi que le Premier ministre soumet sa réponse en matière de
gouvernance et de renforcement du rôle demandé par certains partenaires
sociaux, à la réussite, dans le cadre de la conférence de financement, à
assurer l’équilibre financier du système de retraite. FO rappelle que le
Premier ministre avait, dès le départ, fixé des contraintes inacceptables,
comme le refus de mesures conduisant à augmenter le coût du travail, autrement
dit le refus de l’hypothèse de l’augmentation des cotisations, option suggérée
par le Conseil d’orientation des retraites et sur laquelle, entre autres, FO
est prête à négocier.
Dans
ces conditions, le Bureau confédéral estime que la Conférence ne permet pas de
garantir la liberté de négociation et la pratique contractuelle auxquelles FO
est essentiellement attachée. »
La
première préoccupation de l’appareil FO, c’est la « gouvernance » et
le « renforcement du rôle demandé aux partenaires sociaux »
que l’appareil souhaite ne pas voir conditionnés à l’acceptation des mesures
sur « l’équilibre financier ». Et c’est au nom de « la
pratique contractuelle » que FO quitte la conférence.
Les
militants regroupés autour de Combattre
pour le socialisme continueront à combattre pour une véritable rupture des
directions syndicales avec le gouvernement, rupture qui ne peut être imposée
que par les travailleurs eux-mêmes s’organisant dans ce but.
Ils
considèrent que la tâche la plus urgente est de faire en sorte qu’une fraction
la plus large possible de travailleurs et de militants soient en mesure de
tirer jusqu’au bout les leçons de ces derniers mois.
Le 4 mars 2020
«
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