Éditorial du bulletin « Combattre pour le socialisme » n°74 (n°156 ancienne série) - 25 septembre 2019 :

Le prolétariat face à un plan de liquidation de toutes les garanties en matière de retraite !

Pour balayer le projet de destruction du
gouvernement Macron-Philippe, il faut l’affronter !
La première condition : en finir avec la concertation permanente
qui associe gouvernement et directions syndicales !

Le bilan de deux années de gouvernement Macron est impressionnant, sans équivalent dans le passé : ordonnances dépeçant le droit du travail, destruction du statut des cheminots, dynamitage de la Fonction publique et de son statut, sélection à l’entrée de l’université, contre-réforme du lycée, mise en pièces de l’hôpital public : voici quelques éléments de la liste (non exhaustive) des attaques anti-ouvrières qui s’accumulent à un rythme effréné depuis 2 ans.

Conjointement à ces attaques, s’est instauré à une vitesse accélérée un véritable État policier, tant dans la loi (loi « anti-casseurs ») que dans les faits. La violence policière avec ses centaines de blessés et quelques morts, les procès expéditifs contre les manifestants assortis de lourdes peines : c’est la réalité devenue courante pour tous ceux qui, à un titre ou un autre, prétendent s’opposer à ce gouvernement.

Il n’y aura pas de trêve. À peine engrangé au compte de la bourgeoisie l’ensemble des contre-réformes évoquées plus haut, l’année qui vient s’annonce comme celle d’une offensive majeure, sur un terrain qui est depuis 1995, voire depuis 1993 (réforme Balladur), le terrain privilégié des affrontements de classe dans ce pays : celui des retraites. Mais il convient de bien montrer ce que l’offensive a d’inédit : les précédentes contre-réformes portaient des coups de couteaux, graves sans aucun doute, au système des retraites obtenu par les travailleurs par leurs combats antérieurs : augmentation des annuités nécessaires pour partir à taux plein, réduction du montant par des procédés divers (décote, etc.). Là, il ne s’agit pas d’écorner le système. Il s’agit de le détruire par le biais d’une réforme « systémique » qui liquide les fondements même du système antérieur et fait disparaître toute garantie de revenu pour les retraités.

Il n’y aura pas de trêve, et il ne peut y en avoir. La seule interruption possible ne peut advenir que si le prolétariat trouve les ressources politiques, à travers un affrontement central, de briser l’offensive du gouvernement. Le feu roulant d’attaques subies par le prolétariat en France n’a d’équivalent que celui subi par les autres prolétariats d’Europe, avec certes des variantes tenant à l’histoire de la lutte des classes dans chaque pays, mais la même orientation générale : toutes les conquêtes antérieures doivent passer à la trappe, le prolétariat doit être ramené, du point de vue de ces conditions d’existence, à la situation qui prévalait il y a un siècle.

Il ne peut y avoir de trêve, car l’origine de ces attaques ne tient à rien d’autre qu’à la crise générale d’agonie du système capitaliste : crise reportée par le biais d’expédients à l’issue de la seconde guerre mondiale pendant un quart de siècle, crise de moins en moins contenue à partir des années 1970, crise explosive à partir de 2008. Crise sans issue, comme l’indique un des plus grands commis de la première puissance impérialiste mondiale : les États-Unis. C’est l’ancien secrétaire d’État au Trésor de Clinton, Lawrence Summers, qui annonce une « stagnation séculaire ».

C’est pourquoi il est utile de commencer par armer les militants, les travailleurs d’avant-garde cherchant à surmonter les obstacles au combat victorieux contre Macron, d’une compréhension de l’état présent de la crise du système capitaliste.

 

Sous la menace immédiate de la récession : en Europe...

 

Il n’y a jamais eu depuis 2008 de véritable « reprise » de l’économie capitaliste. La prise en charge par les gouvernements bourgeois des déficits abyssaux des banques, les mesures de nationalisation provisoire de certaines (et non des moindres) grandes entreprises capitalistes (General Motors aux USA) puis, les gigantesques plans de relance chinois de 2009 et 2015, la politique des banques centrales du crédit facile et de reprise des créances douteuses ont cependant évité l’effondrement général, en même temps d’ailleurs qu’elles interdisaient une large « purge » du système capitaliste, condition d’une véritable reprise.

Mais précisément, ces mesures aujourd’hui ont épuisé leurs effets. Un tournant se dessine. Tous les signaux convergent vers une nouvelle récession. Tous les représentants du capital le savent et le disent, mais tous sont impuissants à l’éviter.

Dans l’économie capitaliste, la production automobile occupe une place centrale. En Allemagne, où la production automobile est déterminante (elle représente 20 % des exportations allemandes), 45 millions de voitures et utilitaires légers ont été vendus au premier semestre dans le monde, soit une baisse de 6,6 % par rapport aux premiers mois de 2018. Le groupe Daimler-Benz a lancé une alerte sur résultats : il annonce une perte de 1,6 milliard au 2e trimestre, la première depuis 10 ans. Il faut dire qu’un quart des voitures vendues en Chine, où le marché est en récession depuis douze mois consécutifs, sont allemandes. En Chine, le marché automobile enregistre une chute de 12,4 % par rapport au premier semestre de 2018. En Europe et aux USA, « la baisse est comparable à celle enregistrée en 2008-2009, la situation est même aujourd’hui plus inquiétante car il y a dix ans la Chine en pleine expansion avait sauvé la mise de nombreux constructeurs et équipementiers. Ce n’est plus le cas aujourd’hui » (Le Monde du 16 juillet). La production de PSA est en baisse 12,8 %, celle de Renault, de 6,7 % ; Nissan, avec un bénéfice au plus bas depuis 2008 (‑ 95 % au 1er trimestre 2019) et une production en baisse de 14 % en Europe, annonce la suppression de 12 500 emplois dans le monde d’ici 2023, soit 9 % de ses effectifs. La relance de l’industrie automobile par le biais des voitures électriques est elle-même en panne. Significative est la baisse sensible du cours du cobalt, métal rare central entrant dans la fabrication des batteries des voitures électriques !

Le fait qu’un secteur aussi stratégique que l’industrie automobile soit entré en récession a forcément des répercussions sur tout le secteur manufacturier. Aujourd’hui, le secteur manufacturier allemand est lui-même entré en récession. La production industrielle allemande affiche ‑ 1,5 % en juin. L’indicateur des commandes industrielles y a reculé de 8,6 % en un an. Les dernières déclarations de Draghi vont exactement dans le même sens : « les perspectives sont de pire en pire dans le secteur manufacturier », a-t-il dit. BASF, leader mondial dans le secteur de la chimie et aux résultats considérablement plus faibles que ceux anticipés, vient de lancer un avertissement sur résultats. L’automobile et la chimie, plus les machines-outils, constituent l’épine dorsale de l’industrie allemande. Les économies des pays d’Europe centrale, tels la Tchéquie, la Hongrie, la Slovénie, qui fonctionnent comme des sous-traitants de l’industrie allemande, ne vont pas pouvoir échapper à la récession, vu que l’activité de sous-traitance de l’industrie allemande représente 20 à 25 % de leur PIB, 10 % pour la Pologne. Le facteur d’entraînement que représente l’industrie allemande pour toute l’Europe est d’ailleurs attesté par la similitude des chiffres : en juin, c’est toute l’industrie européenne qui aurait reculé de 1,6 %.

 

...ralentissement inédit depuis 17 ans en Chine

 

L’Allemagne paie sa dépendance à la demande chinoise, car tous les indicateurs concernant l’économie chinoise indiquent une forte baisse de l’activité : baisse des prix de production de 0,3 % en juillet, ce qui est significatif d’une diminution de la demande de biens de production. Les statistiques officielles font bien état d’une progression de la production industrielle chinoise de 4,8 % sur un an, mais il s’agit de la plus faible progression depuis 17 ans. Les ventes au détail auraient elles aussi moins progressé que prévu.

Ces statistiques, même s’il faut les prendre avec des pincettes, donnent la tendance et indiquent de manière indiscutable que le scénario de 2009, qui avait vu la Chine par sa demande colossale (la Chine absorbe à elle seule 20 % des exports mondiaux de pétrole) empêcher l’économie mondiale de sombrer, est caduc. Certains économistes, tels que Artus, n’hésitent d’ailleurs pas à parler de récession industrielle en Chine qui serait compensée par une croissance des services. Le plus révélateur c’est le constat qu’il fait : « le ralentissement est là alors qu’ils appuient à fond sur l’accélérateur ». Depuis 2018, c’est en effet une suite ininterrompue de mesures fiscales et budgétaires auxquelles procède le gouvernement chinois pour soutenir l’activité. C’est bien pourquoi la Chine est aujourd’hui dans l’incapacité de servir de relais à une activité industrielle mondiale engagée dans un mouvement récessif.

 

Exception américaine ?

 

Mais il y a les USA. On entend beaucoup de choses sur l’exception américaine. Ainsi est-il avancé que le PIB a quand même progressé encore de 2,1 % au 2e trimestre. Trump n’a pas lésiné sur les moyens : réduction massive de l’impôt sur les sociétés, développement non moins massif de l’industrie militaire pour qu’elle joue son rôle de volant d’entraînement. Il l’a fait d’ailleurs en préparant aux États-Unis même des crises plus dévastatrices pour l’avenir, en particulier en laissant filer à grande vitesse le déficit budgétaire américain. Or malgré ces mesures, tout indique que la relative croissance de ces dernières années touche à sa fin.  Si l’on regarde quelle est l’évolution de la production manufacturière aux USA depuis le début de l’année, elle est en recul 4 mois sur 7, et les reculs sont beaucoup plus marqués que les progressions (janvier : ‑ 0,4 ; février : ‑ 0,5 ; mars + 0,1 ; avril : ‑ 0,6 ; mai : + 0,2 ; juin : + 0,2 ; juillet : ‑ 0,2). Autrement dit, aux USA aussi est en train de se produire un tournant dans le secteur manufacturier.

 

Dans les pays dominés

 

Pour être complet, il faudrait parler de la situation dans les pays dominés par l’impérialisme. La politique de Trump visait au rapatriement des capitaux aux USA. Elle entraînait donc inévitablement la revalorisation du dollar et l’effondrement concomitant des monnaies des pays dominés. Autrement dit, elle visait à exporter la crise dans les pays dominés. C’est ce qui s’est produit, de manière plus ou moins marquée mais de manière massive dans des pays comme l’Argentine ou la Turquie. Inflation, augmentation des taux d’intérêt, endettement accentué des entreprises empruntant en dollars, et au bout du compte récession confinant, dans un cas comme celui de l’Argentine, à l’effondrement. Même en Inde, dont le taux de croissance reste largement au-dessus de la moyenne, la croissance décélère. Le Monde indique : « Au premier trimestre, le rythme de croissance du produit intérieur brut est tombé à 5,8 %, le plus mauvais score de ces cinq dernières années... L’investissement a chuté à son plus bas niveau depuis 15 ans... la consommation des ménages dégringole elle aussi comme le montre la déprime persistante de l’industrie automobile. ».

On doit donc conclure que la situation économique est à un tournant que confirme le coup de frein brutal sur le commerce mondial, dont la progression passerait de 4,9 % à 1,2 % en 2019. Certes, il y a encore progression et il n’y a pas effondrement à cette étape comme c’était le cas lors de la crise de 1929. Mais la tendance générale est sans ambiguïté.

 

« Les banquiers centraux (presque) désarmés » (titre du Monde du 4 septembre)

 

La FED (banque centrale US) vient de décider de réduire à nouveau ses taux directeurs. La politique qui tentait de faire remonter les taux pour permettre à une autre étape, et en cas de besoin, de les faire baisser pour relancer l’économie a donc fait long feu (la baisse des taux stimule le crédit donc à la fois la consommation et – en théorie ‑ l’investissement ; mais en même temps, elle favorise la spéculation boursière, donc les risques de « bulles financières »). La FED était sans doute sous la pression de Trump depuis de longs mois, lequel Trump a besoin de « résultats » pour les élections US à venir. Mais fondamentalement, c’est sur la base de sa propre appréciation de l’état de l’économie US que son directeur, Powell, a fait cette marche arrière. À nouveau, l’économie US a besoin de l’adjuvant des taux bas pour ne pas s’encalminer.

Mais entre les différentes banques centrales, c’est une course aux taux bas qui est en cours. La banque centrale du Japon a annoncé qu’elle maintiendrait ses taux bas elle aussi. Elle a même annoncé, fin juillet, que dans sa politique de création monétaire elle ne se contenterait pas de racheter les obligations mais irait jusqu’au rachat des actions émises par les sociétés. Quant à la BCE, elle vient de décider de relancer le « quantitative easing » (rachat d’obligations, essentiellement de bons du trésor) et d’augmenter les pénalités pour les dépôts des banques sur son compte (de ‑ 0,4 à ‑ 0,5 %), provoquant la colère de Trump qui y voit un moyen de dévaluer l’euro par rapport au dollar.

 

L’offensive US contre la Chine, en particulier à travers la hausse des taxes, s’amplifie

 

La perspective de la récession ne peut que rendre plus âpre la concurrence sur le marché mondial. C’est là un ressort fondamental de l’escalade des taxes qu’a engagé Trump. Mais il faut le rappeler : s’agissant de la Chine, cette escalade a un mobile particulier. Le 5 août, Trump a annoncé des droits de douane supplémentaires à hauteur de 10 % sur les 300 milliards de marchandises chinoises exportées vers le marché US qui jusqu’alors n’avaient pas été concernées par les hausses de taxe. Il s’agit coûte que coûte d’empêcher la Chine de se constituer en nouvelle puissance impérialiste rivale (voir CPS 73 du 5 juin).

Les méandres des décisions de Trump ont apparemment un caractère chaotique : il annonce cette décision, puis il la reporte à novembre. Il annonce une extension de la liste des filiales du groupe Huawei inscrites sur une liste noire des entreprises exclues de toute relation commerciale dans trois mois, puis accorde un nouveau sursis de trois mois à la même entreprise Huawei. Mais l’apparente incohérence de la politique de Trump n’est en réalité que l’expression des contradictions de la bourgeoisie américaine elle-même. Le Wall Street Journal, porte-parole du capital financier, a clairement mis en garde contre les conséquences d’une escalade tous azimuts contre la Chine. C’est sous la pression des fournisseurs américains d’Huawei, tels Intel, Google et Qualcomm qui lui ont vendu pour 11 milliards de dollars en 2018, que Trump a dû accorder ce « sursis » à Huawei. La déclaration de Trump invitant toutes les entreprises US présentes en Chine à rapatrier leurs usines aux USA relève de la rodomontade pure et simple. Pour le capital US, une telle mesure est radicalement impossible, tant la place de la Chine est désormais pour lui vitale. Une telle mesure signifierait la dislocation pure et simple du marché mondial, ce dont la bourgeoisie US elle-même serait la première victime.

Quant à la Chine, les mesures de rétorsion qu’elle peut prendre ne peuvent être à la hauteur de l’offensive, pour la simple raison que la Chine importe des USA bien moins qu’elle n’exporte.

Cela étant, il convient de préciser. La « guerre commerciale » n’est pas la cause de la récession en devenir. La « guerre commerciale » n’en est qu’un symptôme. Mais le ressort fondamental de la crise est beaucoup plus profond : c’est la surproduction, c’est-à-dire au bout du compte la contradiction entre le caractère social de la production et la propriété privée des moyens de production.

 

Les signaux de la catastrophe s’accumulent

 

L’épisode récent de l’inversion de la courbe des taux (on emprunte à un taux plus élevé à court terme qu’à long terme, alors que normalement c’est l’inverse, le risque augmentant avec la longueur de la traite) constitue un coup de semonce. La course aux placements « sûrs » – les obligations d’État – à long terme fait augmenter le prix de ces obligations, donc diminuent leurs rendements. Quant aux obligations d’entreprise, la baisse des taux correspond à une appréciation sur le taux de profit escompté. L’intérêt des obligations d’entreprise constitue la part du profit écrémée par le prêteur. Son taux ne peut donc être supérieur au taux de profit lui-même. Sa baisse constitue donc une appréciation sur le caractère inéluctable de la baisse du taux de profit, en relation avec la difficulté grandissante pour les capitalistes dans une situation de surproduction de réaliser la plus-value.

Pire encore : le fait qu’un certain nombre d’États peuvent aujourd’hui emprunter à des taux négatifs (autrement dit que les investisseurs sont disposés à perdre de l’argent pour prêter à l’Allemagne ou à la France, considérés comme des débiteurs « sûrs ») en dit long sur la confiance en l’avenir qui est celle des possesseurs de capitaux. De même, la montée constante du cours de l’or, valeur refuge par excellence.

La baisse générale des taux a des conséquences immédiates sur la santé des banques. L’intérêt d’emprunt est la part prélevée par le banquier sur le profit. La baisse des taux signifie donc une baisse de la marge des banques. On ne s’étonnera donc pas des plans de suppressions massives d’emploi dans les banques : Deutsche Bank, Unicredit, Barclay, etc. Cela signifie que ce sont les travailleurs qui doivent payer cette baisse. À la Deutsche Bank, cela va plus loin avec la constitution d’une « bad bank » rassemblant toutes les créances douteuses ; ce qui signifie qu’au bout du compte, c’est avec l’impôt payé par les travailleurs allemands que se fera l’apurement, en plus des aides que la BCE a prévu d’apporter aux banques.

 

Escalade militariste

 

L’âpreté grandissante de la concurrence entre les différentes bourgeoisies sur le marché mondial, l’intensification de l’offensive US contre l’immixtion de la Chine dans le partage du monde entre puissances impérialistes trouvent leurs prolongements dans l’augmentation des tensions militaires, l’accumulation d’énormes arsenaux, la menace militaire venant relayer les pressions économiques.

Dans cette escalade, l’impérialisme US entend bien faire valoir sa supériorité évidente.

Trump vient de rompre le traité sur les « forces nucléaires intermédiaires » qui le liait à la Russie. Il s’en est retiré car il considère que c’était un carcan bridant les intérêts US. Ce que dit le secrétaire général de l’OTAN des intentions US est révélateur : « Washington ne déploiera pas de nouveaux missiles nucléaires en Europe... Par contre, des missiles d’un type nouveau devraient notamment être déployés dans la région indo-pacifique et la mer de Chine méridionale ». En réalité, l’ennemi n’est pas la Russie. L’ennemi c’est la Chine, qui a massivement développé ses propres forces nucléaires intermédiaires.

Mais à cette étape, l’impérialisme US se garde bien d’une intervention militaire directe. En Iran, l’administration Trump exclut une intervention au sol, aux conséquences imprévisibles. Mais il fait intervenir son chien de garde, Israël, qui bombarde au Liban, en Syrie, en Irak (où les troupes US sont encore présentes) contre des positions iraniennes, ou celle des alliés de l’Iran. Il fait intervenir au Yémen son autre chien de garde, l’Arabie saoudite, qui bombarde quotidiennement la population civile. Mais au Yémen se manifeste les limites de la maîtrise US. Désormais le camp anti-houtiste (les houtistes étant censés être les alliés de l’Iran) est fragmenté entre ceux que soutient l’Arabie saoudite et ceux que soutiennent les Émirats.

La même limite se manifeste en Afghanistan où, à l’évidence, l’administration US a entériné la victoire à venir des talibans. Elle ne leur demande seulement, une fois qu’ils seront au pouvoir, de ne pas servir de base arrière anti-US. Les anciens alliés des USA (le gouvernement « légal » d’Afghanistan) seront les dindons de la farce. La rupture récente des négociations entre Trump et les talibans montrent que Trump a toutes les peines du monde à obtenir même ces garanties minimales.

 

Tendances à la dislocation de l’Union européenne

 

C’est encore dans la situation économique mondiale qu’il faut chercher les racines de la crise dislocatrice qui secoue l’Union européenne. Combattre pour le Socialisme a eu de nombreuses occasions de le souligner. L’Union européenne ne s’est jamais constituée comme une union supranationale effaçant les antagonismes nationaux. Non seulement les antagonismes entre bourgeoisies nationales n’ont pas été effacés, mais ils sont aujourd’hui exacerbés.

Aujourd’hui, la crise attise fortement les tendances centrifuges en Europe. Même si la tendance dominante de la bourgeoisie dans les différents pays – y compris en Italie et en Grande-Bretagne – est à la préservation de l’Union européenne, d’autres forces de la bourgeoisie s’appuyant sur la petite bourgeoisie en voie de déclassement, voire des fractions du prolétariat profondément désemparées par la politique des dirigeants du mouvement ouvrier, cherchent leur salut en s’émancipant des impératifs de l’UE.

L’accession de Johnson au poste de Premier ministre est la manifestation de cette tendance. Il entend négocier la sortie de l’UE avant le 31 octobre, quitte à le faire sans accord (le « no deal »). Mais cette ambition se heurte aussi bien au capital financier britannique, qui a tout à y perdre, qu’à la bourgeoisie allemande notamment, qui n’a nul besoin qu’à ses déboires sur le marché chinois vienne s’ajouter le ralentissement de ses échanges avec la Grande-Bretagne. Par ailleurs, les conséquences politiques d’un « no deal » ne seraient pas minces, faisant resurgir la question nationale irlandaise (le « no deal » signifie le retour d’une frontière physique entre les deux parties de l’Irlande).

Johnson est loin d’avoir gagné la partie. C’est ce que montrent ses échecs répétés aux Communes. Il faut le remarquer : tant la City que la bourgeoisie allemande compte d’abord sur Corbyn et la direction du Labour pour faire prévaloir une solution conforme à leurs intérêts. Dans un premier temps éviter le pire, c’est-à-dire une rupture avec l’UE sans accord. À terme, remettre en cause la sortie de l’UE en envisageant par exemple la carte d’un nouveau référendum. La soumission totale de Corbyn au capital financier s’est développée à une vitesse accélérée : mise en place d’une alliance sans rivage à droite avec les libéraux et les anti-Brexit du parti tory couronnée par le vote majoritaire du 4 septembre aux Communes imposant à Johnson de demander le nième report du Brexit au-delà du 31 octobre, au moins jusqu’au 31 janvier 2020. Il est à noter qu’au sein de l’Union européenne, des voix préconisent l’acceptation d’un nouveau report afin de gagner du temps. Il y a quatre ans, Corbyn prenait, contre Blair et Brown, partisans de l’Union européenne et artisans au gouvernement d’une politique violemment anti-ouvrière, la direction du Labour, appuyé par un vrai mouvement d’adhésion, en particulier dans la jeunesse. Il y a à peine deux ans, le Labour était à deux doigts de conquérir la majorité aux Communes, retrouvant un large vote ouvrier et populaire. Depuis deux ans, Corbyn n’a eu de cesse de s’aligner sur la politique de ses adversaires d’hier au sein du Labour. C’est ce qui explique la dernière débandade électorale du Labour. C’est une véritable leçon de choses sur l’impossibilité de redresser les vieux partis ouvriers, dont les dirigeants, même ceux qui à tel ou tel moment font des phrases « de gauche », restent viscéralement, irrémédiablement attachés à la défense de leur propre bourgeoisie.

L’Italie manifeste la même tendance à la dislocation de l’Union européenne, même si provisoirement s’est constitué dans le cadre d’une alliance entre le Mouvement 5 Étoiles et le PD un gouvernement « pro-européen ». Le coup de poker de Salvini, le dirigeant de la Ligue, signant la fin du gouvernement Ligue-Mouvement 5 Étoiles, semble avoir échoué, au moins pour un temps. Mais la menace que fait peser l’état de l’Italie sur l’Union européenne demeure. L’économie y est encalminée depuis des lustres. La dette abyssale dépasse les 2 300 milliards, à comparer à la dette grecque de 350 milliards. Les mécanismes dits de « solidarité » mis en place ne permettraient pas à la zone euro de faire face à une crise de la dette italienne. Le risque d’éclatement de la zone euro reste réel.

 

Des mouvements de masse importants qui posent plus que jamais
la question de la direction politique du prolétariat : Hong Kong...

 

Il est clair que pour la bourgeoisie à l’échelle internationale, le principal danger vient de son incapacité à maîtriser la crise de son propre mode de production. Mais cela ne signifie pas que ne se développent pas de puissants mouvements de masse.

On ne peut qu’évoquer succinctement la signification de la mobilisation massive de la population de Hong Kong, mobilisation dans laquelle la jeunesse occupe une place de premier plan.

C’est sur le terrain des revendications démocratiques que s’est développée cette puissante mobilisation. À la revendication d’abrogation de la loi d’extradition – laquelle ouvrait la voie à une répression massive par Pékin de tous ceux qui se dressent contre l’« ordre » totalitaire du régime, à commencer par les militants ouvriers et jeunes –, se sont greffées au cours même de la lutte d’autres revendications démocratiques : exigence d’une commission d’enquête indépendante sur les violences policières, libération des militants emprisonnés, départ de la gouverneure nommée par Pékin, et élection par la population de Hong Kong elle-même de ses dirigeants.

Toutes ces revendications sont parfaitement correctes et méritent un soutien total.

La détermination des manifestants allant jusqu’à l’assaut du Parlement a permis aux masses de remporter une première victoire. La gouverneure nommée par Pékin a dû retirer la loi d’extradition, après avoir répété à satiété qu’elle ne le ferait pas. Ce n’est pas une mince victoire. Mais les masses n’entendent pas en rester là. Elles exigent que toutes les revendications démocratiques soient satisfaites.

Le gouvernement de Pékin couvre d’insultes les manifestants les présentant comme des agents de l’étranger. C’est d’autant moins crédible que Trump lui-même vient de donner son feu vert à la répression. Ce n’est pas la position des puissances impérialistes qui retient Xi. Ce qui le retient, c’est la crainte des effets d’une telle intervention dans le reste de la Chine.

C’est le sens qu’il faut donner à l’interdiction intimée à la direction de la compagnie aérienne de Hong Kong Cathay – qui s’est immédiatement exécutée ‑ de toute présence de personnels grévistes en direction de la Chine. La crainte de l’appareil du PCC, c’est celle de la jonction des travailleurs de Hong Kong et du prolétariat chinois dans son ensemble sur le terrain de la conquête des libertés démocratiques, et d’abord du droit d’organisation indépendante pour le prolétariat chinois.

En effet, les travailleurs de Hong Kong – confrontés comme les autres travailleurs à la misère et à la surexploitation – disposent, à la différence des autres travailleurs en Chine, de ce droit. Et la revendication du droit de constituer des syndicats indépendants sourd de toutes les puissantes luttes de classes dans toute la Chine. La lutte des masses à Hong Kong peut donc constituer un formidable appel d’air pour le prolétariat chinois dans son ensemble.

Ce qui fait obstacle à un tel développement, c’est le problème de la direction politique du mouvement à Hong Kong même. À Hong Kong, le prolétariat lui-même est présent dans le mouvement de manière différenciée, mais il ne le dirige pas et n’est pas présent sur ses propres mots d’ordre. Sans qu’il y ait à vrai dire de direction formelle du mouvement, parlent en son nom des forces petites bourgeoises qui se situent sur un terrain qui précisément interdit cette liaison avec le prolétariat chinois dans son ensemble. Ainsi la revendication d’« indépendance », alors que la séparation historique de Hong Kong de la Chine est un pur produit de la domination impérialiste passée en Chine. Ou même le mot d’ordre : « Un pays, deux systèmes », qui signifie que, s’agissant du prolétariat de la Chine « continentale », il doit continuer à subir l’oppression totalitaire du régime du PCC au service de l’impérialisme chinois en constitution. Le cœur de la question à Hong Kong, c’est la question de la direction politique du prolétariat.

 

...Soudan : un accord dressé contre la revendication des masses. « Tout le pouvoir aux civils »

 

La même question est posée au Soudan où depuis décembre les masses sont mobilisées contre la dictature militaire d’Al Bachir. Le point de départ en a été le triplement du prix du pain, précipitant la population dans la famine. Théoriquement « condamné » par la « communauté internationale » ‑ vocable sous lequel on entend généralement les gouvernants des puissances impérialistes ‑, Al Bachir était en réalité sous la protection du dictateur Sissi, le voisin égyptien et de l’Arabie saoudite, laquelle a fait main basse sur les terres fertiles du Soudan, en expropriant les paysans soudanais. En avril, l’armée se débarrasse d’Al Bachir, manœuvre pour conserver le pouvoir. Mais ce que réclament les manifestants, c’est le départ définitif du pouvoir des militaires.

Le 3 juin, le Conseil militaire de transition avait fait tirer sur la foule, faisant plus de 150 morts.

L’Association des professionnels soudanais (APS) ‑ direction plus ou moins reconnue du mouvement, rassemblement hétéroclite de la bourgeoisie et de la petite bourgeoisie soudanaises bénéficiant du soutien du PC soudanais ‑ avait accepté une « négociation » avec les militaires, lesquels cherchaient en réalité à perpétuer leur domination, laquelle inclut la main mise sur une large part de l’économie.

Après plusieurs semaines de telles « négociations », elles sont rompues à l’initiative des militaires qui organisent le massacre du 3 juin.

Le massacre ne fait pourtant pas rentrer dans le rang les manifestants. Les manifestations reprennent sur le mot d’ordre sans ambiguïté : « Tout le pouvoir aux civils », mot d’ordre qui pose clairement la question d’en finir avec l’armée des massacreurs.

C’est dressés contre cette volonté que reprennent les pourparlers entre les massacreurs (au premier rang desquels Hemeidti, l’homme qui a ordonné et organisé le massacre) et l’ALC (conglomérat dont la force déterminante est l’APS). L’accord qui en ressort marque en réalité le fait que les militaires conservent l’essentiel du pouvoir. Libération titre le 18 juillet à raison : « Le compromis trouvé entérine la présence des militaires à la tête du pays ».

Le Conseil de transition qui vient d’être créé est sous la direction d’un général. Par ailleurs, est constitué un gouvernement dont le Premier ministre est un civil, « économiste » ‑ c’est-à-dire chargé de faire accepter aux masses les mesures qui les ont fait descendre dans la rue en décembre -, les postes de ministres de l’Intérieur et de la Défense étant occupés par des généraux. Quant aux généraux, ils ont pris soin de faire inscrire dans le texte qu’il n’y aurait pas de poursuites contre les militaires sabreurs. Par ailleurs, les élections n’auront pas lieu... avant 2022.

En résumé, les masses ont été trahies par leurs propres dirigeants.

C’est du même scénario que rêvent les puissances impérialistes et leurs suppôts en Algérie. Le secrétaire général du FFS (Front des forces socialistes), qui combat de manière constante depuis des mois en Algérie pour le « dialogue » avec le régime, n’invitait-il pas récemment la hiérarchie militaire algérienne à s’inspirer du modèle soudanais ? Mais il y a loin de la coupe aux lèvres. Et d’ailleurs au Soudan même l’accord va-t-il tenir ? Personne ne peut s’aventurer à un tel pronostic. L’héroïsme des masses reprenant le combat après le massacre du 3 juin devrait inviter les plus fervents supporters de l’accord à la prudence. Mais là aussi, comme à Hong Kong, la question cruciale est celle de la direction du mouvement. La preuve est faite que même les mots d’ordre démocratiques les plus élémentaires (celui qu’exprimait « tout le pouvoir aux civils ») ne peuvent être satisfaits que sous la direction du prolétariat, ce qui pose la question de son organisation politique, celle du Parti ouvrier révolutionnaire.

 

Macron : une place de choix parmi les étrangleurs des masses
partout dans le monde en défense de l’impérialisme français

 

La presse aux ordres en France a fait beaucoup d’efforts pour présenter Macron, en particulier lors du G7 qui s’est tenu à Biarritz, comme le héraut de la « démocratie » et de la « défense de la planète ». Il faut rétablir les faits.

On l’a dit : Trump étrangle l’Iran, fait bombarder par ses alliés le Liban, la Syrie, l’Irak, le Yémen. Que dit Macron à propos de l’Iran par exemple ? « Nos approches – celle de Trump et la sienne, ndlr – sont complémentaires. » L’accord avec l’Iran doit être « complété » (interdiction des armes balistiques, engagement de l’Iran à ne pas intervenir en dehors du pays, etc.). En réalité, Macron est aligné sur Trump.

On a mis en scène l’antagonisme entre Macron et Bolsonaro. Bolsonaro soutient les latifundiaires qui mettent le feu à l’Amazonie (voir plus loin notre article sur le Brésil). Une partie de l’Amazonie est « française », c’est-à-dire que la domination coloniale s’exerce en Guyane. Macron vient d’y autoriser la déforestation de milliers et de milliers d’hectares notamment pour y développer l’extraction aurifère.

Macron a rencontré Modi. Il allait lui vendre des armes. Pour assurer le contrat, il fallait donner des gages. Macron les a donnés. Il a affirmé son soutien à la lutte de Modi « contre le terrorisme ». Dit autrement, il a affirmé son soutien à la politique de terreur de Modi contre le Cachemire et plus généralement contre la minorité musulmane.

Pour le reste, les chars Leclerc continuent à massacrer au Yémen, et les troupes françaises continuent vaille que vaille à défendre le pillage de l’Afrique par les groupes capitalistes (Le Monde vient de révéler que les revenus de l’extraction d’uranium représentaient... 4 % du PIB du Niger, l’essentiel tombant dans l’escarcelle d’Areva !). Qu’une telle défense bec et ongles des intérêts de l’impérialisme français soit couronnée de succès, c’est là une toute autre affaire ! Non seulement l’intervention française ne rétablit pas l’« ordre » en Afrique subsaharienne, mais encore l’instabilité s’étend. Et les gouvernements jusque-là les plus soumis semblent sensibles aux appels d’impérialismes rivaux. À cet égard, le remplacement en vue du franc CFA – qui marquait l’étroite dépendance monétaire des pays de l’ancien empire colonial par rapport à la France ‑ par l’« Eco » est un échec supplémentaire pour l’impérialisme français face à ses rivaux.

 

L’acte 2 du quinquennat : plus violemment encore contre le prolétariat,
appuyé sur la concertation permanente avec les dirigeants syndicaux

 

Mais bien sûr, c’est aussi contre le prolétariat en France que la politique de Macron donne sa pleine mesure. Les pisse-copies de la bourgeoisie française écrivent depuis des semaines des pages et des pages sur la « nouvelle méthode » de Macron, voire le « tournant social ». Ils sont dans leur rôle. Mais à leur manière, les appareils syndicaux reprennent cette comptine. Suite à la conférence de l’OIT en juin, Veyrier, le secrétaire général de FO, s’est sans vergogne félicité du discours de Macron : « Le discours du président de la République, le 11 juin, s’est inscrit dans la lignée de la parole de l’État français, affirmant l’engagement historique de la France en faveur des normes internationales du travail et de l’OIT. »

Et les dirigeants syndicaux de l’enseignement de se féliciter de même du « changement de ton » de Blanquer, tels les dirigeants du SNUIPP (syndicats des professeurs d’école de la FSU) qui considèrent qu’« il y a une véritable ouverture sur la question de la revalorisation salariale ».

Ce qui est vrai, c’est que comme par le passé, Macron entend s’appuyer à fond sur le dialogue social avec les appareils syndicaux. Bien sûr, ce n’est pas nouveau. Les appareils syndicaux qui sont tous les jours dans les bureaux ministériels ne cessent de se plaindre en même temps de l’« absence de dialogue social » en parlant de « prétendue » concertation. Cela fait partie de la grande tromperie des travailleurs, de la façon dont ils tentent de se dégager de leur responsabilité centrale dans les coups que subit le prolétariat. Rappelons-le : des mois de concertation sur les ordonnances, 55 réunions de concertation sur Parcoursup, 15 mois de concertation sur la loi de destruction de la Fonction publique. Les records en matière d’association des dirigeants syndicaux seront difficiles à battre, mais on peut compter sur eux pour le faire !

Voici quelques éléments de cette concertation permanente en cours ou à venir :

Retraites : après 18 mois de concertation avec Delevoye, rencontre avec la CGT, FO (et la CFDT évidemment) les 5 et 6 septembre. Planning de discussion permanente jusqu’à la présentation du projet de loi (probablement en 2020, après les municipales) ;

Fonction publique : concertation sur la rédaction des ordonnances d’application de la loi Dussopt ;

Loi Buzyn : concertation sur les ordonnances d’application de la loi Buzyn ;

Finances publiques : le congrès du syndicat national CGT Finances publiques de début juin a obligé la direction de ce syndicat à annoncer qu’elle ne participerait pas (plus en réalité) aux concertations sur la mise en œuvre du plan Darmanin de fermeture massive de centres et de services dans l’objectif de supprimer 5 000 postes. Cette décision du congrès CGT a eu pour résultat d’empêcher pour l’instant que les appareils des principaux syndicats de la DGFIP s’engagent à fond dans la concertation au niveau national et local sur le plan selon les modalités prévues par le gouvernement, néanmoins l’ensemble des appareils ne ratent pas une occasion (que ce soit à l’occasion de Comités techniques nationaux, pour Solidaires et FO, ou d’audiences ministérielles, pour la CGT) pour contourner l’obstacle et signifier au gouvernement leur volonté de s’associer ;

Enseignement : concertation sur une prétendue « revalorisation salariale » des enseignants « dans le cadre de la réforme des retraites » ;

Enseignement toujours : concertation sur le « suivi » de la réforme des lycées à travers la constitution d’un « observatoire », etc.

 

L’autre face du dialogue social : l’instauration de l’État policier

 

Pas d’interruption dans l’offensive anti-ouvrière, pas d’interruption dans le dialogue social, pas d’interruption dans l’instauration de l’État policier.

La violence policière n’est pas antagonique au dialogue social. Elle en est le complément indispensable. Tout État est certes un appareil de répression d’une classe sur une autre. Mais l’État policier se distingue pourtant par certains traits propres. D’une part la répression policière y a un caractère massif : des centaines de blessés, des morts, des arrestations arbitraires, des milliers de garde à vue. La bourgeoisie y jette le masque de la « séparation des pouvoirs ». La police acquiert de plus en plus des pouvoirs de justice. Elle peut décider des assignations à domicile, des interdictions de territoires sans jugement. Elle se charge elle-même des enquêtes sur elle-même. S’agissant de la mort de Steve, l’IGPN « enquête », c’est-à-dire qu’elle décide de refuser d’entendre tous les témoignages sur les violences policières, elle « oublie » les indices prouvant que la mort du jeune homme est consécutive à la charge policière (date du dernier « bornage » du portable). S’agissant de la mort de la vieille dame à Marseille tuée par un projectile policier, elle affirme contre toute évidence que la mort n’a rien à voir avec le projectile. La sujétion de la justice à la police y est poussée jusqu’au grotesque quand l’enquête sur l’agression de la militante d’ATTAC à Nice est confiée… à l’épouse du commissaire qui a ordonné l’agression, et que le procureur indique que les conclusions de l’enquête avaient pour but… de ne pas mettre Macron en difficulté. Ce sont là les traits de l’État bourgeois totalitaire. Erdogan et Poutine peuvent ricaner à leur aise et dire à Macron : mais que faisons-nous donc de pire ?

Remarquons le silence des organisations du mouvement ouvrier sur l’État policier. Pas tout à fait d’ailleurs : les seules déclarations de Martinez ou de l’appareil FO consistent à demander… le renforcement des effectifs policiers. Il faut au contraire – en particulier dans le cas de la mort de Steve – exiger que les organisations ouvrières mettent sur pied leur propre commission d’enquête établissant toute la responsabilité de l’appareil policier et au-delà du gouvernement lui-même. Lesquels policiers se sentent suffisamment confortés pour demander plus : plus de flics, des peines plus sévères pour les manifestants et une impunité absolue pour eux-mêmes. Ils ont déjà obtenu de ne pas être touchés par la réforme destruction des retraites de Macron, comme l’indique le rapport Delevoye : « Les fonctionnaires exerçant des fonctions dangereuses dans le cadre de missions de maintien de l’ordre et de sécurité publique » garderont leur droit actuel à un départ anticipé, et de citer les militaires, les policiers, les gardiens de prison... Tel est en tout cas le but de la manifestation qu’organisent leurs « syndicats ».

 

Durant tout l’été, un flot d’attaques ininterrompu

 

C’est pour frapper plus violemment contre ce qui subsiste des acquis ouvriers, que Macron entend jouer complémentairement du dialogue social et de la répression policière. La nécessité de frapper tient à la situation de la bourgeoisie française, situation de relégation accentuée dans une situation mondiale au bord de la récession. L’appréciation portée dans CPS 73 du 5 juin (lire page 3 et 4 à partir de « Derrière l’apparence des chiffres, l’aggravation de la faiblesse du capitalisme français »), indique les différents éléments de cette dégradation : perte de marchés, y compris dans les secteurs les plus forts (agro-alimentaire, nucléaire), détérioration de la balance commerciale, augmentation de l’endettement de l’État et plus encore des entreprises : tout cela n’a fait que s’aggraver durant les derniers mois.

C’est pourquoi depuis mai dernier, le gouvernement et son assemblée de godillots n’ont pas chômé : adoption de la loi Blanquer, adoption définitive de la loi de destruction du statut de la Fonction publique, adoption de la loi Buzyn qui organise la fermeture de centaines de plateaux techniques et de maternités via la création des « hôpitaux de proximité » qui en seront désormais privés, décret sur l’assurance-chômage qui réduit l’indemnisation pour des centaines de milliers de chômeurs quand elle ne la supprime pas. Ce ne sont là que les principaux acquis au compte de la bourgeoisie par le gouvernement Macron.

Il n’est pas possible de faire le tour de toutes les attaques programmées par le gouvernement. Il faudrait par exemple montrer comment le projet de « revenu universel d’activité » substitué aux différentes indemnités existant pour protéger du dénuement absolu la partie la plus pauvre de la population va la rendre plus miséreuse encore, en même temps qu’il constitue un nouveau moyen d’interdire à toute une frange de la jeunesse d’accéder aux études. La pièce maîtresse de ce projet consiste en effet à liquider les APL qui seules permettent à ces jeunes d’accéder au logement.

On en restera à deux éléments de l’offensive majeure du gouvernement : le projet de budget 2020, et surtout le projet de contre-réforme des retraites.

 

Projet de budget 2020

 

Le budget concentre la politique du gouvernement. Le Monde du 18 juillet donne les chiffres suivants. Le budget des Armées augmentera de plus de 1,5 milliard et de 4,02 %. Macron explique : « L’effort consenti par la France pour moderniser son armée n’est pas d’intention mais de fait ». Le budget de l’Intérieur (c’est-à-dire pour l’essentiel de la police) augmente de 740 millions et de 3,99 % « conformément à l’engagement du président d’avoir 10 000 effectifs en plus en faveur de la sécurité au cours du quinquennat ». Il faut y ajouter les augmentations salariales très consistantes consenties aux flics… en quelques heures par Castaner, en récompense de la répression exemplaire des manifestations du printemps notamment contre les manifestations des « gilets jaunes », mais pas seulement. Le budget de la justice augmente lui de 200 millions et de 2,73 %… « pour prendre en compte les retards d’avancement en matière d’immobilier pénitentiaire ». Armée, police, justice : ce sont les fonctions « régaliennes » de l’État, autrement dit l’appareil de répression de la bourgeoisie, qui bénéficient de la manne gouvernementale.

Par contre, il y a diminution massive de crédits pour la « cohésion des territoires et les relations avec les collectivités territoriales » : -1,35 milliard (‑ 6,40 %), où l’objectif est de supprimer 70 000 postes de fonctionnaires territoriaux sur le quinquennat notamment à l’aide de la loi Dussopt qui permet aux communes de moins de 1 000 habitants de recruter exclusivement par contrat. Idem pour le budget (‑ 1,26 %) de l’« action et des comptes publics » (qui englobe les finances publiques) où 1 0000 postes doivent être supprimés d’ici la fin du quinquennat grâce à un ensemble de mesures (suppressions de centres, nomadisme des agents d’un centre à un autre, généralisation des « maisons de service au public » chargées d’une partie des tâches jusqu’alors dévolues aux centre des finances publiques, etc.).

D’autres chiffres doivent être interprétés. Par exemple, le budget Solidarités et Santé augmente apparemment de 0,82 milliard, soit + 6,18 %. Mais la raison est en particulier dans l’augmentation de la « prime d’activité » d’une (faible) partie des travailleurs pauvres, c’est-à-dire de la prise en charge par l’État d’une partie du salaire de ces travailleurs qui devrait être payée par les patrons. Pour le reste, et dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, ce qui est à l’ordre du jour, ce sont les restrictions budgétaires. La CNAM (Caisse nationale d’assurance maladie, où siègent les dirigeants syndicaux) y joue le rôle de conseillère du gouvernement, avec un plan de 2 milliards d’économie : limitation de prescription des ordonnances et notamment des antibiotiques, limitation des prescriptions d’analyses et de radios, limitation du recours au transport médicalisé, systématisation des dialyses à domicile, etc.

De même l’augmentation du budget de l’Éducation nationale est un leurre. Le gouvernement affiche : + 1,04 milliard et + 2,01 %. Mais il suffit de noter que le financement du SNU (Service national universel), c’est-à-dire du mois d’endoctrinement patriotique, réactionnaire et militariste est à la charge du budget de l’Éducation nationale pour comprendre à quel point cette augmentation est une fiction. Précisons que le coût à terme du SNU est évalué à 2 milliards !

Ce projet de budget 2020 est donc l’expression exacte de la politique gouvernementale. Il donne en particulier les moyens de l’édification d’un véritable État policier, pendant que tout ce qui relève de la satisfaction des besoins sociaux (Éducation, Santé), des conditions d’existence des fonctionnaires (en dehors des flics, des militaires et des juges s’entend) est soumis à une diète sévère. Cependant, du côté des directions syndicales : black out total sur ce budget.

 

La question centrale : le projet de destruction du système de retraites

 

Le centre de l’offensive gouvernementale est pourtant ailleurs : dans la contre-réforme des retraites, la réforme dite « systémique » de « retraite à points ». Celle-ci se substitue au système actuel, qui malgré les attaques, demeure un système par répartition, exprimant la solidarité intergénérationnelle des travailleurs (les actifs finançant les retraites des retraités), fondé sur des droits collectifs (condition d’âge, nombre d’annuités). À la place de ce système, se mettrait en place un autre : un système totalement individualisé (chaque travailleur accumulant individuellement des points, le montant de la retraite étant fonction du nombre de points accumulés).

Les appareils syndicaux ne cessent de demander au gouvernement qu’il fasse enfin connaître son projet de réforme, affectant de ne pas en connaître le contenu et se plaignant de son prétendu « flou ». Ils seraient bien les seuls à l’ignorer.

Résumons. Avec la contre-réforme Macron :

‑ il n’y a plus aucune garantie de revenu, puisque la valeur du point est « flexible » variant au gré des décisions gouvernementales selon des paramètres tels que « l’espérance de vie », « la croissance économique », « la démographie » avec une seule constante : le système doit être « à l’équilibre » en 2025 ;

‑ la contre-réforme fait disparaître tous les régimes particuliers : régimes spéciaux, code de la Fonction publique. Notons d’ailleurs que la notion d’« équilibre » n’avait en ce qui concerne ce dernier (pour la fonction publique d’État) aucun sens puisque les pensions versées aux fonctionnaires retraités relevaient d’une ligne budgétaire de l’État. Les fonctionnaires actifs versaient une « contribution » et non une « cotisation », et c’est l’État qui garantissait les pensions et non une caisse de retraite. Cette obligation disparaît donc dans le nouveau système. Faut-il le dire, les régimes particuliers, loin de constituer des « privilèges », constituaient au contraire un point d’appui pour l’ensemble du prolétariat pour garantir ses acquis ;

‑ Macron jure que le système demeure un régime par répartition. C’est faux. La contre-réforme des retraites fait suite à la loi PACTE qui ouvre grandes les vannes de la constitution de fonds de pension. Le gouvernement sait parfaitement que la réduction massive du montant des retraites contraindra nombre de travailleurs (ceux qui en auront les moyens) à s’assurer une retraite complémentaire par le biais de la capitalisation.

Du point de vue des intérêts ouvriers, il ne peut donc y avoir d’autre mot d’ordre que l’exigence du retrait pur et simple, inconditionnel du projet de contre-réforme Macron-Delevoye (lequel Delevoye, appuyé sans doute par les louanges que n’ont cessé de lui adresser les dirigeants syndicaux affectant de croire qu’il défendait un autre projet que celui du gouvernement lui-même…, vient de rentrer au gouvernement !). Il faut le dire : tout autre mot d’ordre, tout « rajout » à ce mot d’ordre ne peut être qualifié que de honteuse diversion par rapport à l’urgence de l’heure !

 

Les directions syndicales ont commencé à se disposer
pour tenter d’interdire toute résistance de la classe ouvrière

 

D’une manière ou d’une autre, le prolétariat sera amené à tenter de combattre sur ce mot d’ordre. Mais – à l’inverse de tous les spécialistes du maquillage de la politique des appareils syndicaux – la politique révolutionnaire consiste à dire où sont les obstacles à ce combat.

Depuis des mois et des mois, les appareils syndicaux ont participé à la « commission Delevoye » d’élaboration de la contre-réforme. Ils l’ont fait en parfaite connaissance de cause. Aujourd’hui, Macron et Delevoye ont ouvert une nouvelle phase de concertation. Philippe a reçu les dirigeants CGT, FO, FSU (et bien sûr CFDT) les 5 et 6 septembre. Macron l’a dit : « Cette réforme, nous allons la faire avec les partenaires sociaux ». Pour faciliter cette œuvre commune, il vient d’indiquer que la discussion pouvait avoir lieu : âge pivot (c’est-à-dire 64 ans pour pouvoir espérer « le taux plein » (bien que dans le nouveau système la notion même de « taux plein » n’a plus guère de sens) ou bien augmentation du nombre d’années cotisées (ce qui pour toutes les professions où l’entrée dans le métier est plus tardive sera encore pire) ? La peste ou le choléra ?

Que disent les dirigeants syndicaux ?

CGT, Bureau confédéral du 19 août : « Le bureau confédéral insiste sur la nécessité de mettre en avant nos propositions notamment concernant le projet de réforme des retraites afin de ne pas tomber dans le NON A LA REFORME, mais bien d’être dans le déploiement de notre campagne de reconquête de la Sécurité sociale » On se frotte les yeux : le pire serait donc de « tomber dans le NON A LA REFORME ». La ficelle est grosse et en même temps usée. Combattre pour le retrait, ce n’est pas suffisant (c’est si peu suffisant qu’on se garde de le dire !). L’essentiel est dans les « propositions » ‑ faites au gouvernement, sinon à qui ? -, et c’est pourquoi la direction de la CGT cherche à être jusqu’au bout dans la concertation !

Quant à la direction de FO, tout en affirmant son « opposition au projet », elle indique, s’agissant de la concertation à venir, en date du 5 septembre : « Sur la participation de FO à un éventuel processus de concertation, Yves Veyrier a prévenu : Nous ne ferons rien qui laisse entendre que c’est perdu d’avance et nous ne déserterons jamais le terrain de la défense des salariés sur les retraites. » Autrement dit, c’est au nom du fait que « ce n’est pas perdu d’avance » que la direction de FO prêtera son concours au gouvernement via la concertation. Il faut renverser la phrase de FO pour lui donner tout son sens : c’est parce que ce n’est pas gagné d’avance pour le gouvernement que celui-ci a le plus grand besoin des appareils syndicaux, via la concertation !

Apparemment pour la direction de la FSU, c’est bien « gagné d’avance » pour le gouvernement puisqu’elle écrit dès juillet : « La FSU prend acte de l’affirmation du ministre d’ouvrir les discussions annoncées par le président de la République concernant la revalorisation des enseignants en relation avec la future réforme des retraites, à partir de la rentrée. » « La FSU prend acte…. en relation avec la future réforme des retraites. » Future ! Même pas conditionnelle ! Pour la direction de la FSU, la réforme est déjà actée. La discussion ne peut porter que sur les cacahuètes que pourrait donner le ministre en compensation, sur les salaires (cacahuètes empoisonnées du reste puisque dans le cadre du salaire au mérite mis en œuvre par la loi Fonction publique).

Ce sont ces prises de position qui éclairent le dispositif d’« action » des différents dirigeants : appel de FO à un rassemblement le 21 septembre, appel de la CGT à une journée d’action le 24 (qui écarte soigneusement le mot d’ordre de « retrait du projet gouvernemental » et se plaint que la « non prise en compte des propositions (de la direction de la CGT) risque d’envenimer les débats ». Donc le 24, c’est pour un débat « non envenimé », serein en quelque sorte !

 

Faire fond sur le surgissement du prolétariat pour briser
la collaboration des directions syndicales avec le gouvernement

 

La participation massive des travailleurs de la RATP à la grève du 13 septembre (voir plus loin dans ce numéro) l’indique clairement : les ressources existent dans la classe ouvrière pour se dresser contre le gouvernement Macron et son projet de liquidation des retraites.

Dans le secteur hospitalier, le mouvement des personnels des urgences en témoigne aussi à sa manière. Depuis des mois, ce mouvement se développe et s’étend contre des conditions de travail insupportables pour eux comme pour les malades. Mais l’engorgement des urgences est lié à l’état général de l’hôpital et en particulier à l’absence de lits en aval dans les autres services et au manque de personnel. Or Buzyn l’a indiqué : non seulement il n’y aura pas ouverture de lits, mais la politique de fermetures de lits, de suppression de personnel va continuer de plus belle. Le déclassement de 500 hôpitaux en hôpitaux de proximité qui pourront ne pas disposer de services d’urgence ne pourra qu’aggraver de manière dramatique la situation. La « solution » de Buzyn consiste à organiser l’interdiction d’accès de toute une catégorie de patients aux urgences (à commencer par les personnes âgées) et à organiser la déqualification générale des personnels en confiant aux infirmiers, que sans doute Buzyn juge actuellement insuffisamment occupés, des actes jusqu’alors réservés aux médecins ! Pour le reste, le plan de 750 millions pour les urgences se fera à budget hospitalier constant, donc en déshabillant les autres services, et en dirigeant les malades vers la médecine libérale.

Les dirigeants syndicaux – en particulier le responsable CGT, Christian Prudhomme – ne cessent de dire qu’il faut plus de « moyens ». Très juste. Mais peut-on sérieusement revendiquer des « moyens » et aller discuter avec le gouvernement des ordonnances de la loi Buzyn qui, elle, organise l’asphyxie de l’hôpital public ? Le « collectif inter-urgence » a quant à lui indiqué que l’avenir de l’hôpital se jouait largement à travers la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) qui sera présentée dans quelques semaines au Parlement. Alors, c’est la responsabilité des organisations syndicales, du « collectif inter-urgence » lui-même d’appeler ensemble à une grande manifestation de tous les personnels hospitaliers en direction de l’Assemblée nationale à l’ouverture de la discussion à l’Assemblée nationale sur les mots d’ordre : à bas la LFSS ! Création des 10 000 postes nécessaires !

 

La tâche des militants révolutionnaires

 

Le prolétariat ne peut accepter sans combattre d’être ramené aux conditions d’existence prévalant il y a plus d’un siècle. C’est cette conviction qui ordonne toute l’activité des militants révolutionnaires. La classe ouvrière est sans doute politiquement désemparée, cruellement privée de perspective politique d’autant plus que les partis ouvriers traditionnels (partis « ouvriers bourgeois » PS et PCF) n’existent plus qu’à l’état de survivances sans qu’existe de regroupement politique d’une force significative sur le terrain de la construction d’un Parti ouvrier révolutionnaire.

Elle n’est pas pour autant pulvérisée. Ses capacités de combat demeurent, et tous ceux qui dans les rangs de la bourgeoisie pensent que le gouvernement peut frapper indéfiniment et impunément, fort de l’appui que lui donnent les directions syndicales via le dialogue social, pourraient bien avoir des surprises. Ce sont les mêmes qui il y a quelques mois écrivaient en Algérie des pages et des pages sur l’indifférence de la jeunesse, son désintérêt pour la politique et qui pariaient qu’on pouvait lui imposer, à elle comme à l’ensemble des travailleurs, un candidat-président à l’état de momie à l’ombre duquel le « système » ‑ système de prédation et de pillage impérialiste ‑ pouvait continuer. On connaît la suite.

Du reste, pas plus en Algérie qu’en France, les problèmes politiques qui se posent au prolétariat ne sont résolus pour autant : comment faire sauter l’obstacle représenté par la politique des appareils dirigeants du mouvement ouvrier, appareils attachés corps et âme au maintien de l’ordre bourgeois ?

En Algérie, la classe ouvrière, en se dressant contre l’appareil corrompu et vendu de l’UGTA, en engageant le combat pour la réappropriation au compte de la classe ouvrière de leur organisation syndicale, a commencé à indiquer à toute la classe ouvrière à l’échelle mondiale le point de passage obligé de son émancipation : se débarrasser des vieilles directions pourries jusqu’à la moelle, et par ce biais remettre les organisations à son service. Comme on le verra (déclaration « Maghreb socialiste » dans ce bulletin), tout n’est pas réglé pour autant, d’autres obstacles se dressent devant la classe ouvrière algérienne, mais ce qui est remarquable, c’est qu’après 6 mois de combat, la volonté du prolétariat et de la jeunesse d’en finir avec le régime est intacte.

En France, face à l’échéance majeure de la réforme-liquidation des retraites, imposer la rupture des organisations syndicales avec le gouvernement, ce qui ne peut se faire que dans un combat intransigeant contre leurs directions, tel est l’enjeu décisif pour la classe ouvrière. L’aider dans cette tâche par des initiatives politiques, à l’échelle de nos moyens, tel est le rôle des militants regroupés autour de Combattre pour le Socialisme.

C’est ainsi qu’il est possible de contribuer à ce que la classe ouvrière engage l’affrontement contre le gouvernement Macron et soit en situation de le défaire. Car si une telle éventualité se réalisait, s’ouvrirait une autre situation politique, permettant de mettre à l’ordre du jour l’expulsion de ce gouvernement par les moyens de la lutte des classes, et la constitution d’un gouvernement des organisations ouvrières sans représentants de la bourgeoisie. Car il n’y a pas d’autre issue pour la classe ouvrière pour en finir avec l’avalanche toujours plus destructrice de ses acquis que signifie pour elle le maintien du mode de production capitaliste que la constitution d’un véritable gouvernement ouvrier, expropriant les grands moyens de production et d’échange, démantelant sans délai l’appareil d’État répressif de la bourgeoisie. Le combat politique pour un tel gouvernement est lui-même inséparable du combat pour les États unis socialistes d’Europe, tant il est vrai que le socialisme ne saurait être réalisé à l’intérieur des frontières nationales.

Telle est la perspective sur laquelle combattent les militants du Groupe pour la construction du Parti ouvrier révolutionnaire, de l’Internationale ouvrière révolutionnaire. Nous invitons nos lecteurs à s’associer à ce combat.

 

Le 13 septembre 2019.

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