Éditorial du bulletin « Combattre pour le socialisme » n°73 (n°155 ancienne série) - 5 juin 2019 :

Alors que s’instaure l’État policier et que tous les acquis ouvriers sont méthodiquement laminés,

Pour stopper l’avalanche déclenchée par le gouvernement Macron,
il faut tout faire pour briser la collaboration
des directions syndicales avec lui

Récession inévitable

Toutes les institutions officielles de la bourgeoisie doivent le reconnaître sans ambages : la situation économique actuelle se dégrade et une récession paraît de plus en plus inévitable. Seuls les délais font l’objet de discussion. Les données conjoncturelles faisant état d’une croissance annuelle de 3,2% aux USA (sur la base de la projection annuelle des résultats du 1er trimestre), ou même les résultats du 1er trimestre en Allemagne (+ 0,4% après deux trimestres où l’Allemagne avait frôlé la récession), ne doivent pas faire illusion. Ils n’inversent pas la tendance de fond qui se dégage nettement : baisse de la production industrielle dans tous les pays capitalistes avancées, stagnation voire baisse en valeur absolue du volume du commerce mondial, relance de la dette des pays dits « émergents », avec le plus souvent une stagnation économique, une inflation parfois galopante corrélative à l’effondrement de la monnaie de ces pays (Argentine, Iran, Turquie pour ne rien dire du Venezuela !).

« L’exception américaine », dont l’éditorial du numéro précédent de CPS annonçait la fin prochaine, semble perdurer si on s’en tient à une analyse superficielle. Mais en réalité, la croissance US procède d’une fuite en avant qui annonce le pire, en particulier parce qu’elle se maintient au prix de l’augmentation impressionnante de l’endettement public. Cet endettement public a sa base dans la diminution massive de l’imposition du capital et aussi dans l’augmentation spectaculaire du budget militaire US – voir plus bas ‑, l’économie d’armement jouant plus que jamais son rôle de volant d’entrainement de l’économie dans son ensemble.

Par ailleurs, la politique de l’administration US consiste plus que jamais à exporter autant que faire se peut les conséquences de sa propre crise. C’était le sens de la politique d’augmentation (relative) des taux d’intérêt de la FED. Cette augmentation a permis le retour aux USA de capitaux qui ont du coup déserté les pays dits « émergents ». Notons d’ailleurs que la FED a vite interrompu cette politique. Elle manifeste par là sa confiance limitée dans les capacités de l’économie américaine de supporter un loyer de l’argent trop important. C’est aussi le sens des contorsions de Trump sur la question des taxations à l’importation.

Derrière les contorsions de Trump, la question centrale pour l’État US :
comment éviter que la montée en puissance du capitalisme chinois ne menace la suprématie US ?

Reconnaissons‑le : il est difficile parfois de saisir la logique des prises de position successives de Trump quant à la taxation des produits à l’importation. De jour en jour, les annonces varient. Par rapport aux importations automobiles venant d’Europe – essentiellement d’Allemagne – Trump a dit tout et le contraire de tout. Un jour, il annonce l’augmentation imminente des taxes. Le lendemain, il dit que l’accord avec l’UE est imminent, pour revenir ensuite à la position antérieure. Dans la même semaine, il annonce le passage des taxations de 10 à 25% sur 200 milliards d’importations chinoises, pour dire ensuite qu’il annule la taxation de l’acier et de l’aluminium chinois et canadiens. Il ne s’agit pas que du caractère impulsif et imprévisible de Trump, bien que ce dernier joue un rôle. Il s’agit des contradictions de la bourgeoisie américaine elle‑même. Comme on l’a souligné à plusieurs reprises dans CPS, certains secteurs de la bourgeoisie US sont les premières victimes de l’augmentation des taxes. C’est le cas des entreprises implantées en Chine même. Mais c’est aussi le cas des secteurs qui pâtiraient de l’augmentation du prix de l’acier et de l’aluminium qui constituent la matière d’œuvre de leur propre production.

En tout état de cause, pour se repérer, il est indispensable de prendre en compte non les multiples déclarations contradictoires de Trump, mais les décisions effectives. S’agissant des relations économiques dans le cadre de ce qu’était l’ALENA (relations avec le Mexique et le Canada), la montagne a accouché d’une souris, et après bien des rodomontades, le résultat pour Trump est des plus limités. S’agissant des relations avec l’Europe, il n’y a à vrai dire à ce stade aucune augmentation significative des taxes. Cela ne signifie pas que l’impérialisme US ne joue pas de la place mondiale du dollar pour imposer durement dans un certain nombre de domaines sa loi à l’Europe. Il a ainsi obtenu la quasi interruption des relations commerciales et des investissements de l’Europe en Iran, ce qui n’est pas rien. C’est en direction de la Chine que les mesures prises ont de sérieuses conséquences. L’augmentation des taxes sur 2/5 des importations chinoises va incontestablement peser sur l’économie chinoise. La récente décision de Trump d’interdire par décret aux entreprises américaines d’utiliser des équipements Huawei va dans le même sens.

Remarquons que la politique américaine vis à vis de la Chine ne rencontre guère d’objections en Europe. Il y a une raison à cela : toutes les vieilles puissances impérialistes ont le même intérêt à combattre l’intrusion chinoise à leur propre table. Le surgissement de l’impérialisme chinois signifie forcément pour les autres impérialismes, en particulier les plus faibles, une place encore rétrécie.

Or l’érection de la Chine en puissance impérialiste ne procède en rien d’un « choix » de la direction chinoise. Elle est la seule manière pour la direction chinoise de répondre aux contradictions internes du capitalisme chinois, à la menace grandissante que représente pour elle le prolétariat chinois poussé à engager le combat de classe face aux plans de licenciement et autres attaques, résultats du ralentissement économique en Chine même. Au fond, la bureaucratie du PCC au pouvoir en Chine au compte du capitalisme chinois n’a d’autre solution que d’appliquer la formule de Cecile Rhodes citée par Lénine dans L’impérialisme stade suprême du capitalisme : « L’idée qui me tient à coeur, c’est la solution du problème social (...) Si vous voulez éviter la guerre civile, il vous faut devenir impérialiste. »

Avec toutes les différences qu’il peut y avoir par ailleurs entre la Grande‑Bretagne de 1895 et la Chine de 2019, la dernière phrase de cette citation de Cecile Rhodes correspond exactement aux impératifs de la direction chinoise.

Ainsi s’explique la politique dite des « routes de la soie » qui a connu, au grand dam des vieilles puissances impérialistes, quelques succès notoires, en particulier sur le sol de la vieille Europe : projet d’investissement et de financement d’infrastructures dans la partie Est de l’Europe (le groupe de Visegrad), accord avec l’Italie pour d’importants investissements portuaires (après la prise de contrôle en Grèce du port du Pirée). Face à cette offensive, l’UE a révélé son extrême fragilité, son incapacité à résister de manière unie, minée par les contradictions des intérêts nationaux antagoniques qui la traversent.

Impérialisme et militarisme

On peut encore évoquer l’actualité de Lénine à propos de ce qu’il écrivait il y a 103 ans : « Comme il n’y a plus en Asie et en Amérique de territoires inoccupés, c’est‑à‑dire n’appartenant à aucun Etat, (...) il faut dire que le trait caractéristique de la période envisagée, c’est le partage définitif du globe, définitif non en ce sens qu’un nouveau partage est impossible – de nouveaux partages étant au contraire possibles et inévitables – mais en ce sens que la politique coloniale des pays capitalistes en a terminé avec la conquête de territoires inoccupés de notre planète.(...) si bien qu’à l’avenir il pourra uniquement être question de nouveaux partages, c’est‑à‑dire du passage d’un « possesseur » à un autre, et non de la « prise de possession » de territoires sans maître. »

L’irruption de la Chine met effectivement à l’ordre du jour « un nouveau partage », ce qui pousse à l’augmentation sensible des moyens militaires par lesquels chaque impérialisme entend défendre sa place.

Le Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI) nous informe : « Les dépenses militaires mondiales totales ont atteint 1822 milliards de dollars en 2018, soit une augmentation de 2,6% par rapport à 2017, selon de nouvelles données de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI). Les cinq plus gros dépensiers en 2018 ont été les États‑Unis, la Chine, l’Arabie saoudite, l’Inde et la France, qui représentaient ensemble 60% des dépenses militaires mondiales. Les dépenses militaires des États‑Unis ont augmenté pour la première fois depuis 2010, tandis que celles de la Chine ont augmenté pour la 24e année consécutive. »

Il précise : « Les dépenses militaires des États‑Unis ont augmenté ‑ pour la première fois depuis 2010 ‑ de 4,6%, pour atteindre 649 milliards de dollars en 2018. Les États‑Unis sont de loin le plus gros investisseur au monde et ont dépensé presque autant en dépenses militaires en 2018 que les pays les plus dépensiers réunis. »

La Chine, le deuxième pays en importance au monde, a augmenté ses dépenses militaires de 5,0%, pour atteindre 250 milliards de dollars en 2018. Il s’agit de la 24e année consécutive de hausse des dépenses militaires chinoises. Ses dépenses en 2018 étaient presque 10 fois supérieures à celles de 1994 et représentaient 14% des dépenses militaires mondiales. »

Jusqu’à quel point le militarisme peut-il se transformer en guerre impérialiste – ou guerre interimpérialiste ouverte ? Il faut éviter les pronostics hasardeux. Car pour s’engager dans une guerre impérialiste ouverte, il faut aussi réunir des conditions politiques. Cela vaut en particulier pour l’impérialisme US. A cet égard, notons que si l’administration américaine a évoqué à plusieurs reprises la possibilité d’une intervention militaire au Venezuela, si elle a poussé en avant sa marionnette Guaido, son ardeur a été singulièrement refroidie par les réticences qui se sont exprimées y compris de la part de ses alliés les plus proches en Amérique latine qui en craignent les conséquences incontrôlables. De la même manière, l’administration américaine resserre encore l’étau autour de l’Iran, multiplie les provocations militaires, fait parader son porte‑avions aux abords des côtes iraniennes, annonce le sabotage de navires saoudiens dont on ignore les auteurs mais dont on voit bien qui il sert. Mais il y a hésitation à engager une guerre ouverte.

Le triste bilan (pour l’impérialisme US lui‑même) de l’intervention en Irak aujourd’hui accusé par Trump d’être sous influence iranienne !, le bourbier afghan – qui le contraint à négocier directement avec les talibans ‑, l’invitent à la prudence. Il cherche plutôt à faire endosser à ses « alliés » des guerres ouvertes – l’Arabie saoudite au Yémen, et la guerre constante d’Israël contre les Palestiniens.

Mais cette prudence ne constitue évidemment en rien une garantie absolue contre une intervention à venir à une échelle plus massive. Il faut se souvenir que l’impérialisme, c’est la guerre.

Derrière l’apparence des chiffres, l’aggravation de la faiblesse du capitalisme français

Dans ce contexte, où se profile une nouvelle récession, quelle est la situation de l’économie française ? Commençons par une remarque de méthode : plus une économie est tournée vers l’extérieur, plus la part des exportations dans le PIB est importante, plus elle est immédiatement frappée par la recession qui se profile.

Or en ce qui concerne la France :» D’abord, le pays est moins exposé que ses grands voisins aux aléas du commerce mondial. C’est handicapant quand les échanges explosent, mais plutôt à l’avantage de l’Hexagone lorsque la machine se grippe », indique à juste titre Stéphane Lauer du Monde.

La part des exportations en 2017 dans le PIB français était de moins de 31%, dans le PIB allemand de 47%. L’écart a sans doute grandi depuis.

L’économie allemande est donc plus violemment impactée dans l’immédiat par la tendance à la baisse des échanges mondiaux. Voilà le secret de ce que des commentateurs complaisants appellent la « résilience de l’économie française ». Il n’y a du reste pas de quoi manifester un enthousiasme excessif : 0,3% de croissance au 1er trimestre 2019, après le même score au 4e trimestre 2018.

Mais on l’a compris, la force ‑ toute relative ‑ de la croissance française par rapport à celle de la croissance allemande, c’est la force des faibles. C’est à cause de sa marginalité sur le marché mondial que la France est dans l’immédiat moins impactée.

Mais le Monde du 30 avril prévient :

« Gare, toutefois, aux « cocoricos » intempestifs. « On ne peut pas se réjouir qu’un pays qui représente 30 % du PIB de la zone euro décélère », note Emmanuel Jessua, analyste chez Rexecode, un think tank proche du patronat. L’Allemagne est le premier partenaire commercial de la France. Quant au deuxième, l’Italie, il fait encore plus pâle figure, le pays étant entré en récession technique fin 2018. »

Du reste, cette croissance très limitée s’inscrit dans une situation de baisse des exportations et des investissements qui sont en réalité les deux paramètres indiquant l’état réel de la santé économique d’un pays.

Faiblesse insigne de l’économie française : une illustration, l’automobile

Là aussi, les « cocoricos intempestifs » n’ont pas manqué, en particulier s’agissant de PSA.

RFI, le 26 février 2019 :

« Pour l’exercice 2018, le groupe automobile PSA affiche un chiffre d’affaires record : 74 milliards d’euros, en progression de près de 19%. Et ce n’est pas la seule prouesse du constructeur. PSA enregistre un bénéfice net « historique » en hausse de 47%... Les ventes ont progressé de plus de 6% grâce à l’apport d’Opel... La filiale Opel/Vauxhall a d’ailleurs, elle aussi, affiché des bénéfices, un redressement en moins de 18 mois après 20 ans de pertes !

Ces bons résultats se traduiront par une hausse du dividende versé aux actionnaires et un bonus de 3 800 euros brut pour les employés français les moins bien payés. »

On sait comment ont été obtenus ces « bons résultats ». En France, après la fermeture de l’usine d’Aulnay (où la CGT, dirigée par des militants de Lutte ouvrière, n’a pas mené le combat pour le retrait de tout licenciement et le maintien de l’usine, lui substituant la revendication de « faire payer au patron le plus cher possible les licenciements »), une autre fournée de 2000 suppressions de poste a eu lieu en 2017... et on annonce ces derniers jours 1000 nouvelles suppressions à PSA Mulhouse.

En Allemagne, il y a eu accord avec les dirigeants d’IG Metall pour la suppression de 3700 postes chez Opel, suppressions en cours.

Or dans le même temps, la direction de PSA a décidé qu’en dehors du 1er‑Mai, il n’y aurait pas à Sochaux de jour férié en avril‑mai (lundi de Pâques, 8 Mai, Ascension), sans compter le licenciement des intérimaires à la veille des congés et leur réembauche à la reprise. Surexploitation des uns, licenciements des autres : c’est la loi du Capital.

Mais au‑delà de l’augmentation des ventes sur le marché européen, l’avenir du marché automobile se joue ailleurs, à savoir en Chine : plus de 13 millions de véhicules vendus en 2018, soit 3 millions de plus que les USA. Même si la baisse trimestrielle en 2019 du marché global est de 12%, le caractère décisif du marché chinois demeure. Et là, le verdict est sans appel. Les Echos du 24/04 indiquent :

« PSA n’y a écoulé en 2018 que 262 000 véhicules, trois fois moins qu’il y a quatre ans, quatre fois moins que ses capacités de production installées sur place. La perte sèche ? 302 millions d’euros en 2018. Et avec un affolant ‑60 %, le premier trimestre 2019 enfonce le clou… »

À comparer avec les plus de 4 millions de véhicules vendus par le groupe Volkswagen en 2018.

La situation de Renault en Chine est pire : 6300 véhicules au 1er trimestre 2019 (‑ 64%). Autrement dit, le néant. Renault n’avait pas besoin de cela ! Comme chacun sait, les « ennuis judiciaires » de Carlos Ghosn n’ont jamais été rien d’autre que la manière dont le gouvernement japonais derrière Nissan règle son compte à Renault. La domination de Renault sur Nissan dans la gouvernance correspond à une autre époque, à d’autres rapports de force économiques, à une époque où Nissan à l’agonie avait du sceller un accord avec Renault à l’avantage de ce dernier. Le gouvernement japonais et la direction de Nissan viennent de signifier que cela ne durerait pas plus longtemps, et Sénard essaie sans garantie de succès de « sauver les meubles » , à savoir essayer au moins d’obtenir une gouvernance du groupe à parts égales. « Au Japon, les dirigeants de Nissan ne semblent pas vouloir entendre parler de ce nouveau montage... »

Une deuxième illustration : EDF

En 2004, EDF est privatisé par Sarkozy, ministre de l’industrie, et le secteur est ouvert à la concurrence. C’est le début du démembrement : RTE (gestion du réseau de transport), Enedis (distribution aux particuliers).

Mais aujourd’hui, se pose un problème majeur : celui de la filière nucléaire. Or il faut le préciser : la filière nucléaire était une des rares filières d’importance où le capitalisme français conservait une place significative à l’échelle mondiale. Aujourd’hui cette filière est au bord de l’effondrement.

Il y a d’abord les déboires sur la construction de l’EPR troisième génération. En Finlande, le coût de construction de l’EPR est passé de 3 milliards à 8,5 milliards avec un retard de livraison de 10 ans ! A Flamanville de 3 milliards à 10,9 milliards, avec là aussi des reports répétés quant à la mise en service.

À Hinkley Point, en Grande‑Bretagne, EDF a dû s’associer au géant chinois du nucléaire pour construire l’EPR, dans des conditions de rentabilité si incertaines que l’ancien numéro 2 d’EDF, Piquemal, a démissionné, jugeant le projet suicidaire. C’était le seul contrat obtenu en matière d’EPR hors du territoire français, en dehors de la Finlande mentionnée plus haut.

Au bout du compte, le seul EPR actuellement en activité est... en Chine et fabriqué par les Chinois.

Mais il n’y a pas que les déboires de l’EPR troisième génération. Il y a le problème du démantèlement des centrales en fin de vie. Démantèlement qui a un coût énorme, en dehors du fait qu’il pose des problèmes de sécurité publique qui donnent froid dans le dos. Le 29 janvier, dans une interview, le président de l’ASN (Autorité de sûreté nucléaire) déclare :

« Nous sommes confrontés à des phénomènes de vieillissement de toutes les installations nucléaires qui ont atteint une durée de vie proche de celle initialement envisagée. D’où par exemple, la corrosion découverte sur les évaporateurs ou sur les vases d’expansion... des équipements qui n’ont pas été posés correctement, des vannes qui ont été installées à l’envers, des fixations de tenue de séisme qui ne sont pas suffisamment solides... »

Cela ne s’arrête pas là. Demeure la question des déchets, dont seuls 10% sont réellement recyclables. Tant que la production d’électricité nucléaire permettait la réalisation du profit, la bourgeoisie se souciait fort peu des questions à venir de démantèlement des centrales, de retraitement des déchets. Désormais, elle opère d’une part en faisant courir à la population laborieuse des risques énormes par l’accumulation de déchets dangereux dont elle ne sait que faire ; d’autre part, en faisant retomber sur les épaules de cette même population les coûts faramineux liés en particulier au démantèlement. Et c’est ainsi que le gouvernement a mis à l’ordre du jour la... nationalisation des activités nucléaires... et l’accélération de la privatisation des autres activités (profitables). Il s’agit de nationaliser les dettes d’EDF dont Le Parisien nous annonce la somme : côté dette, « 37 milliards d’euros (Mds€) nets. Mais plus du double si on ajoute les emprunts obligataires (la dette hybride). Soit trois fois plus qu’il y a dix ans. » Soit l’équivalent des 3/4 du budget 2019 de l’Éducation nationale.

Sur une question qui en réalité concerne l’ensemble de la classe ouvrière, que disent les dirigeants CGT ? « La FNME‑CGT revendique une tout autre logique par la mise en place d’un service public de l’énergie piloté par un pôle public de l’énergie. La FNME‑CGT revendique une entreprise intégrée 100 % publique. »

Et dans le corps du texte : « Des solutions nouvelles doivent être imaginées (utilisation sous garantie de l’État des fonds de réserve de l’assurance vie, de l’épargne salariale, participation des électro intensifs (…) à l’image de la banque allemande KfW qui dispose de centaines de milliards d’euros à taux réduits pour investir dans la transition énergétique. Les entreprises pourraient investir massivement sans que cela ne pèse excessivement sur les tarifs de l’énergie... »

Ce qu’on n’y trouve pas, c’est le retrait du plan du gouvernement, la défense du statut et du régime de retraites. En réalité, les « propositions » de la direction de la CGT visent à préparer son inscription dans le « dialogue social » sur les « différentes solutions » pour au bout du compte faire adopter le plan gouvernemental, avec les conséquences sur le prix de l’électricité pour les travailleurs (déjà +5,9%), la remise en cause du statut, le paiement par l’impôt des travailleurs de la faramineuse dette.

La dette : vers une nouvelle dégradation

La situation du capitalisme français trouve aussi son expression dans l’endettement aussi bien public que privé.

L’endettement des entreprises françaises s’élève à 4 000 milliards de dollars, soit 175% du PIB. Celui des entreprises non financières, à 133% du PIB. L’article des Échos du 13 mars donne quelques indications de l’évolution entre 2007 et 2017 : LVMH : de 6 à 12 milliards ; Air Liquide : doublement en 10 ans ; Sanofi : 25 milliards en 2018, etc.

Et il explique à quoi sert cet endettement :

« Cette fringale de dette s’explique en grande partie par les coûts de financement très bas. » Le taux d’intérêt moyen des prêts accordés aux sociétés non financières s’est élevé à 1,56 % en 2018, son plus bas historique », notent les analystes de S&P. Autre moteur de l’endettement : les opérations de fusions‑acquisitions stratégiques. »

Le taux d’endettement très bas explique l’intérêt qu’il y a pour les entreprises à emprunter... pour accumuler du cash. Mais la Banque de France s’inquiète de cette augmentation pharaonique de l’endettement. Que se passerait‑il si les taux d’intérêt venaient à augmenter ?

Ce qui s’est passé à SFR, avec un effondrement boursier fin 2017, montre les risques : c’était le résultat direct du doute des actionnaires sur les capacités de remboursement de SFR. Bien entendu, il n’y a qu’une manière de « rassurer » la Bourse : c’est d’augmenter le taux d’exploitation des travailleurs, d’opérer des restructurations, etc.

L’endettement des entreprises françaises – beaucoup plus important que celui de ses concurrentes, si on excepte le cas de la Chine ‑ est une des manifestations de la faiblesse du capitalisme français. Pour tenter de se maintenir dans la cour des grands, les trusts français doivent opérer des rachats de concurrents ; mais à cause de leur faiblesse intrinsèques, ils ne peuvent le faire que par le recours à l’endettement.

Quant à l’endettement public, il cesse d’autant moins de croître que les mesures prises récemment par Macron (prime d’activité, mesures annoncées sur l’impôt sur le revenu), même si évidemment elles ne correspondent en rien à un « recul » par rapport aux revendications ouvrières, n’en ont pas moins des effets en terme d’aggravation de l’endettement public. Les chiffres annoncés – 10 puis 17 milliards dans Le Monde du 2 mai sont sujets à caution et il faut faire la part de la propagande visant à justifier les mesures à venir contre les masses. Mais l’aggravation de l’endettement public par ces mesures est incontestable.

D’ores et déjà, le déficit 2019 est annoncé comme repassant par dessus la barre des 3% (3,2%), ce qui place évidemment le gouvernement français dans une situation de faiblesse par rapport à l’UE, en particulier par rapport à l’Allemagne.

Une frénésie interventionniste à la mesure de l’affaiblissement de l’impérialisme français

Non seulement l’Allemagne traite avec mépris les « propositions » de Macron sur l’Europe, mais encore elle accélère la pression pour en finir avec ce qu’elle considère comme une anomalie héritée d’un passé révolu : la place disproportionnée de la France par rapport à sa place économique réelle. Cela se concentre dans le combat désormais ouvert engagé par l’Allemagne, en particulier par la nouvelle cheffe de la CDU, dite AKK, pour éjecter la France de son siège de membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, au profit de l’UE, elle‑même dominée par l’Allemagne.

Dans cette situation périlleuse, le gouvernement Macron se bat avec l’énergie du désespoir.

Il le fait d’abord par une frénésie interventionniste pour défendre le pré‑carré de l’impérialisme français. En font partie les livraisons d’armes – un des seuls secteurs où l’industrie française demeure compétitive même si, là aussi, la concurrence que lui livre l’impérialisme allemand devient plus pressante. Il faut signaler bien sûr le cas du Yémen où sévissent les chars Leclerc, les canons Caesar, et aussi les frégates françaises qui contribuent directement au blocus de la partie du Yémen contrôlée par les « rebelles ». Libération indique :

« En mer, deux navires vendus par la France « participent au blocus naval » du Yémen : la frégate saoudienne de classe Makkah et la corvette lance‑missiles émirienne de classe Baynunah. Celle‑ci contribue également à « l’appui des opérations terrestres menées sur le territoire yéménite ». Le blocus, qui entrave le ravitaillement des populations civiles, est l’une des causes de la catastrophe humanitaire en cours dans le pays. 80 % des habitants ont besoin d’une aide alimentaire d’urgence et 16 millions n’ont pas accès à l’eau potable, selon les Nations unies. »

Ces armes sont acheminées en Arabie saoudite via leur embarquement dans des ports français. Ainsi un cargo saoudien attendait la livraison des canons Caesar au Havre. Une organisation pacifiste d’inspiration chrétienne a entamé une action en justice contre leur livraison. Il est évident que ce genre d’» action » était voué à l’échec. Le seul résultat a été l’organisation de l’embarquement d’un autre port, semble-t‑il. Car les seuls qui avaient le pouvoir d’empêcher l’embarquement étaient les dockers, à condition toutefois que la direction de la CGT Ports et docks – ultra‑majoritaire ‑ organise le boycott de la livraison. C’est d’ailleurs comme on vient de l’apprendre ce qu’ont fait les dockers de Gênes, avec le syndicat CGIL, dans les mêmes circonstances. Mais la direction de la CGT des dockers n’a pas bougé le petit doigt, et on ne trouvera pas le moindre écrit alertant même les travailleurs. La soumission aux intérêts de l’impérialisme français prévaut !

La livraison d’armes à l’Arabie saoudite, hautement revendiquée par Macron contre l’Allemagne accusée d’y faire obstacle, fait partie de la stratégie d’alliance de l’impérialisme français, qui inclut l’Arabie saoudite et l’Égypte, sans compter bien sûr l’État d’Israël. Cette stratégie a trouvé une illustration récente en Libye avec le soutien au maréchal Haftar. Ancien bras droit de Khadafi, ce dernier ne se cache pas une seconde de vouloir instaurer en Libye un régime équivalent au régime de terreur de Sissi en Égypte avec le financement de l’Arabie saoudite et les « conseillers militaires français. C’est le sens de l’offensive qu’il mène sur Tripoli contre le gouvernement de Sarraj, par ailleurs reconnu à ce stade par l’ONU mais surtout par l’Italie.

L’arrière‑fond de cette bataille, c’est d’une part le contrôle des puits de pétrole que se disputent les compagnies italiennes et Total. Mais aussi la reconstruction d’un État bourgeois en Libye, susceptible non seulement d’assurer le pillage « sécurisé » du pétrole libyen, mais aussi d’augmenter l’efficacité du barrage libyen contre les migrants. Castaner, qui n’en est pas à un mensonge près, a accusé les ONG de complicité avec les passeurs. Et en même temps, il a annoncé la fourniture de nouvelles frégates aux gardes‑côtes libyens qui destinent les migrants à de véritables camps de concentration ou à l’enrôlement de force dans les troupes en conflit.

Et en arrière‑fond, c’est la nécessité pour l’impérialisme français d’assurer la stabilité de la zone sahélo‑saharienne qui a une importance stratégique pour lui, alors que Haftar, qui contrôle désormais le sud de la Libye, se présente comme le meilleur rempart contre l’islamisme.

On ne serait donc pas complet si on n’évoquait pas le Mali. Il fut un temps, celui de la tournée « triomphale » de Hollande au Mali, temps bien éloigné. Les drapeaux tricolores ont disparu des balcons. Le dernier épisode en date est comme un nouveau Rwanda, en miniature : un village peul est massacré par une milice « alliée » à la fois d’Ibraham Boubacar Keita et de la France. Les troupes du gouvernement, tout comme un détachement français, étaient à un jet de pierre du village. Ils ont attendu que le massacre soit perpétré. C’est la réédition de ce qui s’est produit, à une échelle plus limitée, il y a trois décennies au Rwanda.

D’Alger à Bamako, en passant par Tripoli,
la haine des masses pour l’impérialisme français et son représentant, Macron

On comprend dans ces conditions la haine mille fois méritée des masses d’Afrique pour l’impérialisme français. À Bamako, des dizaines de milliers de manifestants ont exigé le départ des troupes françaises. "Le seul problème du Mali, c’est la France", dit un manifestant au correspondant du Monde dans la manifestation.

Quant à ce qui se passe en Algérie, les manifestations de millions d’Algériens associent la même exigence : que dégagent le régime honni et l’impérialisme français qui, par la voix de Macron et Le Drian, n’a cessé de lui affirmer son soutien ainsi qu’aux plans successifs qu’il a élaborés pour essayer de perdurer.

Le silence des appareils syndicaux, du PS et du PCF, n’en est que plus écœurant, pour ne rien dire du soutien « patriotique » manifesté par Mélenchon aux entreprises impérialistes de la France – dont il faut rappeler qu’il avait soutenu l’intervention de Sarkozy en Libye.

À l’inverse, le soutien que doivent organiser à la mesure de leurs forces les révolutionnaires, c’est le celui,  inconditionnel, des travailleurs en France aux masses des pays d’Afrique dans leur combat contre l’impérialisme français.

La classe ouvrière sous l’avalanche : licenciements et RCC (Rupture conventionnelle collective)

Car les travailleurs en France ont le même ennemi : le gouvernement Macron. C’est sur les mesures de ce gouvernement que s’appuient les capitalistes pour organiser les plans de licenciements massifs que l’on voit resurgir partout. C’est en particulier la disposition qui permet la RCC, pour licencier « sans justification économique », et allège considérablement les obligations faites au patron dans le cadre d’un PSE (« plan social »).

Mais il faut le dire : dans la plupart des cas, la RCC n’est possible que grâce à la collaboration des dirigeants syndicaux, y compris CGT et FO, qui le plus souvent la signent. Le cas de Dunlop Montluçon décrit par Le Monde du 18 avril est édifiant : « Par principe, la CGT est opposée au RCC, mais il y a aussi le principe de réalité. Les salariés y étaient globalement favorables, on a été pragmatique », précise David Guillaume, délégué CGT. Donc il y a les principes, mais en réalité... Et tout ça bien sûr par la faute des travailleurs « favorables ».

La suite logique, c’est qu’on s’assoit à la même table que le patron pour dresser la liste des licenciés : « Le dossier de chaque candidat au départ et son projet ont été étudiés par une commission de suivi réunissant la direction, les représentants des salariés, et un membre du cabinet Sodie, spécialisé dans les reclassements. »

Au bout de quelques mois, le travailleur qui a accepté – faute de toute perspective de combat – de monter un dossier de départ s’en mord les doigts : « Je me suis peut-être un peu précipité », dit l’un d’eux, désormais sans travail avec des crédits à rembourser. Mais en réalité, la responsabilité n’est pas la sienne. Et l’on apprend que quelques mois plus tard « une majorité de salariés ont rejoint les gilets jaunes ». Le rapport avec le fait que la direction de la CGT a cogéré le plan de licenciements est une évidence...  Mais le bureaucrate syndical tient les responsables de la situation : « Les salariés savent le prix de ce qu’ils ont donné au patron en acceptant la RCC. »

Dunlop n’est pas un cas isolé. Il y a eu Ford (avec le rôle joué par Poutou, félicité à la tribune de l’Assemblée nationale par Le Maire). Il y a eu Ascoval, où les dirigeants syndicaux ont d’abord fait acclamer par les ouvriers le premier repreneur qui s’est révélé un escroc. Aujourd’hui, nouveau miracle avec la reprise par British Steel... depuis déclaré en faillite ! À Ascoval, la « bataille » a été menée sur un certain terrain par l’appareil PCF qui y dirige la CGT. Et ce terrain est précisé par le bureaucrate syndical, par ailleurs 31e sur la liste PCF aux européennes, qui indique : « Et pour l’industrie, le métallo réclame aussi à l’Europe d’arrêter d’interdire aux états d’aider les entreprises pour lutter contre la concurrence déloyale selon lui des pays extérieurs à l’Union. »

Et il y a les secteurs sinistrés : la papeterie‑cartonnerie, la sucrerie et, de manière massive, le secteur des grandes surfaces. À Carrefour, il y a 15 mois, la direction annonçait un plan de 2400 suppressions de poste, avec fermeture de la chaîne de supérettes Dia, ouverture le dimanche pour ceux qui restaient. Les appareils se répartissaient le travail. FO signait et la direction de la CGT organisait la division avec les actions « commando » et « coup de poing » dans les magasins (Martinez en tête).

Aujourd’hui, nouvelle purge avec 3000 suppressions de poste dans le cadre d’une RCC. FO signe et déclare au Comité central d’entreprise du 11 avril :

« la FGTA‑FO est totalement consciente des transformations culturelles, économiques, sociales et technologiques qui amènent une mutation majeure et profonde dans la consommation et, par conséquent dans l’organisation du Groupe Carrefour.

Soucieuse de ces transformations, notre organisation syndicale ne peut plus accepter une « énième » annonce de réorganisation, sans que celle-ci intègre totalement la dimension humaine et sociale dans la planification de ses projets.

Dans ce cadre, il nous paraît indispensable que soient intégrées dans le projet d’accord, les garanties qui permettront aux salariés de se préparer de manière anticipée aux évolutions des métiers de Carrefour... »

Inutile de commenter...

Et aujourd’hui se profile la suppression de 1000 emplois à General Electric Belfort avec, en perspective de la part des directions syndicales, la même « tactique » qui a donné les résultats que l’on sait à Ford Bordeaux, à savoir « démontrer » la rentabilité de l’entreprise dans le cadre d’une vaste union du gouvernement, des élus locaux et des appareils syndicaux, en lieu et place du combat pour la défense de tous les postes et la nationalisation sans indemnité ni rachat de l’entreprise.

Les conclusions du « grand débat »

On se rappelle que les dirigeants syndicaux avaient demandé que la rédaction de la loi Fonction publique soit subordonnée au résultat du « grand débat ». Cela valait aveu de soutien au « grand débat » et avalisation par avance de ses conclusions.

L’essentiel de ces conclusions est dans l’annonce de l’augmentation de facto de l’âge de départ à la retraite. Mais il faut insister sur le discours de Macron sur les immigrés. Il s’est prononcé pour « une refondation de l’espace Schengen... quitte à ce que ce soit un Schengen avec moins d’États », la protection des frontières. En même temps, sous couvert de « laïcité », il a annoncé « contre l’islam politique », la "reconquête de certains quartiers". Autrement dit, il a donné le feu vert aux ratonnades anti‑arabes dans les quartiers. En quoi, de manière pratique, cela est‑il autre chose que ce que dit Orban ou Salvini ?

L’avalanche gouvernementale : liquidation du statut de la Fonction publique

Il est inutile de rappeler le contenu de la loi Fonction publique. Nous l’avons décliné largement dans nos différents bulletins. Il faut insister cependant sur une chose.

À la tribune de l’Assemblée, le ministre Dussopt s’est bruyamment félicité des 15 mois de concertation. De son point de vue, il a raison. La concertation a permis à chaque étape au gouvernement de s’assurer que les directions syndicales feraient tout ce qui était en leur pouvoir pour interdire aux fonctionnaires de défendre leur statut, alors que le projet de loi qui détruit le statut des fonctionnaires liquide aussi la place des syndicats de fonctionnaires, en particulier leur rôle dans les commissions paritaires ! Toutes les modifications du projet initial du gouvernement ont été des aggravations, le gouvernement gagnant en audace au fur et à mesure que s’égrenaient les séances de concertation : requalification en CDI du contrat du fonctionnaire des services privatisés, possibilité de rupture conventionnelle dans la Fonction publique, possibilité pour les municipalités de moins de 1000 habitants de recruter uniquement par contrat, etc.

Rappelons la déclaration des représentants CGT dans la concertation du 18 juillet 2018 :

« Voulant encore croire, en dépit de vos actes, au fait que les organisations syndicales ne soient pas considérées par vous comme des obstacles ou des adversaires, nous vous demandons solennellement de prendre dès aujourd’hui un engagement. Celui‑ci est le suivant : que vos réformes régressives des organismes consultatifs n’auront pas de répercussions négatives sur le volume des droits attachés à l’exercice des mandats syndicaux et à ceux des représentants des personnels. »

Que meure le statut, pourvu que les places de permanents soient préservées ! Voilà le contenu de la déclaration de l’appareil CGT ! Le reste en découle, à savoir le nombre incaclulable de journées d’action visant à disloquer toute possibilité de combat, et le soin méticuleux mis à écarter le mot d’ordre de retrait du projet de loi, comme le montre la conclusion du communiqué de presse national intersyndical :

« Après des communiqués unitaires, après des délais de consultations des instances supérieures de la Fonction publique peu respectueuses d’un dialogue social de qualité, après que toutes les organisations représentatives de la Fonction publique aient donné un avis défavorable au projet de loi dit de transformation de la fonction publique, les organisations syndicales CFDT, CFTC, CFE‑CGC, CGT, FAFP, FO, FSU, Solidaires, et UNSA réaffirment leur volonté de mettre en œuvre un processus de mobilisation inscrit dans la durée. Pour dire non au projet de loi de transformation de la fonction publique et pour demander au gouvernement qu’il ouvre enfin des négociations sur de nouvelles bases, elles appellent d’ores et déjà toutes et tous les agent‑e‑s de la Fonction publique à se mettre en grève le jeudi 9 mai prochain, étape forte du processus de mobilisation. »

Tout y est : la mobilisation « dans la durée », pour bien préciser que le 9, il ne s’agit pas d’affronter le gouvenement, et que le 10 nous en serons au même point et le « dire non », immédiatement suivi d’un appel à « négociation ».

La grève et les manifestations du 9 mai ont certes marqué une certaine volonté des fonctionnaires de voir rejetée la loi Fonction publique, et en même temps une certaine incapacité de leur part à soulever la chape de plomb des appareils syndicaux. Quant à ceux‑ci, le soir même, ils indiquaient par leurs déclarations que la simple évocation du « non au projet de loi » était de pure forme. Voyons ce que déclare Groison au Café pédagogique, en commençant de manière sidérante : « On veut que le gouvernement clarifie la situation et dise comment il compte s’y prendre ». Le texte a été adoptée en Conseil des ministres, mais Groison ne sait pas « comment le gouvernement va s’y prendre » ! Et elle continue : « Ca fait des semaines que des mobilisations ont lieu dans l’Education nationale et un petit tassement n’est pas surprenant ». Traduisons : la politique de bousille a porté ses fruits en termes de dislocation de la volonté des fonctionnaires.

 « On a entendu le gouvernement ouvrir quelques portes et on le met sur le compte des mobilisations qui ont eu lieu, notamment dans l’Éducation nationale : baisse des effectifs, non-fermeture d’écoles, revalorisation des enseignants et doute sur les suppressions de postes. (...) Sur la revalorisation, il ne faut plus tarder et ouvrir les discussions. »

L’évocation de la « revalorisation » est là pour dire : la loi Fonction publique est actée, passons à autre chose !

Venons en à la déclaration CGT‑USFE :

« Le gouvernement doit prendre en compte cette mobilisation et réorienter sa politique en la matière. Il doit notamment revenir sur son projet de loi dit de « modernisation de la Fonction Publique ».

Pour la CGT, d’autres choix s’imposent tant pour la Fonction publique que pour l’ensemble des Services Publics...

C’est dans ce sens que la CGT revendique :

‑ les moyens nécessaires pour que les salarié‑e‑s puissent bien travailler ;

‑ l’implantation sur l’ensemble du territoire de Services Publics de plein exercice et de proximité ;

‑ des moyens de financements pérennes ;

‑ des statuts, des droits et des garanties collectives protecteurs des citoyen‑nes, des usager‑e‑s et des salarié‑e‑s. »

Bref. Tout, sauf le retrait du projet de loi !

Voilà pourquoi, alors que débute la discussion parlementaire, le gouvernement est sur le point de remporter une nouvelle victoire de premier plan et les fonctionnaires d’encaisser une rude défaite. La seule responsabilité est celle des dirigeants des fédérations de fonctionnaires.

Loi Blanquer

L’offensive générale contre la Fonction publique se décline de manière particulière contre le corps enseignant avec la loi Blanquer.

Les enseignants – en particulier ceux du primaire – ont manifesté de la manière la plus claire leur disponibilité à se battre pour son retrait, en particulier à travers leur participation massive à la grève du 19 mars avec un professeur d’école sur deux en grève. Le 4 avril, les dirigeants syndicaux appelaient à une nouvelle grève de 24 heures. Au nom de l’unité avec la CFDT, la revendication de retrait de la loi Blanquer disparaissait. Blanquer de son côté indiquait qu’il était prêt à réécrire l’article concernant les EPSF (Etablissements publics des savoirs fondamentaux) en subordonnant leur création à l’accord des conseils d’école. En réalité, cette pseudo concession ne changeait rien du tout. Outre le fait que localement, un tel accord pouvait être obtenu par divers moyens de pression, l’enjeu fondamental de la création des EPSF était la mise sous tutelle des professeurs d’école, leur soumission à une autorité hiérarchique capable de leur imposer réellement la mise en oeuvre des réformes gouvernementales.

Le Sénat, à majorité LR, a pour sa part jugé que cet objectif pouvait être atteint autrement, en modifiant le statut des directeurs d’école, en donnant à ces derniers un pouvoir d’évaluation de leurs collègues. Tel est le sens des amendements apportés par le Sénat au projet de loi qui par ailleurs aggrave dans un sens réactionnaire toutes les dispositions de la loi.

Au total, celle‑ci constitue une attaque d’une portée historique contre le statut des enseignants et contre les libertés démocratiques. Le service des enseignants pourra être annualisé. Les affectations seront soumises à l’accord du chef d’établissement. Dans les zones dites « défavorisées », elles se feront en dehors de tout barème, donc selon le bon plaisir du gouvernement et de la hiérarchie. L’article 1 de la loi permet de sanctionner toute prise de position publique d’un enseignant contre la politique du gouvernement (convocations administratives et intimidations de toutes sortes ont déjà commencé). Le projet de loi interdit de fait toute diffusion de tract aux abords des établissements scolaires, etc.

Par ailleurs, tant le ministre que la majorité LR du Sénat ont indiqué leur volonté de trouver un accord en commission mixte Assemblée‑Sénat, permettant d’éviter que la loi soit soumise à une seconde lecture à l’Assemblée, de sorte qu’elle puisse s’appliquer dès la rentrée 2019.

De journées d’action en journées d’action, de « mobilisations locales » sous des formes « originales » en grèves reconductibles (toujours locales) initiées par les groupes dits « d’extrême gauche », tout a été fait pour empêcher les enseignants de centraliser leur combat contre le gouvernement, pour le retrait de la loi.

Le corps enseignant se trouve donc aujourd’hui dans une situation particulièrement périlleuse. Une dernière possibilité existe – si mince soit‑elle ‑ pour les enseignants d’imposer le front uni des organisations syndicales pour le retrait de la loi Blanquer à travers une manifestation centrale du corps enseignant au siège du pouvoir. Cette volonté peut trouver son expression au congrès du principal syndicat de l’enseignement primaire : le SNUIPP FSU. C’est à cette expression qu’oeuvreront les militants révolutionnaires qui y seront présents.

Contre‑réforme des retraites : pas le moindre grain de sable dans la marche en avant du gouvernement

Juste après les lois Fonction publique et Blanquer, est programmée la contre‑réforme des retraites. Jusqu’au bout, le gouvernement a pu compter sur l’entière collaboration des directions syndicales à la concertation Delevoye. Tout à fait à la fin, FO a quitté la table, en précisant que cette rupture était « symbolique », autrement dit fictive. Quant à la direction de la CGT, huit jours après avoir été gazé le 1er‑Mai par les flics de Macron‑Castaner, elle participait à la dernière séance officielle de concertation.

Il faut une singulière veulerie à l’égard de Martinez‑Veyrier pour prendre pour argent comptant leur déclarations platoniques « d’opposition » à la réforme ; c’est pourtant ce que font certains à l’» extrême gauche »... Rappelons que quelques jours avant ces déclarations, dirigeants CGT et FO discutaient avec Delevoye de la gouvernance du nouveau système !

Quant au congrès CGT, la direction syndicale s’y est livrée à un tour de passe‑passe. Sa déclaration finale « s’engage à combattre le projet gouvernemental "Delevoye de système universel de retraite à points et défend le maintien et l’amélioration des 42 régimes de retraite existants", et en même temps se prononce « pour une retraite solidaire par répartition ». Or, d’une part le code des pensions de la Fonction publique n’est précisément pas un régime par répartition, les pensions de la Fonction publique étant abondées par un chapitre particulier du budget de l’Etat ; d’autre part, c’est au nom de la « solidarité » entre tous les salariés que se mène la campagne pour la liquidation des régimes spéciaux !

La préservation des acquis en matière de retraites dépend, en fait, non de la bonne volonté des dirigeants syndicaux, mais de la capacité des travailleurs à bousculer leur dispositif, à leur imposer une prise de position claire et nette pour le retrait du projet gouvernemental, et l’organisation de l’affrontement avec le gouvernement. Les échéances sont proches : présentation du projet de loi au conseil des ministres cet été et mise à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale début 2020 !

Une personne tuée, 283 blessés, 24 éborgnés, 5 mains arrachées

Tel est le bilan de la violence policière déchaînée contre les diverses manifestations depuis quelques mois d’après Le Monde. Le complément indispensable du « dialogue social », c’est l’Etat policier.

À ce bilan, il faut ajouter les centaines de condamnations (la ministre de la Justice en a elle‑même revendiquées 800 !), généralement prononcées à la suite d’une comparution immédiate, allant jusqu’à plusieurs années de prison ferme.

La répression a été particulièrement violente dans le cadre des manifestations de « gilets jaunes ». Les blessés et condamnés sont le plus souvent des chômeurs, des ouvriers, des jeunes que ne connaissaient pas les services de police, ce qui infirme d’ailleurs la thèse de la même police sur les bandes savamment organisés en vue de l’affrontement. Ce que ces ouvriers, chômeurs, jeunes expriment, c’est la haine spontanée à l’égard de l’appareil de repression.

La répression violente des manifestations est un avertissement envoyé aux travailleurs, aux jeunes : désormais, vous ne pouvez manifester sans risque. Manifester, c’est courir le risque d’être éborgné, d’avoir une main arrachée, d’être interpellé, jugé en comparition immédiate et condamné.

Le gouvernement qui, par l’intermédiaire de l’Inspection générale des services (IGS), vient de donner un blanc seing – pour ne pas dire adresser des félicitations ‑ à l’action des flics humiliant les lycéens de Mantes‑la‑Jolie mis à genoux, vient de confirmer ce message.

La violence de la répression a franchi un nouveau cap avec l’adoption de la loi anti‑casseurs. On voit en particulier l’usage qui a été fait de l’article sur la « participation à un groupement en vue de commettre des violences ou des dégradations et port d’arme ». Il faut mettre en relation cet article, qui permet de condamner sur la base « d’intentions supposées », et les ordres donnés par Castaner de disloquer tout regroupement considéré comme ayant « en vue » des violences ou dégradations, c’est‑à‑dire en réalité de faire charger une manifestation à titre préventif, comme on l’a vu le 1er‑Mai.

Fait nouveau : le fait que l’appareil policier se croit autorisé à intervenir au sein même d’une manifestation pour arracher des banderoles jugées infamantes à l’égard de la police ou de la personne de Macron. C’est le rétablissement du crime de lèse‑majesté. Ce qui est arrivé à Olivier Sillam, militant de la FSU, violemment interpellé par les flics au coeur même de la manifestation et tabassé pour avoir scandé : « A bas l’Etat policier », en dit long sur l’instauration d’un tel Etat policier.

Relèvent de la même instauration les convocations et intimidations de journalistes par la DGSI pour avoir divulgué des informations sur les affaires « sensibles » : les uns, pour avoir dévoilé les mensonges de la ministre Parly, qui prétendait que les armes livrées à l’Arabie saoudite ne servaient pas au Yémen contre la population yéménite ; les autres, pour avoir révélé quelques éléments de vérité sur « l’affaire Benalla ».

Il faut le rappeler : c’est avec le plus parfait cynisme que les appareils syndicaux, en particulier celui de la CGT, ont laissé passer la loi anti‑casseurs pour ensuite, dès lors qu’elle était adoptée, se prononcer pour son abrogation. Les manifestations du 13 avril, plusieurs semaines après l’adoption de la dite loi anti‑casseurs, avec une kyrielle d’organisations à l’appel de la Ligue des droits de l’Homme, ne méritent même pas le qualificatif de « baroud d’honneur ». C’est une mascarade !

Le 1er‑Mai : les dirigeants syndicaux gazés

Autre fait nouveau : les dirigeants syndicaux eux‑mêmes ne sont pas épargnés par la violence policière.

Commençons par citer Macron après le 1er‑Mai :

« Il est bon que les traditions qui ont un sens, un symbole soient entendus. J’y tiens. Le 1er‑Mai est la fête de ceux qui aiment le travail, parce qu’ils savent que par le travail on construit son avenir et l’avenir de la France »

L’histoire du 1er‑Mai en France remonte à la répression sanglante de la manifestation du 1er mai 1891 à Fourmies, où l’infanterie assassina 9 ouvriers, dont certains étaient des enfants.

Cette histoire, Macron mettant ses pas dans ceux de Pétain, veut la faire disparaître. C’est la première fake new ! La seconde, c’est l’incroyable mensonge de Castaner annonçant la prise d’assaut de l’hôpital Pitié‑Salpêtrière par les manifestants cherchant à s’y réfugier, alors qu’ils étaient pourchassés par la police !

La décision de gazer les carrés de tête des cortèges syndicaux est une décision politique parfaitement délibérée. Macron entend continuer à s’appuyer à fond sur la collaboration des dirigeants syndicaux. Mais justement, il exige que cette collaboration aille plus loin encore. Et en particulier, il somme les dirigeants de faire une police efficace au sein du prolétariat et de la jeunesse, d’assumer totalement leur rôle de garde-chiourme.

Le 1er‑Mai, le gouvernement n’a pas seulement envoyé des grenades à Martinez, aux responsables FSU, FO. Il leur a en même temps envoyé un message : mettez de l’ordre dans vos manifestations, faute de quoi nous nous livrerons à une répression « aveugle et sans discernement » ‑ telle est la formule de protestation des dirigeants syndicaux ! ‑ qui vous atteindra vous‑mêmes.

La situation des syndicats : un exemple, le congrès de la CGT

La politique des directions syndicales les vide de leur substance. Nous l’avons expliqué dans CPS, en particulier dans l’article intitulé « A propos de l’indépendance réciproque des syndicats et des partis », que l’on pourra retrouver sur notre site. La direction de la CGT vient de le confirmer en annonçant, à l’ouverture du congrès, une nouvelle baisse des effectifs de plusieurs dizaines de milliers de syndiqués. En même temps, la question des syndicats demeure une question centrale. L’Algérie nous le rappelle : dès lors que les masses entrent en mouvement, elles posent avec force la question de la réappropriation des syndicats.

Mais précisément, les masses en France ne sont pas en mouvement, et c’est pourquoi dans le congrès de la CGT, l’appareil syndical n’avait rien en réalité à redouter.

Disons deux mots du document d’orientation. Tout est dans cette « exigence » : « le droit de chaque travailleur de s’exprimer sur le sens, le contenu et la finalité de son travail dans l’entreprise et dans la société, de revendiquer le travail bien fait et socialement utile, de s’interroger et d’agir sur la production et la répartition des richesses ».

C’est la négation de toute revendication de classe au profit de la participation‑cogestion. Certes, la CGT n’est pas la CFDT. Mais aujourd’hui, il n’y a pas une feuille de papier à cigarettes entre le « programme » de la direction de la CGT de celui de la CFDT.

Fort opportunément pour l’appareil dans son ensemble, s’est constituée une « opposition » à Martinez aux accents apparemment plus radicaux : un os est donné à ronger à ceux auxquels répugne la politique de Martinez parmi les militants CGT.

Cette opposition n’en est pas une. Avec un verbiage différent, elle partage la même orientation fondamentale de cogestion : « Nous agissons partout en faveur de l’intervention des salarié‑e‑s dans la gestion de leur entreprise... L’exercice du pouvoir de gestion par les salarié‑e‑s au sein de leur entreprise est plus légitime et plus efficace que l’exercice du pouvoir de gestion par les actionnaires.

Aussi sommes‑nous favorables à la participation des salarié‑e‑s aux organes sociaux (conseils d’administration, conseils de surveillance, etc.) mais sur la base d’un projet de gestion élaboré par les salarié‑e‑s et alternatif à celui des représentant‑e‑s du capital. »

Parmi les promoteurs de cette opposition, l’UD‑CGT 13 fait par exemple une promotion incessante de la lutte des « Fralib » (ou SCPO‑TI). Il y avait au moment du rachat de la boîte sous forme de SCOP, 182 salariés. Il en reste aujourd’hui... 42 ! Voilà la situation récente décrite par Le Monde du 28 mai 2017 :

« La polyvalence est la règle dans l’atelier comme pour les administratifs. (...) Il faut aussi pallier les absences, le manque de personnel...

« Avec 1600 euros, on survit, estime un salarié. Mais c’est nous qui avons décidé de ces salaires en assemblée générale (AG) de coopérateurs. » Récemment, l’AG a renoncé au 13e mois pour cette année. « On reverra ça quand ça ira bien », dit le salarié.

« On est sur la brèche depuis 2010, explique l’un d’eux. La semaine, on travaille, et le week‑end, il y a les animations. Mais on est fiers du résultat. » Il faudra en faire encore plus, souligne M. Leberquier. « Nous devons développer le réseau alternatif de vente et seul l’investissement de chacun le permet. »

Le modèle de « lutte » de « l’opposition » – comme celui de Martinez d’ailleurs ‑, c’est donc l’auto‑exploitation forcenée, dans le cadre des SCOP.

Il en est un autre : c’est l’organisation méthodique de la défaite des cheminots par l’appareil CGT au printemps dernier, alors qu’aujourd’hui, les cheminots boivent le calice jusqu’à la lie, y compris par la perte du statut pour ceux d’entre eux qui relèvent désormais d’entreprises concurrentes de la SNCF.

« L’opposition » à Martinez a parfaitement joué son rôle en mettant en scène de fausses alternatives à Martinez pour mieux camoufler les questions réelles. Ainsi la discussion sur l’affiliation à la CSI (dont les dirigeants sont les fidèles auxiliaires des puissances impérialistes) ou à la FSM (constitué des débris du vieil appareil stalinien, dont certains sont des syndicats officiels d’Etat). Ainsi la discussion sur le soutien aux « gilets jaunes », soutien pourtant partagé par toutes les fractions pour mieux opposer les revendications des « gilets jaunes » aux véritables revendications ouvrières (retrait des contre‑réformes de la Fonction publique, des retraites, etc.). Ainsi la discussion‑bidon entre partisans des journées d’action et partisans des grèves « reconductibles » à la base – alors que les secondes ne sont que le complément des premières pour éviter tout affrontement central avec le gouvernement.

Par contre, les réponses aux véritables questions qui se posent à la classe ouvrière ont été occultées. Par exemple s’agissant du bilan : comment la terrible défaite subie par les cheminots a‑t‑elle été possible? Et s’agissant de l’avenir, a été occultée l’urgence à en finir avec le dialogue social qui conduit à la liquidation du statut de la Fonction publique et qui conduira demain, si elle n’est pas interrompue, à la liquidation du régime général et des régimes particuliers des retraites. A été occultée la nécessité d’organiser l’affrontement central avec le gouvernement pour stopper l’avalanche. Une déléguée porteuse de cette orientation s’est vue interdire l’accès à la tribune et la motion qu’elle voulait présenter au nom de son syndicat n’a pas été soumise au vote (voir la rubrique « Les militants interviennent » dans ce même numéro).

En clair l’appareil syndical a en réalité verrouillé le congrès. Le seul véritable recul de l’appareil a été concédée sur la réorganisation de l’organisation syndicale, puisque l’appareil dirigeant n’a pu mettre en place l’organisation de la CGT en unions régionales au détriment des UD et des fédérations, réorganisation qui avait pour but une étroite adaptation des structures de l’organisation à la réforme régionale, qui contient notamment la liquidation de tous les statuts nationaux dans la Fonction publique. Et de ce point de vue, même si le score de Martinez est médiocre (tant sur l’activité que sur l’orientation), le congrès représente une victoire pour l’appareil dirigeant.

À peine le congrès terminé, la direction de la CGT a commis une prise de position sur les élections européennes :

« La CGT appelle de la manière la plus claire et la plus vive possible chaque citoyen et citoyenne à voter !

L’abstention est un acte nuisible pour notre démocratie. Elle ne peut être considérée comme un choix politique à l’instar du vote blanc.

Le taux de participation à cette élection est, pour nous, un indicateur fort en termes d’exigence de démocratie et de participation citoyenne aux destinées de l’Europe...

Autre danger pour la démocratie et les conquis du monde du travail : le vote pour des partis d’extrême droite . »

Si on dénonce l’abstention et le vote pour les partis d’extrême droite, si on fait du seul vote pour « l’extrême droite » un vote contre « la démocratie et les conquis du monde du travail », on crédite a contrario le vote LREM‑Macron de vote en défense de la « démocratie » et des « conquis du monde du travail ».

Oui, et de la même manière jésuitique qu’en 2017, c’est un appel à voter Macron !

Aggravation de l’impasse politique pour le prolétariat

Ce qui pèse sur le prolétariat plus que tout, c’est l’absence de toute alternative politique réelle. A cet égard, les élections européennes sont illustratives d’une réalité nouvelle.

Désormais, les partis ouvriers traditionnels que, depuis un siècle, les travailleurs utilisaient pour chasser les partis bourgeois et tenter de s’ouvrir une perspective gouvernementale, sont au dernier stade de l’agonie.

Les élections européennes vont constituer un nouveau pas dans le sens de la liquidation du PS. Il n’y a pas de liste PS, qui s’est arrimé à un regroupement petit‑bourgeois qui n’a pas d’autre existence que médiatique. Bien évidemment, non seulement cet arrimage ne sauvera pas la liste d’un désastre électoral ; mais au contraire va marquer une nouvelle étape dans la « pasokisation » – en référence au PASOK grec liquidé de la scène politique qu’il a dominée pendant des décennies ‑ du PS.

Le PCF, quant à lui, a décidé de présenter sa propre liste, estampillée PCF, et insiste sur le fait que la liste est « ouvrière ». Il en faudrait davantage pour lui éviter le score marginal auquel il est promis. Son slogan : « L’Europe des gens contre l’Europe de l’argent » parle de lui‑même : toute référence de classe en est bannie.

L’électorat ouvrier sera capté pour une faible partie par la liste LFI, liste bourgeoisie à la tête de liste bourgeoise. Le choix de Manon Aubry comme tête de liste a le mérite de clarifier les choses. Membre successivement de la fondation Carter puis d’Oxam, Manon Aubry n’a rien à voir, ni de près, ni de loin avec le mouvement ouvrier.

Quant à EELV, il s’agit d’un mouvement bourgeois qui vend une marchandise frelatée : l’écologie dans le cadre de la « libre entreprise » dont se réclame bruyamment Jadot, alors même que chaque jour justement l’économie de « libre entreprise », mieux appelée capitalisme, montre qu’elle ne peut mener qu’au désastre dans les rapports de l’activité humaine à la nature.

Dans ces conditions, les résultats des sondages indiquant une abstention massive, largement majoritaire d’abord dans la jeunesse et la classe ouvrière, sont probablement proches de la réalité.

La possibilité de voter pour des listes issues du mouvement ouvrier s’y trouve donc limitée à son expression la plus symbolique : on peut placer dans cette catégorie la liste PCF, à la rigueur celle de LO, et ce malgré leur programme réactionnaire.

La liquidation des partis ouvriers‑bourgeois en l’absence de construction d’un parti ouvrier révolutionnaire, loin de constituer un pas en avant pour le prolétariat, l’enfonce davantage dans le marasme politique. C’est ce dont témoignent ces élections.

Actualité du combat pour la construction du Parti ouvrier révolutionnaire, de l’Internationale ouvrière

Telle est la situation réelle. Notre bulletin Combattre pour le socialisme en a fait sa règle : si l’on veut regrouper les meilleurs éléments de la classe ouvrière et de la jeunesse sur le programme révolutionnaire, il faut commencer par établir la situation telle qu’elle est, sans cacher les obstacles et les difficultés.

Mais en même temps que notre bulletin n’est pas celui de marchands d’illusions, il indique non moins clairement notre certitude de la capacité de la classe ouvrière à surmonter les obstacles, à se réapproprier ses organisations syndicales et, à terme, à se réorganiser sur l’axe de la révolution prolétarienne. Aux sceptiques, nous conseillons de regarder ce qui se passe en Algérie où le point le plus élevé de la mobilisation ouvrière est dans la volonté tenace des travailleurs et militants algériens de débarrasser l’UGTA de sa direction corrompue jusqu’à la moelle pour mettre le syndicat au service du prolétariat. Aux mêmes, nous conseillons de tourner leur regard vers le Brésil où moins d’une demi‑année après la victoire électorale de Bolsonaro, la jeunesse et les travailleurs ont repris le flambeau du combat contre le plan de liquidation des universités.

C’est pourquoi le Groupe pour la construction du Parti ouvrier révolutionnaire, pour l’Internationale ouvrière révolutionnaire qui publie Combattre pour le Socialisme n’est pas un groupe de commentateurs sur la situation politique. A la mesure de ses forces, c’est un groupe militant. Nous vous invitons à prendre connaissance ci‑après de quelques expressions de cette activité militante : dans la jeunesse, dans les organisations syndicales, et en défense de la mobilisation du prolétariat et de la jeunesse algérienne contre le régime et son fidèle allié : le gouvernement Macron.

Nous vous invitons à vous associer à notre combat.

 

Le 23 mai 2019.

 

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