Éditorial
du bulletin « Combattre pour le socialisme » n° 72 (n° 154
ancienne série) - 13 mars 2019 :
Du communiqué du 6 décembre
à l’adoption en première lecture de la loi dite «anticasseurs» :
L’avocat
Marc Sureau tire simplement et nettement les leçons de l’adoption en première
lecture de la loi dite «anticasseurs» : « Une liberté fondamentale a disparu ». Même s’il faut
jusqu’au bout combattre pour le retrait
de la loi (voir déclaration de notre Groupe dans ce numéro), il est
indispensable de reconstituer le film des événements qui conduit à ce vote.
Dans un
communiqué du 6 décembre 2018, la totalité des directions syndicales (CGT, FO,
FSU, UNEF) flanquées de la CFDT, CGC, UNSA, etc., à l’exception de Solidaires,
osaient adopter un communiqué commun dans lequel la phrase qui importait était
la suivante :
«Le
dialogue et l’écoute doivent retrouver leur place dans notre pays. C’est
pourquoi nos organisations dénoncent toutes formes de violence dans
l’expression des revendications.»
Quelques
jours plus tôt, la violence policière s’était déchaînée contre la manifestation
des «gilets jaunes». Une vidéo diffusée par les flics eux-mêmes montrait des
dizaines de lycéens à genoux sous la menace des matraques, aux Mureaux, pour
s’être dressés contre la réforme du lycée.
La
scène rappelait les pratiques de l’armée coloniale en Algérie, il y a 60 ans.
Le rapprochement mérite d’être établi. Jamais depuis 1961 et la terrible
répression de la manifestation parisienne en soutien au combat pour
l’indépendance en Algérie – où, sous la houlette de Papon, des centaines de
manifestants algériens avaient été jetés dans la Seine – la répression n’a eu
une telle ampleur que celle qui a déferlé ces dernières semaines.
Elle a
frappé les lycéens à un degré de brutalité inédit. Elle a aussi frappé les
manifestations de «gilets jaunes». Car autant le gouvernement (tout comme le
MEDEF) a considéré avec complaisance, et même comme une opportunité, tout ce
que ce mouvement contenait d’objectifs réactionnaires (contre l’impôt et les
cotisations sociales, contre les immigrés et les fonctionnaires), autant il
n’entendait pas permettre à ce mouvement de s’en prendre à l’Élysée, à
l’Assemblée nationale, bref, à l’État bourgeois lui-même. Il ne faut pourtant
pas s’y tromper : la violence de la répression policière contre ces
manifestations n’est pour le gouvernement qu’une répétition générale de la
répression qu’il prépare contre tout surgissement du prolétariat et de la
jeunesse contre sa politique.
Le communiqué intersyndical
du 6 décembre – suscitant au sein des organisations syndicales un nombre
significatif de dénonciations indignées – avait une signification très
claire : celle d’un acte d’allégeance jusqu’au bout des appareils
syndicaux au gouvernement Macron. Mais ce communiqué faisait mieux
encore : il constituait un véritable laissez-passer au gouvernement pour
renforcer l’arsenal législatif contre les libertés démocratiques, en premier
lieu le droit de manifester. Ce laissez-passer, Martinez l’a confirmé à sa
manière dans une interview à Politis
du 30 janvier, lorsqu’interrogé sur «les
violences dans les luttes sociales», il répond :
«Nous
l’avons dénoncée dès 2016. Elle est le fait d’une infime minorité très bien
organisée, dont nous connaissons les méthodes. Il faut isoler ces personnes.
C’est le travail de la préfecture de police et du ministre de l’Intérieur. Il
n’y a pas besoin pour cela de constituer des fichiers. Il est par ailleurs
inadmissible que des policiers soient livrés à eux-mêmes et ne reçoivent que
des ordres de dernière minute, mal adaptés. La désorganisation de la police a
fait que l’utilisation des Flash-Balls et des LBD a dérapé....»
Il y a
donc un lien étroit entre le communiqué du 6 décembre 2018, les déclarations
telles que celle du 30 janvier et l’adoption en première lecture le 5 février
2019 par 387 voix contre 92 de la loi dite «anticasseurs», dont le député UDI
De Courson a dit qu’elle nous ramenait au régime de Vichy. PS, PCF et aussi LFI
et RN ont voté contre. Mais il faut le noter : le PS et le PCF ont voté
contre tout en minimisant autant que se peut sa signification . Ainsi le député
PCF, S. Peu :
«Avec
la loi visant ”à renforcer et garantir le maintien de l’ordre public lors
des manifestations”, nous sommes dans la pure communication politique, une gesticulation
de circonstance, inutile et potentiellement dangereuse. C’est un moulinet
législatif qui sert à se défausser de la gestion calamiteuse des situations de
violence dans les manifestations.»
Peu,
qui se prononce donc au passage pour une meilleure gestion des situations de
violence, estime la loi «inutile». Il
faut que ce soit l’avocat Henri Leclerc, dans Mediapart, qui dise à quel point
cette loi n’est pas «inutile» :
«Face aux futures réformes, celle des retraites notamment, qui vont forcément
être très impopulaires, le gouvernement se donne des armes, mais ce n’est pas
de cette façon que l’on arrête une contestation».
Une
arme contre toute tentative de la classe ouvrière de se dresser contre les
contre-réformes particulièrement violentes au menu du gouvernement : là
est l’utilité de cette loi. Atteinte fondamentale à la liberté de manifester,
elle est complétée par des attaques tous azimuts contre l’ensemble des libertés
démocratiques : atteinte à la liberté de la presse avec la tentative de
perquisition dans les locaux de Mediapart dont les articles constitueraient...
une atteinte à la vie privée de Benalla, et atteinte à la simple liberté
d’opinion et d’expression (voir plus bas).
Le 5
février, justement la direction de la CGT, flanquée de la FSU et parfois
localement de FO, appelait à une journée d’action. La base de cet appel avait
été donnée quelques jours plus tôt par la CCN de la CGT. Elle y évitait
soigneusement l’exigence de retrait du projet de loi «anticasseurs» (comme du
reste toute exigence de retrait des contre-réformes gouvernementales) au profit
de la formule délibérément vague sur «le
respect des libertés publiques, tel que le droit de manifester remis en cause
par le gouvernement ». Et au moment où l’Assemblée nationale débattait
de la dite loi, le jour même de son adoption en première lecture, la
manifestation parisienne passait au large de l’Assemblée sans que ceux qui
dirigeaient cette manifestation ne fassent la moindre allusion à ce qui s’y
passait. «Oubli» parfaitement délibéré, puisque le lendemain la direction de la
CGT, donc après adoption de la loi en première lecture, se fendait d’un
communiqué... demandant le retrait de cette loi «liberticide».
Qu’il y
ait eu de la part des appareils dirigeants la volonté consciente de laisser les
mains libres au gouvernement, c’est ce dont atteste clairement ce qui s’était
passé quelques jours plus tôt au Conseil national de la FSU, où la direction de
la FSU s’était opposée jusqu’au bout à la motion présentée par les militants du
courant Front unique demandant l’organisation d’une manifestation dans l’unité
à l’Assemblée nationale contre l’adoption de la loi (il y aura quelques
centaines de manifestants aux abords de l’Assemblée, notamment à l’appel de la LDH).
Dans
son acharnement à protéger le gouvernement, le 25 janvier, le dirigeant du SNCS
(syndicat de chercheurs de la FSU) ira jusqu’à déclarer non votée une motion
pourtant majoritaire portant la même exigence (voir plus loin la rubrique Les militants interviennent) !
À nouveau sur les «gilets
jaunes»
Il y a
bien d’autres raisons de s’attarder sur ce qu’a été la journée d’action du 5
février. Elle s’est faite sur le terrain de la «convergence avec les gilets
jaunes». Sur l’appréciation des «gilets jaunes», il n’y a rien à rectifier dans
ce que nous avons écrit dans le supplément à CPS n°71 que l’on peut consulter sur notre site. Mais l’idolâtrie
du “gilet jaune” étant à peu près universellement partagée du sommet des
appareils syndicaux jusqu’aux différents groupes dits «d’extrême gauche», il
faut réinsister sur le caractère profondément anti-ouvrier de ce mouvement.
Évidemment,
la base sociale des “gilets jaunes” se situe dans des couches écrasées par le
capital (petite bourgeoisie, sous-prolétariat), et même dans des franges
ouvrières. Mais la base sociale ne dit rien du contenu politique. L’histoire
montre assez que des groupes politiques réactionnaires, voire fascistes,
peuvent bien dans certaines circonstances historiques avoir une base
«populaire». Le discours «contre les
riches», la présence de slogans «pour
la justice fiscale», et même la demande d’une augmentation du SMIC ne
prouvent rien quand ces mots d’ordre côtoient la demande de baisse des «charges» des entreprises, ou encore la
demande de «maîtrise des flux
migratoires» – qui désigne l’immigré comme le responsable de la misère du
français «de souche». L’évocation de l’insuffisance du montant des retraites ne
prouve rien si pas un mot n’est dit contre la réforme de la «retraite par
points» du gouvernement : mieux, elle servira d’alibi utile pour s’en
prendre aux prétendus «privilèges» des régimes particuliers. La revendication
politique de «referendum d’initiative citoyenne» est elle-même parfaitement
réactionnaire, le «peuple» étant invité - de manière atomisée, dans l’isoloir -
à se déterminer sur une question choisie à l’avance dans des buts politiques
bien précis et en des termes où le prolétariat n’est jamais en situation de
faire valoir ses propres intérêts de classe.
Les
dirigeants du MEDEF s’en sont eux-mêmes émerveillés : les manifestations
de “gilets jaunes” sont passées à plusieurs reprises devant ses locaux sans
s’en prendre une seule seconde à lui. Cela fait un formidable contraste avec la
façon dont les mêmes manifestations ont ciblé les sièges du pouvoir d’État
(l’Assemblée, l’Élysée). Il n’y a rien d’accidentel à cela. Non seulement le
patron n’est pas l’ennemi du “gilet jaune”, mais il constitue un allié
recherché, quand il n’est pas dans la manifestation même.
À cet
égard, la présence de prolétaires dans les rangs des «gilets jaunes», cherchant
dans ce genre de regroupement une issue aux problèmes qui les assaillent, est
le résultat direct de la politique des appareils syndicaux, et depuis des
décennies du PS, du PCF. Ceux qui représentaient «officiellement» le mouvement
ouvrier ont prouvé non seulement leur inaptitude à améliorer en quoi que ce
soit leur sort, mais ils ont été les agents actifs de leur déchéance. Avec
toute la distance historique qui nous en sépare, on trouvera dans Trotsky un
éclairage utile des ressorts d’un tel mouvement. Voici ce qu’il écrit en
octobre 1934 :
«Les routiniers du Parlement, qui croient
bien connaître le peuple, aiment à répéter : «il ne faut pas effrayer les
classes moyennes avec la révolution, car elles n’aiment pas les extrêmes». Sous
cette forme générale, cette affirmation est absolument fausse. Naturellement,
le petit propriétaire tient à l’ordre tant que ses affaires vont bien et aussi
longtemps qu’il espère qu’elles iront encore mieux le lendemain. Mais quand cet
espoir est perdu, il se met facilement en rage, prêt à se livrer aux moyens les
plus extrêmes... Il est faux, trois fois faux, d’affirmer que la petite
bourgeoisie actuelle ne se tourne pas vers les partis ouvriers parce qu’elle
craint les «mesures extrêmes». Bien au contraire. La couche inférieure de la
petite bourgeoisie, ses grandes masses ne croient pas à la force des partis
ouvriers, ne les croient pas capables de lutter, ni prêts cette fois à mener la
bataille jusqu’au bout. »
Dans le
même article, Trotsky précise à quelles conditions le prolétariat peut gagner à
la révolution la petite bourgeoisie. Or ce à quoi nous avons assisté le 5
février, c’est le mouvement strictement inverse : celui par lequel les
dirigeants des organisations ouvrières, et d’abord Martinez et la direction de
la CGT, ont au nom de la «convergence avec les gilets jaunes» détourné les
travailleurs du combat de classe, sur une orientation de soumission au gouvernement
Macron.
La convergence avec les
«gilets jaunes» pour évacuer les revendications ouvrières
et le combat contre les contre-réformes gouvernementales
Le CCN
(Comité confédéral national) de la CGT du 31 janvier a appelé à la journée du 5
février sur l’objectif de la «convergence avec les gilets jaunes» et sur les
bases suivantes :
«Ensemble, nous voulons créer les conditions
de la gagne pour :
- une augmentation du Smic de 20 % (1800
euros brut), du point d’indice, de tous les salaires et pensions ainsi que des
minima sociaux ;
- l’égalité salariale entre les femmes et les hommes ;
- une réforme de la fiscalité par un impôt sur le revenu plus progressif
et une TVA allégée sur les produits de première nécessité, le rétablissement de
l’ISF et une imposition plus forte des plus hauts revenus et de la détention de
capital ;
- le contrôle et la conditionnalité des aides publiques aux grandes
entreprises ;
- le développement des services publics ;
- le respect des libertés publiques, tel que le droit de manifester remis
en cause par le gouvernement ;
- le renforcement des droits et garanties collectives, des droits au
chômage, de la Sécurité sociale, notamment de la retraite ;
- une transition écologique juste et solidaire.»
La
première remarque est que, comme à l’accoutumée, le gouvernement
Macron-Philippe n’est pas nommé. Il n’existe pas. La seconde, c’est que les
formulations ont toutes pour fonction d’éviter soigneusement de nommer
précisément les contre-réformes du gouvernement, à fortiori d’évoquer la
nécessité de combattre pour en obtenir le retrait.
Le «développement des services publics» est
évoqué ici pour camoufler le fait que l’on est à quelques semaines de la
présentation d’un projet de loi de destruction du statut de la Fonction
publique... qui d’ailleurs se fait au nom du
«développement du service public» via la création des «maisons de service
au public», signifiant pour les agents polyvalence, mobilité forcée d’un
ministère à un autre, etc.
Le «respect des libertés publiques, tel que le
droit de manifester» sert ici à ne pas évoquer la «loi anticasseurs» (voir
plus haut).
«Le renforcement des droits et garanties
collectives, des droits au chômage, de la Sécurité sociale, notamment de la retraite » sert à ne pas nommer le
projet de «réforme par points», la liquidation du régime général et des régimes
particuliers. Elle sert à camoufler le fait que pendant des mois les dirigeants
syndicaux ont «négocié» sur l’assurance-chômage dans le cadre de l’économie de
3,9 milliards dictée par le gouvernement. La concertation ayant fait son œuvre,
Macron vient de décider qu’elle pouvait être stoppée.
Tel est
le terrain sur lequel Martinez a initié la convergence avec «les gilets
jaunes».
Le Monde du 13 février : «Les
réformes avancent sans controverse majeure»:
contre-réforme des retraites...
Il
n’est donc pas étonnant qu’en toute lucidité, le chroniqueur du Monde, Gérard Courtois, puisse porter sur
la situation l’appréciation suivante :
«Car, pendant que les uns manifestent tous
les samedis comme on va à la messe et pendant que l’autre scande habilement le
grand débat qu’il a engagé, les réformes avancent sans controverse majeure.» Et plus loin : «Bref ! Pendant que les tenants de la
démocratie directe revendiquent à cor et à cri d’avoir droit au chapitre, les
acteurs de la démocratie représentative travaillent comme si de rien n’était.
Chacun est dans son rôle.»
Et
parmi ces «acteurs de la démocratie
représentative», il évoque par exemple la concertation sur les
retraites : «Jean-Paul Delevoye a
repris depuis huit jours ses concertations patientes avec les partenaires
sociaux pour tenter de dégager un consensus sur les aspects les plus épineux (âge
de départ, pénibilité, etc.) de cette réforme explosive.» On ne saurait mieux indiquer
le rôle de la concertation : empêcher l’»explosion», c’est-à-dire
l’affrontement de la classe ouvrière avec le gouvernement.
Martinez
(et les autres dirigeants syndicaux) entendent bien jouer pleinement leur rôle
sur cet objectif. Il est interrogé sur la contre-réforme des retraites par Politis : «Peu importe
qu’elle soit comptabilisée en semestres ou en points ?» Et il répond : «Ce qui compte, c’est que le mode de calcul
soit solidaire. Il faut fixer un minimum, quel que soit le parcours de vie ou
professionnel. Et que les pensions soient indexées sur les hausses de salaire
des actifs.»
Autrement
dit, la mise en place de la retraite par points, qui inclut la liquidation des
régimes spéciaux et du code des pensions, la liquidation du calcul du montant à
partir des meilleures années du point de vue du salaire, etc. : « peu importe », nous dit
Martinez !
... de la Fonction
publique
La même
méthode, le même rôle des dirigeants syndicaux prévalent sur l’ensemble des
contre-réformes. On lira dans ce numéro ce que représente l’adoption de la loi
Blanquer en première lecture, où les dirigeants syndicaux se plaignent surtout...
que les organismes de concertation n’aient pas été dûment consultés.
La loi
Blanquer n’est d’ailleurs qu’une pièce du dispositif de destruction du statut
de la Fonction publique, sa déclinaison au corps enseignant. Sur le contenu du
projet de loi Fonction publique (qui n’a pas bougé d’un iota depuis sa première
présentation voilà plus d’un an), nous renvoyons nos lecteurs aux différents
éditoriaux des précédents CPS qui en
ont détaillé le contenu. Mais les appareils syndicaux auront accompagné jusqu’au
bout le gouvernement à travers des centaines d’heures de concertation étalées
depuis presque 18 mois. Les dernières concertations des appareils syndicaux
s’inscrivent dans cette continuité. Ils ont demandé que le projet de loi soit
reporté... à la fin du grand débat et suspendu jusque-là. Ce qui revient à
demander l’aggravation de toutes les mesures déjà contenues contre les
fonctionnaires dans l’actuel projet. Car les dirigeants syndicaux ne peuvent
ignorer que dans toutes les réunions du «grand débat» suinte la haine des
fonctionnaires et de leurs prétendus «privilèges».
C’est
au nom de cette «suspension» que les dirigeants syndicaux CGT, FO, FSU ont
quitté le Conseil commun de la Fonction publique le 13 février. Il ne
s’agissait pas de rompre avec le gouvernement, mais d’une mascarade, puisque
dans le même temps ils annonçaient leur participation aux groupes de travail
qui suivaient, la direction de la FSU invitant même les membres de son conseil
national à faire des remarques sur chacun des articles de la future loi. On ne
saurait mieux indiquer qu’elle se situait donc parfaitement dans le cadre de la
dite loi.
Sans
doute était-elle allée un peu loin. L’appel CGT-FO-FSU-Solidaires à la journée
d’action du 19 mars (voir plus bas) se prononce pour «le retrait du projet de loi au profit de mesures renforçant et
rénovant le Statut général et permettant un meilleur fonctionnement des
services publics.»
Mais
outre le fait que ce mot d’ordre intervient à la fin d’une liste de
«revendications» totalement intemporelles et faisant abstraction de l’offensive
du gouvernement, il s’agit d’un tour de passe-passe. Car en flanquant la
demande de retrait de celle de «rénovation
du statut», les dirigeants syndicaux réintroduisent en réalité la
légitimité de la réforme gouvernementale, le gouvernement étant invité à en
faire une «meilleure».
L’adresse
de la direction de la CGT «aux syndiqués
de la Fonction publique» va dans le même sens. Après avoir dû indiquer que «ce projet de loi constitue une attaque
sans précédent...» elle énumère une kyrielle de journées d’action (8 mars,
19 mars, 27 mars) «pour développer le
service public, améliorer nos carrières, nos conditions de travail et notre
pouvoir d’achat». Bref, tout sauf le retrait du projet de loi !
La loi Buzyn contre le droit
à la santé
Il
n’est pas possible dans le cadre de cet éditorial de présenter un tableau
complet de l’offensive gouvernementale. Si la contre-réforme des retraites et
celle de la Fonction publique y occupent une place cardinale, d’autres graves
contre-réformes sont en marche avec le même appui de la concertation. On lira
dans ce numéro de CPS, le supplément
« jeunes » qui fait état du décret sur l’augmentation des frais
d’inscriptions pour les étudiants étrangers, premier pas vers la généralisation
des études payées par les familles pour tous les étudiants.
Il faut
aussi analyser la contre-réforme de la santé présentée par la ministre Buzyn au
Conseil des ministres du 13 février et qu’elle veut faire passer par
ordonnances, qui consiste à transformer tous les hôpitaux dits «de proximité»
en hospices, par la fermeture des plateaux techniques et des maternités. Plus
grave encore, le financement «forfaitaire» des allocations longue durée aura
des conséquences dramatiques pour les patients atteints de maladie grave,
puisque les soins seront désormais contingentés dans le cadre dudit «forfait».
Des protestations massives ont déjà eu lieu contre la mise en
œuvre anticipée de ce projet, comme en témoigne par exemple la
mobilisation de la population de Le Blanc (Indre) contre la fermeture de sa
maternité, après d’autres mobilisations similaires, par exemple à Saint-Claude
(Jura). Mais les appareils syndicaux s’entendent à confiner la bataille dans une
série de combats locaux. Tout en faisant des phrases de «critique» du projet de
loi, les communiqués syndicaux nationaux se gardent bien quant à eux de
formuler l’exigence de retrait de celui-ci.
La «négociation» sur
l’assurance-chômage a en réalité joué le rôle qu’en attendait le gouvernement
Il est
également nécessaire de tirer un bilan de la «négociation» sur
l’assurance-chômage qui vient de se terminer par ce que l’on présente comme un
«échec».
Échec pour
qui ? Sûrement pas en réalité pour le gouvernement. Rappelons-le :
c’est le gouvernement lui-même qui, amendant son propre projet de loi, avait
renvoyé aux «partenaires sociaux» la responsabilité de faire entre 3 et 3,9
milliards d’économies sur le dos des chômeurs. L’ouverture de la négociation
dans ce cadre, avait alors déclaré le représentant CGT, c’est «la liberté dans une cellule de prison».
Ce qui n’avait pas empêché alors les dirigeants CGT – et les autres à la suite
– de rentrer de leur plein gré dans la dite cellule. Et voilà que de semaine en
semaine, la «négociation» s’est mise à porter sur le «bonus-malus» –
surtaxation des contrats courts et sous taxation des autres – avec cette
précision que la «charge globale» pour les patrons non seulement ne devait pas
augmenter mais même diminuer des fameux 3 à 3,9 milliards. Et c’est ainsi que
les dirigeants syndicaux se sont transformés en... supporters de la mesure
gouvernementale de ce «bonus-malus», ce que Martinez dans son interview à Politis (cité plus haut) reconnaît sans
fard :
«Le gouvernement a également cadré les
négociations avec comme unique objectif de dégager entre 3 et 3,9 milliards
d’euros d’économies. C’est inacceptable, mais nous avons quand même décidé d’y
aller, parce que nous avons des propositions. À commencer par une promesse
d’Emmanuel Macron, à savoir le bonus-malus.»
L’instauration
du «bonus-malus», même si ce n’est en rien une mesure qui pénalise la classe
capitaliste dans son ensemble - puisque Macron a répété à l’envi qu’il n’était
pas question qu’il aboutisse à une augmentation globale des «charges» des
entreprises -, a cependant été rejetée par le MEDEF. D’une part, parce que
certains secteurs (bâtiment, restauration, tourisme…) en auraient un peu pâti.
Mais surtout, parce que le MEDEF avait un appétit plus aiguisé encore :
par exemple, mettre en place des contrats de travail avec un «bassin d’emploi»,
le travailleur étant transformé en esclave nomade à la disposition de tous les
patrons du bassin.
Au bout
du compte, cette «négociation» entre patronat et directions syndicales s’est
terminée sans accord, mais elle n’aura pas été inutile pour le gouvernement qui
entend bien s’appuyer sur le soutien des appareils syndicaux jusqu’au bout. Il
va procéder par décret, mais il entend bien élaborer ledit décret en
collaboration avec les directions syndicales.
A peine
les directions syndicales ont-elles interrompu les négociations avec le
patronat qu’elles reprennent la concertation avec le gouvernement pour la
rédaction dudit décret... entre autres appuyée sur le fait que les directions
syndicales ont pendant des mois accepté la «lettre de cadrage» des 3 à 3,9
milliards d’économies sur le dos des chômeurs. Entre temps, Macron s’est même
permis de tancer les appareils syndicaux pour leur incapacité à arriver à un
accord. Il aurait eu tort de s’en priver : c’est le salaire de leur
servilité !
«Union sacrée» pour s’en
prendre à la liberté d’opinion et d’expression
sous le prétexte frauduleux de «lutte
contre l’antisémitisme»
Mais en
matière de servilité, les dirigeants du PS, du PCF et des organisations
syndicales ont atteint de plus hauts sommets encore à travers les
rassemblements d’union sacrée du 19 février. Il faut le rappeler : c’est
sur l’initiative de Faure, secrétaire général du PS que s’est réalisée une
vaste union rassemblant avec une brochette de ministres, dont Philippe, LR,
LREM, PS, PCF, Générations et LFI. Pour faire bonne mesure, Faure a annoncé que
Marine Le Pen y aurait eu toute sa place.
Le
prétexte en est la «lutte contre
l’antisémitisme». Il s’agit en réalité d’une opération politique montée de
toute pièce. Le 13 février, Le Monde
titre sur la déclaration de Castaner, le massacreur de manifestants : les
actes antisémites auraient progressé en 2018 de 74 %. Il est inutile de
dire ici ce que l’antisémitisme a de répugnant. Mais comme l’a montré un
article de Mediapart, il n’y a nullement depuis 10 ans une tendance générale à
l’augmentation de ces actes (à titre d’exemple, ils étaient beaucoup plus
nombreux en 2008, 2009). Il s’agit donc de la part de Castaner d’une
manipulation visant à faire croire à une telle tendance. Là-dessus survient
opportunément «l’affaire Finkielkraut» le samedi 16 février. Ce dernier – un
spécialiste de ce genre d’opération qu’il avait déjà réalisée à l’identique
dans un rassemblement «Nuit debout» il y a deux ans – s’exhibe aux abords d’une
manifestation des «gilets jaunes». Compte- tenu des propos provocateurs,
racistes, dont celui-ci est coutumier, le résultat est garanti. D’autant plus
garanti que les manifestations des « gilets jaunes » brassent une
assistance hétéroclite au sein de laquelle s’ébattent librement des éléments
archi-réactionnaires, voire fascisants. Finkielkraut se fait donc insulter... à
sa satisfaction visible ! Aussitôt se fait entendre un bruyant tam-tam
médiatique sur l’insupportable «retour de l’antisémitisme». Et dans ce
concert, les moins braillards ne sont pas ceux qui appellent à rejeter les
migrants dans la Méditerranée ou à les remettre à leurs tortionnaires
libyens : non seulement les Ciotti, Wauquiez, mais aussi, et à commencer
par lui, le gouvernement Macron et ses ministres.
Le
gouvernement ne pouvait lui-même prendre l’initiative de l’»union sacrée».
C’eût été moins efficace. Il lui fallait un «gregario» (gregario
signifie « domestique » en italien et désigne en cyclisme le «porteur
de bidons»). C’est Faure, dirigeant du PS, qui en fera office en appelant aux
rassemblements d’union sacrée.
Notons-le.
Ces rassemblements auront en réalité un succès très limité : les
organisateurs ont annoncé eux-mêmes le maigre chiffre de 20 000 manifestants à
Paris. Mais pour quoi faire ? D’abord, pour conforter le gouvernement
certes, mais plus précisément pour donner l’impulsion à une nouvelle offensive
gouvernementale contre les libertés démocratiques. On apprend que depuis
plusieurs semaines, toujours au nom de l’antisémitisme, un groupe de députés
«de tous bords» sous la houlette du LREM Maillard, travaillait sur un projet de
loi faisant de l’»antisionisme» un délit, considéré comme «le déguisement de l’antisémitisme». Or l’antisionisme n’est rien
d’autre que le combat militant contre l’État colonial israélien, État
d’apartheid. Et c’est donc dès le lendemain du 19 février que Macron a annoncé
au dîner du CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France,
véritable ambassade bis de l’État d’Israël) à la fois la perspective d’une loi «contre la haine sur internet»,
l’adoption de la définition de l’antisionisme comme une forme d’antisémitisme,
et explicitement la répression contre tous les militants de la cause
palestinienne. Mais cela ne s’arrêtera pas là : la prétention à légiférer
contre la «haine sur Internet»
permettra tout. On pourra par exemple poursuivre toute expression politique
manifestant une légitime haine de classe contre la bourgeoisie et son
gouvernement, le gouvernement Macron. Ce n’est pas de la politique
fiction : des lycéens d’Ivry ont été mis en garde à vue 36 heures, avec
plainte devant la justice pour avoir tagué aux abords de leur lycée :
«Macron démission» !
A vrai
dire, tant la loi anticasseurs que le projet de loi contre la liberté d’opinion
et d’expression manifeste une tendance profonde du régime capitaliste en
décomposition : les libertés démocratiques (de manifestation,
d’organisation, d’opinion, d’expression) lui sont désormais intolérables. La
«loi anticasseurs» vient s’ajouter à l’empilement des lois qui, de Sarkozy à
Hollande, de Hollande à Macron, sous couvert de lutte contre le «terrorisme», ont
constitué autant de briques de l’édification d’un véritable État policier. La
bourgeoisie doit, grâce aux gouvernements à sa solde, (en France, le
gouvernement Macron) liquider les libertés démocratiques pour interdire au
prolétariat de les utiliser pour s’organiser dans son combat de classe. Le
gouvernement le fait avec la collaboration active des dirigeants traîtres des
partis et organisations d’origine ouvrière. C’est ce qu’a manifesté l’appel aux
rassemblements d’union sacrée du 19 février du PS, du PCF, mais aussi des
dirigeants de la CGT, de FO, de la FSU, de l’UNEF.
A
l’inverse, la défense des libertés démocratiques, le combat jusqu’au bout pour
le retrait de la loi dite «anticasseurs» et contre toute loi restreignant la
liberté d’opinion et d’expression doit être mis au premier plan de l’action des
militants révolutionnaires. Cette défense n’est possible qu’en imposant la
réalisation du front unique des organisations ouvrières sur cet objectif, le
combat contre toutes les formes d’union nationale.
Destruction des conquêtes
ouvrières en France, soutien aux dictatures et guerre en défense de
l’impérialisme français : les deux facettes d’une même politique du
gouvernement Macron
On ne
peut nullement distinguer la politique du gouvernement Macron « à
l’intérieur » et à l’ « extérieur » : elle est partout
guidée par les mêmes intérêts, ceux de l’impérialisme français, durement mis à
mal par ailleurs par les impérialismes rivaux. Mais du fait de sa propre
situation de faiblesse, il arrive que le gouvernement Macron ne puisse faire
autre chose que mettre ses pas dans ceux de Trump et de l’impérialisme US,
espérant peut être que tombent quelques miettes de la table du festin promis à
ce dernier. C’est le sens du soutien, parmi les premiers, exprimé à Trump et à
son homme de paille au Venezuela Guaido, alors que les instances de l’UE
elles-mêmes recherchaient les voies d’un départ «négocié» de Maduro. On lira
dans ce numéro de CPS ce qui est
écrit à ce sujet, à savoir : inconditionnellement contre l’intervention
impérialiste au Venezuela, indépendamment de l’appréciation que l’on peut avoir
sur Maduro et le chavisme.
Macron
a justifié son soutien à Guaido au nom de la «démocratie». Tartufferie
répugnante. Le même jour, Macron partait pour l’Égypte pour conforter les liens
avec le dictateur Sissi que l’impérialisme français fournit abondamment en
armes qui servent à réprimer dans le sang toute opposition au dictateur. Lequel
dictateur prépare une modification constitutionnelle lui permettant de se
représenter indéfiniment.
Et
c’est quelques jours plus tard que les Mirages bombardaient au Tchad une
colonne d’opposants au dictateur Idriss Deby. Macron, notre chantre de la
«démocratie», n’a pas marchandé son soutien à celui qui non seulement doit son
accès au pouvoir à un coup d’État mais dont tout le monde sait que
l’emprisonnement et la torture des opposants constituent les méthodes courantes
d’exercice de son pouvoir. Le président LR de la commission des affaires étrangères
du Sénat – LR soutient évidemment à fond l’intervention – répond à la question
posée par Public Sénat : «La France défend donc – et cherche à
maintenir en place – un pouvoir non démocratique. Comme à chaque fois, la
question se pose : la stabilité de la région et la défense des intérêts
français justifient-ils une intervention française, qui plus est
militaire ?». Il explique sans fard : « Je n’analyse pas la situation sous cet angle », « on
ne peut pas mesurer l’appui qu’on apporte à ces pays sous cet angle
systématique qui consiste à regarder s’ils sont arrivés dans des conditions
démocratiques ou pas. »
Ici
l’alibi démocratique qui prétend justifier le soutien à Guaido n’a pas cours.
Cambon explique clairement pourquoi :
« Je n’oublie pas qu’à N’Djamena nous avons une des bases françaises les
plus importantes dans la région qui permet d’agir au Sahel et au Mali ». Voilà
qui est dit.
Notons-le :
tout cela se fait dans un silence assourdissant des dirigeants des
organisations ouvrières. Lorsqu’il s’agit de la défense de l’impérialisme
français, le silence doit régner dans les rangs.
Sous le fouet de la
nécessité
Des
Mirages bombardant au Tchad aux tirs de LBD contre les manifestants en France, de
la diminution massive des indemnités chômage à la loi anticasseurs, il n’y a,
dans la politique du gouvernement Macron, pas le moindre caprice personnel de
Macron, le moindre «libre arbitre». Il n’y a, pour citer le romancier E. Zola,
que «le fouet de la nécessité». De quelle nécessité ? La nécessité de
défendre bec et ongles l’impérialisme français aux abois.
Sous le
titre «En Afrique francophone, Berlin détrône Paris», le Monde du 8 février nous apprend : «Alors que les exportations (françaises) représentaient près de
11 % des flux vers l’Afrique au début du millénaire, leur poids a été
divisé par deux en 2017.»
Partout,
l’impérialisme français se fait tailler des croupières. Au Congo (RDC), dont
les richesses minières sont un enjeu de première importance, le gouvernement
français a soutenu jusqu’au bout Fayulu, déclarant truqué le résultat annonçant
la victoire de Tshisekedi. Le gouvernement français fut un temps soutenu par
l’Union africaine prenant brièvement fait et cause pour Fayulu, avant de se rallier
à Tshisekedi. En RCA, la France soutient par les armes un gouvernement...
auquel échappe le contrôle de 80 % du territoire et où la Russie est en
train de lui damer le pion. En Côte d’Ivoire, la position de Ouattara, que la
France a en réalité installé au pouvoir par son intervention militaire, est de
plus en plus fragile, sa coalition se défaisant à quelques mois de nouvelles
«élections». Au Maghreb, la situation de l’impérialisme français ne cesse de se
dégrader par rapport à ses concurrents américains et chinois notamment.
Mais il
ne s’agit pas seulement de l’Afrique. La position de la France sur le marché
mondial ne cesse de s’affaisser. Comme un symbole, la direction d’Airbus - il faut
d’ailleurs préciser qu’Airbus est un consortium européen où la place de
l’Allemagne est décisive - vient d’annoncer la fin de la production de l’A380.
Certes l’existence d’Airbus n’est pas menacée. Mais sa situation s’est
brutalement affaiblie par rapport à Boeing. Ce qui reste d’Alstom n’avait
trouvé d’autre issue – après la cession d’une large partie de son activité à
General Electric – que de fusionner avec Siemens, «une fusion à l’accent allemand» comme l’avait noté Le Monde. Cette porte de sortie elle-même
s’est refermée, suite à la décision de l’Union européenne.
Tout
dernièrement, un nouveau camouflet a été infligé à la bourgeoisie française
avec ce qui s’est passé à Air France – KLM. Air France – KLM avait scellé
l’alliance dans un même consortium de l’ancienne compagnie nationale Air France
et de son homologue néerlandaise KLM. La privatisation d’Air France s’était
accompagnée d’une prise de participation minoritaire de l’État français,
néanmoins suffisante pour lui assurer une position dominante dans la
gouvernance. C’est précisément ce dont KLM - et derrière elle le gouvernement
néerlandais - ne voulait plus, arguant du fait que 80 % des bénéfices du
consortium provenaient de KLM. D’où le coup de force dudit gouvernement,
décidant d’une prise de participation équivalente pour en finir avec la
domination française. Ce qui est remarquable, c’est que les journaux de la
bourgeoisie française (Les Echos, Le
Figaro) tout en pestant contre les mauvaises manières hollandaises, ne
manquent pas d’en tirer les leçons à leur façon : si la «profitabilité»
d’Air France est insuffisante, c’est à cause des grèves d’Air France, c’est à
cause de l’impuissance du gouvernement à mater les travailleurs de la
compagnie !
Toujours
est-il que cela se termine par une rencontre entre Le Maire et son collègue
néerlandais, assortie d’une poignée de main en forme d’humiliation pour le
ministre français. Le Maire doit encaisser celle-ci comme il a dû en encaisser
une autre il y a quelques semaines, avec le même scenario et le même résultat
s’agissant de l’alliance Renault-Nissan. Mais telle est la dure loi du rapport
de forces.
Le juge
de paix, à cet égard, c’est le commerce extérieur. Le même numéro du Monde titre : «Le commerce
extérieur français s’est encore dégradé en 2018» et précise : «Et de quinze ! Quinze années
consécutives de déficit pour la France... C’est simple, dans l’Europe des 28,
seul le Royaume-Uni fait pire que l’Hexagone... le made in France, qui n’a
cessé de reculer depuis le début des années 2000, représente environ 3 %
des exportations mondiales... contre 8,4 % pour l’Allemagne.»
Et puis
il y a la dette, qui ne cesse de gonfler, à hauteur de 100 % du PIB. Pour
l’instant, la charge de la dette est limitée par la faiblesse des taux
d’intérêt (qui est d’ailleurs le résultat des inquiétudes sur la crise à venir,
les «investisseurs» se réfugiant vers des actifs sûrs). Elle s’élève néanmoins
à 41 milliards d’euros, soit le sixième du budget de l’Éducation
nationale ! Mais il n’existe aucune garantie que ces taux ne remonteront
pas, ce qui constituerait un cataclysme pour le budget de l’État.
C’est
pourquoi les représentants du capital, à l’instar du Figaro, ne cessent de harceler le gouvernement Macron. Il va
falloir aller chercher dans la poche des travailleurs les fameux 10 milliards
octroyés aux «gilets jaunes» (rappelons que pas un sou destiné à l’augmentation
de 100 euros de la «prime d’activité» pour certains salariés parmi les plus
pauvres ne sortira de la poche des patrons). Migaud, le président de la Cour
des Comptes qui pour sa part émarge à 15000 euros par mois selon l’Observateur, magazine qui lui est
pourtant acquis, peste contre les «avantages familiaux», la politique salariale
trop «généreuse» d’EDF, et réclame qu’on en finisse. Et le gouvernement annonce,
dément puis annonce à nouveau : «contreparties» aux allocations sociales
(autrement dit, travail gratuit pour les chômeurs), généralisation de l’impôt
sur le revenu (que devraient donc payer aussi les familles modestes qui en sont
aujourd’hui exemptées), etc.
Plus la
situation du capitalisme mondial – et en son sein celle du capitalisme français
qui en amplifie les tendances – se dégrade de manière inéluctable, plus le
gouvernement Macron y répond en frappant toujours plus brutalement la classe
ouvrière et la jeunesse.
La récession qui
vient : la situation en Chine...
En
effet, la situation du capitalisme français s’inscrit dans une situation où
l’on se rapproche chaque jour d’une récession mondiale. L’épicentre selon toute
probabilité se situera cette fois en Chine. Les chiffres de croissance annoncés
sont les plus faibles depuis 30 ans, officiellement à 6,6 % en 2018. Mais
c’est une fiction. C’est de Pékin – donc sans être vraiment contredit – que
l’économiste Xiang Songzuo a annoncé, quant à lui, une croissance réelle de
1,67 % ! (Le Monde, 23
janvier)
D’autres
chiffres corroborent cette tendance. Les défaillances d’entreprise ont augmenté
de 60 % en 2018. En décembre 2018, les exportations chinoises ont baissé
de 4,4 % et les importations de 7,6 %. En janvier, le marché
automobile chinois s’est contracté de la bagatelle de 17 % pour le 7e
mois consécutif. Cela semble indiquer que le mouvement s’accélère. Et puis il y
a la dette qui ne cesse d’enfler. L’endettement des seules entreprises
publiques chinoises s’élève à 1 500 milliards d’euros, soit l’équivalent des
deux tiers du budget annuel de la France. Endettement d’autant plus hors
contrôle qu’une large part du crédit passe par le «shadow banking», où les emprunts ne sont pas régulés, les
garanties exigées faibles ou inexistantes, et donc les risques d’effondrement
suite à des impayés énormes. Dès 2017 – et il y a eu depuis une progression
accélérée –, le «shadow
banking» représentait en Chine, selon les
estimations, plus de 7000 milliards d’euros. Pourtant, pour maintenir un taux
de croissance permettant de repousser l’explosion sociale qui menace, le
gouvernement chinois n’a d’autre issue que de prendre des mesures qui sont
autant de fuites en avant : nouveau plan de relance accompagné d’une
nouvelle libération du crédit.
Remarquons-le :
en 2009, la Chine avait évité que la récession ne se transforme en effondrement
mondial. C’est aujourd’hui de la Chine que surgit la nouvelle menace
d’effondrement. C’est là la démonstration irréfutable que c’est bien le mode de
production capitaliste lui-même, à l’échelle mondiale, qui est un système
failli, la preuve que l’histoire pose avec urgence le problème d’en finir avec
lui, de la mise en place d’un système social où la production est maîtrisée et
organisée en fonction des besoins des masses, ce qui n’est possible que par
l’appropriation collective des moyens de production, le socialisme.
...en Allemagne
La
diminution des importations chinoises a évidemment des effets de première
importance sur l’économie mondiale. La Chine est le deuxième pays importateur
mondial, derrière les États-Unis (1 842 milliards en 2017, contre
2 409 milliards pour les États-Unis) mais bien avant l’Allemagne et les
autres pays. Les conséquences sont donc immédiates pour les économies tournées
vers l’exportation (notamment les pays producteurs de matières premières).
C’est là une part de l’explication de la brutale contraction de la production industrielle
allemande.
L’Allemagne
faisait figure d’exception dans une situation de stagnation économique en
Europe depuis 10 ans de manière quasi ininterrompue. Cette situation
occasionnait les discours enthousiastes des théoriciens bourgeois sur les bienfaits
de la pleine coopération des dirigeants syndicaux de la DGB comme du SPD à la
prospérité capitaliste. Or l’Allemagne est aujourd’hui au bord de la récession.
Les économistes bourgeois considèrent qu’une économie est «techniquement» en
récession lorsque le PIB est en régression deux trimestres consécutifs :
le PIB allemand s’est contracté de 0,2 % au troisième trimestre 2018, pour
une croissance nulle au quatrième trimestre.
La
place de l’automobile dans l’économie allemande (20 % des exportations viennent
du secteur) fait que l’effondrement de la demande chinoise, si elle se
confirme, constitue une menace immédiate pour la prospérité allemande. Mais si
l’Allemagne est désormais dans une situation périlleuse, elle est bien loin
d’être la seule. L’Italie est entrée en récession. Quoi qu’en dise une
propagande intéressée, cette récession doit fort peu aux affrontements entre
l’UE et le gouvernement italien (en réalité, ce dernier s’est soumis à à peu
près toutes les injonctions de l’UE), mais à la régression de sa production
industrielle (qui, s’agissant par exemple de l’automobile, confine à
l’effondrement). Or, à l’inverse de ce qu’il en est en France, la production
industrielle conserve un rôle clé dans l’économie italienne.
À vrai
dire, la stagnation gagne toute l’Europe, la France ne devant... qu’à sa
nullité exportatrice et industrielle d’être moins violemment impactée que
d’autres.
La fin du «miracle»
américain
Les
menaces s’accumulent aussi sur l’économie américaine. Dans Le Monde du 29 janvier, Artus donne un éclairage instructif : «Les entreprises américaines sont financées
pour deux tiers en obligations et pour un tiers en crédits bancaires (...) La
hausse du coût du financement en obligations (qui elle-même résulte de
l’augmentation des taux de la Fed, la banque centrale américaine, ndlr) a conduit les entreprises américaines à
réduire fortement leurs émissions obligataires... Ce quasi arrêt s’est traduit
par une chute des investissements à partir du troisième trimestre 2018... Mais
les effets négatifs sur l’économie américaine ne s’arrêtent pas à la baisse des
investissements des entreprises et au recul des cours boursiers. C’est là
qu’interviennent les puissants «effets de richesse», liés à la large détention
de portefeuilles d’action aux États-Unis : une baisse de 10 % des
indices boursiers conduit en moyenne à une hausse de 0,8 point du taux
d’épargne des ménages et donc, toutes choses égales par ailleurs, à une baisse
de 0,8 point de la consommation des ménages, en particulier du fait de la
baisse du rendement des fonds de retraite, investis largement en actions.»
La
dépendance de la consommation américaine à l’égard des gains boursiers (donc à
l’augmentation d’un capital purement fictif) indique au passage les bases
profondément putréfiées sur lesquels s’est édifiée la croissance antérieure.
Mais si Artus lève une partie du voile sur la situation réelle du capitalisme
US, en tant que représentant du capital (il est chef économiste de la banque Natixis),
il ne peut aller à la racine des contradictions – en tout cas les dévoiler –
qui minent l’économie américaine comme l’économie mondiale.
Baisse des investissements
et crise de surproduction
Car la
baisse des investissements aux États-Unis est bien loin d’avoir comme seule
cause l’augmentation des taux d’intérêts, qui d’ailleurs restent très
raisonnables à 2 ou 2,25 %, des taux «neutres» dit Powell, le président de
la Fed, c’est-à-dire en accord avec l’inflation.
La
baisse des investissements procède plus fondamentalement de l’appréciation des
capitalistes selon laquelle il n’y a pas de perspective d’extension du marché,
perspective qui peut seule, du point de vue de la recherche du profit,
justifier de nouveaux investissements. De ce point de vue, les chiffres
impressionnants d’augmentation des dividendes mondiaux (+9,3 % en 2018),
s’ils doivent légitimement susciter la colère et la haine à l’égard des
capitalistes suceurs de sang chez les travailleurs confrontés à l’augmentation
de l’exploitation de la force de travail, ne constituent en rien l’expression
de la santé du système capitaliste. C’est tout le contraire. La redistribution
sous forme de dividendes a évidemment à voir avec le renoncement à investir. Et
le renoncement à investir est lié à la menace toujours plus pressante de
surproduction.
Car
c’est bien une crise de surproduction qui est devant nous, crise qui constitue
le signe distinctif du système capitaliste : «Une épidémie qui, à toute autre époque, eût semblé une absurdité,
s’abat sur la société, - l’épidémie de la surproduction. La société se trouve
subitement ramenée à un état de barbarie momentanée ; on dirait qu’une
famine, une guerre d’extermination lui ont coupé tous ses moyens de subsistance ;
l’industrie et le commerce semblent anéantis. Et pourquoi ? Parce que la
société a trop de civilisation, trop de moyens de subsistance, trop
d’industrie, trop de commerce... Comment la bourgeoisie surmonte-t-elle ces
crises ? D’un côté, en détruisant par la violence une masse de forces
productives ; de l’autre en conquérant de nouveaux marchés et en
exploitant plus à fond les anciens...»
Crise économique et
exacerbation des conflits inter‑impérialistes
Cette
citation du Manifeste du Parti communiste
conserve la plus grande actualité. Mais il faut indiquer en quoi la situation
d’aujourd’hui se distingue de celle de 1848. Il n’y a plus de nouveaux marchés
à conquérir. Chaque puissance impérialiste ne peut conquérir de nouveaux
marchés qu’en les arrachant aux impérialismes rivaux. La lutte est d’autant
plus âpre qu’un nouveau protagoniste prétend à prendre une place, et non des
moindres, sur l’arène mondiale : la Chine, que ses propres contradictions
économiques poussent à se constituer en une nouvelle puissance impérialiste.
Voilà
ce qu’expriment le projet d’une «nouvelle
route de la soie» et du plan «Made in
China 2025». Mais les autres puissances impérialistes, en particulier les
États-Unis, n’envisagent certes pas de lui dérouler le tapis rouge. Les mesures
de taxations douanières, les spectaculaires décisions concernant Huaweï, allant jusqu’à l’arrestation de l’une de ses
principales dirigeantes, témoignent de la volonté d’empêcher coûte que coûte la
Chine de prendre une place dans le dépeçage des richesses mondiales entre
puissances impérialistes. Les accusations formulées à l’égard de la Chine de
vol de technologie, de subventionnement massif du secteur d’État pour lui
donner un avantage compétitif, de pratique généralisée de «dumping» ne sont pas
fausses. Mais la vérité est que dans l’histoire, les luttes inter‑impérialistes
ont toujours relevé du gangstérisme et non obéi aux règles du fair‑play.
Les pratiques de l’impérialisme américain, qui use de la position dominante du
dollar pour interdire aux puissances rivales de commercer avec les pays qu’il a
décidé de mettre à l’index, tel l’Iran, en témoignent.
Les
intérêts généraux de l’impérialisme exigent sans doute que la lutte que se
livrent les différentes puissances impérialistes reste contenue. C’est ce que
ne cessent de dire les dirigeants du FMI, de l’OMC (Organisation mondiale du
commerce) qui s’inquiètent notamment du ralentissement de l’augmentation du
volume du commerce mondial. Les mesures protectionnistes de «guerre
commerciale» ont en effet des conséquences en terme de récession dans une
situation où l’imbrication des économies n’a jamais été aussi profonde. Elles
ne peuvent que précipiter la crise. Mais c’est précisément la perspective de la
crise qui pousse en même temps chaque bourgeoisie à tenter de faire valoir ses
intérêts propres. S’agissant des États-Unis, elle le fait à travers les mesures
de taxations des importations au détriment de la pérennité du système dans son
ensemble. Par ailleurs les mesures protectionnistes ne favorisent les intérêts
de tel ou tel secteur de la bourgeoisie qu’au détriment d’autres secteurs de la
même bourgeoisie. C’est là la base réelle du conflit violent qui oppose au
sommet même de l’État fédéral américain, démocrates et républicains pourtant
également attachés aux intérêts de la bourgeoisie américaine. C’est là
l’origine réelle du «shutdown», conduisant finalement Trump à déclarer l’état
d’urgence national. L’origine n’est sûrement pas à chercher dans un désaccord
sur le sort des immigrés latino-américains contre lesquels l’accord pourrait
aisément se faire.
Grande-Bretagne : ce
que nous enseigne la soumission totale de Corbyn
et de la direction du Labour aux exigences de la City
En
Europe, la Grande-Bretagne nous offre le même spectacle des déchirements de la
classe dominante sur la question du Brexit. L’originalité de la situation
britannique tient en ceci que c’est contre les intérêts de la fraction de la bourgeoisie
la plus tournée vers le marché mondial qu’a été adopté par referendum le
Brexit, en particulier contre les intérêts de la City. Ce qui ne signifie pas
que le Brexit par lui-même contienne le début même d’une solution aux problèmes
qui assaillent le prolétariat britannique. La solution à ses problèmes ne peut
venir que de la mise en œuvre d’un véritable programme ouvrier, incluant
la nationalisation sans indemnité ni rachat des moyens de production, le
monopole d’État du commerce extérieur, la pleine reconnaissance du droit à
l’indépendance de l’Irlande dans sa totalité - donc la fin de la partition,
etc. Rien de tout cela n’est possible sans la constitution d’un véritable
gouvernement ouvrier. Évidemment une telle issue implique la rupture avec l’UE
et, au contraire, que soit ouverte la perspective des États unis socialistes
d’Europe. Car la sortie de l’UE dans le cadre du maintien de la domination de
la bourgeoisie britannique non seulement ne résout rien pour la classe ouvrière
britannique mais ne leur promet que davantage de chômage, de pauvreté, et la
liquidation de leurs maigres droits subsistants : c’est du reste bien cela
que promettent aux travailleurs les «hard
brexiters» du parti Tory.
C’est dans
le mouvement de recherche d’une issue ouvrière à la crise et son cortège de
misères que dans les dernières années les travailleurs et une fraction
significative de la jeunesse ont investi le Labour Party et soutenu contre la
fraction «blairiste» – entièrement à la dévotion du capital financier
britannique – la candidature de Corbyn. C’est ce même mouvement qui en 2017
s’était traduit par une nette remontée électorale du Labour, mettant May et le
parti tory au bord de la défaite. Notre bulletin est à plusieurs reprises
revenu sur cette situation, à la fois pour apprécier le sens profond de ce
réinvestissement du vieux Labour Party et marquer comment Corbyn n’avait eu de
cesse de désarmer le mouvement qui l’avait porté à la tête du Labour.
Le fait
que Corbyn se soit finalement prononcé pour un «deuxième referendum» doit être
apprécié pour ce qu’il est : Corbyn ne s’est pas contenté de désarmer le
mouvement qui l’a porté à la tête du Labour. Il vient de décider de le trahir.
En se prononçant pour un nouveau referendum, ce dont le sommaient depuis des
mois les partisans de Blair, il s’est aligné totalement sur eux et, à travers
eux, sur les intérêts de la City et du capital financier britannique.
Une
leçon doit être tirée. Si on ne peut exclure qu’à nouveau dans l’avenir, les
travailleurs cherchent à se saisir de leurs vieux partis – malgré leurs
innombrables trahisons passées – les événements qui viennent de se produire en
Grande-Bretagne indiquent une nouvelle fois l’impossibilité absolue de
redresser ces partis et d’en faire à nouveau des instruments pour
l’émancipation de la classe ouvrière. Cette émancipation passe dans chaque pays
par le combat pour la construction de nouveaux partis, de partis ouvriers
révolutionnaires.
Le prolétariat mondial
surmontera son désarroi et renouera avec le programme révolutionnaire
Les
conditions dans lesquelles se mène le combat pour la construction du parti
ouvrier révolutionnaire sont des conditions concrètes. Depuis vingt ans, pèse
de tout son poids sur la conscience des masses pour l’obscurcir, le
rétablissement du capitalisme dans les pays où il avait été exproprié, en
particulier en Russie où il l’avait été sur la base d’une révolution
prolétarienne victorieuse. A partir de là, toutes les forces politiques
attachées au maintien du vieux monde bourgeois - notamment celles qui dirigent
les vieilles organisations du mouvement ouvrier - n’ont cessé de se livrer à un
véritable matraquage idéologique qui nous dit : «Il n’y a pas d’alternative
au système d’exploitation de l’homme par l’homme. Le système capitaliste est
l’ultime forme d’organisation des sociétés humaines.» Ce matraquage n’est pas
sans conséquences, y compris sur la capacité des prolétariats à résister
victorieusement à l’avalanche de contre-réformes dont la bourgeoisie les
accable.
Mais si
puissantes que soient les mystifications idéologiques distillées par la
bourgeoisie et ses laquais, leur force à l’échelle de l’histoire n’aura qu’un
temps. Car à leur encontre, il y a l’expérience de plus en plus douloureuse des
masses qui leur indique le caractère insupportable du maintien de ce système
capitaliste qu’on leur décrit comme éternel.
C’est
pourquoi il est inéluctable, non seulement que les masses combattent - il ne peut
y avoir d’interruption de la lutte des classes -, et qu’elles posent à nouveau
la question du pouvoir, c’est-à-dire la question du renversement des
gouvernements bourgeois pour leurs substituer leur propre pouvoir à elles.
A cet
égard, ce qui se déroule en Algérie, annonce d’autres développements, plus
amples pour l’avenir. C’est sur le mot d’ordre directement politique d’en finir
avec Bouteflika et le «système» que des centaines de milliers de manifestants,
principalement jeunes, défilent dans tout le pays, bravant les interdictions et
la répression. Nul ne peut dire à ce jour jusqu’où ira ce mouvement et s’il
réalisera le véritable boycott - qui n’a rien à voir avec la simple abstention,
mais consiste à faire en sorte par l’action directe que les «élections» n’aient
pas lieu - de la mascarade électorale visant à faire élire un demi-cadavre à la
présidence. C’est dans un tel mouvement, qui s’inscrit dans une longue suite
d’âpres luttes de classe du prolétariat (parfois victorieuses comme chez les
métallos d’El Hadjar) que peuvent se créer les conditions du développement
d’une avant-garde cherchant à s’approprier le programme de la révolution
prolétarienne.
Les
conditions politiques sont certes différentes en France. Mais le combat pour
assurer la pérennité et le développement du noyau qui combat pour le Parti
ouvrier révolutionnaire ne peut se faire qu’en militant à l’échelle modeste qui
est la nôtre pour que les masses imposent aux dirigeants des organisations
issues du mouvement ouvrier, en particulier des syndicats, les mesures qui
permettraient de stopper l’offensive du gouvernement Macron, de lui infliger
une défaite. Serait alors posée la question d’en finir avec lui, de constituer
un gouvernement des organisations ouvrières unies à qui les masses chercheront
à imposer la satisfaction des revendications.
Dans ce
numéro de CPS, nos lecteurs
trouveront à travers les différents suppléments (CPS Finances Publiques, CPS Jeunes) et nos déclarations (loi
anticasseurs, Venezuela), à travers les communications d’interventions
militantes, des illustrations de ce combat. Nous les invitons à s’y associer.
Le 27 février 2019
«
[ http://socialisme.free.fr
- © A.E.P.S., 1 Bis Rue GUTENBERG,
93100 MONTREUIL ]
Article
paru dans le bulletin « Combattre pour le socialisme » n° 72
(n° 154 ancienne série) - 13 mars 2019 :