Éditorial du
bulletin « Combattre pour le socialisme » n°68 (n°150 ancienne série)
- 1er mars 2018 :
Destruction
du statut de la Fonction publique, des régimes de retraite, de l'enseignement
technique public, instauration de la sélection à l'université... :
L’éditorial de ce numéro de CPS (voir page 2) était bouclé quand a
été publié, le 15 février, le « rapport » de Spinetta, ce
« grand serviteur de l’État » bourgeois. Le « rapport sur
l’avenir du transport ferroviaire » peut être réduit à deux points :
faire disparaître le statut du personnel, exploser la SNCF, la privatiser (à
l’exception ? de la holding de tête).
Le gouvernement a annoncé simultanément que
des « concertations commencent le 19 février », notamment avec les
« partenaires sociaux » et que « la méthode et le calendrier
seront annoncés le 26 février. (…) Il y a urgence à agir ».
Si le sort du régime spécial de retraite des
cheminots n’est pas abordé, c’est que Macron lui-même avait annoncé, le 1er
juillet, in situ, à des employés triés, dans une rame de Tgv, que sa
liquidation serait entreprise en 2018.
À cette déclaration de guerre ouverte contre
les cheminots, la responsabilité des directions syndicales était de riposter,
toutes affaires cessantes, en dressant dans l’unité, l’ensemble des personnels
avec le mot d’ordre : Bas les pattes devant notre statut ! maintien
du statut de la SNCF ! retrait du rapport Spinetta !
Les réactions des bureaux fédéraux n’ont pas tardé.
Avec cette affirmation, le jour même : « C’est
donc avec conviction et détermination que la Fédération CGT des cheminots
abordera les rencontres prévues avec le ministère dans les jours et semaines à
venir. »
Le lendemain, dans un tract CGT titré « Le
22/3/2018 : le retour des cheminots à Paris ! Manifestation
nationale », le rapport Spinetta est présenté comme « la 4e mauvaise solution proposée après le projet de
loi Nègre/Maurey, les assises des mobilités, le rapport Duron. Le gouvernement
confirme donc sa politique anti-ferroviaire ». Quant aux annonces
meurtrières de Spinetta, elles sont débitées, avec désinvolture. Par
exemple : « possibilité de
mettre un terme aux recrutements à statut, transférabilité des cheminots,
etc. »
Et, in fine, avec un usage très appuyé du
conditionnel :
« Si d’aventure, le gouvernement décidait de reprendre ses
mauvaises propositions et tentait le passage en force, la Fédération CGT, avec
les cheminotes et les cheminots, mettrait tout en œuvre afin d’envisager un
autre avenir pour le service public ferroviaire que celui tracé par la
direction de la SNCF et le gouvernement. »
Ces brefs extraits montrent
que l’appareil de la CGT (idem pour les autres syndicats) prend totalement en
charge la guerre ouverte par le gouvernement contre les cheminots.
Le gouvernement table sur la passivité des
cheminots, étourdis, désorientés par les dures défaites [lire CPS 62-28/9/2016], en particulier depuis
2014, lors de la présentation de la « réforme ferroviaire », et par
les coups de poignard dans le dos assénés par les dirigeants syndicaux :
en 2014, Lepaon, secrétaire général de la CGT, militait publiquement, dans les
media, au plus fort de la grève pour « tourner ».
Et en 2016, après 17 jours de grèves pour beaucoup (« carrées » + » reconductibles »),
les cheminots, impuissantés dans le cadre des prétendues « AG souveraines », voyaient l’appareil CGT, constatant « l’affolement d’un gouvernement aux
abois » (sic !) décider « de
ne pas exercer (son) droit
d’opposition aux différents accords » [convention collective
nationale, accord d’entreprise], en
déclarant que « la stratégie de la terre brûlée n’est pas la conception
CGT du syndicalisme. »
Le Pouvoir sait d’expérience que tant qu’ils
ont les mains libres, les appareils ne rompront jamais avec le « dialogue
social ».
Mais il n’y a pas lieu d’être optimiste pour
le compte de la bourgeoisie et de leurs lieutenants ouvriers ! Les
cheminots conservent une place stratégique dans la lutte des classes.
Ils savent l’impatience des groupes capitalistes
de trouver de nouveaux espaces pour l’accumulation du capital avec l’ouverture
totale du transport ferroviaire à la concurrence et la
privatisation-éclatement-explosion de la SNCF. Le gouvernement vient une
nouvelle fois de se faire l’interprète de leurs exigences, dans l’implacable
langage de la comptabilité analytique : « Le coût au km en France est supérieur de 30 % à celui de
nos voisins. Ce n’est plus tenable. » (la
ministre Borne, JDD). En résumé,
comme l’a lâché un responsable du syndicat First : si le rapport Spinetta
passe, « on aura tout perdu ».
Encore faut-il que les cheminots trouvent les
ressources pour aller trancher le « nœud gordien » que constitue la
collaboration des appareils syndicaux traîtres aux plans meurtriers de la
bourgeoisie et déployer toute la puissance dont ils disposent quand ils
s’engagent unis pour la défense de leurs conditions d’existence.
Économie mondiale : un
craquement sinistre
Lundi 5
février, la Bourse de New York a connu une brutale chute du cours des actions,
le Dow Jones perdant 4,73 %. Une nouvelle rechute, le jeudi 8, faisait
baisser le Dow Jones de plus de 10 % sur la semaine. Dans le même temps,
Tokyo baissait de 8 %, et les Bourses européennes connaissaient une chute
de moindre importance. Personne ne peut dire si le mouvement pourra, pour un
temps, être enrayé ou si la situation aboutira à un véritable krach boursier.
Dans tous les cas, ce mouvement baissier est d'autant plus remarquable qu'il
intervient au terme d'un mouvement de hausse particulièrement important au
cours de l'année 2017, où le même Dow Jones avait vu sa valeur augmenter de
25 %.
L'explication
qu'en donne Le Monde a de quoi
surprendre :
«Le
déclencheur de ce mouvement de vente a été la publication vendredi matin par le
département du travail de chiffres exceptionnellement bons pour l’emploi :
non seulement l’économie américaine a créé 200 000 emplois en janvier,
soit plus qu’attendu, mais surtout les salaires ont progressé au rythme annuel
de 2,9 %, contre 2,5 %. Du jamais-vu depuis la fin de la récession,
en juin 2009. Cette tension sur les salaires était attendue en vain depuis
des années, ceux-ci ne progressant pas aux États-Unis en dépit d’un taux
chômage au plus bas depuis le début du siècle (4,1 %).»
En
somme, si la Bourse s'est ainsi trouvée au bord de l'effondrement, c'est que
l'économie américaine se porte à merveille. Si la Bourse s'effondre, c'est
parce que les bonnes nouvelles qu'elle attendait se sont confirmées... Il doit
y avoir une erreur quelque part...
Mais en
même temps, cette erreur comprend une part de vérité. Il est vrai que dans le
système capitaliste, l'insuffisance de l'inflation contient une redoutable
menace : celle de la déflation, dont les effets récessifs sont terribles.
Celle-ci pousse à retarder les investissements comme les achats de consommation
; elle précipite les faillites d'entreprises incapables d'honorer le
remboursement de leurs emprunts du fait de la baisse de leurs rentrées
d'argent. Et c'est notamment pour conjurer le danger de déflation que les banques
centrales depuis des années ont envahi le marché de liquidités par des prêts à
taux nul ou très réduit. Notons en passant que cette inflation faible ne
concernait que les pays capitalistes avancés, nombre de pays dominés étant au
contraire en proie à une inflation accélérée, voire à une hyperinflation en
particulier sur les produits de première nécessité, jetant les masses dans la
misère et la famine.
Mais
voilà que l'inflation repart – quoique de manière modeste – aux États-Unis, et
que cette inflation tant attendue... provoque un début d'effondrement boursier
avec l’évaporation en quelques jours de 1 000 milliards de capital fictif.
« L’ultime shoot avant l’overdose » (Le
Monde, 30 janvier)
Pourquoi ?
La politique des taux nuls ou très réduits, combinée au rachat d'obligations
d'États (aux États-Unis de bons du Trésor) par les banques centrales a eu un
double effet : d'une part le taux des obligations d'État a baissé, puisque
les États n'étaient plus en difficulté pour les placer, d'autre part l'afflux
de liquidités a alimenté une formidable spéculation sur le marché des actions,
poussant à une valorisation de celles-ci sans rapport avec les bénéfices réels
des entreprises.
Cette
valorisation boursière peut certes avoir immédiatement un effet de croissance
sur l’économie, la consommation de la bourgeoisie et petite bourgeoisie étant
stimulée par les bénéfices tirés de la Bourse, mais elle est lourde de menaces.
L’économie se trouve à chaque instant en danger d’explosion de bulles, faisant
disparaître instantanément des masses énormes de capital fictif. La
valorisation boursière ne correspond en effet à aucune création réelle de
richesse, et elle menace ainsi de s’évanouir instantanément en réaction à
n’importe quel événement économique ou politique (baisse de bénéfice de telle
ou telle entreprise, crise politique, etc.). C’est avant la dernière secousse
boursière que Le Monde du 30 janvier
faisait état de ce rapport alarmant entre bénéfices des entreprises et
valorisation boursière. «(Avec) l’indice
de Schiller...il s’agit de prendre les cours du S&P 500 [Standard and
Poors : indice boursier ndlr] -
rapportés aux bénéfices moyens des dix années précédentes. Sur une longue
période, il est en moyenne de 17. À la veille du Lundi noir de 1929, il était
monté à 30. Actuellement nous sommes à 34,75». Et l’article d’évoquer à
propos de la «politique accommodante»,
«l’ultime shoot avant l’overdose».
C’est
la raison pour laquelle la défense des intérêts bien compris du capitalisme
exige d’en finir le plus rapidement possible avec la politique dite
«accommodante» des banques centrales (rachat d’obligations et autres titres,
politique de taux réduits ou nuls). Mais comme le montre la récente secousse
boursière, la sortie d’une telle politique n’est pas moins dangereuse. La
remontée des taux d’intérêt a pour effet de raboter les profits boursiers. En
augmentant le taux d’emprunt des obligations d’État, elle porte le risque
d’augmenter la dette des États, qui malgré les taux bas, n’a cessé d’enfler.
Elle risque aussi d’entraîner l’effondrement des obligations d’État
précédentes, actuellement en cours, contractées à des taux antérieurs donc plus
faibles. Dit autrement, le système capitaliste est comme un malade auquel on
aurait prescrit des médicaments visant à fluidifier le sang (la politique du «quantitative easing» des banques
centrales) pour éviter l’infarctus ou l’AVC. Mais il faut l’interrompre car un
autre danger menace : l’hémorragie. Or l’interruption n’est pas moins
dangereuse que la continuation du traitement. Au point que c’est la simple
menace de l’interruption du traitement qui provoque un début
d’hémorragie !
Un hommage à Marx venant
d’un héraut du capital financier
Le
problème de fond, c’est que, quoi qu’on fasse, le malade ne peut être rajeuni.
Il est décidément au bout de son rouleau : ««La dynamique du capitalisme est aujourd’hui bien celle qu’avait prévue
Karl Marx» ; tel est le titre, explicite, d’une note publiée vendredi
2 février par Natixis. Patrick Artus, son auteur, n’a rien d’un militant rouge.
Responsable des études économiques de la banque, membre du Conseil
d’administration de Total, c’est de l’intérieur qu’il scrute les évolutions du
capitalisme. Et ce qu’il voit lui paraît d’une «logique implacable»... Il constate une «baisse de l’efficacité des entreprises des pays de l’OCDE... qui
risque de réduire le rendement du capital. Deux, pour éviter ce possible recul
de leurs profits, les sociétés concernées font en sorte de capter une plus
grande part de la valeur ajoutée, au détriment des salariés, dont la
rémunération diminue. Mais cette compression a une limite :
l’impossibilité de réduire les salaires au-dessous d’un certain niveau
correspondant au «salaire de subsistance». Dans un troisième temps : pour
soutenir malgré tout le rendement du capital, les capitalistes recourent à la
spéculation. Ils misent sur le bitcoin ou l’immobilier, les entreprises
rachètent leurs propres actions, etc.» « : ainsi, via la référence à
Artus, Le Monde, dont nul ne peut
douter qu’il défend les rapports de production capitalistes, rend hommage à
Marx.
On peut
tout à fait contester à Artus comme au Monde
leur «compréhension» de Marx. Par exemple, la simple comparaison entre le
Bengladesh et la France montre que la définition du niveau du «salaire de subsistance» est éminemment
sociale et qu’à cet égard, la bourgeoisie juge qu’elle dispose encore de larges
possibilités de réduire le dit salaire... sauf si la lutte des classes le lui
interdit. Mais qu’aujourd’hui le capital, faute de pouvoir se valoriser de
manière satisfaisante dans la production, le fasse par un recours effréné à la
spéculation est incontestable. Rien ne l’illustre davantage que les variations
de valeur de ces purs produits spéculatifs que sont les «cryptomonnaies» type
bitcoin. Chaque secousse boursière vient nous rappeler que le développement
monstrueux de la spéculation et du capital fictif, organiquement lié au
capitalisme lui-même, fait peser sur celui-ci une menace mortelle qui risque de
précipiter la civilisation humaine dans l’abîme.
Ce qu’il en est réellement
de la « santé » de l’économie américaine
Mais
revenons-en à la thèse extravagante attribuant la crise boursière à la trop
bonne santé de l’économie américaine. C’est un signe des temps qu’on puisse
s’émerveiller d’une croissance annuelle annoncée à 2,3 % - dernier chiffre
annoncé. Passons même sur la mesure de cette croissance qui intègre aussi bien
les profits spéculatifs, que la prostitution ou le trafic de drogue. Mais il
faut ajouter : la croissance américaine reste très en-deçà de celle
d'avant-crise. Le cycle de croissance est certes l'un des plus longs qu'ait
connus l'Amérique. Mais c'est aussi l'un des plus lents (le new médiocre de Lagarde). La croissance moyenne observée depuis
2008 dépasse à peine 2 %. Elle était de 3,6 % dans les années 1990 et
d’environ 5 % dans les années 60.
Quant à
la quasi-disparition du chômage annoncée (4,1 % de la population active),
c’est une annonce de pure propagande. Dans le même temps, le «taux de
participation», qui prend en compte cette partie grandissante de la population
qui a renoncé à chercher du travail, est tombé à 62 %. Le taux de chômage
réel n’a donc rien à voir avec celui qui est annoncé officiellement.
Un
aspect particulièrement éclairant de l’état réel de l’économie US est le fait
que non seulement la productivité ne progresse pas, mais qu’elle est même sur
le point de régresser. « Sincèrement,
on ne sait pas trop l'expliquer », a reconnu Janet Yellen; « certains mettent en cause les entreprises,
qui ont massivement réduit leurs investissements depuis la crise. Celles-ci
préfèrent embaucher de nouveaux salariés, plutôt que d'acheter des machines qui
permettraient de mieux faire travailler les anciens » (Les Échos du 29 mai 2017). En réalité,
Yellen fournit une explication. La réduction brutale des salaires directs ou
indirects depuis 2008 s’ajoute au fait qu’aux États-Unis le mouvement vers la
concentration sous forme de monopole est beaucoup plus avancé qu’en Europe. Le
fouet de la concurrence joue donc moins pour pousser aux investissements. C’est
un des aspects les plus typiques de la putréfaction du capitalisme dans son
stade ultime : l’impérialisme.
En
réalité, l’assez mince croissance américaine a des fondements totalement
vermoulus : outre les profits boursiers évoqués plus haut, il faut évoquer
l’énorme endettement privé et public.
En août
2017, La Tribune prévenait déjà
concernant la dette des ménages : «A
12.840 milliards de dollars à la fin juin, cette dette dépasse le précédent
sommet de 12.680 milliards de dollars établi à la fin du 3e trimestre 2008,
indique la Fed de New York, soit au moment du déclenchement de la crise
financière des subprimes. Elle est en augmentation de 114 milliards
(+0,9 %) par rapport au 1er trimestre et de 15,1 % supérieure à son
nadir atteint au 2e trimestre 2013.».
La
comparaison avec 2008 est éclairante, lorsqu’on sait que la cause immédiate de
l’effondrement de 2008 fut précisément le surendettement. Quant au déficit
public, il est reparti à grande vitesse à la hausse et atteint à nouveau les
5 % du PIB.
Un bon
instrument de mesure de la santé réelle de l’économie américaine est donné par
la mesure du déficit du commerce extérieur. Le déficit des échanges extérieurs
américains s'est creusé à 566 milliards de dollars en 2017 (+12,1 % par
rapport à 2016), soit le niveau plus élevé depuis 2008. Mais cela s’inscrit
dans un mouvement historique plus vaste. La balance commerciale américaine a
cessé d’être excédentaire depuis 1975, et la place des USA dans l’économie
mondiale n’a cessé de se rétrécir.
C’est
bien comme expression de la tentative désespérée de l’impérialisme US de
reconquérir la place qui était la sienne au lendemain de la Seconde Guerre
mondiale qu’il faut comprendre la promotion de Trump à la présidence des
États-Unis.
Trump : au terme de la fuite
en avant, la catastrophe prévisible
Cette
tentative prend la forme d’une fuite en avant effrénée que l’on peut
appréhender sous divers aspects.
D’une
part, il y a la tentative de mesures protectionnistes, tentatives plus ou moins
abouties car elles se heurtent aux intérêts de certaines fractions de la
bourgeoisie US elle-même, fractions qui ont tout à redouter de la remise en
cause du libre-échange. Elles sont plus ou moins abouties, mais loin d’être
négligeables : dénonciation de l’accord commercial transpacifique,
taxation de produits chinois (panneaux solaires) ou coréens (électroménager),
menaces à peine voilées contre les pays d’Europe, en premier lieu l’Allemagne,
dont l’excédent commercial avec les USA est considérable, renégociation de
l’ALENA (accord commercial avec le Canada et le Mexique). Un des enjeux
essentiels de cette renégociation concerne l’automobile, où Trump entend
imposer un pourcentage de composants US dans les véhicules importés faute de
quoi ces importations seront taxées.
D’autre
part, il y a l’ensemble des mesures fiscales en premier lieu la réduction
massive de l’impôt sur les sociétés de près de 15 % (désormais à
21 %) qui vise à rapatrier les capitaux aux États-Unis et à donner un
avantage en termes de compétitivité à l’économie US.
Enfin,
il y a l’énorme augmentation du budget militaire. Le budget militaire 2019 est
programmé à hauteur de 716 milliards, soit une augmentation de plus de
7 %. Cette augmentation a sans aucun doute des raisons politiques.
L’impérialisme US entend faire jouer à fond sa supériorité écrasante dans ce
domaine et nous rappelle à l’occasion que c’est par la guerre au bout du compte
que se maintient la domination impérialiste et que se règlent les conflits
inter‑impérialistes. Mais elle vise aussi à faire jouer à l’économie
d’armement le rôle classique de volant d’entraînement de l’économie dans son
ensemble.
Mais
tant les mesures fiscales que l’augmentation astronomique du budget militaire
ne peut qu’avoir comme conséquence une aggravation considérable du déficit
budgétaire et de la dette, qui, elle-même, pousse à l’augmentation des taux
d’intérêt sur les bons du Trésor américain.
C’est
le prolétariat américain qui est invité à payer la note par la réduction
massive des budgets sociaux (santé, éducation). Se trouvent donc programmées de
nouvelles attaques brutales contre les maigres garanties dont il dispose en la
matière.
Au bout
du compte, la politique de Trump, de cavalerie financière, n’est en rien
l’expression d’une économie florissante, mais tout au contraire celle d’une
économie aux abois. Elle ne repousse les échéances qu’en préparant les plus
grandes catastrophes pour l’avenir.
Économie française : la
débandade continue
« La croissance française en nette
accélération, a atteint 1,9 % en 2017. L’économie se porte mieux. Les
réformes passées ont porté leurs fruits » titre Le Monde du 31 janvier. «France
is back» plastronne Macron entre Versailles, où le président monarchiste
reçoit le gratin du capital, et Davos.
Il en
va pourtant comme dans la chanson populaire : «Tout va très bien, Madame la marquise». La suite de la chanson dit
l’inverse du titre. Mis à part l’aéronautique, l’industrie militaire, celle du
luxe et les vins et spiritueux, la situation est tout simplement désastreuse.
C’est ce que confirme La Tribune :
« Le
poids des exportations françaises de biens et services dans le total des
exportations de la zone euro a légèrement reculé en 2017. Elle est passée de
13,2 % en 2016 à 12,9 % l'année dernière contre 17 % en 2000. La
baisse des exportations françaises par rapport à celles de la zone euro
constitue «une tendance majeure de l'économie française depuis le début des
années 2000» rappellent les auteurs de l'étude. Ces derniers distinguent trois
périodes : une chute brutale entre 2000 et 2007 (de 17,0 % à 14,2
%), une stabilisation autour de 14 % de 2008 à 2013, et «une
nouvelle érosion depuis 2013 à un rythme plus modéré qu'au début des années
2000, mais significatif. »
Le Monde confirme : la part de la France dans
les exportations mondiales est passée de 4,7 % en 2000 à 3 %
aujourd’hui.
Il n’y a
pas d’autre explication à la rage destructrice des acquis sociaux du
gouvernement Macron-Philippe. Car il n’y a qu’une manière de tenter d’enrayer
la relégation du capitalisme français sur le marché mondial : baisser le
coût de la force de travail, livrer à la voracité du capital toute la part de
la richesse sociale qui y échappe encore comme produit de décennies de lutte de
classes du prolétariat.
Pour la classe ouvrière et
la jeunesse, une offensive d’une ampleur historique
● Les ordonnances Macron rentrent dans la vie. On
voit les conséquences par exemple des «ruptures conventionnelles collectives»
(RCC) : les quelques obligations liées à la présentation d’un «plan
social» – justification «économique», obligations de reclassement, priorités en
cas de réembauche, etc. disparaissent avec les RCC. Le nombre de «jours de
carence» dans le cadre des RCC (nombre de jours durant lesquels, sous prétexte
que le travailleur touché une prime de licenciement, il ne bénéficie pas de
l’indemnité journalière de chômage) est doublé. C’est à ce procédé qu’a pu se
livrer la direction de PSA avec 1300 licenciements à la clef (2200 si on
compte, ce qu’il faut faire les «congés seniors») avec la signature de tous les
syndicats sauf la CGT (mais avec FO).
Par
ailleurs les limites considérables aux indemnités accordées au travailleur dans
le cas d’un licenciement jugé abusif en prudhommes fait que deviennent pratique
courante les décisions de licenciement de travailleurs jugés gênants. Le
licenciement sera jugé abusif, mais le patron n’en a cure. Il peut «s’offrir»
un licenciement à prix cassé.
● L’offensive contre les travailleurs se poursuit.
Les ordonnances n’avaient pas répondu à l’attente de la CFDT sur l’association
capital-travail. La loi PACTE veut y répondre en complétant la loi
travail : elle veut aller plus loin que le gaullisme n’est jamais allé. Il
s’agirait qu’à terme 100 % des salariés soient intéressés aux résultats
(déclaration de Lemaire). Pour cela il est prévu l’allègement des taxes sur
l’intéressement. La loi PACTE aurait aussi pour fonction de pousser plus loin
dans le sens de l’intégration des organisations syndicales en augmentant le
nombre de représentants des personnels dans les Conseils d’administration. La
CFDT joue là tout son rôle : Notat, son ex-secrétaire générale de sinistre
mémoire, est en charge de la réflexion sur le rôle social de l’entreprise qui a
vocation à être intégrée à la loi.
● Le logement social est dans le collimateur :
le siphonage de la trésorerie des bailleurs sociaux impulsé par la loi de
finances sur plusieurs années par l’État vise également à les inciter à
fusionner pour constituer de véritables entreprises comptant le parc HLM comme
actifs. Le projet, c’est de privatiser le parc HLM comme cela a été fait en
Grande-Bretagne et en Allemagne pour en finir avec les APL, avec le financement
du logement social. Cette question du logement est appelée à prendre une grande
importance. Il se construisait jusqu’ici, rappelons-le, près de 100 000
logements sociaux encore en France chaque année.
● La «réforme de l’assurance-chômage» avance au pas
de charge. Les «partenaire sociaux», dont les dirigeants syndicaux, ont siégé
sans broncher depuis le 11 janvier. Le terme de la concertation est prévu le 15
février. Dans le cahier des charges accepté sans moufeter par les appareils
syndicaux, l’invitation faite par Pénicaud de définir de nouvelles méthodes de flicage
des chômeurs pour éviter les «abus». Par ailleurs, l’ouverture des droits aux
indépendants va concerner en priorité les travailleurs des plateformes qui
n’ont pas le statut de salarié. Il ne s’agit pas de commencer à en faire des
salariés, mais au contraire d’inciter un maximum de chômeurs auxquels on aura
mis la pression à accepter de devenir auto-entrepreneurs, sur le modèle de ce
qui se passe en Allemagne (2 millions d’auto-entrepreneurs). D’ores et déjà, le
nombre de micro-entreprises a augmenté de plus de 8 points en 2017. C’est
carrément le statut de salarié et les droits qui vont avec qui se trouvent sur
la sellette.
● La «réforme de l’apprentissage». Là aussi, jusqu’au
bout, les dirigeants syndicaux ont siégé de manière zélée jusqu’à la fin. Cela
vaut aussi pour ceux de l’enseignement technique public (CGT, SNETAA-FO,
SNUEP-FSU), alors que ladite réforme vise à porter un coup très grave,
peut-être fatal, à l’enseignement technique public (voir article Enseignement
dans ce numéro). Issu de cette concertation, vient de paraître le rapport
Brunet qui met les points sur les i : «Les axes de réforme qui ressortent des positions exprimées par les
différents acteurs de la concertation, que ce soit en plénière, en groupe de
travail, en auditions ou par le biais des contributions écrites sont, dans
l’ensemble, ceux qui ont fait l’objet d’un large consensus.»
Quels
sont ces axes ? Toute licence est donnée en matière de création de CFA et
dans la définition du contenu des certifications aux branches professionnelles.
Les limitations à la surexploitation des apprentis disparaissent. Il y a donc
eu «consensus» pour qu’un apprenti boulanger à 16 ans fasse 40 heures par
semaine de nuit puisque désormais le travail de nuit est possible pour les
apprentis et que la limitation horaire hebdomadaire passe de 35 à 40 heures.
Mais si
la «réforme de l’apprentissage» concerne en premier lieu la jeunesse, elle
constitue une attaque contre le prolétariat dans son ensemble en particulier à
travers cette proposition : «Il semble
donc opportun de supprimer la limite supérieure d’âge d’entrée en apprentissage
et permettre l’usage de cette modalité de formation préparant à un diplôme ou à
un titre professionnel tout au long de la vie.»
Désormais,
un patron pourra donc embaucher un travailleur adulte sous forme d’un «contrat
d’apprentissage» en lieu et place d’un CDI, à une rémunération largement
inférieure au SMIC
● La contre-réforme des retraites. Le prolétariat a
subi depuis Balladur en 1993 jusqu’à 2012 avec Hollande une multitude de
contre-réformes. Mais ce qui est préparé avec la concertation Delevoye - à
laquelle participent tous les dirigeants syndicaux - est qualitativement
différent. Jusqu’à présent, il s’agissait d’écorner le système de retraites
existant : retraite par répartition, régimes spéciaux, code des pensions
dans la fonction publique d’État, garanties offertes par la Caisse des
retraites de Collectivités locales pour la fonction publique territoriale et
hospitalière. Malgré l’amputation profonde des droits à travers les différentes
contre-réformes, la base du système demeurait et constituait un point d’appui
qui subsistait. Là, il s’agit de dynamiter tout le système à travers
l’instauration de la retraite à points, instauration confirmée par Macron
récemment. Les euros cotisés correspondent à un certain nombre de «points» et
toute garantie quant au montant disparaîtrait, puisque la valeur du point
dépendrait de paramètres changeants (démographie, situation économique, etc.).
La contre-réforme doit être adoptée au premier semestre 2019.
● la liquidation du statut des cheminots et la
transformation de la SNCF en société anonyme - donc sa privatisation. Le
rapport Spinetta qui le proposera doit sortir incessamment. En attendant la
concertation bat son plein sur la mise en œuvre des ordonnances Macron à la
SNCF.
Réforme de l’apprentissage,
liquidation du bac comme premier diplôme universitaire,
sélection à l’université : liquidation du droit aux études et
surexploitation
Il faut
attribuer une place particulière aux attaques contre la jeunesse et
l’enseignement public : les trois contre-réformes (apprentissage,
contre-réforme du lycée et sélection à l’université) doivent être appréhendées
comme un tout. D’un côté, réserver l’université aux enfants de la bourgeoisie ;
de l’autre, liquider les diplômes nationaux et livrer la jeunesse à une
surexploitation sans frein à travers la réforme de l’apprentissage. Nous
renvoyons nos lecteurs à l’article consacré à cette question dans ce numéro.
Fonction publique :
faire exploser les éléments constitutifs du statut général
Il faut
dire sur les projets gouvernementaux de dynamitage de la Fonction publique ce
qui a été dit plus haut sur les retraites. Il ne s’agit pas simplement d’une
nouvelle attaque contre la Fonction publique, identique à celles qui se sont
accumulées depuis 30 ans. Il s’agit de liquider les bases même du statut.
Les
nouvelles mesures – là aussi soumises à la «concertation» des directions
syndicales (voir plus bas) – s’inscrivent dans le cadre de CAP 2022. Il s’agit
de supprimer 120 000 postes dans la Fonction publique et aussi les «agences»
publiques. Pour ces dernières, on annonce la suppression d’un emploi sur 5 à
Météo France par exemple. De même une restructuration meurtrière en postes se
prépare à France Télévisions, au point que Mathieu Gallet, jusqu’ici président
et qui pourtant avait fait ses preuves en matière de combat contre les employés
lors de la grève de 2015, a été mis dehors, jugé insuffisamment zélé pour la
mettre en œuvre.
Mais
cela va au-delà : il ne s’agit pas seulement de supprimer des postes dans
la Fonction publique, mais de liquider la Fonction publique elle-même à travers
les garanties essentielles attachées à son statut :
● généralisation du recrutement sur la base de
contrats de droit privé. C’est la logique qui a prévalu à France Télécom. Dans
un premier temps, subsisteraient des fonctionnaires à côté de travailleurs sous
statut de droit privé, les premiers ayant progressivement vocation à
disparaître au profit des seconds
● possibilité de «départs volontaires». Il est
inutile de commenter le sens que prend ici le mot «volontaire», puisque le
départ volontaire (sans guillemet) existait jusqu’alors sous la forme de la
possibilité de démission. Donc il s’agit en réalité de licenciements
● salaire au mérite, autrement dit individualisation
des rémunérations et liquidation de la grille des salaires : cette
dernière mesure s’inscrit dans la nouvelle gestion des affectations, les
«managers» ayant la main sur les affectations et mutations. Ce principe a été
réaffirmé récemment avec force par Blanquer à l’Assemblée nationale à propos de
la nomination des enseignants par les chefs d’établissement qui est dans les
tuyaux
● cette «nouvelle gestion» va de pair avec la mise au
rencart des commissions paritaires nationales qui avaient précisément pour
fonction de vérifier la juste application du statut (mutations, promotions) au
profit d’un «dialogue social décentralisé», instrument de la pulvérisation des
statuts nationaux, et où les représentants syndicaux, cessant d’être les
défenseurs des garanties collectives des fonctionnaires, deviennent les
«co-acteurs» de la politique du gouvernement. C’est l’application à la Fonction
publique des ordonnances Macron.
La loi de programmation
militaire prévoit une augmentation vertigineuse du budget militaire
Toutefois,
il est un secteur qui échappe à l’écrémage des postes et aux restrictions
budgétaires : celui de l’armement. «La
première séquence va de 2019 à 2023 : le budget annuel du ministère
atteindra alors 44 milliards d’euros, contre 34,2 aujourd’hui (ndlr : soit
une augmentation de près de 29 %)... le budget augmentera de 1,7 milliards
par an» nous dit Le Monde du 9
février. Des perspectives plus radieuses encore sont annoncées après 2023, où «la loi de Finances prévoira une
augmentation du budget des armées de 3 milliards par an». En la matière,
derrière le géant Trump, le nain Macron avance aussi vite que lui permettent
ses petites jambes. Tous les secteurs vont être généreusement arrosés (armée de
terre, marine, aviation, force nucléaire). Mais il faut accorder une mention
particulière à l’implantation des bases militaires en Afrique dont on nous
annonce qu’elles «seront renforcées».
C’est de la défense de l’impérialisme français qu’il s’agit, bien mal en point
malgré tous les efforts. Au Mali, la situation est redevenue tout aussi
chaotique qu’elle l’était avant l’» opération Barkhane », malgré la
présence de milliers de soldats français. Idem en République centrafricaine.
Dans les deux cas, la tentative d’édifier des états stables et fiables du point
de vue de l’impérialisme est à vrai dire un échec piteux.
Notons-le
au passage : cette augmentation ne trouve pas grâce aux yeux de Mélenchon
qui la juge fort insuffisante. Dans son blog où, par ailleurs, il déplore le
fait qu’«une certaine hollandisation du
pétulant Macronisme semble s’installer [et que] sur tous les sujets surgis dans l’actualité, une gélatineuse inaction
semble s’être étendu.»(sic), Mélenchon s’en prend particulièrement à
l’insuffisance du budget militaire : « Ils
[les députés de LFI] ont dénoncé le
manque de moyen pour l’armée et la faible vision stratégique du pouvoir
macroniste. Ils ont notamment expliqué que 60 % de la hausse de budget
prévue se ferait… après la fin du mandat d’Emmanuel Macron ! »
Renforcement de l’état
policier et chasse aux migrants
L’augmentation
du budget militaire est un aspect du renforcement de l’état militaro-policier
opéré par le gouvernement Macron-Philippe. Un autre aspect est la constitution
de la «police de sécurité quotidienne» annoncée par Collomb qui vise notamment
à renforcer la police dans les quartiers populaires, au moment où la diffusion
de la vidéo filmant le viol de Théo montre le rôle qu’elle y joue. À ce propos,
ceux qui ont vu cette vidéo apprécieront le rôle des «expertises» commandées
par la justice aux ordres, dont l’une a jugé que le coup de matraque ayant
provoqué une déchirure du canal excréteur de 10 cm avait été administré «selon les règles de l’art».
Le même
Collomb se signale par un activisme de tous les instants contre les migrants.
Dans quelques semaines, la loi anti-immigrés sera présentée au Parlement :
réduction des délais pour l’étude des dossiers de demande d’asile, réduction
des délais dans la procédure d’appel (15 jours alors qu’il faut un mois pour
obtenir un rendez-vous en préfecture : c’est à ce genre de raffinement que
l’on reconnaît l’«humanisme» de ceux qui gouvernent); par contre, augmentation
du séjour légal en camp de rétention. Cette loi est une machine à expulser en
masse. Elle se met en place avec le silence complice total des dirigeants du
mouvement ouvrier. On lira dans la rubrique «Les militants interviennent», à
titre d’exemple, l’intervention de notre camarade au conseil national de la
FSU, en défense des migrants et pour le retrait du projet de loi. L’appareil
dirigeant de la FSU, ne se distinguant en cela en rien de celui de la CGT et de
FO, a rejeté la motion en ce sens. Les appareils dirigeants entendent bien ne
rien faire qui fasse obstacle à l’adoption de cette loi scélérate !
Il faut
placer sous la même rubrique la création de 1 100 postes de
surveillants de prison. À ce propos disons-le : honte à ceux qui, jusque
dans les rangs de «l’extrême gauche», mettent sur le même plan la grève des
surveillants de prison – agents de la répression de l’État bourgeois au même
titre que les militaires et les flics – et celle des personnels des EPHAD qui
combattent pour pouvoir soigner les personnes âgées dans des conditions
décentes ! Et honte aux dirigeants des confédérations ouvrières qui, non
seulement acceptent de syndiquer ces corps anti-ouvriers, mais qui en rajoutent
sur l’exigence de : plus de prison ! plus de quartiers de haute
sécurité ! plus de mesures de répression !
À travers la concertation,
les dirigeants syndicaux
prêts à accompagner le gouvernement jusqu’en enfer !
Non,
n’en déplaise à Mélenchon, ce qui caractérise le gouvernement Macron-Philippe
ce n’est pas la «gélatineuse inaction», c’est au contraire la frénésie
anti-ouvrière de tous les instants.
Mais au
regard de cette frénésie anti-ouvrière, il est légitime de se poser la
question : pourquoi la réaction de la classe ouvrière et de la jeunesse
demeure-t-elle aussi limitée à cette étape ?
Il faut
répondre sans barguigner à cette question, à l’inverse de tous ceux qui,
pratiquant l’auto-intoxication avec ferveur, voient des «luttes» et des grèves
partout !
Les
militants regroupés autour de Combattre
pour le socialisme ne doutent pas du fait qu’au bout du compte surgira le
prolétariat en défense de ses conditions d’existence. Trotsky nous le rappelle
dans la préface à l’Histoire de la
Révolution russe : «Les masses
se mettent en révolution non point avec un plan tout fait de transformation
sociale, mais dans l'âpre sentiment de ne pouvoir tolérer plus longtemps
l'ancien régime.
Et il
écrit quelques lignes plus haut : « Les idées et les rapports sociaux
restent chroniquement en retard sur les nouvelles circonstances objectives,
jusqu'au moment où celles-ci s'abattent en cataclysme.»
L’ensemble
des mesures du gouvernement Macron est en train de faire disparaître le cadre
politique du rapport entre les classes hérité du «compromis de 45». Les termes
de ce compromis étaient les suivants : pour éviter de tout perdre –
c’est-à-dire le pouvoir – la bourgeoisie française avait dû faire de très
larges concessions au prolétariat : Sécurité sociale, statut général de la
Fonction publique, logement social, enseignement technique public, etc.
Aujourd’hui,
toutes ces conquêtes sont méthodiquement liquidées par le gouvernement. Il
s’agit donc bien, pour reprendre Trotsky, de «nouvelles circonstances objectives». Mais à ce jour, «les idées et les rapports sociaux restent
chroniquement en retard sur les nouvelles circonstances objectives».
Un des éléments
– lié à d’autres (voir plus bas) – décisifs de ce «retard», c’est la politique des appareils dirigeants, en
particulier des appareils syndicaux. Se manifeste sous nos yeux cette loi
historique : plus violente est l’offensive de la bourgeoisie contre les
masses, plus étroite est la collaboration des appareils syndicaux avec la
bourgeoisie et le gouvernement. Ce n’est pas là une loi spécifiquement
française. Le dirigeant de l’AFL CIO, Trumka, donne ainsi aux États-Unis sa
bénédiction à Trump dont on apprend qu’il est sur la voie d’une politique…
favorable aux travailleurs : « L’annonce
du retrait des États-Unis du TPP (traité transpacifique) et de la volonté de
renégocier l’Alena est une première étape importante vers une politique
commerciale qui œuvre pour les travailleurs ». Quant aux dirigeants de
la DGB en Allemagne, nous renvoyons à l’article dans ce numéro de CPS qui lui est consacré illustratif de
la même loi.
Que
cette collaboration soit pour les appareils syndicaux parfois difficile et même
pénible, c’est ce dont se plaint dans une sorte de «cri du
cœur » Groison dans une interview à l’AEF le 22 janvier :
«En ce début de quinquennat, j’ai alerté le
gouvernement à tous les niveaux sur le fait que le dialogue social commençait
très mal concernant la Fonction publique. Les clignotants sont au rouge. Si
l’on continue comme cela, une distance risque de se créer entre les agents
vis-à-vis non seulement des organisations syndicales mais aussi vis-à-vis du
gouvernement (souligné par nous) et des responsables
des administrations avec pour conséquence un repli professionnel de la part de
certains agents qui n’attendront plus rien ni des uns ni des autres.»
Pénible,
mais inéluctable. L’appareil syndical est un appareil bourgeois à la tête d’une
organisation ouvrière. Il est organiquement lié à la bourgeoisie, à ses
objectifs, à son gouvernement. Il a stricto sensu partie liée avec
eux ! Il doit assumer coûte que coûte le rôle que ceux-ci lui assignent.
C’est ce dont témoigne le propos de Groison qui évoque comme un risque commun
le danger de la distance vis-à-vis du gouvernement et des appareils syndicaux.
Il faut
donc «faire le boulot» jusqu’au bout. Mailly, que la bourgeoisie n’autorise
plus à poser en «opposant» comme il le faisait encore sur la loi El Khomri, le
dit sans ambages (dépêche AFP du 5 février) à propos de la réforme-destruction
de la Fonction publique :
«Plan de départ volontaires, rémunérations au
mérite, évolution des services : «ce sont des têtes de gondole (sic) a dit Jean Claude Mailly sur Radio Classique ajoutant qu’avec neuf mois
de concertation, cela a le temps d’évoluer.»
Tout y
est : l’invitation à considérer que les attaques destructrices du statut
ne doivent pas être prises au sérieux mais un simple exercice de communication
(des «têtes de gondole»), et surtout
l’affirmation que tout cela va évoluer avec la concertation (à l’image sans
doute de l’«évolution» des ordonnances Macron !).
La
direction de la CGT n’est pas en reste. S’agissant de la contre-réforme des retraites,
la direction de l’UFSE CGT (Union fédérale des syndicats de l’État) écrit par
exemple : «Dans un premier temps
(elle) prend au sérieux l’engagement du gouvernement d’avoir une large séquence
de diagnostic et de concertation avant négociation» . Il est vrai que la
direction de la CGT vient opportunément de faire ressortir son mot d’ordre de «maison commune des retraites» qui, au
moment où le gouvernement entend faire sauter tous les régimes particuliers
avec les garanties afférentes (et notamment le code des pensions de la Fonction
publique), est une véritable perche tendue au gouvernement Macron pour la
réalisation de son objectif d’un régime commun de retraite par points.
L’autre face de la
collaboration : journées d’action et division
Le
complément de la concertation – collaboration, c’est l’organisation des
journées d’action. Le plus souvent, et pour faire bonne mesure, celles-ci sont
appelées dans la division : un jour les uns, un autre les autres. Les
enseignants, étudiants et lycéens en ont fait l’amère expérience avec les
journées d’action disloquées du 1er et du 6 février (voir article
enseignement) dont les initiateurs annoncent imperturbablement et contre toute
évidence qu’elles furent des «succès».
Cette
division, les travailleurs de Carrefour confrontés à un plan officiel de
2 100 suppressions d’emploi – en réalité beaucoup plus, le sort d’autres
employés étant suspendu à la vente aléatoire de magasins à des repreneurs qui,
en tout état de cause, commencent par dénoncer la convention collective – la
vivent dramatiquement.
Les
grèves locales, parfois massivement suivies jusqu’à 80 %, montraient la
disponibilité des travailleurs à s’engager sur le terrain de la grève générale
pour l’annulation du plan de licenciements et l’appel à tous les travailleurs
pour un rassemblement au siège central pour l’exiger. Mais la politique des
appareils syndicaux tourne le dos à cette perspective. Le 5 février, la
direction de la CGT organisait une petite opération dans le style des
«opérations spectaculaires» habituelles avec 200 membres au Carrefour de
Montreuil, en face du local confédéral avec Martinez en tête et une poignée de
permanents. Quant à FO, il appelait à la grève le 8, sur l’objectif… d’une
bonne négociation du plan de licenciement «dossier
par dossier», comme l’indiquait Europe 1 le 25 janvier :
«Dejan Terglav (dirigeant FO Carrefour) lors d'une entrevue mercredi avec Alexandre
Bompard : «Je lui ai dit que je n'acceptais pas», a déclaré Dejan Terglav
à l'AFP. FO, qui a appelé à la grève et à un rassemblement devant le siège de
Carrefour à Massy, dans l'Essonne, le 8 février, «maintient sa mobilisation», a
ajouté Dejan Terglav qui a porté deux demandes : «que tout soit mis sur la
table au comité de groupe» vendredi, et que l'on prenne «dossier par dossier»,
avec des négociations «véritables, transparentes et complètes».
Même si
fondamentalement, la grève du 30 janvier dans les EPHAD relève de la même
politique, elle s’en distingue par le fait que, appelée par l’ensemble des
organisations syndicales, et au vu de la situation insupportable des
personnels, elle a été relativement suivie. Les travailleurs du secteur sont en
particulier confrontés au plan Buzyn, qui consiste à dépouiller les EPHAD
publics, les seuls accessibles aux travailleurs retraités, et encore à la
condition qu’ils bénéficient d’une retraite convenable, au profit des EPHAD
privées appartenant à des grands groupes financiers (Korian, Orpea, etc.). Il
faut préciser que ces dernières accueillent les personnes âgées pour des sommes
mensuelles astronomiques (entre 3000 et 4000 euros, voire davantage !) ce
qui fait de ce secteur un de ceux où le retour sur investissement est le plus
juteux pour les actionnaires. S’il est vrai que la plateforme syndicale
contient un certain nombre de revendications, quoique formulées de manière très
générale, s’agissant des postes, du réemploi des contrats aides, etc., à aucun
moment, elle ne pose le problème de l’affrontement avec le gouvernement,
faisant au contraire de la réception des syndicats par Macron... la
revendication centrale.
La journée d’action Fonction
publique du 22 mars
dans le cadre de la concertation pour la liquidation du statut
Une
autre journée d’action est prévue le 22 mars dans la Fonction publique. On peut
faire à ce propos une première réflexion. Une première journée d’action a eu
lieu en octobre dernier. Sans que ce soit un raz-de-marée, elle avait été
relativement suivie. À l’évidence, non seulement elle n’a pas suffi à arrêter
le bras du gouvernement, mais (voir plus haut) celui-ci a décidé d’amplifier
encore l’offensive contre les fonctionnaires. N’importe lequel d’entre eux ne
pourra manquer de se poser la question : pourquoi ce qui n’a abouti à rien
en octobre, aurait de meilleurs résultats en mars ? A cet égard, il faut
le remarquer – c’est notamment la leçon de la faible participation à la grève
du 6 février en lycée : le scepticisme, pour ne pas dire le rejet des
«journées d’action», est de plus en plus ample dans le prolétariat.
Mais il
y a plus. Le gouvernement vient d’annoncer qu’il allait faire exploser sur le
statut de la Fonction publique une véritable bombe nucléaire. Or ce qui
caractérise l’appel des fédérations de fonctionnaires, c’est qu’il parle...
d’autre chose :
«Parce
que la Fonction publique est garante de l’intérêt général au service de la
cohésion sociale, parce que les moyens existent pour mettre en œuvre des
orientations de progrès social pour tous, les organisations syndicales CFTC CGC
CGT FAFP FO FSU Solidaires, constatant que leurs positions ne sont pas entendues
et que leurs propositions ne sont pas prises en compte, appellent tou.te.s les
agent.e.s des trois versants de la Fonction publique à :
une journée de grève et de manifestations le
22 mars 2018
Pour :
- Une négociation salariale immédiate pour le
dégel de la valeur du point d’indice, le rattrapage des pertes subies et
l’augmentation du pouvoir d’achat ;
-
L’arrêt des suppressions d’emplois et les créations statutaires dans les
nombreux services qui en ont besoin et non un plan destiné à accompagner de
nouvelles et massives suppressions ;
- Un nouveau plan de titularisation des
contractuel.le.s, de nouvelles mesures pour combattre la précarité et non pour
favoriser son extension comme le préconise le gouvernement ;
- Des dispositions exigeantes pour faire
respecter l’égalité professionnelle ;
- L’abrogation du jour de carence
- La défense et la pérennisation du système
de retraite par répartition et des régimes particuliers»
L’oubli
de ce qui devrait être le mot d’ordre central : défense inconditionnel du
statut ! Retrait du projet Philippe de réforme destruction de celui-ci,
n’a rien de fortuit. Dans le même temps, le 12 février, la concertation en
effet a commencé. La revue Acteurs
publics précise :
“Plus appréhendables et plus lisibles” selon
les termes d’Olivier Dussopt rapportés par les représentants du personnel, les
questions de la simplification du paysage des instances de dialogue social
ainsi que de l’élargissement du recours à la contractualisation seront abordées
dès ce premier semestre, avec un relevé de conclusions probable d’ici l’été.
Les discussions concernant la plus grande individualisation des rémunérations
et le renforcement de l’accompagnement des agents pendant leur carrière (qui
comprend notamment la négociation de plans de départs volontaires) seront quant
à elles remises à plus tard.»
Le
cadre est donc clair et précis. Aucun dirigeant syndical ne peut plus longtemps
faire croire qu’ils participent pour défendre les revendications du personnel,
selon l’argumentaire habituellement fourni. D’ailleurs les dirigeants syndicaux
ne peuvent même plus le cacher :
“À part peut-être pour changer quelques
virgules, nous avons d’ores et déjà l’impression qu’il n’y aura pas de
véritable place laissée à la discussion, l’essentiel étant déjà tranché par le
gouvernement”,
estime Jean-Marc Canon, de la CGT,
rejoint par Denis Turbet-Delof, pour qui l’exécutif “refusera sans aucun doute
une réelle négociation”.
Et
pourtant aucun d’entre eux ne fait même mine de quitter la table : la
concertation jusqu’en enfer...
Une redoutable absence de
perspective politique
Nous
interrogions plus haut : «au regard
de cette frénésie anti-ouvrière, il est légitime de se poser la question :
pourquoi la réaction de la classe ouvrière et de la jeunesse demeure-t-elle
aussi limitée à cette étape ?»
La
politique des dirigeants syndicaux paralysant le prolétariat par le «dialogue
social» constitue un premier élément de réponse. Un autre est constitué par
l’absence de perspective politique. Cette absence de perspective n’est pas là
non plus spécifiquement française et ne remonte pas à hier ! C’est un des
apports fondamentaux de Stéphane Just au marxisme d’avoir mis en évidence dès
1997 les conséquences pour le prolétariat mondial du rétablissement du
capitalisme en Russie. Pour la grande masse des travailleurs, la perspective du
socialisme s’en trouvait durablement enfouie, le désarroi politique imprimait
durablement sa marque sur la lutte des classes (nous invitons nos lecteurs à
prendre connaissance sur notre site du texte adopté en 1997, Une nouvelle
perspective, qui établit ce diagnostic).
Approfondissant
ce cadre général, en France, la quasi-disparition du PS et du PCF, en l’absence
de tout regroupement d’importance sur le terrain de la construction du Parti ouvrier
révolutionnaire, loin d’ouvrir au prolétariat un avenir radieux, constitue un
élément d’aggravation de son désarroi. Le PS et le PCF ont mille fois trahi les
intérêts ouvriers, sans compter leur participation directe à l’oppression
sanglante des peuples dominés de l’ancien empire colonial français. Mais ils
ont pendant des décennies constitué les seuls instruments dont disposait le
prolétariat pour chasser les partis bourgeois du pouvoir.
Ils
sont à l’agonie, comme en témoigne le résultat des élections partielles. Dans
le territoire de Belfort, il n’y avait pas de candidat du PCF. Le candidat du
PS réalise le score dérisoire de 2,6 % des votants et de 0,76 % des
inscrits (dans une situation où l’abstention dépasse les 70 %). Dans le Val-d’Oise
(près de 80 % d’abstentions), le PS réalise 6,88 % des votants et
1,40 % des inscrits ; le PCF 1,97 % des votants et 0,40 %
des inscrits !
Par
ailleurs, ces élections sont marquées par la défaite des candidats macronistes
par rapport aux candidats LR. Cela montre que malgré les ralliements ou
demi-ralliements à Macron de quelques dirigeants gaullistes notoires (Juppé
notamment), la constitution d’un mouvement bonapartiste autour de Macron qui
suppose la mise à mort du parti bonapartiste historique de la Ve République (LR
héritier de l’UMP, du RPR, de l’UNR) ne sera pas facile. Mais du point de vue
du prolétariat, faut-il le rappeler, la victoire de LR c’est la victoire d’un
parti qui réclame plus de suppressions de postes de fonctionnaires, plus de
flics, plus de sélection à l’université, etc.
Dans
ces conditions les congrès du PS et du PCF qui s’annoncent promettent de
s’apparenter sinon à des rituels funéraires, du moins à des réunions de famille
autour de l’agonisant.
Comment
pourrait-il en être autrement ? Le PCF se déchire entre ceux qui, pour
conserver les quelques positions électorales du PCF, proposent le ralliement à
Mélenchon, et ceux qui s’y refusent. Aucune de ces deux voies ne peut éviter
d’ailleurs l’issue fatale historiquement inscrite dans la liquidation de
l’URSS.
Quant
au PS, toute sa politique est depuis un an celle du soutien honteux à Macron.
On en trouve une dernière illustration avec cette prise de position de la
représentante du PS au Sénat s’agissant de la loi Vidal de sélection à
l’université, Sylvie Robert : « Nous
sommes opposés à toute idée de sélection, qu'elle soit sauvage,
institutionnelle ou déguisée (…) Nous ne pouvons qu'approuver le dispositif
d'accompagnement et les parcours individuels mis en place (…) mais les mesures
d'accompagnement nécessitent des moyens financiers ». Peut-on
concevoir pire soutien au gouvernement ?
Dans
ces conditions, du point de vue des travailleurs, il n’y a pas le moindre enjeu
à l’élection du premier secrétaire dont le favori, Faure – anecdote significative
et grotesque à la fois – a dû faire démissionner en urgence sa femme... d’un
cabinet ministériel !
Agir inlassablement pour la
rupture des organisations du mouvement ouvrier
avec la bourgeoisie et son gouvernement
Rosa
Luxemburg, qui ne détestait pas avoir recours à la maxime philosophique,
disait : « Il faut travailler
et faire ce que l’on peut... On ne rend pas la vie meilleure en étant
amer ».
La
maxime pour les militants révolutionnaires aujourd’hui ne serait pas de mauvais
conseil !
Ce qui
est sur le devant de la scène, c’est l’avancée qui semble irrésistible du
gouvernement sur le chemin des contre-réformes, laminant des décennies de
conquêtes ouvrières. Ce qui est sur le devant de la scène, c’est la honteuse
collaboration des appareils syndicaux à cette marche en avant.
La
situation n’est peut-être pourtant pas pour la bourgeoisie aussi stable qu’elle
semble. Non seulement parce qu’elle n’a résolu aucune des contradictions qui
ont abouti au krach de 2008, mais qu’au contraire, comme le montre le début de
cet article, les expédients auxquels elle a recours ne font qu’accumuler des
explosifs pour les temps qui viennent. Mais aussi parce qu’inéluctablement,
sans qu’on puisse en prévoir les délais et les formes, le prolétariat et la
jeunesse sont amenés à surgir à leur tour sur le devant de la scène. Et c’est
pour cette raison et aucune autre que le gouvernement a un besoin aussi vital
de la collaboration des appareils dirigeants du mouvement ouvrier via le
dialogue social.
« Travailler et faire ce que l’on
peut »,
c’est aujourd’hui agir pour regrouper travailleurs et militants pour la rupture
de ce dialogue social. C’est proposer les perspectives permettant aux
travailleurs, aux jeunes de prendre en main eux-mêmes le combat centralisé
contre le gouvernement Macron-Philippe. Dans ce numéro de CPS, au travers des interventions militantes dans les différents
secteurs, on peut voir qu’à l’échelle de leurs forces, les militants regroupés
autour de Combattre pour le socialisme
œuvrent dans ce sens. C’est la seule manière aujourd’hui de contribuer à la
préparation politique des affrontements à venir. C’est la seule manière
d’œuvrer à la construction du Parti ouvrier révolutionnaire, de
l’Internationale ouvrière révolutionnaire.
Nous
invitons nos lecteurs à s’associer à ce combat.
Le 14 février 2018
«
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93100 MONTREUIL ]