Brésil [texte diffusé au Brésil, en portugais, par nos camarades brésiliens] 

La crise s’accélère, le gouvernement Temer est aux abois.

Les dirigeants du mouvement ouvrier

ont la responsabilité de combattre pour :

Un front unique contre Temer et ses mesures anti-ouvrières,

ce qui permettrait d’ouvrir la perspective de vaincre et chasser Temer,

de poser la question d’un gouvernement du front unique

 

Le gouvernement de Temer aux abois


Depuis le début du mois de mai, le gouvernement de Michel Temer a été largement affaibli par les révélations dans la presse bourgeoise, et par le fait qu’il ait été touché par l’opération « Lava Jato », lavage express, de la justice bourgeoise. C’est révélateur, puisque c’est cette opération qui a impliqué Lula et de nombreux membres du PT dans les affaires de corruption autour de Petrobras, puis de Odebrecht. Le patron de JBS impliqué dans le scandale de la vente de viande avariée, quant à lui, a commencé à impliquer Neves, ex-candidat du PSDB face à Dilma Roussef, et un réseau de corruption qui arrosait tous les partis. Le PMDB y est impliqué, et le rôle de Temer comme président pour tenter de retarder l’avancée de la justice a été mis en évidence. Manier l’arme de la corruption peut être dangereux, et l’effet boomerang s’est retourné contre les dirigeants des partis bourgeois brésiliens.

En réalité, si tout se précipite, c’est que Temer et son gouvernement souffrent d’un déficit important de légitimité et se trouvent largement affaiblis depuis la « grève générale » du 28 avril qui, malgré la politique des dirigeants du mouvement ouvrier, a rassemblé des dizaines de millions de grévistes. Après les différentes mobilisations, 15, 31 mars, cette journée de mobilisation, improprement appelée « grève générale » par les dirigeants de la CUT, montrait la volonté des travailleurs (malgré la répétition des journées d’action) d’affronter le gouvernement pour obtenir le retrait des mesures anti-ouvrières qu’il cherche à mettre en place (contre-réforme des retraites, explosion des cadres de définition du temps de travail légal). Pour une partie de la bourgeoisie, ce gouvernement n’offre finalement pas les garanties nécessaires pour mener à bien les tâches urgentes qu’elle lui avait assignées, s’attaquer au déficit public, aux salaires, au droit du travail, pour restaurer le taux de profit.

Le gouvernement Temer a essayé d’avancer vite et de passer outre la concertation avec les appareils syndicaux, et notamment s’est privé de relations suivies avec les dirigeants de la CUT. L’origine du gouvernement, liée à l’éviction de Dilma Roussef, malgré toute la docilité des dirigeants du PT et de la CUT, n’a pas permis d’établir les conditions pour un dialogue social suivi. Cette méthode n’a pas permis de réaliser le programme du gouvernement. Passer outre le dialogue social pour mettre en œuvre des attaques de l’ampleur de celles de la contre-réforme des retraites n’est finalement pas envisageable. Le gouvernement aux abois a recours à la répression massive, arrestation de syndicalistes, matraquage des manifestants, notamment lors de la manifestation du 24 mai à Brasilia. Le recours classique à la Police militaire (corps hérité de la dictature) n’est plus suffisant, le gouvernement Temer a demandé l’intervention de l’armée fédérale, pour réprimer les manifestants ce qui constitue un précédent depuis 1985 et la fin de la dictature.

Lâché par la justice, perdant progressivement ses appuis parlementaires, lâché par les médias, y compris le puissant réseau Globo, qui relaient les accusations de corruption contre lui, le gouvernement Temer ne tient plus qu’à un fil, et ce fil est… la politique des dirigeants du mouvement ouvrier, en premier lieu ceux de la CUT et du PT.

 

La politique des dirigeants de la CUT

 

Depuis des semaines, les dirigeants de la CUT, même s’ils n’ont pas été associés au dialogue social, ont refusé toute politique de rupture contre le gouvernement Temer. Depuis des semaines, ils ont tout fait pour minorer la mobilisation des travailleurs, pour différer celle-ci, pour la limiter. Dès la fin de l’année 2016, lorsque les congrès des syndicats d’enseignants et leur fédération ont dû adopter le mot d’ordre de grève générale, les dirigeants de ces syndicats, de la fédération, ont repoussé au 15 mars suivant la date d’un mouvement. C’est sur cette journée d’action que s’est greffé le premier appel de la direction de la CUT.

La mobilisation le 15 mars a été un succès ; dès lors, les dirigeants ont multiplié les dates et les délais pour la mobilisation, le 31 mars, puis le 28 avril, et enfin le rituel 1er mai. Ils ont refusé après la mobilisation des 15 mars et 28 avril, véritables coups de semonce, d’ouvrir une nouvelle perspective de grève et de combat pour l’ensemble des travailleurs, se limitant à appeler à prendre Brasilia, ce qui en réalité ne peut correspondre qu’à l’envoi d’une délégation largement contrôlée par l’appareil bureaucratique qui dirige le syndicat. La manifestation du 24 mai ne représentait d’ailleurs que quelques dizaines de milliers de travailleurs, 50 000 sans doute.

Depuis des semaines, les travailleurs qui veulent obtenir le retrait des projets de lois, PEC, et autres mesures législatives, sur les retraites et le temps de travail, attendent l’ordre de se mettre en position de combat pour affronter le gouvernement, par une grève générale réelle, rassemblement des exploités face aux exploiteurs, pour obtenir le retrait des mesures du gouvernement. Ils attendent que les dirigeants des organisations ouvrières réalisent le Front unique sur leurs revendications, pour affronter le gouvernement.

Lorsque les informations sur la corruption de Temer et ses tentatives de subornation de la justice ont été connues, il n’a pas été possible d’empêcher les manifestations spontanées de reprendre, et la nécessité pour les appareils a été de les contrôler. Face à la nécessité du front unique des organisations du mouvement ouvrier pour affronter le gouvernement afin d’obtenir le retrait des mesures réactionnaires et anti-ouvrières sur les retraites et le temps de travail, ce qui permettrait d’envisager de le vaincre et de le chasser, les appareils ont dressé un nouvel obstacle, le mot d’ordre d’élections maintenant.

« Direitas Já »: s’en remettre à la bourgeoisie

 

Les dirigeants du PT, de la CUT, du PSOL, du courant O Trabalho (liés au POI) et même ceux très minoritaires de Tribuna dos trabalhadores, liés au POID, en appellent tous à des élections « directes » immédiatement. Il s’agirait donc de remplacer Temer par un nouveau président élu, Lula, précisent certains. Outre le fait que cette disposition reprend le caractère bonapartiste de la constitution, elle aurait le mérite du moins pour les fractions de la bourgeoisie qui viennent de lâcher Temer, de redonner de la légitimité au président élu. Il pourrait reprendre la tâche d’imposer des mesures anti-ouvrières, là où Temer s’est trouvé freiné. La justice d’ailleurs fait tout pour impliquer de nouveau Lula dans les affaires de corruption, afin de rendre sa candidature impossible, et ce depuis des mois.

En réalité, de la part des dirigeants du mouvement ouvrier, mettre en avant ce mot d’ordre d’élection « directes » maintenant, (d’ailleurs comme à la fin de la dictature), c’est mener la bataille sur un terrain où il ne s’agit pas d’affronter le gouvernement Temer sur le terrain de classe, le seul qui puisse réellement l’abattre et permettre de poser la question d’un autre gouvernement. Le résultat d’élections présidentielles tout de suite serait sans doute de remettre le pouvoir aux mains de la bourgeoisie, d’autant que la question de la majorité parlementaire dans le cadre de la constitution de 1988 ne peut être posée en dehors de combinaisons entre les différents partis bourgeois, surreprésentés par le type même des élections.

Comme à la fin de la dictature, le mot d’ordre d’élections « directes », est en réalité le moyen de maintenir la protestation et la volonté du prolétariat dans le cadre institutionnel bourgeois. Et de fait, à la fin de la dictature, les élections ont été « indirectes ». Il est fort probable que si le prolétariat ne surgit pas, même si le gouvernement de Temer est mortellement blessé, celui-ci pourra essayer de s’accrocher au pouvoir, les élections étant régulièrement prévues pour 2018, ou si la bourgeoisie le décide, un dispositif permettrait de remplacer Temer dans le cadre institutionnel, par le président du congrès. Le gouverneur PT de Bahia, responsable, a déjà prévenu que la solution passerait peut-être par une élection indirecte, ne tenant ainsi même pas compte des mots d’ordre officiels du parti, mais montrant que la direction du PT est prête à se lancer dans les combinaisons parlementaires destinées à sauver l’ordre bourgeois, les institutions, si nécessaire.

Dans cette perspective, les discours, notamment des lambertistes, sur des élections anticipées, ou des élections directes, et une assemblée constituante, sont à l’opposé en réalité de la mise en cause pratique des institutions héritées de la transition « démocratique », c’est-à-dire du pacte fait entre les militaires et les représentants du PMDB pour laisser l’État hors de tout changement fondamental. Les élections directes cherchent à asseoir un nouveau président avec une nouvelle autorité, dans le cadre institutionnel ; il ne peut nullement être envisagé dans ce cadre sauvé de poser la question des institutions !

Ces mots d’ordre ne mettent même pas en cause la répression, et le fait par exemple que l’armée fédérale ait été utilisée dans la répression par le gouvernement Temer réintroduit l’armée dans le jeu politique, comme jamais depuis 1985. Face à la faiblesse du gouvernement, plusieurs officiers supérieurs ont déjà déclaré de façon discrète que l’armée était à même de garantir la pérennité des institutions et de l’ordre. Les menaces que cela fait peser sur la situation peut-on les combattre par des déclarations sur des élections ou une nouvelle constitution ? Le prolétariat seul, comme force sociale peut s’opposer à de telles tendances, et tant qu’il est mobilisé, l’éventualité d’un coup d’État semble fantasmagorique. En revanche, toutes les tentatives de démobilisation sont autant d’éléments renforçant la possibilité d’un coup d’État.

 

Quelle issue ?

 

Seule la mobilisation des masses sur leur propres revendications et par leurs propres méthodes peut résoudre la situation. C’est pourquoi la responsabilité des dirigeants du mouvement ouvrier, partis et syndicats, est d’appeler immédiatement, dans l’unité, à la réalisation d’une véritable grève générale, jusqu’à satisfaction, pour obtenir le retrait des contre-réformes sur les retraites et la définition du temps de travail. Ils ont aussi la responsabilité d’exiger l’arrêt immédiat de la répression et le retrait des troupes fédérales face aux manifestations.

Ce front unique des organisations du mouvement ouvrier doit affronter le gouvernement, pour le vaincre et le chasser.

Un tel front unique, s’il se réalisait, permettrait de faire tomber le gouvernement Temer. Il ouvrirait la perspective de prendre le pouvoir, d’un gouvernement du front unique, duquel les masses pourraient exiger la satisfaction de leurs revendications élémentaires :

- arrêt des licenciements, échelle mobile des heures de travail ;

- augmentation des salaires, échelle mobile des salaires ;

- nationalisation des entreprises privatisées par les gouvernements bourgeois, de celles impliquées dans les scandales de corruption, des banques ; réforme agraire ; mise en place d’un plan de production pour satisfaire les besoins de la population (faim, logement, santé);

- droit aux études, défense de l’enseignement public.

Cette politique, les dirigeants du mouvement ouvrier, que ce soit du PT, de la CUT, du PSOL ou d’autres partis et syndicats, ne la mèneront pas d’eux-mêmes. Il faut la leur imposer. Pour cela, il faut s’organiser, dans les syndicats, il faut s’organiser sur le plan politique. C’est pourquoi nous te proposons de rejoindre le groupe qui, autour de Combattre pour le socialisme, cherche les voies et moyens de mener le combat pour la construction d’un parti ouvrier révolutionnaire, d’une internationale ouvrière révolutionnaire.

 

Le 25 mai 2017

 

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