Article
paru dans le bulletin « Combattre pour le socialisme » n°64 (n°146
ancienne série) - 1er mars 2017 :
Notes
économiques
2007-2017 : une étape décisive dans la
crise historique
du mode de production capitaliste combinant, à un niveau d’intensité
inédit depuis 1945, les contradictions fondamentales du capitalisme,
leur manifestation au stade impérialiste et les conséquences
des conditions dans lesquelles l’impérialisme a survécu
Bref retour sur les dix
dernières années et les principaux développements de la crise
À la
suite du retournement du marché immobilier américain, le système financier
américain, et partant l’ensemble du système financier international, est entré
dans crise profonde. Dans ce processus, les grandes banques opérant à une
échelle internationale ont joué un rôle central. Les places fortes du mode de
production capitaliste, et d’abord les États-Unis, sombraient alors dans une
longue et profonde récession à partir de 2008-2009, et le commerce mondial s’effondrait,
traduction d’un recul historique des échanges. Au plus fort de la crise, l’implosion
du système financier et la dislocation du marché mondial étaient clairement une
possibilité. Le salut n’est venu que des interventions tout aussi historiques
des banques centrales, et de la Fed en premier lieu, conjuguées à des plans de
relance massifs, à commencer par le gigantesque plan de relance chinois.
Malgré
les violents coups portés aux acquis des travailleurs dans le même temps, ce
soutien sans relâche des États bourgeois à leur capitalisme a considérablement
creusé les déficits publics, portant ainsi le volume de dette publique à un
niveau historique en temps de « paix ». À une échelle d’ensemble, les
dettes privées ont été transformées en dettes publiques. Si cette
transformation n’était pas sans importance et sans conséquence pour les masses,
car elle supposait en définitive de leur faire payer la crise, du strict point
de vue des développements de la crise du mode de production capitaliste,
celle-ci ne résolvait aucunement les problèmes. Devant cette impasse, les États
européens, et en premier lieu les plus faibles d’entre eux, ont ainsi vu la
crise financière, qui est à l’origine une crise de l’endettement privé, s’élargir
en une crise de l’endettement public : ces pays ont soudainement vu leur
taux de refinancement s’accroître dans des proportions considérables, privant
certains d’entre eux d’un accès autonome aux marchés financiers, les plongeant
ainsi dans des difficultés considérables. Depuis lors, la question de l’existence
de la zone euro est ouvertement posée.
Dans un
troisième temps, la crise s’est à nouveau développée en rattrapant nombre de
pays « émergents ». Parmi eux, la Chine dont le ralentissement
économique est engagé depuis plusieurs années en constitue l’illustration la
plus significative. Ce développement de la crise du mode de production
capitaliste dans les économies « émergentes » porte un coup fatal à
la thèse du découplage qui voulait voir dans ces pays des relais de croissance
au moment où l’Europe lutte désespérément pour retrouver un semblant de
croissance tandis que les États-Unis expérimentent la pire « reprise »
de leur histoire et semblent incapables de jouer le rôle de volet d’entraînement
de l’économie mondiale comme auparavant, plombés par le fardeau du parasitisme
qui repose avant tout sur leurs épaules malgré les efforts entrepris pour en
reporter une partie plus importante sur leurs rivaux. Voilà en quelque sorte où
nous en sommes en cette année 2017.
Ce n’est
toutefois pas le récit d’une crise partie d’un compartiment bien localisé du
capitalisme - le système financier américain - qui se serait ensuite diffusée
aux autres pays et aux autres segments de l’économie par capillarité ; au
contraire, il s’agit dès le départ une crise du capitalisme dans son ensemble,
une crise du mode de production capitaliste pris dans sa dimension mondiale,
crise qui cependant devait bien partir d’un endroit précis. De ce point de vue,
la métaphore souvent employée de la maladie contagieuse qui se diffuserait de
région en région, est mal venue. Celle du cancer est plus appropriée,
saisissant dans l’ensemble de ces évènements les développements d’un mal qui
ronge et métastase progressivement l’ensemble du corps de l’économie mondiale.
La détermination de la crise est mondiale. Elle procède des rapports
capitalistes tels qu’ils s’expriment sur le marché mondial et en cela, la crise
ne peut se résumer à une crise de l’immobilier américain qui aurait dégénéré.
Cette crise est d’une certaine façon l’aboutissement de la période qui s’est
ouverte à partir des années 1980-90, à la suite de la restauration du
capitalisme en URSS puis en Chine, une période du développement de ces rapports
capitalistes et des contradictions afférentes sur le marché mondial pleinement
reconstitué. Revenir sur cette période permet de comprendre les singularités de
l’ouverture de ce nouvel épisode de crise aigu du capitalisme.
Extension des rapports de
production capitalistes au niveau international et « mondialisation du
capital »
À partir
de la fin des années 80, une importante impulsion à l’exportation des capitaux
a été donnée suite à la restauration du capitalisme en Russie, dans les pays de
l’Est, puis en Chine, impulsion qui a « libéré » d’immenses
territoires immédiatement investis par le capital des firmes oligopolistiques
des puissances impérialistes afin d’y exploiter les matières premières et la
force de travail, et ainsi se « partager le monde » à une échelle
bien plus large que durant la majeure partie du XXe siècle. Sous l’effet
combiné de la croissance démographique et de l’insertion d’un plus grand nombre
de pays sur le marché mondial, la taille du marché du travail mondial s’est
considérablement élargie. Entre 1990 et 2015, celui-ci a augmenté presque de
moitié, soit près d’un milliard de travailleurs actifs potentiels.
Géographiquement, cette hausse se situe pour 60% en Asie, démontrant ainsi le
rôle central qu’a joué la restauration du capitalisme en Chine dans l’augmentation
du nombre d’êtres humains susceptibles d’être exploités par le capital. Les
grandes entreprises des puissances impérialistes ont puisé abondamment dans ce
vaste réservoir de main-d’œuvre, bien que de manière différenciée en fonction
de la rentabilité attendue des investissements engagés : elles ont
délocalisé une partie de la production industrielle des vieux impérialismes et
ouvert de nouvelles unités de production dans les pays où le capitalisme a été
restauré mais aussi dans toute une série de pays dits « émergents »
comme l’Inde, la Turquie, le Mexique afin d’y exploiter à vil prix la force de
travail de centaines de millions de nouveaux prolétaires, souvent issus de la
paysannerie, comme c’est le cas des 150 millions de travailleurs migrants en
Chine.
C’est
en se fondant sur cette internationalisation accélérée de la production à
partir des années 1990 que nombre d’économistes bourgeois, ainsi que leurs
relais au sein du mouvement ouvrier, en ont conclu que le capitalisme était parvenu
à un nouveau stade, celui de la « mondialisation ». Mais comme le
rappelait S. Just, dans A propos de la « mondialisation
du capital », « l’internationalisation
du capital n’est pas un phénomène nouveau. On peut même dire que développement
du régime capitaliste et internationalisation du capital sont allés de pair
avec la formation du marché mondial et de la division internationale du
travail. Entre 1876 et 1913 le volume du commerce mondial triple tandis que la
production industrielle quadruple ». Le passage du capitalisme à son
stade impérialiste n’a pas interrompu le processus d’internationalisation de la
production. En revanche son moteur a changé de nature, l’exportation des
capitaux prenant le pas sur l’exportation des marchandises. Dans le chapitre de
son ouvrage consacré à l’exportation des capitaux, Lénine explique les raisons
ayant conduit à cette évolution : « Les possibilités d’exportation de capitaux proviennent de ce qu’un
certain nombre de pays attardés sont d’ores et déjà entraînés dans l’engrenage
du capitalisme mondial, que de grandes lignes de chemins de fer y ont été
construites ou sont en voie de construction, que les conditions élémentaires du
développement industriel s’y trouvent réunies, etc. La nécessité de l’exportation
des capitaux est due à la « maturité excessive » du capitalisme dans
certains pays, où (l’agriculture étant arriérée et les masses misérables) les
placements « avantageux » font défaut au capital. ». Et
Lénine de conclure sa démonstration en insistant sur le résultat auquel aboutit
« l’importance particulière prise
par l’exportation des capitaux à la différence de l’exportation des
marchandises » : « les
exportations de capitaux influent, en l’accélérant puissamment, sur le
développement du capitalisme dans les pays vers lesquels elles sont dirigées.
Si donc ces exportations sont susceptibles, jusqu’à un certain point, d’amener
un ralentissement dans l’évolution des pays exportateurs, ce ne peut être qu’en
développant en profondeur et en étendue le capitalisme dans le monde entier »
(Lénine, ISSC ; on trouvera en fin d’article
une liste de références des ouvrages cités).
Pour
autant, il ne s’agit pas d’affirmer que l’impérialisme est resté égal à
lui-même durant un siècle, ni de nier l’existence de différences entre la forte
internationalisation de la production durant la période 1880-1914 et celle
engagée depuis le début des années 90. En apparence, sous l’effet de la
réintégration au marché mondial des pays de l’ex-URSS puis de la Chine (ce qui
s’est également accompagné d’une intégration plus prononcée pour nombre d’autres
pays), nous serions revenus à une situation similaire à celle précédant 1914.
Mais en apparence seulement. En particulier, si les firmes opérant à une
échelle internationale et les investissements directs à l’étranger (IDE) ne
sont pas choses nouvelles, ils ont en revanche connu une modification
quantitative à partir des années 90, tant au niveau de la place occupée dans l’économie
mondiale que dans les conséquences sur le « développement en profondeur et en étendue du capitalisme dans le monde
entier ».
Depuis 30 ans, sous l’égide
du capital financier des puissances impérialistes, un « développement en profondeur et en étendue du
capitalisme dans le monde entier »
Poids économique des firmes opérant à une échelle
internationale
Celui-ci
a connu une progression spectaculaire à partir des années 90, même si une fois
encore le mouvement était déjà engagé depuis 1980 : « Au milieu des années 60, les firmes
multinationales étaient estimées à environ 7 000 à travers le monde. En 1980,
elles étaient au nombre de 10 000 et possédaient alors environ 90 000 filiales
à l’étranger. Les 500 premières d’entre elles (aux 3/4 originaires de la CEE,
de la Suisse et de l’Amérique du Nord) contrôlaient 80% des IDE. »
(IEM 2017). Mais à partir des années 90, le changement d’échelle est flagrant :
« En 1993, elles étaient estimées à
37 000 (175 000 filiales à l’étranger). En 2000, elles étaient 63 000 et
totalisaient environ 690 000 filiales à l’étranger. En 2011, la CNUCED
(dernière enquête disponible) recensait 103 786 firmes transnationales qui
contrôlaient 892 114 filiales dans le monde. Elles réalisaient à cette date l’équivalent
de 57% du PIB mondial (contre 10% en 1980) et assuraient 30% au moins du
commerce mondial. » (IEM 2017). Toutefois, si le nombre et le poids
économique des entreprises ayant un champ d’activité international se sont
considérablement accrus depuis 25 ans, leur nationalité est très loin de s’être
diversifiée dans les mêmes proportions. Non seulement, comme leur nom ne l’indique
pas, ces multinationales ont une nationalité, mais cette dernière concerne dans
la très grande majorité des cas des puissances impérialistes, États-Unis en
tête.
La
seule nouveauté, apparue au cours des dix dernières années, est l’entrée en
lice de firmes chinoises dans les classements annuels des entreprises les plus
puissantes. Ainsi, d’après le classement « Forbes 2000 » de 2015, sur
les 50 premières multinationales, 10 sont d’origines chinoises. Cette évolution
d’importance participe d’un processus entouré d’incertitudes mais dont on
commence à constater les prémisses : celui de la mutation de la Chine en
puissance impérialiste. Toutefois, parmi ces 10 firmes chinoises, les 4
premières sont des banques dont la particularité est d’avoir, contrairement aux
banques américaines et européennes, une activité internationale encore
extrêmement limitée. La moindre internationalisation des groupes chinois par
rapport à ceux des puissances impérialistes historiques n’est pas l’apanage du
secteur financier : dans le classement publié par la CNUCED des 30 plus
grandes firmes non financières classées selon leur chiffre d’affaires réalisé à
l’étranger en 2015, n’apparaît qu’une seule firme chinoise, basée à Hong-Kong.
La
montée en puissance de la Chine n’est pas encore de nature à menacer le
leadership des puissances impérialistes qui continuent de concentrer en leur
sein l’essentiel du capital financier. Dans les deux classements précédemment
évoqués, elles trustent la quasi-totalité des places, notamment les États-Unis
qui placent 20 firmes sur 50 dans le classement « Forbes 2000 » et 6
sur 30 dans celui de la CNUCED. À l’exception de la Chine, et avec les limites
indiquées, aucun pays émergent n’est représenté dans ces deux classements. De
manière significative, la répartition géographique du nombre de
fusions-acquisitions internationales réalisées dans le monde a relativement peu
évolué : en 2000, 81% de ces opérations s’effectuaient au sein des pays
impérialistes contre 68% en 2013, durant la même période, le pourcentage de
fusions-acquisitions dans les pays émergents est passé de 17% à 26% et celle de
la Chine de 3 à 5 %. (Diplomatie 2015).
Malgré
une progression notable, l’essentiel de ces opérations reste concentré entre
les mains des impérialismes, ce qui leur permet de maintenir leur domination
sur le marché mondial dans la mesure où les fusions-acquisitions aboutissent à
une centralisation accrue du capital, accroissant d’autant la force de frappe
de ces entreprises face à leurs concurrentes. Ainsi, malgré des évolutions en
cours, l’appréciation portée par S. Just reste valable aujourd’hui : « Comment dans ces conditions est-il possible
de parler de « mondialisation du capital » ? C’est d’un autre
processus dont il s’agit : concentration du capital entre les mains des
grandes puissances impérialistes et soumission au capital financier (le retrait
est une forme de soumission en l’occurrence) du reste du monde [...] dans une
coopération-conflictuelle, le capital financier des vieilles puissances
impérialistes continue à se partager le monde. Il ne s’agit pas d’une nouvelle
période historique « la mondialisation du capital », ou encore « nouvel
âge du capitalisme » ainsi que veulent le faire croire les économistes
idéologues bourgeois et pro-bourgeois, mais d’un nouveau développement de l’impérialisme
que Lénine a qualifié de “stade suprême du capitalisme ”«. (SJ, APMC)
Poids des investissements directs à l’étranger (IDE)
Au
niveau des IDE, les évolutions sont plus significatives encore. Comme les
oligopoles qui les émettent (entre 75 et 80%), ces IDE sont sous la coupe des
puissances impérialistes et ont suivi une courbe ascendante très marquée,
notamment à la fin des années 90 : de 400 milliards de dollars en 1996,
ils s’établissent à 1 400 milliards en l’an 2000 pour atteindre le pic de 1 800
milliards en 2007 juste avant la crise. Cette spectaculaire progression des IDE
entrants s’est accompagnée d’une évolution déterminante dans leur destination,
en passant progressivement des pays impérialistes vers les économies émergentes
et la Chine. Auparavant, les IDE s’effectuaient pour l’essentiel entre pays
impérialistes. Si leur origine a peu changé, il en est tout autrement de la
destination. À la faveur de la restauration du capitalisme dans les pays de l’ex-URSS,
puis en Chine, les flux d’IDE entrant vers les pays dominés ont connu une
progression continue, au point qu’en 2012, pour la première fois dans l’histoire,
les pays dominés ont reçu davantage d’IDE que les pays impérialistes. La crise
a précipité cette évolution : le capital financier des puissances
dominantes a cherché des relais de croissance dans les pays qui, à ce stade de
la crise, étaient moins touchés que les pays impérialistes.
Il s’agit
là d’une tendance de fond marquant une profonde rupture par rapport à la
situation prévalant avant la restauration du capitalisme. Il en a résulté une
extension considérable des rapports de production capitalistes à l’échelle
mondiale. En effet, « depuis les
années 90, les plus dynamiques sont les flux d’IDE Nord-Sud, qui financent
souvent l’établissement par les multinationales des pays développés des sites
de production à bas salaires. L’explosion des investissement étrangers en Chine
en a été l’illustration majeure » (CEPII 2017). Trois critères
essentiels président à la destination des IDE : la présence de matières
premières et d’énergie, le bas niveau de la valeur de la force de travail et l’existence
d’un ordre politique stable. Ces deux derniers critères expliquent que la Chine
ait constitué une destination privilégiée à partir de son adhésion
en 2001 à l’OMC aux conditions de l’impérialisme. En Chine, le développement
économique et industriel a été infiniment plus rapide, important et complet que
pour les pays émergents, parce que les exportations de capitaux y ont trouvé un
terrain extrêmement fertile : un pays à la dimension d’un continent, une
base industrielle préexistante (les entreprises d’Etat), une main-d’œuvre
nombreuse et bon marché, mais surtout des conditions politiques très propices à
une accumulation impétueuse du capital, sur lesquelles CPS est longuement
revenu dans la série d’articles consacrés à la Chine : c’est sur la base d’une
défaite politique majeure infligée au prolétariat et à la jeunesse que la
bureaucratie chinoise a pu œuvrer à la restauration du capitalisme.
Certes
le marché mondial comporte encore des trous noirs, et il ne concerne pas, loin
s’en faut, l’ensemble des pays avec la même intensité. En particulier le
continent africain qui, d’après le Monde
diplomatique de janvier 2017, ne
représente que 1,8 % de la valeur ajoutée manufacturière mondiale (trois fois
moins d’emplois industriels que la seule Corée du Sud). Ces limites importantes
posées, il faut cependant constater combien le marché mondial est infiniment
plus intégré aujourd’hui qu’à l’issue de la première impulsion d’importance
donnée à l’internationalisation de la production durant la période 1880-1914.
En trente ans, le capital a pénétré l’ensemble des pays du globe, s’y est
soumis l’ensemble des ressources disponibles -- travail et nature -- provoquant
des dégâts écologiques considérables et pour certains irréparables (questions
qui pourraient faire l’objet d’un article en soi et qui ont ainsi
volontairement été mises de côté), et y a tissé un réseau de production, de
distribution et d’échanges des marchandises tentaculaires. Sous l’égide du
capital financier, en particulier depuis le début des années 2000, la division
internationale du travail s’est approfondie entre pays impérialistes et pays
dominés si bien qu’elle repose aujourd’hui de moins en moins, pour une partie d’entre
eux, sur une division entre produits primaires et produits manufacturés et de
plus en plus sur une division des tâches en fonction de la complexité du
travail et du savoir-faire technologique qu’elles requièrent. Il résulte de ce
processus la formation d’un marché mondial plus intégré et entrelacé qu’en 1914
avec la constitution de chaînes de valeur mondiales : « La division internationale toujours plus
fine des processus productifs donne lieu à un développement de chaînes de
valeur mondiales, par lesquelles les entreprises multinationales optimisent
leurs productions en utilisant de façon coordonnée leurs atouts humains,
technologiques et organisationnels dans de multiples pays. » (CEPII
2017).
Aux racines politiques d’une
extension sans précédent
des rapports de production capitalistes à l’échelle mondiale
L’augmentation
très importante à l’échelle mondiale du nombre de prolétaires potentiellement
exploitables est une donnée objective qui a permis à la bourgeoisie de
mondialiser la concurrence entre les travailleurs dans le but de surexploiter
ceux des pays dominés et de faire pression à la baisse sur le prix et la valeur
de la force de travail des ouvriers des pays impérialistes. Mais s’en tenir à
cette explication reviendrait à sombrer dans l’économisme. C’est d’abord le
désarroi politique et idéologique profond dans lequel se trouve le prolétariat
international du fait la restauration du capitalisme en Russie qui lui rend si
difficile de lutter victorieusement contre les délocalisations et le chantage à
la délocalisation dans les pays dominants et contre une surexploitation féroce
dans des conditions parfois dignes du XIXe siècle en ce qui concerne
les travailleurs des pays dominés
La
nécessité pour l’impérialisme de surexploiter les travailleurs des pays dominés
pour en tirer une masse de plus-value supplémentaire mais aussi pour s’en
servir de point d’appui afin d’attaquer frontalement les conquêtes ouvrières du
prolétariat des citadelles impérialistes n’est pas une nouveauté datant de la
restauration du capitalisme. Tel était déjà l’objectif de l’Uruguay Round
initié en 1986 et conclu en 1993, comme l’indiquait clairement la conclusion d’un
article de CPS sur cette question : « Comme cela a déjà été signalé plus haut, ces accords vont dans le sens
de l’aggravation de l’exploitation des pays semi-coloniaux. Ils vont aussi
concourir à l’aggravation de l’exploitation des prolétaires, y inclus ceux des
puissances impérialistes dominantes. La «libéralisation» tend à faire que pour
les prolétariats, la «norme» devient les conditions d’exploitation, d’existence
de ceux qui sont les plus exploités, dont la valeur de la force de travail est
la plus basse, la situation la plus précaire, les droits sociaux pratiquement
nuls, et qu’écrase un chômage massif. Ces accords mettent à l’ordre du jour la
multiplication des «délocalisations» au gré du bas prix de la main-d’œuvre. »
(CPS n°51, 02/1994).
Mais de
la nécessité économique à la possibilité politique de mener à bien ces
objectifs, il y un pas important que l’achèvement du processus de restauration
du capitalisme en URSS, puis en Chine allait permettre à l’impérialisme de
franchir. La victoire politique remportée à cette occasion par la bourgeoisie
contre les exploités du monde entier a créé la condition indispensable pour que
les firmes des pays dominants et leurs IDE se déploient à l’échelle mondiale à
partir des années 90 avec une ampleur sans commune mesure avec les années 80.
Ce phénomène était engagé mais de manière insuffisante du point de vue du
capital, dont la mobilité aux quatre coins de la planète était limitée
géographiquement par les pays où le capital avait été exproprié mais surtout
politiquement en raison du rapport de forces entre les classes que cristallisait
l’acquis le plus fondamental du prolétariat mondial, l’existence de l’URSS et l’empreinte
laissée par la révolution d’Octobre dans la lutte des classes. C’est la raison
pour laquelle l’extension des rapports de production capitalistes est loin de s’être
limitée aux territoires repris par le capital (URSS, Europe de l’est puis
Chine) et les délocalisations d’une partie des capacités industrielles des
métropoles impérialistes se sont étendues à toute une série pays comme le Mexique,
l’Inde, la Turquie, le Vietnam, le Bangladesh, phénomène n’ayant pu prendre son
essor que sur la base de la défaite politique majeure qu’a représentée pour le
prolétariat international la restauration du capitalisme dans les pays où il
avait été exproprié. Sans cette victoire de l’impérialisme, la marge de
manœuvre du capital financier dont se vante P. Barnevick, ancien patron de la
multinationale ABB, aurait été bien moindre : « Je définirais la mondialisation comme la liberté pour mon groupe d’investir
où il veut, le temps qu’il veut, pour produire ce qu’il veut, en s’approvisionnant
et en vendant où il veut, et en ayant à supporter le moins de contraintes
possibles en matière de droit du travail et de conventions sociales ».
Conclusions intermédiaires
En
définitive, cette prétendue « mondialisation » ne constitue donc pas
une nouvelle phase du capitalisme, distincte du stade impérialiste, mais un
nouveau développement de l’impérialisme, stade agonisant du capitalisme, par
suite de la restauration du capital en URSS et en Chine. La crise ouverte
depuis 2007 est brutalement venue le rappeler. Il faut comprendre que cette
extension considérable des rapports de production et du marché mondial
longuement décrite s’est accompagnée d’un développement tout aussi considérable
des tendances parasitaires de l’impérialisme. Contrairement à ce qui s’était
passé en 1929, des pays comme la Chine, et à un degré moindre le Brésil et la
Russie, vont jouer un rôle moteur dans l’aggravation de la crise qui se prépare.
En renforçant son implantation aux quatre coins de la planète, en tissant des
liens toujours plus étroits entre chaque fraction de l’économie mondiale, le
mode de production capitaliste a créé par là-même les conditions d’une
multiplication des foyers de propagation de la crise et de la vitesse de
propagation de l’incendie.
Si le
mouvement de ces trente dernières années a offert dans un premier temps un
répit au capitalisme, il a abouti en définitive à « mondialiser » les
contradictions de ce mode de production et à préparer les conditions de l’éclatement
d’une crise, dont celle de 1929 pourrait n’être en comparaison qu’un modèle
réduit. Jamais en effet, n’a été aussi grande qu’aujourd’hui la contradiction
entre le caractère de plus en plus international des forces productives et le
carcan de la propriété privée des moyens de production à l’intérieur de
frontières nationales. Aujourd’hui, plus encore qu’à l’époque, l’économie
internationale doit être envisagée « non
comme la simple addition de ses unités nationales, mais comme une puissante
réalité indépendante créée par la division internationale du travail et par le
marché mondial qui domine tous les marchés nationaux. » (Trotsky, La Révolution
permanente). Ces « marchés nationaux » n’en continuent pas moins
à subsister, et c’est précisément au niveau de cette persistance de plus en
plus anachronique des États nationaux que se trouve la racine profonde de la
crise ouverte en 2007 comme de l’impuissance de la bourgeoisie à la juguler.
Cette dernière, pour des raisons historiques liées à sa constitution en tant
que classe dans le cadre d’États nationaux, est incapable de faire fonctionner
l’économie mondiale autrement que sous la forme d’une « simple addition d’unités nationales »,
en concurrence les unes avec les autres. C’est pourquoi les unions économiques
demeurent des cadres de coopération conflictuelle entre impérialismes et sont
menacées de dislocation en cas de grave de crise économique, comme l’illustre
actuellement le Brexit.
Pour comprendre l’impuissance actuelle de la
bourgeoisie à juguler la crise, le cadre d’analyse de l’impérialisme est
indispensable
Dix années de soutien
constant des États bourgeois au capitalisme : politique monétaire
ultra-accommodante, renflouement du capital financier et violentes attaques
contre les acquis ouvriers
Afin de
contenir les développements les plus violents de la crise, les États bourgeois
ont poussé extrêmement loin le soutien à leur capitalisme : il fallait à
tout prix endiguer rapidement l’explosion et empêcher que ne s’amplifie le
processus de dévalorisation massive et brutale de moyens de production et de
capital fictif alors à l’œuvre. Au plus fort de la crise financière, les
principales puissances capitalistes ont soutenu à bout de bras les banques et les
institutions financière qui risquaient d’être emportés, balayés par les
développements de la crise. Mais ce n’étaient pas seulement les grandes banques
qui menaçaient de s’écrouler ; de nombreuses industries d’importance
première, comme l’automobile, la construction, la sidérurgie, la pétrochimie,
le nucléaire, et bien sûr la défense vacillaient. Dans les principales
puissances impérialistes, la bourgeoisie creusait alors considérablement les
déficits publics afin de soutenir ces grands groupes industriels et financiers
au moyen d’aides, de baisses d’impôts ou de commandes publiques, allant parfois
même jusqu’à recapitaliser certains d’entre eux afin d’éponger des pertes
considérables ou de garantir leurs dettes. Cependant, il convient de souligner
les limites que comporte ce soutien : « Vue comme un instrument de relance d’économies en déroute, de
préservation et de consolidation du capitalisme face au risque de son
effondrement, l’intervention de l’État en économie capitaliste n’est tolérée
que dans la mesure où elle contribue à promouvoir les intérêts de l’entreprise
privée. Dans cette perspective, les nationalisations doivent donc demeurer
limitées, leur extension excessive risquant de mener à une influence
déterminante du capital public qui mettrait, à terme, la propriété en péril. »
(LG, FLC).
Parallèlement,
les actions initiées par les principales banques centrales, et d’abord et avant
tout celles de la Fed, revêtent un caractère tout aussi historique. Historique
en raison de la longueur de ce soutien au capital financier Historique
également du fait des « outils » déployés pour maintenir le flux de
crédits indispensables au fonctionnement du capitalisme. La fonction d’une
banque centrale en tant qu’institution capitaliste, en tant que banque des
banques, consiste à faire en sorte que les taux d’intérêt « effectifs »
(sur lesquelles elle a prise en vertu du monopole d’émission de la monnaie) s’approchent
de ce qu’elle considère comme le taux « naturel » sous-jacent. Les
banques centrales fournissent ainsi au système bancaire des liquidités sous la
forme de prêts, à travers l’escompte de titres (les opérations de refinancement
de créances), ou encore au moyen des opérations de pension-livrée (les fameux « repo »).
À la limite, elles peuvent directement recapitaliser des institutions
financières ou leur racheter des titres financiers. Ces dix dernières années,
les principales banques centrales ont ainsi conjointement utilisé l’ensemble de
ces moyens à une échelle jamais vue auparavant amenant les taux d’intérêts à
des niveaux extrêmement faibles, négatifs parfois même. Elles ont pour ce faire
gonflé de manière continue leur bilan en émettant de la monnaie de crédit en
contrepartie de l’acquisition d’actifs financiers (prêts hypothécaires
titrisés, titres de dette publique et à présent obligations privées) auprès des
banques et autres institutions financières. Les bilans des principales banques
centrales ont ainsi vu leur taille être multipliée par trois ou quatre en l’espace
de quelques années. Toutefois, nous le verrons, la faiblesse actuelle des taux
d’intérêt n’est pas causée par l’action des banques centrales. Ces actions
sont contraintes par les développements à l’œuvre dans la sphère de production,
et la faiblesse actuelle des taux est donc d’abord le double reflet de
difficultés dans la production de plus-value et de l’existence d’une masse
considérable de capital fictif.
Dans ce
processus de soutien considérable fourni à l’économie capitaliste, tous les
États n’ont pas joué un rôle équivalent : la Chine et États-Unis ont
chacun exercé un rôle central et complémentaire. Les plans de relance
successifs mis en place par la Chine ont constitué le principal volant d’entraînement
pour l’industrie mondiale, soutenant ainsi le processus d’accumulation du
capital à travers l’effet d’entraînement de la dépense publique, tandis que
les États-Unis ont maintenu à flot les
fondations du système financier international en la personne des banques et
autres gigantesques institutions financières, c’est-à-dire qu’ils ont permis la
poursuite du financement de la production capitaliste et repoussé la
dévalorisation brutale de la masse de capital fictif. C’est ce qu’expliquait
très clairement François Chesnais (Notes
sur le moment actuel du capitalisme) : « C’est la Chine qui a permis au capitalisme mondial d’éviter en 2009 que
la récession partie des États-Unis ne se transforme en une dépression de type
1930. L’injection d’argent pour sauver le système financier n’aurait pas réussi
si l’accumulation massive de capital réel en Chine n’avait pas assuré un vaste
débouché aussi bien aux machines industrielles allemandes qu’aux matières
premières de base en provenance des pays voisins d’Asie et d’Amérique du Sud. ».
Ainsi, la nature même du sauvetage du capitalisme initiée en 2008 porte les
marques du développement de ces trente dernières années, en particulier de l’approfondissement
de la division internationale du travail.
Pour
finir, il faut également indiquer combien, depuis bientôt 10 ans, les
gouvernements bourgeois des vieux impérialismes ont réussi à porter des coups
décisifs contre les conditions de travail et d’existence des masses. Non
seulement les largesses des États bourgeois en direction des capitalistes
devaient être tôt ou tard payées par les masses en sabrant dans les budgets de
la santé, de l’éducation, du logement… mais en plus, ces différents
gouvernements ont laminé des décennies d’acquis sociaux en matière de droit du
travail, de retraites ou encore d’assurance chômage. Toutes ces défaites ont
concouru à affaiblir durablement la classe ouvrière et le prolétariat sur le
plan économique mais surtout politique.
Et cependant, la plupart des
économies sont à l’arrêt, le commerce mondial stagne, la productivité ralentit
Pourtant, dix années après l’ouverture de cet épisode
particulièrement brutal de la crise historique du mode de production
capitaliste, et malgré ce soutien incessant et les nombreux coups portés aux
masses, il est patent que l’économie mondiale demeure dans une situation de
faiblesse et de fragilité historique en dépit de ce déploiement de moyens
colossal. De nombreux éléments permettent d’en attester. D’abord le fait que
les principaux moteurs de l’économie mondiale – Europe, États-Unis, Chine,
Japon -- ne parviennent à retrouver les niveaux de croissance qui étaient les
leurs avant crise : l’Europe et le Japon sont à l’arrêt depuis de
nombreuses années, la Chine ne cesse de voir son taux de croissance diminuer
tandis que les États-Unis, pour mieux portants qu’ils soient, restent dans une
situation de faiblesse historique.
Taux
de croissance annuel du PIB (en monnaie locale constante) |
|||||
Décennies |
UE |
Monde |
Chine |
Japon |
USA |
1961-1970 |
5.09% |
5.41% |
|
9.30% |
4.51% |
1971-1980 |
3.19% |
3.87% |
6.27% |
4.50% |
3.20% |
1981-1990 |
2.49% |
3.16% |
9.35% |
4.64% |
3.36% |
1991-2000 |
2.25% |
2.80% |
10.45% |
1.35% |
3.45% |
2001-2007 |
2.29% |
3.44% |
10.85% |
1.28% |
2.45% |
2008-2015 |
0.43% |
2.23% |
8.63% |
0.33% |
1.24% |
Source :
Banque Mondiale |
|
Ce qui
pouvait passer pour une faiblesse temporaire, un stigmate de la violence des
évènements de 2008-2009, s’affirme de plus en plus aux yeux même de la
bourgeoisie comme une faiblesse structurelle, le « new normal » ainsi
que l’ont désigné les économistes : il apparaît que l’économie capitaliste
aura énormément de difficultés à retrouver les taux de croissance qu’elle a connus
depuis 1945, dont on constate par ailleurs la baisse tendancielle. Surtout, si
de nombreuses crises sont intervenues depuis la fin de la seconde guerre
mondiale, c’est la première fois que l’ensemble de l’économie mondiale s’affaiblit
de manière si concomitante, conséquence des développements survenus depuis
trente ans qui ont consacré le capitalisme comme réalité mondiale et non comme
somme de réalités nationales.
Un
second signe de l’impasse dans laquelle se trouve actuellement l’économie
mondiale a trait au commerce international. En 2009, le commerce mondial s’est
contracté dans des proportions jamais vues. En proportion du PIB mondial, le
volume des échanges est passé de 61% à 52% entre 2008 et 2009. Par la suite,
les échanges de marchandises ont repris, jusqu’à ré-atteindre le niveau de 60%
du PIB mondial en 2011. Mais depuis, celui-ci a d’abord stagné avant de reculer
en 2015 puis en 2016. C’est la première fois depuis une trentaine d’années que
le commerce mondial subit un tel coup d’arrêt : « les derniers chiffres sont décevants et font
ressortir un récent affaiblissement du rapport entre le commerce et la
croissance du PIB. Historiquement, le commerce a toujours augmenté 1,5 fois
plus vite que le PIB, même si, durant les années 1990, le volume mondial du
commerce des marchandises a augmenté deux fois plus vite que le PIB réel
mondial aux taux de change du marché. Ces dernières années cependant, le
rapport s’est rapproché de 1:1, soit un niveau inférieur aussi bien au record
des années 1990 qu’à la moyenne historique. Si la projection révisée se
confirme, 2016 sera l’année où pour la première fois en 15 ans le ratio
croissance du commerce/croissance du PIB mondial chutera en dessous de 1:1. »
(OMC 10.2016).
Le
sous-investissement découlant de la crise est clairement en cause : « la faiblesse générale de l’activité
économique et, surtout, le ralentissement de l’augmentation des investissements
semblent être d’importants obstacles à l’expansion du commerce depuis 2012.
Selon les analyses empiriques, à l’échelle mondiale, jusqu’aux trois quarts de
la baisse de la croissance réelle des importations de biens entre 2003–07 et
2012–15 peuvent être imputés à la faiblesse de l’activité économique, et
surtout au ralentissement des investissements. » (FMI, 10.2016). Mais
le retournement de la tendance observée depuis trente ans, et que nous avons
évoquée auparavant, contribue également à cette faiblesse du commerce
international : « Ces résultats
suggèrent que, au-delà de la faiblesse relative de la croissance et surtout de
l’atonie persistante de l’investissement, les évolutions récentes du commerce
mondial pourraient provenir d’un ralentissement de la dynamique liée au
fractionnement des chaînes de valeur mondiales (on désigne par ce terme la
fragmentation du processus de production en un grand nombre de tâches
effectuées dans des pays différents pour tirer le meilleur parti des
différences de qualifications, de technologies, de disponibilités d’intrants et
de prix des facteurs) et constituer ainsi une rupture durable. Faute d’un recul
suffisant, cette conclusion reste à confirmer, mais il paraît naturel que les
gains liés à l’extension internationale des chaînes de production tendent à s’amenuiser
au fur et à mesure de l’avancée du processus : les arbitrages les plus
profitables ont déjà été effectués, les moteurs de ce mouvement (baisse des
coûts de transports et de coordination distante) sont sujets à des rendements
décroissants, et les politiques économiques ne peuvent être indéfiniment
rendues plus favorables à l’extraversion. » (CEPII, 9.2015). Autrement
dit, ce que l’on semble entrapercevoir actuellement est la fin de l’impulsion
initiée par le rétablissement du capitalisme en URSS et en Chine.
Le troisième indicateur qui témoigne de la
configuration dangereuse dans laquelle navigue le capitalisme depuis une
dizaine d’années est la faiblesse, là encore historique, de la productivité du
travail.
Taux
de croissance annuel de la productivité du travail |
||||||
Décennies |
Allemagne |
France |
Italie |
Japon |
GB |
USA |
1971-1980 |
3.78% |
4.01% |
4.09% |
4.28% |
2.94% |
1.52% |
1981-1990 |
2.34% |
2.99% |
1.79% |
4.15% |
2.22% |
1.56% |
1991-2000 |
2.22% |
2.10% |
1.58% |
2.08% |
2.51% |
1.81% |
2001-2007 |
1.53% |
1.44% |
0.07% |
1.60% |
2.03% |
2.06% |
2008-2015 |
0.66% |
0.49% |
0.05% |
0.59% |
0.13% |
0.89% |
Source :
OCDE |
La productivité du travail est ici mesurée comme le
rapport du PIB au volume d’heures travaillées avec toutes les limites que cela
comporte. Historiquement, l’origine de l’accroissement de la productivité du
travail provient de ce qu’« une quantité accrue de moyens de production
augmente la productivité du travail vivant et sa puissance créatrice de valeurs
d’usage […] Le progrès technique
a permis et permettra encore l’introduction de moyens de production remplaçant
avantageusement la force de travail vivante, la libérant de tâches difficiles
et dangereuses, réalisant de manière plus efficace une production accrue et
apportant la possibilité matérielle d’une réduction des heures travaillées. »
(LG, FLC). Dans le mode de production capitaliste, l’accroissement de la productivité
du travail s’exprime de manière contradictoire sous la forme particulière de la
baisse tendancielle du taux de profit. Pour autant, il ne faudrait pas conclure
que la stagnation de la productivité du travail est une bonne nouvelle pour le
capitalisme car sa hausse est le fondement matériel de l’accumulation du
capital. La situation actuelle traduit donc un affaiblissement historique de la
puissance créatrice du travail humain, expression même d’un pourrissement
accéléré. Comment l’expliquer ? « Les
causes du ralentissement de la productivité demeurent incertaines. Il peut s’expliquer
en partie par les séquelles de la crise et l’atonie persistante de l’investissement,
ainsi que par l’épuisement des gains de productivité tirés de la révolution des
technologies de l’information et des communications » (FMI, 10.2016).
Les dix
années de crise ouverte qui viennent de s’écouler ont effectivement conduit à
un sous-investissement massif, tant dans la recherche et le développement que
dans le renouvellement des machines et des équipements mais également dans la
formation de la force de travail. Tout cela concourt à affaiblir durablement la
puissance matérielle du travail humain et pour la première fois depuis
cinquante ans, celle-ci semble avoir cessé de croître. Mais le tableau
précédent indique qu’il s’agit d’une tendance qui s’exprime depuis plusieurs
décennies dont la crise actuelle ne constitue d’un développement accéléré. Nous
verrons plus loin qu’une des racines de cette stagnation de la productivité du
travail découle principalement d’un des traits caractéristiques de l’impérialisme :
les monopoles. Pour finir, ce fléchissement très marqué de la croissance de la
productivité du travail va renforcer les difficultés de mise en valeur du
capital : « Un deuxième cycle
débilitant a trait à la possibilité d’effets en retour entre la faiblesse de la
croissance de la productivité et l’atonie de l’investissement. […] Dans la
mesure où une faible croissance de la productivité se traduit par des attentes
de faible rentabilité, l’investissement pourrait souffrir. Le ralentissement de
l’intensité capitalistique qui en résulterait nuirait à l’adoption de progrès
technologiques incorporés dans les biens d’équipement, pèserait davantage sur
la productivité totale des facteurs et la productivité du travail, renforcerait
les anticipations d’une rentabilité en baisse et, en fin de compte, réduirait l’investissement. »
(FMI 10.2016)
Pour comprendre cette
incapacité, il faut en revenir
au cadre d’analyse de ce qu’est l’impérialisme, stade suprême du capitalisme
Ainsi,
ce n’est pas seulement l’état de faiblesse historique de l’économie mondiale en
soi qui frappe, mais surtout le constat que celui-ci intervient alors même que
le soutien direct des États et des banques centrales à l’économie capitaliste n’a
jamais été aussi long et appuyé. D’une certaine façon, ce soutien, quelle qu’en
soit l’ampleur, ne permet pas de résoudre les contradictions dont procède la
crise. Il ne fait que les déplacer, les repousser, et surtout les amplifier. C’est
le propre l’impérialisme : à ce stade, les rapports de production entrent
violemment en contradiction avec le développement des forces productives et
constituent une entrave à leur croissance. La baisse tendancielle du taux de
profit, l’insuffisante production de plus-value se manifestent alors de manière
récurrente sous forme de crise. À défaut de supprimer ou de permettre de
surmonter ces contradictions, les moyens déployés par la bourgeoisie pour y
faire face ont à terme un caractère parasitaire et contribuent à la
reproduction de ces contradictions à une échelle élargie. Ces trente dernières
années, les bourgeoisies sont parvenues de plus en plus difficilement à
surmonter ces crises en déployant à une échelle sans cesse plus large ces
moyens parasitaires, l’efficacité de ceux-ci s’amenuisant. Aujourd’hui une
limite semble atteinte. Pour bien le comprendre, il faut de nouveau en revenir
aux développements de ces trente dernières années.
Le
mouvement de ces trente dernières années examiné plus haut a constitué non
seulement un élargissement et un approfondissement du mode de production
capitaliste à l’échelle de la planète mais également et surtout un
élargissement et un approfondissement des traits parasitaires constitutifs de l’époque
de l’impérialisme. En premier lieu, ceux des puissances dominantes aux dépens
des pays dominés, selon un processus décrit par Lénine : « l’impérialisme est une immense accumulation
de capital-argent dans un petit nombre de pays [...] D’où le développement
extraordinaire de la classe ou, plus exactement, de la couche des rentiers, c’est-à-dire
des gens qui vivent de la «tonte des coupons», qui sont tout à fait à l’écart
de la participation à une entreprise quelconque et dont la profession est l’oisiveté.
L’exportation des capitaux, une des bases économiques essentielles de l’impérialisme,
accroît encore l’isolement complet de la couche des rentiers par rapport à la
production, et donne un cachet de parasitisme à l’ensemble du pays vivant de l’exploitation
du travail de quelques pays et colonies d’outre-mer. » (Lénine, ISSC).
Depuis l’époque analysée par Lénine, le parasitisme des puissances
impérialistes s’est considérablement renforcé sous l’effet de l’amplification
du pillage des pays riches en matières premières et de l’exploitation accrue du
prolétariat des pays dominés par le biais du développement de la sous-traitance
internationale de processus industriels à haute intensité de main-d’œuvre,
auparavant localisés dans les métropoles impérialistes. Vivre en parasites du
travail effectué dans les pays qu’ils dominent, telle est plus que jamais l’essence
même des différents impérialismes. Un second trait parasitaire s’exacerbe
fortement au cœur des États impérialistes, notamment depuis le déclenchement de
la crise : la création de conditions tout à fait artificielles de
réalisation de la plus-value au moyen des dépenses de l’Etat, en premier lieu
les dépenses militaires et paramilitaires (ici encore, cette question n’est
volontairement pas développée en raison des trop longs développements que cela
appellerait). En relation avec la montée des tensions entre les pays
capitalistes avancés mais également entre l’impérialisme et des pays comme la
Chine et la Russie, le volant d’entraînement de l’industrie d’armement est
actionné à une échelle toujours plus grande: « La course aux armements est relancée dans le monde, l’Europe change de
cap après 15 années de désarment relatif […]. Trump, président élu des USA,
cumulant le tiers des dépenses militaires mondiales, à 622 milliards de dollars
a promis une relance des armements nucléaires et des dépenses de sa marine. Il
a aussi conditionné le soutien de son pays à l’Europe à une relance des
dépenses de cette dernière. ». (Les
Échos, 11 janvier 2017)
Pour
autant, le parasitisme n’est pas propre aux puissances impérialistes. Les pays « émergents »,
la Chine en premier lieu, ont été intégrés au marché mondial dans des délais
extrêmement courts. En quelques années, ils ont vu les structures de leurs
économies pénétrées par le capital étranger et profondément bouleversées, si
bien qu’aujourd’hui, dans nombre d’entre eux, des éléments de développement
très avancé cohabitent avec des structures encore extrêmement arriérées. C’est
le propre du développement inégal et combiné. Mais il faut néanmoins ajouter
immédiatement que ces pays ont subi un essor du capitalisme à l’époque de l’impérialisme
et ils ont ce faisant importé et développé les traits les plus parasitaires
tout aussi rapidement. L’illustration la plus marquante est donnée par le développement
extrêmement rapide de l’endettement en Chine qui est parvenu en moins de trente
ans à des niveaux similaires à ceux des États-Unis. Le même article des Échos cité précédemment signale
également que « grâce au doublement
de son budget en 7 ans, l’armée chinoise dispose désormais de ressources
financières supérieures à celles du Royaume-Uni, de la France et de l’Allemagne
combinées. ». Ainsi, en même temps que la restauration du capitalisme
en URSS et en Chine a donné une impulsion à l’économie mondiale, on a assisté
ces trente dernières années à un essor sans précédent du parasitisme
consubstantiel au stade impérialiste. Ce double mouvement permet de mieux
comprendre la singularité de la crise actuelle par rapport aux crises passées,
mais aussi et surtout l’impasse dans laquelle se trouvent aujourd’hui le
capitalisme et les États bourgeois.
Un développement
considérable sur le plan qualitatif et quantitatif
du système de crédit et de l’endettement…
À
partir de 1980, on observe une extension extrêmement rapide de la sphère du
capital financier. De nombreuses dispositions règlementaires érigées par les
bourgeoisies elles-mêmes à la suite de la crise de 1929 sont progressivement
effacées afin de permettre cet essor du capital financier. Ce mouvement vient
de loin. Il procède d’abord de la suppression de la convertibilité du dollar en
or en 1971. Sans rentrer dans les détails, notons que les évènements qui
conduisirent à la suppression de la convertibilité du dollar en or exprimaient
déjà les difficultés croissantes à valoriser le capital dans le processus de
production, difficultés qui commencèrent à se manifester à partir du milieu des
années 1960. Pour repousser ces difficultés, il devenait de plus en plus
nécessaire de recourir à des moyens artificiels et parasitaires. Le maintien d’une
convertibilité du dollar en or, même devenue de plus en plus formelle à mesure
que la masse de dollars en circulation gonflait, entravait toutefois le
développement de ces moyens parasitaires à une plus large échelle et notamment
le crédit et l’endettement public. La suppression de la convertibilité en 1971
et le basculement à un système de change flottant à partir des années 1980 constituaient
donc tout à la fois une déclaration de faillite du capitalisme, la fermeture de
la parenthèse dorée des « trente glorieuses » mais aussi le préalable
à un nouvel essor du capital financier. Celui-ci est fulgurant ; le crédit
et l’endettement s’accroissent considérablement en volume mais surtout en poids
relatif dans le PIB.
Crédit
domestique fourni par le secteur financier (% du PIB) |
||||||
Décennies |
Chine |
Allemagne |
France |
GB |
Japon |
USA |
1962-1971 |
|
81% |
94% |
58% |
129% |
91% |
1972-1981 |
|
91% |
103% |
59% |
144% |
97% |
1982-1991 |
79% |
102% |
111% |
90% |
185% |
116% |
1992-2000 |
95% |
114% |
125% |
116% |
215% |
122% |
2001-2007 |
117% |
126% |
140% |
157% |
180% |
149% |
2008-2015 |
159% |
112% |
172% |
176% |
171% |
155% |
Source :
Banque Mondiale |
Le
tableau ci-dessus l’illustre mais de manière limitée car il ne s’agit que du
crédit domestique et il ignore donc le crédit international. Si l’on considère
l’ensemble du crédit domestique et transfrontalier, on obtient les chiffres
suivants. Le constat est implacable : le monde croule aujourd’hui sous une
masse de dettes publiques comme privée.
Crédit
total fourni par le secteur financier (% du PIB) |
||||||
Année |
Chine |
Allemagne |
France |
GB |
Japon |
USA |
2000 |
135% |
188% |
194% |
176% |
323% |
185% |
2005 |
143% |
194% |
215% |
209% |
328% |
215% |
2008 |
141% |
185% |
229% |
243% |
329% |
240% |
2010 |
181% |
199% |
252% |
263% |
352% |
248% |
2015 |
246% |
184% |
292% |
265% |
386% |
250% |
Source :
Banque des Règlements Internationaux |
Dans ce
mouvement, de véritables mastodontes financiers - banques, assurances, fonds de
gestion - émergent à l’échelle internationale et achèvent la constitution d’un
marché financier mondial intégré, fonctionnant sans interruption. Le processus
de fusion du capital industriel et bancaire décrit par Lénine se poursuit à une
vitesse décuplée.
D’un
côté, les groupes à dominante industrielle sont toujours plus pilotés selon une
(seule) logique financière, procèdent à d’énormes investissements financiers -
en lieu et place d’investissements industriels - et en tirent des revenus
significatifs, parfois plus importants que ceux provenant de leur cœur de
métier. Cela procède de ce que « l’horizon
industriel, qui va de la conception du produit à sa mise sur le marché, est un
temps long, et les investissements sont importants, irréversibles et entachés d’incertitudes.
[Ces stratégies de valorisation
des capitaux] sont d’autant plus fortes
dans un contexte comme celui d’aujourd’hui, caractérisé par une concurrence
intense à l’échelle internationale combinée à l’accumulation de capacités de
production excédentaires, y compris dans des secteurs déterminants comme l’automobile
ou la chimie. C’est pourquoi, dans un système social où l’argent est la forme
universelle de la richesse, la propension à « faire de l’argent avec de l’argent »
sans passer par ce temps long du cycle de production et les risques qu’il
comporte, autrement dit l’attrait pour la liquidité et une valorisation
financière de court terme des capitaux, est toujours présente. Lorsque, comme c’est
le cas depuis trois décennies, le contexte institutionnel est favorable à la
finance, à ses marchés et à la liquidité, aux actionnaires, alors cette
propension à privilégier la valorisation financière des capitaux devient
irrépressible. C’est la raison pour laquelle les groupes industriels, qui
continuent d’avoir des activités de production, sont aussi devenus de
véritables groupes financiers » (C. Serfati, 2014).
De l’autre,
les grandes institutions bancaires et financières accumulent des participations
toujours plus significatives dans les secteurs industriels et commerciaux et
peuvent exercer sur certains d’entre eux un contrôle direct. De nos jours, la
forme la plus aboutie de ce processus est la holding ou le conglomérat, telle
Berkshire Hathaway, détenue par Warren Buffet et qui dispose d’actifs dans la
banque et l’assurance, l’agroalimentaire, le textile, la distribution d’énergie
et de services collectifs, la construction ou encore les médias. En définitive,
« logiques financières et logique
industrielle sont nécessairement imbriquées toutefois, comme on le constate de
plus en plus, structurellement dans la constitution des grands « groupes
financiers », qui sont l’expression concrète de la fusion du capital
bancaire et du capital industriel, réunissant banques, sociétés d’assurance,
entreprises industrielles et commerciales. À l’intérieur de ces groupes
financiers cependant, qu’ils soient à dominante bancaire ou industrielle, la
logique des mouvements de capitaux est avant tout financière. » (LG,
EMI)
…qui débouchent sur une
quantité phénoménale de capital fictif
Mais
cet essor n’est pas seulement quantitatif. Le capital financier, c’est d’abord
l’expression du capital qui produit de l’argent de lui-même, du capital porté à
son stade suprême. C’est lorsque « le
rapport capitaliste atteint sa forme la plus extérieure, la plus fétichisée.
Nous avons ici A-A’, de l’argent produisant de l’argent, une valeur se mettant
en valeur elle-même, sans aucun procès qui serve de médiation entre les deux
termes ». Le capital financier est la tendance à l’autonomisation de
la valorisation du capital, à son détachement du mouvement de valorisation dans
le processus de production : « Expression
frappante de son caractère parasitaire, le capital financier, capital de prêt,
porteur d’intérêt, représenté par le mouvement A-A’ semble avoir une existence
propre totalement autonome face au capital industriel. Les simples actes de
prêt et d’emprunt d’argent finissent par rendre invisible le procès qui est à l’origine
de l’intérêt. » (LG, EMI).
Ces
éléments permettent de comprendre combien la faiblesse actuelle des taux d’intérêt
est l’expression d’un parasitisme, d’une surproduction de capital fictif qui
pèse de tout son poids sur l’économie. Si le taux d’intérêt n’est jamais qu’une
portion du taux de profit, en raison de l’autonomisation du capital financier, « l’argent, capital de prêt, est devenu
« capital par excellence », indépendamment du procès de mise en
valeur du capital et son revenu, l’intérêt, la forme générale du revenu du
capital : tout revenu-argent régulier apparaît comme l’intérêt d’un
capital ; sa valeur est calculée par capitalisation de ce revenu, et ceci
même si le revenu ne provient pas du capital. Il s’agit alors d’un « capital
fictif ». […] La séparation de la propriété du capital de son application
à la production et le divorce entre capital réel et capital fictif se
traduisent dans l’existence d’un autre marché, celui de la finance, distinct du
marché où se transigent les marchandises réelles, relativement autonome face à
ce marché et soustrait à l’action directe de la loi de la valeur. »
(LG, EMI). L’écart considérable entre la valorisation actuelle des marchés
boursiers (le Dow Jones a récemment franchi la barre historique des 20 000
points) et la faiblesse historique de la reprise depuis dix ans est l’incarnation
au plus haut point de cette autonomie. La faiblesse historique des taux d’intérêt
n’est que le reflet brutal des conditions réelles de la production capitaliste
et des difficultés rencontrées dans la production de plus-value.
Ainsi
se dessine en creux la vraie nature du problème. Du fait de la crise et du
parasitisme déployé depuis des décennies, les conditions de la poursuite de la
production et de l’accumulation du capital semblent nécessiter le maintien de
taux d’intérêt, « forme générale du
revenu du capital », à des niveaux historiquement faibles, parfois
même négatifs, et les banques centrales sont l’agent de cette nécessité. Cela
signifie surtout que la masse de capital fictif en circulation est telle qu’elle
ne peut plus ponctionner individuellement qu’une quantité négligeable sur la
production effective de plus-value. Ce qu’expriment les taux d’intérêts
négatifs d’une façon caricaturale, c’est le caractère disproportionné du
rapport entre le volume de capital fictif qui réclame sont dû et celui de
capital productif réel qui, in fine,
produit ledit dû. Ce rapport est tendu à tel point que cette masse de capital
fictif est pour partie prête à payer pour se placer. C’est l’expression même d’un
parasitisme poussé à son plus haut degré. Les banques centrales sont aujourd’hui
prises dans une contradiction de plus en plus intense, conséquence directe de
ce parasitisme. Il s’agit de conjuguer la tension entre la masse de capital
fictif existant et cherchant à se valoriser (ou à ne pas se dévaloriser),
tendance dont les appels répétés des banques et des assurances à la remontée
des taux pour restaurer leur profitabilité sont l’expression, et la nécessité d’assurer
la poursuite de la production et de l’accumulation du capital qui, dans les
conditions présentes, exigent des taux d’intérêt encore très faibles car la
production de plus-value reste largement insuffisante et ne peut supporter
actuellement une ponction plus significative de la part du capital financier.
Trente années d’exacerbation
de la tendance aux monopoles
Ces
trente dernières années ont donc vu l’approfondissement du processus de
constitution d’un marché mondial et un essor du capital financier sans
précédent. Ces deux développements sont allés de pair avec l’accentuation d’une
autre tendance inhérente à l’impérialisme et analysée par Lénine dans son
ouvrage : la constitution de gigantesques monopoles (oligopoles serait le
terme aujourd’hui employé) ayant une influence décisive sur la vie économique.
C’est même sans aucun doute son trait parasitaire le plus fort : « la principale base économique de l’impérialisme
est le monopole. Ce monopole est capitaliste, c’est-à-dire né du capitalisme ;
et, dans les conditions générales du capitalisme, de la production marchande,
de la concurrence, il est en contradiction permanente et sans issue avec ces
conditions générales. Néanmoins, comme tout monopole, il engendre
inéluctablement une tendance à la stagnation et à la putréfaction. Dans la mesure où l’on établit, fût-ce
momentanément, des prix de monopole, cela fait disparaître jusqu’à un certain
point les stimulants du progrès technique et, par suite, de tout autre progrès;
et il devient alors possible, sur le plan économique, de freiner
artificiellement le progrès technique. [Ndlr : ici réside une des
raisons essentielles de la stagnation de la productivité analysée plus haut.] » (Lénine, ISSC).
La
plupart des secteurs économiques, et notamment l’industrie, sont aujourd’hui
caractérisés par l’existence d’un nombre très réduit d’entreprises disposant de
parts de marché considérables, fruit de décennies de concentration et surtout
de centralisation du capital. Marx entendait par concentration du capital le résultat
d’un processus d’accumulation du capital, de la « croissance des foyers d’accumulation individuels » (LG, FLC) tandis
qu’il définissait la centralisation du capital comme la réunion de capitaux
déjà existants entre les mains d’un nombre toujours plus réduit de
capitalistes. Si ces deux tendances ont pour conséquence de nourrir la tendance
aux monopoles, elles ne sont toutefois pas équivalentes. Le mouvement d’affirmation
de la tendance aux monopoles de ces trente dernières années est ainsi d’abord et
principalement le résultat d’un mouvement de centralisation de capitaux au
moyen d’opérations de fusions/acquisitions : « Oubliée, la déprime post-crise de 2008, pour les banquiers d’affaires.
Amorcé en 2013, le rebond du marché mondial des fusions-acquisitions ne se
dément pas. Bien au contraire : avec 4.600 milliards de dollars (4.195
milliards d’euros) de transactions annoncées, soit une envolée de 41% par
rapport à l’an dernier, l’année 2015 représente un record depuis...1980, quand
Thomson Reuters avait commencé à compiler les statistiques du marché. En
réalité, il n’y pas eu plus de fusions-acquisitions en 2015 qu’en 2014, mais le
nombre d’opérations supérieures à 5 milliards de dollars a grimpé de 54%. »
(La Tribune, 29/12/2016). Ce n’est
pas sans importance, car il ne s’agit que de la réunion de capitaux déjà
existants entre des mains toujours plus limitées et non pas d’un processus
trouvant principalement sa source dans l’investissement et la reproduction
élargie du capital. Ce faisant, la prédominance de la centralisation du capital
sur la concentration du capital est elle-même l’expression des difficultés
croissantes que rencontrent les capitalistes dans le processus d’accumulation
du capital.
Cette
tendance aux monopoles n’est pas nouvelle. Celle-ci s’exprime depuis l’avènement
de l’impérialisme au début du siècle dernier. Cependant, l’accélération de
cette tendance depuis une trentaine d’années est marquée par les conditions
dans lesquelles elle s’est réaffirmée, à savoir le mouvement de (re) constitution
du marché mondial et d’approfondissement de la domination du capital issu de la
restauration du capitalisme en URSS et en Chine analysé précédemment. Ainsi,
aujourd’hui, on assiste à de gigantesques opérations de fusions/acquisitions
dépassant largement le cadre des frontières nationales : c’est à présent à
l’échelle internationale que ce mouvement prend forme. En témoigne par exemple
la récente acquisition de Monsanto par Bayer pour 66 milliards de dollars et
plus généralement l’explosion des flux d’IDE discutée précédemment.
Deux tendances parasitaires
qui se nourrissent l’une de l’autre
L’essor
du capital financier décrit plus haut et le renforcement considérable de la
tendance aux monopoles sont deux processus intimement liés. La suppression des
barrières ayant permis au capital financier de croître dans les proportions
indiquées précédemment était en quelque sorte une condition nécessaire pour que
la centralisation du capital s’opère à cette échelle, et notamment sur le plan
international. Dans ces opérations de fusions / acquisitions, les
banques et les institutions financières en général jouent un rôle central en
mettant à la disposition des entreprises des quantités immenses de capital de
prêt : « L’autre facteur clé de
la centralisation du capital est le développement du crédit « qui à ses
origines s’introduit sournoisement comme une aide modeste de l’accumulation,
puis devient bientôt une arme additionnelle et terrible de la guerre de la
concurrence, et se transforme enfin en un immense machinisme social destiné à
centraliser les capitaux » [K, III, 68]. Vente d’actions, émission d’obligations,
emprunts auprès des banques sont les moyens traditionnels par lesquels la masse
des capitaux peut être étendue bien au-delà des limites atteintes par les
foyers de concentration individuels. » (LG, FLC) Il fallait donc qu’existe simultanément à ce mouvement un capital financier international
pour permettre cette centralisation des capitaux sous la forme de monopoles.
Toutefois,
ce capital financier ne pouvait flotter dans le vide ; Il fallait qu’il
soit incarné. C’est ainsi que les banques et les institutions financières se
sont trouvées au cœur de ce processus de concentration et de centralisation du
capital à une échelle d’abord nationale puis à présent internationale. Aujourd’hui,
dans les vieux impérialismes, États-Unis, Grande-Bretagne et France notamment,
quelques banques et institutions financières détiennent l’ensemble du capital
de prêt de l’économie : les actifs de celles-ci représentent plusieurs
fois le PIB de leur pays et à l’échelle mondiale, les banques et les
institutions financières de ces vieux impérialismes sont encore hégémoniques.
La constitution de ces gigantesques monopoles a été en retour un formidable
accélérateur du processus de fusion du capital bancaire et industriel en un
capital financier. Au sein de ces gigantesques monopoles, de véritables marchés
des capitaux internes se sont constitués favorisant la transformation des
capitaux industriels et commerciaux ainsi réunis en une masse de capital argent
circulant au gré des opportunités d’investissements productifs et financiers.
La montagne de trésorerie sur laquelle repose Apple (237 milliards de dollars à
fin 2016) en est la parfaite illustration.
Les monopoles sont l’expression
de la négation du capitalisme dans le capitalisme
La
place considérable qu’occupent les monopoles au sein de l’économie mondiale
constitue une des raisons fondamentales qui explique l’impuissance de la
bourgeoisie à juguler la crise. Ces gigantesques entreprises qui concentrent en
leur sein l’essentiel du capital financier international, très largement
fictif, agissent comme une force considérable, politique et économique, s’opposant
à tout processus de dévalorisation de capital, fictif ou non, seul à même de
permettre le rétablissement du rapport entre capital et travail essentiel
au redémarrage de l’économie : « Le
rapport essentiel étant le rapport du capital au travail salarié, la
proportionnalité dont le rétablissement par la crise est de nature à assurer la
reprise est celle qui établit la quantité adéquate de surtravail fournie par
une quantité donnée de travail nécessaire. Le rapport entre travail et capital
est une proportionnalité d’un type particulier, différente de celle qui
caractérise l’équilibre entre production et consommation. La crise apparaît
donc comme un moyen pour rétablir de force une proportionnalité adéquate entre
travail nécessaire et surtravail. » (LG, FLC).
À l’époque
impérialiste, les monopoles entravent cette fonction d’assainissement des
crises et en conséquence : « l’État
s’est donc trouvé contraint d’intervenir. Il a recouru à divers moyens dont l’objectif
était de stimuler le redémarrage de l’économie et de la placer sur le chemin d’une
croissance soutenue et sans crises. Il est également intervenu pour soutenir
par ses subventions des entreprises non rentables mais jugées indispensables,
et pour prendre à son compte en les reportant sur l’ensemble de la société les
pertes de celles d’entre elles qui étaient acculées à la faillite. »
(LG, FLC). Il en découle ainsi une explosion de la dette publique et le
maintien en vie artificielle d’entreprises chroniquement déficitaires grâce au
soutien de l’État (pensons aux banques italiennes ou à certains groupes
industriels français) ainsi que la perpétuation de leur stock de dettes
privées.
Cet
endettement généralisé pèse en retour de tout son poids contre la réouverture d’un
cycle d’accumulation du capital. D’une part, il affecte immédiatement les
développements économiques, car la charge financière de cet endettement, la
ponction qu’opère la masse de capital argent sur la plus-value produite, est de
plus en plus importante et apparaît comme un poids mort pour l’économie. De
plus, cela décourage les capitalistes d’investir dans de nouvelles capacités de
production et participe du sous-investissement chronique à la racine des
récentes difficultés évoquées plus haut. Autrement dit, afin de repousser la
crise et de contenir la dévalorisation du capital existant, en soutenant les
monopoles, l’intervention de l’État reproduit à une échelle encore plus grande
les contradictions à l’origine même de la crise et notamment la contradiction
fondamentale du capitalisme dont ils sont porteurs : « Pour Marx et pour les théoriciens et
militants qui sont demeurés fidèles à sa méthode, la centralisation du capital
et la monopolisation qu’elle entraîne amènent le capitalisme “dans l’antichambre
d’un ordre social supérieur”. Comme l’explique Lénine dans son ouvrage de
1917 intitulé L’impérialisme, stade suprême
du capitalisme, le capitalisme, arrivé à
son stade le plus avancé, “conduit aux portes de la socialisation intégrale
de la production ; il entraîne en quelque sorte les capitalistes en dépit
de leur volonté et sans qu’ils en aient conscience, vers un nouvel ordre
social, intermédiaire entre l’entière liberté de la concurrence et la
socialisation intégrale”. Mais, ce “progrès
immense de la socialisation de la production”,
comme il la caractérise, aiguise à l’extrême la contradiction entre le
caractère social de la production et le caractère privé de son appropriation,
posant par le fait même la nécessité de l’expropriation du capital. »
(LG, FLC)
Conséquences de l’incapacité de la
bourgeoisie à juguler la crise : un approfondissement des contradictions du
capitalisme et des traits les plus pourrissants de l’impérialisme
Une économie mondiale de
plus en plus travaillée par des forces centrifuges ou un ordre économique
mondial de plus en plus chaotique
La
dislocation du marché mondial ne semble pas imminente, mais les tendances à sa
fragmentation se multiplient dangereusement. Cela permet de démystifier toute
la propagande bourgeoise relayée par les appareils depuis 25 ans au sujet de la
« mondialisation » présentée comme un phénomène économique
inéluctable et irréversible : « Les
idées en vogue concernant l’intégration économique mondiale exagèrent l’ampleur
du phénomène et sous-estiment les possibilités de mener des politiques
indépendantes. [...]. Le phénomène actuel n’est pas vraiment nouveau et l’idée
selon laquelle la globalisation serait un processus irrésistible est tout
bonnement erronée. [...] L’intégration économique n’est donc pas complète ;
elle n’est pas non plus totalement inexorable. Les pouvoirs publics ont opté
pour un abaissement des barrières commerciales et pour la suppression du
contrôle des changes. Ils pourraient tout aussi bien, s’ils le souhaitaient,
mettre un terme à ces deux processus. [...]. Les économies des différents pays
se sont ouvertes au commerce international et aux mouvements de capitaux, non
parce qu’elles étaient entraînées dans un mouvement irrésistible, mais parce qu’elles
y trouvaient un intérêt. » (Martin Wolf, cité dans A propos de la mondialisation du capital).
Il semble de plus en plus qu’avec la crise et sa durée exceptionnelle, l’intérêt
pour l’ouverture du commerce international soit en train de s’émousser et qu’à
l’inverse la tentation du renforcement des barrières commerciales gagne du
terrain, ce dont Trump est à sa façon l’incarnation.
L’exacerbation
des rivalités entre puissances économiques apporte également une preuve
supplémentaire du caractère totalement fallacieux de la fable relayée par la
bourgeoisie mais aussi par les appareils à la tête des organisations issues du
mouvement ouvrier, à savoir l’affaiblissement, voire la disparition des États
face aux marchés et aux firmes « multinationales » (qui portent d’ailleurs
fort mal leur nom puisqu’elles ont en définitive une nationalité). C’est
exactement le contraire qui se passe depuis le début de la crise. Durant la
période de relative croissance économique ayant précédé la crise de 2008, la
défense par chaque État bourgeois de ses champions nationaux sur le marché
mondial a pu se faire de manière assez discrète. Ce n’est cependant plus le cas
aujourd’hui où l’engorgement du marché mondial et la multiplication des acteurs
sur ce marché oblige chaque État bourgeois à monter au créneau de manière
ouverte pour défendre les champions nationaux dans une concurrence
internationale de plus en plus en aiguë comme l’illustre par exemple la vague d’amendes
infligées par les autorités américaines aux banques européennes. L’un des
points chauds de cet affrontement accru entre États via leurs firmes opérant
sur le marché mondial pourrait bien être la Chine. Les puissants groupes des
pays dominants, américains notamment, ont pu au début des années 2000 avoir des
intérêts convergents avec l’État-parti chinois : des profits juteux
engrangés par les premiers au moyen de la surexploitation du prolétariat
chinois cadenassé par la bureaucratie et un fort développement économique gage
de stabilité politique indispensable au second.
Mais
cette alliance objective est en train de se déchirer. En effet, les conditions
politiques de la restauration du capitalisme et le maintien au pouvoir de la
bureaucratie n’ont pas seulement impulsé l’ampleur et la rapidité du
développement économique en Chine, mais elles ont aussi déterminé la nature des
rapports de la Chine avec les puissances impérialistes. La bureaucratie
chinoise n’est pas une bourgeoisie compradore qu’on peut manier à sa guise en
fonction de ses intérêts. Le fait que le PCC ait gardé solidement les rênes du
pouvoir économique et politique lui ont permis d’obtenir des concessions de la
part de l’impérialisme (transferts de technologie, joint-venture…) et de se
développer de manière plus autonome par rapport à l’impérialisme que les pays « émergents ».
Sur la base des entreprises d’Etat qu’elle contrôle, la bureaucratie est en
train d’orchestrer la montée en puissance de champions nationaux en mettant des
barrières à la pénétration des entreprises étrangères sur son territoire. De
fait, des entreprises chinoises commencent à concurrencer sérieusement les
firmes des puissances impérialistes dans plusieurs domaines (nucléaire,
téléphonie mobile, informatique…) sur le marché mondial. Même si la Chine est
encore loin d’être une puissance financière, elle est en passe, contrairement
aux pays « émergents », de dépasser la division entre développement
industriel d’un côté et possession des capitaux et maîtrise de la technologie
de l’autre. Dans cette perspective, il faut souligner la progression
spectaculaire des IDE chinois à l’étranger, qui place la
Chine au deuxième rang en termes de flux, derrière les États-Unis
(+53% en 2016), même si au niveau des stocks, celle-ci n’est encore qu’au 10e
rang mondial, loin derrière les États-Unis, l’Allemagne,
ou le Royaume-Uni.
Montée des tendances
protectionnistes et entrelacement toujours plus serré
des différentes fractions de l’économie mondiale : un cocktail explosif
Si la
Chine serait la principale victime d’une fragmentation accrue de l’économie
mondiale, en dernier ressort, le petit jeu extrêmement dangereux « du
chacun pour soi », du repli sur soi ne ferait que des perdants. Deux
raisons à cela. D’abord, si la Chine calait, les conséquences sur l’économie
mondiale seraient à la hauteur de ce « rôle
nouveau et décisif » en particulier au niveau du rôle joué par l’accumulation
de capital réel en Chine. Ensuite, comme l’indique M. Obsfeld, chef économique
du FMI, « Partout en Europe, le
consensus politique qui avait jadis porté le projet européen est en train de s’effilocher
et s’accompagne d’une marée montante de nationalisme et de replis sur soi. L’une
des manifestations est la possibilité que le Royaume-Uni quitte l’UE, abîmant
un vaste éventail de relations commerciales et de possibilités d’investissement.
[...] Dans d’autres pays industrialisés, comme en Europe, et comme aux
États-Unis, une réaction violente contre l’intégration économique transfrontalière
risque de stopper ou même d’inverser la tendance d’après-guerre d’une
libéralisation toujours plus prononcée des échanges ».
En
revanche, ce que ne dit pas Obstfeld, c’est que si cette tendance au repli
national, à la fragmentation du marché mondial devait se généraliser, ce ne
serait pas un simple retour à la case départ, mais un retour en arrière, dans
des conditions aggravées. Le renforcement des obstacles de toutes sortes à la
circulation des marchandises sur le marché mondial serait d’autant plus
ravageur que, depuis 1945, le caractère international des forces productives s’est
affermi et que, dans ces conditions, le retour en force du protectionnisme sur
le modèle des années 30 aurait des effets d’autant plus ravageurs sur l’économie
mondiale. Le degré d’interpénétration des économies nationales entre elles s’est
accru, en particulier depuis les mesures prises à partir des années 80 pour
lever les entraves à la circulation des capitaux mais aussi depuis la
restauration du capitalisme en Russie et en Chine qui a impulsé un fort
développement du commerce mondial. Aujourd’hui, le commerce intra-firmes
multinationales représente près du tiers du commerce mondial ce qui rend tout à
la fois plus difficile et plus dangereux pour les États nationaux de prendre
des mesures protectionnistes car ces dernières auront des répercussions
négatives sur leurs propres multinationales et sur leur commerce intra-firmes.
Dans ces conditions, pour un État bourgeois, la mise en œuvre d’un
protectionnisme débridé revient de plus en plus à se tirer une balle dans le
pied. C’est ce que faisait remarquer à juste titre l’éditorial du Monde Économie du 3 janvier 2017 : « La troisième salve lancée par le président
américain concernera le libre-échange, avec un ennemi déclaré, la Chine. Un jeu
où tout le monde risque de perdre, à commencer par les grands groupes
américains très implantés en Asie. »
25 février 2017
Références :
·
(Lénine, ISSC) : L’impérialisme,
stade suprême du capitalisme, 1916
·
(IME 2016) : Image
Économique du Monde 2016
·
(Diplomatie 2015) : Diplomatie. Les grands dossiers : Géopolitique des multinationales - Les
nouveaux maîtres du monde ?, 2015
·
(SJ APMC) : Stéphane Just, A
propos de la « mondialisation du capital »
·
(CEPII 2017) : L’économie
mondiale 2017
·
(OMC 10.2016) : Communiqué de presse : En 2016, le commerce connaîtra sa croissance la plus lente depuis la
crise financière, 27/09/ 2016
·
(FMI, 10.2016) : Perspective
de l’économie mondiale, octobre 2016
·
(C. Serfati, 2014) : Emprise
financière et internationalisation des groupes français : un premier état
des lieux, La Revue de l’Ires 2014/3
·
(LG, EMI) : L. Gill, Economie
mondiale et impérialisme
·
(LG, FLC) : L. Gill, Fondements
et limites du capitalisme
«
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- © A.E.P.S., 1 Bis Rue GUTENBERG,
93100 MONTREUIL ]