Article paru dans le bulletin « Combattre pour le socialisme » n°63 (n°145 ancienne série) ‑ 7 décembre 2016 :

Liquidation du droit aux études et à une qualification, surexploitation, chômage, répression...

La jeunesse est face à une offensive de plus en plus violente :
comment faire front ?

La sélection à l’entrée du master : une attaque majeure contre la jeunesse étudiante

Le 4 octobre, le gouvernement est parvenu à un accord sur l’instauration de la sélection à l’entrée du master, accord qui associe la CPU (Conférence des Présidents d’Université) ainsi que les organisations syndicales enseignantes, notamment le SNESUP FSU, et étudiantes telles que l’UNEF et la FAGE. Pour accélérer la procédure législative, le gouvernement a utilisé une proposition de loi déposée par un sénateur UDI. Le 26 octobre, celle-ci était adoptée à l’unanimité par le Sénat, le PCF s’abstenant. Elle modifie le code de l’Education en instituant :

- la sélection à l’entrée du master 1, subordonnée aux capacités d’accueil décidées par les établissements,

- la possibilité d’une sélection à l’entrée du master 2, s’il n’y a pas eu de sélection en master 1,

- le « droit » pour tout étudiant qui n’aurait pas été sélectionné au master de leur choix de se voir proposer une formation de deuxième cycle (aucune garantie que cela ouvre la porte au diplôme du master !).

Cette loi sera soumise prochainement à l’Assemblée. C’est donc tambour battant et dans la plus grande discrétion que le gouvernement, avec la complicité totale des dirigeants des principaux syndicats des étudiants et des universitaires, mène cette offensive majeure contre la jeunesse étudiante (voir notre supplément CPS dans ce numéro). Mais si cela a été possible, c’est que la défaite sur la loi El Khomri pèse sur la jeunesse, comme sur l’ensemble des travailleurs, d’autant plus que celle-ci a engagé le combat en éclaireur contre cette loi.

La défaite sur loi El Khomri a préparé le terrain
de l’offensive contre le droit aux études à travers la sélection en master

Sitôt connu, ce projet de loi travail a suscité l’indignation dans la jeunesse, ce qu’a traduit la prise de position décisive de l’UNEF. Le 19 février, sa direction affirmait : « L’UNEF exige le retrait du projet de la loi El Khomri. C’est un préalable avant toute discussion sur les véritables attentes de la jeunesse ».

Le 28 février, les organisations de jeunesse, dont l’UNEF, le MJS et la JC, se prononçaient pour le retrait de ce projet de loi et appelaient « à une journée d’actions et d’initiatives le mercredi 9 mars, à l’occasion du passage du projet de la loi travail en Conseil des ministres. » Ce faisant, elles indiquaient, bien que timidement, la voie : celle du combat pour affronter le gouvernement. Pour le vaincre, il fallait aller par millions au siège du pouvoir, là et quand cela se décide. Appeler à une telle manifestation était la responsabilité des dirigeants de la CGT, de FO, de la FSU et de l’UNEF. C’est ce qu’ils ont refusé de faire jusqu’au bout, menant à la défaite.

Mais à ce moment, l’indignation dans la jeunesse, les réactions vives dans les syndicats, en particulier dans la CGT, la prise de position des organisations de jeunesse, ont contraint les dirigeants de la CGT, de FO et de la FSU à se prononcer pour le retrait du projet de loi. Le 3 mars, ils annoncent qu’ils soutiennent « les mobilisations du 9 mars » et appellent « l’ensemble des salariés du public et du privé à se mobiliser ensemble par toutes les formes »… le 31 mars !

La mobilisation du 9 mars est marquée par une forte présence de la jeunesse étudiante et lycéenne. A ce moment-là, les assemblées générales étudiantes connaissent une participation limitée. Néanmoins, dans plusieurs universités (Lille, Paris 8, Montpellier, Rennes 2), elles rassemblent plusieurs centaines d’étudiants. En 2006, les débuts du mouvement contre le CPE étaient tout à fait semblables. Autrement dit, il y avait un potentiel. Qu’en est-il advenu ?

Isolée, la jeunesse subit la répression dans les manifestations et sur les campus…

Les 17 et 24 mars, il y a eu les manifestations de jeunes, mais elles n’ont pas eu le caractère de celles du 9 mars parce que les directions confédérales, d’abord celle de la CGT, qui donnait le la, avaient décidé que rien ne se passerait avant le 31 mars, veille des vacances scolaires. Cet isolement de la jeunesse a permis au gouvernement de répondre par la violence policière délibérée.

Les forces de l’ordre vont réprimer avec l’emploi d’armes de guerre dans le maintien de l’ordre (les fameux lanceurs de balle LBD ou encore les grenades désencerclantes), provocations et infiltrations des cortèges de jeunes, intimidations pour interdire les manifestations lycéennes, arrestations brutales et gardes à vue prolongées, mises en examen, comparutions immédiates avec condamnations à la prison ferme. Des manifestants, des jeunes principalement, sont blessés, parfois littéralement mutilés, mais le plus souvent tout simplement… terrorisés à la suite de ces manifestations.

Mais ce qui prend une tournure nouvelle, ce sont les fermetures de facultés, les interventions massives des CRS et des brigades anti-criminalité (BAC) aux abords et sur les campus. Les étudiants étaient habitués à être réprimés dans les manifestations, mais rarement ils n’avaient eu maille à partir avec la police sur leurs campus. Cela en vertu de la « franchise universitaire » qui date… du Moyen Âge ; les forces de l’ordre ne peuvent entrer dans un domaine universitaire que sur la réquisition du président. A la faveur de l’état d’urgence, les présidents d’université n’hésitent plus, dès que leur pouvoir, et/ou celui du gouvernement, est remis en cause, à bafouer cette liberté d’opinion presque millénaire.

Ainsi le 17 mars, 200 CRS et 50 membres de la BAC sont déployés sur le site de Paris I Tolbiac. Il sera fermé pour plusieurs jours au moment même où une coordination étudiante, qui tentait de se mettre en place, était convoquée sur ce site. Le 24 mars à Caen, la BAC investit librement le campus, arrête un étudiant. Une vidéo montre l’évacuation musclée de la faculté. Idem à Strasbourg le 31 mars ; etc.

… avec la complicité des appareils syndicaux

La journée du 24 mars est tout à fait symbolique de la complicité des appareils syndicaux. Le matin, des lycéens qui manifestaient devant le lycée Bergson à Paris ont été brutalisés par la police. Un policier a été filmé frappant violemment un jeune de 15 ans.

Dans l’après-midi se déroule une manifestation. Un militant CGT présent témoigne dans un texte intitulé « cette CGT n’est pas la mienne ». Il explique comment le gros du cortège constitué de lycéens et d’étudiants a été séparé du cortège syndical CGT par ses « gros bras » du SO (service d’ordre), sous le prétexte qu’il s’agissait de « casseurs ». Ils ont permis à la police de gazer copieusement les jeunes manifestants et d’arrêter ceux et celles qu’elle jugeait trop virulents. Ce scénario se reproduira de nombreuses fois ; d’autres techniques pour isoler les jeunes manifestants ont été utilisées par les appareils, comme déclarer la dissolution d’une manifestation avant l’heure prévue (exemple le 31 mars à Grenoble) ou avant que le but soit atteint (exemple le 14 juin à Paris).

Le soir même dans son communiqué, l’intersyndicale déclare : « les pouvoirs publics doivent garantir le droit de manifester, à se réunir, à s’organiser, tout en assurant la sécurité des manifestants ». C’était donner un blanc-seing au gouvernement pour qu’il continue à réprimer et il ne s’est donc pas privé d’assurer « la sécurité des manifestants » à sa manière !

Dans son compte-rendu du BDFN de la FSU du 4 avril, le représentant de Front unique (FU) explique : « la secrétaire générale a reconnu implicitement qu’il n’y avait pas eu de la part de la direction fédérale de condamnation des violences policières. Elle a indiqué : “on a raté quelque chose sur Bergson“ (sic) » Il n’empêche qu’elle a refusé la motion FU contre la répression et pour la levée immédiate de l’état d’urgence, motion qui proposait que la FSU organise avec la CGT, FO et l’UNEF la protection des mobilisations de la jeunesse pour le retrait du projet de loi travail.

La responsabilité des dirigeants de l’UNEF

Depuis le 19 février, les dirigeants de l’UNEF ont dit tout et son contraire : ils ont dit « aucune négociation avant le retrait » mais dès le 11 mars, ils se rendaient à une entrevue avec le gouvernement.

Dans les AG, les « gauchistes », NPA, UEC, Solidaires Étudiants, les « autonomes » en profitent pour développer un discours « anti-orga » sous l’œil bienveillant des dirigeants de la CGT. La raison est simple : toute action qu’ils organisent reste sagement dans le cadre fixé par l’intersyndicale CGT, FO, FSU. [A1] A aucun moment, ils ne remettent en cause la politique des dirigeants qui refusent d’affronter le gouvernement. Tout cela arrange bien l’UNEF qui se fait la plus discrète possible. La liste des revendications s’allonge, noyant ainsi l’exigence du retrait de la loi El Khomri. Sans perspective réelle, les étudiants désertent les AG.

Le 31 mars, les manifestations ont été plus massives que le 9 mars, mais la participation de la jeunesse sera moindre et essentiellement lycéenne. Le mouvement contre la loi El Khomri connaîtra d’autres développements analysés dans les éditos de CPS. Mais à part à une frange minoritaire, la jeunesse restera hors-jeu.

Dès lors, libérés de la pression qu’aurait exercée sur elle une mobilisation de masse dans les universités, les dirigeants de l’UNEF ont les mains libres : ils bafouent l’engagement pris le 19 février. Le 6 avril, ils sont reçus par Valls alors que dans la rue l’appareil policier réprimait la jeunesse avec brutalité. Martinet, son président, se livre à une véritable apologie des mesures annoncées : « Ce sont des mesures qui répondent aux préoccupations de la jeunesse ». Quant à la loi El Khomri, il indique que « l’UNEF demeure solidaire de la mobilisation des salariés... ». On ne saurait mieux dire que la jeunesse n’est pas concernée. Ce n’est plus qu’affaire de « solidarité ».

Le gouvernement lance son offensive pour la sélection en master

Le gouvernement profitera immédiatement de ce point d’appui en annonçant un projet de décret légalisant la sélection au terme de la première année de master pour 40% d’entre eux, et l’ouverture de 4 mois de concertation. La CPU s’engouffre immédiatement et déclare : « il faut passer très vite à l’étape 2 sur la sélection dans tous les masters ». Elle avait mis carte sur table le 28 janvier en déclarant :  » Halte à l’hypocrisie, la sélection en master existe, assumons-là ! »

Dans son communiqué du 14 avril, la direction de l’UNEF répond : « le gouvernement vient de publier le décret qui encadre les pratiques de sélection en master. (…) Le débat sur la sélection en master est loin d’être clos ». « l’UNEF conteste le cadre de la concertation annoncé par le Secrétaire d’Etat. (…) Le débat sur lequel s’engage le gouvernement est glissant (sic) ». L’UNEF participera jusqu’au bout à ce « débat » qui débouchera sur le compromis-trahison du 4 octobre. Le décret sur la sélection en master 2 est promulgué le 27 mai 2016.

Le 23 juillet, la loi El Kohmri est définitivement adoptée par un nouveau coup de force du gouvernement qui utilisera une nouvelle fois le 49 ter. La défaite est consacrée.

A la rentrée de septembre, les étudiants sont confrontés au projet de loi instaurant la sélection à l’entrée du master.

La jeunesse, première victime de la crise du capitalisme

Cette attaque contre le droit aux études, à une qualification, via la sélection en master n’est pas la seule à laquelle la jeunesse doit faire face. Chômage, précarité, privation de droits élémentaires sont devenus le lot quotidien d’une fraction significative de la jeunesse. Ces fléaux menacent de peser tout le long de l’existence des nouvelles générations, et pas seulement au moment de leur entrée dans la vie active.

Cette réalité est illustrée par ces chiffres extraits d’une étude de la Direction de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative : « Les jeunes constituent ainsi selon l’INSEE la catégorie d’âge la plus vulnérable économiquement : en 2013, la pauvreté concerne près d’un jeune sur cinq (le taux de pauvreté est de 19 % des 18-29 ans contre 14 % dans l’ensemble de la population française). Les jeunes sont également confrontés à un taux de chômage plus élevé que la moyenne. Au premier trimestre 2016, le taux de chômage au sens du BIT chez les 15-24 ans s’élevait à 24 %, contre 10 % pour l’ensemble de la population active ». La même étude estime plus loin que » au cours des douze derniers mois entre un jeune sur cinq et plus d’un jeune sur quatre déclarent avoir renoncé pour des raisons financières aux différents types de consultations et soins médicaux testés dans l’enquête. » Les jeunes font aussi face à des conditions toujours plus dures d’accès au logement, non sans relation avec le chômage et la précarité qui les frappent.

Les chiffres de l’Observatoire des inégalités montrent combien cette précarité a augmenté : « Le taux d’emploi précaire des 15-24 ans est passé de 17,2 % en 1982 à 51,6 % en 2014. Chez les adultes (25-49 ans), il a progressé de 2,9 % à 10,1 % et chez les plus de 50 ans, il est passé de 2,3 % à 5,4 %. […] Un phénomène essentiellement supporté par les plus jeunes : le taux de précarité des 15-24 ans a augmenté de 17,2 % en 1982 à 47,3 % en 2000, alors qu’il passait de 2,9 % à 9,2 % chez les 25-49 ans. Pour partie, cette évolution résulte de la progression de l’apprentissage, dont la part est passée de 4 % à 16 % chez les 15-24 ans. » Ce dernier point lève un coin du voile qui existe sur l’apprentissage : une machine à précariser.

Pour le gouvernement, la voie privilégiée de la formation professionnelle des jeunes est en effet l’apprentissage. En 2011, la loi Cherpion a abaissé l’âge requis pour y entrer à 14 ans, remettant en cause le principe de la scolarité obligatoire jusqu’à 16 ans. Parallèlement on assiste à la dégradation à grande vitesse de l’enseignement professionnel. Un cap a été franchi en 2008, quand la préparation du bac pro a été réduite de 4 à 3 ans, entraînant dans la foulée la suppression du BEP. Depuis, c’est la descente aux enfers : l’enseignement professionnel aurait perdu 3 340 équivalents temps plein depuis 2012 tandis que le SNUEP-FSU estime à 10 000 le nombre de postes de PLP supprimés en 10 ans. Depuis 2014, les crédits pédagogiques affectés au fonctionnement des lycées pros ont baissé de 30%.

Les Échos 5 octobre 2016 citait un rapport de l’OCDE : « en 2015, 1,8 million de jeunes de 15 à 29 ans qui avaient quitté le « monde éducatif » étaient chômeurs ou inactifs, cela représenterait 17% d’une classe d’âge et 270 000 jeunes de plus qu’en 2007 ». Pour l’auteur, le moyen de résoudre efficacement le chômage c’est l’apprentissage, « mais en France le développement de l’apprentissage a essentiellement bénéficié à des jeunes qui ont déjà un premier diplôme ». Et de prôner : « le préapprentissage (…) pour faire accéder à l’apprentissage les jeunes les plus défavorisés ». Un jeune peut entrer en préapprentissage à partir de 15 ans : aucun salaire ne lui est alors dû s’il a moins de 16 ans, et entre 16 et 18 ans, il a droit à 22,5% du SMIC alors qu’il travaille 2 semaines sur 3 en entreprise !

La génération à 500 euros

Car la précarité ce n’est pas seulement les CDD, c’est aussi les stages et autres emplois sans protection sociale ni contrat de travail qui n’ont même pas les caractéristiques du salariat. Un stagiaire ne reçoit pas de salaires mais une gratification - si son stage dure plus de deux mois - qui s’élève à 554,40 € pour 35h par semaine, soit 3,6 €/heure !

En 2013, Génération précaire dénonçait l’explosion des stages. Selon son estimation, depuis la crise de 2008, leur nombre aurait doublé, passant de 800 000 en 2006 à 1,5 million en 2011.

Une de ses porte-parole expliquait : « Les universités restent très discrètes sur ce sujet, car de nombreux établissements donnent des conventions de stage contre argent sous la forme de formations dites “d’approfondissement et de professionnalisation“. En gros, vous payez un millier d’euros pour vous inscrire à l’université dans le seul but de faire des stages. »

« C’est très pratique pour eux : moins de professeurs à payer, de salles de cours à prévoir, de séminaires à organiser. Beaucoup de masters professionnels universitaires demandent maintenant à leurs étudiants de faire six mois de stage. »

Et de citer les grands secteurs qui profitaient de cette main-d’œuvre bon marché surtout l’été : le milieu de la presse, des medias de la culture, les grands magasins et tout le secteur de la vente en général, le tourisme, les centres de loisirs et… les banques.

En juillet, l’instauration d’un service civique obligatoire est introduite via un amendement surprise d’une partie des députés du PS au projet de loi « égalité et citoyenneté ». Il serait décomposé en parties. D’abord 3 mois de « classe républicaine », l’année des 18 ans de juillet à septembre ; 3 mois de bourrage de crâne de l’idéologie bourgeoise.

Puis viennent les travaux pratiques de l’exploitation capitaliste : avec 6 mois de travail entre 18 et 25 ans. L’indemnité actuelle du service civique est de 467,34 € net par mois pour une moyenne de 35h mais avec une amplitude de 24 à 48h !

Cet amendement qui avait été accepté en première lecture - avec les voix du PCF - été retiré dans la version soumise au Sénat le 4 octobre. Dans un communiqué, l’UNEF supplie les sénateurs de ne pas le réintroduire. Mais ce n’est que partie remise ; le site du gouvernement le rappelle : « le 11 janvier 2016, il [François Hollande] émet le vœu depermettre à tous les jeunes de faire cette expérience”. ”D’ici 3 ans, le service civique devra accueillir la moitié d’une classe d’âge”, avant d’aller vers une généralisation à toute une génération au-delà de 2020. »

En 2009, la jeunesse grecque, qui fut la première en Europe à subir les effets de la crise ouverte en 2008, se révoltait en scandant « nous ne serons pas la génération à 700 € ! ». Aujourd’hui on peut parler en France d’une génération à 500 €, 40% du SMIC et bien en dessous du seuil de pauvreté (840 €/mois pour une personne seule). Cela permet de mesurer combien les conditions d’existence de la jeunesse en Europe et particulièrement en France se sont dégradées depuis 2008.

Les objectifs fondamentaux de la bourgeoisie :
détruire l’université contre le droit aux études, le droit à une qualification

L’enseignement supérieur public dans sa forme présente est devenu intolérable pour l’impérialisme français. Non seulement à cause de son coût, mais plus encore parce qu’il continue de délivrer des diplômes nationaux reconnus par les conventions collectives qui sont des obstacles à la baisse de la valeur de la force de travail de l’ensemble du prolétariat, à commencer par celle de la jeunesse.

A l’heure du capitalisme parvenu à son stade impérialiste, il n’est ni dans l’intérêt de la bourgeoisie, ni dans la logique du fonctionnement du capitalisme d’élever les qualifications techniques, le savoir-faire et les conditions d’existence matérielle de la grande majorité de la jeunesse, force de travail en devenir.

C’est ce qu’exprime Fondapol - « think thank libéral » qui compte L. Parisot, ex-dirigeante du MEDEF - dans une étude publiée en 2014 : « Le nombre de bac + 5 délivrés est deux à trois fois supérieur à ce que le marché du travail est en mesure d’absorber ». Et les jeunes diplômés ont de plus de mal à trouver du travail à leur niveau de qualification.

On peut reprendre mot pour mot cet extrait d’une brochure Université et capitalisme publiée par l’Alliance des Jeunes pour le Socialisme, organisation de Jeunesse de l’OCI, en 1971 :

« La mise en place de l’automation, dans le mode de production capitaliste, c’est la destruction gigantesque de force de travail, le rejet du travail vivant, la transformation du temps libre en un temps improductif parallèlement au surtravail de ceux qui ont encore le bonheur de trouver acquéreur de leur force de travail déqualifiée ». (…)

Les choses sont simples : si le corps professoral est déqualifié, si l’université produit des chômeurs diplômés, il y a pour remédier à cet état de choses deux solutions : soit la création d’emplois correspondant au niveau de qualifications, en réduisant le temps de travail, etc., ce qui nécessiterait une révolution, un changement radical des relations sociales, soit l’interdiction à un haut niveau de qualifications.

La déqualification professionnelle est ainsi présentée comme une surqualification de la force de travail. Supprimez les diplômes, chassez les étudiants des universités et vous n’aurez plus au bout du compte cette masse de jeunes gens qui ne trouve pas de travail à leur niveau de qualification. Ou bien si cette solution est délicate à faire admettre, déqualifiez les enseignements, abaisser le niveau culturel des facultés et vous obtiendrez un résultat équivalent. Il suffisait d’y penser. »

On peut dire qu’à travers leurs différentes lois - LRU, Fioraso, LMD, professionnalisation des licences, sélection en master… -, les gouvernements bourgeois qui se sont succédé ont tiré toutes les ficelles pour avancer vers la liquidation du droit aux études et à une qualification.

Et, à l’heure de la crise récurrente du mode de production capitaliste, c’est une nécessité pour la bourgeoisie de remettre ces acquis en question. S’il y a eu afflux de jeunes dans les universités à compter des années 50, ce n’est nullement parce que cela correspondait à un besoin de qualification de l’économie capitaliste. C’est en raison du rapport de forces entre les classes au sortir de la guerre favorable à la classe ouvrière qui a imposé, au même titre que la Sécurité sociale et la construction massive d’hôpitaux, la participation massive des enfants des classes populaires à l’enseignement secondaire et son prolongement avec l’accès à l’enseignement supérieur. Et cette période historique particulière de reconstruction de l’Europe, après une purge de capital sans égale dans l’histoire réalisée lors de la Seconde guerre mondiale, permettait à la bourgeoisie de concéder ces droits sans trop de difficultés (tout en exploitant d’une main de fer les peuples qu’elles dominaient). Aujourd’hui, alors que la crise reprend de plus belle, c’est une nécessité pour la classe des capitalistes de laminer tous ces acquis.

Vider les diplômes de leur valeur

Depuis 2004 s’applique la réforme LMD qui visait à supplanter des diplômes de niveau BAC+4 (la maîtrise jusqu’en 2003) par des diplômes BAC+5 (type master). Mais l’une des conséquences de cette réforme a été l’introduction massive des stages dans les cursus universitaires. D’après les statistiques du ministère, un tiers des 1,2 million d’étudiants inscrits à l’université en 2014-2015 a fait un stage avec des proportions variant selon les formations. En licence professionnelle, elle concerne environ quatre étudiants sur cinq et trois étudiants sur quatre dans les formations d’ingénieurs. Les stages sont aussi très répandus en DUT (près de deux étudiants sur trois). Dans les formations de licence générale, 15 % des étudiants ont fait un stage, mais en master, c’est le cas de plus d’un étudiant sur deux.

 

C’est pourquoi la hausse du niveau des diplômes n’a pas augmenté celui des études. Et cela est d’autant plus vrai avec la montée en puissante des voies dites « professionnalisantes » où les stages couvrent une grande partie de l’année universitaire.

Voilà ce que promet d’être le « droit » à une formation, pour les étudiants recalés à l’entrée du master de leur choix, et négociée par l’UNEF dans l’accord du 4 octobre.

La fondation patronale déjà citée veut d’aller jusqu’au bout de cette professionnalisation en préconisant carrément de remplacer le « droit aux études » par un « droit à l’insertion professionnelle ». Et les désirs du patronat sont entendus !

Ainsi, le gouvernement a lancé mardi 4 octobre 2016 « une concertation sur l’insertion professionnelle des jeunes » « en vue de l’ouverture possible d’une négociation interprofessionnelle sur l’insertion des jeunes dans l’emploi ». UNEF, CGT, FO, tous y participent. A ce propos, la direction de la CGT proclame : « La CGT revendique une réelle politique d’insertion professionnelle, sociale et sociétale des jeunes. »

Les directions syndicales participent activement à cette mystification : stages, apprentissage,… c’est sous couvert de formation, au nom de l’insertion professionnelle que se propagent la précarité et la surexploitation de la jeunesse.

Et étant donné que la bourgeoisie n’a pas besoin d’élever le niveau général de qualification de la jeunesse, les milliards d’euros dépensés dans le financement des universités lui sont absolument insupportables.

Expulser les étudiants des universités

Malgré leurs efforts constants, tous les gouvernements de la Ve République, depuis son instauration en 1958, n’ont pas réussi dans leur tentative d’organiser la sélection à l’entrée de l’enseignement supérieur. Le nombre d’étudiants a progressé de façon constante, passant de 400 000 en 1968 à plus de deux millions en 1987, avec un ralentissement notable à la fin des années 90. Significativement, les effectifs sont repartis à la hausse à partir de la rentrée 2008. Il y a plusieurs facteurs, mais la volonté d’échapper au fléau du chômage a joué son rôle. Les statistiques le prouvent, le diplôme apparaît comme l’un des remparts le plus sûr. D’après le Céreq (Centre d’Etude sur les qualifications) : « Si les diplômés de l’enseignement supérieur connaissent un taux de chômage de 13 % trois ans après, il est de 26 % pour ceux qui n’ont pas dépassé le secondaire, et de 50 % pour ceux qui sont sortis du système éducatif sans diplôme. » Au sein même du supérieur, « la seule licence protège mal du chômage. Le master beaucoup mieux. A ce niveau, le taux de chômage tombe à 10 % et même à 4 % pour les écoles d’ingénieurs. Quant aux docteurs, seuls 6 % sont sans emploi. »

Aujourd’hui, il y a 2,5 millions d’étudiants dans l’enseignement supérieur, mais 1 million d’entre eux ne dépendent pas du ministère de l’Enseignement supérieur. Cet écart se creuse et c’est dans ce créneau que prospère l’enseignement privé où sont inscrits près de la moitié de ces étudiants : c’est le cas de 99,2% des écoles de commerce et de gestion !

Étrangler les universités jusqu’à la faillite

Les lois LRU (2007) décidées par Sarkozy puis approfondies par le gouvernement Hollande avec la loi Fioraso (2013) – alors même que celui-ci recueillit le vote massif des personnels de l’ESR (Enseignement supérieur recherche)et de la jeunesse pour en finir avec la politique de Sarkozy-Pécresse - ont consacré le désengagement financier de l’État. Elles ont rendu autonomes les universités, donné des pouvoirs accrus aux présidents d’université et renforcé la présence de patrons dans les CA (Conseils d’administration). Elles ont enclenché un processus de recomposition vers des grandes universités régionales conduisant de fait à une université à plusieurs vitesses, et à la liquidation pure et simple d’établissements du supérieur.

En vertu de la RCE (Responsabilité et compétence élargie), les universités gèrent dorénavant la masse salariale. Ce transfert s’est fait en sous-dotant notoirement les universités et en leur ajoutant des charges supplémentaires. L’ESR a même vu son budget baisser en euros constants depuis 2009, alors que le nombre d’étudiants augmentait de 180 000 ! Conséquence, les établissements universitaires ont gelé les postes de titulaires qui se libéraient (7 150 emplois détruits depuis 2009), pour les remplacer par des cohortes d’emplois précaires qui représentent aujourd’hui près de 33 % des salariés de l’ESR. Quant aux 5 000 postes promis par Hollande, ils n’ont jamais vu le jour : il s’agissait de simples « autorisations d’ouverture de postes », les universités ont utilisé cette masse salariale pour abonder leur budget de fonctionnement et gérer l’urgence.

Cette situation est illustrée par l’Université de Bourgogne (UCB), où l’annonce mi-juillet d’un plan de réduction des formations pour la rentrée a provoqué la colère des étudiants et des personnels. Ils dénoncent la suppression de 35 000 heures dans les formations - en plus de celles des années antérieures -, la baisse de 36% des crédits de fonctionnement. Ainsi, la filière Lettres classiques, qui avait déjà multiplié les mutualisations, supprimé 30% des heures, s’est vu tout bonnement supprimée (comme le master d’Histoire moderne, la musicologie) et transformée en option du cursus de Lettres modernes. Le 19 octobre s’est tenu le Conseil d’administration de l’UCB sous haute surveillance – très encadré par la police. Il se protégeait d’une délégation d’étudiants et de personnels venus pour dire leur refus d’un plan d’économie drastique qu’il voulait leur imposer.

Dijon, Toulouse ou Orléans qui ont fait l’actualité ne sont que la partie visible de l’iceberg. « Nous ne cessons de faire des économies, dénonce Jean-Christophe Marcel, professeur de sociologie en Bourgogne, mobilisé dans le collectif Université debout. En ne remplaçant pas les départs de personnels, en remplissant les TD à ras bord… Mais nous arrivons au bout : l’offre de formation est désormais menacée. Des masters risquent de fermer, des licences n’auront plus le nombre d’heures minimum. Ce sont des diplômes au rabais que nous allons délivrer. » C’est bien là l’objectif !

Une sélection qui ne dit pas son nom et qui touche en premier lieu les jeunes issus des classes populaires

Amphis surchargés, pénurie d’encadrement, désorganisation, cette asphyxie financière a mécaniquement conduit à l’exclusion massive des étudiants. Les premiers touchés ce sont ceux qui doivent cumuler leurs études avec un emploi salarié, ceux qui viennent des couches populaires.

En effet, une part importante de la croissance du nombre d’étudiants est liée à celle des bacheliers. Et si cette augmentation s’est faite au profit des jeunes d’origine sociale défavorisés, ce sont surtout dans les filières professionnelles et technologiques. Ainsi en 2015, 40 % d’une génération obtenait un bac général, 16% un bac technologique et 22,3% un bac professionnel.

Or la filière du bac est déterminante pour la réussite à l’université : « près de la moitié des bacheliers généraux obtiennent leur licence en trois ou quatre ans, tandis qu’ils sont 10 à 15 % chez les bacheliers technologiques, et moins de 6 % pour les bacheliers professionnels. Tout simplement parce que les bacheliers généraux y sont mieux préparés. » (Le Monde du 15/10/2014).

Ces jeunes bacheliers des filières pros ou techniques sont plus souvent boursiers et nombre d’entre eux perdent très vite pieds. Ils sont dénoncés comme de « faux étudiants » « qui rendent copies blanches ». En réalité pour la grande majorité, ils ont tout simplement rapidement compris que leur espoir de diplômes était un leurre car leur bac ne les avait absolument pas préparés pour les études supérieures et qu’ils n’avaient aucune chance.

Ce que veut la bourgeoisie : une université sélective et payante

Le programme de la bourgeoisie est clair : dans tous les programmes de ses candidats aux élections présidentielles de 2017 figure l’objectif à plus ou moins long terme d’une université sélective et payante. Mais tout comme pour le master, les CA des universités ont devancé les contre-réformes.

En juillet, l’UNEF dénonçait le fait que déjà 76 % des universités françaises pratiquent la sélection l’entrée en licence alors même que c’est illégal. Le 15 novembre, la direction de Montpellier 3 annonçait des quotas d’accueil à l’entrée en licence dans 11 filières.

Quant aux frais d’inscription, d’après le site Médiapart : « à l’Université Paris-Dauphine, pionnière en la matière, en Master [ils] peuvent s’élever jusqu’à 6 050 € et c’est désormais au tour des frais d’inscription en licence de sortir de la tarification nationale. Elles coûteront à la rentrée 2016-2017 jusqu’à 2 200 € l’année. Dans les universités, les « masters internationaux » ont le droit de déroger à la tarification nationale. Dans la toute nouvelle Université Paris-Saclay, regroupant les établissements du Sud parisien dans le but de gagner le haut du classement de Shanghai, les formations de niveau master peuvent ainsi être facturées entre 6 000 et 8 000 euros. »

 « On pourrait multiplier les exemples, illustrant un fait central : les frais d’inscription explosent par la bande, sans tambour ni trompette, mais surtout sans débat national. S’il en est ainsi, c’est que la politique tarifaire, comme l’ensemble de la politique d’enseignement supérieur et de recherche, se développent autour d’une organisation de l’enseignement supérieur à deux vitesses, en reléguant au second plan le cadre national commun au bénéfice des écoles et formations élitistes. »

Hollande et ses gouvernements, avec à la manœuvre la très réactionnaire CPU, ont posé les jalons de cette université payante et sélective, la seule conforme aux intérêts du capital.

Mater la jeunesse, en faire une des premières cibles de la marche vers l’état policier

Reste qu’aujourd’hui il y a plus de deux millions d’étudiants, dont la bourgeoisie a pu mesurer à plusieurs reprises qu’il s’agit pour elle d’une charge explosive qu’elle doit s’efforcer de désamorcer. Mai-68, loi Devaquet (1986), Smic jeune (1995) ou encore CPE (2006), elle n’a pas oublié : par ses combats, la jeunesse a largement contribuer à infliger des défaites mémorables à la bourgeoisie sous la Ve république.

La jeunesse est une menace permanente pour la bourgeoisie car c’est elle qui a le plus à perdre au prolongement de l’agonie du capitalisme, ou inversement, c’est elle qui a le plus à gagner à renverser et détruire les rapports sociaux propres au mode de production capitaliste. Par ailleurs, la jeunesse est moins encline au défaitisme, en ce sens qu’elle n’a pas eu à subir trop de coups et de défaites, et qu’elle est moins soumise au contrôle des directions syndicales. C’est ce que résume parfaitement cette phrase de K. Liebknecht : « La jeunesse est la flamme de la révolution dont le foyer est la classe ouvrière. ». Ce lien est fondamental. Et c’est ce lien que les appareils ont cherché à interdire par tous les moyens lors du mouvement contre la loi El Khomri.

Cette angoisse et cette méfiance récurrentes de la bourgeoisie à l’endroit de la jeunesse, Hollande l’a bien traduite dans les colonnes du Monde cet été à propos de la mobilisation contre la loi travail : « je n’ai pas senti une déferlante, avec une indication pour moi très importante, les jeunes, il y a eu des jeunes dans le début du mouvement. Ils n’y sont pas restés, on n’a pas eu de décrochage, de blocage de lycées et ça change tout la présence de jeunes. La figure de ce mouvement, c’est Martinez, il n’y en a pas d’autre. ».

C’est pourquoi la jeunesse est une des premières cibles de la marche vers l’état policier. Le renforcement des dispositifs sécuritaires et le durcissement de l’arsenal juridique et policier à l’œuvre a une raison fondamentale : la nécessité de mettre au pas les travailleurs et la jeunesse. La crise du capitalisme exige, et continuera d’exiger, de porter des coups violents contre les droits et les acquis les plus élémentaires, et nul doute que la jeunesse se trouvera en première ligne pour résister et combattre.

Sont particulièrement visés les jeunes issus de l’immigration et vivants dans les banlieues, ceux-là même qui sont les plus touchés par le chômage, la précarité, l’exclusion et le racisme. Ceux-là même qui subissent le harcèlement quotidien de la police et les contrôles au faciès pour lesquels l’État vient d’être officiellement condamné. Hautement significatifs sont l’assassinat d’Adama Traoré cet été, que le pouvoir a tenté de camoufler honteusement, et l’interdiction de la manifestation qui a suivi, pourtant dûment déclarée. A présent, le pouvoir veut faire taire cette famille avec le placement en détention provisoire de deux frères d’Adama Traoré dans ce qui ressemble à une manipulation policière et une farce juridique.

La répression sur les campus ne s’est pas arrêtée avec le combat contre la loi El Khomri. Depuis la rentrée, les étudiants croisent vigiles, militaires, policiers sur leur campus qui peuvent les contrôler sous n’importe quel prétexte. Le gouvernement a même donné la consigne aux universités de piquer dans le fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHP) pour financer les sociétés de vigiles !

En Europe, partout, le droit aux études est attaqué

Selon un rapport de l’Association des universités européennes (EUA) : « Augmentation des droits d’inscription des étudiants étrangers ; baisses des investissements dans les infrastructures ; coupes dans la masse salariale ; diminution du financement de la recherche : les universités européennes sont mises à rude épreuve depuis la crise de 2008 ». (Le Monde du 10/10/2016)

Ainsi en Espagne : « Depuis le début de la crise, l’éducation publique a été l’un des secteurs les plus touchés par les coupes budgétaires. En seulement quatre ans, 134 000 étudiants et étudiantes ont été exclus de l’université du fait des frais d’inscriptions, qui ont augmenté parfois jusqu’à 66% depuis 2012. Plus de 30 000 professeurs ont été licenciés, et parmi ceux qui ont pu garder leur poste, la majorité travaille dans des conditions précaires et sans garantie pour leur futur », lit-on sur le site de Révolution permanente-NPA.

Rajoy, à peine réinvesti par le Parlement espagnol, a annoncé son intention de mettre en vigueur les lois qu’il avait fait approuver lorsqu’il était premier ministre : la LOMCE (Loi organique sur la réorganisation de la l’éducation) à l’image de la LRU et les » revalidas », c’est-à-dire un système de sélection à la fin de l’enseignement primaire, secondaire et post-secondaire à l’image de celui en vigueur sous la dictature de Franco. Le 26 octobre, des dizaines de milliers d’étudiants et de lycéens ont manifesté avec les professeurs, les parents d’élèves, pour exiger « Fuera las revalidas franquistas ! » avec une grève massivement suivie.

La colère qui s’est manifestée ce jour-là était nourrie du fait que le candidat du Parti populaire avait été investi grâce à l’abstention d’une partie du PSOE. Cette abstention avait été imposée au PSOE après une longue bagarre en son sein. Les militants avaient été jusqu’à manifester par milliers leur désapprobation devant les sièges du PS comme à Valence. CPS reviendra prochainement sur ces évènements.

La question des frais d’inscription est partout une question centrale dans la mesure où la sélection par l’argent est ressentie comme la pire injustice. Elle oblige les étudiants à s’endetter davantage et plus longuement. En Angleterre, elle finit par coûter plus cher à l’Etat que le financement public direct de l’université. Aux Etats-Unis, elle est revendue en tranches sur les marchés financiers, menaçant d’être à l’origine d’une nouvelle crise des subprimes.

La gratuité de l’université est devenue une revendication fondamentale pour la jeunesse dans de nombreux pays. Il en est ainsi en Afrique du Sud où les universités sont publiques, mais l’inscription coûte un minimum de 2 000 à 3 000 €. Autant dire que l’accès à l’université reste très difficile à la jeunesse noire. Vingt ans après la fin officielle de l’apartheid, les privilèges économiques de la minorité blanche ont été préservés et les conditions d’existence des masses noires n’ont pas changé.

A l’annonce d’une augmentation de 8%, les étudiants se sont aussitôt mobilisés. Ils rejettent toute augmentation et demandent la gratuité de l’éducation qui fait partie de la Chartre des libertés, une des références historiques du mouvement noir, signée en 1955 par les principales forces opposées à l’apartheid, dont l’ANC et les syndicats d’alors.

La police a dispersé les cortèges en tirant des balles en caoutchouc comme sur des campus de Johannesburg et de Grahamstown, elle a procédé à des arrestations.

Le recours systématique aux violences policières, la politique du gouvernement en matière d’éducation ont une véritable portée historique dans ce pays. C’est l’introduction de l’Afrikaans comme langue d’instruction en 1976 qui avait été l’élément déclencheur de l’insurrection de Soweto. Cette rébellion est considérée comme le moment où toute une nouvelle génération s’est dressée contre l’apartheid. Ce lien, le mouvement des étudiants d’aujourd’hui le revendique, alors qu’il intervient dans un contexte de regain de l’activité du prolétariat noir sur le terrain de la lutte des classes directe en cherchant à se dégager de la tutelle de l’ANC (voir les articles de CPS n° 49 et 50 sur la grève des mineurs de 2012).

Quelle issue ?

Tout est fait pour inculquer à la jeunesse qu’elle n’a pas d’autre issue que d’accepter les conséquences de la crise qui ravage les économies, qui fait ployer les populations sous d’immenses dettes dont se repaît le capital financier ; qu’elle n’a pas d’autre choix que d’accepter cette société qui veut lui interdire le droit aux études et lui réserve un avenir de précarité pour une grande partie d’entre elle, cette société qui écarte des millions de travailleurs du droit à l’emploi, qui rejette les migrants, qui n’offre aucune perspective positive et dont le fonctionnement menace la vie sur terre, cette société qui réprime toujours plus durement les tentatives de résistance.

Les besoins des masses sont immenses et ne devraient pas attendre. Il est nécessaire d’organiser la société en planifiant la production de manière à les satisfaire - recruter massivement, sur des postes à statuts, des infirmières, des enseignants, etc. Il est indispensable d’interdire les licenciements, le travail précaire, de diminuer le temps de travail de façon à permettre à tous de travailler.

Seul un gouvernement ouvrier, s’appuyant sur l’organisation des travailleurs et de la jeunesse peut s’engager sur cette voie, un gouvernement qui ne plie pas devant les exigences des capitalistes, qui s’engage dans la voie de l’expropriation des grands groupes, des banques, des spéculateurs, pour mettre fin aux conditions d’existence sans cesse dégradées de la majorité de la population, c’est-à-dire un gouvernement qui n’hésite pas à s’engager sur la voie du socialisme.

Mais pour ouvrir cette issue, il est indispensable de construire la seule arme dont puissent disposer les travailleurs, la jeunesse, dans cette société, celle d’un parti ouvrier révolutionnaire, celle d’une organisation révolutionnaire de la jeunesse.

La jeunesse, en particulier sa partie étudiante, jouera un rôle essentiel dans ce combat. Le Programme de transition ou l’agonie du capitalisme et des tâches de la IVe Internationale, écrit par Léon Trotsky, souligne : « La rénovation du mouvement se fait par la jeunesse, libre de toute responsabilité pour le passé. La IVe Internationale prête une attention exceptionnelle à la jeune génération du prolétariat. Par toute sa politique, elle s’efforce d’inspirer à la jeunesse confiance dans ses propres forces et dans son avenir. Seuls, l’enthousiasme frais et l’esprit offensif de la jeunesse peuvent assurer les premiers succès dans la lutte ; seuls, ces succès peuvent faire revenir dans la voie de la révolution les meilleurs éléments de la vieille génération. Il en fut toujours ainsi, il en sera ainsi. »

Sur quelle orientation combattre aujourd’hui ?

Sur cette perspective, il faut qu’une organisation révolutionnaire de la jeunesse se construise. Ce combat inclus celui pour que les étudiants aient un syndicat à leur service pour se défendre, défendre leur droit aux études. De ce point de vue, en France, la place de l’UNEF est incontournable. Combattre à l’université contre la sélection passe par exiger que l’UNEF rompe avec le gouvernement organise le combat pour l’affronter et le vaincre :

● pour le retrait du projet de loi instaurant la sélection à l’entrée du master, et pour que l’UNEF dénonce l’accord du 4 octobre qu’elle a signé ;

● pour l’abrogation du décret instaurant la sélection à l’entrée du master 2 ;

● pour la garantie du droit aux études, pour la gratuité de l’enseignement, contre toute sélection à l’entrée l’université.

Le combat à l’université contre la mise en place de l’état policier inclut celui pour imposer à l’UNEF qu’elle assume ses responsabilités de syndicat étudiant : participer activement à la construction un front uni avec les organisations syndicales des enseignants et des personnels pour :

● Halte à la répression policière ! Les flics et les vigiles hors des campus !

● Pour le droit de manifester !

● Levée immédiate de l’état d’urgence !

● Pour l’abrogation des lois policières et de toutes les lois racistes et xénophobes !

 

Adama Traoré est une victime de cet état policier, 1500 jeunes, issus de l’immigration en avant-garde de ce mouvement, ont manifesté pour que la justice soit faite. Ses deux frères sont arrêtés. C’est l’affaire de toute la jeunesse et donc de l’UNEF :

● Justice pour Adama Traoré, tous les coupables doivent être condamnés !

● Libération de ses deux frères !

 

C’est le combat pratique pour une organisation révolutionnaire de la jeunesse. C’est dans ce combat pour la défense de la jeunesse qu’une telle organisation pourra se construire. C’est ce que proposent aux étudiants les militants qui diffusent Combattre pour le socialisme.

 

Le 28 novembre 2016

 

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 [A1]A reformuler.