Article
paru dans le bulletin « Combattre
pour le socialisme » n°63
(n°145 ancienne série) ‑ 7 décembre 2016 :
Liquidation du droit aux études et à une
qualification, surexploitation, chômage, répression...
La jeunesse est face
à une offensive de plus en plus violente :
comment faire front ?
La sélection à l’entrée du
master : une attaque majeure contre la jeunesse étudiante
Le 4
octobre, le gouvernement est parvenu à un accord sur l’instauration de la
sélection à l’entrée du master, accord qui associe la CPU (Conférence des Présidents
d’Université) ainsi que les organisations syndicales enseignantes, notamment le
SNESUP FSU, et étudiantes telles que l’UNEF et la FAGE. Pour accélérer la
procédure législative, le gouvernement a utilisé une proposition de loi déposée
par un sénateur UDI. Le 26 octobre, celle-ci était adoptée à l’unanimité par le
Sénat, le PCF s’abstenant. Elle modifie
le code de l’Education en
instituant :
- la sélection à l’entrée du
master 1, subordonnée aux capacités d’accueil décidées par les établissements,
- la possibilité d’une
sélection à l’entrée du master 2, s’il n’y a pas eu de sélection en master 1,
- le « droit » pour
tout étudiant qui n’aurait pas été sélectionné au master de leur choix de se
voir proposer une formation de deuxième cycle (aucune garantie que cela ouvre
la porte au diplôme du master !).
Cette
loi sera soumise prochainement à l’Assemblée. C’est donc tambour battant
et dans la plus grande discrétion que le gouvernement, avec la complicité
totale des dirigeants des principaux syndicats des étudiants et des
universitaires, mène cette offensive majeure contre la jeunesse étudiante (voir
notre supplément CPS dans ce numéro).
Mais si cela a été possible, c’est que la défaite sur la loi El Khomri pèse sur
la jeunesse, comme sur l’ensemble des travailleurs, d’autant plus que celle-ci
a engagé le combat en éclaireur contre cette loi.
La défaite sur loi El Khomri
a préparé le terrain
de l’offensive contre le droit aux études à travers la sélection en master
Sitôt
connu, ce projet de loi travail a suscité l’indignation dans la jeunesse, ce
qu’a traduit la prise de position décisive de l’UNEF. Le 19 février, sa
direction affirmait : « L’UNEF
exige le retrait du projet de la loi El Khomri. C’est un préalable avant
toute discussion sur les véritables attentes de la jeunesse ».
Le 28 février, les organisations de jeunesse, dont
l’UNEF, le MJS
et la JC, se prononçaient pour le retrait de ce projet de
loi et appelaient « à une journée
d’actions et d’initiatives le mercredi 9 mars, à l’occasion du passage du
projet de la loi travail en Conseil des ministres. » Ce faisant, elles
indiquaient, bien que timidement, la voie : celle du combat pour affronter
le gouvernement. Pour le vaincre, il fallait aller par millions au siège du
pouvoir, là et quand cela se décide. Appeler à une telle manifestation était la
responsabilité des dirigeants de la CGT, de FO, de la FSU et de l’UNEF. C’est
ce qu’ils ont refusé de faire jusqu’au bout, menant à la défaite.
Mais à
ce moment, l’indignation dans la jeunesse, les réactions vives dans les
syndicats, en particulier dans la CGT, la prise de position des organisations
de jeunesse, ont contraint les dirigeants de la CGT, de FO et de la FSU à se
prononcer pour le retrait du projet de loi. Le 3 mars, ils annoncent qu’ils
soutiennent « les mobilisations du 9
mars » et appellent
« l’ensemble des salariés du public et du privé à se mobiliser ensemble
par toutes les formes »… le 31 mars !
La
mobilisation du 9 mars est marquée par une forte présence de la jeunesse
étudiante et lycéenne. A ce moment-là, les assemblées générales étudiantes connaissent
une participation limitée. Néanmoins, dans plusieurs universités (Lille, Paris
8, Montpellier, Rennes 2), elles rassemblent plusieurs centaines d’étudiants.
En 2006, les débuts du mouvement contre le CPE étaient tout à fait semblables.
Autrement dit, il y avait un potentiel. Qu’en est-il advenu ?
Isolée, la jeunesse subit la
répression dans les manifestations et sur les campus…
Les 17
et 24 mars, il y a eu les manifestations de jeunes, mais elles n’ont pas eu le
caractère de celles du 9 mars parce que les directions confédérales, d’abord
celle de la CGT, qui donnait le la, avaient décidé que rien ne se passerait
avant le 31 mars, veille des vacances scolaires. Cet isolement de la jeunesse a
permis au gouvernement de répondre par la violence policière délibérée.
Les
forces de l’ordre vont réprimer avec l’emploi d’armes de guerre dans le
maintien de l’ordre (les fameux lanceurs de balle LBD ou encore les grenades désencerclantes), provocations et infiltrations des
cortèges de jeunes, intimidations pour interdire les manifestations lycéennes,
arrestations brutales et gardes à vue prolongées, mises en examen, comparutions
immédiates avec condamnations à la prison ferme. Des manifestants, des jeunes
principalement, sont blessés, parfois littéralement mutilés, mais le plus
souvent tout simplement… terrorisés à la suite de ces manifestations.
Mais ce
qui prend une tournure nouvelle, ce sont les fermetures de facultés, les
interventions massives des CRS et des brigades anti-criminalité (BAC) aux
abords et sur les campus. Les étudiants étaient habitués à être réprimés dans
les manifestations, mais rarement ils n’avaient eu maille à partir avec la
police sur leurs campus. Cela en vertu de la « franchise
universitaire » qui date… du Moyen Âge ; les forces de l’ordre ne
peuvent entrer dans un domaine universitaire que sur la réquisition du président.
A la faveur de l’état d’urgence, les présidents d’université n’hésitent plus,
dès que leur pouvoir, et/ou celui du gouvernement, est remis en cause, à
bafouer cette liberté d’opinion presque millénaire.
Ainsi
le 17 mars, 200 CRS et 50 membres de la BAC sont déployés sur le site de Paris
I Tolbiac. Il sera fermé pour plusieurs jours au moment même où une coordination
étudiante, qui tentait de se mettre en place, était convoquée sur ce site. Le
24 mars à Caen, la BAC investit librement le campus, arrête un étudiant. Une
vidéo montre l’évacuation musclée de la faculté. Idem à Strasbourg le 31
mars ; etc.
… avec la complicité des
appareils syndicaux
La
journée du 24 mars est tout à fait symbolique de la complicité des appareils
syndicaux. Le matin, des lycéens qui manifestaient devant le lycée Bergson à
Paris ont été brutalisés par la police. Un policier a été filmé frappant
violemment un jeune de 15 ans.
Dans
l’après-midi se déroule une manifestation. Un militant CGT présent témoigne
dans un texte intitulé « cette CGT
n’est pas la mienne ». Il explique comment le gros du cortège
constitué de lycéens et d’étudiants a été séparé du cortège syndical CGT par
ses « gros bras » du SO (service d’ordre), sous le prétexte qu’il
s’agissait de « casseurs ». Ils ont permis à la police de gazer
copieusement les jeunes manifestants et d’arrêter ceux et celles qu’elle
jugeait trop virulents. Ce scénario se reproduira de nombreuses fois ;
d’autres techniques pour isoler les jeunes manifestants ont été utilisées par
les appareils, comme déclarer la dissolution d’une manifestation avant l’heure
prévue (exemple le 31 mars à Grenoble) ou avant que le but soit atteint
(exemple le 14 juin à Paris).
Le soir
même dans son communiqué, l’intersyndicale déclare : « les pouvoirs publics doivent garantir le
droit de manifester, à se réunir, à s’organiser, tout en assurant la sécurité
des manifestants ». C’était
donner un blanc-seing au gouvernement pour qu’il continue à réprimer et il ne
s’est donc pas privé d’assurer « la sécurité des manifestants » à sa
manière !
Dans
son compte-rendu du BDFN de la FSU du 4 avril, le représentant de Front unique
(FU) explique : « la secrétaire
générale a reconnu implicitement qu’il n’y avait pas eu de la part de la
direction fédérale de condamnation des violences policières. Elle a
indiqué : “on a raté quelque chose sur Bergson“ (sic) » Il n’empêche qu’elle a refusé la motion FU contre la
répression et pour la levée immédiate de l’état d’urgence, motion qui proposait
que la FSU organise avec la CGT, FO et l’UNEF la protection des mobilisations
de la jeunesse pour le retrait du projet de loi travail.
La responsabilité des
dirigeants de l’UNEF
Depuis
le 19 février, les dirigeants de l’UNEF ont dit tout et son contraire :
ils ont dit « aucune
négociation avant le retrait » mais dès le 11 mars, ils se rendaient
à une entrevue avec le gouvernement.
Dans
les AG, les « gauchistes », NPA, UEC, Solidaires Étudiants, les
« autonomes » en profitent pour développer un discours
« anti-orga » sous l’œil bienveillant des dirigeants de la CGT. La raison est
simple : toute action qu’ils organisent reste sagement dans le cadre fixé
par l’intersyndicale CGT, FO, FSU. [A1] A aucun moment, ils ne remettent
en cause la politique des dirigeants qui refusent d’affronter le gouvernement.
Tout cela arrange bien l’UNEF qui se fait la plus discrète possible. La liste
des revendications s’allonge, noyant ainsi l’exigence du retrait de la loi El
Khomri. Sans perspective réelle, les étudiants désertent les AG.
Le 31
mars, les manifestations ont été plus massives que le 9 mars, mais la
participation de la jeunesse sera moindre et essentiellement lycéenne. Le mouvement
contre la loi El Khomri connaîtra d’autres développements analysés dans les
éditos de CPS. Mais à part à une
frange minoritaire, la jeunesse restera hors-jeu.
Dès
lors, libérés de la pression qu’aurait exercée sur elle une mobilisation de
masse dans les universités, les dirigeants de l’UNEF ont les mains
libres : ils bafouent l’engagement pris le 19 février. Le 6 avril, ils
sont reçus par Valls alors que dans la rue l’appareil policier réprimait la
jeunesse avec brutalité. Martinet, son président, se livre à une véritable
apologie des mesures annoncées : « Ce
sont des mesures qui répondent aux préoccupations de la jeunesse ».
Quant à la loi El Khomri, il indique que « l’UNEF demeure solidaire de la mobilisation des
salariés... ». On ne saurait mieux dire que la jeunesse n’est pas
concernée. Ce n’est plus qu’affaire de « solidarité ».
Le gouvernement lance son
offensive pour la sélection en master
Le
gouvernement profitera immédiatement de ce point d’appui en annonçant un projet
de décret légalisant la sélection au terme de la première année de master pour
40% d’entre eux, et l’ouverture de 4 mois de concertation. La CPU s’engouffre immédiatement et déclare : « il faut passer très vite à l’étape 2 sur la
sélection dans tous les masters ». Elle avait mis carte sur table
le 28 janvier en déclarant : » Halte
à l’hypocrisie, la sélection en master existe, assumons-là ! »
Dans son
communiqué du 14 avril, la direction de l’UNEF répond : « le gouvernement vient de publier le décret
qui encadre les pratiques de sélection en master. (…) Le débat sur la sélection
en master est loin d’être clos ». « l’UNEF
conteste le cadre de la concertation annoncé par le Secrétaire d’Etat. (…)
Le débat sur lequel s’engage le gouvernement est glissant (sic) ». L’UNEF participera jusqu’au bout à ce
« débat » qui débouchera sur le compromis-trahison du 4 octobre. Le
décret sur la sélection en master 2 est promulgué le 27 mai 2016.
Le 23
juillet, la loi El Kohmri est définitivement adoptée par un nouveau coup de
force du gouvernement qui utilisera une nouvelle fois le 49 ter. La défaite est
consacrée.
A la
rentrée de septembre, les étudiants sont confrontés au projet de loi instaurant
la sélection à l’entrée du master.
La jeunesse, première
victime de la crise du capitalisme
Cette
attaque contre le droit aux études, à une qualification, via la sélection en master n’est pas la seule à laquelle la jeunesse
doit faire face. Chômage, précarité, privation de droits élémentaires sont
devenus le lot quotidien d’une fraction significative de la jeunesse. Ces
fléaux menacent de peser tout le long de l’existence des nouvelles générations,
et pas seulement au moment de leur entrée dans la vie active.
Cette
réalité est illustrée par ces chiffres extraits d’une étude de la Direction de
la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative : « Les jeunes constituent ainsi selon
l’INSEE la catégorie d’âge la plus vulnérable économiquement : en 2013, la
pauvreté concerne près d’un jeune sur cinq (le taux de pauvreté est de
19 % des 18-29 ans contre 14 % dans l’ensemble de la population
française). Les jeunes sont également confrontés à un taux de chômage plus élevé
que la moyenne. Au premier trimestre 2016, le taux de chômage au sens du BIT
chez les 15-24 ans s’élevait à 24 %, contre 10 % pour l’ensemble de
la population active ». La
même étude estime plus loin que » au
cours des douze derniers mois entre un jeune sur cinq et plus d’un jeune sur
quatre déclarent avoir renoncé pour des raisons financières aux différents
types de consultations et soins médicaux testés dans l’enquête. » Les
jeunes font aussi face à des conditions toujours plus dures d’accès au logement,
non sans relation avec le chômage et la précarité qui les frappent.
Les
chiffres de l’Observatoire des inégalités montrent combien cette précarité a
augmenté : « Le taux d’emploi
précaire des 15-24 ans est passé de 17,2 % en 1982 à 51,6 % en 2014.
Chez les adultes (25-49 ans), il a progressé de 2,9 % à 10,1 % et
chez les plus de 50 ans, il est passé de 2,3 % à 5,4 %. […] Un
phénomène essentiellement supporté par les plus jeunes : le taux de
précarité des 15-24 ans a augmenté de 17,2 % en 1982 à 47,3 % en
2000, alors qu’il passait de 2,9 % à 9,2 % chez les 25-49 ans. Pour
partie, cette évolution résulte de la progression de l’apprentissage, dont la
part est passée de 4 % à 16 % chez les 15-24 ans. » Ce
dernier point lève un coin du voile qui existe sur l’apprentissage : une
machine à précariser.
Pour le gouvernement, la voie privilégiée de la
formation professionnelle des jeunes est en effet l’apprentissage. En 2011, la
loi Cherpion a abaissé l’âge requis pour y entrer à 14 ans,
remettant en cause le principe de la scolarité obligatoire jusqu’à 16 ans.
Parallèlement on assiste à la dégradation à grande vitesse de l’enseignement professionnel.
Un cap a été franchi en 2008, quand la préparation du bac pro a été réduite de
4 à 3 ans, entraînant dans la foulée la suppression du BEP. Depuis, c’est la
descente aux enfers : l’enseignement
professionnel aurait perdu 3 340 équivalents temps plein
depuis 2012 tandis que le SNUEP-FSU estime à 10 000 le nombre de postes de PLP supprimés en 10 ans. Depuis 2014, les crédits pédagogiques affectés au
fonctionnement des lycées pros ont
baissé de 30%.
Les Échos 5 octobre 2016 citait un rapport de
l’OCDE : « en 2015, 1,8 million
de jeunes de 15 à 29 ans qui avaient quitté le « monde éducatif »
étaient chômeurs ou inactifs, cela représenterait 17% d’une classe d’âge et
270 000 jeunes de plus qu’en 2007 ». Pour l’auteur, le moyen de
résoudre efficacement le chômage c’est l’apprentissage, « mais en France le développement de l’apprentissage a
essentiellement bénéficié à des jeunes qui ont déjà un premier diplôme ».
Et de prôner : « le
préapprentissage (…) pour faire accéder à l’apprentissage les jeunes les plus
défavorisés ». Un jeune peut entrer en préapprentissage à partir de 15
ans : aucun salaire ne lui est alors dû s’il a moins de 16 ans, et entre
16 et 18 ans, il a droit à 22,5% du SMIC alors qu’il travaille 2 semaines sur 3
en entreprise !
La génération à 500 euros
Car la
précarité ce n’est pas seulement les CDD, c’est aussi les stages et autres
emplois sans protection sociale ni contrat de travail qui n’ont même pas les caractéristiques
du salariat. Un stagiaire ne reçoit pas de salaires mais une gratification - si
son stage dure plus de deux mois - qui s’élève à 554,40 € pour 35h par semaine, soit 3,6 €/heure !
En
2013, Génération précaire dénonçait l’explosion des stages. Selon son
estimation, depuis la crise de 2008, leur nombre aurait doublé, passant de
800 000 en 2006 à 1,5 million en 2011.
Une de
ses porte-parole expliquait : « Les
universités restent très discrètes sur ce sujet, car de nombreux établissements
donnent des conventions de stage contre argent sous la forme de formations
dites “d’approfondissement et de professionnalisation“.
En gros, vous payez un millier d’euros pour vous inscrire à l’université dans
le seul but de faire des stages. »
« C’est très pratique pour eux :
moins de professeurs à payer, de salles de cours à prévoir, de séminaires à
organiser. Beaucoup de masters professionnels universitaires demandent
maintenant à leurs étudiants de faire six mois de stage. »
Et de
citer les grands secteurs qui profitaient de cette main-d’œuvre bon marché
surtout l’été : le milieu de la presse, des medias de la culture, les
grands magasins et tout le secteur de la vente en général, le tourisme, les
centres de loisirs et… les banques.
En
juillet, l’instauration d’un service civique obligatoire est introduite via un amendement surprise d’une partie
des députés du PS au projet de loi « égalité et citoyenneté ». Il
serait décomposé en parties. D’abord 3 mois de « classe
républicaine », l’année des 18 ans de juillet à septembre ; 3 mois de
bourrage de crâne de l’idéologie bourgeoise.
Puis
viennent les travaux pratiques de l’exploitation capitaliste : avec 6 mois
de travail entre 18 et 25 ans. L’indemnité actuelle du service civique est de
467,34 € net par mois pour une moyenne de 35h mais avec une amplitude de 24 à
48h !
Cet
amendement qui avait été accepté en première lecture - avec les voix du PCF -
été retiré dans la version soumise au Sénat le 4 octobre. Dans un communiqué,
l’UNEF supplie les sénateurs de ne pas le réintroduire. Mais ce n’est que
partie remise ; le site du gouvernement le rappelle : « le 11 janvier 2016, il [François
Hollande] émet le vœu de ”permettre à tous les jeunes de
faire cette expérience”. ”D’ici 3 ans, le service civique devra accueillir
la moitié d’une classe d’âge”, avant d’aller vers une généralisation à toute une génération au-delà de
2020. »
En
2009, la jeunesse grecque, qui fut la première en Europe à subir les effets de
la crise ouverte en 2008, se révoltait en scandant « nous ne serons pas la génération à 700 € ! ».
Aujourd’hui on peut parler en France d’une génération à 500 €, 40% du SMIC et
bien en dessous du seuil de pauvreté (840 €/mois pour une personne seule). Cela
permet de mesurer combien les conditions d’existence de la jeunesse en Europe
et particulièrement en France se sont dégradées depuis 2008.
Les objectifs fondamentaux
de la bourgeoisie :
détruire l’université contre le droit aux études, le droit à une qualification
L’enseignement
supérieur public dans sa forme présente est devenu intolérable pour
l’impérialisme français. Non seulement à cause de son coût, mais plus encore
parce qu’il continue de délivrer des diplômes nationaux reconnus par les
conventions collectives qui sont des obstacles à la baisse de la valeur de la
force de travail de l’ensemble du prolétariat, à commencer par celle de la
jeunesse.
A
l’heure du capitalisme parvenu à son stade impérialiste, il n’est ni dans
l’intérêt de la bourgeoisie, ni dans la logique du fonctionnement du
capitalisme d’élever les qualifications techniques, le savoir-faire et les
conditions d’existence matérielle de la grande majorité de la jeunesse, force
de travail en devenir.
C’est ce qu’exprime Fondapol
- « think thank libéral »
qui compte L. Parisot, ex-dirigeante du MEDEF - dans une étude publiée en
2014 : « Le nombre de bac + 5
délivrés est deux à trois fois supérieur à ce que le marché du travail est en
mesure d’absorber ». Et les jeunes
diplômés ont de plus de mal à trouver du travail à leur niveau de qualification.
On peut
reprendre mot pour mot cet extrait d’une brochure Université et capitalisme publiée par l’Alliance des Jeunes pour le
Socialisme, organisation de Jeunesse de l’OCI, en 1971 :
« La mise en
place de l’automation, dans le mode de production capitaliste, c’est la
destruction gigantesque de force de travail, le rejet du travail vivant, la
transformation du temps libre en un temps improductif parallèlement au
surtravail de ceux qui ont encore le bonheur de trouver acquéreur de leur force
de travail déqualifiée ». (…)
Les choses sont
simples : si le corps professoral est déqualifié, si l’université produit
des chômeurs diplômés, il y a pour remédier à cet état de choses deux
solutions : soit la création d’emplois correspondant au niveau de
qualifications, en réduisant le temps de travail, etc., ce qui nécessiterait
une révolution, un changement radical des relations sociales, soit
l’interdiction à un haut niveau de qualifications.
La déqualification
professionnelle est ainsi présentée comme une surqualification de la force de
travail. Supprimez les diplômes, chassez les étudiants des universités et vous
n’aurez plus au bout du compte cette masse de jeunes gens qui ne trouve pas de
travail à leur niveau de qualification. Ou bien si cette solution est délicate
à faire admettre, déqualifiez les enseignements, abaisser le niveau culturel
des facultés et vous obtiendrez un résultat équivalent. Il suffisait d’y
penser. »
On peut
dire qu’à travers leurs différentes lois - LRU, Fioraso,
LMD, professionnalisation des licences, sélection en master… -, les
gouvernements bourgeois qui se sont succédé ont tiré toutes les ficelles pour
avancer vers la liquidation du droit aux études et à une qualification.
Et, à
l’heure de la crise récurrente du mode de production capitaliste, c’est une
nécessité pour la bourgeoisie de remettre ces acquis en question. S’il y a eu
afflux de jeunes dans les universités à compter des années 50, ce n’est
nullement parce que cela correspondait à un besoin de qualification de
l’économie capitaliste. C’est en raison du rapport de forces entre les classes
au sortir de la guerre favorable à la classe ouvrière qui a imposé, au même
titre que la Sécurité sociale et la construction massive d’hôpitaux, la participation
massive des enfants des classes populaires à l’enseignement secondaire et son
prolongement avec l’accès à l’enseignement supérieur. Et cette période historique
particulière de reconstruction de l’Europe, après une purge de capital sans
égale dans l’histoire réalisée lors de la Seconde guerre mondiale, permettait à
la bourgeoisie de concéder ces droits sans trop de difficultés (tout en
exploitant d’une main de fer les peuples qu’elles dominaient). Aujourd’hui,
alors que la crise reprend de plus belle, c’est une nécessité pour la classe
des capitalistes de laminer tous ces acquis.
Vider les diplômes de leur
valeur
Depuis
2004 s’applique la réforme LMD qui visait à supplanter des diplômes de niveau BAC+4 (la maîtrise jusqu’en 2003)
par des diplômes BAC+5 (type master). Mais l’une des conséquences de cette réforme a été
l’introduction massive des stages dans les cursus universitaires. D’après les
statistiques du ministère, un tiers des 1,2 million d’étudiants inscrits à
l’université en 2014-2015 a fait un stage avec des proportions
variant selon les formations. En licence professionnelle, elle concerne environ
quatre étudiants sur cinq et trois étudiants sur quatre dans les formations
d’ingénieurs. Les stages sont aussi très répandus en DUT (près de deux
étudiants sur trois). Dans les formations de licence générale, 15 % des
étudiants ont fait un stage, mais en master, c’est le cas de plus d’un étudiant
sur deux.
C’est pourquoi la hausse du niveau des diplômes n’a
pas augmenté celui des études. Et cela est d’autant plus vrai avec la montée en puissante des
voies dites « professionnalisantes » où les
stages couvrent une grande partie de l’année universitaire.
Voilà ce que promet d’être le
« droit » à une formation, pour les étudiants recalés à l’entrée du
master de leur choix, et négociée par l’UNEF dans l’accord du 4 octobre.
La
fondation patronale déjà citée veut d’aller jusqu’au bout de cette
professionnalisation en préconisant carrément de remplacer le « droit aux études » par un « droit à l’insertion
professionnelle ». Et les désirs du patronat sont entendus !
Ainsi,
le gouvernement a lancé mardi 4 octobre 2016 « une concertation sur l’insertion professionnelle des
jeunes » « en vue de
l’ouverture possible d’une négociation interprofessionnelle sur l’insertion des
jeunes dans l’emploi ». UNEF, CGT, FO, tous y participent. A ce
propos, la direction de la CGT proclame : « La CGT revendique
une réelle politique d’insertion professionnelle, sociale et sociétale des
jeunes. »
Les
directions syndicales participent activement à cette mystification :
stages, apprentissage,… c’est sous couvert de formation, au nom de l’insertion
professionnelle que se propagent la précarité et la surexploitation de la
jeunesse.
Et
étant donné que la bourgeoisie n’a pas besoin d’élever le niveau général de
qualification de la jeunesse, les milliards d’euros dépensés dans le
financement des universités lui sont absolument insupportables.
Expulser les étudiants des
universités
Malgré
leurs efforts constants, tous les gouvernements de la Ve République,
depuis son instauration en 1958, n’ont pas réussi dans leur tentative
d’organiser la sélection à l’entrée de l’enseignement supérieur. Le nombre
d’étudiants a progressé de façon constante, passant de 400 000 en 1968 à
plus de deux millions en 1987, avec un ralentissement notable à la fin des
années 90. Significativement, les effectifs sont repartis à la hausse à partir
de la rentrée 2008. Il y a plusieurs facteurs, mais la volonté d’échapper au
fléau du chômage a joué son rôle. Les statistiques le prouvent, le diplôme
apparaît comme l’un des remparts le plus sûr. D’après le Céreq
(Centre d’Etude sur les qualifications) : « Si les diplômés de l’enseignement
supérieur connaissent un taux de chômage de 13 % trois ans après, il est
de 26 % pour ceux qui n’ont pas dépassé le secondaire, et de 50 %
pour ceux qui sont sortis du système éducatif sans diplôme. » Au sein
même du supérieur, « la seule
licence protège mal du chômage. Le master beaucoup mieux. A ce niveau, le taux
de chômage tombe à 10 % et même à 4 % pour les écoles d’ingénieurs.
Quant aux docteurs, seuls 6 % sont sans emploi. »
Aujourd’hui,
il y a 2,5 millions d’étudiants dans l’enseignement supérieur, mais 1 million
d’entre eux ne dépendent pas du ministère de l’Enseignement supérieur. Cet
écart se creuse et c’est dans ce créneau que prospère l’enseignement privé où
sont inscrits près de la moitié de ces étudiants : c’est le cas de 99,2%
des écoles de commerce et de gestion !
Étrangler les universités
jusqu’à la faillite
Les
lois LRU (2007) décidées par Sarkozy puis approfondies par le gouvernement
Hollande avec la loi Fioraso (2013) – alors même que
celui-ci recueillit le vote massif des personnels de l’ESR (Enseignement
supérieur recherche)et de la jeunesse pour en finir avec la politique de
Sarkozy-Pécresse - ont consacré le désengagement financier de l’État. Elles ont
rendu autonomes les universités, donné des pouvoirs accrus aux présidents
d’université et renforcé la présence de patrons dans les CA (Conseils d’administration).
Elles ont enclenché un processus de recomposition vers
des grandes universités régionales conduisant de fait à une université à
plusieurs vitesses, et à la liquidation pure et simple d’établissements du
supérieur.
En
vertu de la RCE (Responsabilité et compétence élargie), les universités gèrent
dorénavant la masse salariale. Ce transfert s’est fait en sous-dotant
notoirement les universités et en leur ajoutant des charges supplémentaires.
L’ESR a même vu son budget baisser en euros constants depuis 2009, alors que le
nombre d’étudiants augmentait de 180 000 ! Conséquence, les
établissements universitaires ont gelé les postes de titulaires qui se
libéraient (7 150 emplois détruits depuis 2009), pour les remplacer par des
cohortes d’emplois précaires qui représentent aujourd’hui près de 33 % des
salariés de l’ESR. Quant aux 5 000 postes promis par Hollande, ils n’ont
jamais vu le jour : il s’agissait de simples « autorisations
d’ouverture de postes », les universités ont utilisé cette masse salariale
pour abonder leur budget de fonctionnement et gérer l’urgence.
Cette
situation est illustrée par l’Université de Bourgogne (UCB), où l’annonce
mi-juillet d’un plan de réduction des formations pour la rentrée a provoqué la
colère des étudiants et des personnels. Ils dénoncent la suppression de
35 000 heures dans les formations - en plus de celles des années
antérieures -, la baisse de 36% des crédits de fonctionnement. Ainsi, la
filière Lettres classiques, qui avait déjà multiplié les mutualisations,
supprimé 30% des heures, s’est vu tout bonnement supprimée (comme le master
d’Histoire moderne, la musicologie) et transformée en option du cursus de
Lettres modernes. Le 19 octobre s’est tenu le Conseil d’administration de l’UCB
sous haute surveillance – très encadré par la police. Il se protégeait d’une
délégation d’étudiants et de personnels venus pour dire leur refus d’un plan
d’économie drastique qu’il voulait leur imposer.
Dijon,
Toulouse ou Orléans qui ont fait l’actualité ne sont que la partie visible de
l’iceberg. « Nous ne cessons de faire des économies, dénonce
Jean-Christophe Marcel, professeur de sociologie en Bourgogne, mobilisé dans le
collectif Université debout. En ne remplaçant pas les départs de personnels,
en remplissant les TD à ras bord… Mais nous arrivons au bout : l’offre de
formation est désormais menacée. Des masters risquent de fermer, des licences
n’auront plus le nombre d’heures minimum. Ce sont des diplômes au rabais que
nous allons délivrer. » C’est
bien là l’objectif !
Une sélection qui ne dit pas
son nom et qui touche en premier lieu les jeunes issus des classes populaires
Amphis
surchargés, pénurie d’encadrement, désorganisation, cette asphyxie financière a
mécaniquement conduit à l’exclusion massive des étudiants. Les premiers touchés
ce sont ceux qui doivent cumuler leurs études avec un emploi salarié, ceux qui
viennent des couches populaires.
En
effet, une part importante de la croissance du nombre d’étudiants est liée à
celle des bacheliers. Et si cette augmentation s’est faite au profit des jeunes
d’origine sociale défavorisés, ce sont surtout dans les filières
professionnelles et technologiques. Ainsi en 2015, 40 % d’une génération
obtenait un bac général, 16% un bac technologique et 22,3% un bac
professionnel.
Or la
filière du bac est déterminante pour la réussite à l’université : « près de la moitié des bacheliers généraux obtiennent leur licence en
trois ou quatre ans, tandis qu’ils sont 10 à 15 % chez les bacheliers
technologiques, et moins de 6 % pour les bacheliers professionnels.
Tout simplement parce que les bacheliers généraux y sont mieux préparés. »
(Le Monde du 15/10/2014).
Ces
jeunes bacheliers des filières pros ou techniques sont plus souvent boursiers
et nombre d’entre eux perdent très vite pieds. Ils sont dénoncés comme de
« faux étudiants » « qui rendent copies blanches ». En
réalité pour la grande majorité, ils ont tout simplement rapidement compris que
leur espoir de diplômes était un leurre car leur bac ne les avait absolument
pas préparés pour les études supérieures et qu’ils n’avaient aucune chance.
Ce que veut la
bourgeoisie : une université sélective et payante
Le
programme de la bourgeoisie est clair : dans tous les programmes de ses
candidats aux élections présidentielles de 2017 figure l’objectif à plus ou
moins long terme d’une université sélective et payante. Mais tout comme pour le
master, les CA des universités ont devancé les contre-réformes.
En
juillet, l’UNEF dénonçait le fait que déjà 76 % des universités françaises
pratiquent la sélection l’entrée en licence alors même que c’est illégal. Le
15 novembre, la direction de Montpellier 3 annonçait des quotas d’accueil à
l’entrée en licence dans 11 filières.
Quant
aux frais d’inscription, d’après le site Médiapart : « à l’Université Paris-Dauphine,
pionnière en la matière, en Master [ils] peuvent s’élever jusqu’à
6 050 € et c’est désormais au tour des frais d’inscription en licence
de sortir de la tarification nationale. Elles coûteront à la rentrée 2016-2017
jusqu’à 2 200 € l’année. Dans les universités, les « masters
internationaux » ont le droit de déroger à la tarification nationale. Dans
la toute nouvelle Université Paris-Saclay, regroupant les établissements du Sud
parisien dans le but de gagner le haut du classement de Shanghai, les
formations de niveau master peuvent ainsi être facturées entre 6 000 et
8 000 euros. »
« On pourrait multiplier les exemples,
illustrant un fait central : les frais d’inscription explosent par la
bande, sans tambour ni trompette, mais surtout sans débat national. S’il en est
ainsi, c’est que la politique tarifaire, comme l’ensemble de la politique
d’enseignement supérieur et de recherche, se développent autour d’une
organisation de l’enseignement supérieur à deux vitesses, en reléguant au
second plan le cadre national commun au bénéfice des écoles et formations
élitistes. »
Hollande
et ses gouvernements, avec à la manœuvre la très réactionnaire CPU, ont posé
les jalons de cette université payante et sélective, la seule conforme aux
intérêts du capital.
Mater la jeunesse, en faire
une des premières cibles de la marche vers l’état policier
Reste
qu’aujourd’hui il y a plus de deux millions d’étudiants, dont la bourgeoisie a
pu mesurer à plusieurs reprises qu’il s’agit pour elle d’une charge explosive
qu’elle doit s’efforcer de désamorcer. Mai-68, loi Devaquet (1986), Smic jeune
(1995) ou encore CPE (2006), elle n’a pas oublié : par ses combats, la
jeunesse a largement contribuer à infliger des défaites mémorables à la
bourgeoisie sous la Ve république.
La
jeunesse est une menace permanente pour la bourgeoisie car c’est elle qui a le
plus à perdre au prolongement de l’agonie du capitalisme, ou inversement, c’est
elle qui a le plus à gagner à renverser et détruire les rapports sociaux
propres au mode de production capitaliste. Par ailleurs, la jeunesse est moins
encline au défaitisme, en ce sens qu’elle n’a pas eu à subir trop de coups et
de défaites, et qu’elle est moins soumise au contrôle des directions
syndicales. C’est ce que résume parfaitement cette phrase de K.
Liebknecht : « La jeunesse est
la flamme de la révolution dont le foyer est la classe ouvrière. ». Ce
lien est fondamental. Et c’est ce lien que les appareils ont cherché à
interdire par tous les moyens lors du mouvement contre la loi El Khomri.
Cette
angoisse et cette méfiance récurrentes de la bourgeoisie à l’endroit de la
jeunesse, Hollande l’a bien traduite dans les colonnes du Monde cet été à propos de la mobilisation contre la loi travail :
« je n’ai pas senti une déferlante,
avec une indication pour moi très importante, les jeunes, il y a eu des jeunes
dans le début du mouvement. Ils n’y sont pas restés, on n’a pas eu de
décrochage, de blocage de lycées et ça change tout la présence de jeunes. La
figure de ce mouvement, c’est Martinez, il n’y en a pas d’autre. ».
C’est
pourquoi la jeunesse est une des premières cibles de la marche vers l’état
policier. Le renforcement des dispositifs sécuritaires et le durcissement de
l’arsenal juridique et policier à l’œuvre a une raison fondamentale : la
nécessité de mettre au pas les travailleurs et la jeunesse. La crise du
capitalisme exige, et continuera d’exiger, de porter des coups violents contre
les droits et les acquis les plus élémentaires, et nul doute que la jeunesse se
trouvera en première ligne pour résister et combattre.
Sont
particulièrement visés les jeunes issus de l’immigration et vivants dans les
banlieues, ceux-là même qui sont les plus touchés par le chômage, la précarité,
l’exclusion et le racisme. Ceux-là même qui subissent le harcèlement quotidien
de la police et les contrôles au faciès pour lesquels l’État vient d’être officiellement
condamné. Hautement significatifs sont l’assassinat d’Adama
Traoré cet été, que le pouvoir a tenté de camoufler honteusement, et
l’interdiction de la manifestation qui a suivi, pourtant dûment déclarée. A
présent, le pouvoir veut faire taire cette famille avec le placement en
détention provisoire de deux frères d’Adama Traoré
dans ce qui ressemble à une manipulation policière et une farce juridique.
La
répression sur les campus ne s’est pas arrêtée avec le combat contre la loi El
Khomri. Depuis la rentrée, les étudiants croisent vigiles, militaires,
policiers sur leur campus qui peuvent les contrôler sous n’importe quel
prétexte. Le gouvernement a même donné la consigne aux universités de piquer
dans le fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction
publique (FIPHP) pour financer les sociétés de vigiles !
En Europe, partout, le droit
aux études est attaqué
Selon
un rapport de l’Association des universités européennes (EUA) : « Augmentation des droits d’inscription
des étudiants étrangers ; baisses des investissements dans les
infrastructures ; coupes dans la masse salariale ; diminution du
financement de la recherche : les universités européennes sont mises à
rude épreuve depuis la crise de 2008 ». (Le Monde du 10/10/2016)
Ainsi
en Espagne : « Depuis le début de la crise, l’éducation
publique a été l’un des secteurs les plus touchés par les coupes budgétaires.
En seulement quatre ans, 134 000 étudiants et étudiantes ont été exclus de
l’université du fait des frais d’inscriptions, qui ont augmenté parfois jusqu’à
66% depuis 2012. Plus de 30 000 professeurs ont été licenciés, et parmi
ceux qui ont pu garder leur poste, la majorité travaille dans des conditions
précaires et sans garantie pour leur futur », lit-on sur le site de
Révolution permanente-NPA.
Rajoy, à peine réinvesti par le Parlement espagnol, a annoncé son intention
de mettre en vigueur les lois qu’il avait fait approuver lorsqu’il était
premier ministre : la LOMCE (Loi organique sur la réorganisation de la
l’éducation) à l’image de la LRU et les » revalidas »,
c’est-à-dire un système de sélection à la fin de l’enseignement primaire,
secondaire et post-secondaire à l’image de celui en
vigueur sous la dictature de Franco. Le 26 octobre, des dizaines de milliers
d’étudiants et de lycéens ont manifesté avec les professeurs, les parents
d’élèves, pour exiger « Fuera las
revalidas franquistas ! » avec une grève massivement suivie.
La
colère qui s’est manifestée ce jour-là était nourrie du fait que le candidat du
Parti populaire avait été investi grâce à l’abstention d’une partie du PSOE.
Cette abstention avait été imposée au PSOE après une longue bagarre en son
sein. Les militants avaient été jusqu’à manifester par milliers leur désapprobation
devant les sièges du PS comme à Valence. CPS
reviendra prochainement sur ces évènements.
La
question des frais d’inscription est partout une question centrale dans la
mesure où la sélection par l’argent est ressentie comme la pire injustice. Elle
oblige les étudiants à s’endetter davantage et plus longuement. En Angleterre,
elle finit par coûter plus cher à l’Etat que le
financement public direct de l’université. Aux Etats-Unis,
elle est revendue en tranches sur les marchés financiers, menaçant d’être à
l’origine d’une nouvelle crise des subprimes.
La
gratuité de l’université est devenue une revendication fondamentale pour la
jeunesse dans de nombreux pays. Il en est ainsi en Afrique du Sud où les universités
sont publiques, mais l’inscription coûte un minimum de 2 000 à 3 000
€. Autant dire que l’accès à l’université reste très difficile à la jeunesse
noire. Vingt ans après la fin officielle de l’apartheid, les privilèges
économiques de la minorité blanche ont été préservés et
les conditions d’existence des masses noires n’ont pas changé.
A
l’annonce d’une augmentation de 8%, les étudiants se sont aussitôt mobilisés.
Ils rejettent toute augmentation et demandent la gratuité de l’éducation qui
fait partie de la Chartre des libertés, une des références
historiques du mouvement noir, signée en 1955 par les principales forces
opposées à l’apartheid, dont l’ANC et les syndicats d’alors.
La
police a dispersé les cortèges en tirant des balles en caoutchouc comme sur des
campus de Johannesburg et de Grahamstown, elle a procédé à des arrestations.
Le
recours systématique aux violences policières, la politique du gouvernement en
matière d’éducation ont une véritable portée historique dans ce pays. C’est
l’introduction de l’Afrikaans comme langue d’instruction en 1976 qui avait été
l’élément déclencheur de l’insurrection de Soweto. Cette rébellion est
considérée comme le moment où toute une nouvelle génération s’est dressée
contre l’apartheid. Ce lien, le mouvement des
étudiants d’aujourd’hui le revendique, alors qu’il intervient dans un contexte
de regain de l’activité du prolétariat noir sur le terrain de la lutte des
classes directe en cherchant à se dégager de la tutelle de l’ANC (voir les
articles de CPS n° 49 et 50 sur la
grève des mineurs de 2012).
Quelle issue ?
Tout
est fait pour inculquer à la jeunesse qu’elle n’a pas d’autre issue que d’accepter
les conséquences de la crise qui ravage les économies, qui fait ployer les
populations sous d’immenses dettes dont se repaît le capital financier ;
qu’elle n’a pas d’autre choix que d’accepter cette société qui veut lui
interdire le droit aux études et lui réserve un avenir de précarité pour une
grande partie d’entre elle, cette société qui écarte des millions de
travailleurs du droit à l’emploi, qui rejette les migrants, qui n’offre aucune
perspective positive et dont le fonctionnement menace la vie sur terre, cette
société qui réprime toujours plus durement les tentatives de résistance.
Les
besoins des masses sont immenses et ne devraient pas attendre. Il est
nécessaire d’organiser la société en planifiant la production de manière à les
satisfaire - recruter massivement, sur des postes à statuts, des infirmières,
des enseignants, etc. Il est indispensable d’interdire les licenciements, le
travail précaire, de diminuer le temps de travail de façon à permettre à tous
de travailler.
Seul un
gouvernement ouvrier, s’appuyant sur l’organisation des travailleurs et de la
jeunesse peut s’engager sur cette voie, un gouvernement qui ne plie pas devant
les exigences des capitalistes, qui s’engage dans la voie de l’expropriation
des grands groupes, des banques, des spéculateurs, pour mettre fin aux
conditions d’existence sans cesse dégradées de la majorité de la population,
c’est-à-dire un gouvernement qui n’hésite pas à s’engager sur la voie du socialisme.
Mais
pour ouvrir cette issue, il est indispensable de construire la seule arme dont
puissent disposer les travailleurs, la jeunesse, dans cette société, celle d’un
parti ouvrier révolutionnaire, celle d’une organisation révolutionnaire de la
jeunesse.
La
jeunesse, en particulier sa partie étudiante, jouera un rôle essentiel dans ce
combat. Le Programme de transition ou
l’agonie du capitalisme et des tâches de
la IVe Internationale, écrit par Léon Trotsky, souligne : « La rénovation du mouvement se fait
par la jeunesse, libre de toute responsabilité pour le passé. La IVe
Internationale prête une attention exceptionnelle à la jeune génération du
prolétariat. Par toute sa politique, elle s’efforce d’inspirer à la jeunesse
confiance dans ses propres forces et dans son avenir. Seuls, l’enthousiasme frais
et l’esprit offensif de la jeunesse peuvent assurer les premiers succès dans la
lutte ; seuls, ces succès peuvent faire revenir dans la voie de la révolution
les meilleurs éléments de la vieille génération. Il en fut toujours ainsi, il
en sera ainsi. »
Sur quelle orientation
combattre aujourd’hui ?
Sur
cette perspective, il faut qu’une organisation révolutionnaire de la jeunesse
se construise. Ce combat inclus celui pour que les étudiants aient un syndicat
à leur service pour se défendre, défendre leur droit aux études. De ce point de
vue, en France, la place de l’UNEF est incontournable. Combattre à l’université
contre la sélection passe par exiger que l’UNEF rompe avec le gouvernement
organise le combat pour l’affronter et le vaincre :
● pour le retrait du
projet de loi instaurant la sélection à l’entrée du master, et pour que l’UNEF
dénonce l’accord du 4 octobre qu’elle a signé ;
● pour l’abrogation du
décret instaurant la sélection à l’entrée du master 2 ;
● pour la garantie du
droit aux études, pour la gratuité de l’enseignement, contre toute sélection à
l’entrée l’université.
Le
combat à l’université contre la mise en place de l’état policier inclut celui
pour imposer à l’UNEF qu’elle assume ses responsabilités de syndicat
étudiant : participer activement à la construction un front uni avec les
organisations syndicales des enseignants et des personnels pour :
● Halte à la
répression policière ! Les flics et les vigiles hors des campus !
● Pour le droit de
manifester !
● Levée immédiate de
l’état d’urgence !
● Pour l’abrogation
des lois policières et de toutes les lois racistes et xénophobes !
Adama Traoré est une victime de cet état policier, 1500 jeunes, issus de
l’immigration en avant-garde de ce mouvement, ont manifesté pour que la justice
soit faite. Ses deux frères sont arrêtés. C’est l’affaire de toute la jeunesse
et donc de l’UNEF :
● Justice pour Adama Traoré, tous les coupables doivent être
condamnés !
● Libération de ses
deux frères !
C’est
le combat pratique pour une organisation révolutionnaire de la jeunesse. C’est
dans ce combat pour la défense de la jeunesse qu’une telle organisation pourra
se construire. C’est ce que proposent aux étudiants les militants qui diffusent
Combattre pour le socialisme.
Le 28 novembre 2016
«
[ http://socialisme.free.fr
- © A.E.P.S., 1 Bis Rue GUTENBERG,
93100 MONTREUIL ]
[A1]A reformuler.