Éditorial du bulletin « Combattre pour le socialisme » n°62 (n°144 ancienne série) - 28 septembre 2016 :


Après la lourde défaite subie par les travailleurs sur la loi El Khomri,

le gouvernement accélère la marche à l’État policier

et prépare de nouvelles attaques contre le prolétariat et la jeunesse.

Quelle orientation défendre ?

 

La défaite est consommée


Début juillet, par un troisième recours à l’article 49 ter, le gouvernement imposait à l’Assemblée nationale la promulgation définitive de la loi El Khomri. L’adoption fut une formalité, sans vote, sans motion de censure «de droite» ni tentative de motion de censure «de gauche». Elle signe la défaite ouvrière.

Dans leurs discours officiels, les dirigeants syndicaux nient l’évidence, accompagnés dans cette dénégation par tous les groupes dits «d’extrême gauche» qui, décidément dans cette affaire, se seront alignés avec une belle constance derrière Martinez, Mailly et Groison. Pour la plus grande partie des travailleurs, ce baratin sur le thème «La lutte continue» ne peut susciter que des sentiments oscillant entre indifférence et mépris. Ils ne peuvent en croire un mot, pas plus du reste que les dirigeants eux-mêmes. Du reste, annonçant pour le 15 septembre la douzième ou treizième journée d’action contre la loi Travail, ils annoncent à demi mots – tel Mailly dans une interview au Parisien - qu’elle sera un bide et qu’elle constitue un point d’orgue avant de passer à autre chose :

« L’objectif est de montrer qu’on ne laisse pas tomber, même s’il y aura moins de monde qu’il n’y en a eu. Et cela ne veut pas dire qu’après le 15 septembre, il y aura encore des manifs. Maintenant, il va y avoir des batailles juridiques à mener... »

Il n’est pas un travailleur qui ne sache qu’il n’ y a rien à attendre du terrain «des batailles juridiques». Groison, au meeting que CGT, FO, FSU, Solidaires, UNEF avaient convoqué à Nantes, a été encore plus claire : «Après le temps de la contestation est venu le temps du débat». Inutile de commenter.

Il y a donc défaite et il faut dire en quoi elle consiste.

D’abord, et comme nous l’avons analysé dans les CPS précédents, la loi El Khomri va entraîner une dégradation profonde des rapports entre les classes au détriment du prolétariat, en ouvrant de nouveaux espaces de liberté aux exploiteurs : licenciements, temps de travail, salaires, paiement des heures supplémentaires, etc. Le «referendum d’entreprise» va fonctionner comme arme de destruction massive des syndicats dans les entreprises.

Ensuite, la défaite sur la loi El Khomri s’accompagne de deux lourdes défaites pour deux corporations de première importance pour le prolétariat : les cheminots, avec la liquidation de ce qui est au cœur de leur statut (le RH 0077) ; le corps enseignant, avec la mise en place en cette rentrée de la contre-réforme des collèges, saut qualitatif dans l’entreprise de démolition de l’enseignement public. Sur ces deux défaites particulières, nous renvoyons le lecteur aux articles qui leur sont consacrées dans ce numéro de CPS.

De plus, la défaite sur la loi El Khomri s’est accompagnée de la montée progressive de l’État policier. La violence policière, notamment contre la jeunesse, a atteint un niveau inégalé. Le droit de manifester a été bafoué. Le 23 juin, la mascarade de la «manifestation» invitée à tourner en rond sur 2 km s’est tenue avec filtrage par un arsenal policier massif de tous les manifestants, fouille systématique, etc. Les poursuites contre les militants ouvriers se sont multipliées. Le gouvernement contredisant l’inspection du travail a imposé le licenciement du délégué CGT Air France, deux militants ont été interpellés parmi les dockers du Havre et seront jugés le 25 novembre.                                  (suite page 2)

 




Et dans ce contexte, le jugement en appel des militants de Goodyear condamnés à 9 mois de prison ferme en première instance contient les plus graves menaces. Il faut néanmoins noter l’importance de la grève spontanée des dockers pour la libération de leurs camarades.

Enfin, la classe ouvrière et la jeunesse ont montré sans doute durant quatre mois leur volonté de combattre le gouvernement. Mais cette dernière est demeurée cadenassée par le dispositif des appareils syndicaux, dont toute la politique s’est résumé dans cet impératif : éviter à tout prix l’affrontement avec le gouvernement.

 


Tirer le bilan de la défaite, c’est dire que les appareils syndicaux en portent l’entière responsabilité


La sinistre comédie à laquelle se livrent Martinez, Mailly et Groison sur le thème «la bataille n’est pas terminée», repris en cœur par les appareillons de l’ «extrême gauche», a une fonction bien précise : camoufler leur écrasante responsabilité.

S’agissant de la violence policière, le gouvernement a bénéficié du soutien sans faille et constant des dirigeants syndicaux à la répression, allant jusqu’au soutien bruyant à la «manifestation» des flics contre la «haine anti-flics» du 18 mai. Les dirigeants syndicats ont coorganisé avec Cazeneuve la mascarade du 23 juin, osant présenter le parcage des manifestants autour du bassin de l’Arsenal comme une «victoire» du droit de manifester.

Au-delà de ce soutien éhonté, il faut rappeler ce qu’a été la politique des appareils syndicaux durant ces quatre mois, sans revenir sur le bilan d’étape contenu déjà dans l’éditorial de CPS 61 auquel nous renvoyons le lecteur.

Premièrement, les dirigeants syndicaux CGT, FSU, UNEF ont commencé par se prononcer pour la loi El Khomri dans le communiqué commun du 23 février, avec la CFDT. Ce sont l’indignation dans la jeunesse, les réactions vives dans les syndicats en particulier la CGT, la prise de position des organisations de jeunesse, dont l’UNEF, considérant que le retrait du projet était le préalable à toute discussion, qui ont contraint dirigeants CGT, FO, FSU à se prononcer pour le retrait du projet de loi.

Deuxièmement, les mêmes dirigeants sont immédiatement rentrés dans la concertation avec le gouvernement, reçus par El Khomri puis Valls lui-même. Au moment où l’appareil policier réprimait avec une brutalité inouïe la jeunesse, en particulier les lycéens, la direction de l’UNEF se reniait, trahissait les jeunes non seulement en discutant avec Valls – abandonnant le «préalable» – mais sortant du bureau de celui-ci en se félicitant des «avancées» obtenues, avec l’approbation bruyante des appareils syndicaux, à moins que ce soit eux qui aient inspiré ce revirement. Dans les pseudo-confidences de Hollande sur les événements, celui-ci indique son soulagement devant la disparition des jeunes dans les manifestations à partir de fin mars. Hollande ne dit pas le secret de cette disparition : d’un côté les coups de matraque de sa police, de l’autre la domestication des dirigeants de l’UNEF et des syndicats lycéens. Le tout sur fond d’isolement orchestré par les appareils des grandes centrales syndicales ; ainsi, alors que la jeunesse avait jouer un rôle majeur dans la mobilisation du 9 mars, jour où le gouvernement avait prévu de soumettre son projet de loi au conseil des ministres, l’intersyndicale a volontairement attendu le 31 mars, la veille des vacances scolaires, pour ouvrir toute perspective de combat contre le projet de loi.

Troisièmement, les appareils ont organisé une kyrielle de «journées d’action et de manifestation» avec la constante : refuser l’organisation d’une manifestation au siège du pouvoir pour imposer le retrait de la loi.

Quatrièmement, lorsque le projet de loi est venu devant l’Assemblée nationale, la question qui était posée était claire : organiser la montée sur Paris, à l’Assemblée de centaines de millions de prolétaires et jeunes pour imposer à la majorité PS-PCF de ne pas voter cette loi. Qu’une telle manifestation répondait à toute la situation, c’est ce dont témoigne l’afflux spontané vers l’Assemblée de quelques milliers de jeunes dès l’annonce par Valls à l’Assemblée de l’utilisation du 49 ter. A cet égard, le congrès national de la CGT, qui se tenait quelques jours avant l’ouverture du débat à l’Assemblée nationale, occupait une place-charnière. L’appareil CGT s’est dressé contre cette perspective sous la forme la plus concrète : il a interdit la prise de parole de la section CGT de Goodyear, qui elle s’était prononcée publiquement pour l’organisation par la CGT d’une montée nationale à Paris de toute la classe ouvrière pour le retrait de la loi. Dans cette affaire, Martinez a reçu le soutien résolu de tous les représentants de la dite «extrême gauche» – NPA, LO, POI, POID, etc. A la question de l’organisation de la manifestation nationale à Paris, ceux-ci ont opposé sous des formes diverses l’appel à la «grève reconductible». Ils ont obtenu aisément gain de cause, puisque l’appel du congrès se termine par la «grève reconductible».

S’en sont suivis une série de «blocages» et autres votes plus ou moins bidon pour la grève reconductible (raffineries, transports, éboueurs). Dans l’ensemble, il ne s’agissait nullement d’un vrai mouvement de grève impliquant la masse des travailleurs. Souvent, cela se réduisait même au «blocage» par quelques dizaines de permanents syndicaux, escortés d’une poignée de membres des groupes dits «d’extrême gauche» et autres «Nuit debout». Il s’agissait en réalité d’une grossière opération de diversion par rapport à la nécessité de l’affrontement central avec le gouvernement.

Enfin, le 14 juin offrait une dernière possibilité d’organiser cet affrontement, d’imposer à la majorité PS-PCF, de rejeter l’usage du 49 ter et de déclarer souverainement que la loi ne verrait pas le jour. La manifestation nationale du 14 juin avait été délibérément convoquée très tard, à un moment où la loi se discutait... au Sénat (à majorité LR), même si, dans le même temps, l’Assemblée siégeait. Les conditions de sa convocation, le sabotage parfaitement organisé dans un certain nombre de départements ont limité la participation. Il n’en reste pas moins que dans de nombreux secteurs, les travailleurs ont répondu massivement à l’appel, ce qui était le témoignage indiscutable de la force dont disposaient les dirigeants pour défaire le gouvernement. Mais les centaines de milliers de manifestants ont été tenus par les mêmes dirigeants à distance de l’Assemblée nationale, ceux-ci allant jusqu’à dissoudre la manifestation bien avant le lieu de dislocation annoncé préalablement, ce dernier ayant été jugé trop proche de l’Assemblée. Ainsi s’évanouissait la dernière possibilité effective de vaincre le gouvernement.

 


Et maintenant les décrets d’application par le biais du «dialogue social»


La loi étant promulguée, elle doit rentrer dans la vie par le biais des décrets d’application. Or ces décrets d’application sont eux-mêmes soumis à plusieurs instances de «dialogue social» où siègent les dirigeants syndicaux. C’est notamment le cas du «Haut conseil du dialogue social». Liaisons sociales explique dans quel but le gouvernement entend associer le dit «Haut conseil» à l’élaboration des décrets :

« Une instance très mal connue. Le gouvernement entend pourtant s’appuyer sur elle pour apaiser la grogne des députés frondeurs et celles des organisations syndicales contestataires alors que le projet de loi Travail revient aujourd’hui à l’Assemblée nationale. La proposition du gouvernement est d’associer le Haut conseil du dialogue social - HCDS - aux discussions sur la refondation du code du travail mais aussi sur le rôle des branches, sujets ô combien polémiques. (...)

Nous nous réunissons tous les deux mois, indique Gilles Bélier. C’est une instance qui fonctionne bien, où les gens se parlent sans animosité.

Et c’est sans doute là sa principale qualité alors que le dialogue entre le gouvernement et les organisations syndicales contestataires (CGT et FO en tête) demeure très tendu. »

Passons sur le «dialogue très tendu». Mais n’est-ce pas une évidence que si les dirigeants syndicaux croyaient une seule seconde à ce qu’ils disent eux-mêmes sur le fait que le combat pour l’abrogation continue, ils commenceraient par annoncer publiquement qu’ils refusent de participer à toute instance d’élaboration des décrets ? Ils s’en gardent bien. Bien au contraire, ce à quoi on assiste, c’est à une véritable mise en œuvre anticipée de la loi El Khomri, ce que l’on peut voir aussi bien à travers l’«accord de méthode» dans la métallurgie, signé par tous les dirigeants syndicaux, et l’accord compétitivité, signé à PSA par tous les dirigeants syndicaux à l’exception de ceux de la CGT.

 


Deux accords qui anticipent sur la loi El Khomri


Le site patronal Décider et Entreprendre commente ainsi l’«accord de méthode» signée dans la métallurgie par la totalité des directions syndicales (FO et CGT comprises) :

« L’UIMM [fédération patronale de la métallurgie, ndlr] n’est pas peu fière du résultat : “Nous nous félicitons de la signature de cet accord (...) » Pour la plus puissante des organisations patronales, cet accord permet d’esquisser “les contours du futur dispositif conventionnel de la branche, au service d’une vision stratégique pour l’industrie, de son attractivité et de sa compétitivité.” En ces temps de crispations sociales majeures, un accord, fût-il de méthode, est toujours bon à prendre, surtout lorsqu’il concerne un secteur d’activité qui regroupe pas moins de 1,5 million de salariés. »

L’UIMM a quelque raison de triompher. Cet accord contient en germe la pulvérisation de l’accord de branche de la métallurgie qui définissait la grille des qualifications, les salaires minima correspondant à chaque qualification. Dans la droite ligne de la loi El Khomri, désormais tout cela se décide au niveau des «accords autonomes» – c’est-à-dire des accords d’entreprise, le «socle commun» ne comprenant que quelques vagues principes généraux dénués de toute contrainte pratique pour les patrons. Redonnons la parole à Décider et entreprendre :

« Quoiqu’il en soit, ces accords couvriront certains domaines que les partenaires sociaux ont définis “à titre indicatif”. Certains relèvent plutôt, a priori, du socle commun : “philosophie, principes et architecture/gouvernance de la négociation collective de branche (dont dialogue social de branche, accueil éventuel de nouvelles “branches”, médiation et conciliation)”, “champ d’application professionnel de la branche”, “entrée en vigueur du dispositif conventionnel et droit transitoire applicable à l’issue du processus” et “classification”. Au sujet des classifications, Philippe Portier précise que le socle commun pourrait n’intégrer qu’une trame générale, amenée à être précisée, selon les professions et les territoires, dans des accords autonomes.

D’autres thèmes de discussions semblent plutôt renvoyer à des accords autonomes : “organisation du travail/temps de travail y inclus déplacements”, “santé au travail/conditions de travail/qualité de vie au travail”, “relation individuelle de travail (vie du contrat de travail)”, “emploi/formation professionnelle”, “protection sociale (y compris prévoyance)”, “éléments de rémunération (y compris épargne salariale)” et “dialogue social en entreprise”. »

Temps de travail, rémunération, et même classifications (pour lesquels le «socle commun» ne donne qu’une «trame générale») : tout relève de l’accord d’entreprise. C’est donc bien la loi El Khomri appliquée en premier lieu dans un secteur décisif de la classe ouvrière. Le même bulletin patronal indique le seul point sur lequel la «négociation» a failli achopper : à savoir les moyens financiers du «dialogue social», autrement dit les émoluments des bureaucrates syndicaux. Dans ce domaine, depuis les «valises de billets» pour «fluidifier le dialogue social» dont se flattait Gautier Savagnac, l’ancien patron de l’IUMM, il y a une tradition...

On ne s’étonnera pas que, toujours dans ce secteur, l’accord PSA signé début juillet – même si là la CGT n’a pas signé contrairement à FO – relève de la même logique. Voilà ce qu’en dit La Croix :

« L’accord prévoit 1 000 recrutements en France en CDI sur une durée de trois ans et un meilleur intéressement des salariés. Le groupe PSA s’engage aussi à intégrer 2000 emplois-jeunes par an dans le cadre de contrats de génération, à maintenir 85 % de sa recherche et développement en France et à produire plus d’un million de véhicules par an sur le territoire français, ce qui devrait assurer l’avenir de tous les sites industriels français.

En contrepartie, les salariés acceptent davantage de flexibilité pour le travail de nuit et une annualisation du temps de travail. titre d’exemples : l’accord prévoit la réduction des heures de nuit payées, un salarié « pourra » se voir imposer de travailler 8 jours de plus que ce que prévoit son contrat de travail individuel sans être payé en heures supplémentaires].

Ce plan devrait donc contribuer aux objectifs affichés par Carlos Tavares, le PDG de l’entreprise, qui souhaite arriver à 700 € d’économie pour la production d’une voiture faite en France. Nous voulons démontrer que l’industrie automobile, en France, peut vivre et être rentable”, indique Xavier Chéreau, le directeur des ressources humaines du groupe. »

La déclaration de Chéreau dit tout : il s’agit de baisser le prix de la force de travail, par la flexibilité et l’annualisation. Valls l’a commenté, ne pouvant cacher son enthousiasme : dans un tweet, nous dit Ouest France, « il a salué un “accord remarquable” qui permet de “trouver avec les syndicats de l’entreprise les solutions pour s’adapter et rebondir”. Manuel Valls a ajouté déceler là l’“esprit de la loi travail” »


5000 suppressions de postes à SFR


La signature en 48 heures par les dirigeants de la CFDT et de l’UNSA du plan de suppression de 5000 postes de travail (un tiers des effectifs) est plus significative encore du degré de collaboration des appareils syndicaux avec le patronat.

Il faut le noter : ce plan de licenciement n’intervient pas n’importe où ni n’importe quand. Il y a deux ans, Drahi, patron d’Altice rachetait SFR, non pas avec son propre capital, mais en recourant à une emprunt gigantesque. La Tribune en avril 2014 expliquait la «technique» de Drahi :

« La recette de Patrick Drahi ? Le LBO (“Leverage Buy Out”, ou achat avec effet de levier), consistant à s’endetter pour racheter ses proies. Ceci fait, il “résout les problèmes”, comme il s’en vante, notamment en taillant fortement dans les coûts de ses acquisitions. L’objectif est clair : dégager vite du cash, qu’il fait ensuite remonter à Altice pour éponger son énorme dette. Fin 2015, celle-ci s’élevait à 35,5 milliards d’euros, auxquels s’ajouteront prochainement 8 milliards supplémentaires liés à l’acquisition de Cablevision aux États-Unis. »

C’est un concentré du caractère putréfié du système capitaliste : recours massif au crédit, domination du capital bancaire qui est le véritable propriétaire de l’entreprise, nécessité de réduire les coûts par l’augmentation brutale de l’exploitation de la force de travail, licenciements en masse.

Mais aussi caractéristique est le rôle des directions syndicales : simples auxiliaires du patron pour faire appliquer le plan.

Si la CGT n’a pas signé le plan, son appel à la grève du 6 septembre s’est en réalité fait sur le terrain de la demande d’un «autre plan» et non pas du mot d’ordre : pas un seul licenciement, pas une seule suppression de poste. C’est ce dont témoigne son tract d’appel :

« La CGT appelle les salarié.e.s du groupe SFR à cesser le travail et à se rassembler partout en France.

Par cet appel à la grève, la CGT entend notamment porter les revendications suivantes :

– Non aux suppressions d’emplois annoncées et aux fermetures de boutiques,

– Oui à l’embauche partout où c’est nécessaire,

– Non à la dégradation de nos conditions de travail,

– Ouverture d’une négociation sur un accord d’égalité au travail permettant d’équilibrer le temps contraint par l’entreprise et le temps non contraint pour soi,

– Mise en place d’une Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences axé sur la progression et le déroulement de carrière des salariés avec de véritables moyens associés,

– Harmonisation, par le haut, des statuts du groupe. »

Qu’est-ce d’autre en effet que la demande de la « mise en place d’une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences » ? Dans ces conditions, l’échec de la grève du 6 était inéluctable.

 


La fermeture d’Alstom Belfort


Tout récemment, c’est l’annonce de la fermeture d’Alstom Belfort, la suppression des 500 postes subsistant à ce jour, dans une usine qui depuis presque un siècle et demi fait partie de l’histoire du capitalisme français, va dans le même sens. L’annonce intervient alors que résonnent encore les cris de triomphe du gouvernement suite au contrat obtenu par Alstom pour le TGV de la côte est des États-Unis ! Il faut le rappeler : cette fermeture d’usine intervient moins d’un an après le rachat de la plus grande partie d’Alstom – à l’exception du secteur transport – par General Electric.

La fermeture du site est justifiée par la direction par le fait que le carnet de commandes est vide. A cet égard, après Belfort, l’usine de Valenciennes de 1200 ouvriers est menacée. Et à nouveau, on entend Hollande, Valls, Sirugue claironner que le site ne fermera pas – comme Hollande et Montebourg claironnaient que Florange ne fermerait pas – et qu’il faut trouver les commandes manquantes.

C’est en ce sens que sont convoquées des rencontres de toute sorte associant patronat, gouvernement et dirigeants syndicaux. Pour la classe ouvrière, cette voie de l’«union sacrée» toutes classes confondues en «défense de l’entreprise», ne peut conduire qu’à la catastrophe. A l’inverse, il faut défendre : Pas une seule suppression de poste dans l’usine de Belfort ! Maintien de l’usine de Belfort ! Pas un licenciement ! Et pour ce faire : nationalisation sans indemnité ni rachat d’Alstom ! C’est sur cette ligne que devrait être tracée par les dirigeants syndicaux la perspective de la grève générale du groupe.

 


À la hache contre l’Hôpital public


Si le patronat, avec l’assistance des appareils syndicaux a immédiatement poussé l’avantage que lui donnait la défaite ouvrière sur la loi El Khomri, le gouvernement n’est pas en reste. Il faut d’ailleurs noter que l’offensive n’a jamais connu d’interruption. Alors même que les appareils syndicaux faisaient succéder les journées d’action aux journées d’action, dans tous les secteurs les coups pleuvaient.

C’est le cas de la mise en place de la réforme des collèges et de la «réforme de l’évaluation», nouvelle attaque majeure contre le corps enseignant et ses statuts (voir article enseignant), de la suppression de l’allocation logement frappant y compris les milieux les plus modestes.

Il faut aussi accorder une place particulière à la mise en place dans le cadre de l’application de la loi Touraine des «groupements territoriaux de santé», machine de guerre contre l’Hôpital public. Il s’agit d’une entreprise gigantesque de «restructuration» par suppression de services (là où il y avait plusieurs services de la même spécialité, il n’y en aura plus qu’un à l’échelle du groupement), de mutualisation d’un certain nombre de fonctions, etc. Il s’agit de continuer et d’amplifier le mouvement qui a vu disparaître un lit sur trois en chirurgie depuis dix ans. C’est à l’aune d’une telle situation que s’explique la décision de Valls, en novembre dernier, de passer en force sur PPCR : il était en effet nécessaire pour le gouvernement de pouvoir disposer rapidement d’un instrument, brisant les verrous statutaires, afin de faciliter la mobilité fonctionnelle et géographique des agents au gré des suppressions de postes et de services découlant des contre-réformes, en l’occurrence aujourd’hui la loi Touraine.

La raison des « groupements territoriaux » est donnée avec un parfait cynisme par Frédéric Valletoux, président de la Fédération hospitalière de France et maire LR de Fontainebleau : « On demande à l’Hôpital de faire un milliard d’économies. Il faut bien trouver ces économies quelque part. » Pendant ce temps, pour le patronat, c’est la journée des cadeaux tous les jours de l’année. La baisse des impôts, c’est le passage de 33 à 28% de la fiscalité sur les bénéfices pour les PME dans un premier temps ayant vocation à s’étendre pour toues les entreprises.

La défense la plus élémentaire de l’Hôpital, des travailleurs de la Santé exigerait d’abord une prise de position claire et nette : abrogation du décret instaurant les GHT (Groupement hospitalier de territoire) et refus de participer à leur mise en place !

A l’évidence, c’est une tout autre orientation qui est défendue par les appareils syndicaux, en particulier celui de la CGT Santé. La mise en place des GHT s’accompagne de celle de «commissions territoriales de dialogue social» où sont invités à siéger les appareils syndicaux. Voilà ce que préconise la direction de la CGT Santé :

« C’est le seul espace du GHT dans lequel il y a des représentants du personnel non médical. S’ils le veulent, les syndicats CGT des GHT doivent faire ensemble et rapidement des propositions de compositions et de représentation, car le fonctionnement de cette instance doit être prévu dans la convention constitutive. Dans ce cas, nous attirons votre attention sur la place de la CGT.

Il faut aussi acter un rythme de ces réunions qui, dans un premier temps, doivent être nombreuses pour demander de suivre de près le projet médical partagé du GHT et ses conséquences directes pour les personnels. »

« Activer le rythme des réunions « de mise en place des GHT ! Tout commentaire serait superflu !

 


La jeunesse dans le viseur du gouvernement. À bas la sélection en master !
À bas le service civique obligatoire !


Mais c’est à la jeunesse que le gouvernement réserve aujourd’hui ses coups les plus violents. Le gouvernement sait que, s’il a été sauvé de l’irruption massive des jeunes au printemps par la honteuse trahison des dirigeants de l’UNEF en particulier, il n’a nulle garantie que celle-ci ne ressurgisse dans un avenir proche. Parmi les quelques milliers de manifestants qui affrontaient la police, il y avait aussi des jeunes qui, n’en pouvant plus de la politique de soumission des appareils syndicaux au gouvernement, avaient la volonté d’affronter celui-ci, et qui à ce titre bénéficiaient de la sympathie d’une large frange de leur génération.

Le gouvernement Hollande-Valls-Bayle-Cosse s’appuie aujourd’hui sur la défaite infligée et décide de mater la jeunesse, la formater et la soumettre aux «valeurs» de la République, c’est-à-dire de l’exploitation capitaliste.

Le 23 juin, un groupe de députés du PS (parmi lesquels, soit dit en passant, le sieur Baumel, dirigeant dit «frondeur») présentait un amendement à la loi «Égalité et citoyenneté», loi du reste archi-réactionnaire dans sa totalité. Cette loi consiste à rendre obligatoire pour tous les jeunes 3 mois de «classe républicaine» l’été de leurs 18 ans, et ensuite 6 mois de travail dans des associations ou entreprises – à l’exception (pour l’instant !) des entreprises privées à but lucratif – pour une somme de 470 euros par mois et jusqu’à 48 heures par semaine.

Le but de ce «service national actif» est multiple. D’abord, soumettre pendant trois mois les jeunes au bourrage de crâne «républicain». Ensuite, dissuader une frange de la jeunesse de poursuivre ses études, les 3 mois intervenant opportunément pour de nombreux jeunes juste après le baccalauréat. Ensuite, l’habituer à la précarité et à la surexploitation. Enfin, substituer à des travailleurs sous statut cette main d’œuvre juvénile quasi gratuite. A titre d’exemple, il est prévu que ces jeunes puissent effectuer leurs 6 mois dans l’Éducation nationale. Point besoin d’être grand clerc pour prévoir qu’ils vont massivement y remplacer les Assistants d’éducation, certes très mal payés, mais davantage tout de même que 470 euros par mois !

Aujourd’hui, il faut donc imposer le front unique des organisations du mouvement ouvrier, avec la place particulière que doivent occuper dans ce front unique sur cette question les organisations de jeunesse sur le mot d’ordre clair et net : à bas le service civique obligatoire ! Retrait de l’amendement qui l’instaure ! Retrait de la loi Égalité et citoyenneté !

Hollande a annoncé la mise en place du Service civique obligatoire pour 2020, mais c’est immédiatement avant la fin de l’année civile que doit être soumis au Parlement la loi instaurant la sélection en fin de licence. En mai dernier, alors que les dirigeants de l’UNEF célébraient les prétendus «acquis de la lutte» suite à leur rencontre avec Valls, le gouvernement publiait un décret permettant aux universités d’instaurer la sélection entre la première et la deuxième année de master pour 40% d’entre eux. Mais pour la très réactionnaires CPU (Conférence des présidents d’université, dont il faut rappeler que nombre de ses membres sont élus par les voix du SNESup – syndicat FSU du supérieur), le décret est insuffisant. Il faut par une loi donner toute latitude aux universités de fermer la porte du master à nombre de titulaires de la licence. «Les universités doivent pouvoir recruter à l’entrée en master, et non pas au milieu du master», déclare Vallaud-Belkacem dans Les Echos du 12 septembre. C’est clair et net.

Et que disent les dirigeants de l’UNEF par rapport à ce qui est la plus violente offensive pour instaurer la sélection depuis 1986 et le projet de loi Devaquet que le gouvernement avait dû retirer devant la puissante manifestation étudiante à l’Assemblée nationale ? «C’est la première fois qu’on a un cadre de discussion et la garantie du gouvernement de ne pas passer en force contre les étudiants», se félicite William Martinet dans Les Echos du 24 août.

Partout où c’est possible, il faut donc combattre chez les étudiants pour imposer aux organisations étudiantes en premier lieu à l’UNEF :

- À bas la sélection ! Libre droit de tous les étudiants licenciés de s’inscrire dans le cursus complet du master qu’ils souhaitent !

- Abrogation du décret instaurant la sélection au terme de la première année de master !

- Rupture de la concertation sur le projet de loi gouvernemental ! À bas tout projet de loi instaurant la sélection au terme de la licence !

 


Hollande, Valls utilisent l’opportunité des attentats pour renforcer l’État policier
et organiser en collaboration avec Les Républicains une véritable campagne raciste d’État


C’est dans cette même loi “Égalité et citoyenneté” comprenant à titre d’amendement le service civique obligatoire, qu’est contenue la proposition de l’instauration d’une «réserve citoyenne», supplétive des forces de répression ordinaires de l’État bourgeois : armée, police, gendarmerie. Dans l’exposé des motifs de la loi, on peut lire : « L’article 1er inscrit la réserve citoyenne comme un dispositif pérenne, en définissant de façon concise son objet et sa vocation sur le renforcement des valeurs républicaines sous l’égide de l’État. Elle comprend les dispositifs de réserve citoyenne existants : la réserve citoyenne prévue par le code de la défense, qui devient “réserve citoyenne de défense et de sécurité”, les réserves communales de sécurité civile, la réserve citoyenne de la police nationale qui remplace le service volontaire citoyen de la police et de la gendarmerie nationales, et la réserve citoyenne de l’éducation nationale. »

L’évocation par Hollande de la constitution de cette réserve après l’attentat de Nice indique la véritable fonction de cette «réserve» : une véritable milice anti-arabe, anti-immigré. Notons à cet égard que cette loi donne carte blanche aux municipalités, y compris celles qui professent ouvertement le racisme, de constituer des «réserves municipales». Que Marion Maréchal-Le Pen ait immédiatement claironné qu’elle avait déposé sa candidature pour en faire partie est significatif.

Les attentats de Nice et Saint-Etienne-du-Rouvray ont d’ailleurs donné l’occasion au gouvernement de renforcer l’État policier, de proroger à nouveau l’État d’urgence en en indiquant la première fonction : donner au pouvoir à tous les niveaux la possibilité discrétionnaire d’interdire manifestations et rassemblements ouvriers.

 Dans les universités, les écoles, dans tous les services publics, les étudiants, les profs tous les personnels peuvent à tout moment avoir un contrôle d’identité, à montrer le contenu de leur sac, sont appelés à la délation au nom de la « sécurité ». Le marché de la sécurité « privé » prospère, et pour ajouter au cynisme, le gouvernement donné la consigne aux universités de piquer dans Le fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique -FIPHP –pour financer les sociétés de vigiles !

S’agissant des attentats meurtriers de cet été, il faut le rappeler avec la plus grande clarté : c’est le gouvernement qui est entièrement responsable. C’est toute sa politique qui, chaque jour, fabrique de nouveaux candidats au suicide sanglant dans une partie de la population, en particulier d’origine immigrée. D’abord parce que toute cette politique au service du système capitaliste ferme tout avenir à cette jeunesse, la rendant perméable à la propagande archi-réactionnaire des groupes terroristes. Ensuite parce que l’intensification des bombardements en Irak, en Syrie offre un boulevard au recrutement par l’État islamique. Les bombardements impérialistes ont fait cet été plusieurs milliers de victimes civiles, pour lesquelles il y aura ni hommage national, ni messe solennelle. Tous les morts ne se valent visiblement pas !

Responsable le gouvernement et complices les appareils dirigeants du mouvement ouvrier qui se vautrent dans l’union nationale, soutiennent de manière éhontée l’intervention impérialiste. Si l’on veut sérieusement en finir avec les attentats, il faut combattre pour l’arrêt immédiat de l’intervention impérialiste. Il faut combattre aussi pour la levée de l’état d’urgence qui n’a jamais empêché le moindre attentat mais qui, par contre, a servi et sert contre le mouvement ouvrier, justifie les assignations à résidence, les interdictions de manifester. Il faut mener ce combat partout où c’est possible, en particulier dans les organisations syndicales, pour que le front unique se réalise sur ces objectifs.

Les attentats ont permis le déchaînement d’une véritable campagne d’État anti-arabe à travers les ignominieuses déclarations de Valls soutenues par Hollande suite aux arrêts anti-burkini pris par quelques maires ouvertement racistes. Elles ont permis une véritable chasse aux femmes arabes sous le simple prétexte qu’elles portaient le voile. L’alibi de cette campagne raciste, au nom de la «laïcité» ou de l»émancipation de la femme» – dont, comme chacun le sait, les flics français sont d’ardents promoteurs ! – est répugnant. La campagne de Valls a libéré toutes les initiatives de la réaction la plus noire contre la population immigrée, en particulier les immigrés maghrébins. En témoigne la manifestation organisée à Calais contre les réfugiés rassemblant patrons, réactionnaires de tout poil auxquels avaient cru bon de se joindre, de la manière la plus honteuse, la CGT Ports et Docks de Calais.

Par ailleurs, s’agissant de laïcité, les attentats ont donné l’occasion au gouvernement de porter un coup supplémentaire à la séparation de l’Église et de l’État. A commencer par la visite de Hollande au pape pour l’assurer de sa solidarité avec les «catholiques de France». Et s’agissant de la jeunesse maghrébine, l’imam disposant de l’estampille gouvernementale doit compléter utilement le flic et sa matraque pour l’encadrer. C’est le sens de l’opération «fondation de l’Islam de France», visant à faire de la religion musulmane une religion subventionnée, comme l’est de manière plus marquée depuis les débuts de la Ve République l’Église catholique.

 


À l’origine du flot ininterrompu des attaques contre le prolétariat et la jeunesse,
la situation du capitalisme français


La continuation des attaques anti-ouvrières après la loi El Khomri, la violence de l’offensive contre les libertés démocratiques ne peuvent cesser que par l’action de classe du prolétariat les brisant. Car la situation du capitalisme français exige du gouvernement à sa solde qu’elles ne connaissent aucune interruption.

Sur cette situation, Le Monde du 13 août dresse le tableau suivant :

« Depuis le début de l’été, les mauvaises nouvelles s’accumulent. D’abord sur le front de l’emploi, avec deux mois consécutifs de hausse du nombre de demandeurs d’emplois. Les derniers chiffres, publiés le 5 août montrent également une dégradation du commerce extérieur. En juin, le déficit s’est creusé pour atteindre 3,4 milliards d’euros et le déficit cumulé des douze derniers mois atteint 47,1 milliards d’euros, contre 45,7 milliards d’euros un an plus tôt (...). Confirmation des difficultés de l’industrie manufacturière avec les chiffres de la production industrielle publiés le 10 août. En juin, elle a reculé de 1,2% dans l’industrie manufacturière (après +0,1% en mai) et diminue de nouveau dans l’ensemble de l’industrie ( - 0,8% après - 0,5%) ».

Pour le prolétariat et la jeunesse, cela signifie que la gangrène du chômage de masse continue à gagner du terrain. L’annonce de la baisse du chômage en France «métropolitaine» – sans doute les chômeurs antillais, réunionnais ou mahorais ne méritent même pas d’être comptabilisés par l’INSEE ! – est un mensonge d’État qui ne trompe personne. La réalité, c’est que si l’on compte effectivement la totalité des chômeurs, y compris ceux qui ont renoncé à chercher du travail (et non les seuls chômeurs de catégorie A de la France «métropolitaine»), le chômage aujourd’hui touche plus de 7 millions de personnes en France.

Cette décomposition accélérée se traduit de manière exemplaire dans la situation de certains «fleurons» du capitalisme français. Pour Areva, l’agonie s’accélère. Déjà délestée de la construction des centrales, elle est désormais divisée en trois sociétés, l’une étant chargée exclusivement de la défaisance des dettes gigantesques accumulées en particulier dans le dossier de l’EPR finlandais. A vrai dire, et c’est plus qu’un symbole, Areva ne s’occupera pratiquement plus que du traitement des déchets, autrement dit sera réduit à l’activité de poubelle nucléaire.

Quant à EDF, qui a repris la construction des centrales – tout en laissant entre les mains d’Areva la «‘patate chaude» de l’EPR finlandais –, il n’est guère mieux loti. Finalement, le gouvernement britannique a donné son accord pour la construction de deux EPR à Hinckley Point. Le géant China General Nuclear Power (CGN) financera 33,5 % du projet. Ce projet s’inscrit dans un accord tripartite entre la France, la Chine et le Royaume-Uni qui prévoit, à terme, la construction de deux EPR à Sizewell financée à 66 % par CGN, et celle d’un réacteur de conception 100% CGN sur le site de Bradley. Le feu vert n’a été acquis que grâce à la très sérieuse menace du gouvernement chinois de se retirer de la construction des quatre EPR, pour un investissement de 20 milliards d’euros, si n’était pas maintenue la construction du réacteur 100% CGN. Pour la Chine, l’enjeu était considérable : pour la première fois implanter en Europe une technologie concurrente de l’EPR. En réalité, dans cette affaire, EDF est entièrement subordonné à CGN : sans la collaboration de ce dernier, pas de construction d’EPR. De plus, Les Echos du 17 septembre 2016 commente : « Qui parierait de 60 à 70 % de son patrimoine sur une technologie dont on ne sait toujours pas si elle fonctionne, alors que ça fait dix ans qu’on essaie de la construire ? ». Enfin, les besoins en financement du projet servent à justifier la vente de 50 % de la filiale d’EDF, RTE, le gestionnaire du réseau de transport de d’électricité, à la Caisse des Dépôts. Incontestablement, un pas de plus vers le démantèlement d’EDF.

 


Économie mondiale : lourdes menaces


La situation économique française ne peut évidemment pas être comprise en dehors de la situation mondiale dans laquelle elle s’inscrit, avec la place de plus en plus précaire qui lui est dévolue dans le cadre de la division internationale du travail.

En décembre 2015, le journal Le Monde écrivait :

«  L’industrie mondiale [est] en plein ralentissement. Partout, la production industrielle fléchit, marquant un déplacement de la demande vers les services . […]. En septembre, le rythme annuel de la progression de la production mondiale est tombé à 1,6% selon les estimations de l’Office des statistiques des Pays-Bas qui font référence. La hausse était deux fois plus forte en 2014. Selon certains économistes, qui jugent les chiffres chinois surévalués, la production a même baissé quelques mois en début d’année... »

 

Sans rentrer dans le détail de la situation de chaque pays, il faut constater que non seulement il n’y a aucun signe de sortie de crise, mais encore que la situation économique mondiale est de plus en plus lourde de menaces :

- Le plan de relance chinois de 2009, par lequel le gouvernement du PCC a repoussé provisoirement la menace d’un effondrement, se traduit aujourd’hui par un surinvestissement énorme, de gigantesques capacités de production impossibles à valoriser, une augmentation vertigineuse de l’endettement. Le gouvernement ne peut répondre à cette situation que par la destruction massive de capital, ce qui signifie aussi le licenciement de millions de prolétaires. Ce mouvement a déjà largement commencé, mais pour le gouvernement lui-même, il est extrêmement périlleux, compte tendu du fait que le prolétariat chinois a donné les signes évidents de sa volonté de ne pas subir un tel laminage, malgré la répression, en particulier contre ses tentatives d’organisation. L’augmentation sensible du nombre de grèves depuis 2015 manifeste cette volonté.

- La décélération de l’économie chinoise a des conséquences désastreuses pour tous les pays dits «émergents» qui lui fournissent des matières premières (pays d’Afrique, d’Amérique latine) : brutale interruption des investissements, plans de licenciements massifs dans les mines, réaugmentation massive de la dette publique et évidemment attaques de toute sorte contre les conditions d’existence des masses.

- La «reprise» aux États-Unis a fait long feu. «Cette reprise est une des plus faibles jamais enregistrées aux États-Unis» selon John Hopkins, universitaire et économiste américain. Dès que la FED a fait mine de réaugmenter les taux d’intérêt, la remontée du dollar a fait chuter les exportations. Par ailleurs, cette «reprise» d’une insigne faiblesse s’est faite sur des bases archi-vermoulues : celle d’un endettement menaçant pour les banques (créances douteuses dans le secteur du pétrole de schiste, des emprunts automobiles ou encore étudiants). Et voilà pourquoi la FED ne cesse de reculer l’échéance de la réaugmentation des taux d’intérêt.

- La situation est pire au Japon. De «plan de relance» en «plan de relance», malgré l’inondation sans limite de liquidités par la BOJ (banque centrale), la déflation menace toujours – quasi sans interruption depuis 25 ans ! – le niveau élevé du yen fait chuter les exportations et la dette continue sa progression astronomique.

- A l’exception notable de l’Allemagne – encore que même là la production industrielle semble s’essouffler –, le misérable frémissement économique a cessé en Europe, dès que l’euro a réaugmenté par rapport au dollar et que le prix du pétrole a si peu que ce soit augmenté.

Au-delà des constats que l’on peut faire, pays par pays, région par région, toute la situation économique témoigne du fait que le capitalisme est à l’agonie, marqué par des tendances historiques irréversibles.

Premièrement, la tendance à la baisse de la production industrielle, qui est le lieu de la création de valeur et d’extorsion de la plus-value. Ni les banques, ni les sociétés d’assurance, ni les activités de commercialisation ne créent de la valeur. Les capitalistes de ces secteurs ne font qu’accaparer une partie de la plus-value produite dans l’activité industrielle. Or cette plus-value tend irrémédiablement à se réduire. Et si cette tendance n’arrive pas encore à son terme dans les pays dits «émergents», elle donne sa pleine mesure dans les vieilles citadelles impérialistes :

« La situation se révèle beaucoup plus terne dans les pays industrialisés. Aux États-Unis, la production industrielle est en recul de près de 1 % par rapport à 2015. La baisse frôle les 2 % au Japon. L’Europe, elle, fait du surplace, avec une très légère progression (0,5 %) entre juin 2015 et juin 2016, selon Eurostat.

Au total, les usines européennes sont loin de fabriquer autant d’automobiles, d’acier, de papier, de plastique qu’avant la crise de 2008-2009. En France, la production reste inférieure de plus de 10 % à son niveau d’alors. L’Allemagne fait partie des rares pays à avoir pu dépasser ses anciens records »« (Le Monde du 13 août)

Deuxièmement, la tendance à la stagnation de la productivité. Or, c’est par les gains de productivité que les capitalistes peuvent augmenter la masse du profit réalisé malgré la tendance générale à la baisse du taux de profit.

« Selon les données de l’OCDE, le ratio produit intérieur brut par heure travaillée n’a progressé en moyenne annuelle que de seulement 1% aux États-Unis sur les dix dernières années contre 2,7% sur la période 1997-2004 (...) La tendance est similaire en Allemagne (0,8% contre 1,5%) au Japon (0,8% contre 1,9%), en France (0,7 % contre 2%) ou au Royaume-Uni (0,4% contre 2,4%) », écrit Jean-Pierre Petit dans Le Monde du 4 mai. Le contraste avec les gains de productivité que décrit Marx dans les décennies du milieu du XIXe siècle est saisissant ! Le même auteur en donne une des raisons : « Une partie du déclin de la productivité provient du développement de l’emploi dans les services à faible valeur ajoutée (distribution, service à la personne, hôtellerie, transports) ».

Or, comme l’écrivait Trotsky dans La Révolution trahie : « »À l’économie de temps, dit Marx, se réduit en définitive toute l’économie», c’est-à-dire la lutte de l’homme contre la nature à tous les degrés de civilisation. Réduite à sa base primordiale, l’histoire n’est que la poursuite de l’économie du temps de travail. » En cela, rien ne manifeste mieux le caractère historiquement failli du système capitaliste que cette stagnation, à l’inverse des discours d’apologie tenu y compris dans les sommets des organisations ouvrières affirmant que le développement du capitalisme, c’est l’«exigence de l’augmentation des qualifications» ! Gains de productivité en berne, dette mondiale (publique et privée) en forte croissance depuis la crise de 2008 : une telle combinaison dessine un cercle vicieux, lourd de développements ravageurs sur le plan financier : « Comme le passé l’a montré, un boom du crédit mal maîtrisé peut-être source de problèmes ; la contraction qui lui fait suite peut durablement saper la croissance de la productivité. Un endettement excessif pèse sur l’investissement, ce qui affaiblit encore la productivité. Et le poids de la dette est plus difficile à supporter lorsque la productivité est faible. La boucle est bouclée. » (86ème rapport annuel de la Banque des règlements internationaux, juin 2016).

Troisièmement, la tendance au ralentissement de l’augmentation des échanges mondiaux. Ils augmentaient de 7% par an avant la crise, de 3% aujourd’hui. Ce qui a déjà pour effet de mettre en situation de crise aiguë tout le secteur dont l’activité en dépend (transport maritime, chantiers navals etc.). Naturellement, cette tendance doit être mise en relation avec les diverses mesures faisant obstacle au libre-échange prises par les différentes bourgeoisies pour protéger leur production de la concurrence. Ainsi, la recherche effrénée de l’UE de faire obstacle au «dumping» chinois sur l’acier, la multiplication des mesures protectionnistes de l’impérialisme US, les conflits commerciaux entre les USA et l’UE (l’affaire du «dumping fiscal» d’Apple en Irlande et le fait que le Traité transatlantique sur l’échange des biens et des services – TAFTA - soit quasiment enterré).

Aux intérêts généraux du capitalisme (solennellement rappelés à chaque G20) qui exigent une circulation sans frein des marchandises, s’opposent les intérêts particuliers de chaque bourgeoisie cherchant à se protéger de la concurrence. Cela étant, il faut mesurer les limites de cette tendance. Il ne s’agit pas à ce stade de dislocation du marché mondial telle qu’on l’a vue à la suite de la crise de 1929. Néanmoins, cette tendance est significative, non seulement de l’incapacité de l’impérialisme à faire disparaître les antagonismes nationaux, mais même du fait que ceux-ci s’aiguisent inévitablement à la mesure de l’approfondissement de la crise.

Quatrièmement, le fait que les expédients auxquels ont eu recours les différents gouvernements bourgeois et les banques centrales ont désormais épuisé leurs possibilités. Le renflouement dès 2009 des banques par les États a évité le krach bancaire généralisé. Mais en réalité, nulle part, le système bancaire n’est assaini, comme on le voit par exemple avec la nécessité pour le gouvernement italien d’intervenir en catastrophe pour éviter la faillite de MPS, une des plus grandes banques italiennes. Au bout du compte, les banques continuent d’être grevées de créances douteuses quand, dans le même temps, l’endettement d’États, à quelques exceptions – l’Allemagne –, continue de croître inexorablement.

Non seulement la politique d’injection de liquidités, de stimulation de l’investissement par des taux nuls, voire des taux de dépôt négatifs, est désormais impuissante, mais encore elle s’accompagne d’effets de plus en plus pervers, en particulier la prolifération de dettes affichant un taux d’intérêt négatif qui rognent sur les profits des banques, notamment en Europe. Et en même temps, la simple survie du système n’est possible que si est maintenu le flot de liquidités injectées par les banques centrales :

« Si les grands argentiers cessaient leurs interventions massives, les taux d’intérêts s’envoleraient aussitôt, provoquant l’effondrement d’une finance mondiale encore bien trop fragile et la faillite d’États beaucoup trop endettés. Voilà pourquoi les banquiers centraux maintiennent des politiques très coulantes. Avec des taux négatifs au Danemark, en Suisse, dans la zone euro, au Japon. Et aux États-Unis, la présidente de la FED, Janet Yellen admet y penser… alors qu’elle vient de relever les taux pour la première fois en 10 ans. […] Rien n’a été réglé. Comme le dit Kenneth Rogoff, cette valeur négative de l’argent traduit le surendettement de la planète. Un surendettement devenu si lourd que la finance craquerait avec des taux « normaux ». Les taux négatifs constituent la meilleure preuve que la crise loin d’être finie. » (Jean-Marc Vittori, Les Echos, 23 févier 2016) Voilà pourquoi la FED ne peut réaugmenter de manière significative les taux d’intérêt, d’autant plus que le capitalisme US pâtirait énormément de la hausse du dollar que cette réaugmentation générerait.

Cinquièmement, la tendance au militarisme et à la guerre. Lors du dernier sommet de l’OTAN, Obama a sommé les pays membres d’élever leur budget militaire à hauteur de 2% de leur PIB. États-Unis, France, Chine, Russie partout, et au moment où les gouvernements taillent dans les budgets alloués à la santé, à l’École, l’heure est à l’augmentation des budgets militaires. Au Japon, la campagne électorale de Abe, le premier ministre, a eu comme thème central : se débarrasser de la constitution «pacifiste» du Japon – qui n’autorise pas les interventions militaires extérieures – pour laisser libre cours au développement de l’appareil militaire.

 


L’impérialisme, c’est toujours plus de guerres, de barbarie, de chaos politique et économique


Si la tendance au militarisme et à la guerre n’a pas encore conduit à une déflagration ouverte entre puissances impérialistes, les menaces qui se font jour, par exemple pour le contrôle de la mer de Chine, montrent qu’il n’y a nulle garantie pour l’avenir.

D’ores et déjà, l’effroyable martyr subi par les masses en Irak et en Syrie est le tribut payé par celles-ci à la domination impérialiste. Rappelons-le, Daech n’a pu prospérer que grâce aux monarchies pétrolières, qui l’ont armé contre l’alliance nouée entre l’Iran et Bachar el-Assad. Et il a trouvé son encadrement nulle part ailleurs que parmi les anciens officiers de Saddam Hussein après les interventions impérialistes (dirigées par l’impérialisme US) durant les deux guerres d’Irak.

Aujourd’hui, au nom de la lutte contre l’«islamisme radical», l’impérialisme US, avec le soutien de l’impérialisme français – qui n’a cependant pas voix au chapitre –, bombarde sans relâche en Irak et en Syrie, faisant dans les zones contrôlés par l’État islamique des milliers de victimes civiles. Mais ce qui frappe, c’est son impuissance totale à rétablir un semblant d’ordre, qui lui est pourtant indispensable pour rétablir les conditions «normales» du pillage impérialiste. Après avoir tenté d’imposer en Syrie un régime qui lui soit totalement soumis via la prétendue «opposition modérée», il a bien dû se faire à l’idée que le seul «facteur d’ordre» ne pouvait être que le sanglant régime de Bachar el-Assad. D’où l’élaboration de multiples «plans de paix» en collaboration avec la Russie – laquelle en rajoute à el-Assad et en soutien à celui-ci dans l’écrasement sous les bombes de la population.

Signe de son impuissance, l’administration US, contre l’État islamique, n’a pu faire autrement que de prendre appui sur le terrain sur les milices kurdes du PYD, alors que celles-ci constituent la branche syrienne du PKK (Parti des travailleurs kurdes) que l’impérialisme US caractérise.... comme organisation terroriste. La raison en est simple : à la différence de la fantomatique «opposition modérée», les milices kurdes sont les seules à faire montre d’une véritable efficacité militaire dans le combat au sol contre EI. Cette efficacité militaire a une base très politique. Les milices kurdes combattent pour le droit du Kurdistan à constituer un État, droit mille fois bafoué par l’ensemble des puissances impérialistes après les accords de 1916 Sykes-Picot qui avaient fait miroiter aux Kurdes la constitution d’un État. Précisons : du point de vue de l’internationalisme prolétarien, ce droit ne peut ne peut qu’être soutenu inconditionnellement.

Le point de vue de toutes les puissances impérialistes qui en cela rejoint celui de tous les gouvernements de la région est aux antipodes de ce droit. Obama, Hollande et les autres l’ont mille fois déclaré : les frontières sont intangibles. Ils savent que faire droit aux aspirations du peuple kurde à constituer un État aboutirait à déstabiliser tous les régimes de la région : Irak, Syrie, Turquie, Iran notamment.

D’où l’impossible équation de l’administration américaine : comment prendre appui sur les milices kurdes tout en refusant de céder sur ce qui les pousse à combattre : le droit à constituer un État. D’où les récentes sommations au PYD de reculer à l’est de l’Euphrate, visant à leur interdire d’établir une continuité territoriale sur les zones à peuplement kurde.

Le gouvernement d’Erdogan quant à lui considère que le développement de la zone d’influence kurde en Irak constitue un danger mortel pour la pérennité de sa domination et de son oppression dans la partie kurde de l’actuelle Turquie. D’où sa décision de franchir militairement la frontière, de bombarder et de raser les villages kurdes de l’autre côté de la frontière. Bon an, mal an, l’administration US n’a pu qu’entériner.

Erdogan a eu pour ce faire d’autant plus les mains libres qu’il est sorti considérablement renforcé de la tentative de coup d’État avortée de juillet. Erdogan l’a dit lui-même avec un parfait cynisme : « Ce soulèvement est un don de Dieu ». Quelles que soient les forces qui étaient derrière les putschistes, il est un fait que tout le monde peut constater : la répression brutale qui s’abat sur les masses en Turquie, et pas seulement dans l’appareil militaire, frappe des dizaines de milliers d’enseignants, d’employés des compagnies aériennes, de postiers, etc. Des associations et aussi des syndicats sont interdits. Des milliers d’hommes sont jetés en prison et torturés. Bien sûr, et au-delà des protestations de pure forme, tous les gouvernements impérialistes entérinent. C’est particulièrement le cas en Europe où les gouvernements ont trop besoin de la Turquie pour interdire l’afflux en masse de réfugiés syriens et irakiens en Europe.

La même situation chaotique et barbare s’étend aujourd’hui en Libye. L’intervention militaire US à Syrte peut certes immédiatement chasser Daech. Elle n’a aucune chance de rétablir une autorité étatique sur l’ensemble du territoire libyen. Le prétendu «gouvernement d’union nationale» promu par l’ONU n’a visiblement pas les moyens de se faire reconnaître par les différentes factions. Le général Haftar, soutenu par l’Egypte et subrepticement... par l’impérialisme français, domine la Cyrénaïque et a dit à qui voulait l’entendre qu’il ne le reconnaissait pas.

Face au déchaînement de la guerre et de la terreur, face à la barbarie que subissent des populations écrasées par les bombardements et jetés sur les routes et dans les radeaux de l’exil et dans les camps, le prolétariat est aujourd’hui dans l’incapacité d’intervenir pour ouvrir une issue. Ce constat, on peut le faire à nouveau par rapport à ce qui vient de se passer en Turquie, où pourtant le prolétariat, non seulement constitue une force sociale de première importance, mais encore dispose de solides traditions de lutte de classe, comme en témoignent les puissantes grèves des ouvriers de l’automobile il y a à peine plus d’un an. Mais il est politiquement désemparé, sans outils politiques, sans parti et sans programme.

Il est pourtant clair que seule la classe ouvrière pourra dans l’avenir, en surmontant son désarroi politique, faire en sorte que cesse pour les masses l’épouvantable cauchemar qu’elles vivent aujourd’hui, en se débarrassant des régimes sanguinaires qui les accablent, en leur permettant de s’approprier les immenses richesses dont disposent ces pays par l’expropriation du capital et des trusts impérialistes, en faisant droit aux aspirations nationales des peuples dans le cadre des États Unis socialistes du Proche et du Moyen-Orient. Mais pour hâter ce moment, la responsabilité des militants révolutionnaires dans les pays capitalistes avancés comme la France est de combattre à la mesure de leurs forces contre tous ceux qui à la tête des organisations ouvrières soutiennent les interventions impérialistes en les présentant frauduleusement comme guidées par la défense de la «démocratie», de la «civilisation», etc. Ils doivent mettre en permanence au cœur de l’intervention l’exigence de l’arrêt immédiat et sans condition de toutes les interventions militaires impérialistes, en premier lieu de l’intervention française.

 


Sur quel axe combattre ?


Cette dimension internationaliste s’intègre évidemment dans le combat en France pour ouvrir une issue politique. Mais cela commence par le fait d’indiquer à quelles conditions peut être stoppée le feu roulant d’attaques contre la classe ouvrière et ses acquis.

A cet égard, la première condition, c’est la rupture des organisations ouvrières avec le gouvernement et le patronat, et en premier lieu des directions syndicales. Ce combat doit être incarné de manière précise :

- aucune participation à la concertation sur les décrets d’application de la loi El Khomri, boycott des « négociations d’entreprise » visant à la mettre en place ;

- dans le secteur de la Santé : abrogation du décret GHT, boycott des «commissions territoriales de dialogue social» ;

- dans l’enseignement, arrêt de la participation aux groupes de travail sur la réforme de l’évaluation ;

- à l’université, aucune participation à la concertation sur la loi instaurant la sélection en master, etc.

Dans ce combat peuvent être tissés des liens avec les travailleurs, jeunes, militants qui chercheront à tirer les leçons de la défaite subie sur la loi El Khomri, dont les grands organisateurs s’appellent Martinez, Mailly, Groison.

La dernière tentative des travailleurs de combattre le gouvernement a cruellement mis en évidence l’absence d’un parti révolutionnaire dans une situation où les groupes dits d’«extrême gauche» ont rivalisé d’ardeur pour prendre en charge la politique des appareils syndicaux. Notre Groupe a été le seul à combattre pour que soit organisé l’affrontement avec le gouvernement, en particulier par la perspective de la manifestation centrale à l’Assemblée pour imposer à la majorité PS-PCF de rejeter la loi El Khomri. Mais nous savions bien que nous étions trop faibles pour peser de manière objective et imposer que cette perspective se réalise.

Nous savons aussi que la construction du Parti ouvrier révolutionnaire ne peut procéder du simple grossissement du groupe de militants regroupés autour de Combattre pour le socialisme, mais des processus politiques qui se dérouleront dans les syndicats et aussi – avec une situation différenciée selon les pays – dans les vieux partis ouvriers. De ce point de vue, l’analyse de Trotsky sur les tâches des révolutionnaires reste d’actualité :

« L’attente des bordiguistes que les événements révolutionnaires poussent d’eux‑mêmes les masses vers eux en récompense de leurs idées « justes » est la plus cruelle de leurs illusions. Pendant les événements révolutionnaires, les masses ne cherchent pas l’adresse de telle ou telle secte, mais passent par‑dessus. Pour grandir plus vite pendant la période de flux, pendant la période préparatoire, il faut savoir où on trouvera des points de contact dans la conscience de larges cercles de travailleurs. Il faut établir des relations adéquates avec les organisations de masse. Il faut trouver le point de départ juste, correspondant aux conditions concrètes de l’avant‑garde prolétarienne dans la personne des divers groupes. Et, pour cela, il faut non seulement ne pas se prendre pour un palliatif en guise du nouveau parti, mais seulement pour l’instrument de sa création. En d’autres termes, tout en préservant intégralement une intransigeance de principe, il faut se libérer radicalement des résidus sectaires qui nous restent comme héritage de la période purement propagandiste. » (La situation présente dans le mouvement ouvrier et les tâches des bolchéviks-­léninistes, octobre 1934)

En France, et comme en atteste la pléthore de «candidats» en marge du PS et du PCF aux présidentielles (nous en parlerons dans les prochains CPS) ce qui domine, c’est la décomposition politique. On aurait tort d’en conclure que rien ne se passera plus jamais dans les vieilles organisations. L’adhésion de dizaines de milliers de jeunes au Labour Party pour contrer l’offensive liquidatrice de ce parti qui prend la forme de la tentative effrénée visant à débarquer Corbyn de la direction, en témoigne. Faute de parti révolutionnaire, ces jeunes cherchent encore à sa saisir de ce vieux parti pour combattre la bourgeoisie et son parti. Ils le font derrière Corbyn et malgré la politique réelle de Corbyn, qui est tout sauf une politique révolutionnaire.

Mais si à la différence des sectaires, les révolutionnaires savent qu’il faudra s’inscrire dans ces processus politiques à venir, ils savent aussi qu’ils ne pourront le faire avec succès qu’avec des idées claires, armés du programme révolutionnaire intégrant les acquis des 1ère, 2e, 3e et 4e  Internationales ainsi que du Comité fondé par Stéphane Just. Car au bout du compte, entre le programme révolutionnaire d’expropriation du capital, du combat pour le gouvernement ouvrier et la soumission pure et simple, totale aux impératifs du capitalisme en crise avec son cortège de misères et de barbarie, il n’y a aucun troisième terme.

Nous invitons nos lecteurs à renforcer ce combat.


 

Le 17 septembre 2016.

 

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