Vers
la liquidation du Parti socialiste ?
De capitulation en
capitulation
En mai
2012 François Hollande, candidat du PS, a été élu à la présidence de la
République (10,3 millions de voix au premier tour, plus de 18 millions au
second). En juin 2012, aux élections législatives, 280 députés de PS étaient
élus à l’Assemblée nationale alors que des dizaines de circonscriptions avaient
été offertes aux Verts, au PRG et au MDC. Les candidats du PS ont obtenu 7,6
millions de voix au premier tour (29,4 %) et 9,4 millions de voix au
second tour (40,9 %). Une majorité du PS et du PCF a été élue avec au
total 290 députés. Une nouvelle fois, sans aucune illusion, le prolétariat et
la jeunesse ont massivement voté pour le PS pour chasser Sarkozy et la majorité
UMP-UDI.
Les
gouvernements dirigés par Ayrault puis par Valls sont des gouvernements
bourgeois au service du capitalisme français en crise. Ils ont mené une
politique réactionnaire contre les travailleurs et la jeunesse. Cette politique
dépasse en intensité des attaques de celle du gouvernement Sarkozy-Fillon. Face
à ce gouvernement, le PS est allé de capitulation en capitulation. C’est sans
difficulté majeure que le gouvernement a pu faire adopter chaque année les
budgets (ceux de l’État et de la Sécurité sociale), le pacte responsabilité et
le programme de stabilité. Le PS a capitulé sur la loi Macron, article 49ter ou
pas. Sur le fond, les gesticulations des « frondeurs », présentés
fallacieusement comme son aile gauche, n’ont pas signifié la moindre résistance
réelle.
Le PS a
soutenu sans faille la politique du gouvernement de renforcement de l’État
policier. Il est reste muet suite à l’assassinat de Rémi Fraisse à Sirvens en
octobre 2014. Après avoir voté la loi policière sur le renseignement, les
députés du PS ont voté sans hésitation par trois fois l’instauration puis la
prolongation de l’état d’urgence. On peut ajouter un quatrième vote sur la
question de la réforme constitutionnelle. En un aucun cas, le PS n’a remis en
cause l’inscription de l’état d’urgence dans la constitution. Effectivement une
partie des députés du PS, un tiers environ, a refusé de voter sur la question
de la déchéance de la nationalité. Mais pour la bourgeoisie, c’est une question
secondaire. Il faut ajouter que le 16 mars, à l’unanimité, l’Assemblée
nationale a adopté la loi sur la sécurité dans les transports qui en
particulier autorise les services de « sécurité » de la RATP et de la
SNCF à procéder à des contrôles d’identité, à des palpations des voyageurs et à
faire appel à la police. Les députés du PS ont, le 9 mars, approuvé le projet
de loi sur la révision de la procédure pénale, projet de loi qui, de fait,
instaure les dispositions de l’état d’urgence en permanence.
Enfin,
à ce jour, les députés du PS sont sur le chemin de la capitulation totale sur
le projet de loi El Khomri. Les 15 et 16 mars, Valls et El Khomri ont présenté
le nouveau projet devant les députés PS. Les
Echos du 16 mars 2016 commente : « La
majorité rassurée par l’ “équilibre“ de la nouvelle version de la loi
travail. L’évolution de la position de la CFDT a apaisé le cœur du groupe PS. ».
Ceux des députés qui manifestent leur opposition, à l’image d’Aubry ou des
frondeurs, n’en demandent pas le retrait mais proposent une « réécriture »,
voire la « suspension ».
De défaite en défaite
Depuis
2014, le PS a subi défaite sur défaite au plan électoral. On peut même parler
de déroutes. Il ne fait aucun doute que ses défaites ont pour cause première l’abstention
de l’électorat qui avait porté Hollande à la présidence de la République.
Aux
élections municipales de mars 2014, le PS a perdu presque un tiers des
municipalités de plus de 10 000 habitants qu’il dirigeait en passant de
509 à 349. Le fait qu’il ait conservé la direction des municipalités de Paris,
Lille et Lyon ne peut en rien occulter l’ampleur de la défaite. Aux élections
européennes de juin 2014, le record de Michel Rocard lors de l’élection de juin
1994 a été battu. La liste Rocard avait obtenu 14,28 % des exprimés, ce qui
lui avait valu d’être dans la foulée débarqué de la direction du PS. En juin
2014 le PS n’obtient même pas 14 % (13,98 %). Aux élections
départementales de mars 2015, le PS a connu selon la presse, une défaite
historique. Il perd la direction de 28 départements, soit la moitié de ses
positions acquises lors de la précédente élection de ce type (maigre
consolation, il gagne un département, la Lozère). La débâcle a été totale lors
des élections régionales de décembre 2015, débâcle accentuée par la ligne du front
républicain (voir plus loin). Le PS voit son nombre de conseillers régionaux
réduit de quasiment la moitié (de 1006 à 520).
La décomposition du PS s’amplifie
Le
dernier congrès du PS s’est tenu à Poitiers en juin 2015. Cambadélis, orfèvre
en matière de traficotage et de manipulation des chiffres, a revendiqué
130 000 adhérents. Lors du vote sur les motions d’orientation, il y aurait
eu 71 140 de votes exprimés, soit 54,52 %. Auparavant, en décembre
2014, Cambadélis avait soumis au vote des adhérents une charte des socialistes
(il avait déclaré alors 150 000 adhérents !). Seulement 60 000
adhérents se sont exprimés. À n’en pas douter le nombre d’adhérents, sans
parler de militants réels, est considérablement gonflé.
Les
liens du PS avec les masses exploitées, l’ensemble du prolétariat, sont
distendus à l’extrême. Depuis l’éclatement de la FEN en 1991, les seuls liens
restants du PS avec les organisations syndicales se sont délités. La plus
grande majorité des quelques adhérents du PS qui ont une activité syndicale
dans les entreprises et la Fonction publique milite à la CFDT ou à l’UNSA, des
syndicats pro gouvernementaux que l’on peut considérer sans vraiment forcer le
trait comme des syndicats « jaunes ». Le PS possède encore - pour
combien de temps, c’est à voir -, des milliers d’élus à tous les niveaux
(députés, conseillers départementaux et régionaux, maires et conseillers
municipaux, etc.). C’est d’ailleurs par ce canal que le PS garde un certain
contact avec les masses, celui du « socialisme municipal ». Autour de
ces derniers, quelques dizaines de milliers d’adhérents gravitent et
constituent une partie du « monde associatif » et « citoyen »,
bénéficiant plus ou moins directement, sinon de prébendes, du moins « d’avantages ».
Selon Le Monde du 28 janvier 2016, en
termes d’assistants parlementaires, de conseillers des élus départementaux,
régionaux et des maires, de chargés de mission et de personnel divers à tous
les niveaux, le PS comptait 10 000 « collaborateurs ». Suite à
la succession des défaites électorales nombre d’entre eux connaissent
maintenant le sort de millions de travailleurs et de jeunes : ils pointent
à Pôle emploi… et quittent le PS. La quasi-totalité de ses adhérents sont
politiquement organiquement attachés à la société bourgeoise. Sa composition
politique et sociale est une expression du caractère ultra-dégénéré du PS en
tant que parti ouvrier bourgeois.
Dans ce
contexte, les défaites électorales du PS depuis 2014 concourent à sa
liquéfaction en tant que parti. Elles fournissent un terrain propice aux
liquidateurs qui veulent en finir, au compte de la bourgeoisie, avec le « parti d’Épinay ».
Manuel Valls
Suite à
la défaite électorale des élections municipales de mars 2014, Valls a été
désigné Premier ministre le 31 mars. Il était auparavant ministre de
l’intérieur dans le gouvernement Ayrault. Valls a débuté sa carrière politique
dans le sillage de son mentor Michel Rocard, c’est-à-dire de celui dont le
combat constant a été la liquidation du PS. En 2001, il est élu maire d’Évry et
en 2002 député de l’Essonne. Son action à la mairie d’Évry est marquée par le
triplement des effectifs et l’armement de la police municipale,
la généralisation des caméras de surveillance, l’expulsion de Roms, l’interdiction d’un
supermarché halal… Valls a été franc-maçon de 1988 à 2005 et l’un
de ses meilleurs amis est Alain Bauer, l’un des principaux conseillers de
Sarkozy en matière de renforcement de l’État policier. Au sein du PS, Valls a
été surnommé le « Sarkozy de gauche ». En 2015, Valls a été décoré
par le roi d’Espagne « Grand-croix de l’Ordre
d’Isabelle la Catholique », l’une des plus hautes
distinctions héritée de l’État franquiste.
Manuel
Valls a une idole et un modèle : Georges Clemenceau. Le portrait de
Clemenceau trônait dans son bureau lorsqu’il était ministre de l’intérieur de
François Hollande. Entre Clemenceau et Jaurès, entre le chef de l’Union sacrée
pour soumettre le prolétariat à la première guerre impérialiste et celui qui a
été assassiné pour avoir combattu contre la boucherie, Valls a choisi sans
hésitation le premier. Georges Clemenceau ? Ministre de l’Intérieur de
mars à octobre 1906, puis président du Conseil jusqu’en 1909, ce dernier
revendiquait d’être « le premier flic de France ». Au pouvoir pendant
cette période, Clemenceau s’est distingué par l’envoi massif de l’armée pour
casser et faire tirer sur les manifestations ouvrières et de vignerons. À son
actif, la mise en état de siège de Paris pour casser le combat des
fonctionnaires en lutte pour obtenir le droit de grève. À son actif, des
dizaines de prolétaires tombés sous le feu de la mitraille. À son actif, la
répression massive contre les dirigeants et les militants de la CGT. À son
actif, les premières lois répressives contre « les gens du voyage »
et les Tsiganes. On comprend d’où vient l’acharnement de Valls contre les
immigrés, particulièrement les Roms, le tout accompagné de propos racistes, et
la fermeture quasi-totale des frontières aux réfugiés, se permettant, lors d’un
déplacement en Allemagne de faire la leçon à Merkel.
Lors d’un
dîner du CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France) le 7
mars 2016, Valls a déclaré : « Il
y a l’antisémitisme d’extrême droite mais aussi d’extrême gauche (…) il y a l’antisionisme,
c’est-à-dire tout simplement le synonyme de l’antisémitisme et de la haine d’Israël »
(Le Monde du 9 mars 2016). C’est un appel à la répression et à la poursuite
judiciaire de tous ceux qui combattent pour les droits du peuple palestinien,
contre la répression féroce qu’il subit de la part de l’État sioniste. La
France est le seul pays d’Europe où l’appel au boycott des produits importés d’Israël
peut être considéré comme un délit passible de poursuite pénale.
Un
éditorialiste du Monde a écrit « Manuel Valls, un pseudo-socialiste
qui trahit toutes les valeurs de la gauche » (Le Monde du 13-14 mars 2016). Effectivement, Manuels Valls est un
élément exogène au PS, un corps étranger. Il suffit de rappeler que lors des
primaires de 2011 pour désigner le candidat du PS (et du PRG), Valls n’avait
recueilli que 5,6 % des suffrages exprimés. Valls, c’est de la réaction
sur toute la ligne.
Succession d’agressions
contre le PS
Suite à
la débâcle des élections municipales, le 31 mars 2014, Valls a été nommé
Premier ministre. Un choix de Hollande qui ne tient en rien au hasard. Il a été
sélectionné parce qu’il était l’homme de la situation pour, sans aucun état d’âme,
intensifier l’offensive contre le prolétariat et la jeunesse, et tenter de
museler toute velléité d’opposition au sein du PS. Le dispositif de Hollande a
été sciemment organisé. Le 9 avril 2014, la potiche Harlem Désir a été éjectée
sans ménagement de la direction du PS au profit de Cambadélis, avec l’aval de
Martine Aubry, il faut le souligner. Hollande a fait appel à un « professionnel ».
Cambadelis est un parvenu sans foi ni loi, bardé de faux diplômes, parasite de
la MNEF pendant des années avec son comparse, Jean-Marie Le Guen. C’est un spadassin
au service du gouvernement, c’est-à-dire un tueur à gage. Il est passé du
combat pour la révolution permanente en tant que dirigeant de l’OCI et du PCI à
la contre-révolution en permanence au sein du PS depuis 1986. Le « courant
gauche » qu’il prétendait construire n’a jamais existé, c’était tout
simplement une arnaque. Après l’échec de Jospin à l’élection présidentielle de
2002, il s’est mis au service, avec Le Guen, de Strauss Khan, incarnation de la
« droite » du PS, lequel qui a dû se « retirer » de
toute compétition au sein du PS pour de scabreuses affaires de mœurs. Le duo
Cambadélis-Le Guen est à l’avant-garde, au service du gouvernement et de Valls,
pour museler le PS, sans grande résistance au sein de ce dernier, il faut le
noter. Le Guen, secrétaire d’État aux relations avec le Parlement depuis avril
2014, a été affublé par la presse du surnom « sniper » par tous ceux
qui, au sein du PS, ont quelques velléités d’opposition à la politique du
gouvernement. Ses déclarations en direction des opposants sont brutales, voire
humiliantes. Mais ils acceptent sans mot dire !
La
nomination de Macron en août 2014, en remplacement de Montebourg, comme
Ministre de l’Économie, de l’Industrie et du numérique a l’allure d’une
provocation vis-à-vis du PS. Macron était un banquier d’affaire de la banque
Rothschild, millionnaire au titre des opérations qu’il a conduite au compte de
cette banque. Hollande et Valls indiquaient au PS : il faudra se soumettre
à un gouvernement dont la politique sera exclusivement au service des
capitalistes. À la nomination de Macron, on peut ajouter celle de Toubon, garde
des Sceaux ultra réactionnaire au sein du gouvernement Chirac-Juppé, comme « défenseur
des droits de l’homme ». Et encore celle de l’intégration dans le « staff »
de l’Élysée de Jouyet, l’un des soutiens de Sarkozy après son élection en 2007.
Sur la
déchéance de la nationalité, le PS a été traité sans aucun management. Le Monde du 25 décembre 2015 rapporte :
« Dans la majorité, beaucoup de
responsables socialistes croyaient cette mesure définitivement enterrée. Ils
ont découvert avec stupéfaction à la sortie du conseil des ministres, mercredi
23 décembre, qu’ils allaient devoir en débattre après les fêtes ». Le
préposé Le Guen a sorti la schlague : « Cette
revendication ne heurte en rien nos valeurs habituelles (…) on va avoir les
indignés habituels ». Balayant l’indignation au sein du PS, Valls a
déclaré, méprisant, au JDD du 25
décembre 2015 : « Une partie de
la gauche s’égare au nom de grandes valeurs en oubliant le contexte, notre état
de guerre, et le discours d’un président devant le Congrès ».
Une opération de sabordage
Lors du
second tour des élections régionales, Hollande, Valls et Cambadélis voulu
imposer la ligne du « désistement républicain », au nom de la lutte
pour faire barrage au Front national. Dans les régions
Nord-Pas-de-Calais-Picardie, avec le soutien d’Aubry, il faut le rappeler, et
en Provence-Alpes-Côte d’Azur, ils sont parvenus à leur fin. Par contre, dans
la région Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine, la tête de liste du PS, Masseret a
refusé d’appliquer la consigne. L’homme de main Cambadélis, de concert avec
Valls, a tout tenté pour le faire capituler. « Une cellule “anti-Masseret“ a été mise en place au siège du
parti. Les colistiers contactés un à un » (Le Monde du 10 décembre 2015). Valls est intervenu pour appeler le
récalcitrant à « rester digne ».
« Les secrétaires d’État Christian
Ecker et Jean-Marc Todeschini, tous deux Lorrains, l’ont imploré de rester dans
le droit chemin » (Le Monde
du 10 décembre 2015). Masseret a maintenu sa liste. Se référant au parti de
Blum et de Jaurès, Masseret et la majorité de ses colistiers n’ont pas
capitulé. Un ultime réflexe de survie politique alors que lors des élections
départementales, Masseret s’était prononcé pour le désistement républicain. Il
est à noter que dans les deux régions où le dit désistement a été appliqué, l’abstention
au second tour a été significativement plus importante qu’au premier tour (4,35 %
dans le Nord, 5,31 % dans le Sud-Est avec 9,14 % dans le département
des Hautes-Alpes). Au second tour, Masseret gagne plus de 50 000 voix par
rapport au premier tour.
Faisant
suite aux défaites lors des élections municipales et départementales subies
dans les deux régions, c’est la liquidation complète du PS qui est engagée. Du
point de vue de l’histoire du PS, le fait a une grande importance politique. Le
département du Nord, avec Mauroy, et celui des Bouches-du-Rhône, avec Deferre,
ont incarné la continuité du PS avec la vieille SFIO. C’est dans ces régions
que le PS avait gardé des liens réels avec les travailleurs et leurs
organisations. C’est dans ces départements que nombre de militants avaient pris
part activement héroïquement au combat dans la Résistance contre l’occupant
nazi, en particulier dans le Nord, aux côtés des ouvriers des mines (ceux que
Clemenceau avait fusillés). Au congrès d’Épinay, en 1971, les départements du
Nord et des Bouches-du-Rhône ont apporté 30 % des mandats à François
Mitterrand.
L’acharnement
pour le désistement républicain de Valls, Cambadélis, Le Guen et consorts a eu
une signification politique qui va bien au-delà des régions concernées.
Les liquidateurs du PS à l’offensive
Cherchant
à utiliser à leur compte les défaites électorales du PS, les liquidateurs du PS
ont multiplié les initiatives. Valls est en première ligne. Le Monde du 11 décembre rapporte qu’en juin 2014, devant le
conseil national du PS, il a déclaré : « Si
la gauche ne se réinvente pas », avertissait-il, « elle peut mourir », car « elle n’a jamais été aussi faible dans l’histoire de la Ve
République ». Pour l’ancien rocardien, le PS tel qu’il avait été pensé
par François Mitterrand au congrès d’Épinay en 1971 est à bout de souffle. « Nous sommes arrivés au bout de
quelque chose, ou bout peut-être d’un cycle historique de notre parti ».
Dans une interview au Nouvel Observateur,
en octobre 2014, il propose de transformer le PS en une « maison commune ouverte à toutes les
forces progressistes pour faire face à la menace d’une droite dure et d’une extrême
droite qui progresse ». Le Monde
du 11 juin 2015, à propos de la discussion lors du congrès national du PS,
commente : « Mais Valls entend
reconfigurer la vieille mécanique socialiste. » (…) « Il a besoin d’un
dépassement du PS » (…) À ses yeux, “ce n’est pas un problème d’outil,
mais de message. Les partis politiques doivent d’adresser à tous les Français
pour rassurer et aller chercher les abstentionnistes“. Quitte à devoir abattre, pour y parvenir, certaines clés de voûte
idéologiques ». À l’adresse
des frondeurs, le 22 février 2016, Valls déclare : « Il y en a qui sont encore au XIXe siècle, moi et les membres du
gouvernement ici présents nous sommes dans le XXIe siècle » (Le Monde, 13-14 mars 2016). On pourrait
multiplier à l’infini les déclarations du Premier ministre sur cette
orientation.
Cambadélis
est sur la même orientation. Lors du congrès de Poitiers, il a martelé sur la
nécessité du « renouveau ». Il a appelé comme Valls à « dépasser le PS ». Dans une
interview à Paris Match en décembre 2015, il a déclaré :
« Nous devons créer un élargissement
qui conduira au dépassement du PS (…) Une ouverture tous azimuts sans
inféodation à personne. Je propose donc la création d’une formation d’une
formation politique qui se substituera à terme au vieux Parti socialiste (…) La
question du nom n’est pas pour l’instant ouverte. Et c’est le combat pour le
dépassement qui déterminera son issue (…). J’appelle à trois ruptures. D’abord,
sur la forme de notre organisation, le Parti socialiste d’Épinay est mort. Il
faut un changement complet du parti. »
Valls
et Cambadélis sont la même orientation que Rocard, soutenu par Mélenchon et
Royal, qui en 1993 proposait un « Bing Bang » en transformant le PS
en « mouvement ». Une majorité de l’appareil avait réagi pour au bout
du compte éjecter Rocard de la direction. Il faut constater à ce jour que la
résistance à l’orientation Valls-Cambadélis est limitée. Le refus de Masseret d’appliquer
le front républicain en est une expression. Les difficultés que Cambadélis a
rencontrées pour faire avaler la révision constitutionnelle et la rebuffade d’un
tiers des députés du PS sur le code de la nationalité en est une autre, bien
que par ailleurs ils aient totalement capitulé sur la question de l’état d’urgence.
Il n’y a pas de « courant
gauche » dans le PS
Les
frondeurs sont affublés du titre de « gauche » du PS.
En
aucun cas les frondeurs ne constituent une opposition réelle. Leur motion pour
le congrès de Poitiers, comme la motion de Valls-Cambadélis, prônait « un dépassement du PS ». Sur
leur opposition à la politique du gouvernement, Le Monde du 12-13 mars 2015 commente : » Sur le fond, ils ne sont pas non plus
assez éloignés de la motion de la majorité pour créer un effet de contraste (…)
La réelle différence repose sur la ligne économique. Mais, là encore, la fronde
des députés a souvent donné l’impression de tourner autour d’une question de
curseur davantage que sur des choix structurants ». À l’occasion du
vote du budget 2016, Le Monde du 22
octobre 2015 se moque : « La
fronde se dégonfle. Seuls 19 députés du PS se sont abstenus, mardi, lors du
vote de la partie » recettes » du projet de loi de finances. ».
Jean-Marie Le Guen avait averti les frondeurs : « Qu’est-ce qu’appartenir
à une majorité, de façon classique ? C’est voter un budget. Si un certain
nombre de députés soi-disant socialistes ne votaient pas pour le budget, il y
aurait indiscutablement un problème nouveau. » Indiscutablement les frondeurs ont en tenu compte.
Il en
est de même pour Aubry. Il suffit de rappeler que lors de la préparation du
congrès de Poitiers, avec ses partisans, elle a rallié la motion
Cambadélis-Valls, c’est-à-dire celle du gouvernement. Le partisan d’Aubry, le
député Jean-Marc Germain, donne la clef pour décoder sa tribune publiée dans Le Monde du 25 février 2016 : « On a voulu que ce texte soit
représentatif de la « gauche de gouvernement ». Il ne s’agit pas d’être
contre Hollande, on reconnaît que des choses bien se sont faites, mais il nous
semble important de proposer notre propre vision du réformisme. Nous ne voulons
pas entériner l’idée de Valls selon laquelle il y aurait une gauche réformiste
et une gauche conservatrice. Nous avons toujours été des réformateurs, mais il
faut redonner un sens au mot « réforme ».
Aubry,
comme les frondeurs, n’exige pas le retrait du projet de loi El Khomri, projet
qui s’inscrit dans la continuité de sa loi sur les « 35 heures » qui
a constitué pour le patronat une étape importante dans l’instauration de la
flexibilité et la liquidation du code du travail. Elle ne remet pas en cause l’état
d’urgence et l’adoption des lois vers l’instauration de l’État policier. Sa
tribune, cosignée par des « personnalités » étrangères aux PS, par le
réactionnaire Cohn-Bendit et le député Vert Jadot, fait barrage de fait à ce
que s’organise au sein du PS un début d’opposition aux liquidateurs. C’est en
ce sens qu’Aubry s’est ralliée à la perspective de « primaires à gauche »
qui est de la même nature : tout faire pour ce ne soient pas les adhérents
qui désignent le candidat du PS et pour annihiler toute tentative d’opposition
à sa liquidation en son sein.
L’adjudant-chef
Le Guen a commenté cyniquement la tribune d’Aubry « Chacun est libre de ses engagements, mais on ne peut pas
donner des leçons de morale quand on voit notamment la situation dans laquelle
est le Parti socialiste dans le Nord-Pas-de-Calais. Et moi je ne veux pas pour
la gauche ce qui s’est passé l’année dernière dans le Nord-Pas-de-Calais, c’est-à-dire
que l’on soit condamné à voter pour un candidat de droite face à l’extrême
droite. Parce que l’alternative à François Hollande aujourd’hui, c’est la
droite ou l’extrême droite, ce n’est pas la gauche de Martine Aubry (…) Je
pense qu’il y a effectivement deux gauches. Celle de François Hollande, c’est
une gauche pragmatique, réaliste, qui a su entraîner dans ces primaires et dans
l’action aujourd’hui. Parce que quoi qu’on en dise, la gauche de contestation
est minoritaire à gauche, très minoritaire. »
Face à l’offensive des
liquidateurs, l’existence du PS est en jeu
Trotsky
qualifiait les partis sociaux-démocrates de partis ouvriers‑bourgeois
parlementaires. Cette caractérisation s’applique encore au PS en France. Il n’existe
en tant que parti qu’autant qu’il a la possibilité au sein de la société
bourgeoise d’être la représentation politique du prolétariat sur le terrain des
élections, essentiellement, à tous les niveaux, tout en jouant le rôle de le
subordonner à la domination de la bourgeoisie.
Toutes
les conditions sont réunies pour que la crise du PS connaisse des
développements de grande importance.
L’éditorial
de CPS N°59 (N°141) du 20 janvier
2016 indiquait :
« Mais
pourquoi donc cet acharnement à vouloir détruire le PS ? Il y a là un
paradoxe incompréhensible pour tous ceux – et ils sont nombreux dans ce qu’on
appelle « l’extrême gauche » – qui pensent selon la logique formelle
et sont incapables de penser dialectiquement. Pour ceux-là, le PS est un parti
bourgeois puisqu’il a une politique bourgeoise. Et en effet, il n’y a pas le
moindre doute que la politique du PS soit 100 % bourgeoise, et cela, non
depuis hier ou avant-hier, mais depuis son ralliement à l’Union sacrée il y a
un peu plus d’un siècle ! En cela il ne diffère d’ailleurs pas du PCF,
dont la politique n’est pas moins bourgeoise. Et pourtant, ce vieux parti
pourri, corrompu jusqu’à la moelle, la bourgeoisie n’a de cesse de le voir
disparaître ! Et il y a à cela une bonne raison. C’est encore de ce parti
principalement (aujourd’hui bien plus secondairement du PCF) que les masses
cherchent à se saisir lorsqu’il s’agit de chasser les partis bourgeois, comme
elles l’ont fait en 2012. Liquider ce parti, le transformer en une sorte de
parti démocrate à l’américaine, ce serait créer une situation où le prolétariat
ne disposerait plus d’aucun instrument pour affirmer sa candidature au pouvoir
en l’absence de Parti révolutionnaire. Car le PS, 100 % bourgeois par sa
politique, est historiquement un parti qui a été construit par la classe
ouvrière, occupant la place qu’occupait la SFIO. Ces racines historiques ne
sont absolument pas secondaires. Pas plus que n’est secondaire la dénomination
de ce parti. On sait que les liquidateurs du PS – dont beaucoup sont à la tête
du PS lui-même – ne cessent de réclamer la disparition de la dénomination « socialiste »
pour le qualifier. »
Par
leur prise en charge de la politique du gouvernement au compte du capitalisme,
tous les dirigeants du PS sont des liquidateurs en puissance. Néanmoins, au
sein du PS, il y a une ligne de partage entre ceux qui sont ouvertement pour sa
liquidation et ceux qui jugent que leur existence politique implique une
continuité de l’existence du PS en tant que parti. La frontière entre les deux
camps est mouvante. Mais aujourd’hui ce sont les liquidateurs qui ont l’initiative.
Le 29 mars 2016
«