Article
paru dans «Combattre pour le socialisme» n°59 (20 janvier 2016) :
Enseignement public
Pour
que la direction et le congrès national de la FSU exigent :
● la levée
immédiate de l’état d’urgence
● le retrait du
projet de réforme constitutionnelle
● le retrait du
projet de loi pénale
C’est
au moment où le gouvernement Hollande-Valls-Cazeneuve-Taubira veut s’engager à
marche forcée vers un État policier que doit se tenir le 8e congrès
de la FSU (du 1er au 5 février au Mans). L’état d’urgence et ses
corollaires représentent une attaque majeure contre les libertés démocratiques,
parmi lesquelles celles, essentielles, qui permettent aux travailleurs de combattre
pour défendre leurs conditions d’existence. C’est bien les droits, de réunion,
de manifestation, de grève qui sont aujourd’hui visés, au moment même où les
assauts des capitalistes et du gouvernement atteignent des sommets.
La FSU
(Fédération syndicale unitaire), principale fédération de l’enseignement
public, regroupe les deux principaux syndicats d’enseignants : le SNES
(collèges et lycées) et le SNUipp (écoles). A eux deux, ces syndicats
représentent 69 % des syndiqués de la FSU, les 20 autres syndicats se
répartissant les 31 % restant.
Depuis
le précédent congrès de la FSU (Poitiers – février 2013), la direction de la
fédération et celles de ses principaux syndicats (le SNUipp et le SNES) ont
apporté un concours déterminant au gouvernement pour qu’il puisse infliger des
défaites historiques aux principaux corps enseignants.
Pour
ceux du 1er degré, c’est la mise en place de la contre-réforme dite
des rythmes scolaires. Plaçant l’organisation du temps scolaire sous la
responsabilité des élus locaux, elle a entraîné une remise en cause du
caractère national de l’enseignement public. Elle a permis au gouvernement de
s’attaquer au statut de dizaines de milliers d’enseignants des écoles. Et elle
a ouvert la voie à bien d’autres attaques.
Pour
les enseignants du 2nd degré, la liquidation des décrets de 1950 les
laissent démunis face au travail supplémentaire sans limite qui peut leur être
exigé. Et nous verrons en quoi cette défaite était indispensable pour que le
gouvernement puisse lancer sa contre-réforme du collège.
Nous
avons expliqué comment cette collaboration des dirigeants des principaux
syndicats enseignants avait été sanctionnée lors des élections
professionnelles, il y a un an, et nous verrons qu’elle a produit des effets
analogues lors des récentes élections internes à la FSU.
Mais
loin de tenir compte de la sanction des urnes, la direction de la FSU a, au
contraire, amplifié son soutien acharné au gouvernement dans la toute dernière
période en approuvant l’accord PPCR, en participant à la conférence
« sociale » en octobre.
Mais on
peut affirmer que le concours qu’elle a apporté au gouvernement pour la mise en
place de l’état d’urgence va bien au-delà de tout ce qu’elle avait accompli
jusqu’alors. Nous aborderons largement cela dans la dernière partie de cet
article.
Élections professionnelles
de 2014, scrutins internes à la FSU de 2015 :
enseignants et syndiqués ont sanctionné les dirigeants de la FSU, du SNES et du
SNUipp
Il y a
un an, nous analysions les résultats des élections professionnelles, marquées
par un recul très net de la représentativité de la FSU dû principalement au
score du SNES (- 6 % chez les certifiés et les agrégés) et à celui du
SNUipp (- 4 % chez les enseignants des écoles). Et nous expliquions que
les enseignants avaient voulu sanctionner le soutien des directions de ces
syndicats au gouvernement pour la liquidation des décrets de 1950 et la mise en
œuvre de la contre-réforme des rythmes scolaires.
Un an
après, au mois de novembre 2015, avaient lieu les élections internes dans la
FSU. Les adhérents des syndicats de cette fédération avaient à se prononcer sur
le rapport d’activité et à choisir parmi les orientations présentées par les
différents courants de la FSU.
On doit
d’abord noter qu’en 3 ans, le nombre de syndiqués de la FSU a diminué de
3 %. Mais pour le SNUipp, cette perte atteint
4,8 % et pour le SNES, elle est de 7 %. On voit là comment la
politique de soutien au gouvernement des dirigeants de ces syndicats conduit à
l’affaiblissement des organisations syndicales dont les enseignants ont
pourtant besoin pour résister aux attaques du gouvernement.
On
constate une baisse importante de 4,6 % de l’approbation au rapport
national d’activité. Elle recule même de 5,8 % dans le SNUipp.
Au sein
de la FSU, persiste la possibilité à différents courants de pouvoir soumettre
au vote des syndiqués leur orientation. Le principal courant est Unité et Action. Ce courant,
historiquement lié au PCF, dirige seul le SNES et, en association avec le
courant École Émancipée, le SNUipp et
la FSU.
Pour le
vote d’orientation, Unité et Action
qui conserve une majorité écrasante de 71 % a enregistré un recul global
de 1,4 % (- 1 % dans le SNES et - 2,5 % dans le SNUipp). École Émancipée qui a pu apparaître chez
les syndiqués moins engagé auprès du gouvernement contre les enseignants
connaît, en obtenant 20 %, une progression de 2 % (+ 1 % dans le
SNES et + 2,6 % dans le SNUipp). Émancipation,
courant provenant d’une scission de l’École
Émancipée, avec 4,1 %, progresse légèrement de 0,35 % (+
0,2 % dans le SNES et + 0,6 % dans le SNUipp). URIS se trouvait dans une situation particulière lors de ces
élections. Ce courant, constitué à l’initiative du CCI-POI, regroupe une partie
des militants de cette organisation de l’enseignement public, la plus grande partie
étant syndiquée à FO. Or, il y a quelques mois, le CCI-POI a connu une violente
scission qui a bien évidemment affecté le courant URIS. C’est donc une fraction de ce courant qui a conservé le sigle
et a pu in extremis présenter une
liste pour le vote d’orientation. URIS
avec 2,7 % connaît donc une baisse importante de ses résultats de
1,2 % (- 0,55 % dans le SNES et - 0,7 dans le SNUipp).
Le
courant Front Unique, qui regroupe
les militants qui combattent pour le front uni des syndicats de l’enseignement
public, a rassemblé les voix de 819 syndiqués de la FSU, ce qui représente une
progression de sa représentativité, qui passe de 2,15 à 2,40 %. Dans
certains syndicats, les résultats sont encore plus importants : 4,7 %
dans le SNUCLIAS (un de syndicats des collectivités territoriales), 6,8 %
dans le SNETAP (enseignement agricole public), 7,9 % dans le SNUEP
(enseignement professionnel public). Et surtout, 12 % dans le SNCS
(recherche) et 14,2 % dans le SNASUB (bibliothécaires et agents
administratifs), Front Unique étant
représenté dans les instances nationales de ces deux syndicats. Avec ces
résultats, Front Unique pourra
envoyer une délégation de 16 de ses représentants au congrès national de la
FSU, un de plus qu’en 2013.
En s’appuyant sur la
direction de la FSU, le gouvernement impose PPCR,
en passant outre le refus des syndicats majoritaires
Nous
avons insisté dans notre précédent numéro de CPS sur l’enjeu de PPCR (Parcours professionnels, carrières et
rémunérations) dans le combat que mène le gouvernement contre le statut des
fonctionnaires, en parallèle avec son offensive contre le Code du travail pour
les travailleurs du privé. Et nous signalions alors que le gouvernement avait
décidé, faisant fi de ses propres règles, d’imposer l’accord PPCR malgré son
rejet par des organisations syndicales majoritaires (CGT, FO, Solidaires).
C’est à l’antenne de France Inter, que Valls en fit l’annonce le 30 septembre,
en s’appuyant sur l’approbation de la FSU. On comprend mieux dès lors
l’acharnement dont fit preuve la direction de la FSU, lors de son Conseil
national le 15 septembre, pour obtenir, par un vote frauduleux, la signature de
la FSU. Pour le gouvernement, cette prise de position qui précédait celle de la
CGT, de FO et de Solidaires qui restaient incertaines, devait les pousser à
s’aligner sur elles. Cela ne s’est pas produit, et le gouvernement a décidé de
passer outre.
Au sein
de la FSU, les magouilles de la direction UA-ÉÉ pour obtenir un résultat frelaté ont
provoqué de nombreuses réactions. Et c’est surtout parmi les militants de l’École Émancipée qu’elles ont été les
plus vives.
Rappelons
que c’est le dirigeant d’École Émancipée
dans la FSU qui est allé le plus loin pour arracher la modification du vote de
plusieurs militants de son courant, modification sans laquelle toute la fraude
aux mandats des syndicats nationaux et de celui de représentants régionaux
opérée par ailleurs aurait été insuffisante.
Or,
quelques semaines après son forfait, ce responsable signe un article titré
« PPCR : le dialogue social à
l’épreuve » (revue L’École
Émancipée n° 56 ; nov.-déc. 2015). Et sous sa plume, on peut
lire : « Pourtant, avec le
passage en force de Valls, la provocation de Macron contre le statut de la FP,
l’organisation de la répression à Air France, l’appui à l’accord sur les
retraites complémentaires avec des syndicats minoritaires, comme à l’AP-HP sur
le temps de travail, les nouvelles déclarations de Macron pour le salaire au
mérite, appuyées par Lebranchu… on a, en un temps bref, le concentré de la politique
du gouvernement sur le terrain du « dialogue social » qui amène à
considérer sous un autre regard le débat sur la signature de PPCR. »
« considérer sous un autre regard le débat sur la signature de PPCR. », on n’en saura pas plus de la
part de celui qui a joué un rôle déterminant dans la prise de position usurpée
de la FSU.
Quoiqu’il
en soit, les premières applications de PPCR ont commencé. Certains dirigeants
de la FSU avançaient, pour justifier leur soutien à PPCR, qu’il permettrait une
« harmonisation » vers le meilleur. Hélas, quand un gouvernement au
service des capitalistes procède à un alignement, c’est toujours vers le pire.
Ainsi un article de la loi de finances 2016, pour « harmoniser » le
déroulement de carrière des différentes fonctions publiques, supprime les
réductions de durée d’avancement qui permettait aux personnels peu rémunérés
des fonctions publiques territoriales et hospitalières de progresser plus
rapidement. Dans le cadre de l’examen de la loi de déontologie, il a été voté
en première lecture à l’Assemblée nationale, encore dans une volonté
d’harmonisation, l’extension aux fonctionnaires de la FP d’État d’une nouvelle
sanction (mise à pied de 3 jours) qui ne concernait jusqu’alors que la FPT et
la FPH.
Pour la défense des fonctionnaires et de leur
statut, pour le rattrapage de leur pouvoir d’achat perdu par l’augmentation de
10 % du point d’indice, pour le refus des rémunérations et des carrières
au « mérite », il faut imposer aux directions syndicales (CGT, FO,
FSU) de quitter les groupes de travail qui organisent la mise en œuvre de PPCR.
Réforme du collège :
malgré son rejet par les enseignants, la direction du SNES,
à la tête de l’Intersyndicale, s’oppose au combat conséquent pour obtenir son
abrogation
Début décembre, l’intersyndicale des syndicats des collèges
annonçait une nouvelle journée de grève le 26 janvier. Il s’agit de la
quatrième après celles de mai, de juin et de septembre, auxquelles il faut
ajouter la manifestation nationale à Paris du 10 octobre. Un samedi ! Nous
avons expliqué, dans notre précédent numéro, que seul l’appel national par le
SNES au boycott de la formation à la réforme pouvait permettre de dresser les
enseignants avec leurs syndicats contre le gouvernement. Mais chaque fois que
cette proposition a été avancée, les dirigeants nationaux du SNES s’y sont
opposés. Au lieu de quoi, ils ont avancé ce qu’ils ont appelé l’opération
« grains de sable ». On comprend tout de suite de quoi il
s’agit : laisser aux équipes enseignantes localement, établissement par
établissement, la responsabilité de mener des opérations de guérilla face à une
hiérarchie qui elle est bien structurée avec un état-major. Dans certaines
académies – celle de Montpellier par exemple – des responsables du SNES ont pu
sembler aller au-delà des consignes nationales en employant le terme de
« boycott des formations ». Mais en limitant géographiquement ces
consignes, en n’exigeant pas qu’elles deviennent nationales, ces responsables
ne remettaient pas en cause une orientation nationale de dislocation.
Pourtant, malgré cette politique de bouzille, la résistance
des enseignants persiste et rend difficile la mise en place de cette réforme.
D’autant que le gouvernement, pour marquer les esprits et rendre impossible
toute marche arrière, a décidé d’avancer à marche forcée. A l’ordre du jour,
une application simultanée de cette réforme à tous les niveaux du collège, la
modification de tous les programmes scolaires et l’instauration d’une nouvelle
évaluation des élèves qui remet en cause de fait le brevet des collèges en tant
qu’examen.
Même les responsables du SIA, un syndicat d’inspecteurs du
2nd degré, pourtant favorable à la réforme, ont tenté de mettre en
garde la ministre quant à l’application de la réforme. Dans une lettre du 13
décembre, ils lui ont écrit : « Il est (…) de
notre devoir de vous alerter (…) sur les
tensions inédites observées dans les établissements scolaires (…) le profond abattement, voire le désarroi, des
professeurs de lettres classiques et d’allemand qui ont le sentiment d’avoir
été injustement pointés comme responsables des inégalités grandissantes,
sociale et culturelle, de notre système éducatif. (…) Plus nous entrons
de manière concrète dans le vif du sujet, plus nous nous engageons dans les
détails pratiques d’application et plus nous prenons conscience de la charge de
travail qui sera exigée des enseignants. (…) Outre l’appropriation de la
logique curriculaire des nouveaux programmes, les professeurs devront également
préparer transitoirement l’adaptation de ces derniers pour les élèves entrant à
la rentrée 2016 en 6e, 4e et 3e et concevoir pour les quatre années du collège
des enseignements aussi ambitieux et complexes que l’accompagnement
personnalisé ou les enseignements pratiques interdisciplinaires. (…) C’est pourquoi, (…) nous tenons à vous alerter sur le caractère peu réaliste d’une mise en œuvre
sur quatre niveaux d’enseignement simultanément (…) nous vous demandons
solennellement (…) d’envisager sa mise en œuvre de façon plus progressive et
réaliste (…) »
Mais le sort de l’école, de ses élèves, de ses enseignants,
ce gouvernement n’en a cure.
Et F. Robine (directrice générale de l’enseignement
scolaire ayant la charge opérationnelle de la mise en œuvre de la réforme du
collège) le prouve régulièrement. L’agence AEF (dépêche du 18 décembre)
lui a posé la question suivante : « Allez-vous permettre une application graduelle ? »
Elle
répond : « Non ! Cette
réforme ne peut pas s’appliquer graduellement. (…). Je suis convaincue qu’il
faut actionner en même temps tous les leviers – la logique des cycles,
l’évaluation des élèves, les nouvelles postures pédagogiques, les
programmes, etc. — (…). J’ai conscience qu’il y aura un gros effort à
fournir pour les équipes de terrain, en particulier la première année. »
Mais malgré ce « gros effort à
fournir », elle déclare par ailleurs : « Je pense qu’il y aura besoin d’un temps de
transition : tout ne sera pas parfait dès le départ et on n’arrivera pas
au modèle idéal du collège au 1er septembre 2016 ! »
Bref, elle exige des enseignants de tout changer, de fournir « un gros effort » et elle leur
indique que ce « ne sera pas parfait »,
ce qui signifie que la rentrée 2016 sera bien pire que celle de 2015.
Certes le gouvernement peut se prévaloir du soutien
indéfectible des directions de deux syndicats (le SE-UNSA et le SGEN-CFDT).
Mais leur représentativité dans le second degré est squelettique. Les
dirigeants du SE-UNSA sont même allés, pour aider le gouvernement, jusqu’à
publier un guide de 24 pages de mise en place de la réforme introduit par ce
titre : « Emparons-nous collectivement de cette réforme ». Mais
ses représentants dans les établissements sont pleinement conscients de l’état
d’esprit qui domine, et par exemple ils avouent que les quelques enseignants
qui ont participé volontairement aux formations pendant les vacances de
Toussaint l’ont caché à leurs collègues par crainte de leurs réactions.
Les personnels ont bien compris que la réforme s’attaquait
à leurs disciplines, à leurs élèves et à leurs conditions de travail qui se
verraient amplement dégradées. Ils ont pris conscience que le travail en équipe
que le ministère veut leur imposer vise à remettre en cause leur liberté
pédagogique. Ils ont perçu que le caporalisme serait accentué, que les chefs
d’établissement auraient plus de pouvoir et que l’autonomie signifierait des
luttes intestines parmi eux qui briseraient toute solidarité, et que la
concurrence entre établissements mettrait en cause le caractère national de
l’enseignement public.
Déjà toutes les ficelles sont employées pour tenter de
réduire les résistances. Mais si les techniques de manipulation employées
peuvent fonctionner quand il s’agit de réduire l’opposition d’une minorité,
elles se révèlent impuissantes et même contre-productives face à celle d’une
majorité. Et après le discours mielleux sur la « communauté » qui
regrouperait inspecteurs, chefs d’établissement et enseignants, les
proclamations habituelles invoquant « l’intérêt des élèves », c’est
le brutal recours à l’autorité et aux menaces qui est brandi contre les
réfractaires. Les exemples sont nombreux.
Un inspecteur dans l’Académie de Toulouse avait voulu
mettre en place un dispositif quasi-militaire. Il préconisait ni plus ni moins
que de ficher les enseignants selon leurs positions sur la réforme et allait
même jusqu’à vouloir recenser le nombre de grévistes par établissement pour
mieux venir à bout des résistances. Quand l’opération a connu un retentissement
national, la Rectrice de Toulouse a été contrainte de déclarer qu’il avait
commis une faute. La faute étant évidemment celle d’avoir laissé des traces
écrites de ses stratagèmes.
Il y a eu aussi dans l’Académie de Tours, le directeur
académique du Loiret qui, dans une circulaire aux chefs d’établissement et aux
directeurs d’école, leur demandait de signaler parmi les faits de violence et
d’événements graves en milieu scolaire, les faits de grève, de rassemblement et
de manifestation.
Plus récemment, c’est la Rectrice de Grenoble qui a adressé
une lettre aux chefs d’établissement de son Académie leur demandant de dénoncer
les enseignants qui auraient boycotté une « formation » sur la
réforme du collège, ou qui, y ayant participé, se seraient opposés à la
réforme, y compris par leur seul mutisme. Elle a indiqué qu’elle porterait au
dossier administratif des enseignants concernés la lettre de condamnation de
leur comportement qu’elle leur enverrait.
Les dirigeants du SNES ont sciemment aidé le gouvernement à
liquider les décrets de 1950, ce qui était un objectif de longue date de la
bourgeoisie. Pour tenter de camoufler leur forfait, ils avaient osé propager la
fable selon laquelle les décrets d’août 2014 seraient davantage protecteurs que
ceux de 1950 auxquels ils se substituaient. Mais à la mi-septembre, F. Robine a
clairement dit ce qu’il en était : « (…) je rappelle que ces formations, elles doivent se dérouler sur le temps
de travail des enseignants, mais que le temps de travail des enseignants,
relisez le décret de 2014, ne peut pas se confondre avec le temps de
face-à-face pédagogique devant les élèves, le temps de travail des enseignants,
c’est 1607 heures réparties sur 36 semaines. ».
C’est-à-dire que la seule limite à l’ajout de tâches aux obligations
d’enseignement des professeurs du 2nd degré, c’est le plafond des
1607 heures. Cela signifie que pour un certifié ayant une obligation de service
d’enseignement hebdomadaire de 18h, il pourrait lui être demandé d’accomplir
jusqu’à … 26 heures supplémentaires par semaine pour accomplir toutes sortes de
missions complémentaires à son service d’enseignement. Aussi, inspecteurs et
chefs d’établissements n’hésitent pas à invoquer ces décrets de 2014 pour
menacer d’un retrait d’une journée de traitement tous les enseignants qui
refuseraient de participer à des formations en dehors de leurs heures de service
d’enseignement.
On le constate nettement, la liquidation de décrets de 1950
était indispensable pour engager la réforme du collège et toutes les autres
contre-réformes que prépare déjà le gouvernement. Et quand des dirigeants du
SNES prétendent encore que les représentants de l’administration commettraient
une mauvaise interprétation des décrets de 2014, plus personne n’est dupe.
Le journal Les Échos, le 12 octobre, a
indiqué que Valls aurait demandé à B. Groison (secrétaire générale de la
FSU), à la mi-septembre, de trouver une porte de sortie sur cette réforme du
collège. C’est en fait plutôt la direction du SNES qui espère que
la ministre lui permettra de sauver la face en lui ouvrant enfin la porte de
son bureau. Sur le site du journal Libération, le
13 octobre, les propos suivants étaient attribués à F. Rolet (co-secrétaire
générale du SNES-FSU) : « Nous
ne voulons pas la suppression du décret qui pose un cadre très général mais la
réécriture de l’arrêté et de la circulaire d’application. » Dans
l’Université syndicaliste du 9 janvier (journal du SNES), R. Hubert
(l’autre co-secrétaire), après avoir écrit que le but de la grève du 26 janvier
était que la réforme « soit remise dans les cartons », indique
« que la lutte (…) doit déboucher sur la reprise des discussions
brutalement interrompues (…) ». Et dans une lettre du 7
janvier à la ministre, les directions du SNES et du SNEP lui demandent « de reprendre des discussions trop vite unilatéralement conclues ».
Or, la
lettre déjà évoquée du SIA à la ministre se concluait par la demande « de mettre en place au plus vite un comité de
suivi de la réforme réunissant les représentants syndicaux des personnels
enseignants et d’éducation, des chefs d’établissement, des corps
d’inspection. ». Comme en
écho, X. Turion, adjoint de F. Robine, aurait indiqué le 16 décembre, lors
d’une réunion avec des associations de professeurs de mathématique, « qu’une instance de concertation et de suivi
de la réforme, associant les représentants des personnels, devrait être mise en
place dès le premier trimestre 2016. ». Serait-ce ainsi que les dirigeants du SNES
envisagent la « reprise des
discussions » avec le ministère ? Seraient-ils disposés à
accepter cette proposition ministérielle au lendemain de la 4e
journée de grève le 26 janvier ? Cela signifierait briser le front uni qui
s’était formé autour du SNES pour l’abrogation de la réforme du collège et
apporter une aide décisive au gouvernement. L. Tramoni, responsable du SNES de
l’académie d’Aix- Marseille, a fait paraître une tribune sur le site du JDD le 11 janvier. Dans sa conclusion,
il indique : « La
réforme Collège 2016 est un astre mort dont on perçoit encore la lumière. »
Affirmer que la réforme « est un
astre mort », signifierait-il qu’il deviendrait inutile de la combattre ?
Et il termine en écrivant :
« Vivement que l’on
passe à autre chose ! » Est-ce une manière de préparer un
changement assumé de discours ?
Mais si
les dirigeants du SNES peuvent aspirer à « renouer les fils du dialogue » avec le gouvernement, il n’est pas
certain qu’ils puissent y parvenir. D’abord, parce que, pour l’instant – même
si cela peut changer –, le gouvernement n’est pas disposé à offrir à la
direction du SNES la moindre marge de manœuvre hormis la capitulation. Mais
surtout, c’est le rejet massif par les
enseignants de la réforme du collège qui constitue le principal obstacle à
cette capitulation. Et dans les établissements, la résistance semble encore
dominer la résignation. C’est au cours de janvier que chaque collège va se voir
attribuer la dotation horaire globale (DHG). Même si le ministère avait indiqué
que 4000 postes seraient attribués dans les collèges en deux ans pour permettre
la mise en place de la réforme, il se contente aujourd’hui d’indiquer que les
DHG « ne diminueront pas »
(sic) « à effectifs constants ».
La mise en œuvre de la réforme prévoit la suppression de dispositifs existants
(classe bi-langues, enseignement des langues anciennes,…) pour en créer de
nouveaux : les enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI) et l’accompagnement
personnalisé (AP). Or c’est en fonction de ces DHG que les enseignants vont
percevoir concrètement les conséquences de la réforme en termes d’enseignements
supprimés, de postes redéployés. Dans les collèges privés, déjà sont prévus des
licenciements et des changements de matières imposés. Dans le public, la perte,
pour certains professeurs, d’une part de leurs heures d’enseignement, va se
traduire par l’imposition de compléments de service dans un (ou plusieurs)
autre(s) établissement(s). On ne peut encore préjuger des réactions aux
annonces des DHG, mais même si l’orientation imposée par la direction du SNES
et le temps ne jouent pas en faveur des enseignants, on ne peut rien exclure.
Aussi,
le combat pour que la direction du SNES maintienne le front uni sur le mot
d’ordre d’abrogation de la réforme et qu’elle appelle nationalement avec
l’intersyndicale au boycott de sa mise en place par le refus des formations est
encore la tâche actuelle.
Il faut savoir qu’une nouvelle défaite des enseignants est
indispensable pour leur porter de nouveaux coups. De nombreux rapports les
préparent sans compter toutes les modifications statutaires prévues dans le
cadre de l’application de PPCR dans le ministère de l’Éducation nationale.
Toutes les réformes déjà réalisées ou à venir ont pour objectif de réduire
massivement les dépenses budgétaires pour l’enseignement public. Ce qui
implique d’amplifier encore les attaques contre les enseignants. On peut citer
quelques mesures préconisées : diminution des horaires d’enseignement en
lycée, augmentation de 3 heures hebdomadaires des obligations d’enseignement
pour les professeurs agrégés exerçant en collège, doter les écoles de
véritables chefs d’établissement, livrer l’enseignement professionnel aux
patrons et aux régions et lui substituer l’apprentissage…
Et au nom de pseudo-valeurs dont aiment à se parer un État
et un gouvernement au service des capitalistes, l’école serait sommée de prôner
à ses élèves la soumission, au lieu de les instruire, de glorifier armée, police,
justice, patrons, et de participer aux manifestations patriotiques. Bien
évidemment, cela nécessite de briser l’indépendance des enseignants et leur
liberté pédagogique.
Défendre
l’enseignement public contre les assauts de la bourgeoisie et du gouvernement à
son service implique le combat systématique pour que la direction de la FSU et
celles de ses syndicats nationaux rompent leur collaboration avec le
gouvernement et défendent de manière intransigeante contre lui les intérêts des
personnels.
État d’urgence : la
direction de la FSU totalement engagée aux côtés du gouvernement
Le 20
novembre, au lendemain du vote quasi-unanime (6 voix contre) de l’Assemblée
nationale qui prolongeait de 3 mois l’état d’urgence, Valls rencontrait les
« partenaires sociaux ». Selon le compte-rendu de la direction de la
FSU, sa représentante se serait exprimée ainsi : « Le recours à l’État d’urgence se justifie
par le caractère exceptionnel de la situation que nous vivons. (…) Les mesures
qui en découlent doivent être connues de tous les salariés, expliquées pour
être comprises (…). » Ainsi donc, sans même qu’une instance statutaire
ait pris position, la direction de la FSU affirmait son plein soutien à l’état
d’urgence et à sa prolongation. Et on comprend qu’elle est disposée à aider le
gouvernement à « expliquer » les mesures liberticides aux salariés
pour qu’ils les « comprennent », c’est-à-dire, pour qu’ils les
acceptent.
Un tel
discours, admettant sans rechigner le moins du monde la liquidation des
libertés démocratiques acquises de longue lutte, a provoqué des remous. Les
représentants du courant École Émancipée
au bureau national de la FSU ont publié le 24 novembre une contribution titrée
« État d’urgence, le combattre ». Avec un tel titre, on aurait pu penser qu’ils
étaient donc pour la levée immédiate de l’état d’urgence. Que nenni, la
conclusion était : « C’est
pourquoi nous devons être opposés à la prolongation de l’état d’urgence comme à
sa "constitutionnalisation" ». En fait, ils n’étaient pas
contre l’état d’urgence, mais contre sa prolongation et sa
constitutionnalisation. Et très vite, ils l’ont prouvé, en refusant de voter,
au Bureau national du 30 novembre, une motion, présentée par le représentant du
courant Front Unique, qui
exigeait la levée immédiate de l’état d’urgence en défense des libertés
démocratiques.
Comme toutes les directions des organisations syndicales,
celle de la FSU a accepté de participer au comité de suivi de l’état d’urgence mis en
place par la ministre du travail pour obtenir leur caution et leur concours au
sein des entreprises pour sa mise en œuvre, y compris par la dénonciation de
travailleurs « qui seraient en voie
de radicalisation ». Déjà des licenciements ont été prononcés sur la
base de rumeurs.
La
direction de la FSU a été signataire de l’appel « Nous ne céderons pas ! » dans la mesure où celui-ci ne
demandait pas la levée de l’état d’urgence. Mais quand après les assignations à
résidence contre des militants écologistes et les arrestations massives de
manifestants le 29 novembre – dont plusieurs militants syndicaux de la FSU -,
les signataires du 1er appel en ont adopté un nouveau (« Sortir de l’état d’urgence ») qui
formellement évoquait la levée de l’état d’urgence, la direction de la FSU a
alors refusé de s’y associer, contrairement à deux de ses syndicats, le
SNPES-PJJ et le SNUITAM. Déjà deux autres syndicats de la FSU avaient
clairement pris position pour la levée immédiate de l’état d’urgence : le
SNAC (personnels de la culture) et surtout le SNESUP (enseignants de l’enseignement
supérieur), rejoints le 8 janvier par le SNCS (chercheurs).
Sur la
question de la déchéance de la nationalité pour les binationaux envisagée par
le gouvernement Hollande-Valls-Cazeneuve-Taubira, la direction de la FSU a
certes publié le 24 décembre un communiqué qui « demande au gouvernement de revenir sur cette proposition et aux
parlementaires de refuser de l’avaliser ». Mais sur la question de la
constitutionnalisation de l’état d’urgence, elle n’a pas, au moment où ces
lignes sont écrites, arrêté de position.
Combattre dès à présent pour
que la direction nationale de la FSU exige la levée immédiate
de l’état d’urgence et le retrait des projets de réforme constitutionnelle et
de loi pénale
Il faut
s’arrêter sur la situation dans laquelle s’inscrivent toutes les mesures que le
gouvernement prend et veut prendre au nom de la « lutte contre le
terrorisme ». On peut lire dans l’éditorial de ce numéro de CPS que pour le gouvernement, toutes ces
dispositions répondent en réalité à de toutes autres intentions.
Le
gouvernement a un programme en faveur des capitalistes dont la mise en œuvre
nécessite de porter les plus grands coups contre la jeunesse, les travailleurs
(en activité ou au chômage), les handicapés et les retraités. Il cible les
acquis de décennies de combat ouvrier qui ont formalisé des droits
essentiels : à la santé, à l’enseignement public, à des revenus en cas de
chômage ou de retraite. Si beaucoup a déjà été accompli contre le prolétariat
et ses acquis, il reste bien davantage à faire. L’offensive simultanée contre
le Code du travail et le statut des fonctionnaires témoigne de l’ampleur des
ambitions gouvernementales.
L’état
d’urgence, sa prolongation, la volonté de l’inscrire dans la constitution, le
projet de réforme pénale qui veut rendre pérennes des mesures d’exception et en
créer de nouvelles, tous ces pouvoirs arbitraires que le gouvernement veut
attribuer à ses représentants – les préfets et les policiers –, il veut les
utiliser pleinement contre les travailleurs qui voudraient lutter pour défendre
ou améliorer leurs conditions d’existence.
Il
voudrait empêcher toute résistance, tout combat des travailleurs qui remettrait
en cause le « dialogue social » qui lui permet de faire passer ses
plans avec la caution des dirigeants syndicaux.
C’est
pourquoi, il a organisé un déferlement politique, médiatique, policier et
judiciaire contre les salariés d’Air France qui refusaient d’accepter leur
déchéance dans le cadre de la « concertation » avec la direction. Il
y a quelques jours, contre des salariés de Goodyear, il a obtenu une
condamnation à deux ans de prison dont 9 mois ferme, conformément aux
réquisitions du procureur soumis au ministère de la justice.
En
1958, la FEN (Fédération de l’éducation nationale) avait appelé à la grève
générale contre le coup d’État de de
Gaulle. Certes entre la FEN de cette époque et la FSU d’aujourd’hui, il n’y a
rien de commun. Si la première était la matérialisation de l’unité syndicale
sauvegardée dans l’enseignement public, la FSU procède au contraire de la
destruction de cette unité concrétisée par la liquidation de la FEN et de son
principal syndicat, le Syndicat national des instituteurs. Cela a représenté
une immense défaite pour le prolétariat dans son ensemble et pour les
enseignants qui en subissent encore pleinement les effets.
Il n’empêche que la tenue du congrès de la FSU au moment où
le gouvernement Hollande-Valls-Cazeneuve-Taubira engage une campagne forcenée
contre les libertés démocratiques et une marche accélérée à l’État policier
donne à ce congrès une très grande importance. Les militants du courant Front Unique ont combattu les premiers
dans la FSU pour la levée immédiate de l’état d’urgence. Dès à présent dans les
congrès départementaux et dans les instances syndicales, ils soumettent au vote
des motions qui demandent à la direction de la FSU de prendre clairement
position pour la levée immédiate de l’état d’urgence, le retrait de la réforme
constitutionnelle et de la loi pénale. Et pour arracher ces exigences, qu’elle
appelle à une manifestation à l’Assemblée nationale et qu’elle réalise le front
uni avec les directions de la CGT, de FO et de l’UNEF sur cet appel.
Il est vraisemblable que cette orientation conservera toute
son importance à l’ouverture du congrès national qui débute à l’avant-veille de
la date prévue de l’examen de la réforme constitutionnelle à l’Assemblée
nationale. Les délégués du courant Front
Unique se saisiront de la tribune du congrès pour que celui-ci lance un
appel à une manifestation nationale à l’Assemblée nationale sur cette
orientation.
Le 14
janvier 2016
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