Article paru dans «Combattre pour le socialisme» n°59 (20 janvier 2016) :

Brésil

 

Au compte de la bourgeoisie brésilienne en crise, le gouvernement Dilma‑Temer 2 accentue son caractère bourgeois et lance l’offensive du plan d’ajustement Levy.

La responsabilité des dirigeants du mouvement ouvrier, en particulier de la CUT
et du PT, est engagée ;
il faut rompre le soutien, le dialogue social, avec le gouvernement Dilma‑Temer 2, exiger : dehors les ministres capitalistes !

 

Une bourgeoisie en crise


L’écume de la crise politique et économique qui traverse la bourgeoisie brésilienne se manifeste au travers des affaires de corruption, la dénonciation du budget 2014 par le tribunal fédéral des comptes, et le fait que le président du Parlement a fait sauter un premier pare-feu en autorisant le début d’une procédure d’impeachment (la constitution étant en partie calquée sur celle des États-Unis) contre Dilma Roussef, le mercredi 3 décembre, rejetée quelques jours plus tard (le 10) par le tribunal constitutionnel comme invalide. Ce harcèlement s’était traduit aussi depuis la réélection de celle-ci par des manifestations organisées par diverses officines de la bourgeoisie contre la corruption du régime. De nouveau, certaines fractions de la bourgeoisie ont tenté d’organiser des manifestations pour soutenir l’impeachment, à la mi-décembre, mais cette fois-ci sans réel succès.  Si l’issue de ces procédures n’est pas connue et largement imprévisible, il faut rappeler qu’il existe un précédent dans l’histoire brésilienne, puisque, en 1992, Fernando Collor, à peine élu, avait été destitué pour des faits de corruption et sous la pression de gigantesques  manifestations.

Cependant, il semblerait plutôt, et cela jusqu’à nouvel ordre comme le montre la décision du tribunal constitutionnel du 10 décembre, que la bourgeoisie brésilienne se serve des affaires comme d’un moyen de pression sur le gouvernement, pour l’engager à s’en prendre aux masses le plus vite et le plus fort possible, face aux développements de la crise économique, et à la résistance du prolétariat et de la jeunesse sur le terrain de la lutte des classes. Ainsi, pour tenter de desserrer l’étau, Dilma Roussef a, dans un premier temps, en octobre, remanié le gouvernement pour faire plus de place au PMDB, le parti pilier de l’État bourgeois brésilien, désormais le parti central du gouvernement : le précédent gouvernement comptait 39 ministres, dont 6 du PMDB ; le nouveau n’en comptera plus que 29, mais 7 du PMDB.

Jusqu’au début décembre, le PT a négocié avec Eduardo Cunha, président (PMDB) du Parlement, pour que celui-ci empêche les plaintes déposées par le PSDB, le parti d’Aécio Neves, candidat opposé à Dilma Roussef, d’aboutir. Cependant, avec l’arrestation du sénateur Delcidio Amaral, président du groupe PT au Sénat, dans le cadre de l’affaire Petrobras, les couteaux sont sortis entre PT et PMDB. Le 7 décembre, le vice-président du PMDB, Michel Temer, a publié une lettre ouverte où il réclame de prendre une part plus importante à la direction de l’exécutif, et rappelle que le soutien du PMDB est lié à son engagement auprès du gouvernement. Pour autant, la fiabilité de ce soutien est bien limitée, comme le montrent les actes des caciques provinciaux du parti. Il rappelle aussi l’importance qu’il pourrait prendre en cas d’impeachment, puisque, si la procédure devait aller à son terme, il deviendrait Président de la république, le PMDB concentrant alors tout le pouvoir dans ses mains.

L’opposition officielle, autour du PSDB, harcèle donc Dilma Roussef et le PT, le PMDB relayant cette politique à l’intérieur même du gouvernement et dans les différents États du Brésil ; quant aux dirigeants du PT, ils laissent toujours plus de place aux exigences de la bourgeoisie, acceptant de voir le nœud coulant se resserrer autour de leur cou.

Cependant le 18 décembre, Joachim Levy, représentant des banques au ministère de l’économie, était débarqué du gouvernement, cette fois pour permettre au dialogue social de se poursuivre. Mais son successeur, Nelson Barbosa, ne devait guère donner d’espoir aux supporters d’un tournant à gauche du gouvernement : à sa prise de fonction, il se déclarait l’héritier légitime de Levy, précisant que « malgré les turbulences, les investisseurs internationaux et nationaux peuvent continuer à avoir confiance dans le Brésil. » Du moins c’est ce qu’il espère.


La crise de la bourgeoisie est liée au développement de la crise économique


Le Brésil est entré en récession depuis des mois. La seule question étant de connaître l’ampleur de celle-ci. Chaque estimation la prévoit plus profonde. Tous les secteurs de l’économie sont touchés, la première cause étant la baisse des importations chinoises, ce qui se traduit par la baisse généralisée des prix des matières premières ou du pétrole, et des produits agricoles ; enfin, le secteur industriel brésilien est lui-même touché, notamment par la contraction du marché intérieur. L’IBGE, l’institut de statistiques brésilien, donne une estimation de recul du PIB de 3 % pour l’année 2015, avec une contraction de 1,3 % sur le seul mois de septembre. Sur 24 branches industrielles, 15 sont en récession selon la même source. Le secteur le plus en difficulté est le secteur de l’automobile, où des grèves importantes contre les plans de licenciements avaient eu lieu au début de l’année 2015. En septembre l’activité du secteur aurait baissé de 6,7 %, après un mois d’août négatif à hauteur de 9 %.

C’est toute l’activité industrielle qui est dans la même spirale : le secteur des machines-outils, en baisse en septembre de 4,5 % ; la métallurgie de 3,1 %, mais aussi la confection de 4,2 %, le caoutchouc, les plastiques, les produits métallurgiques, le papier et la cellulose, et même les industries agro-alimentaires, avec une baisse de 0,5 % sur ce mois, sont touchés. La production industrielle reculerait de 10,4 % depuis le début de l’année 2015 dans l’État de São Paulo, et de 5 % dans celui de Rio.

Voilà le mal qui tenaille la bourgeoisie, d’où pour elle l’impérieuse nécessité d’augmenter brutalement le taux d’exploitation afin de contrer la baisse du taux de profit qui se matérialise par une violente contraction de l’économie. Cette question est d’autant plus cruciale que depuis juin 2013 le Brésil a connu un véritable réveil de la lutte de classe du prolétariat et de la jeunesse, sous la forme de nombreuses grèves de travailleurs pour l’augmentation des salaires, de mouvements de la jeunesse contre l’augmentation des prix des transports ou pour accéder à la scolarité.

Si une fraction importante de la bourgeoisie brésilienne exige que le gouvernement porte le plus rapidement possibles des coups importants, une autre fraction comprend l’utilité du dialogue social et, dans ce cadre, l’importance tant du PT que de la CUT, organisations ouvrières historiques du prolétariat brésilien, constituées entre 1979 et 1983 dans le mouvement du prolétariat pour son émancipation et contre la dictature militaire en place de 1964 à 1985. Ainsi, les deux fédérations industrielles des États de Rio et de São Paulo, (Firjan et Fiesp), représentant le cœur du patronat de ce secteur, ont appelé dans un communiqué à la « responsabilité, [au] dialogue et [à la] préservation de la stabilité institutionnelle », et ont invité « toutes les forces politiques (…) » à se placer du point de vue de « l’intérêt supérieur du Brésil » et de laisser de côté « les ambitions personnelles ou de parti ».


Remaniement et offensive du gouvernement Dilma Roussef-Michel Temer 2


Ces remous politiques et les exigences de la situation ont donc motivé le remaniement du gouvernement Dilma-Roussef-Michel Temer, et celle-ci a fait plus de place aux exigences de la bourgeoisie brésilienne. Le « Plan Levy », présenté d’abord dans la première partie de l’année comme un ajustement budgétaire « sans douleur », semble devoir faire de plus en plus mal à la classe ouvrière, au prolétariat, à la jeunesse. Dès le 14 septembre, le gouvernement a annoncé un plan de coupes dans les budgets dans le but d’économiser 17 milliards de dollars, en passant d’un déficit primaire de 8 milliards à un excédent de 9. Après la dégradation de la note du Brésil par Standard & Poor’s, la bourse de São Paulo saluait l’annonce.

Les premiers à subir l’offensive sont naturellement les fonctionnaires, avec gel des embauches et des salaires pour l’exercice 2016. Levy avait aussi mis au cœur de l’offensive les programmes sociaux en œuvre depuis l’arrivée de Lula au pouvoir, notamment la « bolsa familia » qui maintient la tête hors de l’eau à des millions de familles, notamment du Nordeste. 10 milliards de reais auraient dû être soustraits de cette aide alimentaire, soit une réduction de 35 % du budget total, touchant alors 23 millions de familles qui n’auraient plus reçu cette aide. Pour le PT, pour Dilma Roussef elle-même, le sacrifice exigé était trop énorme, et le risque trop grand de scier la branche sur laquelle le gouvernement est assis. C’est pour cette raison que Dilma Roussef a tranché le 18 décembre en décidant de ne pas toucher à la « bolsa familia », provoquant le départ de Levy. Le ministre part, mais le plan reste.

Le gouvernement n’entend pas en rester là : dès le 27 octobre, le ministre Miguel Rossetto (PT) confirme qu’il étudie et prépare une contre-réforme des retraites qui ferait passer du système actuel où l’on obtient une pension, pour les femmes à partir de 55 ans, calculée sur 30 ans de cotisations, et pour les hommes à partir de 60 ans, sur 35 ans de cotisations, à un autre système qui prévoit de repousser l’âge de la retraite à 60 ans pour les femmes et 65 ans pour les hommes. Ce plan est préparé dès lors ouvertement par le gouvernement comme un élément de son programme.

Par ailleurs, le gouvernement a d’ores et déjà ratifié le principe d’un « plan de protection de l’emploi », en réalité une mesure de chômage partiel, puisque les entreprises en difficulté peuvent recourir, en vertu de cet accord, à une baisse de 30 % du temps de travail de leurs employés, et en conséquence à une baisse équivalente de salaires. Il faut ajouter à cela que les gouverneurs des États du Brésil mènent leur propre politique de coupe budgétaire : ainsi, le gouverneur PMDB de l’État de São Paulo avait prévu la « réorganisation » de l’offre scolaire publique, en fait la disparition d’une école sur 5, soit 2000 sur les 10 000 au total.

C’est donc une véritable avalanche de mesures qui s’abattent sur le prolétariat et la jeunesse. Même la « réforme constitutionnelle », longtemps « revendication » de la bureaucratie de la CUT et d’une fraction du PT lui-même, n’a abouti qu’à un texte visant à renforcer le pouvoir de la bourgeoisie, puisqu’il permet le financement des partis politiques par les entreprises et limite les conditions de formation et de légalisation d’un parti, en exigeant 500 000 signatures de soutien sur plus de 9 États. Cela vise clairement des mouvements qui pourraient se former ou exister sur la gauche du PT.


De la nécessité du dialogue social


La direction du PT, l’appareil bureaucratique de la CUT, continuent d’offrir des garanties solides en tant qu’instruments permettant à la bourgeoisie de faire passer sa politique. Le congrès de la CUT (du 13 au 16 octobre) a été un exemple de préparation au « dialogue social », à la « négociation ». En effet, alors que la politique d’ajustement, le plan Levy, étaient au cœur des problèmes posés au prolétariat brésilien, le congrès a réuni à sa tribune Lula, Dilma Roussef, Pepe Mujica (récent Président de l’Uruguay), mais a aussi organisé des débats sur une politique de relance pour sortir de la crise entre, par exemple, d’une part Marcio Pochmann, universitaire et économiste, consultant à l’OIT et à la fédération industrielle de la région de São Paulo (représentation directe du patronat), mais aussi directeur de la fondation Perseu Abramo, institut de recherche et de conseil du PT, d’autre part Luiz Marinho, maire de São Bernardo, une des villes industrielles de la banlieue de São Paulo, et ancien ministre du travail et de la protection sociale de Lula.

En réalité, parler de « relance » dans un tel congrès sert à couvrir les positions de l’appareil qui s’oppose à l’aspiration du prolétariat à mener le combat contre le gouvernement et sa politique, le plan Levy. Malgré le caractère du congrès, dirigé de fait par le gouvernement, avec Lula à la baguette, on y a entendu des grognements et des slogans contre le plan Levy, et même pour l’éviction de ce dernier du gouvernement.

Une question cependant provoqua une véritable résistance de la classe ouvrière avec une réfraction jusque dans ce congrès : la position de la CUT sur le plan de protection de l’emploi (PPE), d’autant plus que ce PPE exige que les dirigeants syndicaux participent dans chaque branche d’industrie à la mise en œuvre concrète de la baisse des salaires et du chômage partiel. Et c’est là que le représentant du lambertisme dans la CUT, Julio Turra, a joué tout son rôle. A la tribune du congrès, sous les applaudissements du secrétaire général, Vagner Freitas, il a déclaré qu’il fallait « faire l’expérience du PPE pour être sûr de ses effets », « en tant que CUT, il faut prendre ses responsabilités, et la résolution du congrès ne préjuge pas de la position du syndicat (…) ; le débat continue, et sera garanti, nous ne pouvons nous diviser dans un moment critique », selon le site du groupe « Esquerda marxista ». Pour Turra, il faut de fait appliquer la mesure, branche par branche, pendant qu’on continue par ailleurs de discuter de savoir si elle est bonne ou pas… une couverture totale de la ligne de l’appareil et une acceptation de la politique du gouvernement.

Bien entendu, défendre une orientation pro-ouvrière dans la CUT et son congrès aurait été tout à l’opposé de cette position, sur une ligne de rupture avec le gouvernement bourgeois et sur les mots d’ordre suivants :

- Retrait du plan Levy, et de l’ajustement ;

- Aucune discussion sur le relèvement de l’âge de départ en retraite !

- Non au PPE, aucune discussion dans les branches industrielles pour l’appliquer, etc.

La nécessité du « dialogue social » est proportionnée aux exigences du Capital et à la faiblesse du gouvernement bourgeois du Brésil, un gouvernement d’un type particulier puisqu’il s’articule autour du seul parti issu du mouvement ouvrier au Brésil, le PT (en alliance avec le parti bourgeois PMDB et d’autres organisations bourgeoises). Mais cette nécessité est d’autant plus grande que la lutte de classe du prolétariat ne s’est pas interrompue.


Grèves, occupations d’écoles et l’indispensable ouvrage des directions syndicales


Depuis juin 2013, il n’est pas un mois sans conflit important au Brésil. En novembre, une grève importante s’est développée dans l’industrie pétrolière tendant à la grève générale du secteur, la grève plus importante depuis 1995 notamment à Petrobras. Cette grève, plutôt ce mouvement de grèves, concernait les travailleurs de l’exploitation et du raffinage, mais aussi les sous-traitants de Petrobras. Elle fut initiée par la FNP (fédération nationale des travailleurs du pétrole), de la Conlutas (une centrale syndicale formée en rupture avec la CUT à l’initiative de militants morénistes, du PSTU)  qui a organisé des piquets, des occupations locales et isolées les unes des autres, sans mot d’ordre général centralisateur et unifiant, exposant ainsi les travailleurs à la répression de la direction du groupe Petrobras. Les assemblées de travailleurs n’ont jamais pu aller vers un comité central de grève, imposant le contrôle de la principale fédération du secteur, la Fédération unitaire des travailleurs du pétrole, la FUP, et l’appel à la grève générale des travailleurs du pétrole, en particulier contre la privatisation de Petrobras. Alors les entreprises ont pu lâcher du lest, maintien de la convention collective, augmentation des salaires de 9 %, intégration des entreprises sous-traitantes aux négociations. Mais la question centrale, c’est que la privatisation se poursuit, et les directions syndicales sont associées au plan de « désinvestissement » par une table ronde. C’est ainsi qu’à partir du 21 novembre, la direction de la FUP a pu donner l’ordre de reprise du travail, ce qui s’est traduit par une reprise progressive, assemblée locale par assemblée locale. La volonté de combattre des travailleurs du pétrole n’a pu aboutir.

L’autre secteur en ébullition, c’est celui de l’enseignement. Dans l’État de São Paulo, une grève des enseignants sur la question salariale a duré plus de trois mois. Si le gouverneur Alckmin (PSDB) n’a rien lâché sur l’augmentation des salaires, il a été contraint par décision judiciaire de payer les jours de grève. Après l’épuisement des enseignants à la suite d’un tel mouvement, le gouverneur a présenté un plan de « réorganisation » aboutissant à la suppression d’écoles entières ou de classes dans près de 1000 écoles, sur les 10 000 que compte l’État. Face à la brutalité de cette offensive, des élèves du secondaire ont occupé leurs établissements : 220  écoles ont été occupées, et le mouvement menaçait de s’étendre encore. Le gouverneur, partisan de la manière forte, a envoyé la police militaire pour tenter de déloger les occupants, ce qui s’est traduit par des affrontements violents, au tout début de décembre. Mais ces interventions n’ont pas permis de faire refluer le mouvement. C’est seulement l’annonce de la suspension de la « réorganisation » pour l’année 2016 qui a pu y mettre fin. Alckmin entend utiliser le report, pour « approfondir les discussions », durant toute l’année, école par école, précise-t-il. Par ce biais, il entend réintégrer dans le jeu, à sa manière, les organisations syndicales, notamment l’APEOSP, syndicat du secondaire pauliste, tout en maintenant le cadre le plus éclaté possible. Bien entendu, entrer dans ces discussions sur la « réorganisation », c’est permettre à Alckmin de reprendre son offensive.

Face à la lutte de classe et la multiplication des conflits sociaux, même les partisans de la manière forte, comme Alckmin, qui avait fait révoquer tous les délégués syndicaux au moment de la grève du métro de São Paulo en juillet 2014, ont besoin du dialogue social pour faire passer leur politique.


Le soutien au gouvernement, la ligne directrice des appareils


Dans les appareils, on entretient le fantasme du putsch, et les représentants de la bourgeoisie peuvent s’épanouir dans ce théâtre d’ombre. C’est ainsi que les appareils syndicaux, les dirigeants du PT ont formé le « Front du peuple sans peur », et le « Front Brésil populaire »… le premier se cantonnant aux appareils syndicaux, le second regroupant aussi les partis politiques. Qu’est-ce exactement que ce « front populaire » ?  - « des citoyens et citoyennes, des artistes, des intellectuels, des religieux, parlementaires et gouverneurs, tout comme des représentants d’organisations sociales et syndicales, des partis politiques, des organisations pastorales, des organisations représentant des indigènes, des noirs, LGTB, des femmes, de la jeunesse qui décident ensemble dans leur conférence nationale de fonder le front… »

Quels sont les objectifs de ce front ?

1 : lutter pour les droits des travailleurs, et notamment contre l’ajustement actuel… ;

2 : élargir la démocratie et la participation populaire ;

3 : promouvoir des réformes pour la mise en place d’un plan de développement national démocratique et populaire ;

4 : défendre la souveraineté nationale, (le peuple est le maître des richesses naturelles)…, etc.

En réalité ces deux fronts sont là pour défendre le mandat de Dilma Roussef : ils ont été constitués pour défendre le gouvernement. Comment lutter pour les droits des travailleurs sans affronter le gouvernement ? Comment résoudre les questions que pose ce front, sans affronter le gouvernement qui maintient le régime réactionnaire issu de la « transition », comment défendre la souveraineté face à la privatisation progressive, par exemple de Petrobras ? Etc.

En réalité, l’axe de ce front est expliqué par le courant O Trabalho, courant qui se prétend « trotskyste » mais qui est lié à la fraction Lacaze du POI. Dans la Vérité n° 88 (décembre 2015), la revue du CCI, un article rend compte de la position d’O Trabalho en ces termes :

«  Nous défendons le « mandat populaire » de Dilma contre la menace putschiste, qui remettrait directement le pouvoir à la réaction, contre les conquêtes sociales, mais pas au nom d’une démocratie abstraite (qui n’existe pas dans le pays, c’est aussi pourquoi nous luttons pour la Constituante). C’est la raison pour laquelle, nous relions toujours la défense du mandat à l’exigence adressée à Dilma de changer de politique économique : A bas le plan Renan-Levy, dehors Levy, etc. ».

La position du « trotskyste » Turra dans le congrès de la CUT, couvrant le passage du PPE (voir plus haut), montre quelle est la réalité des positions contre la politique du gouvernement. On y comprend aussi que l’éviction de Levy est agitée pour mieux maintenir sa politique, ce qui illustre de facto, le sens de la position de ceux qui adhèrent à ces fronts : défendre le gouvernement Dilma-Temer, gouvernement bourgeois. Et l’agitation du spectre putschiste au nom de la défense de la nation, présenté comme une offensive de l’impérialisme américain, n’est ici qu’un des aspects de ce soutien.

O Trabalho, les dirigeants de la CUT, mais aussi le PSOL (Partido socialismo e libertade, formé par une scission du PT en 2004) ont donc appelé à manifester en soutien de Dilma Roussef, et des manifestations de quelques dizaines de milliers de personnes ont eu lieu dans les grandes villes comme São Paulo ou Rio. C’étaient essentiellement cependant des manifestations de militants, mais elles ont été plus nombreuses que celles des « opposants putschistes ». Cela est sans doute significatif de la réalité de ce spectre.

Pour mieux comprendre ce dispositif, il faut revenir sur le IIIe congrès de l’organisation de jeunesse du PT. Le 20 novembre, Lula a dû intervenir face aux militants des organisations de jeunesse du PT qui réclamaient « Dehors Cunha, Dehors Levy », mais aussi s’adressaient à lui en ces termes : « Lula, je veux te voir rompre avec le PMDB ».

C’est ainsi que dans la jeunesse s’exprime la volonté de voir le PT rompre ses alliances avec les partis et organisations de la bourgeoisie, c’est la manière dont s’exprime l’aspiration à un gouvernement du seul PT. Mais à cela Lula répond cyniquement que les discours du PT dans les années 80 étaient bien plus radicaux, et que dire « dehors Levy, dehors les ministres PMDB, ce n’est pas grand-chose »… Il a appelé, avec le même ton que le Pape, la jeunesse à s’engager et à faire ses propositions. « Nous devons aider la camarade Dilma à se sortir du filet tendu par l’opposition depuis les élections ». Voilà donc l’engagement que demande Lula à la jeunesse ! Il a rappelé cette jeunesse à la réalité, telle qu’il la décrit : « entre la politique et les rêves, entre mes souhaits idéologiques partisans et le monde réel de la politique, il y a une distance énorme. » Tout cela pour justifier la politique d’alliance du PT avec le PMDB dans laquelle, il y aura « toujours un gagnant et un perdant ». Fermez le ban.


Le front unique ouvrier contre les fronts de soutien au gouvernement Dilma Roussef-Michel Temer


La voie, c’est la jeunesse qui l’exprime : aujourd’hui, il ne peut y avoir d’issue positive sans que le PT ne rompe ses alliances avec le PMDB, notamment, ce qui se matérialise par : dehors les ministres bourgeois, dehors les ministres PMDB !

La première chose à laquelle sont confrontées les masses au Brésil, ce qui permet de porter la politique du gouvernement, c’est le soutien des appareils syndicaux, tout particulièrement celui de la CUT, qui, concrètement, s’engage dans la politique de collaboration et de dialogue social, par exemple dans la négociation du PPE ou, de fait, par le tour de passe-passe sur mot d’ordre dehors Levy (voir plus haut).

Les mots d’ordre : à bas le plan Levy, aucune négociation dans les branches sur le PPE, aucune négociation avec le gouvernement sur la contre-réforme des retraites sont des axes qui permettent de concrétiser la volonté des masses. De même en ce qui concerne les fonctionnaires, la direction de la CUT, de leurs fédérations, doit poser la question du budget qui gèle les salaires et les recrutements alors que depuis des mois les fonctionnaires, les enseignants se battent pour des augmentations de salaire, contre la fermeture des écoles, contre l’attribution de fonds publics aux écoles privées.

C’est sur ces deux axes, simultanément, que l’on peut formuler une politique positive correspondant aux aspirations et aux besoins des masses brésiliennes confrontées aux conséquences de la crise économique qui fait rage dans le pays. C’est le combat sur ces deux axes qui permettra de dégager les militants pour la construction d’un Parti ouvrier révolutionnaire section d’une Internationale ouvrière révolutionnaire au Brésil. 


 

 

Le 26 décembre 2015

 

 

 

 

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