C.P.S. Nouvelle série n°55 (n°137) – 3 décembre 2014 - Éditorial :

Zone de Texte: Le gouvernement Hollande Valls Macron Pinel est engagé
dans une offensive destructrice contre tous les acquis ouvriers
et les libertés démocratiques (liberté de manifestation et de réunion).
C’est le gouvernement de la répression policière et militaire
allant jusqu’à l’assassinat de Rémi Fraisse !
Il faut bloquer son offensive par le Front Unique
des organisations du mouvement ouvrier (partis et syndicats),
en imposant à ces dernières la rupture du dialogue social.

 

28 ans après...

Il y a 28 ans le gouvernement Chirac, sa police aux ordres du ministre de l’intérieur Pasqua, assassinait l’étudiant Malik Oussekine alors que les étudiants étaient en masse mobilisés contre le projet de loi Devaquet.

Dans la nuit du 25 au 26 octobre, les gendarmes attaquaient à la grenade offensive une manifestation composée pour l’essentiel de jeunes qui protestaient contre la construction du barrage de Sivens. Rémi Fraisse était tué, déchiqueté par une de ces grenades. C’est en parfaite connaissance de ces faits que Valls affirmait son soutien plein et entier aux gendarmes dont il déclarait ne pas admettre que leur action soit remise en cause.

CPS porte à la connaissance de ses lecteurs le communiqué que notre Groupe a diffusé à la mesure de ses moyens sur les lieux de travail, et parmi les étudiants (voir page 23).

A 28 années de distance, la même politique anti-ouvrière - quoique dans des circonstances politiques et économiques différentes - utilise les mêmes moyens politiques : la répression jusqu’à l’assassinat, la remise en cause du droit de manifester et même du droit de réunion. Les mêmes projets contre la jeunesse s’inscrivent dans une offensive générale contre les conditions d’existence du prolétariat en même temps que les capitalistes sont abreuvés de cadeaux fiscaux et d’exonérations de cotisations. C’est le sens du budget et de la loi de financement de la Sécurité sociale qui viennent d’être adoptés à l’Assemblée nationale. On ne peut comprendre la brutalité de cette offensive - la comprendre pour mieux la combattre - qu’en partant de la situation économique générale du capitalisme, et plus particulièrement de la situation du capitalisme français.

Le budget du gouvernement français ratifié

Un « miracle » est survenu entre le12 et le 29 octobre. Le 12 octobre Dijseselboom, Président de l’Eurogroupe, déclarait : « Le projet de budget de la France est assez loin de l’objectif, à la fois en termes de déficit nominal et de mesures effectives ». La France a obtenu un délai mais « il n’a pas été mis à profit », ajoutait il.       (suite page 2)

Le 28 octobre, le ton a radicalement changé. Katainen, commissaire européen, annonce n’avoir pas relevé « de cas sérieux de non conformité ».

Mais que s’est-il donc passé entre ces deux dates ? Sapin a sorti de son chapeau 3,5 milliards d’euros de recettes supplémentaires. La France paiera une contribution moindre à l’UE à cause... de la médiocrité de sa situation économique... et les pronostics sur les taux d’intérêt de la dette publique sont réévalués à la baisse. Ajoutez à cela une modification du mode de calcul du déficit, et l’affaire est jouée.

C’est un numéro de prestidigitateur ou, comme le dit Sapin lui-même, une «mise en scène». Le gouvernement fait semblant d’avoir résolu le problème et l’UE fait semblant de croire ce dernier.

En même temps, les dirigeants de l’UE – et derrière eux l’Allemagne – se réservent à tout moment le droit de mettre à nouveau le gouvernement français sous pression. Du reste, après que l’UE a renoncé à rejeter formellement le budget 2015, un rapport doit être établi fin novembre ; tout porte à croire qu’un nouveau sermon sous forme d’humiliation sera adressé au gouvernement.

La vérité, c’est que les uns et les autres savent jusqu’à quel point ils peuvent aller sans risquer un affrontement aux effets dévastateurs. L’UE elle-même est un édifice fragile parce qu’artificiel. Elle correspond à un besoin des différentes bourgeoisies européennes et en particulier de la bourgeoisie allemande pour le libre écoulement de ses propres produits. Une rupture serait désastreuse. Et en même temps, la bourgeoisie est bien incapable d’unifier réellement l’Europe puisque les antagonismes nationaux n’ont nullement disparu.

L’Allemagne, le gouvernement Merkel, sont eux-mêmes dans une contradiction. Elle doit défaire la France, puisqu’elle doit l’écraser dans la concurrence inter-impérialiste. Mais, en même temps, elle doit préserver la France comme client. L’effondrement de la France entraînerait des conséquences immédiates en termes de taux d’intérêts obligataires. Mais la France, c’est autre chose que la Grèce. Les conséquences – en particulier sur le système bancaire – seraient immaîtrisables. Chacun marche sur des œufs.

L’Allemagne s’est vu rappeler sa dépendance étroite par rapport au marché européen.

Les chiffres des échanges de l’Allemagne en 2013 indiquent :

 

France

USA

Chine

Exportations (en milliards)

100

88

67

Importations (en milliards)

64

48

74

Et cette dépendance n’est pas sans rapport avec la situation de quasi-récession que connaît l’Allemagne aujourd’hui.

Économie française : de Charybde en Scylla

Quant à l’économie française, elle continue à une vitesse accélérée sa descente en enfer.

Quelques rappels : en 15 ans, la part de la France dans les exportations mondiales est passée de 4,7 à 3,2 (-32%) ; la production manufacturière a baissé de 10% depuis 2002. La dette s’élève à 1950 milliards d’euros (+120 milliards en 2 ans). Elle atteint 96% du PIB. Le déficit atteindra 4,4% du PIB en 2015. Quant au déficit commercial, il atteint le record de 5,8 milliards en août. Le Monde du 4 octobre : « Croissance, chômage, déficits : La France n’a pas touché le fond. » Dans le même journal, on peut lire : « L’activité du secteur privé en France a reculé en septembre pour le cinquième mois consécutif, et son repli a été plus important qu’estimé initialement. ».

Ce recul est plus parlant encore si on prend certains secteurs ou les « champions nationaux ». Ainsi dans le BTP (Bouygues, Vinci, Effiage), la part de la France est passée de 19,4 à 13,8% du marché mondial depuis 1999. La Chine rafle les marchés « même en Afrique ».

Dans le secteur du nucléaire, la situation d’Areva est calamiteuse : « L’année s’achèvera sur un recul de 5 à 10% de son chiffre d’affaires.... L’agence de notation Standard and Poors a mis sous surveillance le numéro 1 mondial de l’industrie nucléaire avec « implication négative « et menace de dégrader ses notes de crédit... S’il tombe en catégorie spéculative, il aura de la peine à placer ses actions et obligations »

Le rachat d’Alsthom par GE a été réalisé avec au passage 4 milliards empochés par les actionnaires, à commencer par Bouygues ! Ajoutons : la part restée « française » - les transports – n’est pas la mieux en point (baisse de 72% des bénéfices en 2013). Le Monde fait état du fait que les directions syndicales ont, de facto, avalisé l’affaire alors même qu’il y a menace de licenciements.

Quant au secteur qui travaille surtout pour le marché intérieur, le bâtiment, c’est un secteur sinistré, avec une baisse de 19% des constructions au 2e trimestre par rapport à l’an dernier, une baisse de plus de 7% des dépenses des « ménages » sur ce poste (construction, rénovation, réhabilitation).

Il faut aussi parler du secteur bancaire, secteur où néanmoins le capitalisme français supporte mieux la comparaison qu’ailleurs. La BCE a réalisé des « stress tests » qui consistent à vérifier, en principe, la capacité de résistance des banques à une brutale variation de la valeur de ses actifs (obligations irrécouvrables, brutale fluctuation boursière, etc.).

Apparemment tout va bien, en particulier pour les banques. Mais il faut y regarder de plus près. Les « stress tests » sont franchis avec succès si les banques ont un ratio fonds propres/ensemble des actifs minimums à 8%. Mais il ne s’agit pas en réalité du chiffre brut des actifs. Ce chiffre est pondéré selon le degré de « risques » que présentent ces actifs. Or cette pondération est pour l’essentiel opérée par les banques elles-mêmes. Si on établissait le ratio réel, apparaîtrait l’extrême fragilité de la plupart des banques, y compris – pas plus, pas moins – des grands groupes bancaires (CA, BNP Paribas, SG, BP CE).

Les conséquences pour la classe ouvrière

Il y a d’abord le chômage de masse qui enfle mois après mois :

« Le nombre de demandeurs d’emploi de catégorie A, c’est-à-dire sans aucune activité, en France métropolitaine, progresse sur un mois (+0,6%). Il s’élève à 3 432 500 en septembre 2014, soit 19 200 inscrits de plus qu’en août.

Sur un an, le nombre de chômeurs de catégorie A dans la métropole est en hausse (+4,3%, soit 140 300 demandeurs d’emploi de plus qu’en septembre 2013). Au total, fin septembre 2014, le nombre de demandeurs d’emploi de catégories A, B, C s’établit à 5 128 200 en métropole (5 431 500 Dom compris). Ce nombre est en hausse de 1% sur un mois (+50 000) et de 5,7% sur un an (+277 800). Dans une interview qu’il a accordée au Parisien, François Rebsamen, le ministre du Travail, a évoqué un «échec» du gouvernement à propos des chiffres du chômage.

Une augmentation du nombre de demandeurs d’emploi qui intervient après un mois de baisse : pour la première fois depuis octobre 2013, le nombre de chômeurs de catégorie A avait reculé en août. Cette trêve était en partie imputable à la progression des cessations d’inscription pour défaut d’actualisation (+14,4% en août) » (extrait du Journal du Net).

En réalité, le chiffre de 5 431 000 sous-estime sérieusement la réalité. D’une part parce qu’il faut y rajouter les chômeurs catégorie D qui sont des chômeurs en maladie ou en formation. D’autre part parce qu’il faut y rajouter ceux qui ont cessé de « faire des actes positifs de recherche d’emploi » et qui sont donc radiés des listes. La réalité se situe donc aujourd’hui largement au-dessus de 6 millions. Il faut préciser : dans la jeunesse (moins de 25 ans), la proportion de chômeurs est de plus de 22%, soit près d’un jeune sur 4.

Parmi les conséquences, il y a aussi l’ affaiblissement de la proportion des ouvriers proprement dit dans le prolétariat.

L’effondrement de l’industrie a aussi pour effet de modifier la composition du prolétariat au détriment de la classe ouvrière proprement dite productrice de plus-value. C’est là une évolution qui s’amplifie depuis de nombreuses années. Ainsi, l’INSEE nous donne les indications suivantes sur l’emploi industriel :

1999 : 2 161 068 ; 2006 : 1 907 024; 2011 : 1 594 321. Evolution 1999-2011 : -516 747.

Les pseudo-spécialistes de la bourgeoisie prétendent que les plans de licenciements interviennent peu dans cette évolution. C’est en réalité faux. Car l’une des causes les plus massives du passage du statut de travailleur actif à celui de chômeur, c’est la fin d’un CDD. Or, d’un point de vue ouvrier – même si les bureaucrates syndicaux de leur côté comptent toujours les licenciements sans intégrer la fin des CDD – la fin d’un CDD, c’est un licenciement – à la différence que c’est un licenciement sans pouvoir prétendre à une quelconque indemnisation. Or, la première forme que prend le plan de licenciements dans une entreprise capitaliste, c’est précisément le non renouvellement des CDD !

Cet affaiblissement du cœur productif du prolétariat, qui n’a rien d’un phénomène purement « objectif » mais qui est au contraire largement le produit des défaites passées du prolétariat, n’est pas sans conséquence sur les capacités de la classe ouvrière à combattre.

A propos des théories des appareils dirigeants des syndicats
sur les « recettes » pour sortir de la crise sans toucher au capitalisme

Il faut ici dénoncer le caractère frauduleux de la théorie imputant la crise à la « sous- consommation des masses » et son corollaire : relançons la consommation par l’augmentation des salaires et la machine capitaliste repartira de plus bel. Dans le cadre du système capitaliste maintenu - et les appareils dirigeants ne parlent pas une seconde de le liquider ! - l’augmentation des salaires ne saurait avoir d’autres effets que de rendre invendables les marchandises ainsi renchéries des entreprises qui auraient augmenté les salaires.

Mais il y a un autre aspect de cette théorie frauduleuse, à savoir : la crise viendrait du sous-investissement. Tout le problème viendrait du fait que les patrons « préfèrent » servir des dividendes aux actionnaires plutôt que d’investir. C’est ce qu’on trouve par exemple dans cette déclaration de la CGT sur la crise financière :

« Contrairement à ce que prône le patronat, ce ne sont ni le coût du travail ni la rigidité du marché du travail qui plombent la compétitivité des entreprises.

Ce sont les salariés par leur travail qui créent les richesses. L’enjeu porte donc sur la répartition des richesses entre le capital et le travail :

-Ce qui va aux salariés : le salaire, y compris les cotisations sociales (part salarié et employeur)

-Le reste étant réparti entre les impôts des entreprises, les investissements et les dividendes aux actionnaires.

Part des salaires dans la valeur ajoutée : 1983->1989 : -10%

Part des dividendes dans la valeur ajoutée : 1985->2011 : de 5% à 25%

Aujourd’hui, la part des salaires dans les richesses créées est plus faible qu’à la sortie de la guerre.

Alors que la rentabilité financière des entreprises est en hausse, le chômage explose et le pouvoir d’achat, baisse freinant ainsi la relance économique.

Diviser par deux les dividendes libérerait 120 milliards d’euros pour les investissements productifs, créerait de l’emploi, permettrait de financer la protection sociale et de diminuer le déficit de l’état.»

Citons d’abord ce qu’écrivait à ce propos le supplément à Combattre pour le Socialisme du 13 septembre 2014 :

« Les appareils qui trônent au sommet des organisations syndicales prétendent : « Mais non il n’y a pas de crise : les dividendes versés aux actionnaires en 2013 ont augmenté de 30 % ! « Et ils en concluent qu’il y a d’autres solutions... dans le cadre du maintien du capitalisme : il suffirait que ces dividendes aillent à l’investissement. Si ces chiffres ont un sens, ils signifient d’abord la nécessité d’en finir avec le régime du profit, avec le capitalisme. Mais outre le fait que ces dividendes sont versés par les groupes du CAC40 qui réalisent l’essentiel de leurs profits hors de France, ces chiffres témoignent de l’enrichissement éhonté des capitalistes, non de la bonne santé du capitalisme. Car précisément si les profits ne s’investissent pas, c’est que, du fait de la crise de surproduction, les capitalistes n’ont nullement la garantie de pouvoir vendre le surplus de marchandises qu’ils mettraient sur le marché avec de nouveaux investissements. »

Il faut ajouter : dans la société capitaliste, l’augmentation de l’investissement aboutit à des gains de productivité ; elle n’aboutit en aucun cas à des créations de postes de travail, à faire reculer le chômage. C’est même exactement le contraire. L’investissement pour un capitaliste, c’est-à-dire l’achat de nouveaux moyens de production sous forme de machines, ne présente d’intérêt... que s’il lui permet de diminuer les coûts de production par une diminution plus importante du capital variable investi, c’est-à-dire une diminution du coût de la force de travail à production égale. C’est ce que note par exemple Le Monde du 14 octobre : « Depuis 2000, l’investissement industriel a progressé en France de 10%  (ndlr : ce qui est d’ailleurs très faible) tandis que l’emploi chutait dans le même temps de presque 20%... Dans la fabrication de biens d’équipements électriques, électroniques et informatiques, les gains de productivité de 5,9 % l’an se sont traduits par une chute de 43% des effectifs sur la même période. ».

Ce n’est là que la conséquence de ce qu’avait déjà noté Marx dans le Capital, Livre I, chapitre 13 :

« En tant que machine, le moyen de travail devient immédiatement le concurrent de l’ouvrier lui-même. Le capital se valorise grâce à la machine en proportion directe du nombre d’ouvriers dont elle anéantit les conditions d’existence »

Quant à la théorie bourgeoise (aujourd’hui reprise par les appareils) selon laquelle, certes l’introduction de nouveaux moyens de production aboutit à la disparition de postes de travail dans le secteur où ils sont introduits  mais ces disparitions sont compensées par des créations de postes de travail équivalents pour la fabrication de ces outils, voilà comment Marx la réfute :

« Bien que la machinerie refoule nécessairement des ouvriers dans les secteurs de travail où elle est introduite, elle peut cependant provoquer une augmentation d’emplois dans d’autres secteurs de travail. Mais ces effets n’ont rien à voir avec ce que l’on appelle la théorie de la compensation. Étant donné que tout produit mécanique, une aune de tissu mécanique par exemple, est meilleur marché que le produit de même nature fait à la main qu’il a refoulé, il en découle cette loi absolue : quand la quantité globale d’un article produit mécaniquement est égale à la quantité globale de l’article produit artisanalement ou en manufacture et qu’il a remplacé, la quantité globale de travail utilisé diminue. »

Voilà pourquoi la pseudo-revendication d’»intervention des travailleurs dans la gestion, les décisions de l’entreprise » couramment avancée au sommet de l’appareil CGT, au PCF, dans la bouche de Mélenchon, ne peut jamais rien signifier d’autre qu’associer les travailleurs à leur propre exploitation, à leur propre licenciement. Que le capitaliste n’investisse pas, et l’entreprise sera ruinée par la concurrence entre capitalistes, et l’ouvrier licencié. Que l’entreprise investisse, et elle ne peut le faire que pour diminuer ses coûts, comme le dit Marx « en proportion directe du nombre d’ouvriers dont elle anéantit les conditions d’existence ».

Détérioration des positions de l’impérialisme français

Le rapport Védrine commandé par le gouvernement indique :

« Au Sud du Sahara la France perd des parts de marché : elles sont tombées de 10,1% à 4, % entre 2000 et 2011 – y compris dans les zones francophones où elle était bien installée. Dans les quatorze pays utilisant le franc CFA, les entreprises chinoises ont accaparé autant de parts de marché (autour de 17 %) que les françaises ».

En Côte d’Ivoire, Bolloré risque de voir lui passer sous le nez le chantier de l’extension du port d’Abidjan et est sous le coup d’une accusation « d’abus de position dominante ». Alors même que c’est l’armée française qui a installé Ouattara !

Quelle « ingratitude » ! Pourtant l’armée française fait flèche de tout bois. Mais avec quel succès ? En Lybie : il y a aujourd’hui deux gouvernements, deux Assemblées. Au Mali, c’est le retour progressif à la situation chaotique d’avant l’intervention française. En RCA, c’est l’incapacité à rétablir un semblant d’ordre.

Et maintenant, voici le Burkina et les malheurs de Campaoré. Lequel, rappelons-le, a joué un rôle décisif au service de l’impérialisme français dans le prétendu « rétablissement de la démocratie » en Côte d’Ivoire au profit de son ami Ouattara justement. Campaoré vient d’être chassé par un mouvement insurrectionnel... dont les masses ont d’ailleurs été immédiatement dépossédées par l’armée.

Campaoré, mieux nommé par Hollande dans une lettre à lui adressée : « Mon cher Blaise ». Les services secrets avaient dû avertir le gouvernement français des risques du coup d’État légal tenté par le « cher Blaise ». Hollande, invitant Campaoré à renoncer, lui promettait un lot de consolation : « Vous pourriez compter sur la France pour vous soutenir, si vous souhaitez mettre votre expérience et vos talents à la disposition de la communauté internationale. ». Une déclaration où la veulerie le dispute au cynisme : mais il n’est pas sûr que le soutien au « cher Blaise » donne à l’impérialisme français une position meilleure pour l’avenir.

On ne reviendra pas sur la façon dont l’impérialisme français se positionne au Moyen-Orient, non pas en caniche, mais en roquet de l’impérialisme américain, en suppôt aussi bien de l’État sioniste que du gouvernement turc, tentant de conserver une position politique, non par la force qu’il n’a plus mais par des sommets de veulerie !

Flèche de tout bois contre les peuples des pays dominés.
Flèche de tout bois contre le prolétariat : le budget...

C’est la même énergie du désespoir qui est mise par le gouvernement Hollande-Valls-Macron-Pinel à l’intérieur, contre le prolétariat.

Il faut le constater : le budget et la Loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) ont été de fait adoptés. L’objection selon laquelle la procédure parlementaire n’est pas terminée ne vaut pas. Politiquement, l’adoption de la partie recettes du budget et de la LFSS signifie qu’il n’y a plus en réalité de bataille possible sur ce terrain. C’est sans doute pourquoi, les différentes forces satellisées par le Front de Gauche, après s’être opposées tant qu’elles l’ont pu à la perspective de la manifestation de Front Unique à l’Assemblée nationale - au moment où il était temps de combattre pour que la majorité PS-PCF rejette le budget - ont organisé un simulacre d’action consistant en manifestations squelettiques le samedi 15 novembre, manifestations se présentant comme « contre le budget ».

Il faut le remarquer : dans le moindre détail, ce budget vise à complaire au capital financier. Non seulement parce que son cœur est le pacte de responsabilité, mais parce que dans chacune des mesures prises, de la manière la plus écœurante, les caisses sont ouvertes pour les patrons. Quelques chiffres :

- Crédit investissement compétitivité : 877 euros par an et par salarié dans l’industrie, 653 euros par an et par salarié dans les services. Coût : 8,7 milliards depuis le début de l’année. On ira beaucoup plus loin puisqu’il est prévu que le CICE représente 6% de la masse salariale en 2015.

- rupture de contrat avec Ecomouv (suite à la suppression de l’écotaxe, laquelle fait suite au recul ouvertement assumé devant les « bonnets rouges »: plus d’1 milliard, soit le montant du bénéfice attendu de la diminution de la masse salariale de la Fonction publique !

- Vivendi : versement de 365 millions au titre du « bénéfice mondial consolidé », suite à un arrêt de la cour de cassation. Vivendi comptait, disent les attendus du jugement, sur cette somme pour « créer des emplois » donc il a été trahi par la décision parlementaire de supprimer cette clause. En réalité, la « création d’emplois »... c’est le rachat d’un concurrent et l’intégration au personnel de Vivendi des salariés de ce concurrent, intégration du reste partielle. En réalité, il y a suppression d’emplois !

... et la loi de financement de la Sécurité sociale

Le fait majeur réside sans doute dans l’attaque contre la Sécurité sociale à travers la modulation des allocations familiales. Rappelons que cette « modulation » (en fait la réduction massive des allocations familiales à partir de 6000 euros de revenus mensuels) vise à exonérer les patrons des cotisations « famille » - exonération progressive avec pour but l’exonération totale. Il faut le noter car la mesure est présentée frauduleusement comme une mesure de « justice sociale » visant à taxer « les riches ». Mais au-delà de cela, ce qui est en cause, c’est l’universalité des prestations de la SS, la transformation de la SS en « aide sociale », c’est-à-dire en son contraire. La Sécurité sociale a, rappelons-le, pour principe : « Chacun cotise selon ses moyens et est assuré selon ses besoins. »

Il s’agit d’un « ballon d’essai » qui préfigure la modulation générale des droits en matière de prestations sociales, en particulier en matière d’assurance maladie.

Allons plus loin. La modulation pourrait aussi s’appliquer aux cotisations, liquidant le principe du salaire différé. C’est ce que suggère un des innombrables conseillers politiques du gouvernement. Ainsi peut-on lire dans une tribune libre du Monde du 1er novembre : « Après les allocations pourquoi ne pas moduler aussi les cotisations sociales ? »... « Le concept de modulation n’est pourtant pas inconnu. Il a déjà été mis en œuvre dans les tentatives de réforme du mode de financement de la Sécurité sociale. Décriée, la proposition a au moins un mérite. Elle relance le débat sur notre système de Sécurité sociale : la solidarité implique-t-elle nécessairement l’égalité ?(...). Étendue aux autres cotisations sociales, la modulation pourrait améliorer la compétitivité des entreprises(...) La modulation des taux de cotisation implique une individualisation des relations entre les caisses de Sécurité sociale, les entreprises et les assurés. En allégeant le coût du travail, elle pourrait favoriser la compétitivité des entreprises. Elle autoriserait également la prise en compte des spécificités de chacune d’entre elles en matière sociale et environnementale notamment. »

Or, la modulation des cotisations sociales, c’est précisément la position des appareils syndicaux, et en particulier de l’appareil CGT. En cela, la « protestation » de l’appareil CGT contre la modulation des allocations familiales au nom de l’universalité des prestations est de pure forme, quand, dans le même temps, c’est le même appareil qui propose de remettre en cause l’universalité des cotisations !

Une addition impossible. Derrière le flou, la crainte persistante des masses

Il y a bien d’autres attaques contenues dans le budget et la LFSS. La moindre n’est pas la baisse de 3,9 milliards des allocations de l’État aux régions qui, combinée à la réforme territoriale, ne peut que signifier des milliers de suppressions de poste dans la FPT (Migaud et la Cour des Comptes, poissons-pilotes du gouvernement, prêchent bruyamment dans ce sens). Le Monde du 28 octobre cite Aubin, un spécialiste de droit public, qui indique : « Le risque est grand de faire voler en éclats des compétences cruciales pour les populations les plus fragiles. ».

De la même manière, en ce qui concerne la SS, le milliard (ou les 3,5 milliards selon les sources) d’économies prévues sur le médicament n’est possible que par le déremboursement massif des médicaments. La Haute Autorité de Santé est d’ailleurs invitée à apprécier les médicaments non plus selon leur efficacité thérapeutique mais selon leur  « efficacité économique » (ce qui fait froid dans le dos).

Cela étant, une chose est remarquable. Nul ne peut faire une addition aboutissant à 21 milliards. Le Monde du 23 octobre indique qu’on ne peut même pas faire la sous-addition aboutissant à 10 milliards pour la SS. D’où l’accusation – pas fausse du point de vue de la bourgeoisie – proférée par Fillon de « budget insincère ».

Derrière le flou et l’imprécision, il y a la crainte d’énoncer clairement les termes de l’addition par crainte de la réaction des masses. Cela est très paradoxal dans une situation où, comme on le verra plus bas, le mouvement des masses est quasi inexistant. Mais c’est la conscience que la situation peut en réalité se modifier très vite, surprenant tout le monde.

C’est aussi cette imprécision qui exaspère aussi bien les représentants du capital que les dirigeants de l’UE qui pressent le gouvernement de passer aux « réformes structurelles ». Car même si les attaques portées sont très loin d’être négligeables, le compte n’y est pas.

Cela étant, ce serait se bercer d’illusions que de penser que le gouvernement va renoncer. A peine la partie recettes du budget était-elle adoptée, qu’était soumis à l’Assemblée nationale un « budget rectificatif ». Pour financer en particulier les « opex » (opérations militaires extérieures, autrement dit les interventions militaires de l’impérialisme français) à hauteur de 1,2 milliard, tous les autres budgets sont ratiboisés, par exemple : une coupe de 200 millions pour l’Éducation. Dans le Supérieur, on annonce que 20% de la dotation d’État du dernier trimestre ne seront pas versés. Ainsi procède le gouvernement : par rapine, en espérant que, sous cette forme, les attaques seront moins visibles.

Autres aspects de l’offensive gouvernementale

L’offensive gouvernementale prend d’autres formes encore :

- attaque contre le code du travail, en particulier avec l’extension du travail du dimanche ;

- disparition des élections prud’homales. Les conseils de prud’hommes même si, à strictement parler, ils ne font pas partie des conquêtes ouvrières, offrent à ce jour un recours à des milliers de travailleurs contre l’arbitraire patronal ;

- déréglementation générale pour détruire tous les freins à la « libre entreprise », notamment avec le principe selon lequel le silence de l’administration vaut consentement en particulier pour le bâtiment (au moment même du procès de Xinthia, qui montre où a conduit la construction « déréglementée ») ;

- remise en cause des garanties de santé publique, à travers la loi sur les « professions protégées », etc.

Mais tout cela ne suffit pas. Il faut maintenant passer aux « réformes structurelles ». Car, paradoxalement, même si les attaques portées à ce jour contre le prolétariat sont bien loin d’être négligeables, tout reste à faire pour la bourgeoisie et son gouvernement.

De quelles réformes structurelles parle-t-on ?

Essayons d’en faire un tour rapide et non exhaustif.

Retraites : individualisation totale, retraite « à points », liquidation de l’essentiel du système par répartition au profit des fonds de pension.

Sécurité Sociale : destruction de la SS au profit d’un système d’ « aide sociale » a minima (« panier de soin ») et d’assurance privée selon ses moyens.

Fonction Publique : liquidation de la « fonction publique de carrière », de la progression à l’ancienneté, individualisation des salaires .

Enseignement : liquidation du bac, instauration de la sélection à l’entrée de l’université et à tous les niveaux, en commençant par la sélection par l’argent en augmentant massivement les frais d’inscription, fin du financement d’État, liquidation des diplômes au profit des certifications de compétences délivrées par l’entreprise.

Droit du travail : liquidation du CDI, SMIC par région, par branche, par catégorie.

Voilà ce qu’il reste à faire, autrement dit l’essentiel.

Indemnités chômage, liquidation du CDI : le gouvernement plante les jalons

Sur l’indemnité chômage, ce qu’il faut noter, c’est d’une part le lieu où Valls a fait la déclaration visant à la remettre en cause, à savoir la City, à Londres, dans une critique du système d’indemnisation français : « En France nous avons fait le choix d’un chômage de masse fortement indemnisé » ! et l’apologie du système britannique implicite, le système des « contrats zéro », où le travailleur n’a aucune garantie de temps de travail hebdomadaire et où il est mis en demeure de rester pendu à son téléphone portable, convocable séance tenante et pouvant être décommandé de même.

Gattaz a immédiatement embrayé en proposant la réouverture des « négociations » dès janvier (alors même qu’un avenant vient d’être signé entre MEDEF, FO, CFDT qui remet déjà en cause les indemnités chômage). Quant à Hollande, il a indiqué que tout devait passer par le « dialogue social ».

La liquidation du CDI est aussi annoncée par Macron (au nom de la lutte contre les « tabous »). Le but : l’instauration d’un contrat « unique » : le contrat « de projet » qui est « indéterminé » au sens où l’on ne sait pas combien de temps durera le « projet ». Cambadelis, premier secrétaire du PS, y a opposé le « totem »... des prises de position de Hollande... lequel n’a pas du tout démenti Macron !

Offensive contre les libertés démocratiques

Une telle politique suppose et s’accompagne d’une offensive sérieuse contre les libertés démocratiques. La loi « antiterroriste » (adoptée à l’unanimité, y compris le PCF) introduit cette nouveauté monstrueuse y compris du point de vue du droit bourgeois, que la peine précède le délit (puisqu’on peut être interdit de quitter le territoire sur la base d’une simple présomption). Cette proposition de loi vient du reste d’être aggravée par le gouvernement. Ce dernier a introduit l’extension de l’interdiction de pénétrer sur le territoire français à un étranger convaincu de terrorisme « ou qui constitue une menace contre la sécurité publique ou d’un membre de sa famille ».

« C’est une définition extrêmement large qui permet d’interdire à peu près à n’importe qui l’accès au territoire. » fait remarquer dans Le Monde Slama, un professeur de droit public. On voit très bien quel usage peut être fait de cette loi contre le mouvement ouvrier.

De même toute son importance doit être accordée à l’offensive contre le droit de manifester. Celle-ci a conduit à l’inculpation de Pojolat, militant du NPA, pour maintien d’une manifestation interdite cet été contre l’agression sioniste à Gaza. Depuis Pojolat a été relaxé, mais le gouvernement s’acharne en interjetant en appel ! Il faut noter qu’en réalité les dirigeants syndicaux n’ont pas bougé le petit doigt contre cette inculpation, se contentant dans le meilleur des cas d’une prise de position purement formelle.

Depuis, l’offensive contre le droit de manifester a pris d’autres formes, avec l’interdiction de nombre de manifestations contre l’assassinat de Rémi Fraisse, et même l’interdiction de réunions avec, par exemple, la fermeture de l’université de Rennes II pour empêcher que se tienne une réunion sur le même sujet.

La politique du gouvernement et la majorité PS-PCF à l’Assemblée

Nous indiquions plus haut que le budget et la LFSS avaient de fait été adoptés. Ils l’ont été sans véritable encombre. Certes le PCF a voté contre, assuré que ce vote contre n’aurait pas de conséquence. Quant aux députés PS, ils ont voté pour la partie recettes (avec 39 abstentions des dits « frondeurs »). Quant à la LFSS, il n’y a eu que 34 abstentions dans le groupe PS.

Nous l’avons indiqué dans l’éditorial de CPS 54 : « Il n’y a pas de gauche dans le PS ». Nous avons indiqué que les dits frondeurs, certes inquiets des déroutes électorales annoncées, ne remettent en rien en cause l’essentiel de l’orientation du gouvernement, demandant un « rééquilibrage du pacte de responsabilité ». Martine Aubry, qui « critique » le gouvernement, se situe sur le même terrain : il faut « cibler » les aides aux entreprises. Le budget n’est remis en cause que par rapport aux dotations des collectivités locales qui ne vont plus pouvoir « investir » (il ne s’agit donc même pas de la défense des services sociaux assurés par les communes !). Du reste, il faut rappeler le rôle joué par Aubry pour imposer aux salariés de La Redoute d’accepter le plan de licenciements qui en jetait la moitié dehors. Cela étant, la crise du PS (le PS aurait en deux ans perdu une part considérable de ses effectifs : pour 2 300 000 euros de cotisations attendus, ne sont rentrés dans les caisses que 530 000 euros !) renvoie bien fondamentalement à la contradiction entre l’élection de la majorité PS- PCF et la politique du gouvernement. L’ « abstention » des 39 puis 34 députés PS indique à la classe ouvrière où il faudrait frapper : sur l’exigence que la majorité PS-PCF refuse de voter les mesures du gouvernement, le budget en particulier, dépose le gouvernement, se déclare souveraine et constitue un gouvernement responsable devant elle seule. Mais c’est précisément cette issue que les directions syndicales, et au-delà toutes les forces politiques, s’emploient à boucher.

Nouvelle offensive contre l’existence du PS

C’est dans ce contexte que Valls lui-même a pris l’initiative d’engager une vaste offensive pour la liquidation du PS. Cette offensive intègre la demande d’exclusion de Filoche du PS. Valls a été jusqu’à solliciter l’indignation unanime de l’Assemblée (avec le soutien hystérique de l’UMP) contre les propos de Filoche qui avait eu le tort de taxer De Margerie de « suceur de sang ». Il faut dire que cette caractéristique est entièrement justifiée de la part d’un trust qui s’illustra par l’utilisation, en collaboration étroite avec la junte birmane, de véritables esclaves – adultes et enfants – dans la pose de pipelines (beaucoup sont morts, ayant sauté sur des mines anti-personnelles). Rappelons que ce fut fait avec l’onction du très « humaniste » Bernard Kouchner qui a délivré pour 25 000 euros un certificat de bonne conduite à Total. Un des hommes qui négociaient tout cela avec la dictature birmane s’appelait justement… De Margerie.

Dans le même temps, Valls dans le Nouvel Observateur indique qu’aujourd’hui, face au FN la nécessité de rassembler dans une même formation « pragmatique, républicaine et réformiste » - en insistant sur la disparition du terme « socialiste ». Il est relayé par Le Guen qui indique que « le vieux logiciel PS ne fonctionne plus. »

Cette offensive peut-elle aboutir ? L’exemple italien montre que l’offensive peut aller à son terme, prenant appui en particulier sur les débâcles électorales à venir. En même temps, on doit constater que cette perspective rencontre des résistances (qui ont été formulées ouvertement par Bartolone, Lebranchu) de la part de dirigeants qui ne divergent en rien avec Valls sur la politique suivie par le gouvernement, mais qui jugent que pour leur propre carrière, ils ont besoin de la pérennité du PS comme parti ouvrier-bourgeois.

Le prolétariat du point de vue de ses intérêts de classe n’est nullement indifférent à l’issue de cette bataille. Combattant pour la construction du Parti Révolutionnaire, les militants révolutionnaires sont pour la liquidation par le prolétariat des vieux partis traîtres dont le PS, qui iraient de pair avec une telle construction. Mais aujourd’hui, ce qui est en question est tout différent : c’est la liquidation du PS comme « parti ouvrier-bourgeois » par le fait d’une offensive de la bourgeoisie contre lui ! En ce sens que, sous la houlette de Valls et consorts, le fait que le PS soit détruit constituerait un nouveau coup à la classe ouvrière, à ses possibilités de se porter candidate au pouvoir.

Le PCF, Mélenchon et le Front de Gauche

Il en va du PCF comme de tout malade incurable. Il peut y avoir des périodes de rémission, mais le sens général de l’évolution de la maladie, c’est la mort. Le PCF n’est plus – et pour cause – le représentant de la bureaucratie du Kremlin. Il demeure une force entièrement contre-révolutionnaire et d’un poids qui n’est pas négligeable. Il a son rôle à ce titre non seulement dans les syndicats, mais aussi dans les occasions où il doit prendre sa place dans l’union nationale pour que celle-ci soit véritablement complète. Cette place, le PCF l’a prise sans barguigner au moment de l’exécution de l’otage, de la loi anti-terroriste qui a suivi, comme dans le soutien aux interventions de l’impérialisme français. Mais son existence matérielle est aujourd’hui liée à sa place dans les institutions bourgeoises, en particulier ses positions électorales. Il ne peut préserver celles-ci que dans un cadre d’ « union de la gauche » (par exemple aux municipales ou encore aux sénatoriales). En même temps, cette orientation, outre qu’elle ne lui permet que de ralentir sa chute inéluctable du point de vue des positions électorales, lui interdit d’apparaître en quoi que ce soit comme une alternative ayant les apparences « de gauche » à la politique de Valls. Dans tous les cas, c’est la mort annoncée. Mais toute la situation politique, l’impasse politique dans laquelle se trouve le prolétariat, la disparition pour un temps de la tendance à la réorganisation du mouvement ouvrier sur un nouvel axe, fait que l’agonie est interminable. Ainsi peut-il subsister, d’une existence toujours plus racornie.

La rémission de la maladie - toute provisoire et limitée au moment des présidentielles - était liée à la constitution du Front de Gauche. Mais aujourd’hui celui-ci est moribond, pour ne pas dire mort. Mélenchon n’avait pas les mêmes raisons de chercher une alliance avec le PS lors des élections municipales. Il n’a pas de part de marché électoral à défendre. Il doit chercher à se constituer cette part – ce qui d’ailleurs n’est pas simple. Mais le fait est qu’il s’inscrit lui-même – tout comme Valls - dans la perspective de la liquidation des partis se réclamant de la classe ouvrière en œuvrant aujourd’hui à la liquidation du petit Parti de Gauche au profit du « mouvement pour la VIe  République ».

Il faut en dire deux mots. Le mot d’ordre « pour une VIe République », associé à celui de « constituante », est aujourd’hui en réalité la médiation concrète par laquelle Mélenchon – de manière strictement équivalente au POI (Parti ouvrier indépendant) – combat pour la liquidation de la majorité PS-PCF à l’Assemblée nationale.

Il s’agit dans ce combat pour la prétendue « VIe République » de faire disparaître toute référence au combat pour l’émancipation de la classe ouvrière au nom du « peuple souverain » et ce, de manière parfaitement explicite : « C’est le peuple qui prend la place qu’occupait hier la classe ouvrière révolutionnaire dans le projet de gauche », écrit Mélenchon dans son dernier livre (L’Ère du Peuple).

Autrement dit, il s’agit de substituer au combat de classe le « combat citoyen », ce que précise encore Mélenchon quand il déclare être plus proche d’EELV que du PS et favorable à constituer avec eux un « nouveau Front de Gauche » qui changera de nom. Ce qui ne l’empêcha pas de dénoncer les manifestants de Sivens, affrontant les flics, d ‘ « extrême droite en cagoule »...

La place des appareils syndicaux

Nous indiquions plus haut que derrière l’imprécision des chiffres sur le budget, il y avait la peur des masses. La bourgeoisie ne se leurre pas sur l’actuelle apathie de celles-ci. Elle sait – la manifestation et grève en Belgique quelques semaines après la mise en place du gouvernement MICHEL - que la situation peut se retourner très vite.

Le gouvernement est comme l’alpiniste sur la paroi. A chaque pas en avant qu’il fait, il doit s’assurer de la fermeté de ses appuis. Et l’appui, c’est le dialogue social.

Il faut le remarquer. Le jour même de la Conférence sociale et du pseudo-boycott de la seconde journée par les appareils syndicaux, Valls, tout en regrettant pour le principe l’absence pour 24 heures des dirigeants syndicaux, avait indiqué très explicitement qu’il comprenait parfaitement qu’il ne s’agissait que d’une posture éphémère, que le dialogue social continuait. D’ailleurs, avant même leur fausse sortie, les dirigeants avaient pris l’agenda de la suite.

De facto, le dialogue social reprenait dès la rentrée, en particulier sur la question des « seuils sociaux ». Dans toute une série de petites entreprises, c’est la mise hors-la-loi du syndicat. Là aussi le MEDEF pousse son avantage. Il propose la liquidation totale de toute représentation syndicale lorsqu’il y a moins de 50 salariés et au-delà, la fusion Comité d’entreprise, Comité hygiène et sécurité, délégués du personnel, délégués syndicaux dans un « conseil d’entreprise » dont la création serait d’ailleurs soumise à referendum. La conquête ouvrière qui doit être liquidée, c’est évidemment d’abord l’élection des délégués du personnel.

Non seulement les dirigeants syndicaux ne rompent pas la concertation, mais s’agissant de la direction de la CGT, elle s’indigne... du report par le MEDEF du « troisième round de concertation ». Du reste, le fait majeur est l’accord donné explicitement par les appareils syndicaux à la liquidation des délégués du personnel dans les entreprises de moins de cinquante salariés. Ainsi, FO propose pour les petites entreprises des commissions nationales de branche avec des membres désignés par les directions syndicales (et non élus par les travailleurs de l’entreprise). Cette proposition fait en quelque sorte la courte échelle à la demande gouvernementale et patronale de suppressions des « seuils sociaux ».

La direction de la CGT va plus loin encore comme le note avec satisfaction le journal Les Échos : « Aujourd’hui, à partir de 11 salariés, l’employeur a obligation des élections internes. Le patronat a demandé sa suppression. La CGT a dit « chiche ! ». Elle serait prête à ne garder que le seuil de 50 salariés, où à l’obligation d’élire des délégués du personnel s’ajoute celle de mettre en place un comité d’entreprise. “Jusqu’à 49 salariés, nous avons un problème général de représentation ; nous voulons que ceux qui n’ont pas de représentants dans l’entreprise puissent en avoir à l’extérieur, élus sur listes syndicales tous les quatre ans.” ».

En prenant en charge l’éviction des délégués du personnel des entreprises, les appareils CGT et FO font œuvre de haute trahison : ils désarment la classe ouvrière dans l’entreprise, au moment où le patronat et le gouvernement, par la voix du banquier Macron, livrent bataille pour faire des négociations au niveau de chaque entreprise le cheval de Troie pour laminer les acquis ouvriers, en particulier la durée légale du temps de travail : « Macron veut  “faire respirer” les 35 heures. Le ministre de l’économie veut élargir les conditions de négociations des accords majoritaires en entreprise. Objectif : déroger plus facilement à la durée légale du travail. » (Les Echos, 21 novembre).

Il n’en va pas autrement des négociations Fonction publique, où l’objectif est ouvertement de liquider la progression à l’ancienneté et, au-delà, la Fonction publique de carrière. Le dernier numéro de l’US (Université Syndicaliste, journal du SNES) camoufle délibérément le contenu de la concertation, justifiant la participation de la FSU parce que, dit-il « l’attente des personnels est forte » (sic). La direction de la FSU ose écrire : « Marylise Lebranchu a fait le choix de défendre le statut » et précise : « Sur l’insistance des organisations syndicales, la négociation débute par l’examen des principes de l’ « architecture statutaire ». La publication mi-octobre du projet de circulaire relatif au nouveau dispositif indemnitaire des fonctionnaires, sur lequel les appareils syndicaux font silence, dévoile au grand jour le contenu en même temps que l’objectif des discussions en cours sur « l’avenir de la Fonction publique », à savoir la liquidation des acquis d’une fonction publique de carrière, en particulier le droit au déroulement de carrière à l’ancienneté. En effet, contrairement à la PFR de Sarkozy qu’elle est appelée à remplacer, plus rien dans le calcul de cette nouvelle prime ne se rattache au déroulement de carrière de l’agent et à son grade. Seuls sont pris en compte le poste occupé et la « manière de servir » (cf. Lettre de liaison n°238 centrée sur le compte-rendu du CDFN de la FSU des 18 et 19 novembre).

L’engagement dans la mise en œuvre de la politique du gouvernement ne se dément donc pas, mais au contraire s’amplifie. Certains nous disent - par exemple Informations Ouvrières, le journal du POI - qu’à la différence de la CFDT, les dirigeants CGT et FO se tiennent sur une ferme position de combat du pacte de responsabilité. Celui-ci consiste, on le rappelle, à distribuer 50 milliards de cadeaux divers au patronat (cadeaux fiscaux et cotisations sociales). Qu’en est-il en réalité ?

Le gouvernement met donc en place un comité qui va distribuer la manne aux patrons. Voilà comment y répond la direction de la CGT :

« Le Premier ministre a installé ce 4 novembre le Comité national de suivi des aides publiques aux entreprises et des engagements.

Ce comité a pour objectif de disposer d’évaluation des différents dispositifs d’aides publiques aux entreprises. Il contribuera à une connaissance partagée sur l’aspect des aides publiques en matière d’emploi, de croissance et de compétitivité. Il sera présidé par le Premier ministre et composé de parlementaires, de représentants des administrations, patronaux et des organisations syndicales.

La CGT accueille favorablement la concrétisation de cette proposition qu’elle porte depuis plusieurs années. Il s’agit maintenant de poursuivre pour que ce suivi soit décliné dans chaque région et revendiquer le droit pour les salariés des entreprises de suspendre les aides publiques.

La CGT participera activement aux travaux de ce comité national. »

Dans l’enseignement

Il faut attribuer une place particulière au rôle de la FSU et de ses syndicats dans le dialogue social.

La direction de la FSU, les directions de ses syndicats nationaux ont franchi un palier supplémentaire dans la prise en charge de la politique gouvernementale : prise en charge de la « réforme des rythmes » à travers la participation aux « comités de suivi » dans chaque département, prise en charge de la liquidation des décrets de 50, dont la direction du SNES fait ouvertement l’apologie, prise en charge de la consultation sur le nouveau socle avec l’invitation faite aux enseignants à renseigner, question par question, le questionnaire dans le sens d’un plébiscite de la politique gouvernementale.

La direction de la FSU, celle des syndicats nationaux n’ont cessé d’argumenter sur la différence entre ce gouvernement et les précédents en évoquant les fameux « 60 000 postes créés » dans l’Éducation nationale. On se rappelle de la première réaction de Rollet à la nomination de Hamon : « Les 60 000 postes sont sécurisés ».

Le Monde lui-même a démontré qu’en réalité les 60000 postes n’existaient nulle part ailleurs que dans les déclarations du gouvernement et de la direction de la FSU : « Selon les calculs du Monde, le ministère de l’Éducation nationale n’a crée que 3 856 postes de titulaires. » Dans le détail, on apprend aussi qu’ « il y aura encore moins d’enseignants dans les écoles maternelles et élémentaires à la rentrée 2015 qu’il n’y en avait lors du dernier exercice budgétaire mené par la droite en 2011. »

Ce soutien de l’appareil syndical au gouvernement se manifeste dans les aspects les plus répulsifs de sa politique comme en témoigne le dernier éditorial de l’US qui dès, la deuxième phrase à propos de l’assassinat de Rémi Fraisse,

dénonce « les tentatives de récupération politique d’un tel drame » - reprise mot pour mot de la déclaration du gouvernement - et dans le communiqué en pages intérieures « dénonce la violence disproportionnée des forces de l’ordre. » (Des grenades, mais pas trop !).

La crise dans l’appareil de la CGT et ses limites

C’est dans ce contexte que surgit une nouvelle crise dans l’appareil de la CGT à travers l’affaire de l’appartement de Lepaon. C’est évidemment révélateur des mœurs de l’appareil et en même temps c’est le quotidien de l’appareil. Rappelons-nous les valises de billets distribués par l’UIMM (fédération patronale de la métallurgie) pour « fluidifier le dialogue social » !

Donc, la vraie question est la suivante : pourquoi cette affaire surgit-elle maintenant ? Or on sait que c’est du sein même de l’appareil CGT que la mèche a été allumée. Cela témoigne de la crise de l’appareil à la suite de l’élection de Lepaon dans les conditions que l’on sait - ce n’était pas le choix de Thibault et l’appareil CGT n’a entériné ce choix que par défaut -, et prend la suite de l’affaire de la participation à la Conférence sociale où une partie de l’appareil avait estimé contre Lepaon qu’il fallait, de manière contrôlée, adopter une posture de refus limitée de participer.

Naturellement à la racine de la crise, il y a les tensions que provoque la nécessité d’une prise en charge toujours plus profonde de la politique du gouvernement. Et en même temps, les formes que prend la crise manifestent le fait qu’elle n’est pas provoquée par le mouvement du prolétariat lui- même. Alors, certes, il faut se saisir de l’indignation légitime que peut provoquer chez les adhérents cette affaire. Mais il faut indiquer que les mœurs délétères de l’appareil sont partie prenante de la politique de l’appareil syndical qui consiste à passer son temps dans les concertations gouvernementales et patronales pour prendre en charge les attaques contre les masses. Ainsi, la condamnation des privilèges éhontés que s’offre l’appareil doit déboucher sur l’exigence de la rupture du dialogue social.

L’accablement du prolétariat perdure

Nous devons apprécier lucidement la situation du prolétariat. Évidemment, la lutte des classes n’est pas « abolie ». Il y a eu quelques tentatives de combat dans les mois qui viennent de s’écouler. Cela étant, l’élément décisif, c’est que la spirale des défaites continue à se dérouler et, qui plus est, que les tentatives du prolétariat de faire sauter la chape de plomb de l’appareil sont restées très limitées et se sont toutes terminées dans les derniers mois par des échecs.

Pas de combat sur le budget et la Loi de financement de la Sécurité sociale

Dans les dernières semaines, le fait déterminant est que le gouvernement a fait passer avec la complicité active des appareils le budget et la LFSS. La journée d’action de la direction de la CGT du 16 octobre a été un non-événement dans des proportions jamais vues dans les « journées d’action » précédentes. La journée de « mobilisation » du 15 novembre initiée par les forces liées au Front de Gauche a été tout aussi confidentielle. Quant à la semaine d’action des fédérations de fonctionnaires – dont les dirigeants promettent qu’elle réunira « quelques centaines de manifestants » à l’Assemblée nationale, c’est une mascarade. FO, de son côté, « contre le pacte de responsabilité », promet un rassemblement national le 16 décembre – après que l’Assemblée en aura terminé avec le vote dudit pacte. Et pourquoi pas le jour de Noël ?

La vérité, c’est que sur le budget et la LFSS, il y a eu défaite sans combat. Celle-ci prend la suite d’autres défaites essuyées dans les quelques secteurs où il y a eu tentative de combat dans les derniers mois.

À la SNCF

A la SNCF, le dernier appel de la CGT a été un bide retentissant (et d’ailleurs peut-être organisé pour mettre davantage la tête des cheminots dans le seau). Il fait suite à la défaite de juin dernier. Il faut dire que dans la grève de juin, c’est l’appareil qui était à l’initiative avec l’appel à une journée d’action pour accompagner la négociation sur la liquidation du statut des cheminots de la SNCF au profit d’une convention collective commune de tous les travailleurs du rail.

Il est vrai que les cheminots ont tenté de déborder l’appareil, qu’ils ont formulé contre l’appareil dans un certain nombre d’assemblées générales et de manifestations l’exigence du retrait du projet de loi gouvernemental. Il est même vrai qu’ils ont tenté de se rendre à l’Assemblée nationale, manifestation interdite avec le silence complice des appareils. Mais à aucun moment, face à la manœuvre de l’appareil CGT qui, tout en parlant de « victoire » n’avait pu appeler dans un premier temps à la reprise comme il l’avait prévu, les cheminots n’ont été en mesure de prendre en charge leur propre mouvement, ce qui aurait supposé : constitution de comités de grève, centralisation nationale de ces comités de grève en imposant aux directions syndicales d’en être partie prenante sous contrôle des masses, etc.

À Air France

La grève des pilotes d’avion s’est également terminée par une défaite. La responsabilité en appartient conjointement à la direction du SNPL (le syndicat des pilotes de ligne) et des confédérations ouvrières.

La CGT et FO inexistants chez les pilotes sont par contre bien présents chez les hôtesses de l’air, les stewards, etc. Pour le contrat unique, contre la création de Transavia sous contrat « low coast », la question de l’appel à la grève de tous les personnels navigants se trouvait posée. Les directions syndicales CGT et FO ont tourné le dos à cette exigence, prétextant le caractère « corporatiste » du mouvement. Du reste, les dirigeants du SNPL eux-mêmes se sont bien gardés de se prononcer pour cette extension.

Il faut préciser : la simple reprise du travail – même sans avoir obtenu satisfaction sur le contrat unique – n’était pas suffisante pour la direction. Le refus de la direction du SNPL de signer le protocole de fin de conflit donnait à cette victoire patronale un goût d’inachevé. Mais l’affaire vient d’être réglée :

Le Monde du 18 octobre indique : « C’est forcément une bonne nouvelle : le Syndicat national des pilotes de ligne et la direction d’Air France sont parvenus, jeudi 16 octobre, à s’entendre autour d’un projet d’accord sur le développement de Transavia, la filiale à bas coûts.

Le SNPL va donc soumettre à sa base un projet d’accord qui ferme la porte à la principale revendication ayant déclenché le conflit. Il n’y aura pas de contrat unique pour les pilotes volant sur Air France et Transavia. »

Ainsi la boucle est bouclée !

À la SNCM

Il faut dire deux mots de la SNCM. Informations ouvrières écrivait le 24 juillet dernier : « Le gouvernement voulait aboutir à la liquidation judiciaire immédiate de la SNCM, ce que la grève de 16 jours n’a pas permis... Le départ de la CGT, de FO, de la FSU et de Solidaires de la conférence sociale a mis en échec cette tentative de Hollande d’associer les syndicats. Il est fort probable que le gouvernement ne réussira pas plus à la SNCM. »

En réalité, la grève de la SNCM s’était alors terminée par un appel à la reprise des dirigeants CGT au nom du report de la décision de redressement judiciaire annoncée pour fin octobre, c’est-à-dire par une trahison pure et simple. Les dirigeants CGT n’en étaient pas à la première. Il faut rappeler qu’ils avaient signé en 2013 un « contrat social » avec la direction et le gouvernement qui prévoyaient 500 licenciements (mais comme il s‘agit de CDD pour les appareils soutenus par IO, ce n’en était pas !), l’alourdissement des charges de travail pour les personnels subsistant, la diminution de salaire (un travailleur interviewé par Le Monde indique une baisse de salaire de 600 euros par mois !).

Mais il était dit que les travailleurs de la SNCM boiraient le calice jusqu’à la lie. Aujourd’hui de « victoire » en « victoire », c’est la fin, c’est-à-dire la liquidation judiciaire.

Étudiants

Si le prolétariat est désemparé, la jeunesse n’est pas en meilleure position. Le fait que malgré la violence des attaques sur le droit aux études (suppression de postes dans le cadre des budgets d’établissement, liquidation de formation) il n’y ait pas eu l’ébauche d’un combat d’ensemble de la jeunesse est significatif.

La petite tentative des étudiants clermontois, qui ont manifesté à plusieurs reprises contre le plan du président d’Université de plusieurs dizaines de suppressions de poste, d’engager le combat a été très rapidement phagocyté par l’appareil de l’UNEF et du SNESup sur le terrain de la demande d’une « rallonge budgétaire » pour l’université. La perspective tracée dans les assemblées générales d’un appel aux directions nationales de l’UNEF, du SNESUP pour qu’ils organisent une manifestation nationale à l’Assemblée nationale contre l’adoption du budget des universités a pu recueillir l’approbation des étudiants. Le fait est cependant qu’à aucun moment les appareils locaux (en particulier celui de l’UNEF dirigé par le NPA) n’ont été véritablement contrariés dans l’orientation sous forme d’impasse qu’ils faisaient valoir auprès des étudiants : à savoir, la lutte locale pour la « rallonge budgétaire », qui transformait les étudiants en masse de manœuvre du CA et du président d’université qui lui-même demandait cette rallonge... tout en faisant adopter les suppressions de poste.

Décrets de 50 des enseignants du secondaire

Rien n’est plus significatif que ce qui s’est passé sur les décrets de 50. Une fois désamorcée – avec un rôle déterminant de la direction du SNES – la mine que pouvait constituer la grève des profs de classes préparatoires à l’automne dernier, gouvernement et direction du SNES ont pu avancer de manière conjointe dans l’élaboration du nouveau décret. Là encore, il faut faire le même constat que chez les étudiants : là où les militants révolutionnaires sont intervenus, ils ont bénéficié de l’accord des enseignants, de leur approbation. Mais à aucun moment, cette approbation ne s’est transformée en une force mettant en difficulté l’appareil. Et ce, y compris au congrès du SNES où Rollet, secrétaire générale du SNES, s’est elle-même étonnée du peu de difficultés de l’appareil à faire avaliser son orientation

La place du Groupe pour la Construction du Parti Ouvrier Révolutionnaire,
de l’Internationale Ouvrière Révolutionnaire

C’est dans cette situation difficile que nous devons combattre. Nous savons pourquoi nous sommes dans cette situation. Pèsent de tout leur poids sur le prolétariat les défaites passées, le désarroi politique devant l’absence d’alternative politique.

Nous ne savons pas où ni comment cette situation se modifiera, ni même si cette modification se produira d’abord en France. Nous savons que du point de vue de la bourgeoisie le plus dur reste à faire contre le prolétariat, et nous ne savons pas si la bourgeoisie et les appareils réussiront à le faire sans que se dressent la classe ouvrière et la jeunesse.

A cet égard, si difficile que soit la situation présente, elle ne durera pas éternellement. La bourgeoisie, le gouvernement le savent. On dit que Hollande est terrorisé par la perspective d’un surgissement de la mobilisation de la jeunesse. Cette crainte est parfaitement fondée. Les réactions provoquées chez les étudiants et lycéens après l’assassinat de Rémi Fraisse, indiquent, malgré leurs limites, qu’elle aura forcément lieu sans qu’on puisse en donner la date. Par exemple, la Conférence des Présidents d’universités s’est ouvertement prononcée pour l’instauration de la sélection à l’université, c’est-à-dire pour une super loi Devaquet. Sans aucun doute, c’est aussi le plan du gouvernement. Mais tous connaissent le caractère explosif d’un tel projet.

Voilà pourquoi les militants révolutionnaires regroupés autour du bulletin Combattre Pour le Socialisme ne sauraient renoncer à intervenir.

Intervenir c’est ouvrir une issue politique, puisque le frein le plus important à la lutte des classes tient précisément au fait que les appareils dirigeants du mouvement ouvrier ferment toute issue politique. C’est pourquoi, y compris dans les syndicats, nous devons insister sur la question de l’existence de la majorité PS-PCF à l’Assemblée nationale et indiquer comme nous l’avons écrit dans le supplément CPS de septembre : « Il y a une issue politique ».

Intervenir, c’est dénoncer impitoyablement tous les charlatans de l’appareil syndical qui expliquent : « On peut faire autrement. Il y a des solutions dans le cadre du capitalisme etc. ». C’est expliquer à l’inverse que la seule issue c’est l’expropriation du capital.

Intervenir, c’est intervenir dans le mouvement ouvrier tel qu’il est. D’où la place centrale du combat dans les syndicats, dans les syndicats tels qu’ils sont, rabougris par la politique des appareils. Parce que dans la lutte des classes, rien ne se construit ex-nihilo, et que l’histoire du mouvement révolutionnaire nous a appris ce qu’il en coûte de s’imaginer qu’en dehors du vieux mouvement ouvrier allait se constituer, surgi d’on ne sait où, un mouvement ouvrier tout neuf. Il y a une leçon à tirer de la grève des personnels des palaces parisiens, grève pour les salaires, qui pour engager la grève ont commencé par constituer des sections CGT – sûrement pas par amour ou fascination pour Lepaon !

Et dans les syndicats, il faut accorder une place centrale au combat pour la rupture des directions syndicales avec le gouvernement et le MEDEF.

Oui, au-delà du désarroi actuel, l’avenir appartient à la classe ouvrière ; l’avenir appartient au combat pour lui donner les armes qui lui permettront de vaincre, en particulier le Parti Ouvrier révolutionnaire, à l’échelle internationale, l’Internationale Ouvrière Révolutionnaire. N’est pas déplacée en conclusion cette formule de Marx en 1850 reprise par Rosa Luxembourg :

« La génération actuelle ressemble aux Juifs que Moïse conduit à travers le désert. Elle n’a pas seulement un nouveau monde à conquérir, il faut qu’elle périsse pour faire place aux hommes qui seront à la hauteur du nouveau monde. » (cité dans la brochure de Junius, La Crise de la social- démocratie, écrite en 1914).

 

 

Le 17 novembre 2014

 

Cet éditorial a été écrit sur la base des notes pour le rapport « France » fait à la IVe Conférence du Groupe pour la construction du POR, de l’IOR, le 9 novembre 2014, complétées par quelques remarques supplémentaires à propos des événements survenus depuis cette date.

 

 

 

 

 

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