Article paru dans
le bulletin « Combattre pour le socialisme » n°52 (n°134 ancienne
série) - 05 décembre 2013 :
Commémoration de la première
guerre impérialiste mondiale :
Pour Hollande, « commémorer c’est
renouveler le patriotisme »
Pour la jeunesse, le prolétariat,
il s’agit de se réapproprier
l’histoire de la première boucherie impérialiste mondiale, et d’en tirer les
enseignements politiques :
« l’ennemi principal est dans
notre propre pays »
Hollande voudrait par la
commémoration de la première boucherie impérialiste
susciter une nouvelle Union sacrée
Le 7
novembre, François Hollande a ouvert le cycle de la commémoration du centenaire
du début de la première guerre impérialiste, et veut à cette occasion essayer
de bénéficier d’un bain de social-patriotisme : « Ce temps de mémoire arrive à un moment où la
France s’interroge sur elle-même (...) c’est pourquoi je veux donner un sens à
commémorer »… et il précise : « commémorer c’est renouveler le patriotisme, commémorer c’est porter un
message de confiance dans notre pays ». Ce discours, résonne
agréablement aux oreilles de Copé, qui, invité à l’entendre à l’Elysée, l’a
trouvé très beau. Cent ans après, Hollande voit dans la commémoration
l’occasion de s’adonner à l’exercice du patriotisme auquel s’étaient soumis ses
ancêtres de la SFIO, et avec eux les dirigeants de la CGT, en se vautrant dans
la défense nationale, en intégrant l’Union sacrée… S’il fit allusion à Jaurès,
c’est pour mieux aller sur le terrain de Clémenceau « père la victoire »
de 1917, ancien premier flic de France et briseur des grèves de 1910.
Faisant
mine de commémorer de façon « apaisée » la plus terrible boucherie
que l’humanité avait alors connue, il prétend ouvrir à une réintégration des
fusillés dans l’histoire officielle. « J’ai
demandé au ministre de la défense qu’une place soit accordée aux fusillés aux
Invalides. » Hollande, chef des armées, demande à l’héritier de tous
les représentants des ministères de la guerre, de leur faire une place au musée
à la gloire de l’armée. Les fusillés, les mutins, et ceux qui furent assassinés
pour l’exemple, ceux qui se sont opposés à la guerre n’ont pas à être
« honorés » ou reconnus par leurs bourreaux, par les défenseurs contemporains
de la guerre impérialiste contre laquelle ils se sont soulevés. Certaines associations comme la Libre
Pensée, l’Association Républicaine des Anciens Combattants et l’Union Pacifiste
de France, mènent campagne pour la « réhabilitation » de tous les
fusillés. S’adressant solennellement à François Hollande « les participants considèrent que la réhabilitation doit être
collective, donc publique, et prise par un déclaration politique venant du
présidant de la république » (Informations
Ouvrières n°276, journal du POI). Elles participent à leur manière à la
commémoration de Hollande, et au nom des fusillés, prêtent leur concours à la
confusion et à cette mise en scène sinistre. Dans Informations Ouvrières n° 276, le POI publie sans commentaire la
déclaration de ces associations, apportant ainsi sa caution à cette opération
réactionnaire.
Mais la
glorification de l’impérialisme français actuel, Hollande y souscrit aussi
directement, au nom du fait que des centaines de milliers de soldats africains
et coloniaux ont été enrôlés dans les combats de la guerre en Afrique même,
mais surtout en France : il affirme
ainsi que la « France avait souscrit
une dette d’honneur » envers le Mali ! C’est au nom du
colonialisme qu’il justifie l’intervention impérialiste en Afrique aujourd’hui.
La dette de sang appelle une nouvelle saignée. Quelle continuité : du
Chemin des Dames, aux interventions militaires qui cherchent à garantir l’ordre
impérialiste français en Libye, en Côte d’Ivoire ou au Mali !
Cent
ans après, Hollande le belliqueux, le va‑t‑en
guerre, aimerait reconstituer derrière lui une union qui matérialise la « force d’une Nation quand elle est
rassemblée », et, martial, il annonce un « ordre de mobilisation », « réformer, réunir, réussir ».
Si du côté de la bourgeoisie, il n’y aura aucune reconnaissance du ventre de
l’œuvre du soldat Hollande, comme le rappellent les
« manifestations » hostiles du 11 novembre, lorsqu’il en appelle au
sens du sacrifice, au rassemblement derrière la réforme... c’est à la jeunesse
et au prolétariat qu’il pense. Comme leurs ancêtres, les dirigeants du Parti
socialiste, les dirigeants des syndicats ouvriers issus de la vieille CGT,
comme Guesde et Jouhaux, sont appelés, au nom de la « guerre » contre
la crise, à faire le sacrifice des intérêts des travailleurs à nouveau, dans la
suite historique de la trahison du 4 août 1914.
C’est
dans ce cadre que le gouvernement lance son opération de commémoration, une
opération de défense systématique des intérêts de l’impérialisme français,
passés, présents et futurs. L’institution privilégiée est, bien entendu,
l’institution scolaire, et les enseignants subissent la pression permanente de
la commémoration : inspecteurs, chefs d’établissement voudraient que des
projets fleurissent durant les quatre années à venir… Cette pression est
d’autant plus forte, que de nouveaux programmes en nouveaux programmes, dans
les collèges comme dans les lycées, la première guerre mondiale s’est vue
réduite à une portion congrue. Il n’est guère question de passer plus de 3 ou 4
heures à son sujet dans le programme de première générale. Elle n’est étudiée
que comme l’exemple d’une guerre « totale », et sous l’axe de
« l’expérience combattante ». Ses causes, ses conséquences, ses
aspects politiques, les points de vue qui ne soient pas français, tout cela est
balayé, dans le cadre d’une vaste leçon sur « la guerre au XXe
siècle », qui au fond se refuse à aborder la question : pourquoi ces
guerres ? Les enseignants et leurs élèves sont donc exposés au matraquage
mémoriel et à la désinformation historique, mais c’est aussi le cas de
l’ensemble des travailleurs. Ce matraquage, la jeunesse et le prolétariat
devraient pouvoir l’éviter par l’action des organisations du mouvement ouvrier,
partis et syndicats. Cependant, tant le PS, le PCF, que la CGT et les autres
organisations syndicales ouvrières, se refusent évidemment à mener le combat
sur ce terrain pour mieux relayer l’offensive dans leur propre cadre.
Ce que
le mouvement ouvrier devrait affirmer haut et fort : la première guerre
mondiale est le produit de l’impérialisme, impérialisme qui continue cent ans
après à porter en lui la guerre. Ce que le mouvement ouvrier devrait dénoncer,
c’est la trahison de la deuxième internationale, le patriotisme, qui sévissent
malheureusement toujours en son sein. Le mouvement ouvrier devrait tirer les
leçons du mouvement révolutionnaire né dans la première guerre impérialiste
mondiale, qui a ouvert la « période des guerres et des révolutions ».
L’impérialisme stade suprême
du capitalisme
C’est
en 1916, en pleine guerre, que Lénine fait la synthèse des observations menées
tant par les représentants de la bourgeoisie elle-même que par les théoriciens
de la social-démocratie d’avant-guerre, notamment Hilferding sur le capital
financier ou Rosa Luxemburg sur l’accumulation du capital. Dans sa préface de
1921 aux éditions françaises et allemandes, Lénine explique lui-même l’objet du
livre : « Ce livre montre que
la guerre de 1914-1918 a été de part et d’autre une guerre impérialiste
(c'est-à-dire une guerre de conquête, de pillage et de brigandage), une guerre
pour le partage du monde, pour la distribution et la redistribution des
colonies, des « zones d’influence » du capital financier, etc. Car la
preuve du véritable caractère social ou, plus exactement, du véritable
caractère de classe ne réside évidemment pas dans l’histoire diplomatique de
celle-ci, mais dans l’analyse de la situation objective des classes dirigeantes
de toutes les puissances belligérantes. » Quels sont donc les fondements
de la nature de classe de cette guerre ?
Lénine
montre dans cette brochure que le capital à la fin du XIXe siècle et
au début du XXe a connu des transformations importantes : des
monopoles se sont formés, constitués par de grands groupes qui dominent les
marchés nationaux, et qui cherchent à s’implanter à l’échelle mondiale pour
trouver de nouveaux marchés. La constitution de ces monopoles est un moyen de
lutter contre la baisse tendancielle du taux de profit en évitant le jeu de la
concurrence. Le capital bancaire et le capital industriel ont alors commencé à
fusionner, dans le capital financier. Ce capital financier, constitué
maintenant depuis plus d’un siècle, rend bien vaine la recherche de distinction
entre le bon capital investi dans la production et le mauvais, spéculatif, que
mènent aujourd’hui les « réformateurs » économiques suivis par les
dirigeants du mouvement ouvrier. Ce capital financier cherche aussi des
débouchés sur le marché mondial et la tendance à l’exportation des capitaux
date elle aussi de cette période, comme le rappellent les coupons d’emprunts
russes de nos grands-mères. La nécessité de dominer les zones
d’approvisionnement, les marchés commerciaux et surtout les marchés de capitaux
fait que les capitalismes nationaux tendent à se diviser et se partager le
monde. Ce partage du monde, accéléré durant les décennies 1880-1890, rentre en
contradiction avec la finitude de la planète, et commencent alors les premiers
grands conflits inter-impérialistes, guerre hispano-américaine de 1898, guerre
entre Japon et Russie en 1904…
Le
caractère parasitaire et putréfié de l’impérialisme s’exprime au travers des
cartels, qui tentent de régir les marchés selon leurs propres intérêts, la
spéculation, pour tenter de repousser les crises, mais aussi à travers les
dépenses militaires, l’économie d’armement, la production de forces
destructives. Cette tendance réactionnaire est inhérente à
l’impérialisme : « le
capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage »
disait Jaurès, mais cette tendance est encore accentuée par l’impérialisme
lui-même, qui ne forme que des nuages d’orages.
A la
fin du XIXe siècle, la principale puissance reste l’impérialisme
britannique, qui domine le marché mondial même si son industrie commence à être
concurrencée. Londres reste la capitale financière du monde, les capitaux britanniques
sont investis en Amérique très largement, aux Etats-Unis mais aussi en Amérique
latine, Brésil ou Argentine, au Moyen Orient, en Chine, et bien entendu au
travers de l’Empire colonial, des Indes, à l’Afrique. La France est une
puissance de second rang, humiliée en 1870 par la Prusse, mais la France a
aussi un rayonnement mondial fort, un Empire colonial constitué en Afrique et
en Indochine, des capitaux investis en Russie tout particulièrement. Les
Etats-Unis sont une puissance dynamique, qui étend son influence sur le continent
américain et l’Asie, en évinçant les puissances européennes, notamment le vieux
colonialisme espagnol durant la guerre de 1898. Puissance la plus dynamique,
tard née, l’Allemagne cherche à étendre son influence sur l’Europe centrale,
vers la Russie, ou encore sur l’Empire ottoman. Pour autant, l’Allemagne et ses
monopoles, son capital financier ne trouvent guère d’espace sur lequel déverser
ses marchandises et capitaux. En 1885 l’impérialisme allemand tente de faire
adopter à ses concurrents des principes pour la colonisation de l’Afrique, qui
bat alors son plein. Mais la conférence de Berlin est un échec pour
l’Allemagne, dès l’année suivante Léopold II devient roi de « l’Etat indépendant
du Congo », la France se lance dans la conquête de Madagascar et poursuit
ses expéditions dans le Sahara et le Sahel. En 1911 la rivalité
franco-allemande exacerbée pendant quarante ans, se traduit par la pression sur
le royaume du Maroc, pressé de choisir son protecteur. Là encore l’Allemagne
subit un échec, son empire colonial est réduit à la portion congrue.
Les
rivalités inter-impérialistes ne concernent pas seulement la France et
l’Allemagne, l’impérialisme britannique longtemps en rivalité avec la France, a
repéré le dynamisme de l’Allemagne, et choisit l’alliance avec la France, et
après 1898 soutient les ambitions coloniales françaises face aux prétentions
germaniques. D’autres puissances rentrent en jeu, l’Autriche-Hongrie qui étend
son influence sur les Balkans où elle rencontre d’autres intérêts, ceux de la
Russie lancée dans la politique panslaviste, de la France alliée de la Serbie,
ou encore des Britanniques implantés en Grèce, tandis que l’Allemagne a des
relations privilégiées avec l’Empire ottoman en pleine crise, dans sa partie
européenne comme au Proche ou Moyen Orient, où les intérêts impérialistes
commencent à prendre position, d’autant que le pétrole commence à être exploité
dans cette région du monde. L’affrontement inter-impérialiste se prépare aussi
par l’intermédiaire de petits Etats plus ou moins fantoches comme ceux des
Balkans ravagés en 1912 et 1913 par des guerres qui annoncent la déflagration
générale.
De la barbarie de la guerre
impérialiste
La
nature de classe s’est aussi manifestée dans la guerre elle-même. Le
déferlement de la barbarie à échelle industrielle, l’organisation même par les
Etats de la guerre, une guerre dite « totale », nécessitant la militarisation
de la production et la coordination par l’Etat de cette production tout en
laissant les profits aux capitalistes, le déferlement de propagande
nationaliste, du bourrage de crâne, l’omniprésence de la censure, étaient
totalement nécessaires pour maintenir l’effort destructif. Il fallait tenter de
couper le front de l’arrière, empêcher l’information de passer pour permettre
de maintenir les troupes sous pression. Toutefois rapidement, le mythe de la
guerre rapide et du défilé des troupes à Berlin ou Paris, s’est brisé sur la
réalité.
Sur le
front français des millions d’hommes ont connu la guerre des tranchées, et des
immenses offensives qui tournaient au massacre, la Somme, Verdun et le Chemin
des Dames, qui restent quelques-uns des symboles de cette guerre. Sur le front
russe, les conditions étaient encore plus terribles, de grandes batailles de
mouvement opposaient l’armée allemande bien équipée à l’armée russe dont les
hommes disposaient d’un fusil pour deux soldats… l’arme étant relevée par celui
qui n’était pas fauché dans la charge ! Les grandes offensives ont aussi
eu lieu plus au sud dans les Balkans, contre l’Empire ottoman aux Dardanelles,
débarquement particulièrement meurtrier. Dirigé par la fraction militaire
nationaliste turque l’Empire ottoman a, dès 1915, déporté en masse et massacré
la population arménienne, attaquant les villages, assassinant les hommes et
déportant la population dans une longue marche vers le désert syrien, provoquant
des centaines de milliers de morts.
Cette
barbarie c’est celle des batailles, des offensives mal préparées et absurdes,
la morgue des officiers de carrière de certaines armées, notamment l’armée
tsariste russe, les exactions, les bombardements de villes, à l’artillerie
lourde, puis l’aviation, l’utilisation des gaz, la guerre sous-marine dans
l’Atlantique, où les bateaux neutres étaient aussi coulés pour empêcher
l’approvisionnement de la Grande Bretagne et de la France. L’affaiblissement
des populations exposées à la terrible grippe espagnole de 1918. C’est tout
cela la première guerre mondiale. Ce sont ces souffrances qui ont provoqué
grèves et mutineries, comme celles de l’année 1917, année cruciale de la
guerre. Au total, il y a eu plus de dix millions de morts, victimes directes du
conflit. En France, il y eut 1,4 million de morts, et plus de 4 millions de
blessés, invalides, amputés, gazés, gueules cassées, pensionnés, plus ou moins
à la charge de l’Etat, sans compter les victimes et anciens combattants
africains dont le traitement n’a jamais été équivalent. La mortalité, les
classes creuses, c'est-à-dire le manque de natalité liée à la guerre, ont fait
que la France n’a à nouveau connu un accroissement naturel, qu’après 1943.
L’endettement du Royaume-Uni et de la France auprès des Etats-Unis a fait
basculer le centre financier du monde vers New York, et le déclin de l’Europe a
alors commencé sa course inexorable.
Les
traités issus de la guerre ont imposé les conditions de l’impérialisme, le
traité de Versailles soumettant l’Allemagne à la démilitarisation, au paiement
des dommages de guerre, à la perte de territoires, au dépeçage colonial,
puisque les colonies allemandes furent données en mandat par la « Société
des Nations » inventée par Wilson, et qualifiée par Lénine de
« caverne de brigands », au Royaume Uni et à la France, sans doute en
vertu des principes d’autodétermination wilsoniens ! Le même traitement
fut imposé à la Turquie ottomane. Mais cette fois-ci, malgré les promesses
faites aux insurgés arabes, les nouveaux Etats furent eux aussi placés sous
tutelle coloniale‑ là encore de la France et du Royaume-Uni‑, Irak,
Palestine, Transjordanie, ou Syrie et Liban, tandis que des royaumes plus ou
moins fantoches furent découpés pour compléter le système des protectorats
britanniques dans cette région pétrolifère. Dans la Palestine mandataire, les
Britanniques ont favorisé l’afflux de migrants sionistes afin de mieux
contrôler le territoire face aux revendications arabes. L’Empire
austro-hongrois avait volé en éclats, mais les Etats qui naquirent de cette
disparition se trouvaient fragilisés et soumis aux volontés et alliances des
grandes puissances, dont les tutelles politiques ne garantirent nullement
l’existence, comme ce fut le cas pour la Tchécoslovaquie en 1938. De la
première guerre mondiale et des traités qui en découlaient surgiraient les
conditions de la seconde.
La responsabilité de la
social-démocratie
La
guerre est née de l’impérialisme, certes, mais elle a été rendue possible par
la soumission de la social-démocratie à celui-ci. La social-démocratie
européenne s’est formée après la dissolution de l’Association Internationale
des Travailleurs, la première Internationale, en 1874. Sa construction a eu
lieu dans un premier temps dans les sections nationales, et tout d’abord, le
parti social-démocrate d’Allemagne fondé en 1875.
Malgré
la répression politique dont il était l’objet, ce parti devint un parti de
masse, le plus puissant parti ouvrier du monde à l’époque. Il regroupait des
centaines de milliers d’adhérents, attirait lors des élections plusieurs
millions de travailleurs sous sa bannière et conquit des sièges au Parlement
malgré les lois antisocialistes. Il impulsa la constitution d’organisations
syndicales qui regroupaient elles aussi plusieurs millions de travailleurs. Ses
leaders étaient les plus écoutés à l’échelle internationale, notamment après la
fondation de l’internationale ouvrière en 1889. Les campagnes de cette
internationale regroupaient des millions de personnes dans le monde : le 1er
mai pour la journée de 8 heures, le 8 mars étaient des manifestations liées à
la puissance de l’Internationale. La section française de l’Internationale
ouvrière n’est fondée qu’en 1905, par le regroupement de plusieurs courants
socialistes. Rapidement, la SFIO elle aussi obtint des dizaines de députés et
mena des campagnes pour l’impôt sur le revenu ou contre les crédits de guerre
et le militarisme. En Angleterre, les organisations syndicales fondèrent le
Labour Party en 1906. Ailleurs en Europe, en Italie, en Espagne, mais aussi en
Serbie, en Russie, le mouvement socialiste se développa.
En
1907, l’Internationale adopte, lors de son congrès de Stuttgart, une résolution
contre la guerre entre les puissances européennes : « Si une guerre menace d’éclater, c’est un
devoir de la classe ouvrière dans les pays concernés, c’est un devoir pour ses
représentants dans le Parlement, avec l’aide du Bureau socialiste
international, force d’action et de coordination, de faire tous leurs efforts
pour empêcher la guerre par tous les moyens qui leur paraissent les mieux appropriés
et qui varient naturellement selon l’acuité de la lutte des classes et la
situation politique générale . » Un amendement avait été proposé
par la gauche, Luxemburg, Martov et Lénine : « Au cas où la guerre éclaterait néanmoins, les socialistes ont le devoir
de s’entremettre pour la faire cesser promptement, et d’utiliser de toutes
leurs forces la crise économique et politique créée par la guerre pour agiter
les couches populaires les plus profondes et précipiter la chute de la
domination capitaliste. ». Cet amendement adopté armait de manière
plus particulière sur la façon de procéder au cas où la classe ouvrière européenne
serait dans l’impossibilité d’empêcher le début de la guerre. A Bâle, en 1912,
un manifeste venait compléter cette déclaration. Il y était précisé
ainsi : « Mais la tâche
principale dans l’action internationale incombe aux travailleurs d’Allemagne,
de France et d’Angleterre. (…) » et bien entendu aux partis de ces
pays… Le texte poursuit « Le Congrès
(…) demande aux travailleurs de tous les pays d’opposer à l’impérialisme capitaliste
la force de la solidarité internationale du prolétariat : il avertit les
dirigeants de tous les pays de ne pas accroître encore, par des actions de
guerre, la misère infligée aux masses par le mode de production capitaliste. Il
demande, il exige la paix.
« Que les gouvernements sachent bien que
dans l’état actuel de l’Europe et dans les dispositions d’esprit de la classe
ouvrière, ils ne pourraient sans périls pour eux-mêmes déclancher
la guerre. (…)
« Les travailleurs considèrent comme un
crime de tirer les uns sur les autres pour le profit de capitalistes ou
l’orgueil de dynasties ou les combinaisons des traités secrets. (…)
« Elevez de toutes vos forces votre
protestation unanime dans les parlements ; unissez- vous dans des manifestations
et actions de masse, utilisez tous les moyens que l’organisation et la force du
prolétariat met en vos mains, de telle sorte que les gouvernements sentent
constamment devant eux la volonté attentive et agissante d’une classe ouvrière
résolue à la paix.
« Opposez ainsi au monde capitaliste de
l’exploitation et du meurtre les masses du monde prolétarien de la paix et de
l’Union entre les peuples. »
Mais
l’Internationale était conçue comme des partis d’adhérents nationaux
juxtaposés, avec à leur tête une fraction parlementaire, largement en contact
avec l’Etat bourgeois par le Parlement ou encore les responsabilités locales et
municipales issues des différentes élections. Les directions syndicales
corrompues grâce aux surprofits réalisés dans les colonies, le développement de
mœurs bourgeoises et de courants révisionnistes et opportunistes ont miné cette
Internationale et ses partis. Au pied du mur, lors de l’été 1914, ses
différentes composantes tergiversèrent et finirent par sombrer dans le soutien
à leur propre impérialisme.
La
social-démocratie allemande, la SFIO française votent alors les crédits de
guerre. Dans son ouvrage, Le Mouvement
ouvrier pendant la première guerre mondiale, Alfred Rosmer montre les
glissements qui du 31 juillet au 4 août ont affecté les dirigeants socialistes
ou de la CGT. Du refus de la guerre, au discours de défense patriotique de
Jouhaux lors des obsèques de Jaurès, voilà le trajet des dirigeants
sociaux-démocrates, à marche accélérée : « Que dire à l'heure où s'ouvre cette tombe ? Ami Jaurès, tu pars, toi
l'apôtre de la paix, de l'entente internationale, à l'heure où commence, devant
le monde atterré, la plus terrible des épopées guerrières qui aient jamais ensanglanté
l'Europe. Victimes de ton ardent amour de l'humanité, tes yeux ne verront pas
la rouge lueur des incendies, le hideux amas de cadavres que des balles coucheront
sur le sol. (...) Jaurès a été notre réconfort dans notre action passionnée
pour la paix. Ce n'est pas sa faute, ni la nôtre, si la paix n'a pas triomphé.
(...) Cette guerre, nous ne l'avons pas voulue. Ceux qui l'ont déchaînée,
despotes aux visées sanguinaires, aux rêves d'hégémonie criminelle, devront en
payer le châtiment. (...) Acculés à la lutte, nous nous levons pour repousser
l'envahisseur, pour sauvegarder le patrimoine de civilisation et d'idéologie
généreuse que nous a légué l'histoire. Nous ne voulons pas que sombrent les
quelques libertés si péniblement arrachées aux forces mauvaises. »
Au
Parlement les socialistes votent les crédits de guerre et entrent dans l’Union
sacrée, en France, et dans son équivalent, en Allemagne. Des hommes comme
Albert Thomas, socialistes devenus ministres, organisent la production, les
transports et le travail pour le compte de l’impérialisme et de l’Etat-major,
il encourage d’ailleurs son « ami
Louis Renault » à entrer dans la production d’armement, avec le
soutien de l’Etat. Il coordonne le travail industriel et voit l’Union sacrée
comme « l’union industrielle pour la
paix sociale »… Pendant que l’impérialisme cherche, par
l’intermédiaire des socialistes, à obtenir la paix sociale dans les usines
d’armement, il organise le massacre des travailleurs mobilisés sur le front
pour des intérêts qui sont ceux du capital financier.
Les
gouvernements d’Union sacrée, de Burgfriede, menèrent
la répression contre ceux qui résistaient à cette orientation criminelle, le
gouvernement français expulsa Trotsky de son territoire et, en Allemagne,
Liebknecht fut envoyé au front pour avoir voté contre les crédits de guerre,
Rosa Luxemburg emprisonnée. La répression fut féroce dans les tranchées contre
ceux qui ne voulaient pas se soumettre à cette Union sacrée, la censure
frappait la presse.
De la résistance ouvrière à
la vague révolutionnaire
Pour
autant, malgré la faillite de la deuxième internationale, malgré le passage
dans le camp de l’impérialisme de la social-démocratie et des syndicats, la
classe ouvrière, et certains militants socialistes ou syndicaux maintinrent,
dans les plus grandes difficultés certes, mais maintinrent leur indépendance de
classe. Dans un premier temps, de petits noyaux isolés les uns des autres se
refusèrent à s’associer au chauvinisme. Dans la gauche du SPD, Karl Liebknecht,
après avoir voté par discipline de groupe les crédits de guerre, s’est
désolidarisé de la politique du SPD en décembre 1914, avec le soutien de Rosa
Luxemburg. Les Bolcheviks se sont refusés aussi au social-patriotisme, Lénine
dénonçant violemment la « faillite
de la IIe internationale ». C’était le cas aussi du journal
de Trotsky Nache Slovo et, en France,
dans la CGT, d'un petit groupe de militants de la fédération des métaux réunis
autour de Pierre Monatte et Alfred Rosmer et le bulletin la Vie Ouvrière.
Les 5
et 8 septembre 1915 à Zimmerwald a eu lieu une conférence ouvrière qui
rassemblait les socialistes et les syndicalistes en opposition avec la
politique menée par les directions de la social-démocratie dans toute l’Europe.
Sa déclaration finale s’exprime en ces termes :
« Ouvriers !
« Vous, hier, exploités, dépossédés, méprisés, on vous a appelés frères
et camarades quand il s'est agi de vous envoyer au massacre et à la mort. Et
aujourd'hui que le militarisme vous a mutilés, déchirés, humiliés, écrasés, les
classes dominantes réclament de vous l'abdication de vos intérêts, de votre
idéal, en un mot une soumission d'esclaves à la paix sociale. On vous enlève la
possibilité d'exprimer vos opinions, vos sentiments, vos souffrances. On vous
interdit de formuler vos revendications et de les défendre. La presse jugulée,
les libertés et les droits politiques foulés aux pieds : c'est le règne de
la dictature militariste au poing de fer.
« Nous ne pouvons plus ni ne
devons rester inactifs devant cette situation qui menace l'avenir de l'Europe
et de l'humanité. Pendant de longues années, le prolétariat socialiste a mené
la lutte contre le militarisme; avec une appréhension croissante, ses
représentants se préoccupaient dans leurs congrès nationaux et internationaux
des dangers de guerre que l'impérialisme faisait surgir, de plus en plus menaçants.
A Stuttgart, à Copenhague, à Bâle, les congrès socialistes internationaux ont
tracé la voie que doit suivre le prolétariat.
Mais, partis socialistes et organisations ouvrières
de certains pays, tout en ayant contribué à l'élaboration de ces décisions, ont
méconnu, dès le commencement de la guerre, les obligations qu'elles leur imposaient.
Leurs représentants ont entraîné les travailleurs à abandonner la lutte de
classe, seul moyen efficace de l'émancipation prolétarienne. Ils ont accordé
aux classes dirigeantes les crédits de guerre ; ils se sont mis au service
des gouvernements pour des besognes diverse s; ils ont essayé, par leur presse
et par des émissaires, de gagner les neutres à la politique gouvernementale de
leurs pays respectifs; ils ont fourni aux gouvernements des ministres
socialistes comme otages de l'« Union sacrée ». Par cela même ils ont accepté,
devant la classe ouvrière, de partager avec les classes dirigeantes les
responsabilités actuelles et futures de cette guerre, de ses buts et de ses
méthodes. Et de même que chaque parti, séparément, manquait à sa tâche, le
représentant le plus haut des organisations socialistes de tous les pays, le
Bureau socialiste international manquait à la sienne. »
Cette
déclaration se concluait ainsi :
« C'est le devoir et la tâche des socialistes
des pays belligérants d'entreprendre cette lutte avec toute leur énergie. C'est
le devoir et la tâche des socialistes des pays neutres d'aider leurs frères,
par tous les moyens, dans cette lutte contre la barbarie sanguinaire.
« Jamais, dans l'histoire du monde, il n'y eut tâche plus urgente, plus
élevée, plus noble ; son accomplissement doit être notre œuvre commune. Aucun
sacrifice n'est trop grand, aucun fardeau trop lourd pour atteindre ce
but : le rétablissement de la paix entre les peuples.
« Ouvriers et ouvrières, mères et pères, veuves et orphelins, blessés et
mutilés, à vous tous qui souffrez de la guerre et par la guerre, nous vous
crions : Par-dessus les frontières, par-dessus les champs de bataille,
par-dessus les campagnes et les villes dévastées :
« Prolétaires de tous les
pays, unissez-vous ! »
La
guerre elle-même produisait les conditions de la crise révolutionnaire dont la
résolution de Bâle menaçait la bourgeoisie ! Les conditions terribles pour
les combattants, les difficultés des populations à l’arrière, l’augmentation
drastique de l’exploitation du travail dans les usines d’armement sous prétexte
de discipline militaire, la faim, la longueur même du conflit, ont fait ressurgir
le mouvement du prolétariat. Les fraternisations dans les tranchées, les grèves
dans les usines d’armement, le soulèvement national irlandais à Pâques 1916
contre l’impérialisme britannique, en étaient les manifestations avant coureuses.
La
révolution de février 1917 commençait par une grève lancée le 8 mars et des
manifestations d’ouvrières devant la pénurie absolue de nourriture, tandis que
dans l’armée le régime disciplinaire de la caste des officiers nobles du régime
autocratique était totalement rejeté. La nouvelle se répandit à travers
l’Europe, et atteignit la France, où des bataillons russes combattaient aux côtés
des Français. Après l’offensive décidée par Nivelle en avril 1917 où périrent,
en vain, tant de soldats français, de tirailleurs sénégalais, et à laquelle les
Russes avaient d’abord voté leur refus de participer, des mutineries secouèrent
profondément le front français, au point de rendre nécessaire une reprise en
main. Pétain en fut chargé. Il mania la répression sans pitié, faisant
fonctionner les tribunaux militaires, qui condamnaient au hasard et pour
l’exemple, à la hâte, décimant certains bataillons… et la carotte des permissions
et de la rotation des troupes en première ligne. Les soldats russes furent,
eux, parqués dans le camp de la Courtine dans la Creuse, et devant leur volonté
d’être rapatriés en Russie, l’Etat-major les fit bombarder pendant trois jours,
jusqu’à capitulation.
Lorsqu’en
octobre, le parti bolchevik prenait le pouvoir soutenu par les soviets, sa
première déclaration, ses premières décisions, furent précisément de proposer
d’ouvrir des discussions de paix et de proclamer le droit des peuples, à commencer
par ceux de l’Empire russe, à disposer d’eux-mêmes. Seule l’Allemagne engagea
pour des raisons d’ailleurs impérialistes des négociations à partir de décembre
1917. L’armée russe exsangue, les soldats retournant dans leur village pour y
prendre les terres, la Russie soviétique se trouvait dans l’incapacité de combattre.
Pour hâter la signature du traité et obtenir des conditions plus favorables,
l’impérialisme allemand lança une offensive et finalement obtint la capitulation
souhaitée. Cependant, durant les semaines antérieures à la signature du traité,
la délégation soviétique menée par Trotsky
utilisa les négociations comme une tribune, face à l’intransigeance
impérialiste : « La Russie tout
en refusant de signer une paix d’annexion, déclare la fin de la guerre ».
Si
l’Allemagne profita de la faiblesse de la Russie soviétique, les autres
impérialismes se déchaînèrent contre la « trahison » de la paix
séparée, et d’ailleurs intervinrent militairement dans la guerre civile qui se
développa ensuite en Russie, aux côtés des troupes des dirigeants tsaristes de
l’armée. Cependant, la signature de ce traité dans des conditions terribles
permettait à la Russie soviétique de se maintenir et montrait de facto la voie
de la fin de la guerre : l’irruption révolutionnaire des masses était la
seule capable de faire cesser les hostilités.
Une vague révolutionnaire en
Europe
La
Russie soviétique a été le foyer d’une vague révolutionnaire qui a secoué
l’Europe et le monde. Si l’insurrection irlandaise avait annoncé le début de
cette période révolutionnaire, les mutineries et grèves de l’arrière en France
au printemps 1917 furent les premières conséquences de la révolution de
février, de même que la grève générale de Barcelone en août 1917. Les tentatives
révolutionnaires suivantes se déroulèrent dans les marges de l’ancien empire
russe, dans des Etats nouvellement indépendants, en Finlande en particulier.
L’impérialisme s’est chargé de combattre le plus promptement possible la
révolution finlandaise en même temps qu’il intervenait dans la guerre civile
russe. En l’occurrence, en Finlande, c’est l’impérialisme allemand qui
intervenait, tandis qu’en Russie c’était les impérialismes coalisés du Royaume
Uni, de la France, des États-Unis et du Japon. Par delà leur rivalité, les
impérialismes avaient un but commun : faire refluer la révolution !
En
novembre 1918 c’est en Allemagne, à bout de souffle, que les soldats refusent
de poursuivre le combat : des conseils ouvriers et de soldats se forment
sur le modèle soviétique, dans la marine dès le début du mois de novembre puis
dans les villes ouvrières. L’état-major met fin le plus rapidement possible à
la guerre, le Kayser s’exile et un conseil des commissaires
du peuple est formé avec à sa tête les dirigeants… du SPD. Après avoir permis à
la guerre impérialiste de se dérouler, ils menèrent une politique permettant à
l’Etat bourgeois de se maintenir, en assumant directement le gouvernement, en
luttant contre toute tentative révolutionnaire et en faisant décapiter le
mouvement spartakiste, foyer du communisme allemand, par l’assassinat de Karl
Liebknecht et Rosa Luxemburg en janvier 1919. Dans le même temps
l’Autriche-Hongrie s’effondre. Les Empires disparaissent de la surface de
l’Europe ! En Hongrie, dès le 16 novembre est formée une république
hongroise des conseils, où le parti communiste à peine fondé dirige le
gouvernement en alliance avec la social-démocratie, qui finira par rejoindre le
camp de la contre-révolution durant le printemps et l’été 1919.
La vague
révolutionnaire ne touche pas que les pays vaincus, elle touche la tranquille
Suisse, elle touche la Grande-Bretagne, grèves en Ecosse, au Pays de Galles,
tandis que la guerre d’indépendance irlandaise commence en 1919. En France
aussi d’importantes grèves à caractère insurrectionnel se développent durant
l’année 1919, notamment dans les chemins de fer, tandis que la flotte française
de la Mer Noire, positionnée pour combattre la Russie soviétique connaît des
mutineries qui imposent le retrait progressif des troupes françaises de la
guerre civile russe. En Italie, les années 1919 et 1920 sont marquées par
d’importantes grèves avec occupation d’usine et formation de comités ainsi que
l’occupation de grands domaines terriens par les paysans sans terre.
Dans toute
l’Europe un mouvement d’adhésion et de soutien à la révolution russe se traduit
par la volonté de former des partis communistes, de rentrer dans la IIIe
internationale fondée en mars 1919.
L’ennemi principal est dans
notre propre pays
Ce que
l’histoire de la première guerre impérialiste mondiale nous apprend, comme
l’étude de toutes les autres guerres impérialistes, c’est bien que le principal
ennemi du prolétariat se trouve dans notre propre pays, comme l’écrivait Liebknecht
dans un tract en 1915. Les guerres, qui sont la « continuation de la politique par d’autres moyens »,
gardent le caractère des Etats, de leurs gouvernements et leurs politiques, des
rapports de domination de classe qu’ils entretiennent. Le brigandage colonial,
le pillage des ressources, la recherche de débouchés pour les capitaux étaient
la raison fondamentale de la Première Guerre mondiale. La bourgeoisie des
nations européennes envoya alors la paysannerie, le prolétariat, la jeunesse au
massacre. Elle y envoya aussi la population de ses colonies. Le bilan de la
première guerre impérialiste mondiale, s’il a été dépassé depuis, illustrait
parfaitement le caractère de barbarie de l’impérialisme.
C’est
ce qu’aujourd’hui le gouvernement voudrait que la jeunesse, le prolétariat
commémorent ? Dans un esprit de rassemblement national ? Hollande, le
descendant des sociaux-démocrates qui aidèrent la bourgeoisie impérialiste à
obtenir l’Union sacrée derrière sa politique, cherche à nouveau à invoquer le
patriotisme. Le patriotisme, le soutien à l’impérialisme est un poison mortel
pour l’émancipation des classes dominées, pour l’humanité dans son entier,
toute l’histoire le confirme. La jeunesse et la classe ouvrière rejettent ce
cancer, cette idéologie rance, qui unit la politique du gouvernement aux
champions du nationalisme, qui fait pression sur lui pour accentuer le
caractère réactionnaire de sa politique, notamment face aux travailleurs, aux
travailleurs immigrés, pour soutenir les intérêts du capital. La jeunesse et le
prolétariat peuvent à bon droit reprendre les lignes du tract de 1915 rédigé
par Karl Liebknecht :
« L'ennemi
principal du peuple allemand est en Allemagne : l'impérialisme allemand,
le parti de la guerre allemand, la diplomatie secrète allemande. C'est cet
ennemi dans son propre pays qu'il s'agit pour le peuple allemand de combattre
dans une lutte politique, en collaboration avec le prolétariat des autres pays,
dont la lutte est dirigée contre ses propres impérialistes ».
Faire
honneur à la mémoire de la jeunesse de cette époque, du prolétariat, confrontés
entre 1914 et 1918 à cette terrible guerre impérialiste, c’est reprendre à
notre compte, dans les conditions actuelles, les mots d’ordre de Liebknecht.
C’est combattre notre propre impérialisme, combattre les guerres qu’il mène en
Afrique, en exigeant des dirigeants du mouvement ouvrier qu’ils dénoncent cette
politique et reprennent la revendication : troupes françaises hors
d’Afrique. C’est combattre pour que les organisations du mouvement ouvrier ne
se vautrent pas dans le bain nauséabond du nationalisme et de la « mémoire »,
pour au contraire tirer les leçons de l’histoire. C’est combattre pour la
rupture avec un gouvernement qui prétend en permanence s’inspirer de l’Union
sacrée pour promouvoir une politique d’association du capital et du travail,
une politique d’association des dirigeants des organisations issues du
mouvement ouvrier à sa politique de défense du capitalisme en crise, de
l’impérialisme putréfié, qui n’offre pourtant d’autre issue que l’aggravation
permanente des conditions d’existence de la jeunesse et du prolétariat.
19 novembre 2013.
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