Éditorial du
bulletin « Combattre pour le socialisme » n°50 (n°132 ancienne série)
- 10 avril 2013 :
Les directions syndicales, en particulier celle de la FSU,
ont permis au gouvernement Hollande-Ayrault-Duflot-Pinel
de faire passer le décret sur les rythmes scolaires et la loi d’orientation
La nécessité de l’heure : s’organiser,
imposer la rupture aux directions syndicales
Les enseignants du primaire
ont tenté d’engager le combat contre le décret sur les rythmes scolaires
L’article
paru dans CPS n° 49, analysant
l’offensive contre l’enseignement que représente le décret sur les rythmes
scolaires, montrait que les enseignants n’avaient pas accepté une telle
contre-réforme. Dès le 11 décembre, une AG de 400 enseignants avait imposé aux
représentants parisiens du Snuipp, notamment, de se prononcer : « non à la réforme ministérielle des rythmes
scolaires, oui à une réelle transformation de l’école ». Cette formule
manifeste deux choses: la volonté des enseignants de voir retiré le projet de
décret, et le fait que, dans l’AG, les dirigeants syndicaux ont gardé le
contrôle politique, ce qui leur a permis d’amoindrir les formules et de les
assortir de la nécessité de la « réforme », donc de refuser
d’affronter le gouvernement Hollande-Ayrault-Duflot-Pinel. Malgré cela, le 19
décembre, à quelques jours des vacances, une manifestation dans Paris, un
mercredi, a rassemblé entre 600 et 1000 personnes (enseignants, parents). La
manifestation se heurtait à un obstacle politique : au lieu d’affronter le
gouvernement et son ministre Peillon, elle était dirigée vers la mairie de
Paris, et Delanoë était présenté comme le responsable d’une mauvaise
application du décret. Par ailleurs, toutes les directions syndicales, à ce
moment, renvoient à une demande de concertation dans chaque commune pour de
« bons rythmes ».
Momentanément
suspendu par les vacances, le mouvement poursuivait son œuvre sourde. La
pression était forte sur le Snuipp, syndicat le plus important dans le premier
degré. Alors que sa direction nationale s’était gardée jusque-là de remettre en
question le principe même du décret, le Snuipp émettait un vote négatif au CSE
(Conseil supérieur de l’éducation) du 8 janvier. Interrogé sur le site
« Nous, vous, ils », Sébastien Sihr, secrétaire général du Snuipp,
expliquait le vote négatif en ces termes :
« Le ministère de l'Education nationale porte
une part de responsabilité dans ce vote et on devrait plutôt s'interroger sur
sa capacité à accompagner les changements. Il aurait fallu de la méthode et de
la pédagogie pour que les enseignants et les parents comprennent la réforme ! »
Le seul reproche de S. Sihr au ministère de l’Education nationale,
c’est son incapacité à faire admettre sa réforme aux enseignants et aux
parents.
Pour
quelle raison alors avoir voté contre, si le Snuipp ne se prononce pas contre
le décret ? C’est qu’alors que la direction s’apprêtait à s’abstenir, comme
l’avait fait la FSU pour le projet de loi dit de « Refondation de
l’école », une conférence téléphonique avec les sections départementales
aboutissait à un camouflet pour Sihr lui-même. La pression sur le syndicat
était trop forte ; se présenter devant les collègues aurait été trop dur. Or
les échéances restaient à venir, la publication du décret, mais aussi la
volonté de combattre des enseignants.
Dans un
premier temps, l’irruption des enseignants s’est faite lors de la grève de
Paris, le 22 janvier. Cette grève bien que presque exclusivement parisienne,
représentait, par l'ampleur de la mobilisation, un coup de semonce national. Le
rectorat annonçait, malgré le SMA (Service minimum d’accueil), avant même
qu’elle n’ait lieu, un taux de grévistes record, avec 82 %. Des centaines d’écoles
étaient fermées ce jour-là.
Les directions syndicales
écartent la menace d’un mouvement national dans le premier degré
Jusqu’au
22 janvier, les directions syndicales, notamment celles du Snudi-FO, de Sud et
du Snuipp avaient réussi à contenir l’expression de la volonté de combattre
seulement à Paris. Le raz-de-marée qu’a représenté la grève du 22, rendant
publique l’opposition des enseignants au décret, pose la question du combat
national. L’organe de la bourgeoisie, Le
Monde saisit bien l’enjeu ; la question était bel et bien politique et
nationale, les enseignants du primaire étant la première corporation à tenter
de s'opposer au gouvernement Hollande-Ayrault-Duflot-Pinel. Dans son édito daté
du 23 : « L’école ou le
triomphe du corporatisme », l'organe officieux de la bourgeoisie
française crachait sa haine contre les enseignants : « Disons-le tout net : ce corporatisme
étriqué est lamentable. Les performances médiocres de l'école française,
attestées par toutes les enquêtes internationales, devraient plutôt inciter
tous ses acteurs à se mobiliser avant tout, dans l'intérêt des enfants. »
Malgré cette rage exprimée par toute la bourgeoisie et ses représentants, les
enseignants n’ont pas baissé pavillon. Il a donc fallu pour l’appareil syndical
trouver un autre dispositif. Une première réponse a été apportée par l’appel à
la grève du 31 janvier, une journée d’action destinée à faire pression sur les
négociations ouvertes dans la Fonction publique. Mais ce dispositif n’a pas
fonctionné. En effet, les enseignants ont très peu fait grève ce jour-là,
gardant leurs forces pour leur revendication centrale, l’abrogation du décret,
qui venait d'être publié le 26 janvier.
Toutes
les forces des appareils ont donc tenté de faire refluer les enseignants,
d’empêcher un mouvement national et centralisé. D’une part, le ministère s’est
lancé dans une discussion évoquant une possible revalorisation par une prime
annuelle de suivi des élèves de 400 euros, destinée à organiser la diversion et
à permettre une nouvelle phase de dialogue social. D'autre part, les directions
du Snuipp et des autres syndicats continuent de dénoncer des spécificités
parisiennes, alors qu'il ne s'agit que de l'application du décret et que
partout les enseignants du premier degré manifestent leur volonté de se joindre
à leurs collègues parisiens. Enfin, dans les AG de secteurs de banlieue
parisienne, les appareils minoritaires ont fait voter, à l'instar de Sud, des
décisions de grève, sans s'adresser aux directions nationales, et
particulièrement celle du Snuipp. La direction du Snudi-FO a joué sa propre
partition, en se prononçant pour l'abrogation du décret, en appelant à la
grève, mais au vu de sa force, c’était pour mieux dénoncer le syndicat
majoritaire, puisqu'aucun combat de front unique n’a été mené en sa direction.
D’ailleurs, l’appel à la grève du 12 février est caractéristique. Dès le 24
janvier, la Fnec-FO projetait seule, une « grève
nationale d’avertissement », « pour
l’abrogation du décret sur les rythmes scolaires, le retrait du projet de loi
Peillon ». Les mots ont un sens, or l’appareil FO ne prévoyait
nullement de gagner avec cette grève, puisqu’il s’agissait
"d’avertir" un gouvernement, dont on ne peut croire qu’il ne connaît
pas la situation. Le 28 janvier, lors de la rencontre entre appareils, les
objectifs de FO semblent atteints : la direction de FO est rejointe par
Sud et la CGT’éducaction, dans un appel minoritaire, tandis que la direction du
Snuipp refuse d’appeler à la grève. Le motif invoqué par la direction du Snuipp
est qu'elle n'est pas pour l'abrogation.
Malgré
tout, la colère des enseignants était telle que la pression s’exerce à nouveau
sur le Snuipp. Les sections départementales, au plus près du terrain, se sont
mises à appeler les unes après les autres à la grève, tandis que le congrès de
la FSU est en préparation. Dès le 1er février, Sébastien Sihr
indique appeler au niveau national à la grève du 12 février. Mais il ne s’agit
nullement de renforcer la mobilisation pour l’abrogation du décret au niveau
national. Il s’agit au contraire de le dénaturer en lui substituant des mots
d’ordre préservant le décret comme « Ni statu quo, ni bricolage » ou
« Pour une réforme réussie des rythmes scolaires ».
La grève du 12 et le congrès
de la FSU : une semaine décisive
Le
congrès national de la FSU s’ouvrait donc à Poitiers, le 11 février. En ouvrant
le congrès, Bernadette Groison a balayé d’un revers de main l'abrogation du
décret en ces termes : « Or,
cette concertation s’est révélée insuffisante sur les rythmes scolaires
notamment là où le ministre a voulu avancer vite. Rien d’étonnant d’ailleurs
car le changement du nombre de journées travaillées ne peut à lui seul être
gage de réussite si on n’interroge pas en même temps l’ensemble du calendrier,
les contenus et les méthodes, si on ne traite pas les inégalités sociales et
territoriales, si l’on néglige les conditions de travail des personnels et si
l’on ne définit pas ce que doit être le rôle respectif du scolaire et du
péri-scolaire. C’est cette volonté d’une démarche concertée avec le souci de la
réussite de tous que portent les enseignants des écoles qui vont être en grève
demain et c’est en cela que la FSU les soutient. » Bernadette Groison
réclame surtout une concertation plus large traitant de l'année scolaire, de la
décentralisation, du statut des enseignants… et pour cela le report à 2014, et
affirme cyniquement que les enseignants font grève pour cette raison. En
conséquence, la FSU n'exige pas l’abrogation du décret déjà publié.
Un
délégué du courant Front unique est monté à la tribune du congrès pour demander
une modification de l’ordre du jour, un vote immédiat d’une motion de congrès
d’une phrase ! « Le congrès
national de la FSU exige l'abrogation immédiate du décret sur les rythmes
scolaires. » Elle n’a pu être soumise au vote… Or quel impact aurait
eu un communiqué de la FSU indiquant que son congrès venait d’adopter une telle
position ! En lieu et place, les « travaux » du congrès purent
se dérouler sans encombre.
Seuls
Sihr et Lambert, secrétaire du Snuipp75, durent retourner le 12 à Paris. La
grève y a été aussi massive que le 22 janvier, et elle a été forte dans la
banlieue parisienne, dans le Rhône et de nombreux départements, au point que le
Snuipp annonçait 58 % de grévistes, alors qu’il n’avait pas appelé à faire
grève dans tous les départements, et très opportunément pour le congrès (qui se
tenait à Poitiers), dans la Vienne, au motif que l’école y est déjà depuis des
années le mercredi matin. A Paris, la manifestation regroupait sans doute
10 000 personnes, enseignants, mais aussi employés communaux et parents
d’élèves mobilisés contre le décret Peillon. Il est à noter que le gouvernement
n’a pas hésité à disperser les enseignants pacifiques à l’aide de gaz
lacrymogène. Sihr manifestait derrière une banderole de tête, qui n’évoquait
pas l’abrogation du décret. Mais surtout, il était présent pour multiplier les
déclarations à tous les media indiquant que le Snuipp ne se prononçait pas pour
le retrait du décret mais pour une réforme réussie. Déjà dès le matin, sur l’antenne
de RTL, à la question : « Qu’est-ce
que vous attendez de la grève d’aujourd’hui finalement, qu’il retire son texte,
qu’il reporte cette réforme d’un an ? », il avait répondu :
« Pas du tout ! Pas du
tout ! ». Et le même jour sur France5 : « Je ne souhaite pas que le ministre recule,
je souhaite qu’il avance, mais vers une réforme qui soit véritablement réussie. »
A ces
grévistes, ces manifestants, le congrès répondait lui aussi "hors de
question de reprendre le mot d’ordre d’abrogation." La motion présentée en
ce sens par le courant Front unique a reçu 65 pour, et a été rejetée par 439
contre, 12 abstentions, tandis que 109 délégués ne prenaient part à ce vote. La
réponse aux grévistes, Sihr la donna le 14 mars: « Il y a quelques années, il y avait une journaliste qui expliquait
pourquoi le Snuipp était devenu majoritaire : c’est parce que c’était un
syndicat contestataire et pro-réformes. Alors le 12 février on a fait preuve de
notre capacité à contester pour obtenir une réforme des rythmes scolaires
réussie. Mais est-ce à dire qu’on ne doit toucher à rien ? Est-ce à dire
qu’on ne doit rien proposer ? Non, parce que nous avons l’exigence de
revenir sur une organisation des rythmes scolaires qui n’est pas satisfaisante,
nous avons aussi l’exigence de revenir sur le décret Darcos, que nous avons en
son temps condamné, dénoncé, et donc nous avons l’exigence de voir réécrit
totalement le décret actuel ». (Chacun appréciera l’argumentation,
d’autant que la direction du Snuipp n’a jamais dénoncé et combattu le décret
Darcos).
Le
message a été entendu jusqu’au gouvernement qui, attentif au congrès de la
fédération majoritaire dans l’enseignement, retenait son souffle. Peillon
pouvait alors prendre son bâton de pèlerin et expliquer son décret dans les
départements, comme à Dijon, où des enseignants mécontents manifestaient contre
sa visite… et furent immédiatement refoulés violemment par les CRS.
Le
message était entendu par les Sud et consorts, qui se chargèrent d’organiser
l’enterrement, sans fleur ni couronne, en faisant voter dans les AG de la
banlieue parisienne, un appel à la grève le 28 février, alors que toutes les
académies de province étaient en vacances.
Cette
semaine du 11 au 15 février a été décisive : la direction du Snuipp, celle
de la FSU ont empêché que le mot d’ordre de retrait ne se concrétise de façon
nationale, et bouché toute perspective à l’action qui aurait permis de tenter
d’arracher le retrait effectif, la manifestation de toute la profession au
ministère.
Le gouvernement appuyé sur
le résultat du congrès, montrait sa volonté de passer à l’étape suivante
Même si
tout n’a pas été réglé par la tenue du congrès, le fait que le Snuipp et la FSU
ne se prononcent pas pour l’abrogation du décret est un point d’appui pour le
gouvernement. Malgré tout, la résistance des enseignants se manifestait,
notamment à Paris dans les réunions organisées par Delanoë. Le Snuipp
estimait même que 86 % des communes n’étaient pas prêtes pour une application
en septembre 2013. Des complications restent à prévoir sur le terrain, même si
une première bataille semble gagnée par le gouvernement.
A tel
point que Peillon annonçait, sans doute de façon maladroite, le 24 février, à
BFMTV, le passage à 38 semaines de cours, le zonage des vacances d’été et une
réforme du bac. Un nouveau pavé dans la mare, et surtout, il n’était dès lors
plus possible pour personne de feindre l’ignorance, ce que les directions
syndicales faisaient jusque-là. Sihr dans un entretien au Parisien déclare « il
faut que Vincent Peillon arrête de faire des annonces intempestives par voie de
presse. Il embrouille tout le monde (…) On ne comprend plus rien aux contours
de sa réforme. (…) Si on doit modifier le rythme annuel, parlons-en maintenant,
parce que cela a une incidence sur tout le reste".
Bernadette
Groison sur France-info déclare :
« les rythmes scolaires méritent
qu'on ait une réflexion globale sur l'ensemble du calendrier de l'année. Il
faut que le ministre commence une large concertation s'il souhaite avancer sur
la question des rythmes scolaires (…) Il faut réunir l'ensemble des acteurs,
mettre cette question très compliquée sur la table (…) Là, c'est prendre le
problème à l'envers, c'est créer une polémique inutile. On a besoin de sérénité
et de concertation (…) Si on rallonge de manière importante le temps
d'enseignement, il faudra pouvoir dire aux enseignants qu'il va y avoir des
contreparties, vous comprenez bien qu'aucun salarié ne va accepter que l'on
modifie son temps de travail sans qu'on regarde ses conditions de travail ».
Un rappel à l’ordre nécessaire au ministre Peillon qui fait des annonces sans
la concertation nécessaire, et dans une période déjà tendue.
Déjà
cependant, le gouvernement a reçu le soutien ouvert de la FCPE et de l’UNL pour
l’application des rythmes scolaires dans le second degré, dès le 14 février,
selon le blog de Claude Lelièvre. « Pour
les deux organisations, il est indispensable de respecter un maximum de 6
heures de cours par jour en collège et en lycée, de garantir à tous une pause
d'une heure et demi minimum durant la pause de midi et un total de 35 heures
par semaine TTC (tous travaux compris). Et il n'est pas nécessaire d'attendre
au-delà de la rentrée 2013 pour prendre des mesures dont la nécessité est
reconnue par tous et qui ne dépendent que de l'Éducation nationale concernant
la pause du midi et l'équilibre des journées au collège et au lycée, ce que le
ministre a lui-même évoqué lors du congrès des élus lycéens organisé par
l'UNL ».
L’application
de ces mesures nécessiterait la suppression massive d’heures de cours, de
contenus et donc de milliers de postes, plus exactement permettrait d’absorber
la remontée des effectifs sans création de postes dans le secondaire. Quant aux
projets de Peillon, ils représentent une attaque contre le temps de travail et
le salaire des enseignants, mais aussi contre le bac comme diplôme national. Le
zonage impliquerait la « simplification » du bac, c'est-à-dire
l’introduction massive du contrôle continu, en réalité sa destruction comme
diplôme national, premier grade universitaire.
Durant les vacances d’hiver
commence l’examen du projet de loi d’orientation
La
pointe avancée, un véritable coin dans le contenu de l’enseignement, dans le
statut des enseignants, c’est la question des rythmes scolaires. Mais au-delà,
le projet de loi d’orientation veut bouleverser l’enseignement public sur
d’autres questions. Il est d’une certaine manière l’anticipation de l’acte III
de la décentralisation par les possibilités élargies données aux collectivités
territoriales. L’application des rythmes en est un premier exemple, commune par
commune. Dans l’enseignement professionnel, les régions devraient se voir
confier la main sur la carte des formations. On sait comment les régions
disposent déjà de l’existence même des établissements par le financement des
travaux : ainsi le LP de Romagnat, dans la banlieue de Clermont-Ferrand,
doit-il être purement et simplement fermé, ses sections réparties sur d’autres
établissements, au motif que les travaux de rénovation seraient trop chers. Les
régions pourront traiter les filières avec la même hache. Le cadre national de
l’enseignement public est grignoté. Pour certaines professions, comme les
conseillers d’orientation-psychologues, c’est le transfert aux régions que
prévoit le projet de loi ; même en gardant momentanément le statut de
fonctionnaire d’Etat, à terme c’est leur expulsion de la Fonction publique
d’Etat qui est en question, comme cela a été le cas avec les agents des lycées
et collèges.
Ce que
sera le projet de loi dans le domaine du transfert aux collectivités
territoriales se dessine dans la pratique de façon anticipée. Il en va de même
avec les ESPE (Écoles supérieures du professorat et de l’éducation) et les
concours de recrutement. L’organisation des concours indique donc clairement ce
qui se trame : la maquette pour le concours 2013-2014 prévoit des épreuves
écrites d’admissibilité sur la maîtrise scientifique, le stage et des épreuves
d’admission portant sur la pratique professionnelle.
Comme
l’indiquait le précédent article (voir CPS
n° 49), il s’agit d’une rupture
que même le gouvernement Sarkozy n’avait pas osée : les stagiaires ne sont
plus des fonctionnaires, mais des étudiants préparant un concours. Les
conditions de ce stage et notamment de soumission à la hiérarchie sont considérablement
aggravées. Il faut noter que les stagiaires devront un tiers de service, soit
plus que les stagiaires d’avant la contre-réforme, et ce pour un demi-salaire
de contractuel ! Il faudra en outre terminer le cursus du Master. Faire
entrer les étudiants massivement dans l’enseignement : Sarkozy en rêvait,
et Hollande et Peillon le font.
Il faut
aussi faire une remarque : le concours Peillon par le peu de valeur qu’il
accorde à la maîtrise des matières à enseigner, et par le rapprochement entre
enseignants du premier et du second degrés dans leur formation, est un
véritable abaissement en terme de qualification, mais aussi un moyen de
destruction des statuts. D’ailleurs, au prétexte de
« mastérisation », personne ne connaît à cette date le futur de l’agrégation,
que le gouvernement voudrait bien voir disparaître, et qui, quoique reconnue à
bac + 4, assurait une qualification et des garanties autrement solides que ces
nouveaux concours et diplômes M2. C’est à cette débâcle que les directions
syndicales ont prêté la main par la pseudo-revendication d’une élévation du
niveau de recrutement.
D’ores
et déjà, on sait qu’accéder au métier d’enseignant est toujours aussi difficile
pour les étudiants en raison de la durée imposée des études. Là encore, les
emplois d’avenir professeurs, adoptés à l’automne, font entrer massivement des
étudiants comme main-d’œuvre surexploitée dans l’enseignement. Si on a pu
s’interroger sur leurs fonctions, il n’est plus permis de poser la question,
puisque dans les établissements où ils arrivent, on leur assigne des tuteurs,
qui sont des enseignants, et ce n’est certainement pas pour effectuer des
tâches de vie scolaire !
Pour
les postes, dont la distribution réelle a été démontée dans le précédent
article de CPS, Peillon précise lui-même,
qu’il est hors de question de poursuivre comme objectif l’abaissement du nombre
d’élèves par classe, au primaire y compris. Dans son « livre », « Refondons l’école », paru à
l’occasion de l’ouverture du débat parlementaire, il s’explique en ces termes :
« On considère souvent la diminution
du nombre d'élèves par classe comme la panacée. On peut le comprendre :
moins d'élèves par classe, ce serait plus de professeur pour chacun. Il y a là
une illusion qu'il faut lever. Car la réduction de la taille des classes coûte
très cher, trop cher pour être efficace à l'échelle du territoire national :
réduire d'un enfant l'effectif de toutes les classes coûterait plus de 10 000
postes d'enseignants sans produire le moindre effet sur les enfants ! Avec
autant de moyens, on peut faire bien mieux » (…) « Nous devons être plus créatifs, plus innovants, plus pédagogues.
C'est l'objectif du dispositif que nous appelons "plus de maîtres que de
classes" et qui mobilisera une grande partie des 7 000 postes supplémentaires
consacrés à l'amélioration de l'encadrement pédagogique dans les zones
difficiles sur la durée du quinquennat » Ainsi, le dispositif « plus de maîtres que de classes »
se voit assigner un objectif très clair : s’opposer au recrutement des
enseignants nécessaires pour réduire le nombre d’élèves par classe.
Le
projet de loi est arrivé devant l’Assemblée le 11 mars. Il est clair cependant,
que rien n’a été fait jusque-là de la part des organisations syndicales pour
empêcher le processus de se poursuivre. Après les mois de concertation, après
l’abstention de la FSU et de ses syndicats en décembre au CSE… rien n’est venu
troubler la quiétude du gouvernement et la sérénité des députés. Et à
l’Assemblée c’est le Front de gauche qui s’aligne sur la position de la
direction de la FSU, et Chassaigne indique qu’ils ne voteront pas contre : « Sur ce texte, comme sur les autres,
on n'est pas dans une posture a priori d'opposition systématique ou de godillot »,
c’est le moins qu’on puisse dire. Une critique pour faire bonne mesure :
« on a une forme de crainte sur un
utilitarisme de la formation, qui ferait qu'elle serait strictement liée à des
bassins d'emploi, à des offres d'emploi régionales alors qu'on considère qu'il
faut conserver la dimension nationale de l'éducation. On interviendra par
rapport à ça ». C’est la même méthode politique qu’emploie la
direction de la FSU.
Les appareils
bureaucratiques des syndicats entérinent la politique gouvernementale !
La
direction de la principale fédération, la FSU, renvoie les enseignants, à une
perspective d’action au 6 avril. Après la grève du 22 février, repousser au 6
avril toute manifestation, alors que l’examen en première lecture du projet de
loi commence le 11 mars, n’est pas simplement une manœuvre dilatoire, c’est aussi,
pour la direction de la FSU, un manifeste de soutien totalement ouvert au
gouvernement comme le précise le texte de l’appel :
« Les élèves et les jeunes ont besoin d’une
vraie refondation du système éducatif. (…) Cela doit se faire avec les
personnels et l’ensemble de la communauté éducative s’appuyant sur leurs
expériences, leurs savoir-faire, la connaissance de leurs métiers et de
l’utilité de leurs missions. Malgré des avancées dans le projet de loi
d’orientation et de programmation pour l’Ecole soumis au Parlement (créations
d’emplois, rappel des valeurs qui doivent fonder l’Ecole, priorité à l’école
primaire...), des manques ou des continuités avec les politiques précédentes ne
permettront pas les transformations nécessaires.
Pour tenir les engagements d’un projet
ambitieux de l’école maternelle jusqu’à la fin du lycée et de l’enseignement
supérieur, il faut donc aller plus loin.
C’est pourquoi la FSU se prononce :
*Pour des lois de refondation de l’Ecole et
sur l’enseignement supérieur et la recherche porteuses :
- d’une nouvelle étape de démocratisation du
système éducatif, qui passe par la prolongation de la scolarité obligatoire à
18 ans,
- de la reconnaissance sociale de tous les
métiers de l’éducation.
*Pour une meilleure qualité des temps éducatifs
et une amélioration des conditions de scolarisation des élèves (effectifs,
contenus enseignés...). Pour une réforme des rythmes réussie, cohérente
pour le système éducatif, pensée sur la journée, la semaine et l’année
s’articulant avec les rythmes sociaux et familiaux, élaborée en concertation
avec les différents acteurs. Pour les écoles cela passe par un report de la
réforme en 2014 pour donner le temps à une réécriture du décret. (…)
*Pour une relance de l’Education Prioritaire
car l’Ecole doit contribuer à davantage d’égalité sociale sur l’ensemble du
territoire.
*Pour une amélioration des conditions de
travail, d’emploi et de service de tous les personnels (temps de travail,
missions, évaluation, gouvernance…) et le développement de l’offre de formation.
*Pour que soit mis fin au gel du point
d’indice et pour une réelle revalorisation salariale pour tous les personnels
abandonnant les logiques d’individualisation et de rémunération au mérite.
*Pour la création des postes et la
programmation des moyens nécessaires à l’accomplissement des missions. Pour un
véritable plan d’envergure de lutte contre la crise de recrutement (formation
initiale et continue, prérecrutements…).
Nous refusons de nous résigner aux
conséquences sociales de la crise sur les enfants et les jeunes. Nous affirmons
qu’il y a urgence à assurer la réussite de tous. C’est « mieux
d’Ecole » qu’il faut organiser pour tous les élèves, à tous les niveaux
d’enseignement. (…)
La FSU appelle les personnels à participer
massivement à la manifestation nationale pour l’éducation à Paris le samedi 6
avril prochain. Les Lilas le 28 février 2013 »
C’est
un véritable appel au gouvernement à développer plus fort, plus loin sa
politique, car son défaut principal serait d’être timoré, de manquer d’engagement !
Pour les bureaucrates syndicaux, ce qui caractériserait les projets du
gouvernement ce serait les manques, et non leur nature purement
réactionnaire ! Pour eux, il faudrait donc de vraies lois de refondation,
qui aillent plus loin, dans la destruction du cadre national de l’enseignement
public, dans la destruction des statuts ! Les enseignants du primaire qui
refusent le décret seront ravis d’apprendre qu’ils sont appelés à manifester
pour un bon décret sur les rythmes ! Ils goûteront la remarque sur les
améliorations des conditions de travail que cette contre-réforme met en œuvre,
les emplois d’avenir se délecteront de savoir qu’ils représentent un
« pré-recrutement » auquel il faut donner plus d’envergure ! Il
n’est pas jusqu’à cette expression de novlangue orwellienne, « mieux
d’Ecole », qui ne soit reprise des objectifs de la bourgeoisie, et de ses
gouvernements…
D’ailleurs,
le 10 mars, le site du Snuipp publie la lettre de Sihr à Peillon demandant un
temps de concertation dans chaque école pour la mise en œuvre des principales
mesures contenues par le projet de loi, « plus de maîtres que de
classes », « liaison école-collège » « scolarisation à
trois ans »… et ce temps est demandé par anticipation de la modification
de la circulaire 108 heures : « Or,
et si nous notons les premières évolutions des obligations de service des
enseignants des écoles définies par la circulaire relative à l’organisation des
108 heures, celles-ci n’entreront en vigueur, elles-aussi, qu’à la rentrée
prochaine. Pourtant, c’est dès aujourd’hui, qu’à fin d’assurer la réussite de
ces nouveaux dispositifs, le travail de conception et de préparation doit
commencer. » C'est-à-dire que Sihr réclame l’application de la
nouvelle définition des services… liée à l’application des rythmes
scolaires !
Dans le
même temps, le dispositif de concassage de toute possibilité pour les
enseignants d’engager le combat est peaufiné jusque dans les plus infimes
détails ! Un appel unitaire à la grève provient de toutes les
organisations syndicales du primaire, pour la seule ville de Paris, le 25 mars.
Il faut dire qu’il est sur le terrain de la lutte contre les propositions de
Delanoë, et pour faire pression sur le conseil de Paris qui doit se réunir ce
jour-là. Mais comme Paris a été le foyer de résistance des enseignants, il
s’agit d’organiser la fin de la résistance et de la dévoyer dans une direction
sans issue. Le 25 mars, les données chiffrées de la grève indiquent un
effondrement de la participation à moins de 40 %. Les directions minoritaires
des fédérations CGT, FO, Sud, et CNT, appellent, elles, de façon très radicale
à la grève, le 28 mars, pour l’abrogation du décret sur les rythmes scolaires
et s’opposer au projet de loi Peillon (sic)… en ne menant bien entendu aucun
combat pour réaliser le front unique, avec la principale organisation syndicale
de l’enseignement, la FSU… Un tel appel est la garantie d’une faible
participation, et donc de la démoralisation des enseignants, que chacune à leur
poste, les directions organisent en commun.
S’organiser pour imposer la
rupture aux directions syndicales
Il est
nécessaire aujourd’hui de tirer le bilan et les leçons de cette première phase
politique, où les enseignants ont tenté d’affronter le gouvernement, mais n’ont
pu imposer aux dirigeants de leurs organisations syndicales de reprendre les
mots d’ordre de retrait, puis d’abrogation du décret sur les rythmes scolaires,
d’organiser la manifestation de la profession au ministère pour l’arracher.
Dans le cas du projet de loi Peillon, les directions ont pu esquiver toute
discussion sur leur position vis-à-vis de ce texte, mais ont discuté pendant
des mois de sa préparation, et ont continué à proposer des amendements, y
compris pendant sa discussion à l’Assemblée, notamment à la commission
parlementaire concernée. A aucun moment la discussion avec le gouvernement n’a
cessé, la démarche de la direction de la FSU étant une démarche de
collaboration. Alors qu’il y a un an la direction de la FSU refusait de se
prononcer pour le vote PS/PCF pour chasser Sarkozy, maintenant que Hollande au
pouvoir continue et amplifie la politique de Sarkozy contre la jeunesse, les
enseignants, la direction de la FSU dialogue de façon
« satisfaisante » avec le gouvernement Hollande-Ayrault-Duflot-Pinel,
et cherche à amender, infléchir sa politique. C’est bien entendu totalement
illusoire, ou plus exactement c’est un leurre pour les syndiqués, les
enseignants, les personnels de l’enseignement public. Les premières mesures
prises dans l’enseignement le montrent assez : il est aujourd’hui
nécessaire de s’organiser pour imposer aux directions syndicales la rupture du
dialogue social qui sert à mettre en œuvre la politique du gouvernement.
L’application
prochaine du décret sur les rythmes scolaires sera un coup réel porté aux
enseignants. L’adoption de la loi d’orientation, cependant prévoit une mise en
œuvre progressive de mesures s’attaquant aux diplômes, au temps de travail, au
statut des enseignants… Il est possible d’arrêter cette offensive, et
d’atténuer les effets du coup porté aux enseignants du premier degré, en
imposant le boycott des discussions que le gouvernement entend ouvrir sur
l’allongement de l’année scolaire, sur le statut des enseignants, et notamment
les décrets de 1950, qui définissent les obligations de service, en durée
hebdomadaire comme en tâche d’enseignement.
C’est
sur cette orientation que nous invitons les enseignants à se regrouper et à
s’organiser.
Le 25 mars 2013
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