Éditorial du
bulletin « Combattre pour le socialisme » n°50 (n°132 ancienne série)
- 10 avril 2013 :
Une sinistre euphorie
Wall
Street a retrouvé son niveau d’avant 2007. A Francfort, à Londres la
progression est à peine moindre. Goldman Sachs, Morgan JP annonce des résultats
2012 impressionnants, sur la base exclusive des opérations financières liées à
la spectaculaire remontée des actions. Pour réaliser des opérations financières
juteuses, il ne faut pas perdre une minute. C’est pourquoi Le Monde du 12 mars nous apprend que la New York Exchange
étudie les mesures pour que, en cas de nouvelle catastrophe météorologique du
type de l’ouragan Sandy, la Bourse puisse continuer à fonctionner de manière
continue. Que cessent de tourner les usines, que ferment les magasins, que le
métro cesse de fonctionner, qu’il n’y ait plus d’électricité, que les hôpitaux,
les écoles ne puissent plus assurer leurs tâches ; mais que la Bourse,
elle, ne connaisse pas d’interruption ! Voilà ce qui est essentiel du
point de vue du capital financier ! Voilà un concentré des finalités de la
société capitaliste.
Mais
l’effacement des pertes boursières accumulées depuis 2007, est-ce l’effacement
de la crise ouverte en 2007 ? Les plus enthousiastes thuriféraires du
système capitaliste n’osent l’affirmer. Et les plus lucides voient bien que la
frénésie boursière loin d’être un signe de guérison du malade est au contraire
le plus inquiétant des symptômes de l’aggravation du mal. Le 20 janvier,
toujours dans Le Monde, Patrick Artus
s’inquiète : « C’est à nouveau
une bulle… Les investisseurs ne regardent plus les fondamentaux des actifs
qu’ils achètent : la situation économique se dégrade encore, les pays
émergents ont des problèmes… La croissance mondiale et celle des Etats-Unis
ralentissent. »
Pourquoi
donc l’exubérance boursière ? Aux Etats-Unis, à Londres, à Tokyo, la
planche à billets fonctionne à plein régime. En Europe même, la BCE prête aux banques
à des taux inférieurs à l’inflation. Des masses énormes de liquidités sont
mises ainsi à disposition. Les taux d’intérêt des obligations d’État dans les
grands pays impérialistes – aux Etats-Unis d’abord mais aussi au Japon, en
Allemagne, en Grande-Bretagne, et même en France – sont au plus bas. Dans ces
conditions, cette masse énorme de capitaux flottants se reportent sur le marché
des actions et sur les opérations spéculatives de toute sorte. N’est-il pas
extraordinaire qu’au moment où la surproduction en matière de métaux frappe des
zones entières, en particulier l’Europe, le prix du minerai de fer…. ait
augmenté de 80% depuis septembre 2012 ?
Artus
n’a certes pas tort de s’inquiéter. Les plus grandes crises du capitalisme ont
le plus souvent été précédées d’une telle frénésie boursière. On se rappelle
les propos du président de la BCE Greenspan fustigeant l’« exubérance
irrationnelle des marchés » avant 2007.
Entre
mars 1926 et octobre 1929, le cours des actions augmente de 120%. Les profits
spéculatifs sont sans commune mesure avec les profits effectivement réalisés
sur le terrain de la production ; et ceux-ci eux-mêmes sont sans rapport
avec l’évolution de la production elle-même. Mais cette distorsion ne saurait
durer éternellement. Le krach boursier constitue un brutal rappel à l’ordre de
la réalité de l’économie capitaliste. Il manifeste le fait que l’autonomie de
la sphère financière est limitée, qu’elle ne saurait s’émanciper totalement de
la réalité de la production.
Combattre pour le socialisme se gardera bien de lancer
des prophéties sur le moment ou sur le lieu de la planète où se déclenchera le
nouveau tsunami financier, plus dévastateur encore que le précédent. Mais le
fait est que tous les indices sont réunis, annonciateurs d’une telle catastrophe.
États-Unis : le
déclenchement des « coupes automatiques »
Faute
d’accord entre Républicains et Démocrates (les Républicains sont majoritaires à
la Chambre des représentants), s’est enclenchée aux Etats-Unis la mécanique
dite des « coupes automatiques ». On présente souvent l’opposition
entre Obama et les Républicains comme l’opposition entre un président qui
voulait, pour tenter de juguler la dette, augmenter la fiscalité des riches et
un Parti républicain qui voulait tailler dans les dépenses sociales (Medicare,
Education, indemnités chômage, etc.). Si telle est bien la position des
Républicains, il faut préciser que les propositions d’Obama comportaient
elles-mêmes de brutales coupes dans l’ensemble des budgets dits
« sociaux ».
Le fait
est en tout cas que le déclenchement des « coupes automatiques »
procède bel et bien d’un accord entre Républicains et Démocrates pour faire
porter tout le fardeau de la prétendue « lutte contre les déficits »
sur les épaules du prolétariat, de la jeunesse américaine et, au-delà, des
couches populaires : réduction des crédits d’enseignement et conséquemment
mise au chômage partiel ou total d’enseignants, nouvelle réduction des
indemnités chômage, réduction des aides au logement et des aides alimentaires
aux plus démunis. Déjà, les conséquences se déclinent partout : fermeture
d’écoles, en particulier dans les quartiers populaires et noirs, sous
l’hypocrite prétexte qu’elles n’ont pas de bons résultats, renoncement à
l’entretien des routes, remise en cause des conditions de sécurité dans les
aéroports, etc. Telles sont les conséquences pour les masses. Mais il faut
ajouter que le gouvernement américain est conduit lui-même à une certaine
baisse du budget militaire, ce qui n’est pas sans conséquence sur l’économie américaine
dans son ensemble où les industries liées à l’armement jouent un rôle décisif
de volant d’entraînement pour l’économie dans son ensemble. L’effet prévisible
est donc un effet de récession dans une situation où le dernier chiffre connu –
il faut plus que jamais faire abstraction des « prévisions » pour la
suite –, celui du quatrième trimestre 2012, faisait déjà état d’une baisse de
la production (-0,1%).
Union européenne :
retour à la réalité sur la crise de l’Euro
Pendant
plusieurs mois, les « spécialistes » économiques aux ordres ont
chanté la victoire remportée contre la crise de l’Euro et en même temps ses
héros : notamment Draghi qui, à la tête de la BCE, en annonçant qu’il le
défendrait coûte que coûte, avait « apaisé
les marchés » (sic). Quant à Monti, en Italie, il avait montré son
aptitude à faire avaler au prolétariat italien une avalanche de contre-réformes
pour ramener la « confiance ». On ne disait pas que toute l’aptitude
de ce dernier tenait dans la collaboration de la direction de la centrale
syndicale italienne : la CGIL. Et la baisse des taux d’intérêt même
limitée en Espagne, en Italie, en Irlande était saluée par tous.
Et puis
patatras ! « Alors qu’on la
croyait sauvée, la zone Euro à nouveau menacée » annonce ingénument Le Monde
du 5 mars.
C’est
sans doute que la guérison antérieure n’existait que dans l’imagination des
commentateurs. C’est du reste ce que nous indiquions dans le précédent numéro
de notre bulletin Combattre pour le
socialisme. Dans un organisme atteint d’un diabète sévère, la moindre
égratignure se transforme en gangrène. Il en va de même de l’état du système
bancaire et de manière connexe des finances des Etats en Europe. C’est ce que
révèle la situation à Chypre aujourd’hui au-devant de la scène.
Chypre : lorsque la
situation d’un État minuscule menace de dislocation toute l’Union européenne
Le
poids économique de Chypre dans l’Union européenne est infinitésimal : en
2012, 0,13% du PIB de l’Union européenne, soit à peine plus d’un millième.
C’est
notamment pour cette raison que l’impérialisme allemand, dans un premier temps,
avait exprimé sur la question, face au risque de faillite que l’île encourrait,
une position qu’on pourrait résumer cyniquement ainsi : « Qu’elle
crève ! ». Mais le poids des banques y est 8 fois supérieur à celui
du PIB. Et pour cause : l’impôt sur les profits du capital bancaire y est
dérisoire (10%) et les banques cypriotes jouent le rôle de lessiveuse de
l’ « argent sale », issu des trafics en tout genre. Il faut
préciser toutefois : pas davantage que le Luxembourg, la Suisse ou la City
de Londres !
Pour le
reste, la situation de Chypre a un air de déjà-vu, concentrant jusqu’à la
caricature tous les traits du parasitisme propre à l’impérialisme putréfié :
spéculation immobilière forcenée, opérations bancaires de plus en plus
périlleuses pour attirer les capitaux par des profits records. Ainsi, les
banques cypriotes ont continué à acheter de la dette grecque, quand les autres
banques la vendaient, persuadées que finalement la bourgeoisie grecque serait à
même de saigner suffisamment son prolétariat pour payer des taux d’intérêts
usuraires. Et au bout du compte, la culbute : la bulle immobilière
explose, la dette grecque est « restructurée » sur le dos des
investisseurs imprudents, la quantité de créances douteuses des banques
cypriotes progresse de façon exponentielle. Il faut alors recapitaliser les
banques au prix d’une progression géométrique de la dette de l’État, sans pour
autant que la situation des banques soit assainie !
Laisser
crever Chypre ? Du point de vue des intérêts généraux du capital
financier, c’est à vrai dire impossible. Le précédent Lehman Brothers est
présent dans toutes les mémoires. Non seulement parce que les conséquences de
la faillite de Chypre et de ses banques ne se limiteraient sûrement pas au
périmètre de l’île ; mais aussi parce qu’une telle faillite risquerait
fort de précipiter une panique bancaire générale, en particulier dans les pays
où les banques sont à l’extrême bord du précipice.
C’est
le cas de l’Espagne. Le Monde du 17
mars décrit ainsi la situation : « Madrid
a obtenu, en 2012, de Bruxelles, un prêt de 40 milliards d’euros. Elle a dû
nationaliser quatre banques et devrait en faire autant avec deux autres cette
année. « Il sera ardu pour le gouvernement de récupérer son
investissement… Le fonds public de restructuration ordonnée bancaire a dû
renoncer à vendre Caixa Cataluna, faute d’acquéreur. La raison est simple :
elle est en faillite, tout comme Bankia. » (…) Bankia inquiète
particulièrement les analystes. La banque issue de sept caisses d’épargne
régionales a reçu 18 milliards d’euros en 2012. Mais ses pertes se sont élevées
à 19,2 milliards en 2012 alors qu’il lui a fallu provisionner 26,8 milliards
d’euros pour couvrir ses actifs toxiques. Des économistes craignent qu’elle ne
se transforme en un puits sans fond, malgré le transfert des actifs les plus
toxiques à une bande de défaisance (bad bank), la Sareb. »
L’UE,
le FMI et la BCE, à travers des affrontements entre puissances impérialistes
poussés à leur paroxysme – l’Allemagne poussant à un écrémage des déposants
encore plus important –, ont donc dû y aller de leur « plan » pour
éviter la faillite de Chypre. Mais voilà que ce plan se transforme lui-même en
accélérateur de la crise qu’il était censé juguler. La décision de racketter
purement et simplement les déposants, l’UE faisant ainsi régler la note non
seulement aux petits déposants mais aussi aux capitalistes mafieux pour
beaucoup en provenance de Russie, s’est d’abord heurtée à l’opposition toutes classes
confondues de Chypre : les banquiers ainsi privés de leur source de
profit, et les employés de banque confrontés à la perspective d’un licenciement
quasi immédiat. Au bout du compte, si le plan finalement adopté épargne les
petits déposants, c’est bel et bien le prolétariat cypriote qui paiera
cependant le plus fortement la facture, puisque ce plan, qui prévoit la mise en
liquidation de la deuxième banque du pays et la restructuration de la première,
va se traduire par des milliers de licenciements. Ce qui, à l’échelle d’un pays
d’1 million d’habitants et compte tenu du poids démesuré du secteur bancaire
dans l’économie de l’île, ne peut aboutir qu’à un effondrement économique et à
un scénario à la grecque. De plus, ce plan devait s’accompagner d’un mémorandum
instaurant le gel des salaires et des pensions, le recul de l’âge de départ à
la retraite, des hausses d’impôts et une accélération des privatisations
Au-delà
de l’île et à l’échelle de l’UE, pour la première fois, les dépôts ne sont plus
garantis. Dangereux précédent ! Et pour la première fois en Europe, comme
en Argentine il y a plus de dix ans, les banques ont fermé plusieurs jours,
interdisant toute transaction par crainte d’une ruée sur les dépôts bancaires…
qui aurait pour conséquence la ruine irrémédiable des banques qu’il s’agit
pourtant de sauver.
On peut
le pronostiquer sans risque : l’« accord » trouvé à Bruxelles
n’a aucune chance de stabiliser durablement la situation. De nouvelles
secousses à Chypre ou ailleurs sont inévitables.
« Il faudrait pouvoir faire tomber la pièce sur la tranche »
Réduction
des déficits, amélioration de la « compétitivité » : les mêmes
recettes sont à l’œuvre dans tous les pays par les gouvernements au service du
capital. Ces recettes reviennent toutes en fait à ceci : baisser
drastiquement le coût de la force de travail, diminuer le salaire direct ou
indirect, opérer une dévalorisation massive du capital pour rétablir le taux de
profit en fermant les usines, en licenciant par milliers les travailleurs,
diminuer les « dépenses sociales » en supprimant en masse les postes
de fonctionnaires, en fermant ou privatisant les hôpitaux, en fermant les
écoles et en privatisant les établissements scolaires. Tel est le tableau
universel des politiques suivis par les gouvernements bourgeois.
Or loin
de surmonter la crise, ces mesures n’aboutissent qu’à la généralisation du
marasme économique, à l’approfondissement de la récession.
La
Grande-Bretagne, où 750 000 postes de fonctionnaires ont été supprimés, où
la prochaine loi de finances prévoit encore 13 milliards de coupe dans les
budgets publics, où l’impôt sur les sociétés a été diminué de 2008 à
aujourd’hui de 28% à 20%, illustre cette impasse. Malgré la politique barbare
d’attaque contre les masses du gouvernement Cameron, le déficit est à 7,4%, la
dette publique continue à enfler, la croissance quasiment nulle.
L’Irlande
est vantée par les dirigeants de l’UE, du FMI comme le bon élève de l’Europe
parce que la fiscalité y est particulièrement basse, parce que la ponction sur
les revenus des masses (chaque travailleur irlandais paie chaque année depuis
2008 des centaines d’euros pour renflouer l’Anglo Irish Bank) y est
massive ; tout autant que la diminution des salaires. Et malgré tout, la
croissance y demeure anémique et pour cause : « Les seules entreprises qui en profitent vraiment sont les
multinationales installées en Irlande dont les exportations en hausse tirent la
croissance. L’économie intérieure, elle continue à se contracter : elle
s’est réduite d’un quart depuis le début de la crise. » Le Monde 15
mars
C’est
encore plus vrai des pays du sud de l’Europe, à ceci près que là on n’est plus
dans une situation de stagnation mais de franche récession. Autre « bon
élève » : le Portugal. « Sous
perfusion financière depuis 2011, le pays a jusqu’ici appliqué au pas de charge
les coupes budgétaires imposées. De nouvelles économies dans les dépenses, de
l’ordre de 4 milliards sont au programme (…) Jusqu’ici la purge a tardé à
montrer ses bienfaits (…) Le pays a certes regagné en compétitivité. Mais les
exportations ne comptent que pour un tiers de son PIB. Et le marché intérieur,
lui, est à l’arrêt, sous l’effet des baisses de salaires et des retraites et de
l’explosion du chômage (…) Le Portugal a connu en 2012 sa récession la plus
grave depuis 1975 à -3,2% » Le Monde 17 mars. Le même tableau vaut pour l’Italie qui, malgré une balance
commerciale excédentaire, a connu une récession de l’ordre de 2% en 2012, etc.
Mais
que signifie ce trait commun à des pays tels que l’Italie, le Portugal,
l’Irlande ? Cela signifie que les gains de productivité, l’amélioration de
la compétitivité ne peuvent être obtenus que par la restriction du marché. Car
la section II dont parle Marx dans Le
Capital, celle de la production des biens de consommation, ne peut vivre
sur la seule base des biens de consommation à l’usage de la bourgeoisie
elle-même – dont le marché continue certes, lui, à être en extension. La
diminution drastique des capacités de consommation du prolétariat aboutit
inéluctablement au rétrécissement de ce secteur. Et le rétrécissement de la
section II ne peut qu’aller de pair avec celui de la section I, la production
des moyens de production, c'est-à-dire l’investissement. Autrement dit, chaque
économie capitaliste ne peut lutter pour augmenter sa part du marché mondial
qu’en contribuant à la réduction générale du marché mondial, c'est-à-dire en
précipitant une catastrophe économique plus grande pour l’avenir. Comme le dit
à propos du Portugal un dirigeant de Citybank, il faudrait pouvoir à la fois
augmenter la compétitivité et le marché intérieur. Autrement dit, « il faudrait pouvoir faire tomber la
pièce sur la tranche. ». La question est donc, dans le cadre du
système capitaliste, parfaitement insoluble. Certes, à cette étape du développement
inégal et combiné de la crise du capitalisme, on n’en est pas encore à
l’échelle mondiale à une réduction en valeur absolue du marché. Mais c’est bien
cette tendance qui se manifeste en Europe d’abord et qui prépare la
transformation de la stagnation en récession, et demain de la récession en
dépression.
Impossible
« relance »
Quant à
la possibilité d’échapper à l’échelle locale – celle d’un pays ou d’un groupe
de pays – à cette mécanique infernale par une politique dite de
« relance », elle est totalement illusoire. Le budget de l’UE, sous
l’égide conjointe des impérialismes allemand et anglais, a tourné radicalement
le dos à toute politique d’investissement qui, dans l’état actuel, ne pouvait
être financée que par la dette. C’est un camouflet supplémentaire infligé à
Hollande. Quant à la ritournelle répétée dans les sommets des appareils du
mouvement ouvrier consistant à dire qu’« il suffirait » d’augmenter
les salaires pour favoriser la reprise, elle ne résiste pas à la première
réflexion. Si d’aventure un pays s’y risquait – pure hypothèse d’école au
demeurant –, la conséquence en serait immédiatement que, dans le cadre du
marché mondial, ses marchandises seraient invendables et par conséquent la
récession plus brutale encore. Mais en réalité, les dirigeants qui distillent
ce genre de fadaises n’en croient pas un mot eux-mêmes. Ils visent simplement
par là à faire croire qu’il y aurait une solution dans le cadre du capitalisme
lui-même, que ce système a un avenir. Alors qu’à l’inverse cette crise, crise
de surproduction, est la crise du système lui-même, la contradiction
insurmontable entre le caractère social de la production et le caractère privé
de la propriété des moyens de production. « Dans
le développement des forces productives, le mode de production capitaliste
trouve une limite qui n’a rien à voir avec la production de la richesse en
soi ; et cette limitation bien particulière témoigne du caractère limité
et purement historique, transitoire du système capitaliste. Elle témoigne qu’il
n’est pas un mode absolu de production de la richesse, qu’au contraire il entre
en conflit avec le développement de celle-ci à une certaine étape de
l’évolution. » écrivait déjà Marx dans Le Capital (Livre III, Tome I, Chapitre XV).
L’approfondissement
de la crise, le fait que toutes les mesures prises par la bourgeoisie dans les
différents pays loin de permettre sa résorption ne font que l’aggraver,
illustre ce que disait Marx. Une telle situation montre l’urgence d’en finir
avec le capitalisme. Ce qui pose la question de la situation du prolétariat et
de sa capacité à le mettre à bas.
Les combats du prolétariat
buttent sur l’absence de toute perspective politique
Combattre pour le socialisme peut faire état à chaque
nouveau numéro de mouvements de masse engagés par le prolétariat en défense de
ses conditions d’existence. Ce numéro ne fait pas exception à la règle :
manifestations massives en Espagne contre la privatisation des hôpitaux en
particulier, énormes manifestations au Portugal le 2 mars sur le mot d’ordre :
« Dehors la troïka ; dehors le
gouvernement » reprenant le chant de la révolution de 1974, puissantes
manifestations en Slovénie. En Bulgarie, éclatent des manifestations spontanées
contre le racket par les compagnies privées d’électricité – tchèques et
autrichiennes – assommant la population bulgare avec des factures… dépassant de
loin le montant des retraites… et avoisinant le montant des plus bas salaires.
Les manifestants avancent l’exigence de « renationalisation » des
compagnies en question. Ils se heurtent violemment à l’appareil de
répression ; ils obtiennent même la démission de Borissov, le Premier
ministre … qui est remplacé quelques jours plus tard par son ancien ministre
Rikov. Ainsi se manifeste le désarroi politique du prolétariat. Si imposantes
que soient ses manifestations ; il bute sur l’absence de toute perspective
politique.
Évidemment,
il faut distinguer entre les situations. En Bulgarie, il n’y a pas l’ombre d’un
parti ouvrier ; l’ex-parti stalinien composé d’oligarques mafieux ne pouvant
en aucun cas être considéré comme tel. Les masses ne disposent pas du moindre
instrument politique pour combattre pour leur propre gouvernement. Il en va
autrement par exemple au Portugal. Lorsque des centaines de milliers de
manifestants le 2 mars scandent : « Dehors la troïka ! Dehors le
gouvernement ! », cela pose la question : pour le remplacer par
quoi ? Et il n’y a pas d’autre réponse à cette question que celle-ci :
par un gouvernement du PSP et du PCP (du Parti Socialiste et du Parti Communiste
Portugais). Mais les travailleurs portugais savent qu’il n’y a pas deux ans,
c’est le gouvernement Socrates vertébré par le PSP, qui avait scellé lui-même
l’accord avec la troïka au nom duquel l’actuel gouvernement Passos Coelho prend
aujourd’hui les plus violentes mesures contre les masses. Ils savent que tant
le PSP que le PCP – à la tête de la CGTP (Confédération générale des
travailleurs portugais) – ne se prononcent pas pour la dénonciation de l’accord
avec la troïka, accord dont ils viennent de demander le réaménagement, ni pour
le refus de payer la dette, ni pour les mesures visant à rompre avec la
domination du capital, à commencer par l’expropriation des banques. Le combat
pour un gouvernement PSP-PCP suppose donc qu’on précise que les travailleurs
devront exiger d’un tel gouvernement qu’il satisfasse les revendications. Il
suppose qu’on indique quelles seraient les tâches d’un véritable gouvernement
ouvrier. Telle serait l’orientation politique de tout regroupement combattant
véritablement pour la construction du Parti ouvrier révolutionnaire au
Portugal. Force est de constater qu’aucune force politique au Portugal ne mène
ce combat. C’est la manifestation locale d’une situation plus générale :
le prolétariat manque cruellement de partis révolutionnaires, d’une
internationale ouvrière révolutionnaire sans lequel le prolétariat ne peut
mettre à bas le capitalisme qui, si putréfié soit-il, ne mourra pas de mort
naturelle !
Italie : Grillo et son
mouvement 5 étoiles, un charlatan archi réactionnaire et anti-ouvrier
En
Italie, où les dirigeants du PSI et du PCI ont pris eux-mêmes en charge la
liquidation totale de leurs partis de sorte qu'il n’y a plus aujourd’hui, même
sous la forme ultra-dégénérée où ils existent dans la plupart des pays de
l’Ouest de l’Europe, de partis d'origine ouvrière. Le PD (Parti démocrate),
issu de la dissolution de l’ex-PCI dans un conglomérat avec des forces purement
bourgeoises, a coupé toute continuité avec un passé de parti ouvrier.
Le
résultat de cette décomposition politique est donné par les élections qui
viennent d’avoir lieu : tous les élus appartiennent à des formations de la
bourgeoisie. La Berezina électorale de Monti s’est accompagnée du recul de tous
les partis qui avaient soutenu sa politique de contre-réformes, le soutien
décisif provenant cependant de la direction de la CGIL, la principale centrale
syndicale ouvrière. Mais le grand vainqueur de ces élections est Grillo et son
Mouvement Cinq Etoiles.
Suffit-il
que le millionnaire genevois proclame "tous dehors" pour pouvoir se
féliciter de son succès comme le proposait par avance JL Mélenchon sur son blog
le 15 février ? "(…) En Italie jusqu'à la dernière minute, des
rassemblements immenses se sont opérés sur les places pour dire "tous
dehors!". Un peu plus loin : "Mais qui ne voit Beppe
Grillo, en Italie, envahir les places publiques à notre manière, proposer un
haut salaire minimum à 1000 euros et animer ses rassemblements aux cris de
"tous dehors?" et de mettre en garde les sceptiques : "inutile
après cela de remplir les commentaires de ce blog avec des dénonciations du
contenu du discours de Grillo."
Inutile
la caractérisation précise du M5S ? A qui servirait l'ignorance ? Et à quoi
sert Grillo ?
Première
chose : ce mouvement violemment anti-parti se constitue par simple
adhésion à un blog de "marque déposée" dont Grillo est le seul
propriétaire. Il peut faire la pluie et le beau temps dans un cadre d'un
"non-statut" qui définit une association distincte d'un parti
"sans organismes dirigeants ou représentatifs", donc sans réel débat
interne, sans congrès, sans discussions ouvertes, sans vote sur les axes
programmatiques, etc. Mais l'idéologue et éminence grise de Grillo est
Casaleggio de "Casaleggio et associés", une des plus puissantes
entreprises du secteur informatique. Dans le staff de l'entreprise, on trouve
un homme lié au groupe de presse du patronat italien "Il Sole 24 Ore",
à un hobby italo-américain …
Grillo
lui-même, lors de sa campagne électorale, n'a pas négligé les rencontres à huis
clos avec les patrons des petites entreprises, particulièrement implantées dans
le Nord-Est, où ils constituaient la base de la clientèle de la Ligue du Nord.
Ils n'auront pas été désorientés par le discours anti-euro du comique,
exprimant la nostalgie du bon vieux temps des dévaluations compétitives de la
Lire. Mais il n'est pas pour autant ennemi des capitaux étrangers :
"Le M5S
va soulever une vague de légalité et de respect pour la loi qui fera du bien à
l'Italie. Tous les étrangers, les Français et les Allemands pourront investir
en se sentant finalement mieux protégés et garantis".
Message
bien reçu par l'ambassadeur des Etats-Unis à Rome, qui, s'adressant aux jeunes
du Lycée Visconti (à l'occasion de la journée pour l'orientation
professionnelle) a déclaré:
"Vous
les jeunes vous êtes l'avenir de l'Italie, un pays très important dans le
monde. Je sais qu'en ce moment il y a des problèmes et des défis, il y a des
problèmes avec la méritocratie. Mais vous pouvez prendre en main votre pays et
agir, comme le M5S, pour les réformes et le changement ".
La
haine du mouvement ouvrier de Grillo se concentre dans cette violente attaque
anti-syndicale : "je veux un État qui
ait des c… . Éliminons les syndicats qui sont des vieilles structures, comme
les partis" il n'a, par contre, pas un mot contre l'orientation opportuniste des
dirigeants.
L'Osservatore Romano peut donc affirmer sans
réserve la compassion du Vatican : "Si les dimensions du succès
que connaîtra le M5S sont encore inconnues, c'est un phénomène transversal que
l'on liquide encore trop souvent comme expression de l'anti-politique, du
populisme ou de la démagogie".
Autre
point commun avec la Ligue du Nord, Grillo professe la haine des immigrés :
il s'est prononcé contre la naturalisation des enfants issus de l'émigration et
nés sur le territoire italien et, dans un spectacle, il s'était laissé aller à
donner des conseils aux carabiniers pour le passage à tabac des immigrés qui "nous cassent les c…". Pour
que tout soit clair les non-Italiens ne peuvent pas adhérer au M5S.
Par
contre, la responsable du groupe M5S au Parlement ne risquera pas l'exclusion
pour avoir porté sur le fascisme le jugement suivant :
" avant
qu'il ne dégénère le fascisme avait une dimension nationale communautaire qui
puisait à pleines mains dans le socialisme, un haut sens de l'État et de la
protection de la famille".
Alors à
quoi sert Grillo? Il l'a fort bien résumé lui-même :"J'ai canalisé
toute la rage avec mon mouvement. Ils devraient tous nous remercier un par un,
si nous échouons l'Italie sera en proie à la violence dans les rues."
Voilà
le genre de pourriture qui se développe sur le terreau de la décomposition du
mouvement ouvrier. Voilà qui indique à nouveau l’urgence du combat pour la
construction du Parti ouvrier révolutionnaire.
La situation de
l’impérialisme français continue à se dégrader…
En
France, il y a à peine dix mois, les travailleurs ont donné tous les moyens au
PS, au PCF de constituer un gouvernement de leurs partis pour rompre le cours
des attaques ininterrompues contre eux. Mais précisément, la crise générale du
capitalisme qui frappe particulièrement le pays – puisque la France cumule à la
fois la baisse continue de ses parts du marché mondial, comme en témoigne
l’effondrement de l’industrie automobile, et l’affaissement de sa demande
intérieure, comme en témoigne l’effondrement du secteur de la construction – ne
laissait aucun troisième terme face à l’alternative brutale suivante. Ou
bien le surgissement du prolétariat imposait par son propre mouvement un
gouvernement des seuls PS et PCF dont les travailleurs auraient exigé
satisfaction des revendications, ce qui est impossible sans s’en prendre
radicalement au capital. Ou bien contre le vote de mai dernier, la constitution
d’un gouvernement d’alliance avec la bourgeoisie qui ne pouvait même pas se
contenter d’entériner les contre-réformes de la décennie Chirac-Sarkozy mais
était condamné à porter plus profondément le fer contre le prolétariat.
En
l’absence d’un tel mouvement, Hollande a constitué ce gouvernement d’alliance
avec la bourgeoisie, et ce d’ailleurs contre la volonté de ceux qui l’ont élu,
mais conformément à son programme, qui était tout entier – rappelons-le – axé
sur la « réduction des déficits », la « restauration de la
compétitivité », bref un programme 100% conforme aux exigences de la
bourgeoisie.
Depuis
sa constitution, le gouvernement n’a cessé de se conformer à ces exigences.
Pourtant, sur tous les plans, c’est la débandade. Le gouvernement vient
d’avouer que l’objectif des 3% de déficit budgétaire en 2013 ne serait pas
atteint. La production industrielle continue de baisser, le PIB lui-même a
chuté de 0,3% au troisième trimestre 2012. Le chômage bat tous les records. Les
profits du CAC 40 ont diminué de manière sensible en 2012 – ce qui n’empêche
pas l’augmentation des dividendes.
Sur le
plan de la place de l’impérialisme français, cela ne va pas mieux. Certes, avec
le soutien honteux des directions du PS et du PCF, comme celle des syndicats,
l’intervention militaire continue au Mali. Mais, avertit l’éditorial du Monde du 27 mars, toujours à
l’avant-garde de la réaction, les restrictions prévues au budget militaire font
que d’ici quelques années, la France n’aura plus les moyens d’une telle
intervention alors que sa place dans l’ordre impérialiste mondial tient tout
entière à son armée. Et puis voilà qu’en Centre Afrique, l’impérialisme
français voit voler en éclats l’accord qu’il avait fait adopter au forceps
entre Bozizé et les « rebelles » pour préserver ses positions ;
ces derniers ayant sans coup férir balayé le dictateur mis en place depuis 10
ans par la France pour préserver ses intérêts.
… Malgré l’engagement du
gouvernement français
dans une course éperdue aux contre-réformes anti-ouvrières
Ainsi
le gouvernement est aux abois. Pas par rapport à une offensive du prolétariat,
hélas. Mais par rapport à la pression redoublée de la bourgeoisie qui le somme
de cogner toujours plus vite et plus fort.
Et
c’est sous l’aiguillon de celle-ci qu’il accélère le rythme des contre-réformes
réactionnaires.
Feu
contre la Fonction Publique. Le dernier acte de Cahuzac a consisté à annoncer
après les 2 milliards de « surgel » de crédits au budget 2013, 6
milliards de coupes supplémentaires dans les ministères à inscrire au budget
2014. La MAP (« modernisation de l’action publique »), par sa
brutalité, va rapidement faire apparaître rétrospectivement la RGPP de
Sarkozy-Fillon comme une potion bien douce en comparaison. Entre parenthèses,
on comprend les regrets unanimes du départ de Cahuzac, digne représentant d’un
gouvernement tout entier au service du patronat : avec ce qu’il faut de
morgue et de suffisance, de cynisme aussi. Point besoin d’avoir l’absolue
assurance de sa possession d’un compte en Suisse. Ne suffit-il pas de dire que
ce triste sire avait monnayé son expérience au cabinet du ministre de la santé
Evin du gouvernement Jospin pour constituer un cabinet conseil auprès des
trusts pharmaceutiques pour leur apprendre à contourner les quelques
dispositions légales contrariant le libre négoce de médicaments dont la mise
sur le marché dépend des profits escomptés plus que des effets thérapeutiques
souhaitables, comme l’ont montré quelques scandales récents. Voilà l’homme
présenté comme un des plus brillants représentants de ce gouvernement !
Feu
contre la Fonction publique toujours, avec l’acte trois de la décentralisation.
Au moment où le gouvernement réduit drastiquement les dotations aux
collectivités locales, il transfère aux régions de nouvelles fonctions et non
des moindres : formation professionnelle, universités, etc.
Feu
contre l’Enseignement public : la loi Peillon est en cours d’adoption. La
loi Fioraso sur l’Enseignement supérieur et la recherche est à l’ordre du jour
de l’Assemblée dans moins de deux mois. Nous renvoyons le lecteur à l’article
enseignement, pour la première, au supplément CPS, pour la seconde, qui leur sont consacrés dans ce numéro.
S’agissant de la loi Peillon, les représentants de l’UMP à l’Assemblée disent
en substance : « Tout cela est
bel et bon mais reste virtuel si vous ne vous en prenez pas sérieusement au
statut des enseignants ». Et Peillon de répondre : « Un peu de patience ; on y vient
dans la concertation avec les dirigeants syndicaux qui d’ailleurs réclament
eux-mêmes que le statut soit modifié ».
Feu
contre les retraites. Au nom bien sûr de l’augmentation de l’« espérance
de vie », au moment où précisément celle-ci a cessé d’augmenter et a même
commencé à régresser sous l’effet e la crise et des attaques contre les acquis
sociaux ! La « commission d’experts » travaille sur la base de
la « feuille de route » du gouvernement, après que celle-ci a été
éclairée par le rapport du « Conseil d’Orientation des Retraites » :
augmentation des annuités nécessaires, augmentation des cotisations soustraites
au salaire, augmentation de l’âge légal, diminution des pensions versées. Voici
les termes de l’alternative. A moins que la contre-réforme n’opte pour un
cocktail de toutes ces mesures.
Feu
contre la Sécurité sociale, avec le projet de loi « dépendance » qui
sort de la Sécurité sociale les soins aux personnes âgées dépendantes pour
ouvrir un marché juteux aux assurances privées et autres fonds de pension
investissant dans les maisons de retraite.
Feu
contre le droit du travail, avec la transformation en projet de loi de l’accord
national cosigné par le MEDEF et la CFDT (voir plus bas).
Les députés PS au garde à
vous devant le gouvernement. Le rôle particulier du PCF et de Mélenchon
Les
travailleurs ont envoyé une majorité PS-PCF au Parlement (le PS disposant à lui
seul de la majorité). Mais on peut constater que non seulement les députés PS
n’ont pas une seule seconde remis en cause la politique anti-ouvrière du
gouvernement dont ils votent toutes les lois anti-ouvrières, mais même qu’ils
font assaut de propositions réactionnaires pour aller plus loin, plus vite dans
cette voie. Alors qu’en 2003, le congrès du PS en pleine mobilisation se
prononçait encore pour le retrait de la loi Chirac-Raffarin-Fillon instaurant
les quarante annuités dans la Fonction publique, les seuls députés PS qu’on ait
entendus récemment se sont exprimés, tel Le Guen et même Emmanuelli, figure de
la prétendue « aile gauche », pour aller plus vite dans la mise
en œuvre des 42 annuités et de l’âge légal à 62 ans.
Plus
généralement en matière de « réduction des déficits », les députés PS
font preuve d’une grande inventivité : Eckert, président de la commission
du budget, propose une nouvelle augmentation de la TVA, deux députés PS
proposent le plafonnement des allocations familiales à partir de 53000 euros de
revenus annuels, soit une famille dont les deux membres ont un salaire mensuel
d’à peine plus de 2200 euros par mois … pour aider à financer les 20 milliards
de cadeaux aux patrons du « pacte compétitivité ». Quant à la loi
flexibilité, on apprend que tous les députés PS vont la voter comme un seul
homme y compris les députés de la prétendue « gauche » du PS… les
mêmes qui ont été « saluer », bien sûr, les manifestants du 5 mars
qui, eux, croyaient sans doute défiler contre !
Quant
aux députés PCF, ils jouent sans doute leur propre partition. Mais en toute
circonstance, ils prennent garde à ce que cette partition ne nuise pas à la
bonne tenue du concert. Ainsi, Chassaigne et Buffet annoncent leur intention de
ne pas voter contre la loi Peillon. Et plus récemment, n’a-t-on pas assisté à
une admirable coalition avec le soutien bruyant du PCF derrière la proposition
de loi de l’UMP au Sénat visant à priver des allocations familiales les
familles pour lesquelles intervient l’aide sociale à l’enfance !
Mais,
dira-t-on, Mélenchon, dont il faut préciser que le Parti (le Parti de Gauche)
n’a plus de député, ne fait-il pas entendre une autre voix, critiquant
sévèrement le gouvernement ? Soit, mais sur quelle orientation ?
L’épisode récent au congrès du Parti de Gauche est éclairant. Le rapporteur
critique les « salopards » de
l’UE qui ont adopté le récent plan
pour Chypre. Soit. Parmi les « salopards »
en question, Moscovici ministre de l’économie du gouvernement. Le PS
s’indigne. Mélenchon précise : « Moscovici
ne pense pas français, mais finance internationale ». Ainsi, ce n’est
pas parce que les plans de l’UE, du FMI, de la BCE écrasent les travailleurs, à
commencer en l’occurrence les travailleurs cypriotes, que Mélenchon proteste.
Pas du tout ! C’est drapé dans la bannière tricolore, au nom de la France
(c'est-à-dire de la bourgeoisie française effectivement bien malmenée dans l’UE
par l’impérialisme allemand), bref dressé contre l’Europe sous domination
allemande (il n’ose pas dire sous la domination « des boches ») que Mélenchon proteste. C’est sur le
terrain du chauvinisme le plus écœurant qu’il condamne Moscovici. D’ailleurs
Mélenchon précise : « Je ne
suis pas pour que la France quitte la zone euro ». Alors on peut dire
que si la politique du gouvernement dont Moscovici est le ministre est
réactionnaire, la « critique » de Mélenchon l’est plus encore si cela
est possible.
La politique du gouvernement
Hollande-Ayrault-Duflot-Pinel ouvre la voie à la mobilisation réactionnaire de
la bourgeoise et de la petite‑bourgeoisie aux élections partielles et
dans la rue sous la houlette de l’Église
On voit
en tout cas les effets de la politique des uns et des autres dans le résultat
des élections partielles de l’Oise. La candidate du PS perd presque deux voix
sur trois par rapport aux résultats d’il y a à peine dix mois, passant de plus
de 15000 voix à moins de 6000. Il n’y a aucun bénéfice tangible pour le
candidat de Front de Gauche qui ne fait guère plus de 2% des inscrits. Notons
d’ailleurs que la direction nationale du PS a appelé toute honte bue à voter
pour l’UMP au second tour (la candidate locale s’y refusant). Le désaveu de la
politique du gouvernement parmi les travailleurs est d’autant plus manifeste
que l’UMP est victorieuse dans des conditions de crise interne aiguë, à nouveau
exacerbée par la mise en examen de Sarkozy.
Mais
au-delà de cette victoire électorale, avec un score au demeurant médiocre du
candidat UMP, le fait notable est le score en large augmentation de la
candidate du Front National qui voit son nombre de votants augmenter de 2000
voix par rapport à il y a 10 mois. La prise en charge totale par le
gouvernement des mesures anti-ouvrières, l’augmentation du chômage, de la
misère, de la précarité qui résulte de cette politique dans le cadre de la
crise aggravée du capitalisme conduit, sur le plan électoral, en même temps
qu’à l’abstention de l’électorat ouvrier, à la mobilisation significative sur
le vote Front National, non seulement de la petite-bourgeoisie devenant enragée
mais aussi du sous-prolétariat, voire des couches les plus arriérées du
prolétariat. Telle est le résultat et la responsabilité du PS, du PCF et des
dirigeants syndicaux qui soutiennent le gouvernement.
Le
succès de la nouvelle manifestation contre le « mariage pour tous »
découle des mêmes processus politiques. Il faut noter que c’est la hiérarchie
catholique qui de manière à peine camouflée est à l’initiative de cette
manifestation, dans laquelle évidemment s’engouffrent toute la réaction et la
direction de l’UMP.
A quelles conditions
politiques peut-on imposer à la majorité PS-PCF de l’Assemblée
de rompre son soutien au gouvernement ?
Que
faut-il conclure de tout cela ? Que tout compte fait l’élection en juin
dernier d’une majorité PS-PCF n’avait au bout du compte aucune
importance ? Certes pas. Mais aucune naïveté n’est permise. Les députés
PS-PCF ne modifieront pas leur position, ils ne se dresseront pas contre le
gouvernement Hollande-Ayrault-Duflot-Pinel de leur propre initiative, sur la
base des courtoises délégations qu’ont organisées auprès d’eux ici ou là les
responsables CGT, FO ou FSU. Ils ne le feront que contraints par le mouvement
des masses convergeant vers l’Assemblée nationale leur imposant dans un
puissant affrontement de classes de cesser de voter les lois réactionnaires, de
déposer le gouvernement d’alliance avec la bourgeoisie, et (étape possible mais
non certaine) de constituer un gouvernement des seuls PS et PCF responsable
devant eux. Mais c’est précisément cet affrontement que les dirigeants CGT, FO,
FSU font tout - chacun dans leur domaine de responsabilité - pour éviter.
Transcription dans la loi de
l’accord MEDEF-CFDT de flexibilité :
un simulacre de front uni CGT-FO pour un simulacre de revendication
Cette
volonté d’éviter l’affrontement s’est particulièrement illustrée sur la question
de la loi flexibilité qui va être incessamment à l’ordre du jour de l’Assemblée
nationale. Dans le dernier numéro de CPS,
en date du 15 janvier, nous écrivions alors que le résultat de la concertation
MEDEF–directions syndicales n’était pas encore connue : « Rien ne dit pourtant que la CGT et FO
pourront aller jusqu’à la signature. (…) Mais tant que rien n’est formellement
annoncé des intentions des dirigeants, il faut combattre contre la signature
des deux centrales. Au-delà de ce combat, si comme Hollande en a annoncé
l’intention, le gouvernement prétend légiférer, il faudra imposer aux
directions syndicales qu’elles engagent le combat effectif contre toute
législation remettant en cause le droit du travail, en particulier au moment du
passage de la loi à l’Assemblée nationale. »
Certes,
et comme nous le laissions prévoir, CGT et FO n’ont pu aller jusqu’à la
signature. Mais ont-ils engagé le « combat
effectif » ? C’est ce qu’ils voudraient nous faire croire ;
et avec eux non seulement le Front de Gauche mais toutes les forces dites
d’extrême gauche. Parmi ceux-ci, et non parmi les moins enthousiastes, le POI
(Parti Ouvrier Indépendant) et son journal Informations
Ouvrières qui transcrit un communiqué de son bureau national en date du 23
février qui déclare : « L’appel
lancé par les confédérations CGT et CGT–Force Ouvrière à la journée de
mobilisation du 5 mars contre la loi flexibilité que le gouvernement prétend
imposer en application de l’accord patronat–CFDT, accord honteux qui prétend
disloquer l’unité du Code du travail et enchaîner les organisations syndicales
à son démantèlement, constitue un encouragement pour tous les travailleurs. Cet
appel lancé par les deux confédérations à se dresser contre sa transposition en
loi se heurte frontalement (ndlr : rien que ça !) au compromis historique que le président de
la république tente d’imposer aux organisations. »
Essayons
de saisir la réalité sans fard par-delà les roulements de tambour du POI. « Encouragement pour tous les
travailleurs » ? Mais pourquoi alors les travailleurs si
vigoureusement « encouragés »
ont-ils si médiocrement répondu à l’appel des dirigeants CGT et FO qui ont
eux-mêmes annoncé en tout et pour tout 200 000 manifestants dans toute la
France, témoignant du fait que, pour l’essentiel, « la base » ne
s’était pas déplacée ?
La
raison en est simple : ils ont instinctivement compris qu’à l’inverse des
phrases ronflantes du POI, il ne s’agissait en rien de « heurter frontalement » le gouvernement. Et en
particulier, un mot d’ordre a été soigneusement banni des cortèges : celui
de retrait du projet de loi. Quelques jours avant le 3, FO annonce un premier
« succès » : certaines dispositions de la loi auraient été
« retoquées » par le Conseil d’État. Dirigeants CGT et FO sont
aimablement auditionnés à l’Assemblée nationale. On y apprend qu’ils ont
beaucoup expliqué aux députés (de tout bord, précise t-on à FO) les
« aspects nocifs » de l’accord. La direction de la CGT précise par le
biais d’Agnès Le Bot, secrétaire nationale : « Notre priorité est de neutraliser les aspects régressifs de
l’accord et d’obtenir une loi qui sécurise vraiment les salariés. ».
Comme quoi il doit bien y avoir des aspects progressifs – au moins
« non-régressifs ». Et c’est ainsi que le ministre Sapin a pu se
répandre pendant de longues semaines – sans risque de démenti – sur le fait que
CGT et FO n’étaient pas autant opposés que cela à l’accord, qu’ils seraient les
premiers à mettre en œuvre les dispositions de la loi, une fois celle-ci
adoptée.
Depuis
s’est tenu le congrès de la CGT où la direction a refusé même que soit mise aux
voix le mot d’ordre de retrait du projet de loi et où a été adopté un
« appel aux salariés » qui écarte ce mot d’ordre. Une journée
d’action est appelée le 9 avril. La seule différence avec la 5 mars est que
cette fois ci, il n’y aura pas même d’appel commun des directions syndicales,
CGT, FO et SUD appelant séparément. On ne saurait plus scientifiquement
organiser la bousille de toute possibilité de combat contre le projet de loi.
L’appareil Force Ouvrière
monte en première ligne
Le
rejet officiel par le congrès CGT du mot d’ordre de « retrait du projet de
loi » permet au dernier communiqué FO de parler lui de
« retrait ». « Comme annoncé, nous continuons notre pression militante auprès des députés
et sénateurs contre la transposition de l’ANI en projet de loi, dont nous
demandons le retrait.
En effet, sur les
éléments clés liés à la flexibilité, nous ne pouvons en aucun cas être d’accord
avec des dispositifs remettant en cause les droits des salariés.
Concomitamment, de manière pragmatique, nous intervenons également sur chacun
des articles du projet de loi. » C’est un leurre
grossier. FO demande le retrait et « concomitamment
intervient sur chacun des articles ». Autrement dit, une chose et son
contraire.
Mais il
y a mieux. Un des dispositifs essentiels du projet de loi consiste dans la
possibilité d’accords compétitivité-emploi qui, dérogeant aux conventions
collectives et suspendant y compris les accords d’entreprise antérieurs,
permettent au patron de diminuer les salaires, d’augmenter le temps de travail,
de supprimer même des postes de travail au nom de la « pérennité » de
l’entreprise. Or au moment même où FO appelait à la journée d’action du 5 mars,
FO Renault signait un super accord compétitivité-emploi : « Outre la suppression nette de 7.500 postes, l'accord prévoit une
augmentation de 6,5% du temps de travail, une refonte des comptes épargne-temps
et un gel des salaires en 2013 » (TF1 News). Le gouvernement par la bouche
de Montebourg avait très explicitement enjoint les directions syndicales de
signer : FO s’est exécuté.
Renault n’est pas un cas isolé. A PSA, FO a
signé aussi l’accord entérinant les 11000 suppressions de poste. Sur un autre
plan, la signature de l’accord sur les retraites complémentaires du privé
(AGIRC, ARRCO) constitue un point d’appui de première importance pour le MEDEF
et le gouvernement. Il entérine officiellement la désindexation des retraites
complémentaires sur les prix à raison de 1% de baisse du pouvoir d’achat des
retraites par an. Notons que la signature a été acquise à l’unanimité du bureau
confédéral, ce qui signifie avec le vote favorable du membre du POI. Voilà qui
met à leur juste place les déclarations ronflantes des dirigeants de cette
organisation sur l’« indépendance
syndicale », la lutte contre « les
politiques d’austérité », etc. Le gouvernement pour sa part n’a guère
caché que cette signature constituait un précédent et la voie à suivre pour la
concertation à venir sur la contre-réforme à venir du régime général et des
pensions de la Fonction publique.
Les récentes prises de position de l’appareil
FO le manifestent : plus la crise s’approfondit, plus elle exige de
l’appareil dirigeant des syndicats une prise en charge complète de l’offensive
de la bourgeoisie contre les masses. Plus elle met à nu la mystification
complète que constitue la pseudo « indépendance
réciproque des syndicats et des partis » dont se targue la direction
de FO, montrant que son contenu réel est la complète subordination à la bourgeoisie
et à son gouvernement. Plus elle montre à l’inverse, et conformément à ce
qu’indiquait Trotsky, que la véritable indépendance syndicale suppose une
direction révolutionnaire du syndicat, où la défense des acquis s’inscrit dans
le combat pour le renversement du capitalisme, pour l’appropriation collective
des moyens de production. Les récents congrès de la CGT et de la FSU en
fournissent encore une illustration.
Congrès CGT et FSU :
l’appareil dirigeant obtient un blanc seing pour approfondir
l’orientation de soumission au gouvernement et au patronat
L’enjeu
pratique du congrès était simple. Le projet de loi flexibilité n’étant pas
encore adopté mais passant à l’Assemblée nationale début avril, la question
était de savoir si la CGT allait mettre toutes ses forces pour combattre pour
imposer à la majorité PS-PCF de rejeter le projet de loi. L’interview de Lepaon
à l’Humanité donne la réponse, claire
et nette : en aucun cas !
« Question : La
CGT demande-t-elle son retrait ou cherche-t-elle à en rediscuter les contenus ?
Thierry Lepaon. La stratégie c’est d’avancer. D’abord, nous voulons empêcher la
transposition de l’accord dans la loi. Mais nous ne pouvons pas nous en
contenter, car cela ne résoudra pas le problème des salariés confrontés aux
stratégies financières des entreprises. Nous voulons changer de cap et nous
sommes en capacité d’influencer le vote des députés pour que ce texte, rédigé
par le Medef et ratifié par d’autres syndicats, ne soit pas transcrit en
l’état. Notre démarche doit viser à changer le travail par une loi favorable
aux salariés et qui leur permette, à travers les organisations syndicales,
d’influer sur les choix stratégiques des entreprises. La CGT n’entrera pas en
guerre contre le gouvernement en le qualifiant de libéral. »
Donc :
pas de demande de retrait, pas de guerre contre le gouvernement. Tout est dit.
Alors, certes, dans le congrès, du sein même de l’appareil (la sélection des
délégués faisait que ne pouvaient l’être que des membres de l’appareil) s’est
exprimée une opposition à l’orientation du « syndicalisme
rassemblé » avec la CFDT, et même l’exigence que le congrès se
prononce pour le retrait du projet de loi. Certes il a fallu à la direction
utiliser les procédés d’étouffement bureaucratique classiques pour interdire
que le congrès se prononce. Ces manifestations d’opposition marquent le fait
que malgré la direction, la CGT reste un syndicat ouvrier. Mais au bout du
compte, tant sur le rapport d’activité que sur le rapport d’orientation, la
direction Thibault Lepaon a été confortée avec plus de 85% des votes
favorables. C’est largement suffisant pour donner les coudées franches à la
direction.
Le
congrès de la FSU qui avait eu lieu un peu avant s’est conclu politiquement de
la même manière. D’emblée, toute prise de position du congrès pour l’abrogation
du décret « rythmes scolaires » (pièce décisive de la loi Peillon),
proposée par les représentants du courant Front Unique, a été rejetée. Les
votes du congrès permettent à la direction de s’associer de la manière la plus
étroite à la mise en œuvre de celle-ci avec le soutien ouvert ou honteux des
forces politiques dites d’extrême gauche (Ecole Emancipée, NPA, POI). L’issue
du congrès constitue un véritable nœud coulant autour du cou des professeurs
d’école qui avaient tenté d’engager le combat contre le gouvernement (voir
article enseignement).
Le prolétariat impuissanté
Il faut
le dire : dans la CGT, dans FO, dans la FSU, les succès de l’appareil
dirigeant sont rendus plus aisés par le fait que ni dans le prolétariat ni dans
la jeunesse ne surgissent des mouvements vigoureux qui menaceraient réellement
la domination des appareils. Ainsi, les ouvriers de PSA ont été conduits à une
effroyable impasse, entre la signature de FO – pour ne rien dire du syndicat
pro-patronal SIA - et les actions minoritaires de bousille initiées par la
direction Lutte Ouvrière de la CGT qui avait préalablement pris soin
d’interdire que ne s’exprime l’exigence de retrait du plan de licenciements.
La
seule exception notoire dans la période récente est venue des professeurs
d’école, en particulier à Paris. Par la grève massive, par l’appel aux
directions nationales des syndicats de reprendre le mot d’ordre d’abrogation du
décret rythmes scolaires, ils ont un moment mis en péril une pièce essentielle du
dispositif gouvernemental, à savoir la loi Peillon. Leur combat aurait pu avoir
de puissantes répercussions dans la jeunesse confrontée à la loi Fioraso. On ne
peut faire aucun pronostic sur le fait que la jeunesse sera en état ou non de
se dresser contre ladite loi (voir supplément CPS dans ce numéro). Mais il
est clair que si elle le fait, elle ne pourra plus désormais prendre appui sur
la mobilisation des professeurs d’école. Car le congrès de la FSU, et de
manière annexe la politique des dirigeants CGT, FO, SUD de l’enseignement,
déviant le combat pour l’abrogation sur le terrain du combat municipalité par
municipalité pour le report de la mise en œuvre du décret, ont fini par avoir
raison des enseignants du primaire.
En France, comme ailleurs,
de puissants mouvements de classe sont inéluctables.
Sur quelle perspective politique se préparer à y intervenir ?
Il faut
pourtant le réaffirmer. La stabilité de la situation est purement apparente. A
ceux qui pensent que les capacités du prolétariat sont épuisées, que la
domination des appareils dirigeants traîtres est éternelle, les ouvriers de
Bochum Opel, en Allemagne, viennent d’envoyer un puissant démenti en même temps
qu’un avertissement pour l’avenir. Ils ont rejeté à plus de 75% un accord
pourtant dûment signé par la direction de General Motors Opel et les dirigeants
syndicaux de l’IG Metall : cet accord prévoyait moyennant contreparties
(on sait ce que cela veut dire !) la fermeture de l’usine en 2016. Ce
refus massif pose la question du combat effectif pour le retrait du plan
patronal de fermeture et de licenciement massif. Nul doute qu’un tel combat
aurait des répercussions bien au-delà des frontières de l’Allemagne.
Il est
inévitable qu’en France même, des événements de même ampleur que ceux qui viennent
de se produire au Portugal finissent par se produire. Ils y poseront les mêmes
questions politiques : celle de la rupture des directions du mouvement
ouvrier avec la bourgeoisie, son gouvernement, ses plans, celle d’ouvrir une
perspective politique, donc une perspective gouvernementale pour la classe
ouvrière.
Intervenir
aujourd’hui en saisissant toutes les opportunités pour imposer la rupture du
« dialogue social » des directions syndicales avec le gouvernement
est une tâche centrale.
Mener
ce combat, c’est préparer la mobilisation centrale contre le gouvernement qui,
prenant appui sur l’existence d’une majorité PS-PCF à l’Assemblée nationale,
lui imposera par les méthodes de la lutte des classes de cesser de soutenir la
violente politique anti-ouvrière du gouvernement Hollande-Ayrault-Duflot-Pinel,
mettant à l’ordre du jour la constitution d’un gouvernement des seuls PS et PCF
dont les travailleurs exigeront la satisfaction de leurs revendications.
Il faut
rappeler ce que disait Trotsky dans le Programme
de Transition à propos d’un tel gouvernement :
« La tâche centrale de la IVe
Internationale consiste à affranchir le prolétariat de la vieille direction,
dont le conservatisme est en contradiction avec la situation catastrophique du
capitalisme à son déclin et constitue le principal obstacle au progrès
historique. (…) »
Quoi de
plus actuel ? Trotsky continue :
« Dans ces conditions, la revendication
adressée systématiquement à la vieille direction : « Rompez avec la
bourgeoisie, prenez le pouvoir » est un instrument extrêmement important
pour dévoiler le caractère traître des partis et organisations de la IIe
et de la IIIe Internationale. » Aujourd’hui, la IIIe
Internationale n’existe plus, mais le PS et le PCF, à un degré de putréfaction
infiniment plus avancée qu’en 1938, existent encore. Et il ajoutait :
« La création d’un tel gouvernement par
les organisations ouvrières traditionnelles est-elle possible ?
L’expérience antérieure nous montre, comme nous l’avons déjà dit, que c’est
pour le moins peu vraisemblable (…) si même cette variante historique, peu
vraisemblable se réalisait un jour quelque part, et qu’un gouvernement ouvrier
et paysan, dans le sens indiqué plus haut, s’établissait en fait, il ne
représenterait qu’un court épisode dans la voie de la dictature du
prolétariat. »
Certes
depuis 1938, des changements d’une portée historique fondamentale se sont
produits. L’URSS a été détruite, le rapport des masses aux vieilles directions
s’est modifié. Mais la tactique de Trotsky reste la nôtre. Car face à
l’approfondissement de la crise du capitalisme, l’urgence est la même qu’en
1938, à la veille de la catastrophe historique qui a suivi : la seule
issue à la crise de la civilisation tient dans la prise du pouvoir par le
prolétariat.
Le 28 mars 2013
[ http://socialisme.free.fr
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