Article paru dans
le bulletin « Combattre pour le socialisme » n°49 (n°131 ancienne
série) - 15 janvier 2013 :
La situation politique en Algérie
et la politique du « PT » algérien
Une situation économique
lourde de menaces
Le FMI
le dit, « l’Algérie est le deuxième plus gros détenteur de réserves
officielles de change après l’Arabie Saoudite, avec des prévisions de clôture
de l’année 2012 de 205,2 milliards de dollars, et elle est devenue le troisième
fournisseur de gaz en direction de l’Europe ». Tout va très
bien ? Certains voient dans cette cagnotte la solution miracle qui
permettrait au pouvoir algérien de régler les problèmes sociaux, la vie chère,
le chômage, la misère, le problème du logement… à coup de dinars. Mais les
choses ne sont pas si simples ; et cette « force » est révélatrice
en réalité d’une grande faiblesse.
Car la
chute des prix du pétrole et la crise du système capitaliste à l’échelle
internationale alarment les plus optimistes. En 2003, le baril de pétrole
valait 33 dollars, en juin 2008, près de 143 dollars ; mais en mars 2012,
il était redescendu à 83 dollars. Le pouvoir algérien doit donc lui aussi
mettre en place une « politique d’austérité », avec, à la clé,
réduction des dépenses publiques, annulation de grands projets
d’infrastructures et fin des dépenses pour tenter d’acheter la « paix
sociale ».
« La
tendance baissière du prix du pétrole nous impose d’être prudents (…) », déclare
le ministre des Finances, Karim Djoudi. C’est en
effet la tonalité qui domine lors de l’élaboration du budget 2013 (voir plus
loin). Le ministre des Finances, le gouverneur de la Banque d’Algérie, Mohammed
Laksaci, le ministre de l’Energie et des Mines, Youcef Yousfi, et le président-directeur général de la Sonatrach (le trust algérien le plus important), Abdelhamid
Zerguine, sont tous montés au créneau pour expliquer
que la situation en Algérie n’est pas indépendante de la réalité
internationale, et qu’il va falloir se serrer la ceinture.
Déjà, à
l’occasion de la présentation du rapport de conjoncture annuel de la Banque
d’Algérie fin 2011, le gouverneur de cette institution allait plus loin en
indiquant que les finances publiques « ne peuvent plus fonctionner avec
un baril à moins de 100 dollars » (il est actuellement autour de 80
dollars). Dans ces conditions, les réserves risquent de fondre comme neige au
soleil. Une grande inquiétude se fait jour, d’autant que la récession au sein
de l’UE et le ralentissement de la croissance mondiale ne peuvent que pousser à
la baisse la demande de pétrole et par conséquent renforcer la tendance à la
baisse des cours.
Quant
au gaz naturel, dont l’Algérie est parmi les premiers pays exportateurs, il
n’en va guère mieux. La 16e Conférence internationale sur le gaz naturel (GNL
16) se tenait à Oran, en même temps que la 10e session du Forum des pays exportateurs
de pétrole (FPEG), dans un contexte marqué par une forte chute des prix du gaz
naturel, de 12 dollars à 4 dollars le MBTU (million british thermic unit). Mais la raison la plus sérieuse qui a
affecté le marché du GNL est l’avancée technologique (gaz de schiste) qui
permet à certains pays, notamment les
Etats-Unis (et ils ont fait depuis plusieurs émules), de ne plus importer de
gaz grâce à leur production locale.
De
plus, selon une étude commandée par le
ministère algérien de l’Energie et des mines, la mauvaise passe que traverse le
marché mondial du gaz naturel devrait perdurer encore 4 à 5 années avant que la
demande ne retrouve son niveau de 2007… Mais tout comme pour le pétrole, la
reprise de la demande mondiale en gaz naturel dépend en grande partie de la
reprise économique mondiale ; et là c’est le brouillard.
En
fait, on ne peut mesurer l’immense inquiétude du gouvernement algérien devant
cette situation que si l’on prend conscience du fait que l’Algérie dépend à 98%
de ses exportations d’hydrocarbures, son économie étant exclusivement rentière.
Or, avec la crise mondiale, la demande d’hydrocarbures ralentit. Double peine
donc : l’Algérie, qui importe 75% de ses besoins (ceux des ménages et ceux
des entreprises publiques et privées) grâce à ses recettes pétrolières, peut
subir immédiatement cette crise. Enfin, si la chute des prix du pétrole et du
gaz entraîne une baisse des recettes, elle a aussi pour résultat une baisse des
revenus tirés des réserves de change placées à l’étranger. Tout va très bien,
Madame la Marquise…
Il est
clair que la crise du système capitaliste n’épargne pas et n’épargnera pas
l’Algérie. Et le gouvernement dirigé par Bouteflika - l’homme étant l’un des
principaux acteurs, rappelons-le, du régime (militaire) algérien - fait et fera
supporter aux masses ses conséquences. Cela doit être dit d’emblée, alors que
nombre d’illusions sont ici et là entretenues, autant par les gouvernements
bourgeois comme celui de Hollande (en visite à Alger les 19 et 20 décembre
dernier), que par les intellectuels dits de « gauche » sur la
prétendue autonomie de Bouteflika vis-à-vis des généraux, voire le conflit qui
les opposerait. Entre le « peuple » et le régime, Bouteflika -
président d’honneur du FLN, inscrit en tant que tel dans les statuts mêmes de
ce parti - a choisi. Et pour cela, le premier point d’un programme
révolutionnaire en Algérie doit être : à bas Bouteflika, à bas les
généraux, à bas la dictature !
La Tripartite de septembre
2011 : la collaboration des classes institutionnalisée
Dans ce
contexte économique, la réunion tripartite, convoquée en septembre 2011
regroupait le chef du gouvernement, accompagné de cinq ministres, sept
organisations patronales et l’UGTA (Union générale des travailleurs algériens).
Elle adoptait près de deux cents mesures. Parmi elles, une augmentation de 20%
du salaire national minimum garanti (SNMG), faisant passer ce dernier de 15000
à 18000 dinars (150 à 180 €) à partir de janvier 2012. Pourtant, ne nous y
trompons pas : même certains « syndicalistes » et observateurs
« impartiaux » préconisaient un salaire minimum de 30 000
dinars…
Mais
aux dires des avis « économiques » les plus autorisés, « le
patronat a estimé que cela sonnerait le glas de la plupart des PME qui se
trouvent dans une situation financière difficile ». Ces mêmes avis
considèrent néanmoins que « la faible augmentation du SNMG ne permettra
pas aux petits salariés de faire face à l’inflation », et que « les
principales revendications sociales comme la revalorisation des retraites ou la
baisse de l’impôt sur le revenu global (IRG) ont été reportées aux calendes
grecques. » (Econostrum Info).
Le
secrétaire général de l’UGTA, Abdelmadjid Sidi-Said,
a estimé pourtant que «la victoire de cette tripartite, c’est la victoire
des salariés et des gestionnaires». Gagnant-gagnant comme on le dit dans
certains milieux.
La
réalité, c’est que la presse autorisée va jusqu’à parler « d’euphorie chez
le patronat », les sept organisations patronales se disant satisfaites de
cette rencontre. Et pour cause : le patronat a obtenu, lui, des
incitations à l’exportation hors hydrocarbures, des allègements et
simplifications fiscales, un rééchelonnement des dettes fiscales (près de 2
milliards d’euros), un délai de rapatriement des recettes des exportations hors
hydrocarbures qui passe de 120 à 180 jours, des facilités de douanes,
l’allégement des procédures de remboursement de la TVA à l’exportation, etc. A
tel point que le président de la Confédération générale des opérateurs
économiques algériens (CGOEA) déclare : « le patronat a obtenu ce
qu’il attendait depuis dix ans ».
Il faut
dénoncer ces « Tripartites », véritables institutions mises en place
dès novembre 1991 pour faire barrage au mouvement des masses. Comme le dit
Sidi-Said, dirigeant de l’UGTA et membre actif de ces
instances, la Tripartite est, dès le début, un « réel espace de
démocratie ou s’expriment des divergences qui finissent par un consensus dans
l’intérêt général du pays » (Algérie
Presse service, 30 septembre
2011 ; inutile d’en faire un commentaire). Déjà en 2006, lors de la
signature du Pacte national économique et social, cadre de « dialogue et
de concertation », le dirigeant de l’UGTA déclarait : « Si
toutes les franges de la société, y compris et surtout les organisations
patronales et syndicales, arrivent à asseoir, dans la sérénité et la
concertation, des ponts de solidarité en faveur de l’entreprise et du
travailleur, je crois qu’il sera possible, et c’est le moment, de sortir de ce
cauchemar qui s’appelle la misère ».
Évidemment,
c’est le contraire : la misère s’accroît pour les masses dont les intérêts
sont sacrifiés au profit des « entreprises », c’est-à-dire des
capitalistes et de leurs agents. Ces Tripartites sont des instances permanentes
de collaboration des classes, où l’UGTA remplit le rôle que le pouvoir algérien
attend d’elle : le servir, lui et la classe capitaliste qu’il défend.
Là est
la raison principale de sa participation à ces réunions, et non une quelconque
« représentativité ». Il faut préciser ce dernier point car les syndicats
autonomes, majoritaires dans la fonction publique et qui n’avaient pas été
conviés à cette réunion tripartite de septembre 2011, contestent la
représentativité de l’UGTA… pour y participer aussi.
Un exemple significatif de
la mobilisation des masses
Un
événement politiquement significatif est intervenu en octobre 2011, peu après
la réunion tripartite dont il vient d’être question.
Le Quotidien d’Algérie du 26 octobre 2011
notamment rapporte que plusieurs centaines de retraités, d’Alger et d’autres
wilayas, se sont rassemblés devant le siège de l’UGTA pour protester contre
l’absence de réponse à leur revendication d’augmentation des retraites et pour
demander des comptes au responsable de la Fédération des retraités, et cela
malgré un important dispositif policier. En définitive, c’est le secrétaire
général de l’UGTA en personne, Sidi-Saïd, qui se présente, tentant d’user de
son autorité. Mais il est immédiatement pris à partie, les manifestants
l’accusant « de trahison et de mensonge ». « Menteur ! »,
« Nous n’avons pas besoin de toi », « Dégage ! »,
voilà ce que le dirigeant de l’UGTA, organisation totalement inféodée au
régime, a dû entendre, alors que la foule l’empêchait d’accéder au siège de
l’organisation syndicale.
Le
quotidien précise : « il (Sidi-Saïd) échappe de justesse à
un lynchage. Cerné de partout, Abdelmadjid Sidi Saïd n’a même pas le temps de
placer un mot. Ses collaborateurs éprouvent d’énormes difficultés pour lui
frayer un chemin. Cela dure plus d’une vingtaine de minutes. Même en réussissant
à entrer à l’intérieur du siège, le SG de l’UGTA peine encore à arriver à la
salle de réunion, située au dernier étage de la bâtisse. Il est interpellé de
partout. »
Une
fois en sécurité et après avoir repris son souffle, le dirigeant s’adresse à la
foule qui continue de le huer : « Criez ! Criez ! Vous
croyez que ça va changer quelque chose ? Je ne travaille pas chez vous. Je
suis juste venu pour vous aider. Alors ne m’énervez pas ! ». Il
ajoute, tout en brandissant un papier : « C’est votre droit de
dénoncer les promesses. Mais votre revendication sera traitée (…) Voilà !
Je viens de demander une augmentation de 40% que vous toucherez en novembre.
C’est un engagement de l’UGTA », assure-t-il. L’annonce n’apaise pas
la colère des retraités, qui l’interrogent également sur le reste des
revendications et qui exigent une augmentation de 80 % de leur pension de
misère.
Le
journal précise encore que, comme à l’aller, Sidi-Saïd est confronté à
d’énormes difficultés pour descendre et rejoindre son bureau.
Cet
événement survient une dizaine de jours après la réunion (les 5 et 6 octobre
2011) de la coordination de l’Entente internationale des travailleurs et des
peuples réunie à Alger et à laquelle participaient Daniel Gluckstein, le
« deuxième coordinateur », et Patrick Hébert, tous deux dirigeants du
POI. Évidemment, la réunion de la Coordination de l’Entente internationale ne
pouvait pas prendre position sur ces évènements qui se sont déroulés
ultérieurement à sa tenue. Mais voilà qui va donner à réfléchir à ses
animateurs qui, tel Patrick Hébert, déclarait peu de jours auparavant : « Si
l’on compare ce qu’ont obtenu les travailleurs algériens par rapport aux
ouvriers européens, on ne peut qu’être admiratifs. »
Quant à
elle, Louisa Hanoune, livrait ses conclusions à la presse :
« Une
dynamique sociale exceptionnelle existe en Algérie où la situation est d’une
certaine manière différente de ce qui se passe dans le monde, puisqu’il n’y a
pas de plan d’ajustement structurel ni de politique d’austérité ou même
d’offensive brutale contre les droits et acquis des travailleurs et du peuple
en général ».
Selon El
Moujahid du 8 octobre, repris par le site de l’Entente internationale des
travailleurs et des peuples, « la secrétaire générale du PT a souligné
que la coordination, qui regroupe des organisations du mouvement ouvrier
mondial, a pris connaissance des luttes des travailleurs algériens et des
résultats de la dernière tripartite, notamment l’augmentation du SNMG de 20 %.
« A
ce propos, les membres de cette même coordination considèrent, selon Mme
Hanoune, que ces acquis “ sont à contre-courant de ce qui se passe en Europe et
aux Etats-Unis où une offensive cible les salaires, les retraites et les
travailleurs “. Ils considèrent, également, que la réaction des travailleurs et
des retraités algériens qui ne sont pas satisfaits et réclament plus est
“l’expression de leur combativité“ qui est “partie intégrante de la combativité
des travailleurs dans le monde“. » On ne contredira pas ce dernier point.
Des « réformes »
politiques… pour le moins « contradictoires »
Au
moment où se clôturait la Tripartite de septembre 2011, Louisa Hanoune,
dirigeante du PT (Parti des travailleurs : organisation sœur du POI –
Parti ouvrier indépendant - en France, rappelons-le), reconnaissait pourtant
que l’augmentation du SNMG « n’était pas suffisante » et
appelait à la mise en place d’une « politique économique viable à même
d’assurer la prospérité sociale et l’autosuffisance sans recourir à
l’importation ». Elle soulignait aussi, à cette occasion, que le
processus des réformes politiques était « incomplet » et « contradictoire »,
et que les « véritables réformes pour écarter toute ingérence
étrangère » passent « avant tout par la révision de la
Constitution à travers une Assemblée constituante puis l’adoption de la
constitution et enfin la définition du régime politique avec la tenue
d’élections législatives anticipées » (Algérie 1, le 30 septembre 2011). Elle appelait en conséquence le
président de la République à « convoquer une assemblée constituante ou
tout au moins à organiser des élections anticipées ».
Arrêtons-nous
sur ces « réformes politiques ». Dans son discours du 14 avril 2011,
Bouteflika annonçait des « réformes politiques afin d’approfondir le
processus démocratique ». Ces mesures étaient censées prolonger la
« levée de l’état d’urgence » intervenues en février 2011 (en vigueur
depuis 1992, où il fut décrété par Chadli, voir plus loin). On a vu tout de
suite ce qu’il en était : des dizaines de policiers étaient déployés à Alger,
des centaines de manifestants arrêtés pour empêcher toute velléité de
rassemblement. Voilà la conception que le pouvoir a de la « levée de
l’état d’urgence », qui devrait au contraire d’abord signifier liberté de
manifester, de se réunir, de s’organiser !
D’ailleurs,
« la levée » de l’état d’urgence, mesure emblématique, a été suivie
par l’adoption de plusieurs lois visant à exercer un contrôle accru sur
l’ensemble de la société. Le président de la République conserve le pouvoir sur
le système judiciaire, il nomme le président
du conseil constitutionnel, préside le conseil supérieur de la magistrature,
désigne les magistrats et peut user de sanctions disciplinaires à leur encontre. Le ministre de la Justice peut
suspendre un magistrat quand bon lui semble. La Charte pour la paix et la
réconciliation nationale, qui prône l’oubli
et consacre donc l’impunité, est toujours en vigueur.
Parmi
ces lois, celle relative au régime électoral, adoptée quelques semaines avant
les élections législatives de mai 2012, ne modifie en rien les conditions de
déroulement des élections et laisse toute possibilité au pouvoir de falsifier
les résultats par le biais, en particulier, d’un fichier électoral
truqué : ainsi, le ministre de l’intérieur annonçait tout à trac l’ajout
de 4 millions de nouveaux électeurs sur le fichier électoral… Même la
Commission électorale de surveillance des élections législatives condamna
publiquement, par exemple, « l’injection de 33 000 nouveaux
électeurs, des militaires, au fichier électoral de la wilaya de Tindouf »…
Inutile
d’aller plus loin dans l’examen de ces lois. Que constate-t-on dans la
réalité ? Répression contre les militants syndicalistes, bastonnages, arrestation de dirigeants (récemment celle du
coordinateur du Comité des chômeurs Tahar Belabass),
obstacles administratifs mis à la création d’organisations et de partis,
répression contre les familles de Disparus (récemment, alors que Hollande se
promenait en compagnie de Bouteflika dans les rues d’Alger), etc. La réalité,
c’est la répression policière et la dictature qui continuent d’étouffer les
libertés démocratiques. La réalité, c’est que Louisa Hanoune et le PT
soutiennent les « réformes politiques » « contradictoires »
de Bouteflika.
Les élections législatives
de mai 2012 : le défi impuissant des masses
Selon
les chiffres du ministère de l’intérieur, sur les 21 664 348
inscrits, il y aurait eu, lors des dernières élections législatives de mai
2012, 9 339 026 votants, dont 1 704 047 bulletins nuls
(18,25% des votants, près de 8% des inscrits !) Même avec ces chiffres,
truqués de l’avis de tous, si on enlève les bulletins nuls, on arrive
péniblement à 35% de votants pour les partis qui se présentaient. Parmi eux, le
FLN et le RND (Rassemblement national démocratique), membres de « l’alliance
présidentielle », obtiennent respectivement 14,18% et 5,61% des
votants ; l’Alliance de l’Algérie verte (AAV), une confédération qui
regroupe notamment le MSP, membre de l’alliance présidentielle, 5,09% ; le
Parti des travailleurs, membre de l’Entente internationale des travailleurs et
des peuples à laquelle appartient le POI de France, 3,04% ; le FFS (Front
des forces socialistes), membre de l’Internationale socialiste, qui avait
« boycotté » les élections précédentes, 2,02%. Inutile d’aller plus loin :
suivent une pléthore de petits partis, dont 17 nouvellement agréés par le
ministère de l’intérieur…
Deuxième
acte de la mascarade, le Conseil constitutionnel a distribué, à la suite de ces
élections, les postes des 462 députés (contre 389 dans la précédente assemblée)
qui composent l’Assemblée nationale populaire entre 27 partis politiques et
députés indépendants. Parmi eux : FLN : 221 ; RND :
70 ; AAV : 47 ; FFS : 21 ; PT : 17… Mais après
examen des « recours » par ledit Conseil constitutionnel, cinq partis
ont vu leur nombre de sièges augmenter, le FLN en perdant 13. Le PT en a gagné
7 (à Chlef, Blida, Guelma, Mostaganem…), le FFS 6 (Bouira, Constantine, Bordj Bou Arreridj, Boumerdès), l’AAV 3 (Tebessa,
Djelfa…), et le Mouvement populaire algérien (MPA) et le Front pour la justice
et le développement 1 chacun. Il a tout de même une justice ! Le FLN se
retrouve désormais avec 208 et le RND en compte 68. Ils conservent à eux deux
une majorité absolue confortable pour couvrir totalement la politique du pouvoir
et préparer les « élections » présidentielles de 2014. Il faut noter
que le Conseil constitutionnel a rejeté 107 recours selon lui non fondées ou
non argumentées.
Par
leur vote blanc et leur abstention, à défaut d’autres moyens dont elles ne
disposent pas, à commencer par un véritable parti ouvrier, les masses rejettent
ce pouvoir et les partis qui le soutiennent et le cautionnent. Ce rejet prend
d’ailleurs des allures de défi impuissant quand on sait tout le battage mené
pour que la participation fût « massive ». Au contraire de ce qui fut
dit, l’abstention a été aussi importante qu’en 2007, alors qu’elle atteignait
près de 60% (plus de 80% en Kabylie). Cela signifie que la jeunesse et la
classe ouvrière algériennes n’ont à aucun instant imaginé que ces élections
pouvaient changer quoi que ce soit à leur existence, contrairement à ce que lui
chantaient toutes les sirènes de la « démocratie véritable »,
le pouvoir ayant quant à lui tout intérêt à laisser croire qu’il y avait plus
de votants qu’en 2007 pour donner l’illusion qu’il parvenait bon an mal an à se
faire admettre après les prétendues « réformes politiques ».
Quand le Parti des
travailleurs veut faire croire que les élections législatives pouvaient
changer le régime
Malgré
cela, quelques jours avant les élections législatives, Louisa Hanoune et le PT
souhaitaient que le scrutin constitue un « tournant positif »,
le début d’une « ère nouvelle de démocratie véritable ». La
présidente du PT, formée à l’école du POI et de Gluckstein, allait jusqu’à
déclarer : « Pour nous c’est un rendez-vous avec notre destin (pas moins… ndlr). Notre espoir est qu’il
y ait un tournant positif (et) que le peuple algérien inscrive sa volonté pour
amorcer une ère nouvelle de démocratie véritable et de progrès ».
Celle qui
avait engagé toutes ses forces pour une participation massive, qui « immunisera
le pays contre l’ingérence étrangère » disait-elle, celle qui
proclamait quelques jours avant les élections que celles-ci « diffèrent
de toutes les précédentes » (propos rapportés par Algérie Presse service le
4 mai 2012), non sans reconnaître ensuite que « l’administration »
« n’a pas été impartiale dans toutes les wilayas » (sic), en
est pour ses frais. Le PT recueille à peine plus de 20 sièges (une fois le
nombre de ses députés revu à la hausse) que le pouvoir lui octroie, à comparer
avec les « 80 sièges au minimum » que Louisa Hanoune avait
publiquement espérés pour le PT…
Oui,
Louisa Hanoune déclare : « L’administration a violé la loi
électorale et le dispositif de surveillance » (L’Expression, le 12 mai).
Mais elle oublie de dire à qui « l’administration »
obéit. Pourquoi ne pas désigner le pouvoir qui a commandité ces trucages alors
qu’elle ajoute « on s’attendait à la fraude électorale, mais pas à ce
point » ? Ne rien dire, ne rien faire qui menace la « stabilité
politique » : « Le peuple est assez conscient pour faire
la part des choses dans la paix et la stabilité politique » (Louisa
Hanoune, dans L’Expression du 12 mai
2012).
Par la
suite, le PT a initié la formation de « comités populaires » dont le
rôle était de débattre puis de soumettre à la nouvelle Assemblée des
propositions pour la prochaine constitution ; ainsi, la révision de la
Constitution « se fera à travers l’implication du peuple dans les
comités populaires qui soumettront leurs propositions à l’Assemblée populaire
nationale (APN) » (Louisa Hanoune). Nul doute que les députés élus
très démocratiquement, nous l’avons vu, entendent une telle proposition…
Les
trucages aux élections législatives, prévisibles et sus de tous, montrent s’il
en était besoin que « l’ouverture », le « pluralisme », le
« quota des femmes », etc., n’étaient que poudre aux yeux.
« L’administration », c’est-à-dire l’appareil d’état lui-même structuré
par l’armée, avait pour mission de créer les conditions politiques pour faire
durer l’état des choses, c’est-à-dire les conditions politiques permettant
l’oppression et l’exploitation du peuple algérien au profit de la bourgeoisie
et d’une caste de spoliateurs. Dans une situation où la crise se rapproche
(voir plus haut), il lui faut à tout prix interdire l’irruption des masses sur
la scène politique. Le pouvoir doit disposer d’une « Assemblée nationale
populaire » à sa botte, ce qui était le cas de la précédente, installée en
2007, et de toutes celles qui ont existé auparavant.
Or
voici ce que dit La Tribune du 17 octobre 2012 de l’Assemblée
fraîchement installée : si la précédente assemblée était caractérisée « par
la médiocrité, l’aplatventrisme, l’absentéisme, le
nomadisme politique et le mélange entre la politique et le monde des affaires,
l’actuelle législature promet d’être effroyable, surtout si l’on se fie à la
manière avec laquelle les listes de candidatures à la députation ont été
confectionnées et aux résultats des législatives. Une confection de listes
caractérisée par l’achat des places sur les listes, la circulation de l’argent
sale, l’achat des consciences et la corruption. A peine entamée, elle connaît
déjà des scandales ».
La
responsabilité du PT est énorme car cette organisation a tenté de faire croire
que ces élections pouvaient changer quelque chose, plus, qu’elles seraient « décisives »
pour la « nation algérienne », qu’elles donneraient lieu à
l’avènement d’une « assemblée constituante », qu’à cette
occasion, le « peuple » choisirait « ses véritables
représentants ». En un mot, un sommet de démocratie ! Personne ne
pouvait y croire, et ceux qui voulaient le faire croire se faisaient les
auxiliaires d’un état policier, qui interdit, de fait, aux travailleurs, aux
jeunes, aux chômeurs de se doter d’organisations qui leur permettraient de
s’ouvrir une perspective politique autre que celle de misère et de chômage que
les défenseurs du capitalisme et autres profiteurs leur réservent.
Louisa
Hanoune se fait le relais de Bouteflika. Elle le seconde sur tout, laissant
croire que la nouvelle assemblée issue des élections aurait pu devenir une
« assemblée constituante », sous prétexte qu’elle réviserait la
constitution, qu’une ère nouvelle s’ouvrirait, que la population laborieuse pourrait
participer à l’élaboration d’une nouvelle constitution. Elle lui a prêté
main-forte pour faire voter, pour contribuer à donner un tant soit peu de
légitimité à un pouvoir qui n’en a aucune aux yeux des masses algériennes. Ce
faisant, elle le protége, lui et ceux qu’il représente, de la lutte de la
classe ouvrière et de la jeunesse.
Une
organisation révolutionnaire devait-elle
participer à de telles élections si elle en avait les moyens ? Oui,
en les utilisant comme une tribune si elle n’avait pas la possibilité de les
boycotter, c’est-à-dire d’en empêcher la tenue. A défaut d’avoir pu en empêcher
leur tenue, les masses se sont abstenues ou ont voté blanc contre le pouvoir,
le PT et consorts. Les travailleurs, les jeunes et les chômeurs, ne pouvaient pas,
ne voulaient pas être des acteurs de cette pseudo-assemblée nationale.
Jusqu’au
dernier jour avant de connaître les résultats, Louisa Hanoune expliquait :
« Le discours de Bouteflika (discours prononcé à Sétif le 8 mai,
quelques jours avant les élections, à la gloire du FLN et de l’armée, ndlr)
a eu des échos et a touché les femmes et même les jeunes » (rapporté
par Liberté du 12 mai), ajoutant que « les élections se
déroulent pour la première fois dans des conditions normales » (idem).
Elle complétait : « Les Algériens ne veulent pas d’une autre
dérive ; ils n’ont pas oublié ce qu’ils ont vécu et veulent donc garder la
spécificité algérienne. Les gens renouent avec l’exercice politique et il m’a
semblé qu’ils ont fait la décantation ».
Autrement
dit : accepter et faire accepter le statu quo, au profit du régime en
place. Voilà la fonction que le PT et Louisa Hanoune occupent maintenant depuis
des années. De nombreux travailleurs, jeunes, militants en sont conscients, et
dégoûtés et désemparés devant le fait qu’une organisation venant du trotskysme
et membre d’une internationale issue du trotskysme puisse apporter sa caution à
un pouvoir honni. Le combat de militants révolutionnaires, combattant pour la
construction d’un parti ouvrier révolutionnaire, devrait être pour le moins de
leur faire écho et d’indiquer les orientations politiques permettant d’ouvrir
une issue aux masses, contre le pouvoir, à commencer par travailler à la
construction d’un véritable parti ouvrier.
La politique du
« PT » : soutenir Bouteflika et son gouvernement coûte que
coûte…
quitte à renoncer à la « Constituante »
Avant
les élections législatives, la secrétaire générale du PT avait cru bon aussi de
préciser que « l’entrée de sa formation au gouvernement n’est nullement
prévue », que « le partage du pouvoir doit être basé sur les
résultats des élections législatives sans quoi il serait une infraction à la
démocratie » (un exemple d’honnêteté… qui signifie que la majorité
usurpée doit rester comme il se doit au FLN et au RND, partis présidentiels,
pour être conforme aux résultats des élections). Elle a cependant indiqué que
le PT était prêt « à former une union avec tout parti ou institution au
sein de l’Etat qui voudront défendre les acquis économiques et sociaux de la
Nation, rejette l’ingérence étrangère et est prêt à unifier les rangs en
respectant les positions des autres partis ». Elle a appelé en outre
le président de la République à intervenir pour « s’adresser au peuple
en lui donnant les garanties suffisantes et le rassurant qu’il décidera
lui-même quant à la Constitution et que le prochain gouvernement mettra fin à
la dualité des politiques » (La Tribune, 1er juin
2012).
A la
suite des élections législatives, Abdelmalek Sellal, ancien ministre de l’Intérieur et des collectivités
locales, de la Jeunesse et des sports, des Travaux publics ainsi que des
Transports, et, en 2004 et 2009, directeur de campagne de Bouteflika, est nommé
par ce dernier au poste de Premier ministre en remplacement d’Ahmed Ouyahia. L’homme et son gouvernement bénéficient
immédiatement des éloges de Louisa Hanoune, reconnaissant que le Premier
ministre Sellal est « connu pour avoir
soutenu le secteur public » et estimant que « cette fois-ci,
la composition du gouvernement n’a pas été imposée de l’extérieur, et ce
contrairement à celle de 1999 où il y avait la nomination de ministres dans des
secteurs stratégiques qui avaient servi plus l’intérêt des multinationales que
celui des sociétés nationales » (Le Matin, le 12 septembre
2012).
Plus
tard, Louisa Hanoune indiquait que le PT était prêt à soutenir le gouvernement « s’il
prenait une bonne direction vers la
consolidation de la souveraineté nationale et l’ouverture de nouvelles perspectives (...) car
l’Algérie, a-t-elle dit, est sujette aux
pressions impérialistes. » (El Moujahid, le 29 septembre
2012)
Par
ailleurs, pour faire suite aux « réformes » promises en avril 2012,
Bouteflika confiait à son nouveau Premier ministre le soin de consulter les
partis politiques, notamment sur le projet d’une prochaine Constitution, qui
devrait définir, entre autres : la nature du régime politique
(présidentiel ou parlementaire), un calendrier aboutissant à un référendum et
les « équilibres entre les différents pouvoirs ».
Parmi
les partis consultés figurait le PT. La presse rapporte qu’une délégation de ce
parti, emmenée par Louisa Hanoune, a pu avoir une réunion directement avec le
nouveau Premier ministre pour lui faire part de ses « propositions »
concernant la révision de la Constitution et les mandats présidentiels. « C’est
une question importante pour nous et sur laquelle nous avons discuté longuement
avec le Premier ministre », a déclaré Louisa Hanoune, ajoutant : « Le
Premier ministre nous a dit que la proposition qui sera faite quant à la nature
du régime politique est le système présidentiel, car selon lui les conditions
actuelles ne permettent pas un changement profond dans ce sens. Dès lors, nous
avons demandé de définir les prérogatives de chaque institution pour un
meilleur équilibre et pour que la chambre basse du Parlement puisse jouer son
rôle normalement » (Le Jour d’Algérie, le 15 décembre 2012).
Et
voilà pourquoi votre fille est muette ! « Dès lors », aux
oubliettes l’Assemblée constituante si chère à Louisa Hanoune ! « Il
n’y a qu’à voir les pays voisins, prévient-elle, l’Egypte et la Tunisie, qui
ont spolié la souveraineté populaire à travers des Assemblées constituantes. En
Algérie, le peuple a peur de la dérive si le pays s’engage dans la logique de
la constituante. Au PT nous prenons toujours compte de l’état d’esprit des
masses » (Le Jour d’Algérie précédemment cité). En fin de
compte, le « régime présidentiel », c’est-à-dire celui de Bouteflika
et de ceux qui l’ont fait parvenir au pouvoir, est le plus adapté à l’Algérie « parce
que tout simplement, le peuple a des revendications sociales et non
politiques » (idem). C’est un soutien ouvert, non seulement à
Bouteflika mais au régime qu’il défend ! Et en même temps, un profond
mépris pour les revendications démocratiques, dont celle de l’Assemblée nationale
souveraine.
Le PT
pouvait bien alors demander au Premier ministre d’introduire dans la future loi
fondamentale un article contre le « nomadisme politique » et la
langue amazighe…
Assemblée nationale
souveraine et assemblée constituante
Un premier article publié dans le CPS 24 ancienne
série expliquait :
« En
Algérie, le déroulement historique, les relations entre les classes font que
les tâches démocratiques et celles de la révolution socialiste sont
immédiatement et totalement imbriquées. C’est pourquoi y compris l’agitation
pour la constituante doit inclure les revendications propres au prolétariat et
le mot d’ordre pour un gouvernement ouvrier et paysan, pour le
socialisme ».
Cette
question était ensuite précisée dans le cadre d’un autre article publié dans le
numéro spécial de CPS supplément au n° 39 ancienne série, à propos de la
politique du PT en 1991. En voici une citation complète qui répond entièrement
aux questions actuelles.
« Dans
la lutte pour les libertés démocratiques lancer en Algérie le mot d’ordre «pour
une Assemblée Nationale Souveraine» est indispensable. Mais pourquoi ? En
raison de l’arriération politique d’un pays qui n’a jamais connu d’autre régime
politique que celui dicté par l’impérialisme français au temps de la colonisation
et, après l’indépendance politique, que celui totalitaire du FLN. Les masses en
même temps qu’elles aspirent aux libertés démocratiques élémentaires, aspirent
à avoir une représentation nationale souveraine qu’en l’état de leur expérience
politique elles n’imaginent que sous la forme d’une Assemblée Nationale élue au
suffrage universel.
« Parce
que cela correspond à l’expérience politique actuelle des masses, parce que ce
serait un bond politique en avant, il faut combattre pour une Assemblée
Nationale Souveraine. Mais il faut en même temps se garder de répandre et de
développer des illusions qui deviendraient des pièges. Au contraire il faut,
autant que possible, dissiper les illusions.
« Que
faudrait-il pour que cette Assemblée soit réellement Souveraine ? D’abord
et avant tout : que soit détruit le pouvoir totalitaire et tous les
organes étatiques de ce pouvoir : police, forces répressives de toutes
sortes, justice, administration, etc. à tous les niveaux ; que cet
appareil d’Etat soit remplacé par un autre issu du mouvement des masses et des
organismes qui surgiront de ce mouvement.
« Une
Assemblée Nationale Souveraine, surtout compte tenu des rapports politiques
existant actuellement en Algérie, ne satisferait pas les revendications
économiques, sociales et politiques des masses. Au mieux ce serait un lieu
d’affrontement entre les intérêts des différentes classes et couches sociales.
Il faut mettre en garde les masses : un régime démocratique parlementaire
bourgeois n’est pas viable en Algérie. Une Assemblée Nationale Souveraine ne
serait qu’une transition : soit vers le retour à une dictature totalitaire
(par exemple une République Islamique) ou vers la dictature du prolétariat. Le
cas peu probable où à cette Assemblée siégerait une majorité ouvrière et paysanne
favoriserait la constitution d’un Gouvernement Ouvrier et Paysan, pont vers la
dictature du prolétariat. Pour que se dégage une telle majorité encore faudrait‑il
qu’il existe un puissant Parti Ouvrier.
« CONSTITUANTE ?
« Et
pourquoi déclarer : “La souveraineté populaire c’est l’élection à une
Assemblée Constituante Souveraine, qui rédigera une nouvelle constitution...
etc“ (ndlr : citation d’une déclaration du
PT d’alors intitulée « Une seule voie : la Constituante
Souveraine » et publiée dans Tribune ouvrière, l’organe du PT) Les termes “Souveraineté populaire“ sèment la plus grande confusion en
ce qui concerne la question du pouvoir. Affirmer que cette Assemblée «rédigera
une constitution» c’est s’engager sur un terrain miné car c’est signifier que
les masses pourraient voir leurs revendications satisfaites à partir d’une
constitution issue d’une l’Assemblée Constituante Souveraine, constitution
devenant la loi pour tous (c’est pourquoi mieux vaut se limiter à Assemblée
Nationale Souveraine). La valeur du mot d’ordre d’Assemblée Nationale
Souveraine vient de ce qu’il peut être un moyen d’agitation pour mettre en
mouvement les masses. Il n’y a aucune raison de se lier par avance les mains en
exigeant que cette Assemblée soit constituante. »
Le « PT » :
encore plus loin dans le soutien au pouvoir
Après
les renoncements du PT, faut-il s’étonner d’entendre Louisa Hanoune - ouvrons
bien nos oreilles ! -, tisser l’éloge du colonel Chadli Bendjedid mort le 6 octobre 2012 dans un bel hôpital
militaire d’Alger à l’âge de 93 ans, reconnaissant en lui un des « bâtisseurs
de l’Algérie moderne (qui) incarnait la continuité et la pérennité de l’Etat
algérien » et qui a « assumé pleinement ses responsabilités
devant le peuple. C’est respectable pour un chef d’Etat. C’est ce qu’il a fait
après les tueries d’Octobre 88. Il ne s’est dérobé ni n’a fait comme tous les
responsables qui ont essuyé le couteau sur des subalternes. » (El Watan, le 8 octobre 2012).
Chadli,
dont le gouvernement a décrété l’état de siège en octobre 1988 et l’état
d’urgence juin 1992 ! Chadli, dont le gouvernement assassin faisait tirer
sur les jeunes en octobre 1988, provoquant des centaines de morts et qui
déclarait quelques jours après : « Il était de mon devoir en tant
que premier responsable de la nation de prendre, dans le cadre de mes
prérogatives constitutionnelles, les mesures nécessaires pour protéger cet Etat
et cette nation, quelles que soient les circonstances et les difficultés »
(cité dans CPS ancienne série n° 24 du 7 novembre 1988) !
Comment
les militants du PT, ceux du POI et de l’Entente internationale des
travailleurs peuvent-ils admettre de tels propos de la dirigeante du PT
algérien ?
Louisa
Hanoune continue :
« S’il
faille faire le procès de la période Chadli, il faudrait faire non le procès
d’un homme, mais celui de tout un système, le système du parti unique. »
(…) « C’était une période très trouble et les décisions se prenaient d’une
manière collégiale. Moi, personnellement, je ne crois pas que c’est Chadli,
seul, qui a pris la décision de promulguer un code de la famille obscurantiste.
Je ne crois pas que c’est lui qui a décidé de monter les hommes contre les
femmes, les islamistes contre les militants de gauche et les militants
démocrates. Je ne crois pas aussi qu’il porte lui seul la responsabilité de la
restructuration, la destruction des entreprises publiques. Je ne pense pas que
c’est lui qui a ordonné les arrestations, la répression des militants et
activistes politiques. Il y avait les services de l’Etat : cette situation
est inhérente à la nature même du système du parti unique. » (El Watan, le 8 octobre 2012).
Il
s’agit d’une défense en règle, sur tous les points, de celui qui, deux ans plus
tôt, rectifiait par anticipation le zèle de Louisa Hanoune : « je
suis celui qui a changé le système du socialisme au capitalisme »
(interview publiée dans le n°27 du The journal Sophia Asian
Studies et cité par Le Matin du 4 octobre
2010).
On
l’aura compris : le « socialisme » dont parle le
« réformateur » Chadli correspond aux nationalisations, au « secteur
public » comme dirait Louisa Hanoune ; depuis la période Chadli,
on assiste en effet à l’extension du domaine privé et au démantèlement
systématique des nationalisations. Sachant cela, il est d’autant plus comique
d’entendre la dirigeante du PT faire l’éloge de Chadli tout en précisant que « notre
parti (le PT, ndlr) craint que le texte (des « réformes
politiques », voir plus haut) soit exposé à l’APN. Et là il y a un
risque de perdre tous les acquis politiques et économiques du pays, à l’image
de l’article 1 de la Constitution qui consacre l’unité de la nation, l’article
17 qui garantit la propriété collective et l’article 13 qui assure le caractère
républicain de la nation. » (Le Jour d’Algérie, le 15 décembre
2012)
Plus :
faut-il s’étonner encore de voir Louisa Hanoune monter au créneau pour défendre
le général Khaled Nezzar, aujourd’hui à la retraite,
chef d’état-major de l’armée, ministre de la défense de 1990 à 1993, victime
selon elle aujourd’hui « d’un vaste complot destiné à ternir l’image de
marque de l’Algérie et discréditer son armée » (L’Expression,
le 02/09/2012), alors qu’il est en
réalité l’objet d’une enquête judiciaire à l’initiative des autorités suisses
et à la demande de deux victimes l’accusant de crimes de guerre !
Les élections locales de
novembre 2012 : une nouvelle fois, le PT confirme ses choix
Lors
des élections pour le renouvellement des assemblées locales de novembre 2012,
les électeurs devaient choisir leurs représentants dans les 1541 assemblées
populaires communales (APC) et dans les 48 assemblées populaires de wilayas
(APW). On ne peut que sourire quand on entend le ministre de l’intérieur et des
collectivités locales, Daho Ould Kablia,
déclarer, en annonçant les scores, que « les résultats étaient prévisibles »,
traduisons : conforme aux attentes du gouvernement…
Les
résultats officiels donnent une participation de 44,27%. Sans les détailler,
notons : le FLN arrive en tête, avec la majorité absolue dans 159 communes
et la majorité relative dans 832 communes, avec 685 sièges aux APW. Il est
suivi par le RND, membre de la majorité présidentielle, rappelons-le, et dirigé
par Ahmed Ouyahia, ex-Premier ministre (une dizaine
de fois Premier ministre depuis 1999…), qui a remporté la majorité absolue dans
132 communes et la majorité relative dans 215 communes, avec 487 sièges. En
troisième position, nous trouvons le MPA (Mouvement populaire algérien), un
parti nouvellement créé (et agréé) par l’actuel ministre de l’environnement,
Amara Benyounès, qui obtient 103 sièges. Puis
viennent notamment le FFS, avec 91 sièges, le Parti des travailleurs, 72
sièges, l’Alliance de l’Algérie verte (AAV), qui regroupe des partis
islamistes, avec 54 sièges, etc.
A la
suite de ces élections, lors d’une conférence de presse tenue à Alger au siège
du PT, Louisa Hanoune a noté que « l’administration (décidément !)
a été impliquée dans la fraude lors des élections municipales du 29 novembre
2012 » et que, « au vu des dépassements constatés lors des
élections législatives et municipales, une commission indépendante devrait être
installée pour organiser l’élection présidentielle de 2014 » (on
remarquera avec quelle diplomatie les mots sont choisis). Elle annonce, dans ce
but, que « le comité central du parti (du PT, ndlr) a chargé le
bureau politique de rédiger une lettre au président de la République avec pour
objectif la mobilisation des forces vives (sûrement indépendantes, ndlr)
de la nation et ce, pour contrecarrer les velléités néolibérales de quelques
responsables étatiques et pour sauvegarder les acquis pour la souveraineté
économique du pays ». En conséquence, elle lance « un appel
pour la création d’un front commun de résistance ».
Nous
reviendrons dans un prochain article sur l’évolution de la situation économique
en Algérie, notamment sur ses liens avec les pays impérialistes et le
développement du secteur privé. Mais à cette étape, constatons que le PT prend
encore une fois Bouteflika comme arbitre neutre, indépendant. En réalité, le
régime de Bouteflika est un régime bonapartiste, appuyé essentiellement sur le
FLN, et Bouteflika gouverne au compte d’une bourgeoisie nationale.
Bref,
constatons que ces « dépassements » de scores n’ont pas
empêché le PT de nouer des dizaines d’alliances avec le FLN et le RND pour la
gestion des APC et des APW à la suite des élections locales, malgré « l’interaction
de l’argent et de l’action politique que la plupart des partis politiques
adoptent en achetant les consciences et les voix des électeurs », des
pratiques « qui polluent le combat politique » (Algérie Presse
service, le 7 décembre 2012).
Louisa
Hanoune a déclaré aussi : « Les résultats sont faux ; ils ont
subi une falsification totale. Après les législatives du 10 mai dernier, c’est
le deuxième examen raté pour la nation » (Liberté, le 2
décembre 2012). Les responsables ? Des « cercles mafieux qui ont
exercé des contre-ordres opposés à l’orientation du président de la République
et du Premier ministre ». Et pour enfoncer le clou :
« c’est un véritable coup de poignard dans le dos du Président et du
Premier ministre ».
Bouteflika,
élu trois fois président, la troisième fois grâce à une révision
constitutionnelle (en 2008) votée par le PT (voir CPS 40), est blanchi. Il
serait utile ici de revenir, si la place ne manquait, sur les scores de ce
président élu trois et que certains voudrait voir se présenter une quatrième
fois en 2014. On serait alors peut-être étonné de constater que son
« administration » a encore une fois sévi…
Avec
une certaine suite dans les idées, Louisa Hanoune a comparé cette situation à
celle où furent donnés des « contre-ordres opposés (auparavant, en
2001), aux ordres donnés par l’État pour ne pas tirer en Kabylie. Et on a fini
par tirer ! » Un soutien sans faille, insistant : « Je
n’ai aucun doute sur Bouteflika, que je rencontre personnellement, à ce qu’il
soit complice dans la fraude. Ni même du Premier ministre, Sellal.
Jamais ! Lors de ces élections, ce sont les cercles mafieux qui ont dressé
l’armée contre le peuple ; ce sont eux qui ont donné des ordres aux militaires
pour voter pour ceux qui entretiennent leurs intérêts ».
Ainsi,
le PT soutient la thèse selon laquelle il y aurait des « contradictions majeures
au sein de l’État », que « le président Bouteflika n’a jamais
exprimé son appartenance partisane, mais il a parlé de son appartenance
politique, celle de défendre l’Algérie (souligné par nous)».
Selon elle, le FLN l’aurait désigné (président d’honneur, ndlr) sans son
approbation. En conséquence, Louisa Hanoune et le PT soutiennent
Bouteflika !
Lors de
la conférence de presse mentionnée plus haut, Louisa Hanoune a dû répondre à
une question concernant la position du PT au sujet d’un éventuel quatrième
mandat pour Bouteflika (à propos des prochaines élections présidentielles de
2014). Réponse : « la position du PT reste principielle :
nous sommes contre le principe de la limitation des mandats. Sinon, nous
revendiquons la révocabilité de tous les élus, un peu comme ça se fait au
Venezuela. Pour Bouteflika, il est le seul habilité à se prononcer s’il veut un
quatrième mandat ou pas ». Remarquons que Louisa Hanoune ne répond pas
à la question, ce qui signifie qu’elle est pour un quatrième mandat pour
Bouteflika.
Comme
le dit un des ministres (Amara Benyounès) : « Qu’on
le veuille ou non, le peuple algérien aime Bouteflika. C’est une réalité ».
Ce même ministre, lui plus réaliste, s’élève au contraire contre l’idée
consistant à « vouloir à tout prix créer des problèmes entre le
président et l’armée », ce
qui, à juste titre « est extrêmement dangereux pour le pays »
- disons plutôt pour l’état (propos transmis par Liberté du 2 décembre 2012). « La stabilité de
l’institution militaire est un impératif », ajoute-t-il, ce que ne
contredira pas Louisa Hanoune qui, comme on l’a vu plus haut, a volé au secours
du général Nezzar et a cru bon se recueillir sur la
dépouille de Chadli.
Le budget 2013 :
« gestion prudentielle des dépenses publiques »
C’est
dans cette situation que le budget 2013 fut élaboré, avec pour règle la « gestion
prudentielle des dépenses publiques », comme le reprend par exemple El Moujahid du 9 juillet 2012. La « prudence », signifiant en
l’occurrence l’approfondissement des attaques contre les conditions d’existence
des masses laborieuses. Fraternité !, l’organe du Parti des
travailleurs, repris par l’Entente internationale des travailleurs et des
peuples, le 14 décembre 2012, indique : « Alors que tous les
secteurs nécessitent des efforts budgétaires supplémentaires pour répondre aux
revendications de la population qui montent de tout le pays en termes d’emploi,
de santé, de logement… le budget prévu dans la loi de finances 2013 a connu une
réduction de plus de 10 % par rapport à la loi de finances 2012. Ainsi 17
secteurs ministériels, tous sensibles, à l’image de celui de l’Education
nationale, de la santé, de l’agriculture et des collectivités locales… ont vu
leurs budgets respectifs amoindris de 10 à 36 %. ».
En
conséquence, le groupe parlementaire du PT va voter contre le budget 2013, non
sans avoir tenté de l’amender (sur 47 amendements proposés, 33 ont été refusés
par le bureau de l’APN et les 14 autres discutés et rejetés par la commission
des finances). Cependant, et cela d’entrée, le communiqué du PT croit bon
préciser que : « D’emblée, le groupe parlementaire du Parti des
travailleurs note un décalage flagrant entre les intentions du gouvernement
annoncées dans son plan d’action et le contenu de la loi de finances
2013 » et ajoute plus loin que : « Le groupe
parlementaire du Parti des travailleurs affirme qu’en agissant ainsi, le Bureau
de l’APN (qui a rejeté les amendements) consacre la primauté de l’exécutif sur
le législatif. »
La
situation de la classe ouvrière et de la jeunesse algériennes est
catastrophique. Nul jour ne se passe sans émeutes ou soulèvement contre des
conditions de vie insupportables.
-
Officiellement, le taux de chômage est de 12% de la population active :
une fable de plus. Même selon le FMI, le chômage des jeunes (75 % de la
population a moins de 30 ans) dépasse 25%, mais il est bien plus important,
entre 30 et 40%, selon les experts. D’ailleurs, quelle meilleure preuve :
plus de 150 000 personnes quittent l’Algérie chaque année pour tenter leur
chance ailleurs. D’autres cherchent à partir à l’aide d’embarcations de fortune
au péril de leur vie.
- Un
Algérien sur trois vit en dessous du seuil de pauvreté (avec moins de 2 dollars
par jour selon les critères officiels), avec un pouvoir d’achat en constante
diminution.
- « Le
travail des enfants en Algérie, en dessous de l’âge légal, augmente d’une
manière flagrante (…) De nombreux enfants sont obligés de quitter
l’école pour rejoindre, précocement, le monde du travail. Ils offrent leurs
bras dans la rue pour se prendre en charge, mais surtout pour soutenir leurs
familles », selon Algeria Watch.
- Deux
millions et demi de personnes s’entassent dans des bidonvilles autour et
parfois au coeur des grandes villes (Alger, Skikda, Annaba, Bejaïa,
Constantine, Oran…) Des familles entières doivent se contenter d’appartements
minuscules et insalubres dans ce que l’on n’ose plus appeler des « cités ».
Pendant ce temps, les hauts fonctionnaires et les plus riches, jusqu’à l’épouse
du chef de cabinet du ministre du travail comme l’indique Le Matin, bénéficient des
logements « sociaux », tandis que des centaines de milliards sont
détournées, comme l’ont montré publiquement les scandales financiers qui
touchent les milieux dirigeants, jusqu’aux « hommes du Président ».
- Les
prix des produits alimentaires de première nécessité ne cessent d’augmenter
effaçant rapidement les maigres augmentations de salaires, le FMI recommandant
de « poursuivre les efforts pour améliorer la maîtrise et le ciblage
des dépenses y compris les salaires et les transferts sociaux ».
- Des
centaines de milliers de jeunes étudiants sont livrés au patronat par le biais
d’emplois précaires (dans le cadre du dispositif de préemploi)
et sans engagement de titularisation, et cela pour des salaires allant de
8 000 à 15 000 DA (80 à 150 euros mensuels) souvent payés en retard.
C’est
dans ces conditions que Hollande vient de se déplacer à Alger. Il était
accompagné d’une imposante délégation, ne comportant pas moins de neuf
ministres (Montebourg, Valls, Le Drian, Fabius…), une quarantaine de grands
patrons (France Télécom, Alstom qui vient de terminer le tramway d’Alger, Ratp,
Suez Environnement, Lafarge, etc), des intellectuels (comme B. Stora et B. Murat), Jean-Pierre Chevènement, Jean-Pierre
Raffarin, etc. : au total, plus de 200 personnes, toutes évidemment très
attachées au « devoir de mémoire » dont il a été tellement question…
et auquel Louisa Hanoune sacrifiait aussi en déclarant : « Sur le
terrain de l’apaisement, un pas vient d’être réalisé » (Le Figaro
du 20 décembre 2012).
On a pu
surtout mesurer, à cette occasion, la dépendance de l’Algérie à l’impérialisme,
qui soutient le gouvernement Bouteflika et qui veut en particulier s’en servir
en vue d’une intervention au Mali.
C’est
évidemment au compte de l’impérialisme français que ce voyage fut organisé,
après celui de Montebourg voilà quelques mois et ceux de Sarkozy et de Chirac
antérieurement. Pour ne prendre que cet aspect dans le cadre de cet article, en
2011, l’impérialisme français a réalisé 5,75 milliards d’euros d’exportations
vers l’Algérie (+ 9% par rapport à 2010), la France étant le premier
fournisseur de l’Algérie avec 15,12% de part de marché et une présence de plus
de 450 entreprises. Les investissements directs français en Algérie ont
atteint, en 2010, 1,9 milliard d’euros, soit 10% du total des investissements
étrangers, un chiffre en hausse de 26% comparé à celui de 2010 (supérieur aux
investissements français en Tunisie (7%) mais bien inférieur à ceux réalisés au
Maroc (71%)).
Pour la construction d’un
parti ouvrier
Partout
dans le pays, les masses, la jeunesse, clament leur ras-le-bol contre ce
système. Partout, elles cherchent à combattre l’état, le pouvoir, son armée, sa
police, sa « justice » qui le défendent. Les travailleurs, les jeunes
revendiquent :
·
Le droit à un travail décent, à un salaire décent, à un logement
décent, à une vie décente,
·
Le droit à la santé et à l’éducation,
·
Le droit de s’exprimer, de s’organiser, de manifester, de faire grève,
·
L’abrogation du code de la famille,
·
L’échelle mobile des salaires et des retraites qui garantisse leur
pouvoir d’achat, etc.
Mais
certains ont cru pouvoir expliquer l’absence de mouvement d’ampleur en Algérie,
surtout à la suite des mouvements révolutionnaires en Tunisie et en Égypte qui
ont conduit à la chute des dictatures de Ben Ali et de Moubarak (voir nos
précédents numéros de CPS), au fait que l’État algérien pouvait encore prévenir
les incendies des revendications à coup de dinars.
Les
émeutes et les manifestations de janvier et de février 2011 contre la flambée
des prix des denrées alimentaires n’ont pas eu de répercussions politiques, si
ce n’est la « levée de l’état d’urgence » dans les conditions qui ont
été précédemment analysées. Il demeure que l’on a dénombré plus de 10 000
mouvements sociaux en Algérie durant l’année 2012, mais « de courte
durée, de faible intensité et géographiquement limités », rapportent Les
Échos du 19 décembre 2012.
Ces
politologues ajoutent que ces mouvements « peuvent naître sous
n’importe quel prétexte : un match de football, la distribution de
logements, une panne d’électricité ou simplement le retrait d’un permis de
conduire ». Ce qui veut dire qu’un rien peut mettre le feu au poudre,
sans pour autant, à cette étape, prendre la dimension politique à laquelle on a
assisté en Tunisie ou en Égypte, c’est-à-dire dirigée contre l’État, en
unifiant l’ensemble du prolétariat et de la jeunesse.
Cette
impuissance du prolétariat algérien à engager le combat politique contre le
pouvoir est en grande partie la conséquence de la défaite et la démoralisation
qu’il a vécues à la suite du mouvement à caractère révolutionnaire d’octobre
1988 et de sa répression sanglante, et qu’il n’est pas encore parvenu à
surmonter, malgré une combativité extraordinaire (les nombreuses grèves et les
soulèvements du peuple kabyle notamment en sont le signe). Les 200 000
morts et plus que les masses ont subi durant la décennie 1990 pèsent sur leur
conscience, comme sur celle des intellectuels et des militants. L’état
policier, avec ses corps de répression, ses brigades anti-émeutes, ses unités
républicaines de sécurité, son corps judiciaire, procède au fichage systématique,
étouffe systématiquement tout mouvement, fût-il de simple protestation, de
toutes les couches de la population, ouvriers, retraités, chômeurs, étudiants,
médecins, avocats, villageois… L’un des
dirigeants de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme (LADDH)
faisait remarquer récemment que le nombre de policiers a été multiplié par 8 en
15 ans, de même que le nombre de gendarmes, certains d’entre eux attendant même
chez eux, tout en étant payés, que soient construites les structures qui
doivent les accueillir…
CPS 24
ancienne série indiquait en avril 1996 :
« Pourtant,
il ne faut pas le cacher : les masses agissent spontanément ; elles
n’ont ni orientation, ni programme, ni stratégie, ni organisation qui les
structurent. Il semble même que les intégristes n’aient joué aucun rôle dans
les grèves et le déclenchement du déferlement de la jeunesse. Tout au plus, ils
ont tenté de récupérer le mouvement tout en le freinant. Au drame du
mitraillage de la jeunesse se conjugue celui de l’absence d’organisation propre
au prolétariat, à la population laborieuse, à la paysannerie et à la jeunesse.
La leçon sanglante est évidente : il faut au prolétariat, à la
paysannerie, à la jeunesse d’Algérie un parti de classe, un parti ouvrier armé
du programme et de la stratégie de la révolution prolétarienne ».
Pour
devenir une classe pour soi, le prolétariat a besoin de constituer son parti
qui ne peut être décrété. Ce parti combattra pour les libertés démocratiques, y
compris pour l’élection d’une Assemblée nationale souveraine, ces
revendications étant intégrées à la lutte pour un gouvernement ouvrier et
paysan, pour le socialisme. Il faut ajouter : le mot d’ordre « États
unis socialistes du Maghreb » découle de ce combat et apparaît d’autant
plus comme une évidence après la mobilisation du prolétariat tunisien qui a
chassé la dictature. C’est sur cette orientation que nous appelons militants,
travailleurs et jeunes à s’organiser.
Le 6 janvier 2013
[ http://socialisme.free.fr
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93100 MONTREUIL ]