Article paru dans
le bulletin « Combattre pour le socialisme » n°48 (n°130 ancienne
série) - 20 octobre 2012 :
Appuyé
sur les contre-réformes de Sarkozy, le gouvernement Hollande‑Ayrault‑Duflot‑Pinel
engage une nouvelle offensive contre le temps de travail, les statuts, les
postes
La nécessité de
l’heure : imposer aux directions syndicales, en particulier celles de la
FSU et de ses syndicats, qu’elles rompent la concertation préparant la loi
d’orientation, qu’elles engagent un combat effectif contre le budget 2013.
Les
enseignants ont massivement voté pour Hollande,
pour les candidats présentés par le PS, le PCF et le PG
Les
sondages pré-électoraux annonçaient ce que chacun sait : les enseignants
se sont saisis du vote pour les candidats présentés par les partis ouvriers, à
commencer par le vote Hollande. L’institut IFOP annonçait en février, relayé
par Le Monde, que 79 % des
enseignants avaient l’intention de voter Hollande au deuxième tour, et le
sondeur indiquait : « Il n'y a pas d'autre catégorie
professionnelle où 8 électeurs sur 10 ont l'intention de voter pour un même
candidat au second tour. En 2007, les agriculteurs avaient opté à 70 % pour M.
Sarkozy, et c'était exceptionnel ». Faut-il
ajouter que le sondage ne traite pas des seuls enseignants du public ! Et
l’article du Monde ajoute comme
explication « un anti‑sarkozysme
virulent ». Que voulaient les enseignants ? Certes chasser Sarkozy,
mais aussi obtenir l’abrogation des mesures prises pendant cinq ans, mesures
qui ont représenté comme jamais des attaques contre l’enseignement public. La
liste est longue, « réforme Darcos » du primaire, SMA contre le droit
de grève, liquidation de la formation au nom de la mastérisation, suppressions
de postes, livret personnel de compétence dans le premier degré et au collège,
contre-réforme des lycées, mais aussi, durant la dernière année scolaire, le
décret sur l’évaluation, que le gouvernement in fine fait publier au lendemain matin de l’élection, 7
mai, comme une dernière provocation.
La
volonté des enseignants d’en finir avec Sarkozy était telle qu’elle a fini par
se traduire de façon déformée jusqu’aux appareils syndicaux qui voulaient
pourtant tenir sur leur ligne factice « d’indépendance », en ne
donnant aucune consigne de vote, et en réalité en ménageant le candidat
Sarkozy. Le moment le plus caractéristique fut le congrès du Snes, qui se
déroulait à Reims, des 2 au 6 avril, quelques jours avant l’élection. Le
courant Front Unique, présent par l’intermédiaire d’un délégué, a déposé une
motion appelant le congrès à se prononcer pour chasser Sarkozy et en
conséquence à appeler à voter pour les candidats représentant les partis issus
du mouvement ouvrier. Cette motion a obtenu deux voix. Alors que toute
référence à une prise de position dans l’élection était balayée à l’appel de la
direction du Snes, Daniel Robin, co-secrétaire général, provoquait la surprise
de certains délégués, en déclarant lors de son discours de clôture qu’il
fallait tout faire pour battre Sarkozy. La pression ne venait certes pas de la
salle, mais bien des écoles et des salles des profs ! La direction de la
FSU a fini par adopter une version édulcorée de cette formulation, sans appel
clair à voter, le lendemain du premier tour, le 23 avril. Cette position
permettait d’éviter la question du vote de classe en ne formulant pas un clair
appel à voter de la part du syndicat, et ouvrait la voie à de cordiales
discussions avec le prochain gouvernement, en particulier un gouvernement bourgeois
de coalition du PS avec différents représentants de la bourgeoisie (radicaux,
verts).
Mais
le gouvernement Hollande-Ayrault-Duflot-Pinel maintient l’essentiel des mesures
de Sarkozy
Immédiatement
formé, le gouvernement bourgeois dirigé par Hollande, flattait les dirigeants
syndicaux, tout particulièrement ceux de l’enseignement, qui se montrèrent
sensibles à la mise en scène, notamment le discours hommage à Jules Ferry –
celui-là même qui justifiait une politique coloniale par le devoir des races supérieures
à civiliser les races inférieures en 1885. Pour l’essentiel, ce gouvernement,
conformément à sa nature, cherche à maintenir l’essentiel des contre-réformes
de la période précédente, notamment dans l’enseignement. La préparation du
collectif budgétaire est la caricature de cette politique ! Saluant
l’annonce de 1 000 postes dans le primaire et de 100 dans le secondaire, ainsi
qu’une foule d’emplois précaires, les directions syndicales se satisfaisaient
en réalité du maintien de 13 500 suppressions de postes à la rentrée 2012.
C’est ce qu’on appelle un « changement de ton » dans les coupoles
syndicales. Les conditions des stagiaires sont maintenues elles aussi, au mieux
aménagées, et seul le décret évaluation, véritable casus belli pour les enseignants, est abrogé, mais contre la
promesse d’engager une discussion pour permettre d’en écrire un nouveau, plutôt
que de garder l’ancienne situation. Les conditions de la rentrée 2012 sont donc
en réalité inchangées. Ce qui se traduit concrètement par l’impossibilité de
mettre des enseignants devant toutes les classes, notamment en
Seine-Saint-Denis.
D’ailleurs,
le « changement de ton », le « retour » du dialogue social,
qui n’avait été suspendu que quelques semaines à propos du seul projet de
décret sur l’évaluation, fait que les directions syndicales s’engagent dans la
course à la participation. La direction de la FSU s’adresse le 16 mai à
Hollande, le 18 à Peillon, le 24 à Lebranchu (ministre de la Fonction
publique), le 25 à nouveau à Peillon. Qu’ont en commun ces lettres
ouvertes ? Elles montrent toutes la volonté de la FSU de s’engager dans la
concertation, le dialogue social. De son côté, le gouvernement, gouvernement
bourgeois structuré autour du PS, a besoin plus encore que d’autres, du soutien
des directions syndicales pour préparer la mise en œuvre de sa politique et
tenter de museler le prolétariat. De plus, le gouvernement a prévu dès le mois
de juillet d’ouvrir de vastes chantiers de concertation, auxquels la FSU s’est
associée, à une place secondaire dans la « grande conférence
sociale » mais au premier rang dans la concertation sur la
« refondation » de l’école, préparant une loi d’orientation et de
programmation.
La
concertation sur la « refondation de l’école » sert à préparer de
nouvelles attaques contre l’enseignement et ses personnels qui seront contenues
dans la loi d’orientation…
Pourquoi
parler de « refondation » ? Parce que l’enseignement public,
attaqué comme jamais depuis 5 ans, mériterait une table rase et l’abrogation
des contre-réformes de l’ère sarkozyste ? Ce n’est pas du tout le but de
cette concertation. En effet, le rapport rendu par la commission le confirme,
il s’agit purement et simplement de la compilation des précédents rapports, et
aucune des grandes contre-réformes n’est remise en question, au nom du
consensus.
Certes
Le Sgen-cfdt et l’Unsa ont utilisé cette tribune à
plein pour relayer le gouvernement. Mais la direction de la FSU, qui est
l’organisation syndicale déterminante dans le secteur, a fait aussi
allégeance ; dans sa déclaration au CSE du 5 juillet, elle annonçait la
couleur : « Pour la FSU il n’y
a pas de statu quo possible. Mais, il serait illusoire d’aller puiser pour
l’avenir dans les vieilles recettes du passé ou de croire au grand soir de
l’éducation comme si tout était à renier dans l’école actuelle. Il faudra donc
valoriser les réussites de notre système éducatif, corriger ses défauts en
redonnant confiance aux enseignants et aux personnels de l’éducation qui
doivent être réellement formés, reconnus, respectés et revalorisés. Ces
mutations profondes doivent se faire avec les personnels et l’ensemble de la
communauté éducative. En cela, la FSU participera activement à la concertation
qui s’ouvre aujourd’hui. »
Cette
concertation ne devait d’ailleurs pas sembler suffisamment approfondie aux
directions syndicales, tout particulièrement à celle du Snes qui a décidé
d’organiser des « Etats généraux du
second degré ». En dehors du caractère réactionnaire et récurrent de
l’emploi du terme « Etats généraux » - institution de la monarchie
absolue destinée à obtenir le consentement des « Ordres » à
l’augmentation des impôts -, le contenu que donne la direction du Snes à
l’opération est clair comme de l’eau de roche : chaque syndiqué, chaque
section dans les établissements est chargée de rédiger un « cahier
revendicatif » pour faire des « propositions » dans le cadre de
la préparation de la loi d’orientation. C’est faire porter ainsi au cœur du
syndicat l’orientation de collaboration de classe et faire le lit de ce que le gouvernement
prépare.
Le 5
octobre, une semaine après la fin officielle de la première période de
concertation, les rapporteurs rendent donc leur verdict : il annonce une
vaste offensive contre l’enseignement.
Un de
ses axes concerne les rythmes scolaires, et s’il ne fait qu’évoquer une année
scolaire de 38 semaines, il préconise de changer l’organisation des 36
semaines : il fait du retour de la semaine de quatre jours et demi une
mesure phare dans le primaire tout en réclamant l’abaissement des heures d’enseignement
dans la journée (5 heures en primaire, en 6e et 5e ;
6 heures en 4e et 3e) et en transférant l’encadrement des
élèves l’après-midi aux collectivités locales, plaçant l’EPS, les arts
plastiques et la musique sous la coupe des régions. Les CIO (Centres
d’information et d’orientation) le seraient aussi, malgré leur résistance à
cette mesure en 2003.
Au
lycée, tout en notant un « consensus » sur le maintien de la
« réforme des lycées », il propose une organisation qui permette de
réaliser 36 semaines de cours effectives, ce qui passerait par un bac en
contrôle continu, au moins pour un certain nombre de matières.
Mais le
rapport reprend aussi d’autres « idées » formulées durant l’époque
précédente. Ainsi, il entend limiter le nombre d’enseignants en 6e
et 5e en imposant l’enseignement de champs larges,
« scientifiques » ou « littéraires », ce qui signifie
imposer la polyvalence aux enseignants du second degré, contre leur statut et
leur concours. Il s’agirait aussi de « globaliser » une partie des
services des enseignants dans le second degré pour en finir avec la
« rigidité » de la définition hebdomadaire des services, et il remet
sur le tapis l’évaluation des enseignants en cherchant à accorder plus de place
au chef d’établissement. Le rapport veut aussi supprimer le redoublement, jugé
trop coûteux, dans le primaire et au collège, et maintient le socle commun et
l’évaluation par compétences, tout en réclamant une notation positive. Il
réitère la volonté du gouvernement précédent de faire des directeurs d’école
des chefs d’établissement en les dotant d’un statut.
Les
grands axes sont donc clairs : au nom des rythmes scolaires, perte
d’heures de cours massives, dévalorisation du contenu de l’enseignement,
déqualification des diplômes et du bac en particulier. Pour les enseignants,
l’application de ce rapport signifie exploser les statuts, notamment les
décrets de 1950 dans le secondaire.
Le
rapport immédiatement connu, la FSU publie un communiqué intitulé :
« Maintenant, ouvrir les
négociations pour construire la loi », indiquant par là un accord de
fond sur le rapport et la disponibilité pour s’inscrire dans la co-élaboration
du projet de loi, ce que le communiqué exige sous cette forme : « Maintenant les travaux pratiques
doivent commencer ». De fait, le 9 octobre, Hollande, en présence des
dirigeants syndicaux peut annoncer les grands axes de sa politique :
retour à 4,5 jours en primaire, nouvelle contre-réforme de la formation des
enseignants (voir plus bas), notation qui doit plus « indiquer un niveau que sanctionner », intervention des régions
dans la définition de la carte de la formation pour les lycées professionnels,
tout en lançant une nouvelle phase de concertation. A contrario, il est de la
responsabilité des directions syndicales de dénoncer ce rapport et de refuser
de s’engager dans la deuxième phase de concertation que le gouvernement entend
organiser dans le courant du mois d’octobre afin de préparer la loi
d’orientation.
…
et celle des Assises nationales et territoriales de l’enseignement supérieur et
de la recherche
Tout
comme dans l’enseignement scolaire, le gouvernement projette de faire une
nouvelle loi-cadre pour l’enseignement supérieur et la recherche (ESR) et il a
convoqué pour cela les Assises nationales et territoriales. Dans son discours
de politique générale le 3 juillet 2012, Ayrault a donné le cap de cette
loi : faire de la recherche et de l’enseignement supérieur une des clés du
« redressement productif »,
« renforcer les liens entre
universités, grandes écoles, laboratoires de recherche et entreprises ».
Et pour que les choses soient claires, c’est V. Berger qui a été désigné
rapporteur général des Assises. Président de l’université Paris 7 Diderot, ce
dernier est aussi membre de l’« Institut de l’Entreprise », le think-thank des grands patrons du CAC40. Ceux-ci ont ainsi la
garantie que leurs exigences seront entendues puisque c’est lui qui tiendra la
plume des comptes-rendus de ces Assises.
Fioraso et ses conseillers, tous pro-LRU, l’ont répété
sur tous les tons, pas question de remettre en cause l’autonomie des universités. L’objectif de cette nouvelle loi serait
tout au plus de la « corriger » en lui insufflant plus de « collégialité », plus de « démocratie » dans la « gouvernance » des universités. Un discours qui flatte
les oreilles des directions syndicales qui en ont fait leur cheval de bataille.
Mais en guise de démocratie, la ministre vient d’annoncer que « dans la prochaine réforme de la loi LRU,
il faudra mettre un terme au non-droit de vote des personnalités extérieures
dans les CA des universités » (pour l'élection du président). Pécresse et
Sarkozy n’avaient pas osé aller aussi loin en donnant un tel pouvoir aux
patrons.
Une « note de synthèse après les auditions
de la consultation nationale » a été publiée fin septembre pour « stimuler la réflexion des assises
territoriales ».
Au-delà
des critiques de pure forme, clairement faites pour donner le change aux
syndicats auditionnés, la flopée d'agences de droit privé (ANR, AERES, FCS,
Alliances…), imaginées par les précédents gouvernements pour briser le
caractère public des universités et des statuts, pour vider les organismes de
recherche, comme le CNRS, de toute leur substance, voient leur rôle légitimé et
renforcé. Il en est ainsi de l’ANR, agence de moyens, véritable machine à
fabriquer des précaires dont le nombre a explosé notamment au CNRS, passant de
1 000 en 2005 à sa création à sept fois plus 7 ans plus tard. Pire, le
rédacteur de cette note de synthèse pose « la
question de la responsabilité » des « auteurs des projets » dans le développement de cette
précarité. Il les appelle même « à un examen de conscience »
alors qu’ils ne sont autres que les chercheurs et les enseignants-chercheurs
qui n’ont plus d’autres moyens pour travailler que de répondre à ces appels d’offres
! Quant à l’évaluation, aujourd’hui assurée par l’AERES sur les critères dits d’excellence (contrats, brevets,
encadrement de post-docs, lien avec l’industrie, bibliométrie, etc.), elle
devra servir « aux décideurs » pour allouer les dotations aux universités
et aux laboratoires. Plus de dotations récurrentes, comme le dit Aghion,
artisan de la politique d’excellence de Sarkozy et désormais conseiller de la
Ministre Fioraso : « La
concurrence pousse à l’Excellence ! »
L’objectif
visé est de renforcer la politique de « site » : « Les critiques, parfois vives, à
l’encontre des IDEX, ne remettent pas en cause la nécessité de construire des
politiques de site. » Le caractère national des diplômes est
directement remis en cause : « Un
travail est nécessaire pour trouver le point d’équilibre entre la définition
nationale des diplômes (…) et la souplesse de ce même cadre, qui laisse la
place à des innovations pédagogiques de site. Ces innovations sont les
bienvenues en fonction de l’environnement régional ». Comprendre :
en fonction des intérêts du patronat.
Quant
aux conditions d’études : la note affirme « le besoin de sensibiliser les étudiants tout au long de leur
formation à la culture entrepreneuriale. » Celle-ci, chacun le sait,
passe surtout par le développement de stages qui servent de vivier de
main-d’œuvre à bon marché. Quant à « l’amphithéâtre,
le lieu traditionnel d’une transmission d’un savoir du professeur vers
l’étudiant, (il) semble, pour
certains, appartenir au passé. » A l’inverse, à l’heure actuelle où « le savoir est immédiatement accessible partout, l’essentiel ne
consiste pas à transmettre un savoir livresque, mais à permettre aux étudiants
de se repérer dans l’espace virtuel de la connaissance ».
Et sur
la question épineuse des droits d’inscription, le rapporteur avance ses
billes : « Certains acteurs
prônent les systèmes de type PARC, où seulement les étudiants ayant des
salaires assez élevés remboursent a posteriori des frais d’inscription à
travers leurs impôts, remboursement très étalé dans le temps. Les Assises
territoriales sont invitées à s’exprimer sur ces solutions de
financement. ». C’est avec ces discours sur la pseudo- « justice
sociale » que les frais d’inscription ont été généralisés en
Grande-Bretagne par le gouvernement de Blair il y a une dizaine d’années.
La
conclusion s’impose : ces Assises sont faites pour préparer une nouvelle
loi-cadre qui vise non seulement à maintenir les contre-réformes de Sarkozy
mais aussi à aller encore plus loin vers la privatisation des universités, la
concurrence, la liquidation des organismes de recherche, brisant le cadre
national des statuts et des diplômes. Malgré cette évidence, les directions
syndicales martèlent leur discours de soutien aux Assises comme dans ce
communiqué intersyndical du 21 septembre : « Les organisations signataires appellent, les personnels et les
étudiants à s’exprimer sur toutes ces questions dans tous les sites de l’ESR –
(…). Elles les appellent à faire connaître leurs revendications. »
Dès sa
nomination, la ministre a multiplié les réunions pour « restaurer le dialogue et la confiance ». « La concertation est au cœur de notre
projet politique ». Effectivement, pour mettre en place une politique
tournant le dos aux aspirations qui se sont exprimées dans les votes de mai -
juin 2012, il lui faut manœuvrer, d’où la tenue de ces Assises. Cette manœuvre
est d’autant plus nécessaire dans ce secteur que le gouvernement Sarkozy s’est
affronté pendant des mois au mouvement le plus dur de tout son quinquennat
avec, au printemps 2009, la mobilisation des enseignants chercheurs contre le
décret modifiant leur statut, décret qui découlait directement de l’application
de la LRU.
Les
emplois d’avenir : contre la jeunesse et le statut d’enseignant
Le 9
octobre, Hollande présentait à nouveau comme une mesure phare les emplois
d’avenir professeurs qui seront recrutés : 6 000 dès l’année 2013,
18 000 au total. Ils ont été présentés comme du pré-recrutement. De quoi
s’agit-il ?
Des
étudiants en L2 seront recrutés sur critère « sociaux » par les chefs
d’établissements sur un « CDI de 36 mois », pour une rétribution de
900 euros au maximum, bourses comprises, et exerceraient des activités
pédagogiques, y compris en troisième année devant des classes comme moyen
d’enseignement. De plus, les « emplois d’avenir professeurs » sont
présentés comme un « pré-recrutement ». En réalité, il n’en est rien,
ce n’est qu’une nouvelle manière de faire entrer de la main-d’œuvre non
qualifiée, précaire au possible et sous payée en lieu et place d’enseignants
recrutés sur concours. Le pré-recrutement, lorsqu’il a existé et existe encore,
consiste à payer les étudiants pour leurs études et non à les placer devant des
classes ! Les écoles normales, les IPES, ou encore aujourd’hui l’école
normale supérieure, sont des statuts de pré-recrutement. Les MISE offraient des
conditions d’emplois nettement plus correctes, un salaire, et des garanties
quant aux fonctions. Ici, rien de tout cela.
Mais
les directions syndicales s’y opposent-elles ? Non, au nom de la lutte contre
le chômage, de l’urgence, au mieux émettent-elles une vague critique. Le
communiqué de la FSU à ce sujet est édifiant : « La FSU qui revendique notamment l’amélioration et l’extension du
Code du Travail et un vaste plan de formation des chômeurs considère comme
nécessaire vu la gravité de la situation de mettre en place des dispositifs
spécifiques pour les jeunes visant à une véritable insertion professionnelle
dans un emploi pérenne.
Dans le cadre des mesures d’urgence
annoncées, la FSU estime que le dispositif « emplois d’avenir » doit,
à la différence des « contrats aidés » antérieurs, répondre à un
objectif de formation et de qualification pour chaque jeune qui en bénéficiera
et déboucher sur un emploi en CDI. L’accompagnement des jeunes dans un tel dispositif,
la durée des contrats, leurs rémunérations et leurs droits, un contrôle de
l’utilisation de ces emplois doivent être assurés tout comme doit être prévue
une sortie du dispositif vers un emploi stable et de qualité. (…)
La FSU demande à ce que dans chaque secteur
concerné, une réelle concertation et un suivi régulier soient mis en place pour
assurer que ces dispositifs ne soient pas détournés vers des emplois précaires,
qu’ils ne viennent pas fragiliser des emplois « non aidés » existants
et ne conduisent pas à des effets d’aubaine. Elle sera solidaire de ces
salariés.».
C’est cette position qui a permis dès septembre l’adoption en urgence du
recours à cette main-d’œuvre corvéable et ultra-précaire.
Mensonges
sur les chiffres de postes et préparation d’un dispositif de recrutement
qui aggrave la situation des stagiaires
Dans
l’enseignement scolaire, la nature du budget (gel des salaires, coupes dans les
postes, transfert vers la fiscalité du salaire différé) est masquée par un
écran de fumée, le gouvernement s’engagerait à recruter 43 000 enseignants
en 2013. Le Monde, daté du 22/09,
annonce fièrement : « 2013, l’année où il faut devenir
enseignant ».
Peu
avare de mensonges, Le Monde avait
déjà annoncé 6 000 recrutements dans le secondaire pour la rentrée 2012, quand
en réalité 100 postes d’enseignants statutaires supplémentaires avaient été
accordés. Le journal du capital français annonce un deuxième concours,
recrutant 20 000 enseignants en plus des 22 000 déjà annoncés. Ces
derniers sont destinés à remplacer les départs en retraite. Quant aux
20 000 enseignants supplémentaires, ils feraient un stage dans les Écoles
supérieures du professorat et de l’éducation (ESPE) qui doivent être mises en
place à la rentrée 2013.
Ce
concours n’annule cependant en rien la mastérisation, le gouvernement le
faisant glisser au niveau M1, pour l’écrit, l’oral étant repoussé en fin de M2
qui viendrait clore l’année en ESPE : de fait, les
« stagiaires » ESPE ne sont pas réellement recrutés pendant leur année
de stage, ce sont des étudiants qui enseigneront pour un tiers de service tout
en devant préparer l’oral du concours et le M2. Et pour tout cela, ces
étudiants « enseignants » recevraient un demi-traitement ! Pour
la rentrée 2013, cela ne correspondrait donc qu’à 8 000 équivalents temps
plein, mais surtout cela correspond en fait à un changement de modalité de
l’organisation du concours et du stage, qui finalement se révèle pire que la
précédente mouture. Tout cela est noyé sous le tintamarre de la presse et des
protestations outragées de l’UMP, ou encore les satisfecit des organisations
syndicales.
Dans
l’enseignement supérieur et la Recherche (ESR), toutes les directions
syndicales poussent un ouf de soulagement, le budget pour 2013 ne sera pas pire
que celui de 2012 (qui, précisons-le, était lui-même en baisse par rapport à
2011). « Un budget stable en
valeur » qui semble « être
épargné par les coupes budgétaires » (SNESUP lettre flash 1/10/2012). Rappelons ce qu’écrivait il y a un an
le SNESUP : « Avec un budget de l’enseignement
supérieur dans le rouge, comment aurait-on pu imaginer qu’il puisse en être
autrement dans les établissements ? Suppressions de milliers d’heures
d’enseignement, licenciements de contractuels, gels d’emplois statutaires à la
chaîne…, il n’est pas une journée sans qu’un établissement annonce un nouveau
plan d’austérité (Pau, Bretagne Sud, Bordeaux 3…).» (SNESUP lettre flash
16/11/2011). Le BN du SNCS donne un
satisfecit au ministère : « on
peut considérer que le ministère a tiré notre épingle du jeu » (SNCS
hebdo du 28/09/2012).
Mais la
palme du soutien au gouvernement revient sans doute à la direction de l’UNEF
qui titre son communiqué du 28 septembre : « Budget 2013 : légère hausse pour le supérieur, maintenant il
faut mieux répartir les moyens ! ». Elle reprend ainsi sous forme de
slogan, les déclarations de G. Fioraso, la ministre de l’ESR, qui déclarait le
30 août (interview dans Médiapart) « On
ne peut pas dire qu’il n’y a pas d’argent dans l’université française. Qu’elles
soient en déficit ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’argent. Il y a des niches
d’efficience : elles peuvent mieux s’organiser, mutualiser des moyens, faire du
redéploiement. ». Dans la même interview, elle reconnaissait la
situation catastrophique dans laquelle l’action combinée de la LRU, de la RCE (Responsabilité Compétence Elargie qui
délègue aux universités l’intégralité de leur gestion, y compris celle du
personnel) et des budgets de misère du gouvernement Sarkozy-Pécresse ont
laissé les universités : la moitié d’entre elles n’ont plus de fonds de
roulement prudentiel (évalué à un mois), et le quart serait en déficit depuis
au moins deux ans !
Quant
aux mille créations d’emplois promis dans ce budget 2013, ils risquent fort de
rester virtuels. En effet, à l’image de ce qui se pratique déjà dans nombre
d’universités, le président de l’université Paris I vient d’écrire une lettre à
ses personnels en proposant que seuls « 20 postes d’enseignants-chercheurs sur les 50
postes vacants ou susceptibles de l’être à la rentrée 2013 soient publiés. (…).
Cette mesure globale de gestion prudentielle des emplois a pour objectif de
faire face à l’augmentation des coûts salariaux et de couvrir le risque de
non-compensation de l’accroissement de la masse salariale". Sachant
que Paris I fait partie de l’un des 8 IDEX sélectionnés pour devenir les
« grandes universités françaises de dimension internationale », que dire
de ce qui se passe dans les universités hors des périmètres dit
« d’excellence » ?
En lieu
et place d’un combat déterminé contre le budget, la FSU s’est ralliée au
concert sur le TSCG. La FSU, associée à la CGT, Solidaires et l’UNEF se
prononce donc contre la ratification du TSCG : « Le Traité continuerait et accentuerait la logique des indicateurs
absurdes hérités du Pacte de stabilité et de croissance de 1997 (limitation à
3% du déficit et 60% de la dette) sans tenir compte des cycles économiques et
de la crise actuelle. L’austérité n’est pas la solution face à la crise. (…) A
l’opposé de ce Traité, l’Europe a besoin d’une nouvelle politique économique et
sociale, créatrice d’emplois de qualité et favorisant le pouvoir d’achat. Une
Europe fondée sur la démocratie, les solidarités, la justice sociale et le
souci de la transition écologique. Aucun débat démocratique n’a eu lieu avec
les citoyens. Les organisations CGT, FSU, Solidaires, UNEF demandent aux
parlementaires de ne pas voter ce Traité. » Et pour faire bonne
mesure, la direction de la FSU appelle alors à la manifestation du 30
septembre, convoquée un dimanche, quand l’Assemblée nationale est fermée :
on en reste donc à la supplique aux parlementaires, au nom d’une bonne Union
européenne capitaliste. L’important n’est toutefois pas là… L’important, c’est
que le budget 2013, qui est la forme concrète de cette politique, passe sans
encombre, tandis qu’aucune action n’a été ne serait-ce évoquée sur la question
budgétaire, pour mieux accompagner la mystification sur la question des postes.
Empêcher
l’offensive du gouvernement contre l’enseignement et ses personnels
Face à
l’offensive préparée par le gouvernement Hollande-Ayrault-Duflot-Pinel, comment
les enseignants peuvent-ils organiser la défense de l’enseignement public et de
leur statut ? Engager le combat, c’est se saisir de leurs organisations et
d’abord de leurs organisations syndicales, tout particulièrement dans
l’enseignement : la FSU et ses syndicats.
Il est
nécessaire d’exiger des directions syndicales qu’elles organisent le combat
pour :
L’abrogation
des contre-réformes de la période de Sarkozy (liquidation de l’année de stage
de formation et mastérisation, contre-réforme des lycées, ECLAIR, Livret
personnel de compétence, socle commun, suppression du samedi matin, SMA, jour
de carence) ;
Le
rétablissement des postes supprimés et la création de postes nécessaires, alors
que l’enseignement français est celui qui a le plus faible taux d’encadrement
en Europe ;
Le
rattrapage de la baisse des salaires réels, qui font des enseignants français
ceux qui sont les moins payés des pays d’Europe occidentale, selon les rapports
de l’OCDE.
La
responsabilité première des directions syndicales de l’enseignement public, et
tout particulièrement celles de la FSU et de ses syndicats nationaux, c’est de
rejeter de manière claire et nette le rapport issu de la concertation sur la
loi d’orientation et de se prononcer pour le retrait du projet de loi à venir
si, comme c’est infiniment probable, il reprend tout ou partie de ses
propositions.
Il faut
exiger d’elles qu’elles boycottent la nouvelle
phase de la concertation préparant une loi d’orientation et de programmation
après la publication du rapport de la commission.
Il est
de la responsabilité des directions syndicales de mener et d’organiser le
combat contre le budget 2013 : il est encore possible d’exiger de la FSU
qu’elle s’adresse aux autres fédérations de fonctionnaires, et au-delà aux
confédérations, pour l’organisation d’une manifestation de masse à l’Assemblée
nationale sur le mot d’ordre : à bas le budget 2013, budget
anti-ouvrier !
C’est
le sens du combat des militants du Groupe pour le POR et l’IOR dans
l’enseignement que nous t’invitons à rejoindre.
Le 09 octobre 2012
[ http://socialisme.free.fr
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93100 MONTREUIL ]