Article paru dans le bulletin « Combattre pour le socialisme » n°45 (n°127 ancienne série) - 23 janvier 2012 :

Sarkozy lors de ses vœux a indiqué son objectif : détruire le statut des enseignants en commençant par la « réforme de l’évaluation »

Réforme de l’évaluation :

Le front unique des organisations syndicales pour le retrait du projet de décret impose au gouvernement de reporter son offensive

En imposant aux directions syndicales le refus clair et net de toute concertation sur ce projet et l’affrontement avec le gouvernement,
le corps enseignant peut infliger une défaite au gouvernement !

 

Le 15 novembre, les enseignants apprennent par le site du « Café pédagogique » que se prépare une attaque historique contre leurs statuts. Le gouvernement, ayant attendu la fin des élections professionnelles, lance une attaque contre le mode d’évaluation des enseignants et entend régler cette question avant la fin de l’année. Bien que ces élections professionnelles n’aient pas eu le résultat qu'il espérait, savoir un affaiblissement des organisations syndicales traditionnelles (en particulier le SNES dans le second degré), le gouvernement comptait sur le découragement du corps enseignant, après les défaites sur la réforme des lycées et la réforme des retraites, pour faire passer son projet. Mais les directions des organisations syndicales, devant l’ampleur de l’attaque et la réaction des enseignants, se sont vues contraintes d’appeler au retrait du projet, et ainsi ont déjà contraint le gouvernement à reporter son adoption.

Élections professionnelles : l’opération gouvernementale n’atteint que très partiellement son but

Pour la première fois cette année, le gouvernement mettait en place le vote électronique pour les élections professionnelles dans l’enseignement. Cette méthode a eu pour effet immédiat d’empêcher le contrôle du vote par les organisations syndicales dans les établissements, le vote se faisant désormais individuellement, par ordinateur. Par ailleurs, la plate-forme technique était de si mauvaise qualité qu’un grand nombre d’enseignants se sont vus privés de vote. L’opération était clairement dirigée contre la FSU et ses syndicats nationaux, qui constituent le cadre dont les enseignants cherchent à se saisir pour combattre les contre-réformes du gouvernement.

La direction de la FSU, qui n’a par ailleurs mené aucun combat contre la mise en place de ce système de vote, cède à la panique dans les derniers jours de scrutin. Menacée de voir ses résultats s’effondrer, elle inonde les syndiqués de mails pour les appeler à voter, elle intervient directement dans certains établissements où les votes ont lieu trop lentement à son goût. Il est vrai que ces élections ont un enjeu. Un affaiblissement du SNES notamment, dans le secondaire, serait une aubaine pour le gouvernement Sarkozy : il serait le signe d’une baisse du degré d’organisation du corps enseignant pour la défense de ses intérêts.

La situation des organisations syndicales dans l’enseignement est particulière : en 1947, lors de la scission CGT – FO, la FEN avait refusé de choisir entre ces deux organisations. Elle était restée unitaire dans l’optique de la réunification des deux confédérations syndicales. Ni la scission de la FEN en 1991, ni la multiplication des organisations dans l’enseignement, n’ont pu venir à bout de l’organisation traditionnelle des enseignants dans le secondaire : le SNES.

Ces élections professionnelles comportaient une autre nouveauté. Les enseignants étaient invités à élire directement des Comités Techniques, Académiques et Ministériels, organes non-paritaires et véritables organes de participation puisqu’ils sont chargés de faire collaborer les organisations syndicales à la mise en œuvre de la politique du gouvernement. Les directions syndicales, en particulier celles des syndicats de la FSU, ont totalement cautionné cette « nouveauté » et pour cause : elle procède des accords de Bercy, application à la Fonction Publique des nouvelles règles de « représentativité » signées par la FSU au prix d’un coup de force contre les statuts de la fédération !

Les résultats montrent les dégâts causés par le vote électronique mais aussi, dans une certaine mesure, par l’orientation des directions des organisations syndicales : dans le secondaire, par exemple, la participation passe de 62% aux CAPN en 2008 à 43% en 2011. Dans le primaire, elle diminue de 22%.

Dans le secondaire, si, en termes de pourcentage, le SNES reste à plus de 50%, il perd plus de 34 000 voix (passant de 98 000 à 64 000 voix). Les autres organisations souffrent aussi, le SGEN - CFDT perdant plus de 8000 voix, SUD et le SE-UNSA plus de 5000 voix. La seule organisation syndicale à gagner réellement en pourcentage est le SN FO LC qui voit son score augmenter de 1,5%, tout en ne perdant « que » 2000 voix.

En revanche, dans les lycées professionnels, le SNETAA - FO subit une véritable débâcle, perdant 46,6 % de ses voix (passant de 14 618 à 6 810 voix). Il paie ainsi son orientation de collaboration avec le gouvernement : le SNETAA - FO a accompagné ces dernières années toutes les contre-réformes du gouvernement dans les lycées professionnels, de la création du lycée des métiers à la destruction du BEP.

Mais une des leçons essentielles de ces élections est le fait que, de façon significative, les personnels de l’éducation nationale ont tenté de résister à la création des Comités techniques, à la participation des directions des organisations syndicales à la gestion des suppressions de postes. La participation au vote des CT est de 38% globalement, alors que pour les élections aux commissions paritaires, elle se situe entre 40 et 48%.

Le gouvernement n’a donc pu atteindre que très partiellement son but : affaiblir les organisations traditionnelles des enseignants.


Une offensive au cœur du statut

Le 15 novembre, une fuite rend public un projet de décret et d’arrêté du ministère de l’éducation nationale : celui-ci veut bouleverser le système de notation des enseignants.

Jusqu’à présent, ces derniers ont deux hiérarchies et deux notes : une note pédagogique, délivrée par un inspecteur, et une note administrative, délivrée par le chef d’établissement. Ces notes ont un impact sur la vitesse d’avancement dans la carrière, mais leur répartition (la note du chef d’établissement, annuelle, ne compte globalement que pour 40%) permet aux enseignants de résister aux pressions des chefs d’établissement cherchant à leur imposer des tâches hors statut.

Le nouveau système supprime la double notation et la remplace par un entretien tous les trois ans avec le chef d’établissement. Cet entretien est basé sur « la manière de servir de l’agent », qui doit accomplir un processus d’ « autoévaluation » dont il rend compte à son chef d’établissement. « Il s’agit notamment pour l’agent d’évaluer (…) sa capacité à faire progresser :

- « chaque élève », dont il est donc désormais rendu responsable,

- « sa pratique professionnelle dans l’action collective de l’école ou de l’établissement, en lien avec les parents d’élève et les partenaires », et enfin

- « la qualité du cadre de travail afin qu’il soit propice aux apprentissages et au partage des valeurs de la République ».

Par-delà cette bouillie idéologique, il s’agit bien de soumettre l’enseignant aux desiderata des « partenaires », qui peuvent être les patrons du bassin où est situé l’établissement, d’en faire un exécutant servile de toutes les contre-réformes. En échange de cette soumission, le chef d’établissement peut réduire de 3 ou 5 mois (ou bien décider de ne pas réduire) le temps de passage de l’agent à l’échelon supérieur. La méthode est bien entendu inspirée du mode de fonctionnement du privé.

Il s’agit là d’une attaque véritablement sans précédent. L’enseignant est désormais soumis au chef d’établissement, et doit, s’il veut avoir une progression de carrière normale, satisfaire à ses exigences, qu’elles soient dans le cadre ou non des statuts. Les rapports sociaux au sein des établissements sont eux aussi bouleversés, y compris en ce qui concerne la place des organisations syndicales.

Il s’agit aussi d’une attaque contre les salaires. Dans le premier projet, à partir du 1er janvier 2012, la progression de carrière a lieu pour tous au rythme le plus lent, et ce jusqu’en 2015, date de mise en place des premiers entretiens. Mais surtout, le rythme de progression de carrière est de toute façon ralenti par rapport à l’ancien système.

Après avoir négocié le projet de décret pendant des mois,
les directions syndicales sont amenées à se prononcer pour son retrait

Immédiatement, les directions des syndicats poussent des cris d’orfraie. Alors même que, on l’apprendra plus tard, ils ont négocié de bout en bout ce projet ! Le Ministère indique sur son site : « En juin 2011, l'ensemble des organisations syndicales ont été reçues par le Ministre (...) Sur les bases de cette consultation, une phase de concertation s'est ouverte à l'été. Après la période de silence induite par les élections professionnelles, une nouvelle phase de réunions bilatérales est en cours avec les organisations syndicales. Elle se poursuivra jusqu'à la fin de l'année. »

Mais après la  révélation du projet, les directions des syndicats ne peuvent rester silencieuses. D’abord, ce projet remet en cause y compris la place des syndicats dans l’enseignement. Mais surtout les enseignants ne peuvent que réagir très fortement à cette annonce.

Les organisations syndicales, SNES en tête, se voient donc contraintes d’appeler immédiatement au retrait des projets de décret et d’arrêté. Ce n’est pas rien : ni pour la réforme des lycées, ni même pour l’attaque sur la formation des enseignants, les directions du SNES et de la FSU n’avaient prononcé le mot de retrait. S’agissant de la réforme des lycées, elles ne s’étaient prononcées pour le retrait qu’alors même que la réforme était déjà en place. Quant à la réforme de la formation des maîtres, non seulement elles avaient refusé de se prononcer pour son retrait, mais encore elles avaient déclaré … que cette réforme allait dans le sens des revendications d’« élévation du niveau de qualification des enseignants ». Mais, cette fois, le morceau est trop gros. Par ailleurs, le combat mené par les directions pour obtenir ce retrait est très limité : elles appellent à une grève avec manifestations locales le… 15 décembre, soit un mois plus tard, et la veille des vacances scolaires.

Les militants du courant Front Unique dans le SNES et la FSU, à l’échelle de leurs moyens, ont alors commencé à combattre pour que les dirigeants des organisations syndicales appellent à une manifestation nationale au ministère et qu’elles ne se rendent pas au CTM qui doit alors se tenir le 20 décembre pour statuer sur le projet. Dans de nombreux établissements ont lieu des réunions syndicales, plus nombreuses qu’à l’ordinaire, qui adoptent des prises de position dans ce sens.

Mais le simple fait que les organisations syndicales, dans l’unité, appellent au retrait du projet aura suffi pour bouleverser le calendrier du gouvernement : celui-ci renonce à faire passer son projet en décembre, manœuvre en renonçant à faire avancer tous les enseignants à l’ancienneté d’ici 2015. Par un tour de passe-passe avec le SGEN –CFDT, le gouvernement ouvre un nouveau round de négociations.

Un projet nécessaire pour la bourgeoisie

Sarkozy l’a indiqué : le statut des enseignants sera un « débat central » de la présidentielle de 2012. La bourgeoisie française exige depuis longtemps qu’on en finisse avec le statut des enseignants. A peine élu en 2007, Sarkozy indiquait dans la lettre de mission de Darcos, son ministre de l'éducation entre 2007 et 2009 : "Nous souhaitons que le mérite soit reconnu, tant au niveau individuel que collectif. C'est possible tout en étant objectif. Il nous semble naturel que chaque enseignant puisse maîtriser, par son travail, l'évolution de sa carrière et de ses revenus en s'investissant comme il le souhaite dans son métier principal et dans des activités complémentaires. Les obligations de service des enseignants devront tenir compte de cette nouvelle liberté qui leur est offerte."

Le programme de l’UMP, dévoilé le 8 novembre, présente des propositions d’attaque contre le statut des enseignants. L’objectif avoué est d’en finir avec les décrets de 1950, qui définissent le temps de travail des enseignants : « Il faut réfléchir à un nouveau statut des enseignants qui permette d’intégrer dans les missions des enseignants non seulement les cours mais l’accompagnement : tutorat, orientation, concertation ».

Pour la bourgeoisie française, réduire le coût du travail des fonctionnaires est urgent. Il faut pouvoir diminuer les salaires, il faut pouvoir continuer à réduire le nombre de postes en imposant, en dépit du statut, une charge de travail maximale.

Le budget 2012 prévoit d’ores et déjà 14 000 suppressions de postes supplémentaires. Supprimer effectivement ces postes exige d’imposer aux enseignants un nombre d’heures supplémentaires bien plus important que ne le permet leur statut, ainsi que toute une série de tâches annexes. Mais attaquer frontalement les décrets de 50 est très difficile au gouvernement aujourd’hui. Il faut donc trouver un moyen de contourner l’obstacle.

Pochard, à qui le gouvernement avait confié il y a quelques années une mission pour la « réforme » l’indique : « Tant qu'on ne sortira pas d'une gestion de la carrière des enseignants soumise à un barème national, tant qu'on ne gérera pas les enseignants de manière plus individuelle, on n'avancera pas. »

C’est cela que la réforme de la notation doit permettre d’imposer.

C’est donc une partie de son programme que le gouvernement tente de mettre en place avant même les élections : il lui est nécessaire de frapper, le plus vite possible, sans attendre. La crise du capitalisme, la nécessité pour l’Etat de réduire la dette ne font qu’accélérer les choses.

Le PS aligné sur Sarkozy et l’UMP

Aux enseignants qui voudraient se tourner vers les organisations d’origine ouvrière pour qu’elles les soutiennent, le PS répond très vite, par la voix de Peillon, en dévoilant son programme pour l’éducation.

Peillon l’indique le 21 novembre dans le Monde. « Nous avons trois sujets primordiaux : la réussite de tous les élèves pendant la scolarité obligatoire, en particulier dans les zones qui relèvent de l’éducation prioritaire, le temps scolaire et le métier d’enseignant. »

En ce qui concerne le temps scolaire, il s’agit… de diminuer encore les horaires d’enseignement ! « Nous avons les heures-années souvent les plus lourdes pour les élèves. D'où des journées surchargées. Il faut de nouveau réformer. »

Le métier d’enseignant ? « Il faudra faire évoluer la définition du métier, de ses tâches, de ses obligations, des services (…) il s'agit de reconnaître les missions qui sont accomplies, missions nécessaires, mais aujourd'hui non reconnues - la grande majorité des enseignants effectue déjà de nombreuses heures de présence dans les établissements en dehors des heures de cours - et donc peu ordonnées, peu encouragées : il s'agit donc de faire évoluer le métier. » Le PS propose, comme l’UMP… la destruction des décrets de 50 !

Concertation sur le projet du gouvernement : les directions syndicales commencent par tergiverser…

Au cours des semaines qui suivent l’annonce du projet, les directions des organisations syndicales, en particulier le SNES, sont amenées à prendre des positions quasi inédites : elles collent de très près aux vraies revendications des enseignants.

Dans l’US n° 715 du 30 novembre, la direction du SNES indique : « Ne nous y trompons pas, il ne s’agit pas seulement d’une attaque de plus, mais bien de la mise en place d’une sorte de clef de voûte destinée à assurer la cohérence des réformes que nous combattons depuis 2007. (…) L’heure n’est pas à débattre des bienfaits ou dérives – que nous connaissons tous – de l’inspection, mais de refuser massivement que l’évaluation de notre activité professionnelle en ignore la réalité et ne vise qu’à un encadrement renforcé et une mise sous tutelle ». Elle montre ainsi l’importance de l’enjeu du projet du gouvernement, et la nécessité de défendre l’existant face à cette attaque.

De même, dans une lettre internet aux syndiqués datée du 3 décembre, alors que le SGEN CFDT vient d’annoncer avoir « obtenu » l’ouverture de négociations, la direction du SNES indique : « Contrairement au SGEN-CFDT qui se contente d’une promesse de discussions sur ces bases, le SNES considère qu’aucune négociation n’est possible sur la base d’un texte qui instaure le chef d’établissement comme seul évaluateur des enseignants et CPE et maintient sa demande de retrait préalable des textes proposés. » De même le texte de l’intersyndicale qui, la veille de la grève du 15 décembre, parle de « simulacre de négociation ».

Certes, la direction du SNES ne parle pas de rompre définitivement tout contact avec le gouvernement Sarkozy-Fillon. En réalité, la direction du SNES se tâte : elle voudrait sans doute pouvoir reprendre le fil des négociations, mais ne peut le faire dans l’état actuel des choses.

Elle se voit contrainte ici d’annoncer qu’elle ne peut à ce moment-là négocier sur la base du projet du gouvernement, elle fait de son retrait un préalable. En même temps, et pendant près de trois semaines, elle se garde bien d’annoncer qu’elle ne participera pas à la concertation. Quant aux dirigeants du SE-UNSA, leur position donne le tournis. Après avoir écrit le 18 décembre qu’« il n’y avait rien à négocier » et donc qu’ils n’iraient pas, ils annoncent le 30 décembre, suite au report d’un an de la rentrée en vigueur d’un décret Fonction Publique portant précisément sur l’évaluation par entretien triennal de tous les fonctionnaires… qu’ils sont demandeurs d’une négociation. Du côté de FO, silence radio sur la question de la participation à la concertation. Dans cette situation, les militants du courant Front Unique dans la FSU vont quant à eux, exiger des directions des syndicats qu’elles annoncent clairement qu’elles ne se rendront pas aux négociations. C’est ce que fait notamment la motion adoptée au Collège Les Ormeaux de Fontenay-aux-Roses :

« Les enseignants du collège Les Ormeaux à Fontenay-aux-Roses (92) réunis en heure d’Information syndicale le 6 décembre 2011 ont pris connaissance des projets de décret et d’arrêté réformant l’évaluation des enseignants.

Ces projets constituent une attaque majeure contre le statut et les salaires des enseignants. Ils ne contiennent rien qui soit à négocier.

C’est pourquoi ils s’adressent à tous les syndicats, et en premier lieu à la direction du SNES :

·        Retrait pur et simple du projet

·        Ne participez à aucune négociation avec le ministère »

(Adopté à l’unanimité des 25 présents).

 

La grève du 15 décembre sera suivie de manière diverse : peu dans le primaire, moins directement concerné (il n’y a pas de chefs d’établissement dans le primaire), en moyenne à près de 50% dans le secondaire, avec des grandes disparités selon les établissements. La date tardive, l’opération « ouverture de négociations » auront joué leur rôle. Mais nul n’est dupe en ce qui concerne le rejet, massif, du projet par la profession.

La lettre de Bernadette Groison, secrétaire générale de la FSU, et les « vœux » de Sarkozy

Le silence des dirigeants de la principale organisation des enseignants ne pouvait durer indéfiniment. D’autant que le gouvernement le pressait d’annoncer sa participation. Citons la réponse de Bernadette Groison à Théophile, directrice des ressources humaines au ministère :

Madame la Directrice,

Vous nous avez fait parvenir un courrier dans lequel vous nous « confirmez l’engagement de rencontres bilatérales » concernant les projets de textes sur l’évaluation des enseignants.

Vous connaissez nos propositions sur ce sujet, nous avons eu ces derniers mois l’occasion de vous les présenter. Vous connaissez aussi le rejet que suscitent vos propositions dans nos professions.

Les 70 000 signatures électroniques (sans compter les signatures « papier »), la grève du 15 décembre qui ne portait que sur cette seule question en témoignent.

Vous ne pouvez ignorer non plus que la place du chef d’établissement dans le second degré comme unique évaluateur, l’alignement des carrières par le bas dont la progression serait laissée aux seules mains du supérieur hiérarchique fonctionnel en dehors de toute transparence, mise en place notamment pour générer des économies, nous conduisent à demander le retrait du projet. Nous rappelons que nous sommes disponibles pour discuter des améliorations nécessaires concernant l’évaluation des enseignants, mais sur d’autres bases que celles qui sont imposées aujourd’hui, seul moyen d’une discussion plus sereine.

Pour notre part nous n’ignorons pas qu’en même temps que ces propositions de négociations nous parviennent, les déclarations du ministre et des plus hauts responsables du ministère vont dans le même sens : le refus de remettre en cause les deux points essentiels rappelés plus haut, faisant bien comprendre que ces points ne sont manifestement pas négociables.

Dans ces conditions et tant que le ministère gardera cette position, ces rencontres ou ces réunions nous paraissent totalement inutiles. »

On le voit. Bernadette Groison se garde bien d’annoncer une rupture totale et définitive avec le gouvernement. Fait remarquable d’ailleurs : le courrier de B. Groison a un caractère quasi clandestin, la direction du SNES par exemple ne l’a pas fait connaître à ce jour.

Elle n’en annonce pas moins qu’elle ne pourra participer à une concertation dont le cadre a été étroitement fixé – et rappelé par Sarkozy lors de ses « vœux » aux enseignants - : celui de l’adoption et de la mise en œuvre de la réforme de l’évaluation. Cela correspond à une situation dans la FSU où, jusqu’au niveau de la direction de certains syndicats nationaux, la question de la concertation pose problème. Il faut citer par exemple la position du SNETAP (Syndicat national de l’enseignement technique agricole public) qui non seulement, dans son secteur de responsabilité, a annoncé son intention de boycotter toutes les instances de concertation, mais encore – plus significatif –, a indiqué s’être adressé aux confédérations pour leur demander de boycotter le « sommet social » du 18 janvier. Position que s’est bien gardé de reprendre à son compte la direction de la FSU !

Rien n’est joué

Sarkozy ne laisse guère de place à la reprise du dialogue avec le gouvernement, sauf sur la base d’une capitulation complète des directions syndicales enseignantes, à laquelle, pour l’instant, elles ne sont pas prêtes. Dans ses vœux, il a annoncé la couleur : liquidation totale des décrets de 50, parachèvement de la destruction de l’enseignement professionnel public avec la mise en alternance de tous les candidats au CAP et au baccalauréat professionnel. La situation de la bourgeoisie française ne lui laisse guère le loisir, dans l’enseignement comme ailleurs, de différer l’offensive (voir éditorial).

L’issue n’est donc pas donnée d’avance. Tant que les directions syndicales du SNES, du SNUIPP maintiennent leur refus de se rendre à la concertation, le gouvernement est en grosse difficulté. Car quelle que soit leur envie, il est difficile aux autres (la CGT Education, les syndicats FO et peut-être même le SE) d’y aller.

Le SNES, le SNEP (Syndicat national de l’Education Physique), le SNUEP (Enseignement professionnel) annoncent par ailleurs une manifestation nationale le 31 janvier contre le projet gouvernemental. Nul ne peut dire au moment où nous écrivons si cette manifestation constituera ou non une initiative dont les enseignants pourront se saisir. Il faudrait pour cela que l’exigence du retrait pur et simple du projet de décret soit clairement formulée et ne soit pas noyée dans mille autres considérants. Il faudrait aussi qu’elle soit dirigée contre le pouvoir, en l’occurrence le ministère. Il faudrait que soit réalisé sur l’objectif de cette manifestation le même front unique des organisations qui se sont prononcés pour le retrait.

C’est en tout cas sur l’orientation de la rupture de toute concertation et de l’affrontement avec le gouvernement qu’il faut chercher à organiser les enseignants.  Avec la certitude qu’une défaite de celui-ci aurait des répercussions dans la lutte des classes, bien au-delà du seul corps enseignant.

 

Le 8 janvier 2012

 

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